Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 30 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 18 juin 1998
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, conformément à l'article 54 de la Loi sur l'accès à l'information, chapitre A-1 des lois révisées du Canada (1985), se réunit aujourd'hui à 11 heures pour approuver la nomination de l'honorable John Reid, c.p., à titre de commissaire à l'information.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Pendant que M. Reid se dirige vers la table, je tiens à souligner qu'il s'agit de la dernière journée du sénateur Gigantès à titre de membre du comité, à moins, bien entendu, que nous ne siégions demain. Le sénateur Gigantès a été nommé au comité en juin 1989. Il a été l'un des membres loyaux et fidèles du comité, et l'un de ceux dont je pouvais toujours compter sur la présence. La présence du sénateur Gigantès nous a été utile et bénéfique, et ses connaissances ont toujours constitué une source précieuse pour le comité. Il a été un membre fidèle et stimulant du comité, et j'ai toujours apprécié l'aide qu'il m'a apportée à titre de présidente. Sénateur Gigantès, je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Gigantès: J'ai eu le privilège d'offrir mes services à des sénateurs distingués des deux côtés. À mon avis, il s'agit du comité le plus attachant et le plus intéressant: les arguments reposent sur la véritable valeur d'un texte de loi, et non sur des points de vue partisans. Je regrette que le sénateur Beaudoin ne soit pas parmi nous; lui et moi, nous nous taquinions souvent, et j'y ai pris beaucoup de plaisir. J'ai eu le privilège de travailler sous la direction de présidents remarquables, notamment une dame que j'aime beaucoup, notre présidente actuelle. Merci.
La présidente: Merci. Nous avons devant nous l'honorable John Reid, c.p. Avant de commencer, il vaut peut-être mieux que je vous prévienne, M. Reid, que je laisse habituellement aux membres du comité une grande marge de manoeuvre en ce qui a trait aux questions. Ce matin, toutefois, le temps nous presse quelque peu. Je demande donc aux membres du comité d'être le plus brefs possible et de poser des questions concises plutôt que litigieuses.
M. Reid est titulaire d'un baccalauréat et d'une maîtrise de l'Université du Manitoba ainsi que d'un doctorat en histoire de l'Université de Toronto. Il préside actuellement la société John Reid Consulting. Il a d'illustres antécédents de conseiller principal en matière de politique. Il a été membre de la Commission électorale provisoire, président de l'Association nucléaire canadienne, directeur exécutif du Forum des jeunes Canadiens, comme le savent bon nombre de sénateurs ici présents.
On a proposé la candidature de M. Reid au poste de commissaire à l'information. Nous sommes ici aujourd'hui, monsieur, pour déterminer ce que nous pensons de vous. Voulez-vous chercher à nous convaincre? La parole est à vous.
L'honorable John M. Reid, c.p.: Madame la présidente, je pense que je vais vous donner un bref aperçu de mon engagement envers ce texte de loi particulier. Lorsque, en 1965, j'ai fait mon entrée au Parlement, j'avais le choix de briguer un poste de député ou de rédiger une thèse de doctorat. J'ai opté pour faire de la politique en premier. Je n'ai jamais rédigé de thèse de sorte que je n'ai pas obtenu de doctorat, mais j'ai beaucoup appris au sujet de la Loi sur l'accès à l'information.
Lorsque, en 1972, je suis devenu secrétaire parlementaire du président du Conseil privé, le gouvernement était minoritaire. Voilà qui posait d'énormes difficultés puisque, dans les années précédentes, un phénomène avait fait son apparition: l'information émanant du gouvernement était transmise non pas aux citoyens ordinaires, mais bien plutôt aux députés. À la Chambre des communes, il y avait trois techniques: on pouvait poser une question par voie écrite, on pouvait demander le dépôt de documents ou on pouvait poser une question marquée d'un astérisque.
À mon arrivée, le système était parfaitement chaotique, et on m'a confié le mandat de faire le ménage du mieux que je pouvais. J'ai rédigé les points de repère initiaux du système. Soit dit en passant, la plupart d'entre eux sont encore en vigueur aujourd'hui et figurent dans les modalités de la Loi sur l'accès à l'information. Par exemple, c'est moi qui ai suggéré l'adoption du délai d'exécution de 30 jours.
Jed Baldwin et moi nous sommes intéressés à cette question; la paternité de la Loi sur l'accès à l'information revient probablement à Jed Baldwin. Nous sommes parvenus à convaincre Mitchell Sharp, alors président du Conseil privé, que nous devrions effectuer une tournée de la Scandinavie. Les Scandinaves sont à l'origine de la notion d'ombudsman; c'est aussi eux qui avaient la réputation de permettre la circulation de l'information la plus libre qui fût. Par la suite, nous avons rédigé un rapport, rendu compte de nos conclusions à divers comités, particulièrement au Comité des textes réglementaires, et siégé à un comité spécial créé pour étudier la question.
À l'arrivée au pouvoir du gouvernement Clark, Walter Baker a proposé certaines dispositions législatives. En raison de la brièveté de l'administration, elles n'ont pas été adoptées; toutefois, le gouvernement suivant a repris les choses là où le précédent les avait laissées. Francis Fox est le ministre qui a piloté les dispositions législatives à la Chambre des communes, et j'ai siégé à tous les comités qui se sont penchés sur les dispositions législatives en question. À l'époque, M. Baldwin s'était retiré de la vie politique. Je m'intéressais depuis longtemps à ces dispositions législatives.
Le leader parlementaire conservateur à l'autre Chambre a proposé ma candidature. J'étais stupéfait, mais ravi de l'occasion qui m'étais donnée. Il est rare qu'on ait l'occasion de revenir et de diriger ce qu'on a amorcé. C'est inhabituel, et j'apprécierais qu'on m'en donne la possibilité.
Compte tenu des contraintes de temps, nous devrions probablement, madame la présidente, passer aux questions.
Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur Reid, je suis heureux que vous ayez mentionné Jed Baldwin. C'est très aimable à vous puisqu'on a oublié qu'il a travaillé d'arrache-pied pendant des années pour donner naissance à la Loi sur l'accès à l'information. Cette question a été sa principale priorité pendant de très nombreuses années. Je suis heureux que vous ayez mentionné son nom.
J'ai lu avec intérêt, comme je le fais toujours, le rapport du commissaire à l'information. Comme il est indépendant du gouvernement, un haut fonctionnaire du Parlement a peut-être le loisir de présenter des rapports quelque peu plus directs que bon nombre d'autres ministères, particulièrement les sous-ministres.
Ce que je veux, dans la mesure du possible, c'est obtenir l'assurance que vous partagez certaines des appréhensions soulevées par M. Grace dans son dernier rapport et que, avec un peu de chance, on pourra trouver des solutions. Il a toutefois affirmé que les commissaires à l'information devraient s'inquiéter lorsque les cercles influents les apprécient trop -- l'influence s'exerce de ce côté-ci, et non de l'autre.
Il affirme aussi que, en haut lieu, on a trop souvent le culte du secret, même après 15 années de vie sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information, et que de trop nombreux fonctionnaires s'accrochent à l'idée qu'il leur incombe de déterminer quand l'information devrait être communiquée aux profanes.
Avez-vous des convictions aussi fortes quant à la réticence des fonctionnaires à fournir de l'information de façon ouverte et directe? Inversement, êtes-vous d'accord avec lui pour dire qu'il arrive trop souvent qu'on communique des informations inutiles ou des informations secrètes qui, une fois rendues publiques, ne fournissent pas les indications recherchées?
M. Reid: Je pense que la propension à garder le secret fait partie de la nature humaine. Nous voulons tous cacher quelque chose à quelqu'un; il s'agit probablement d'une tendance humaine normale.
Cela dit, on doit modifier la culture de la fonction publique. On devrait récompenser ceux qui favorisent l'accès à l'information. Les parlementaires et le Cabinet ont beaucoup à faire pour indiquer clairement à la fonction publique que l'accès à l'information est une bonne chose.
Nous vivons une époque de mutation parce que, dans son rapport annuel, le commissaire à l'information souligne également que, avec l'arrivée de sang nouveau dans le système, l'idée de secret s'atténue de façon palpable.
Pour ce qui est des orientations, c'est au Conseil privé et au Conseil du Trésor qu'il incombe, du point de vue de la moralité et des valeurs, de donner le ton aux fonctionnements du secteur public -- particulièrement le Conseil du Trésor, relativement à la gestion du secteur public.
Le sénateur Lynch-Staunton: M. Grace s'est dit d'avis qu'il est impropre que le conseiller en éthique relève directement du premier ministre. Êtes-vous d'accord pour dire que le conseiller en éthique devrait relever du Parlement? Êtes-vous d'accord pour dire que les lignes directrices établies pour les ministres devraient non pas constituer une prérogative du premier ministre, mais au contraire être ouvertes. Ainsi, le public pourrait évaluer le comportement d'un ministre à la lumière de lignes directrices connues, plutôt que de laisser ce soin à une ou deux personnes seulement.
M. Reid: Dans mon souvenir, les lignes directrices, à l'époque où j'étais ministre, relevaient du domaine public. Le premier ministre a apporté une modification -- j'ignore laquelle -- en vertu de laquelle les lignes directrices relèvent du premier ministre. Si je me souviens bien, l'argument invoqué était que c'était à lui que revenait la responsabilité ultime. Sur le plan politique, je pense que l'adoption de ce point de vue lui a probablement porté préjudice. En pratique, j'aimerais que toutes ces questions soient traitées en surface, mises sur la table.
Le sénateur Lynch-Staunton: M. Grace et d'autres ont dit espérer que nous pourrons compter sur une Loi sur l'accès à l'information améliorée, plus rigoureuse et efficace que celle que nous avons aujourd'hui. Du côté du gouvernement, la volonté politique ne serait cependant pas bien grande. Exerceriez-vous des pressions pour faire naître une telle volonté politique, ou croyez-vous pouvoir vous en passer? Êtes-vous satisfait de la loi telle qu'elle existe aujourd'hui, ou devrait-elle être améliorée? Le cas échéant, quelles devraient être ces améliorations?
M. Reid: Lorsque je siégeais à l'autre endroit, j'avais de la loi la compréhension suivante: il a fallu environ 20 ans pour cerner le problème, cinq ou six années de plus pour trouver une solution, et encore cinq ans pour légiférer. Après l'entrée en vigueur des dispositions législatives, il a fallu dix ou douze ans pour déterminer ce qu'on avait fait, de sorte que, à mon avis, la loi doit être révisée. Je sais que le commissaire à l'information a déposé un rapport décennal contenant des recommandations.
Dans son rapport, M. Grace a fait état de toute une série de possibilités. Le commissaire à l'information, cependant, est un haut fonctionnaire du Parlement. Il s'agit d'un poste à caractère unique.
L'un de mes objectifs consisterait à obtenir que les dispositions législatives soient révisées avant la fin de la présente législature. De concert avec la Chambre des communes et le Sénat, j'aimerais participer à la production d'un rapport mettant des lignes directrices précises à la disposition du gouvernement.
En vertu des lignes directrices révisées, le gouvernement, comme vous le savez, doit, dans un délai de 40 jours, répondre sur le fond à un rapport déposé par un comité. Si, avec l'aide du bureau du commissaire à l'information, un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat pouvait travailler à ce dossier, on pourrait produire un rapport utile et substantiel dans un délai de six à huit mois. Voilà qui pourrait utilement inciter le gouvernement, la Chambre des communes et le Sénat à adopter de nouvelles dispositions législatives, compte tenu des modifications qui se sont produites et des problèmes posés par l'administration de la loi actuelle.
Le sénateur Corbin: Je vais éviter les principes généraux et me concentrer sur une utilisation précise dont on fait mention dans le rapport annuel. Le cas en question a trait aux langues officielles et aux langues tierces au Canada. En fait, il s'agit ici d'une traduction de l'inuit vers l'anglais. En fait, il s'agit de passage de documents disponibles en français, mais non traduits en anglais -- ce qui est inhabituel puisque c'est généralement le problème inverse qui se pose.
Quelle attitude adopterez-vous à l'égard de cas de cette nature? Nous avons déjà un commissaire aux langues officielles qui a pour mandat de veiller à ce que tous les aspects de la Loi sur les langues officielles concernant le gouvernement fédéral soient respectés.
Aujourd'hui, le commissaire à l'information se mêle de cette question. Au cas où vous vous demanderiez de quoi je parle, les points que je soulève figurent aux pages 53, 54 et 55 de la version anglaise du rapport. Dans la cause numéro 2, qui figure à la page 43 de la version anglaise, on semble n'attacher aucune importance au fait que la demande ait été présentée en anglais. Assurément, le ministère aurait dû se conformer -- du moins il me semble -- à la Loi sur les langues officielles. Si la demande est présentée en anglais, l'information devrait être fournie en anglais. On ne devrait pas avoir à indiquer dans quelle langue l'information devrait être fournie; à cet égard, la langue dans laquelle la demande est formulée suffit. Sans entrer plus avant dans les détails, j'aimerais avoir une idée de la façon dont vous aborderiez ces problèmes. Dans des affaires de cette nature, quelle serait la nature de vos relations avec le commissaire aux langues officielles? Ici, rien n'indique que votre prédécesseur, si je puis utiliser cette expression, ait communiqué avec le commissaire aux langues officielles. À mes yeux, il s'agit d'une question qui revêt une importance fondamentale.
De même, on devrait accorder une forme quelconque de reconnaissance officielle aux langues des peuples autochtones. Étant donné la région où vous avez grandi, vous avez peut-être certains penchants à cet égard. Auriez-vous l'obligeance de me faire part de vos vues à ce sujet.
La présidente: Monsieur Reid, je me permets simplement de vous dire que l'affaire en question figure à la page 44 de la version anglaise du rapport.
M. Reid: J'aimerais aborder cette question du point de vue des principes généraux parce que je crains de m'avancer avant d'avoir procédé à une analyse en profondeur de ce qu'il convient de faire. L'exercice a pour but de donner satisfaction au requérant, c'est-à-dire à la personne qui a présenté la demande. Si la présentation des documents dans les deux langues officielles lui donne satisfaction, l'affaire est close. Si la personne en question n'est pas satisfaite et qu'elle souhaite que les documents soient traduits dans une autre langue, on devrait prendre sa requête au sérieux; sinon, il ne s'agit pas d'une information utile.
Je suis conscient du dilemme parce que le gouvernement fédéral travaille de plus en plus en anglais et en français. Des documents rédigés tout en français ou tout en anglais se retrouvent dans des dossiers et ne sont pas traduits. Le phénomène est imputable à la capacité des fonctionnaires de travailler dans les deux langues.
Lorsque les documents en question font l'objet d'une demande et qu'aucune traduction n'est disponible, il me semble qu'on doit d'abord et avant tout s'interroger sur la satisfaction de la personne à l'origine de la demande. Si elle ne l'est pas, on doit se demander si l'information est traduite sous une autre forme légitime et sensée. Sinon -- et à condition que l'information soit vitale -- je crois qu'elle devrait être traduite.
Le sénateur Corbin: Le commissaire aux langues officielles en est venu à la conclusion que les documents n'avaient pas à être traduits en raison des coûts élevés qu'entraînerait la traduction. En fait, on laisse même entendre que c'est la personne à l'origine de la demande qui devrait assumer les coûts de traduction. Ce faisant, le gouvernement fédéral s'écarte des principes de base en vertu desquels il s'est engagé à communiquer avec les Canadiens dans les deux langues officielles.
Madame la présidente, cette question me préoccupe. Si on continue de déroger à la norme, on assistera à une érosion rapide des responsabilités du gouvernement fédéral au chapitre de l'application de la Loi sur les langues officielles. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Reid: Je pense que personne ne souhaite qu'on en arrive là. Pour ma part, je ne le souhaite certainement pas. Dans ce cas précis, on a affaire à une vidéocassette du ministère des Pêches et des Océans dans laquelle des Inuits procèdent à l'abattage cérémonial d'une baleine. Quelqu'un a demandé une transcription en anglais et en inuit des dialogues de la vidéocassette.
On en est venu à une solution de compromis en vertu de laquelle une partie de la traduction n'a pas été fournie. Toutefois, l'essentiel de la documentation demandée a été fourni et, selon la documentation, la personne à l'origine de la demande a obtenu satisfaction. Ce qui revêt une importance primordiale, c'est d'établir que le requérant est ou non satisfait. À mon avis, le gouvernement a l'obligation de produire les documents dans les deux langues officielles lorsqu'il est nécessaire et justifié de le faire, mais à la satisfaction de la personne qui est à l'origine de la demande.
Le sénateur Kinsella: Monsieur Reid, j'aimerais explorer ou aborder avec vous trois sujets. Le premier est philosophique, le second a trait à l'appareil gouvernemental et le troisième à l'analyse législative.
Quelle est votre philosophie en ce qui concerne la nature du droit à l'information? Croyez-vous qu'il s'agisse d'un droit de la personne? À votre avis, quelle est la valeur de ce droit dans la société canadienne?
M. Reid: Ma position philosophique est que le gouvernement est le gouvernement du peuple; ainsi, l'information appartient au peuple canadien et devrait donc lui être accessible.
Le sénateur Kinsella: En ce qui concerne l'appareil gouvernemental, le commissaire sortant, à la page 13 de la version anglaise du rapport, fait mention de l'activité du BCP à laquelle vous avez fait allusion il y a quelques instants. Étant donné la décentralisation des pouvoirs dans l'ensemble du gouvernement du Canada, qui, à votre avis, est responsable du respect de la Loi sur l'accès à l'information? Étant donné notre système de responsabilités ministérielles, êtes-vous d'avis que le ministre d'un ministère donné doit être tenu responsable et imputable? Du point de vue de l'appareil gouvernemental, le ministère concerné ne devrait-il donc pas répondre directement, sans passer par le BCP ni par un autre organisme central?
M. Reid: Je suis un fervent partisan de la responsabilité des ministres: à mes yeux, ces derniers sont responsables de ce qui se produit dans leur ministère. Ils ont l'obligation de veiller à ce que leur ministère se conforme parfaitement aux dispositions législatives.
Le sénateur Kinsella: À votre avis, quel rôle le BCP devrait-il jouer dans la mise en oeuvre de la loi? Le BCP devrait-il prendre part au traitement d'informations présentées à un ministère responsable?
M. Reid: Non, le BCP ne devrait pas se mêler du traitement de ces demandes. La demande est présentée directement au ministère responsable, et la loi oblige chacun d'eux à déposer un rapport annuel.
Le BCP fait lui-même l'objet de nombreuses demandes qu'il traite de son plein droit. Dans le rapport du commissaire à l'information, je note que le BCP a amélioré la procédure de traitement de ces demandes une fois que le greffier du Conseil privé eut constaté l'existence d'un problème.
Le sénateur Kinsella: Dans ce cas, diriez-vous que les organismes centraux n'ont pas à intervenir dans la décision prise par un ministère responsable ayant reçu une demande d'information?
M. Reid: C'est ainsi que je vois les choses, oui, mais, mais je pense que les organismes centraux doivent contribuer à définir la culture organisationnelle générale de la fonction publique.
Le sénateur Kinsella: Si on exerce un contrôle central trop important, n'êtes-vous pas d'avis que l'ensemble de l'appareil gouvernemental risque davantage de faire l'objet d'une conspiration du silence, à supposer qu'un organisme, par exemple le BCP ou le CPM -- Dieu nous protège -- se mette de la partie?
M. Reid: Eh bien, c'est aux sous-ministres et aux ministres que, en vertu de la loi, les responsabilités incombent. Je crois que c'est ainsi que les choses doivent être.
Le sénateur Kinsella: À la page 40 de la version anglaise du rapport, le commissaire sortant fait allusion à un projet de loi actuellement à l'étude au Sénat, soit le projet de loi C-19. Il a comparu devant le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a examiné le projet de loi antérieur, soit le projet C-66, et formulé certaines recommandations vigoureuses. Dans son étude du projet de loi C-19, le comité n'a pas bénéficié de tels conseils, même si, à l'article 70 du projet de loi, on fait référence à la Loi sur l'accès à l'information. De façon générale, quel rôle vous verriez-vous jouer dans le processus d'étude législative?
M. Reid: De façon générale, j'envisage d'entretenir avec les comités parlementaires une coopération beaucoup plus étroite que celle dont on a été témoin jusqu'aujourd'hui. Je crois que le véritable pouvoir du commissaire à l'information découle de son statut de haut fonctionnaire du Parlement et de l'accès facile dont il bénéficie aux comités de même qu'aux députés et aux sénateurs.
Nous devons nous attaquer de plain-pied au problème en vertu duquel les dispositions législatives doivent être révisées au début du processus: quelqu'un doit déterminer leur impact sur la Loi sur l'accès à l'information.
J'ignore où en est la question des ressources humaines, mais je sais que le commissaire bénéficie d'un effectif de 31 employés. Dans le rapport du commissaire à l'information, je constate l'absence de fonds suffisants pour dépêcher des inspecteurs dans d'autres régions du Canada. Au terme d'une recherche de documents, il ne sait donc jamais si tous les documents ont été récupérés dans les secteurs décentralisés du gouvernement du Canada. À ce stade-ci, il n'a pas la capacité de dépêcher des équipes d'inspecteurs chargées de procéder à des vérifications. Voilà qui me préoccupe, étant donné la question qu'on m'a posée plus tôt au sujet de la décentralisation du gouvernement et de la capacité de veiller à ce que tous les documents soient fournis. Voilà qui renvoie au coeur même de votre question.
Le sénateur Kinsella: À votre avis, le mécanisme qu'on retrouve dans la Déclaration des droits de 1960, en vertu duquel le ministre de la Justice ou le solliciteur général doit délivrer un certificat attestant la conformité d'un texte de loi au regard de la Déclaration des droits et de la Charte des droits et libertés, constituerait-il un modèle approprié? Ainsi, on retrouverait, en annexe des projets de loi, un certificat délivré par le commissaire à l'information et attestant le fait que le projet de loi ne contrevient pas à la Loi sur l'accès à l'information.
M. Reid: Je n'y verrais pas d'objection. Il faudrait également délivrer un certificat relatif à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le sénateur Grafstein: Je tiens à souhaiter la bienvenue au comité à M. Reid. Je connais M. Reid depuis des décennies, et je puis dire que, depuis le moment où j'ai fait sa connaissance à aujourd'hui, il a toujours fait preuve d'une grande indépendance. Il a toujours défendu ses propres idées. En ce sens, je crois qu'il est le candidat idéal pour ce poste, même si, à l'occasion, je suis tout à fait en désaccord avec lui.
En commençant, vous me permettrez non pas d'exprimer un désaccord, mais bien plutôt de donner une coloration différente à des propos que vous avez tenus plus tôt. Vous avez indiqué que votre travail consiste essentiellement à faciliter le droit de savoir du public. Si quelqu'un présente une demande d'information qui demeure lettre morte, vous exercez vos pouvoirs discrétionnaires pour déterminer si l'information en question devrait ou non être fournie, puis vous tentez de faciliter la récupération de l'information. En ce sens, vous êtes d'abord et avant tout un facilitateur.
Toutefois, vous jouissez d'une certaine marge de manoeuvre. Il vous incombe de décider des cas dont vous vous occuperez ou pour lesquels vous vous battrez. Comme votre prédécesseur l'a indiqué, c'est à lui qu'il incombe de déterminer où il déploiera les maigres ressources à sa disposition. Toutefois, cette réponse ne me donne pas entière satisfaction. Par exemple, je pense qu'il existe, dans certaines circonstances, des limites au droit du public de savoir.
Aux États-Unis, on retrouve une disposition très litigieuse concernant le privilège de l'exécutif, mais je pense que les ministres de la Couronne jouissent de certains privilèges qu'on doit protéger dans cette circonstance particulière. Votre prédécesseur en titre, M. Grace, a fait allusion à la divulgation des résultats des sondages, et je ne suis pas certain d'être d'accord avec lui. Récemment, la Cour suprême a indiqué qu'on ne devrait pas restreindre l'accès aux résultats des sondages. Voilà qui sonne bien, mais permettez-moi de vous présenter une illustration très étroite. Imaginons un instant que nous sommes confrontés, comme nous pourrions l'être au pays, et comme nous le sommes effectivement au pays, à une menace qui vise l'essence même du pays.
Au moyen de sondages, le gouvernement, dans l'intérêt national, cherche à déployer ses ressources pour déterminer, de la façon la plus pénétrante et la plus exhaustive possible, les attitudes du public, les opinions ou les différents courants qui se manifestent au Québec, par exemple. Soit dit en passant, on pourrait en faire tout autant en Colombie-Britannique, mais c'est au Québec que se pose le problème actuel, nous en convenons tous. Toutefois, les règles du jeu ne sont pas égales parce que notre opposant, le gouvernement séparatiste du Québec, cherche à déployer ses atouts et ses sondages, autant d'atouts qui lui permettent de contrecarrer les activités, les politiques ou les solutions mises de l'avant par le gouvernement fédéral. Dans l'intérêt national, est-il juste qu'on donne instantanément au public accès à de l'information provenant du protagoniste qui cherche à protéger l'essence même du pays, tandis qu'il n'a pas accès à l'information dont bénéficie un intervenant provincial qui cherche à miner l'essence même du pays? Où fixeriez-vous la limite, à supposer qu'on vous demande de le faire?
M. Reid: La loi comporte deux aspects. Elle érige en principe général le fait que l'information devrait être accessible, mais elle contient aussi une série d'articles dans lesquels on établit qu'il existe un large éventail d'informations qui n'ont pas à être divulguées pour un certain nombre de raisons particulières. On fait par exemple référence à la Loi sur les secrets officiels.
Dans la loi, on retrouve un certain nombre d'exclusions qui, si je comprends bien, ont par le passé été utilisées pour empêcher la divulgation de résultats de sondages, par exemple ceux qui ont trait à l'unité. Dans la loi, on retrouve des dispositions qui visent à protéger le gouvernement et ce qu'on pourrait appeler les «secrets» du Cabinet. Ce genre d'équilibre a toujours été présent dans la loi. La loi elle-même et non pas absolue, mais conditionnelle.
Je pense que le rôle du commissaire à l'information consiste à veiller à ce que les prescriptions de la loi soient entièrement respectées. Si elles le sont, le commissaire doit avoir le courage politique d'affirmer que certaines informations relèvent d'une catégorie donnée et, à ce titre, ne devraient pas être divulguées. Dans d'autres circonstances, il doit avoir le courage politique de soutenir que les informations ne répondent pas aux exclusions prévues dans la loi et que, par conséquent, elles doivent être divulguées.
Le commissaire est sans cesse confronté aux nouvelles dispositions législatives adoptées par le Parlement. Dans toute nouvelle loi, on doit établir si les limites en question sont fixées comme on veut qu'elles le soient: en effet, il est possible que les tribunaux et le commissaire les interprètent de façon différente. On doit se demander si les limites en question sont toujours appropriées.
Le sénateur Grafstein: Contrairement à la réponse que vous avez donnée au sénateur Kinsella, qui n'est pas ici, il s'agit non pas d'un droit de savoir, mais bien plutôt d'un droit restreint de savoir fondé sur les exigences de la loi et de la politique gouvernementale.
M. Reid: C'est exact, mais nous débattions de principes philosophiques.
Le sénateur Grafstein: Moi aussi. Si votre nomination est approuvée, vous serez appelé à prendre des décisions délicates de cette nature, et, à l'instar de mon collègue, le sénateur Kinsella, je voulais simplement voir dans quel état d'esprit vous vous trouvez.
M. Reid: Mon état d'esprit est précis. Je comprends que je serai gardien d'une loi du Parlement et qu'il m'incombera de veiller à ce que cette loi soit appliquée de façon équitable et intégrale, ce qui s'applique aux deux côtés de l'équation.
Le sénateur Grafstein: J'aimerais maintenant explorer un autre sujet. Les questions découlent d'une réponse donnée par M. Reid, à une question posée par le sénateur Lynch-Staunton et d'autres.
Permettez-moi d'abord un bref préambule. Aux États-Unis, nous avons été témoins du spectacle du dérèglement de la primauté du droit, qu'on utilise comme outil d'ingérence. En fait, une commission spéciale des États-Unis cherche à faire révoquer le secret professionnel de l'avocat et à s'ingérer dans les relations entre mère et fille, mari et femme, à telle enseigne que la primauté du droit est tournée en dérision. J'exprime simplement une opinion personnelle.
Lorsqu'on aborde la question de l'éthique et des responsabilités du premier ministre, on court, à mon avis, un grand danger. Si je suis favorable à l'idée du droit public de savoir, l'altération de l'information par les médias suscite chez moi certaines réserves. De petits extraits d'informations altérées peuvent détruire la carrière d'une personnalité publique. Voilà entre autres pourquoi, à mon avis, le premier ministre a décidé que la question de l'éthique du Cabinet devrait relever non pas uniquement de lui-même, mais aussi d'une personne indépendante qui relève de lui. Cette solution vous inspire certaines réserves, tout comme elle inspire certaines réserves au sénateur Lynch-Staunton, mais n'est-on pas fondé à soutenir que des personnalités publiques peuvent être détruites par ce qu'on appelle des informations concernant l'éthique ou les conflits d'intérêts qui peuvent être citées hors contexte si elles ne sont pas protégées adéquatement avant que les médias publics ne mettent la main sur elles? Ne devrait-on pas se montrer sensible aux droits à la protection des renseignements personnels par opposition au droit absolu de soumettre à un examen une personnalité publique et sa conduite publique?
M. Reid: Je crois, madame la présidente, que cette question va au coeur même des dispositions législatives relatives à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels. Le gouvernement dispose de beaucoup d'informations sur tous et chacun d'entre nous, et ces informations sont protégées, jusqu'à un certain point, par les dispositions législatives relatives à la protection des renseignements personnels.
Le sénateur Grafstein: Elles ne le sont pas assez.
M. Reid: Les dispositions législatives relatives à la protection des renseignements personnels et les limites contenues dans les dispositions législatives relatives à l'accès à l'information restreignent l'accès à l'information. Lorsque j'étais membre du Cabinet, les normes relatives à l'éthique établies par le premier ministre étaient ouvertes. Aujourd'hui, elles sont fermées. L'argument invoqué est que c'est le premier ministre qui assumera le blâme dans tous les cas, et je pense qu'il s'agit d'un argument légitime. Je pense que la mesure prise par le premier ministre est tout à fait légitime.
Je serais plus à l'aise, cependant, si tout était mis sur la table. Toutefois, je ne conteste pas son droit d'agir comme il l'a fait, et il a essuyé certaines critiques pour avoir choisi d'agir de la sorte. C'est son choix. Il est responsable du rendement de ses ministres. Après avoir été témoin d'autres modèles, il a décidé de faire l'expérience d'un nouveau modèle, et je pense qu'il est fondé à le faire.
Le sénateur Gigantès: Monsieur Reid, on doit se poser la question de l'obligation de mentir. J'ai retenu de mon éducation qu'on doit, au besoin, mentir sous serment pour protéger l'identité d'une dame qui a eu des bontés pour soi. Dans de telles circonstances, dire la vérité constituait un manquement à l'éthique. Aux États-Unis, c'est le contraire. Comment voyez-vous les choses? Imaginons que je suis le premier ministre, que j'ai eu une aventure, qu'on m'interroge à ce sujet et que, sous serment, je réponde: «Jamais, bien sûr que non.» Pourquoi cette dame devrait-elle être mêlée à mes affaires personnelles?» Si l'information figurait dans des dossiers et qu'on vous demandait de la divulguer, que feriez-vous?
M. Reid: Je pense que cette question relève du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Dans les circonstances, je serais ravi de lui transmettre le dossier.
Le sénateur Joyal: Je tiens à me joindre aux autres intervenants pour souligner la contribution de M. Jed Baldwin. J'ai eu le privilège de siéger avec lui au Parlement et à l'autre endroit. C'était un homme de qualité, à l'époque entièrement voué à l'objectif de la loi. Je puis vous donner l'assurance qu'il n'avait absolument aucun préjugé partisan. Il s'est consacré corps et âme à la mise en oeuvre des dispositions législatives, dans le respect des principes de la démocratie. Ce matin, je tenais à lui rendre hommage.
J'ai également eu le privilège de siéger avec M. Reid, et je puis me porter garant de son indépendance d'esprit. À l'époque, cette attitude n'était pas nécessairement au goût du pouvoir en place. Croyez-moi, je m'exprime en termes très diplomatiques. Je suis incontestablement en mesure de parrainer sa candidature, et je ne voudrais pas donner l'impression de la remettre en question parce que, à mon avis, il possède la capacité intellectuelle de relever le défi associé à ce poste important.
Je veux simplement poser deux questions. La première a trait à la loi. Si vous aviez la possibilité d'apporter une seule modification à la loi, laquelle serait mise en oeuvre par le Parlement, quelle est celle que vous proposeriez?
Ma deuxième question a trait au poste à proprement parler. Vous seriez un haut fonctionnaire du Parlement comme le vérificateur général et le commissaire aux langues officielles. J'ai toujours été d'avis qu'un haut fonctionnaire du Parlement devrait avoir l'occasion de débattre de ses rapports au Parlement. Vous vous rappellerez que j'ai défendu la composition d'un comité mixte permanent des langues officielles habilité à entendre, à titre de témoin principal, le commissaire, ainsi que les représentants des divers ministères visés par l'enquête, et à obtenir réparation.
L'expérience que j'ai du rapport est que la presse en tire un merveilleux article, que les manchettes des jours suivants ont tôt fait d'occulter. Seriez-vous favorable à l'idée de comparaître régulièrement devant le Parlement pour débattre de vos conclusions et veiller à ce que l'administration prenne les mesures correctives qui s'imposent? Je songe aux cas que le sénateur Corbin a soulevé, par exemple, de même qu'à ceux qu'on doit régler de toute urgence. Seriez-vous disposé à le faire, au risque d'assujettir le processus politique à certaines difficultés? Dans l'ensemble, nous cherchons à garantir le droit qu'ont les citoyens d'être informés des décisions et des répercussions de ces décisions sur leur vie personnelle.
M. Reid: Madame la présidente, j'aimerais qu'un comité mixte soit créé avec l'autre endroit. À l'heure actuelle, on semble transmettre automatiquement les rapports à divers comités de la justice, qui tendent à être les comités les plus occupés dans tout le processus parlementaire.
J'ai siégé pendant cinq ans au comité mixte permanent d'examen de la réglementation, groupe de travail qui m'est apparu très agréable, mais aussi très efficace. Je pense qu'il vaudrait la peine de créer une forme de mécanisme en vertu duquel les rapports du commissaire à l'information et du commissaire à la protection de la vie privée seraient pris en charge. Nous sommes les deux ailes d'un seul et même avion, et il serait utile que le législateur puisse examiner en même temps les deux côtés de l'équation. Je crois que le processus me serait utile tout comme il le serait pour le commissaire à la protection de la vie privée.
Les rapports seraient alors concentrés à un seul endroit, dans un comité très puissant ayant la capacité de veiller à ce que les commentaires soient pris en compte. Ainsi, le gouvernement devrait traiter les questions soulevées avec beaucoup plus de sérieux qu'il le ferait si elles émanaient simplement de l'une ou l'autre chambre. Une évolution de la sorte susciterait chez moi un vif enthousiasme.
J'aimerais réfléchir pendant six mois avant de répondre à votre première question. J'ai lu la loi, mais je n'ai pas encore absorbé tout son contenu. Je ne l'ai pas encore vraiment étudiée du point de vue du commissaire à l'information. Je n'ai aucune expérience dans le domaine, mais j'aimerais avoir la possibilité de participer aux travaux d'un comité mixte chargé d'étudier les révisions et les améliorations des dispositions législatives à recommander.
Le défi que je me fixerais consisterait à veiller à ce qu'une nouvelle loi soit adoptée avant la fin de la présente législature. Je pense qu'on dispose d'assez de temps pour y parvenir. Toutefois, on ne pourra y parvenir qu'avec votre appui et sous votre impulsion: en effet, tout devra passer par le processus législatif.
La présidente: Je puis vous donner l'assurance, monsieur Reid, que le rapport du commissaire n'est pas automatiquement transmis à notre comité. Rien n'empêche qu'il le soit, mais il doit l'être expressément. Ce n'est pas un processus automatique.
Le sénateur Grafstein: Je pense qu'il convient de rappeler à M. Reid que le sénat, contrairement au gouvernement, n'est pas tenu de répondre à un rapport dans un délai prescrit.
M. Reid: C'est pourquoi j'ai suggéré la création d'un comité mixte. S'il s'agit d'un comité mixte et que le rapport est déposé à la Chambre des communes, je pense que l'ordre permanent de la Chambre a préséance et que le gouvernement doit répondre.
[Français]
Le sénateur Bolduc: Vous aimeriez voir une nouvelle loi. Qu'est-ce qu'il y a de mal dans la loi actuelle? Quelles sont les principales faiblesses de cette loi qui font qu'elle devrait être changée?
[Traduction]
M. Reid: Un certain nombre de modifications ont été adoptées. Le commissaire à l'information précédent a formulé une série de propositions. Il y a aussi un certain nombre de projets de loi d'initiative parlementaire. Le gouvernement lui-même évoque la possibilité d'une révision. Mes 20 années d'expérience à l'autre endroit m'ont appris que, après 10 ans, les dispositions législatives commencent à donner des signes de désuétude, les juges font des interprétations, les administrateurs font des interprétations, et le Parlement doit se pencher sur les dispositions en question pour vérifier qu'elles accomplissent bel et bien ce qu'elles avaient pour but d'accomplir. Après 15 années, je crois que le moment est venu pour le Parlement de se pencher sur la loi et d'apporter des recommandations.
Si ma nomination est approuvée, je formulerai des suggestions dès que j'aurai acquis une certaine expérience de l'administration de la loi. Avant de comparaître devant vous de nouveau avec certaines idées et suggestions, j'aimerais qu'on me laisse au moins de trois à six mois.
[Français]
Le sénateur Bolduc: Est-ce que vous vous voyez comme une sorte d'agence semi-judiciaire?
[Traduction]
En cas de différend entre le gouvernement et vous-même, seriez-vous prêt à demander à la Cour fédérale de trancher le problème? Je fais référence non pas au contenu, mais bien plutôt à l'application régulière de la loi.
M. Reid: En ce qui concerne l'application régulière de la loi, oui. La voie a déjà été tracée. Si je comprends bien les documents d'information, la première commissaire, Inger Hansen, s'est adressée à la Cour fédérale pour faire reconnaître son droit d'intenter un tel recours. Aujourd'hui, le commissaire à l'information actuel semble s'adresser à la cour lorsqu'un principe est en jeu, et je pense qu'il s'agit d'une façon de procéder idéale dans la mesure où elle entraîne une réduction des coûts de chacun.
Le commissaire à l'information agit comme un ombudsman. Il n'a pas le pouvoir d'imposer des décisions, mais il a le droit de persuasion. À une date ultérieure, vous voudrez peut-être vous demander si l'ombudsman devrait ou non avoir le pouvoir de prendre des décisions. On a certes médité sur cette question, et je pense que vous voudrez peut-être vous y intéresser. À ce stade-ci, je n'ai pas d'opinion à ce sujet, mais il s'agit néanmoins d'une indication de l'évolution de la perception du bureau au fil du temps.
Le sénateur Corbin: Monsieur Reid, ma question a trait à l'accès des parlementaires -- ce qui comprend les sénateurs -- à l'information non seulement utile, mais nécessaire à l'exercice de la charge de parlementaire, sans avoir à faire les frais du processus. Comme vous le savez, nous sommes aujourd'hui tenus, comme tout le monde, de remplir des formulaires. Nous engageons ainsi des frais que nous sommes censés assumer. Cette situation ne va-t-elle pas à l'encontre de la nature même de ce que fait un parlementaire, c'est-à-dire représenter des citoyens et parler en leur nom? Parfois, il est urgent que l'information soit retrouvée, il arrive que le mécanisme soit engorgé et que le parlementaire ne puisse exécuter ses tâches comme on s'attend à ce qu'il le fasse. Quelles sont vos vues à ce sujet? Si votre nomination est confirmée, vous voudrez peut-être vous pencher sur cette question.
M. Reid: Madame la présidente, je suis surpris. Je viens de l'autre endroit, où nous pouvions présenter des demandes d'information, et j'ignorais que l'ordre permanent avait été échangé.
Le sénateur Corbin: Je ne fais pas référence aux règles parlementaires.
M. Reid: Si je comprends bien -- et on me corrigera si je me trompe -- vous disposez, pour obtenir de l'information, de pouvoirs considérables tels que le prévoit la loi.
Le sénateur Corbin: Je suis désolé de vous décevoir.
Le sénateur Bolduc: Certains organismes du gouvernement vont jusqu'à ne pas publier de rapport annuel. Par exemple, l'ACDI, depuis 1994, ne publie pas de rapport annuel pour rendre compte de ses activités. Cet organisme dépense environ 2,5 milliards de dollars par année. À mon avis, c'est un scandale.
La présidente: Je constate, monsieur Reid, que vous aurez beaucoup de pain sur la planche. Je pense que cela conclut la période de questions. Quelqu'un souhaite-t-il présenter une motion?
Le sénateur Moore: Madame la présidente, je propose que le comité recommande au Sénat d'approuver la nomination de l'honorable John Reid, c.p., à titre de commissaire à l'information.
La présidente: Sommes-nous tous d'accord? D'accord. Il y a unanimité. Je ferai rapport de notre recommandation cet après-midi.
Félicitations, monsieur Reid.
M. Reid: Merci beaucoup.
La séance est levée.