Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 33 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 1er octobre 1998
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 10 h 59 pour étudier ledit projet de loi.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Chers collègues, nous accueillons ce matin, du ministère de la Défense nationale, le colonel Fenske, conseiller juridique adjoint, juge-avocat général, Équipe de modification de la Loi sur la défense nationale, et le lieutenant-colonel Alex Weatherson, juge-avocat général (JAG), Équipe de modification de la Loi sur la défense nationale.
Bienvenue, messieurs. Comme d'habitude, nous prévoyons une période pour les commentaires liminaires des témoins, qui sera suivie d'une séance informelle de questions des sénateurs. Vous avez la parole.
Le colonel A. Fenske, conseiller juridique adjoint, juge-avocat général, ministère de la Défense nationale, conseiller juridique des Forces armées canadiennes, Équipe de modification de la Loi sur la défense nationale: Merci, sénateur Milne. Je me dois de préciser que je suis désormais le conseiller juridique adjoint du Service de conseillers juridiques des Forces armées canadiennes du ministère de la Défense nationale. À la suite de modifications apportées au cours des deux derniers mois, le ministère de la Défense nationale est maintenant doté d'un conseiller juridique des Forces armées canadiennes et d'un juge-avocat général distinct qui ont des responsabilités bien particulières. Je suis le conseiller juridique adjoint, ce qui me donne un titre assez long. Je suis responsable de l'équipe de modification de la Loi sur la défense nationale.
Alex Weatherson et moi-même nous en remettons à vous et nous procéderons comme vous le désirez. Nous proposons de faire quelques commentaires liminaires qui portent sur le contexte et les points saillants du projet de loi, puis nous pourrons faire une comparaison entre la Loi sur défense nationale, et le projet de loi. Ces commentaires devraient prendre de 20 à 30 minutes.
La présidente: Très bien.
Colonel Fenske: Merci. C'est un honneur pour moi d'être invité par un comité d'éminents Canadiens qui se penchent sur le projet de loi C-25. J'aimerais faire quelques commentaires liminaires.
Le projet de loi C-25 est une série de modifications visant à renforcer et à moderniser le cadre juridique régissant les activités de défense au Canada. Il s'agit là de la plus importante série de modifications proposées à la Loi sur défense nationale depuis que cette dernière est entrée en vigueur en 1950. Le projet de loi porte sur toute une série d'activités de défense, mais se concentre principalement sur le système de justice militaire, et le document intitulé: «Contexte et faits saillants», que nous vous avons remis dans la trousse qui vous a été distribuée, porte principalement sur les aspects de la justice militaire, tout comme mes commentaires aujourd'hui.
Dans le domaine de la justice militaire, la modernisation comporte l'harmonisation de ce système avec les valeurs et traditions juridiques canadiennes, tout en préservant les caractéristiques fondamentales du code de discipline militaire actuel, jugées nécessaires pour répondre aux exigences militaires. Les modifications proposées dans ce projet de loi découlent non seulement du travail fait au ministère et par les Forces armées canadiennes, mais également de quatre études importantes qui ont été réalisées récemment.
Le projet de loi met en oeuvre des recommandations formulées dans le rapport du ministre de la Défense -- je parle du rapport de Doug Young -- au premier ministre sur le leadership et la gestion des Forces armées canadiennes. Il met également en oeuvre des recommandations formulées par le groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, le groupe Dickson. Il y a eu une deuxième étude Dickson qui portait sur le rôle du ministre de la Défense nationale en vertu de la Loi sur défense nationale; et puis il y a évidemment eu le rapport de la commission d'enquête sur la Somalie. Quelque 83 p. 100 des recommandations formulées dans le rapport de la commission d'enquête sur la Somalie en ce qui a trait au système de justice militaire ont été retenues par le gouvernement; nous mettons en oeuvre ces recommandations soit dans le projet de loi ou par d'autres mécanismes, dans des publications administratives ou de règlements, parallèlement à ce que nous faisons aujourd'hui.
Si cela vous convient, je vous fournirai cet aperçu en abordant brièvement un certain nombre de sujets qui figurent tous dans le document «Contexte et points saillants» qui se trouve dans votre trousse de renseignements. Le premier sujet est l'élimination de la peine de mort.
J'aborderai ensuite cinq nouveaux éléments du projet de loi qui visent à renforcer les mécanismes d'examen et de contrôle; j'aimerais signaler que l'examen et le contrôle qu'il est question de renforcer sont principalement le régime civil d'examen et le contrôle des activités militaires.
Puis je parlerai des principaux intervenants du système de justice militaire, et de leur séparation institutionnelle; j'entends par là entre les fonctions d'enquête, de poursuite, de défense et la fonction judiciaire du système judiciaire.
Je passerai dès maintenant à la question de la peine de mort; vous pouvez suivre si vous le désirez en passant à la page 17 du document intitulé: «Contexte et points saillants». Je sais que tous les sénateurs dans cette salle sont conscients du fait que la Loi sur la défense nationale est la seule loi fédérale où l'on mentionne toujours la peine de mort. En fait cette peine n'a pas été invoquée aux termes de cette loi depuis la Seconde Guerre mondiale; la dernière fois portait sur une infraction civile qui avait été incorporée dans le Code de discipline militaire à l'époque où le Code criminel prévoyait toujours la peine de mort. Nous n'y avons pas eu recours depuis des années et nous ne jugeons pas qu'elle soit nécessaire aujourd'hui; le projet de loi remplacerait donc la peine de mort un peu comme on l'a fait dans le Code criminel.
J'aimerais faire deux autres commentaires. La peine de mort obligatoire est retirée complètement des diverses peines prévues, et là où l'on prévoyait la peine de mort obligatoire on l'a remplacée maintenant par la peine d'emprisonnement à perpétuité. Je crois que vous connaissez tous la peine d'emprisonnement de 25 ans, sans libération conditionnelle. Cette règle est reflétée dans cette modification, ainsi lorsque vous étudiez la détermination de la peine aux termes du Code de discipline militaire, vous verrez que l'on traite les prévenus d'une façon qui se rapproche beaucoup plus du traitement des simples citoyens par le Code criminel. Je n'en dirai pas plus sur la peine de mort.
Le sénateur Beaudoin: De quelle disposition s'agit-il? Vous avez parlé de la page 16.
Colonel Fenske: Je vois que vous regardez le projet de loi, monsieur le sénateur. Il y a probablement 12 ou 13 modifications qui touchent la peine de mort. Je parle du document «Contexte et points saillants». Vous trouverez ces renseignements à la page 16.
J'aimerais maintenant vous parler brièvement des mécanismes de contrôle et d'examen de la justice militaire, ainsi que de certaines activités qui ne sont de nature judiciaire que de façon très générale. Le projet de loi vise entre autres choses à refléter ce qu'on a appris à la suite d'entrevues avec des gens de toutes les régions du pays, à la suite d'études qui ont été effectuées comme celle du groupe Dickson sur la justice militaire: en fait il faut que le projet de loi traduise le fait que la justice n'est pas simplement le fait de porter des accusations et d'être traduit en cour martiale.
Il existe au sein des Forces armées canadiennes un système d'examen des griefs, comme nombre d'entre vous le savent. Il est juste de dire que ces modifications traitent ce système d'examen des griefs comme faisant partie intégrante de notre système judiciaire; ainsi si un particulier s'estime lésé, à son avis il y a là une question de justice. Ainsi, lorsque je parle du contrôle et de l'examen des questions judiciaires, je parle également de l'examen et du contrôle du système d'examen des griefs.
Cinq grandes initiatives ont été prises dans ce projet de loi en ce qui a trait au renforcement des mécanismes de contrôle et d'examen. La première touche les griefs, et on en parle à la page 14 du document. Aux termes de la Loi actuelle sur la défense nationale, on aborde les griefs de façon sommaire à l'article 29. Si vous étudiez le texte actuel de la loi, l'article 29, vous constateriez qu'il autorise simplement la création d'un système de griefs par voie de règlements, mais qu'il n'explique pas comment créer ce système. Il y a donc beaucoup trop de latitude. Les nouvelles dispositions sont plus strictes et -- c'est justement là l'aspect de contrôle et d'examen dont nous parlions -- elles prévoient un contrôle des mécanismes de griefs par un comité des griefs indépendant, dont les membres seraient clairement indépendants du ministère et des Forces armées canadiennes; il serait en fait nommé par le gouverneur en conseil. Le comité des griefs aurait pour mission d'examiner les griefs d'une catégorie prévue qui lui seraient envoyés avant d'être renvoyés au chef d'état-major de la défense qui a l'autorité de dernière instance.
Deux choses se sont produites. Tout d'abord, nous avons rationalisé le système de griefs en éliminant certains paliers. Évidemment, certains des paliers figurent dans les règlements. C'est justement pourquoi on a apporté les modifications. De plus, nous avons prévu des examens indépendants de certaines catégories. Tout cela vise à assurer que le chef d'état-major de la défense, qui a l'autorité de dernière instance, ait des renseignements sur lesquels se fonder lorsqu'il doit prendre une décision sur une question importante, par exemple, s'il y avait un grief visant les langues officielles ou une autre chose qui touche la vie même d'un membre des forces armées. Peut-être le colonel Weatherson pourrait-il vous donner un exemple.
Le lieutenant-colonel Alex Weatherson, juge-avocat général, ministère de la Défense nationale, Équipe de modifications de la Loi sur la défense nationale: Plusieurs griefs sont présentés chaque année. Il y a plusieurs années, lorsque nous sommes passés aux trois couleurs distinctes d'uniforme, pour les forces de l'air, la marine et l'armée, un certain nombre de personnes qui avaient partie des forces de l'air et s'étaient retrouvées dans les métiers de l'armée, jugeaient qu'ils avaient le droit de reprendre leur ancien uniforme. Un certain nombre des membres des forces armées ont présenté des griefs à cet égard.
Colonel Fenske: Par exemple, nos dispositions actuelles sur les suspensions prévoient des suspensions sans solde. Lorsqu'on étudie ce genre de décisions, il faut reconnaître qu'il serait utile d'avoir l'opinion d'une personne indépendante; les modifications n'ont pas encore été apportées à la loi. Cependant, nous envisageons un système qui se rapproche de ce qu'on retrouve au sein de la GRC aujourd'hui.
J'aimerais également signaler que le chef d'état-major de la Défense, comme dernière instance, sera saisi de griefs dont le gouvernement lui demandera de se dessaisir; cependant il aura désormais la capacité, ce qui n'est pas possible au sein de la GRC actuellement, à notre connaissance, de renvoyer tout grief. Il peut étudier et dire: «Je ne suis pas certain, j'aimerais l'opinion de quelqu'un d'autre». Nous espérons qu'il s'agira d'un système souple et qui permettra d'assurer une certaine transparence ainsi que la consultation de tiers en ce qui a trait aux décisions qui sont contestées par le comité des griefs des Forces armées canadiennes.
J'aimerais également signaler, en ce qui a trait au contrôle et à l'examen, que le projet de loi comporte des dispositions sur un autre mécanisme indépendant d'examen qu'on appelle la commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Cela ressemble un peu au comité externe d'examen de la GRC.
Tout d'abord, cette commission permettra aux gens de se plaindre de la conduite d'un membre de la police militaire dans l'exercice de ses fonctions policières. De plus, et c'est cela est tout nouveau, la police militaire et les cadres supérieurs pourront se plaindre si on les a empêchés de jouer pleinement leur rôle lors d'une enquête. Ce n'est pas à sens unique. C'est quelque chose de vraiment nouveau.
J'aimerais également signaler que la loi préciser que le juge-avocat général, qui aux termes de la loi actuelle n'a pas d'énoncé de fonction, sera clairement responsable de l'administration de la justice militaire. Vous verrez que ces termes ressemblent beaucoup à ceux qui décrivent le rôle du procureur général. En fait, c'est le même type de fonctions. Si vous étudiez le rôle du JAG américain, vous constateriez que c'est là les fonctions qu'on leur attribue. Nous cherchons donc à assurer qu'il y aura, à intervalles réguliers, une étude de l'administration de la justice militaire au Canada; il y aura donc un rapport public qui sera formulé à cet égard.
J'aimerais également vous signaler que ce projet de loi comporte une disposition qui prévoit un examen dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur des modifications. On prévoit donc un examen et un contrôle de cette disposition par le Parlement.
Je n'ai pas l'intention d'ajouter quoi que ce soit en ce qui a trait à la peine de mort ou à l'examen et au contrôle.
J'aimerais passer aux autres grandes dispositions du projet de loi. Si vous consultez la page 5 du document «Contexte et points saillants» vous noterez qu'on a inséré un encadré sous le titre Points saillants; on y fait mention des principaux éléments du projet de loi. J'aimerais vous dire quelques mots sur deux de ces grands éléments.
Ce projet de loi vise à clarifier les rôles et les responsabilités des principaux intervenants du système de justice militaire; de cette façon on pourra établir clairement une séparation institutionnelle entre les fonctions d'enquête, de poursuite, de défense et les fonctions judiciaires du système.
La Loi sur la défense nationale actuelle a été adoptée en 1950 et est fondée sur un modèle qui existait à l'époque au Royaume-Uni. On s'est beaucoup inspiré de ce modèle. Si des avocats étudiaient la situation de près, ils constateraient que tout ce qui touche un pouvoir ou une autorité, dans le projet de loi, porte sur le ministre, ou un particulier qui a été nommé ou choisi par le ministre. On voit ainsi que tout revient au ministre. Cela n'est pas compatible avec notre perception des responsabilités d'un ministre aujourd'hui. Habituellement, les ministres s'occupent de questions générales, ils ne s'occupent pas de choses aussi particulières que les litiges.
Vous constaterez que nous avons donc proposé des modifications, dans le projet de loi, qui visent à préciser le rôle du ministre. Vous constatez ainsi qu'un grand pouvoir discrétionnaire est actuellement accordé au ministre. Aujourd'hui, le ministre peut nommer des commandants supérieurs à des procès sommaires. Je sais qu'il s'agit là d'un vocabulaire plutôt vague.
Actuellement, le ministre peut nommer les officiers supérieurs à des procès de discipline sommaire. En d'autres termes, le ministre nomme ceux qui peuvent jouer ce rôle. Il peut convoquer une cour martiale, et nomme tous ceux qui ont le droit d'en convoquer une. Le ministre peut approuver la peine de destitution ou de destitution ignominieuse. Le ministre peut suspendre la peine de détention ou d'emprisonnement, et il prend la décision finale dans le processus de réparation des injustices.
Les modifications proposées dans le projet de loi C-25 écartent le ministre de ce processus. En fait dans le rapport Dickson et dans le rapport de la commission d'enquête sur la Somalie, on proposait d'écarter le ministre de ce genre de choses, pour qu'il consacre son temps surtout à des questions plus générales; de cette façon on évite toutes perceptions d'ingérence ou même de conflits d'intérêt. Nous avons cherché à le remplacer par les personnes pertinentes lorsque possible.
Je ne vous donnerai pas de plus amples détails sur le rôle du ministre. Ce principe revient à plusieurs endroits dans le projet de loi.
Le deuxième intervenant important dans le système de justice militaire est le juge-avocat général. Si vous étudiez les articles 9 et 10 de la loi actuelle, vous constaterez qu'on prévoit la création du poste du juge-avocat général, mais nulle part ne mentionne-t-on ses fonctions et responsabilités.
Le sénateur Beaudoin: Pourquoi?
Colonel Fenske: Sénateur Beaudoin, je suis une des rares personnes qui peut dire avoir étudié tous les documents disponibles sur toutes les réunions organisées par des fonctionnaires et parlementaires sur la Loi sur la défense nationale de 1950; cependant, je ne peux pas répondre à votre question. Je ne sais pas vraiment comment éclairer le comité.
Le sénateur Beaudoin: Et que fait le Juge-avocat général?
Colonel Fenske: Il serait juste de rappeler que le groupe d'étude Dickson a signalé que le JAG n'avait aucun pouvoir exécutif. Cependant, il agit à titre de conseiller auprès du ministre, du chef d'état-major et de ceux qui sont dans la chaîne de commandement; il doit également examiner l'administration du système de justice militaire. Cependant, il n'a aucun mandat clair à cet égard.
Les nouvelles dispositions du projet de loi expliquent clairement la nomination, et même le rang -- ainsi que le rôle du conseiller juridique auprès du gouvernement en matière de droit militaire; il s'agit d'un rôle semblable à celui du vérificateur général. Le titulaire est donc responsable de l'examen de l'administration de la justice militaire, de la rédaction d'un rapport à cet égard; il doit de plus soumettre un rapport annuel au Parlement. Nous avons donc désormais un intervenant qui doit respecter des normes et qui doit rendre compte de ses activités.
Si vous étudiez la loi actuelle pour déterminer qui est responsable de la poursuite, vous n'apprendrez pas grand chose. La poursuite est assurée par des avocats qui sont tout compte fait nommés par l'autorité militaire supérieure après consultation du JAG, parce que ce dernier est en fait responsable de pratiquement tous les avocats.
Le sénateur Moore: S'agit-il toujours dans votre cas des Forces armées canadiennes?
Colonel Fenske: À toutes fins pratiques aujourd'hui, oui.
C'est ce qui se passe. Si vous étudiez le système, vous vous demandez: «Qui est responsable de la poursuite? Est-ce la même personne qui peut convoquer le procès?» La réponse est oui. La question sur laquelle nous nous sommes vraiment attardés depuis 10 ans a été la séparation institutionnelle entre la poursuite, la fonction judiciaire, et la chaîne de commandement.
Le projet de loi dont vous êtes saisi séparera la chaîne de commandement de la poursuite. Il y aura désormais un directeur des poursuites militaires qui sera nommé par le ministre et qui sera indépendant de la chaîne de commandement. Cette personne sera responsable de la conduite de toutes les poursuites en cours martiales. Les cas lui seront toujours confiés par la chaîne de commandement. Lorsque le directeur des poursuites militaires recevra un dossier, il décidera s'il doit y avoir cour martiale et quel type de Cour martiale. Vous avez donc un directeur de poursuites qui est complètement distinct de la chaîne de commandement. Le directeur des poursuites aura d'autres avocats de la poursuite qui travailleront pour lui et le JAG est responsable de la surveillance générale des activités de ce directeur.
Le sénateur Grafstein: À quel article parle-t-on de sa nomination?
Colonel Weatherson: Il s'agit du paragraphe 1 de l'article 165.
Le sénateur Grafstein: À quelle page?
Colonel Fenske: À la page 38 du projet de loi.
Le sénateur Grafstein: Le JAG est nommé par le gouverneur en conseil, mais qui nomme le directeur des poursuites militaires?
Colonel Fenske: Le ministre.
Vous constaterez qu'on prévoit un mandat de quatre ans et que le directeur des poursuites peut recevoir des instructions propres à des cas particuliers, comme c'est le cas de la majorité des procureurs au Canada. Cependant il faut aviser le ministre lorsque de telles instructions sont données.
Le prochain intervenant du système de justice militaire dont on ne parle pas vraiment dans le projet de loi, est le juge.
Le sénateur Nolin: Tout le monde se pose la même question. Pourquoi ne pas employer le terme «juge» pour ceux qui jouent le rôle de juge et le terme «avocat» pour ceux qui jouent le rôle d'avocat ou de conseiller?
Colonel Fenske: C'est ce que nous avons fait dans le projet de loi, sénateur. Du moins nous pensons l'avoir fait. Vous soulevez la question du juge-avocat général. C'est une bonne question. Je devrais vous en parler maintenant.
La commission d'enquête sur la Somalie a recommandé que le titre du JAG soit modifié pour s'appeler «directeur des services juridiques militaires». Le titre «juge-avocat général» remonte à des centaines d'années et est employé dans nombre de secteurs militaires étrangers qui suivent la tradition juridique anglo-américaine.
Le sénateur Beaudoin: Ce n'est pas un juge.
Colonel Fenske: Le juge avocat général actuel a été juge.
Le sénateur Nolin: Il est en fait conseiller juridique auprès du gouvernement, auprès de la Couronne.
Colonel Fenske: C'est exact.
Le juge-avocat général, selon son mandat stipulé dans le projet de loi, joue le rôle de conseiller juridique auprès du ministre, et du gouvernement, en matière de droit militaire. Il doit surveiller les services d'avocats de la défense et de la poursuite qui sont offerts dans le système, mais il n'est pas juge.
Le sénateur Nolin: Peut-on à la fois être avocat de la défense et de la poursuite?
Colonel Fenske: Non.
Le sénateur Nolin: Votre client est toujours le même?
Colonel Fenske: Le client est toujours le même, mais pas l'autre partie.
Le sénateur Nolin: Votre client est toujours la Couronne. Ne vous demande-t-on pas de défendre les Forces armées canadiennes contre la Couronne?
Colonel Fenske: Le client du JAG est la Couronne. Une de ses responsabilités, tout comme un procureur général provincial, est d'assurer qu'il existe des services juridiques de défense ou des services de défense pour ceux qui se sentent lésés. Le projet de loi prévoit un service distinct pour le directeur des services de l'avocat de la défense et son rôle est décrit dans les règlements. Le seul client du directeur des services d'avocats de la défense est le prévenu.
Le sénateur Nolin: Ce n'est jamais la Couronne?
Colonel Fenske: Non.
La présidente: Je demanderai au témoin de poursuivre son exposé cela simplifiera la chose à ceux d'entre nous qui ne sommes pas très versés dans le système de défense. On pourra revenir à ces questions importantes à la fin.
Colonel Fenske: Je dois faire un petit commentaire en ce qui a trait aux questions générales.
À bien des égards, le projet de loi cherche à imiter ce qui se produit dans le droit pénal canadien, sous réserve d'un certain nombre d'ajustements qui doivent être faits en raison du contexte militaire. Il serait juste de dire que notre système de droit pénal prévoit des résultats justes et équitables en assurant des rôles distincts à tous les intervenants. Il y a un système judiciaire distinct, le secteur de la poursuite est distinct et il en va de même pour les forces de l'ordre qui font l'enquête; puis il y a les avocats de la défense. En passant, dans certains cas l'avocat de la défense pourrait être un représentant de la Couronne, et dans d'autres cas il pourrait s'agir d'avocats de la défense, mais ils doivent avoir un mandat clair et distinct dans les deux cas. Nous faisons à peu près la même chose.
Pour la première fois, le projet de loi établit des rôles bien distincts pour tous ces intervenants. Vous pouvez les identifier et dire voici les intervenants, voici leurs rôles. On leur attribue certaines causes et certains dossiers, et des résultats justes et équitables seront obtenus grâce à leur interaction.
Nous voulons, grâce à ce projet de loi, tout d'abord éloigner la chaîne de commandement de ce genre d'interaction puis s'assurer que si vous êtes avocat de la défense, lorsque vous jouez ce rôle il s'agit là de votre rôle unique; vous n'avez pas d'autres responsabilités, et si vous êtes de la poursuite, c'est également là votre rôle unique. Vous verrez que le directeur de la poursuite militaire, par exemple, peut avoir l'aide d'autres avocats. Le directeur des services de défense peut également avoir l'aide d'autres avocats. Les gens passeront d'un rôle à l'autre, mais lorsqu'ils auront un rôle, ils s'y tiendront. C'est ce que permet d'assurer le projet de loi.
On vise la même chose en ce qui a trait aux juges. Le temps est probablement venu de parler des juges. Actuellement, on ne parle pas de juges militaires dans le projet de loi. On parle à l'occasion du juge-avocat -- encore une fois pour la raison qu'a soulevée le sénateur Nolin. On craint qu'il n'existe une confusion. Nous avons conservé le titre de juge-avocat général pour le juge-avocat général. C'est un titre historique. Cependant, pour ce qui est des juges, on les désigne actuellement dans le projet de loi sous le titre de juges militaires, et leurs rôles y sont décrits.
Le sénateur Nolin: Nous avons besoin de précisions.
Colonel Fenske: Nous croyons qu'il s'agit là d'une amélioration. Les juges militaires, et c'est là où réside la différence contrairement aux juges de l'article 96 et aux autres juges fédéraux, sont nommés pour un mandat particulier. La Cour suprême du Canada a, dans les causes Généreux et MacKay, fait ressortir les avantages des juges militaires qui connaissent les conditions du service et les valeurs associées à un système judiciaire militaire distinct; ils peuvent être envoyés dans toutes les régions du monde où se trouvent les forces canadiennes dans toutes les conditions dans lesquelles vivent les forces canadiennes. C'est la raison pour laquelle nous avons des juges militaires.
Cela dit, vous constaterez que c'est la première fois qu'on en fait mention dans ce projet de loi. Il y a un juge militaire en chef. Il est évident que le rôle des juges militaires est de présider les cours martiales. Il s'agit là de leur seul rôle à moins qu'on ne leur en confie un autre, comme c'est le cas des juges fédéraux, ce qui est parfaitement compatible avec leurs fonctions judiciaires. Je ne crois que je puisse ajouter quoi que ce soit en ce qui a trait aux juges; je dois me contenter d'ajouter que nous prenons les mesures qui s'imposent pour faire la distinction entre leur rémunération et celle des autres du secteur militaire, et que cette rémunération fera l'objet d'un examen périodique.
Le sénateur Nolin: Par le Parlement?
Colonel Fenske: Non, pas par le Parlement. La rémunération des juges sera établie par un comité qui étudiera régulièrement la question. Je sais que le comité connaît bien l'affaire Î.-P.-E.
Ce qui distingue le régime que nous proposons des autres est qu'il n'est pas question de ce comité ni de sa composition dans le projet de loi. Pour que la rémunération soit conforme et à la jurisprudence et aux dispositions de la Charte, le comité devra être indépendant et objectif. Je sais que vous savez ce qu'il en est. On procédera par règlement. Un comité permanent étudiera régulièrement la question de la rémunération. Si je ne m'abuse, il est prévu dans le projet de loi C-37 que la rémunération soit revue tous les quatre ans. Je ne suis pas sûr que nous options pour un cycle aussi long, mais la fréquence de la révision de la rémunération sera fixée dans les règlements.
La présidente: Je regrette de vous interrompre, mais le sénateur Beaudoin doit bientôt partir et il aimerait poser une question.
Le sénateur Beaudoin: Je suis heureux de voir que vous souhaitez abolir la peine de mort. Je vous en félicite bien que l'article 12 de la Charte interdit de toute façon le recours à cette mesure.
Voici ma question: L'ancien juge en chef Brian Dickson s'est penché sur la question des cours martiales dans ce pays. J'ai étudié les causes MacKay, Généreux et Î.-P.-E. Il ne fait aucun doute que des changements s'imposent dans ce domaine. J'ai écouté très attentivement ce que vous alliez nous dire. Voici ce qui me préoccupe étant donné qu'on a fait des reproches à cet égard aux cours martiales. Comment assurera-t-on leur indépendance judiciaire? Vous dites qu'il appartiendra à un comité d'établir la rémunération des juges. De qui relèvera cependant ce comité? Le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif sont distincts dans notre pays et nous devons respecter l'indépendance de la magistrature dont font partie les juges des cours martiales. Nous devons respecter ces principes à la lettre. Comment allez-vous le faire? Dans l'ancien système, les cours martiales n'avaient pas une grande indépendance financière.
Colonel Fenske: J'aimerais d'abord souligner que l'indépendance financière des juges militaires ne se justifie pas de la même façon que celle des juges fédéraux. Certains problèmes se posent à cet égard. Les juges militaires sont nommés pour une durée déterminée.
Le sénateur Beaudoin: Quelle est la durée de leur mandat, monsieur?
Colonel Fenske: Ce mandat est de cinq ans et peut être reconduit sur recommandation.
Le sénateur Beaudoin: Il peut être reconduit?
Colonel Fenske: Oui.
Le sénateur Nolin: Pouvez-vous nous expliquer la raison d'être de ce système? Repose-t-il sur des raisons historiques?
Colonel Fenske: Les raisons sont effectivement historiques. Une étude des changements apportés à la loi et aux règlements sur la Défense nationale au cours des 10 dernières années, montrera que le système militaire se rapproche progressivement du système civil et qu'il repose de plus en plus sur le principe de l'indépendance financière. Certains changements y avaient déjà été apportés avant l'affaire Généreux. À l'issu de cet arrêt, d'autres changements ont été apportés au système pour marquer surtout la séparation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Le projet de loi fait en sorte que la fonction judiciaire soit complètement distincte et que la cour martiale devienne une institution judiciaire au lieu d'être une institution relevant d'un officier qui n'a pas de formation juridique secondé par un conseiller juridique. La cour martiale deviendra un tribunal comme tous les tribunaux qu'on connaît au Canada.
Pour ce qui est de la rémunération des juges militaires, leur mandant étant de cinq ans, ils ne renoncent jamais à leurs moyens d'existence. Ces moyens ne sont jamais en péril. Un juge militaire est un membre des Forces armées canadiennes détenant un grade qui s'accompagne d'un salaire fixé par le Conseil du Trésor.
Le sénateur Beaudoin: C'est le salaire d'un officier ou le salaire d'un juge?
Colonel Fenske: Il y a un article spécial qui porte sur la rémunération des juges militaires. Cette rémunération est établie en fonction de la rémunération des avocats. Voici comment cela fonctionne. La personne qui est nommée juge militaire se voit immédiatement accorder la rémunération maximale équivalent au rang qu'il occupe peu importe l'échelon auquel il se situe. Le juge militaire en chef, par exemple, touche donc une rémunération supérieure à 100 000 $ par année, soit à peu près la même rémunération que certains juges de la Cour provinciale. L'échelle de rémunération des juges varie selon la région du pays.
Les juges touchent également une prime qui est de 2 p. 100 de plus que ce que touchent les avocats. Cette prime tient compte du fait que la personne qui occupe ce poste peut être défavorisée. Je ne pense pas qu'on ait pu le prouver, et c'est sans doute en fait le contraire qui est plutôt le cas. Voilà comment le système fonctionne à l'heure actuelle. Le juge Létourneau, dans l'affaire Lauzon, l'a cependant récemment critiquée.
Le projet de loi propose de grands changements en ce qui touche la rémunération des juges. Les seules dispositions du projet de loi qui portent sur la rémunération précisent que la rémunération des juges militaires sera fixée par règlement. La rémunération des autres militaires ne sera plus fixée par règlement. On en arrivera à un régime de rémunération distinct.
Quant à savoir quelle sera la rémunération qui sera accordée aux juges dans l'avenir compte tenu de l'arrêt Î.-P.-E., elle fera l'objet d'une recommandation du comité sur laquelle le gouvernement se prononcera, et le comité se fondera sur un mécanisme indépendant et objectif qui sera prévu par règlements. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous suivons de très près les travaux du comité en ce qui touche le projet de loi C-37.
Le fait est que nos juges sont de plus en plus traités de la même façon que les juges fédéraux. Il existe encore certaines différences de traitement, mais nous ne pensons pas qu'on puisse alléguer qu'elles sont contraires à la loi. Les juges jouissent d'une grande sécurité financière même si la façon dont leur rémunération est établie n'est pas tout à fait la même que pour d'autres juges fédéraux.
Le sénateur Nolin: Ils préféreraient sans doute conserver ce système.
Colonel Fenske: Je ne peux pas me prononcer pour eux.
Le sénateur Nolin: Je m'inquiète de la reconduction des mandats.
Colonel Fenske: Très intéressante.
Le sénateur Beaudoin: En quoi est-elle intéressante?
Le sénateur Nolin: Qui va payer la rémunération de ces juges?
Le sénateur Beaudoin: Dans notre système, les juges qui sont nommés ont moins de 75 ans. Si l'on n'est pas satisfait du travail d'un juge, son mandat est-il reconduit?
Colonel Fenske: Voilà pourquoi le projet de loi précise que le mandat d'un juge est reconduit si un comité le recommande. Ce comité sera constitué. Vous voudrez sans doute vous pencher sur la composition de comité une fois qu'il aura été créé par règlement.
Le sénateur Beaudoin: Que dit à ce sujet l'ancien juge en chef Dickson dans son rapport?
Colonel Fenske: Il pense que le fait que les juges soient nommés par le ministre pour une période déterminée assure leur indépendance. En prolongeant le mandat, leur nomination relève du gouverneur en conseil. Le mandat actuel est normalement de deux à quatre ans.
Le sénateur Beaudoin: Il sera maintenant de cinq ans. C'est une amélioration.
Colonel Fenske: Je suis heureux de vous l'entendre, sénateur Beaudoin.
Vous voyez où nous nous dirigeons. Les juges fédéraux ne sont pas nommés pour un mandat déterminé. Seul le mandat des juges à temps partiel peut être reconduit. Les juges à temps partiel ne sont pas nombreux. Le mandat des juges de la Cour provinciale peut être cependant reconduit lorsqu'il arrive à expiration.
Le projet de loi traite de la reconduction des mandats et que malgré les problèmes que cela peut poser, le processus, s'il est bien mené, peut assurer l'indépendance des juges comme le confirme l'arrêt Lauzon rendu récemment par la Cour d'appel de la cour martiale. Nous nous conformerons à cet égard à la décision de la CACM. On s'attend à ce que nous mettions en oeuvre le processus comme il se doit.
Nous pensons qu'il est rassurant qu'un juge souhaite que son mandat soit reconduit et que la décision ne relève pas simplement du pouvoir exécutif.
La présidente: Revenons à votre exposé, monsieur.
Colonel Fenske: J'aimerais vous parler brièvement des services de l'avocat de la défense. Le projet de loi prévoit spécifiquement que quelqu'un assurera la défense juridique de ceux contre lesquels des accusations sont portées en vertu du système de justice militaire. Il s'agirait d'une nomination ministérielle pour une durée d'au plus quatre ans.
Le sénateur Grafstein: Dix ans.
Colonel Fenske: Non, quatre ans. Le titulaire du poste devra être un avocat comptant dix années d'expérience.
Il jouera le même rôle que le directeur des services d'aide juridique. Il pourra compter sur l'aide de conseillers juridiques.
Le JAG pourra donner des avis généraux par écrit au directeur, mais non pas des avis se rapportant aux cas dont il sera saisi. Le JAG pourra ainsi spécifier que le titulaire de ce poste doit être membre du barreau d'une province canadienne. Il s'agirait d'un avis général. Le projet de loi précise clairement que le JAG ne doit pas intervenir dans la conduite des cas et qu'il ne peut porter atteinte à la relation d'avocat à client entre les conseillers juridiques et les accusés.
Voilà tout ce que j'avais à vous dire au sujet des moyens qui ont été pris pour éviter qu'il y ait chevauchement des fonctions attribuées aux différents services.
Parlons maintenant des tribunaux militaires. Le code de discipline militaire prévoit deux types de tribunaux militaires, à savoir des tribunaux chargés des procès sommaires et les cours martiales. Il existe quatre types de cour martiale. Les procès devant deux de ces cours martiales sont entendus par un banc -- comme pour les procès devant jury -- composé, dans un cas, de cinq officiers et, dans l'autre, de trois. Les procès devant les deux autres cours martiales sont entendus par des juges seulement. Le système peut sembler très complexe jusqu'à ce qu'on le mette en oeuvre. La compétence de ces diverses cours martiales n'est pas la même.
La cour martiale spéciale ne peut entendre qu'un nombre limité de procès mettant en cause des civils qui sont régis par le code de discipline militaire. Nous avons très peu recours à ce genre de cour martiale aujourd'hui, mais lorsque 20 000 personnes vivaient sur la base militaire en Allemagne, cette cour avait son utilité.
Il s'agit d'un tribunal judiciaire comme ceux qui existent dans toutes les régions du Canada. Il y a ensuite les tribunaux qui doivent se prononcer sur les infractions disciplinaires mineures. Il s'agit de procès sommaires et trois catégories de personnes peuvent être membres de ce genre de tribunal: les commandants ou les personnes qui relèvent d'eux, comme le commandant adjoint ou le commandant d'une compagnie. Ces personnes peuvent faire partie des tribunaux qui rendent des décisions portant sur la discipline interne. Le deuxième type de tribunal est la cour martiale.
Le sénateur Grafstein: Les accusés ont-ils aussi droit dans ce cas-là aux services d'un avocat de la défense?
Colonel Fenske: Non. La raison d'être des procès sommaires a toujours été de prévoir un mécanisme simple pour des infractions mineures.
L'accusé peut compter sur l'aide d'un officier, mais non pas d'un avocat. On veut ainsi éviter de trop compliquer le processus.
Cela étant dit, pourquoi opte-t-on pour un procès sommaire? Il y a diverses raisons qui l'expliquent. L'accusé peut évidemment consulter un avocat pour établir s'il devrait procéder par procès sommaire. Ce droit est spécifiquement reconnu aux accusés même s'il n'est pas précisé dans le projet de loi. Il existe maintenant au ministère une direction générale de la défense et la personne qui doit choisir entre un procès devant une cour martiale et un procès sommaire a le droit qu'on lui communique toute l'information pertinente comme on s'y attendrait et a aussi le droit de communiquer avec un avocat qui l'aidera à prendre une décision à cet égard.
Le sénateur Grafstein: Dans le cas d'un procès sommaire où l'accusé n'a pas le droit à un contre-interrogatoire ni à être représenté par un avocat au sens traditionnel du terme, quelle est la peine maximale à laquelle il s'expose?
Colonel Fenske: La peine maximale en vertu du projet de loi serait 30 jours de détention.
Le sénateur Grafstein: C'est la peine maximale que peut encourir une personne qui n'est pas représentée par un avocat?
Colonel Fenske: Il existe maintenant des règles à ce sujet. On ne peut imposer de procès sommaire à quelqu'un qui préférerait opter pour une cour martiale, à moins qu'il ne s'agisse d'une question vraiment mineure -- comme des absences sans permission -- c'est-à-dire que l'accusé ne s'expose pas à se voir privé de liberté ou à être rétrogradé. Ce genre de peine ne peut pas être imposée lors d'un procès, à moins que l'accusé ait préféré ce genre de procès à un procès devant une cour martiale où les services normalement offerts à l'accusé dans un procès criminel lui seraient également offerts. L'accusé choisit donc le type de procès qu'il préfère.
Voilà la première chose que vous devez savoir. La deuxième est que l'accusé peut consulter un avocat pour obtenir conseil. La troisième est que l'accusé peut mener un contre-interrogatoire. Il n'y a pas non plus de procureur à un procès sommaire.
Le sénateur Grafstein: Il n'y a qu'un officier?
Colonel Fenske: Oui. C'est un procès de type inquisitoire.
Le sénateur Moore: Vous venez de dire qu'une personne ne peut pas être rétrogradée lors d'un procès sommaire.
Colonel Fenske: Ce n'est pas ce que j'ai dit, monsieur. J'ai dit qu'une personne ne pouvait pas être rétrogradée à l'issue d'un procès sommaire s'il n'avait pas choisi ce mode de procès. La peine maximale qu'un commandant peut imposer à l'issue d'un procès sommaire est une détention de 30 jours. Je devrais vous expliquer ce qu'on entend par détention aux termes du projet de loi.
Aux termes de la Loi sur la défense nationale, la détention à l'heure actuelle peut ressembler à un emprisonnement. En vertu du projet de loi, une personne en détention sera envoyée à une installation où elle sera placée sous verrous. Elle devra se plier à une discipline qui sera très militaire. Si on a un grade plus élevé que celui de soldat, ce grade sera suspendu -- et j'utilise ce terme dans son acception normale -- pendant la durée de la détention. Le militaire dont le grade était plus élevé sera traité en soldat et rémunéré comme un soldat pendant le temps qu'on lui a donné pour changer sa façon de penser. Une fois la détention terminée, le caporal ou le maître-caporal reprendra son grade et sera payé en conséquence.
On cherche par ce système à maintenir une institution militaire à laquelle attachent beaucoup d'importance ceux qui sont assujettis à un code de discipline militaire.
Le sénateur Grafstein: Tout ce qui est exigé, c'est que le procès ait lieu devant un commandant ou un commandant adjoint?
La présidente: Sénateur Grafstein, je n'ai pas permis d'interruption et je vous demande donc de prendre note de vos questions et de les poser par la suite. J'inscrirai votre nom sur la liste des intervenants.
Le sénateur Grafstein: Je m'excuse, madame la présidente. Le système est très complexe et il serait peut-être préférable que nous puissions obtenir des précisions au sujet de chaque partie du projet de loi. Comme le témoin l'a fait remarquer, il s'agit d'un changement fondamental et chaque palier à partir de celui du juge-avocat jusqu'à celui de la défense, en passant par la poursuite, sont distincts et soulèvent des problèmes particuliers en ce qui touche leur indépendance et leurs attributions. Le système est très complexe.
La présidente: C'est vrai, et je pensais qu'il serait préférable qu'on nous le présente d'abord dans l'intérêt des membres du comité qui n'ont pas de formation juridique.
Le sénateur Grafstein: Je m'en remets à vous.
Colonel Fenske: Si vous me permettez de poursuivre mon exposé, madame la présidente, j'aimerais simplement souligner que les principaux changements en ce qui touche les procès sommaires ont déjà été apportés au système. La plupart des modifications dont je vous ai parlé sont déjà en place et les procès sommaires se déroulent déjà de cette façon à l'issue de changements apportés par voie réglementaire, comme nous le permet la loi.
Deux changements très importants seront apportés au système relativement aux procès sommaires. Premièrement, le projet de loi limitera la période de détention à 30 jours et elle ne pourra jamais être plus longue. Il est vrai que la période de détention pouvait être limitée à 30 jours par voie réglementaire, mais la période maximale de détention est maintenant prévue dans le projet de loi. Deuxièmement, certaines limites sont imposées aux mesures qui peuvent être prises dans le cadre d'un procès sommaire en ce qui touche le grade d'une personne. Autrefois, un sergent pouvait être rétrogradé au grade de soldat à l'issue d'un procès sommaire. Je peux vous assurer que cela représente un grand changement dans la vie de quelqu'un.
Aux termes des modifications proposées, la rétrogradation ne pourra pas dépasser un grade. Cela semble logique étant donné qu'il ne doit s'agir que d'une infraction disciplinaire mineure. Si l'infraction est plus grave, le militaire doit être jugé par un tribunal public. Voilà les raisons qui motivent ces deux modifications.
J'aimerais aussi préciser pour que vous compreniez bien ce que nous faisons que la compétence d'un procès sommaire sera maintenant beaucoup plus réduite. On a étudié il y a plusieurs années quelle devrait être la compétence des procès sommaires et on a modifié en conséquence le règlement. Toutes les infractions fédérales et toutes les infractions militaires ont été revues. On a établi, à partir de cette liste, quelles étaient les infractions qui pouvaient faire l'objet d'un procès sommaire. Il n'y a maintenant que huit -- il se peut qu'il y en ait une de plus -- infractions fédérales qui ne sont pas seulement des infractions militaires et qui peuvent donner lieu à un procès sommaire. Dans tous les cas, on peut opter pour un procès devant une cour martiale.
Les modifications proposées réduisent donc l'étendue de la compétence de ces tribunaux disciplinaires qui donnent la possibilité aux accusés d'opter pour un autre type de procès s'ils le souhaitent.
Quant aux cours martiales, on a affirmé leur caractère judiciaire. Aux termes de la loi actuelle, le président d'une cour martiale peut ne pas posséder une formation juridique. Le comité de cour martiale fait des conclusions et impose des peines. Dorénavant, ce comité sera présidé par un juge et ce sera le juge, et non pas les membres du comité des cours martiales qui déterminera la sentence.
J'aimerais souligner que la loi ne donne pas beaucoup de précisions à l'heure actuelle.
Si ce n'est le fait que les membres du comité des cours martiales portent un uniforme et qu'ils ne sont pas 12 comme le prévoit la Charte, il n'y a pas grand-chose qui les distingue des tribunaux civils. L'institution a déjà accepté le rôle confié au juge et le projet de loi le confirmera. La théorie et la pratique coïncident.
J'ai fait remarquer que deux comités des cours martiales comptaient des membres. L'une est la cour martiale générale, celle qui peut accorder les peines les plus sévères. Elle peut au besoin imposer la détention à perpétuité et elle peut juger les officiers supérieurs. Il y a ensuite la cour martiale disciplinaire qui ne peut imposer qu'une période de détention d'un à deux ans au plus. À l'heure actuelle, seuls des officiers peuvent siéger en tant que membres des comités des cours martiales. Or, les officiers à eux seuls ne représentent pas la chaîne de commandement de laquelle relève la discipline. En vertu de ces modifications, des sous-officiers pourront être nommés membres.
C'est la technologie qui permet ce genre de système. Personne n'est spécifiquement choisi. Le système en place à l'heure actuelle résulte d'un jugement en appel qui n'a pas été renversé depuis.
La Loi sur la défense nationale prévoit actuellement des peines très sévères. Ainsi, un sous-officier qui est condamné à une période d'emprisonnement se voit automatiquement rétrogradé. Chaque fois qu'un tribunal veut imposer une peine d'incarcération, il doit aussi rétrograder l'accusé. Même si la période d'incarcération imposée n'était que d'un jour, l'accusé perdrait son grade. On imagine facilement quelles sont les conséquences d'être reconnu coupable une deuxième fois dans une période de dix ans pour avoir conduit une voiture alors que le taux d'alcool dans son sang est supérieur à ,08 alors qu'il n'avait pas songé à obtenir de pardon la première fois. Le système actuel est très rigide. Les modifications qui sont proposées visent à accorder une plus grande marge de manoeuvre au tribunal.
Nous avons supprimé la prescription de trois ans relativement aux cours martiales. Il s'agit de tribunaux criminels spécialisés et nous n'avons trouvé aucune raison de conserver cette prescription. Le groupe Dickson a d'ailleurs recommandé de la supprimer. Une prescription d'un an est conservée dans le cas des infractions de nature disciplinaire qui feront l'objet d'un procès sommaire.
La Loi sur la défense nationale actuelle permet d'imposer une peine de détention et non pas une peine d'emprisonnement d'au plus deux ans. Compte tenu des conséquences d'une peine de détention au plan de la rémunération, la peine imposée ne devrait pas être supérieure à 90 jours. La peine maximale qui pourra donc être désormais imposée est de 90 jours au lieu de deux ans.
Voilà tout ce que j'avais à vous dire au sujet du fonctionnement du tribunal. Reste la question très importante des agressions sexuelles. Le projet de loi donne compétence aux Forces armées canadiennes en ce qui touche les agressions sexuelles commises au Canada. En vertu du Code disciplinaire militaire actuel, les cours martiales ont compétence pour intenter des procès à l'égard de la majorité des infractions à caractère sexuel comme l'exploitation sexuelle et les agressions sexuelles commises à l'extérieur du Canada, mais elles n'ont pas compétence sur les infractions commises au Canada.
La façon dont les forces armées font enquête sur les agressions sexuelles a fait couler beaucoup d'encre. Si les forces armées ne sont pas en mesure de recourir au Code de discipline militaire pour protéger ceux qui font l'objet d'agression sexuelle et qu'elles doivent confier ces cas à des tribunaux de l'extérieur, quel recours auront-elles contre ceux qui minent le moral de l'unité ainsi que son fonctionnement. Le projet de loi donne aux forces armées les moyens d'intervention voulus.
En dernier lieu, j'aimerais attirer votre attention sur le processus d'enquête et sur l'établissement des chefs d'accusation. Il est très important que vous vous penchiez sur ces questions. M. Arthur Martin, dans son étude sur l'évaluation, a fait valoir que c'est à l'étape de la pré-enquête que les jugements de valeur sont portés en droit criminel et que de véritables difficultés sont susceptibles de se poser. Dans ce domaine, nous avons cherché des moyens de permettre à la chaîne de commandement des forces canadiennes de continuer à jouer un rôle important dans le domaine de la discipline sans oublier le fait qu'elle se conformera aux directives du gouvernement à cet égard. Nous avons cependant voulu tenir compte des préoccupations qui ont été exprimées quant à l'étendue des pouvoirs qui doit être confiée à la chaîne de commandement ainsi que la possibilité que les officiers se trouvent en situation de conflit d'intérêts. Nous avons voulu tenir compte de ces préoccupations. Les modifications que nous proposons à la loi visent, en ce qui touche les enquêtes et l'établissement des chefs d'accusation, à établir un système qui assure l'intégrité du processus pour qu'il soit impossible de le contester de l'extérieur.
La loi prévoit actuellement qu'un commandant puisse rendre une ordonnance de non-lieu. Supposons que quelqu'un porte une accusation; il revient au commandant de décider s'il engage ou non des poursuites. Il peut même rendre une ordonnance de non-lieu. S'il y a rejet de l'accusation par le commandant, l'accusation ne peut plus être portée à nouveau, ni devant un tribunal civil ni devant un tribunal militaire. D'aucuns prétendent que ce n'est pas ainsi qu'il faut interpréter la loi, mais si l'on présume que c'est ainsi que l'interprètent la majorité des gens, il faut se demander si c'est de bon aloi? Comme c'est une façon de faire que l'on ne retrouve nulle part ailleurs au Canada, nous proposons de retirer cette disposition. Les commandants gardent toutefois le pouvoir d'engager ou non des poursuites, mais advenant que l'on conclut ultérieurement que la décision prise n'était pas la meilleure, il est toujours loisible au commandant de rouvrir le cas. Cela devient donc une question d'administration. Or, il n'y a rien dans les règlements actuels qui le permette.
L'important, c'est que nous avons demandé aux autorités qui s'occupent des mises en accusation de rendre compte des infractions que nous considérons comme graves et de nature délicate. Laissez-moi vous donner quelques exemples: une infraction au Code criminel est une infraction grave. Une infraction impliquant un commandant est une infraction de nature délicate. Voilà le type d'infraction que nous demandons à notre Service national d'enquête de nous signaler.
Ce service a été mis sur pied suite à une recommandation du groupe consultatif Dickson sur la justice militaire et sur les services d'enquêtes de la police militaire. C'est un service distinct de la chaîne de commandement. En effet, il rend des comptes à notre vice-chef d'état-major qui chapeaute le commandement opérationnel de campagne. Le personnel de ce service est indépendant, car ceux qui y travaillent ont le pouvoir de faire des enquêtes indépendantes et de déposer des accusations.
Nous espérons que l'existence de ce service permettra à celui qui doit porter des accusations de nature grave ou délicate, de le faire de façon indépendante et transparente. Une fois la décision de porter des accusations prise, le dossier revient entre les mains du commandant qui doit décider pour sa part d'intenter ou non des poursuites. Voilà ce que prévoit le projet de loi.
Le projet de loi prévoit que si l'on décide de ne pas intenter de poursuites, il est toujours possible de revenir en arrière, contrairement à ce qui se passe dans les cas de non-lieu.
Autre caractéristique qui a également son importance: si celui qui porte une accusation décide d'accepter le non-lieu et laisse tomber ces accusations, l'affaire s'arrête là. Mais s'il décide de contester le non-lieu, la police militaire peut renvoyer l'inculpation au directeur des poursuites militaires qui nommera un officier indépendant qui devra à son tour décider s'il y a lieu ou non d'intenter des poursuites et sous quel chef d'accusation.
Nous voulons ainsi faire en sorte que ceux qui ont le commandement ont toujours un rôle à jouer, tout en nous assurant que les décisions sont prises de façon ouverte et transparente.
Je voulais m'assurer que vous compreniez bien notre politique de mise en accusation. Nous espérons que la démarche suivie sera très visible et, dans les cas graves, sera soumise à un système d'autocontrôle qui permettra d'éviter que les premiers intéressés soient ceux qui décident au départ s'il y aura ou non des poursuites. De plus, dans les cas graves, nous ferons de toute façon appel à notre Service national d'enquête. Puis, s'il y a désaccord sur un non-lieu éventuel, l'affaire est renvoyée à celui qui occupe un poste indépendant, soit le directeur des poursuites militaires, qui aura le dernier mot.
Voilà ce que je voulais vous expliquer au sujet des enquêtes. Je sais que le projet de loi compte une centaine de pages et que c'est une tâche ardue que d'essayer d'en faire un survol. J'ai abordé la plupart des questions que nous estimions importantes de signaler au départ et qui vous donneront une idée du système judiciaire des forces armées. Je sais que vous connaissez très bien le système judiciaire du Canada.
Madame la présidente, je m'en tiendrai à cela, et je répondrai avec plaisir à vos questions pour vous aider de mon mieux.
La présidente: Merci, colonel. Voilà qui était un excellent survol qui nous permet de nous familiariser davantage avec le système judiciaire canadien.
[Français]
Le sénateur Nolin: Peut-on en faire appel des décisions résultant de procès sommaires?
Colonel Fenske: Dans les règlements vous avez un processus par lequel l'accusé, s'il n'est pas satisfait soit du verdict ou de la sentence, peut demander qu'une autorité supérieure révise le dossier. Cette révision est faite par écrit et une autorité supérieure peut changer le verdict ou la sentence.
Le sénateur Nolin: L'autorité supérieure, est-ce un juge?
Colonel Fenske: Non, c'est un officier militaire. Je dois souligner qu'il y a une autorité, aussi sous la Loi de la défense nationale, chargée d'altérer les verdicts et les sentences des tribunaux militaires, incluant même les cours martiales, et ce n'est pas un juge.
Le sénateur Nolin: Si je comprends bien, le Parlement accepte qu'une décision rendue par un tribunal militaire peut être renversée par un officier militaire?
Colonel Fenske: Oui, c'est présentement le cas. Les modifications à notre loi vont sévèrement limiter cela. Derrière tout cela, il y a la notion de respect face aux tribunaux judiciaires. Dans la tradition militaire anglo-américaine, le pouvoir d'agir comme cela subsiste toujours.
On a modifié la loi pour limiter à l'extrême les cours martiales, mais on l'a gardée pour les procès sommaires. On a gardé ce pouvoir dans les cas de discipline interne pour une unité en jeu.
Le sénateur Nolin: Nous avons deux objectifs qui s'affrontent, la discipline militaire et le respect de l'ordre, mais nous avons aussi le respect des droits de la personne qui est accusée. Les deux peuvent entrer en conflit à l'occasion et il est important de maintenir la coexistence de ces deux grands principes. Comment, à chacune des étapes, pourrons-nous protéger et les fondements de la structure militaire et les droits de l'accusé?
Je veux revenir à vos explications sur la procédure d'enquête et sur l'examen des plaintes. Quels sont les règlements en ce qui concerne le plaignant? Les plaintes doivent-elles être déposées uniquement par un officier de la police militaire ou elles peuvent l'être par qui que ce soit?
Colonel Fenske: Dans les unités, ce sont seulement des personnes désignées par le commandant. Dans le cas d'une unité d'infanterie, qui est composée de trois compagnies, ce sera une personne pour chaque compagnie. Le RSN, «Regimental Sergeant Major», a l'autorité de lancer les accusations. À part cela, dans tous les autres cas, ce sont les agents des polices militaires qui lancent l'accusation.
Le sénateur Nolin: Je ne veux pas parler du dépôt de l'accusation formelle, je suis à l'étape préliminaire de la plainte. N'importe quelle personne peut se plaindre de n'importe qui?
Colonel Fenske: C'est cela.
Le sénateur Nolin: Chaque plainte est examinée selon le processus que vous nous avez expliqué?
Colonel Fenske: Le règlement exige cela.
Le sénateur Nolin: Un nombre restreint de personnes peuvent porter des accusations?
Colonel Fenske: C'est cela.
Le sénateur Nolin: Quand vous dites que les procès sommaires sont des procédures judicaires militaires menées principalement par des commandants ou leurs délégués, je présume que les personnes qui jugent sont indépendantes et qu'elles ne font pas partie de la chaîne de commandements?
Colonel Fenske: Ils font partie de la chaîne de commandements.
Le sénateur Nolin: Pas de celle de l'accusé?
Colonel Fenske: On espère que ce soit celle de l'accusé. On essaie, c'est le but.
Le sénateur Nolin: Comment un juge faisant partie du commandement qui a été trompé peut-il protéger les droits fondamentaux de celui qui a trompé ce même commandement?
Colonel Fenske: La réponse à votre question se trouve dans notre processus d'examen et les sauvegardes de ce processus. On ne peut pas procéder à un procès sommaire sans que l'accusé ait eu le choix de comparaître en cour martiale, à moins que ce soit pour une infraction comme une absence sans permission ou autres comportements mineurs qui n'invoquent pas une peine qui affecte la liberté de l'individu. Cela veut dire que cela n'arrive pas à moins que vous n'ayez choisi le processus d'un procès sommaire. Tout le monde peut faire le choix pour une cour martiale, si l'infraction est sérieuse et s'il y a un procès sommaire, l'accusé a choisi de comparaître devant son unité au lieu de comparaître devant une autre cour composée d'étrangers. C'est son choix. C'est cela, la différence.
Le sénateur Nolin: Son droit constitutionnel à consulter un avocat existe.
Colonel Fenske: Oui.
Le sénateur Nolin: Et cet avocat n'est pas nécessairement un avocat du ministère?
Colonel Fenske: Exact. C'est très simple, si vous avez besoin de consulter un avocat, vous êtes libre de le faire. Pour un militaire, c'est la même chose. La différence pour l'accusé militaire, si l'accusé le choisi évidemment, c'est qu'il y a des avocats militaires qui sont disponibles et leurs services sont offerts gratuitement. Ceux-ci ont une certaine expérience dans le domaine. Ce service n'est pas comme l'aide juridique. C'est un service offert à l'accusé où qu'il soit à travers le monde.
Le sénateur Nolin: Cela va bien quand l'accusé est au Canada, mais lorsqu'il est en Somalie ou en Bosnie...
Colonel Fenske: C'est de cette façon que le processus fait des sauvegardes. Vous ne pouvez pas comparaître devant un officier qui préside un procès sommaire à moins que l'infraction soit mineure. Les cinq infractions qui sont déjà dans nos règlements sont comme cela. La prochaine étape, si l'infraction est mineure vous pouvez choisir entre la cour martiale ou un procès sommaire.
La révision n'est pas exactement un appel. La tradition, dans les organisations militaires depuis longtemps, c'est de ne pas faire appel des procès sommaires. On a une révision par un officier qui n'était pas présent, et cet officier doit prendre un avis juridique sur la question. Tout le monde à l'opportunité de faire part devant le juge. La seule chose que notre règlement demande, c'est que l'accusé précise sa plainte. Si l'accusé dit qu'il n'y avait pas assez de preuve pour le trouver coupable de cette infraction, ce sera la question étudiée au cours de la révision. Si l'accusé dit que la peine était trop sévère, ce sera alors la question étudiée lors de la révision. L'officier qui fait la révision est un des officiers qui a les pouvoirs de changer une sentence, le verdict d'un procès sommaire seulement dans de tels cas.
Le sénateur Nolin: Est-ce que les cours militaires sont assujetties à la cour fédérale?
Colonel Fenske: Oui. On ne veut pas qu'un militaire, qui a été trouvé coupable à ce stage, doive aller à la cour fédérale pour la résolution d'une telle situation. C'est la raison de l'autre étape du processus. Mais, en bout de ligne, c'est un processus disciplinaire. C'est le processus où on a gardé le rôle de chef de commandement. On a distingué entre un processus judiciaire et un processus disciplinaire. On a pris la compétence du procès sommaire, on a réduit énormément la compétence de l'officier qui préside et ses pouvoirs de punition pour garder cela, à notre avis, dans le domaine disciplinaire. Toutes les autres infractions vont maintenant en cour martiale. C'est la manière d'approché le problème.
[Traduction]
Le sénateur Grafstein: Je suis à la page 4, au nouvel article 11. Je ne vois vraiment pas ce que cela vient faire dans le projet de loi. S'agit-il d'une opération d'épuration? Je ne comprends vraiment pas, car cette disposition ne me semble pas avoir sa place dans le projet de loi.
Colonel Fenske: L'article 11 a été modifié de façon à prévoir plusieurs modes d'aliénation. En effet, la loi actuelle ne prévoit que peu de méthodes d'aliénation du matériel.
Le sénateur Grafstein: Mais pourquoi l'inclure dans un projet de loi censé traiter de poursuites judiciaires?
Colonel Fenske: Votre question est intéressante. La Loi sur la défense nationale est censée être une loi à vocation générale.
Le sénateur Grafstein: Je comprends.
Colonel Fenske: Si vous regardez la façon dont il est structuré, les liens organiques qui mettent sur pied le ministère et les Forces armées canadiennes s'y trouvent.
Le sénateur Grafstein: Je comprends que la Loi sur la défense nationale est de plus grande envergure que ce dont nous discutons aujourd'hui. C'est tout simplement que cette disposition me semble ne pas avoir sa place ici.
Colonel Fenske: Je vois.
La présidente: Y a-t-il d'autres dispositions insolites?
Colonel Fenske: Comme je l'expliquais tantôt, ce projet de loi-ci porte sur toute la gamme des opérations de défense, même s'il met l'accent sur la justice militaire. Vous constaterez, sénateur, que le projet de loi comprend aussi plusieurs autres dispositions de ce genre. Ainsi, dans le cas des commissions d'enquête, nous avons fait en sorte que ces commissions puissent désormais assigner des témoins civils et militaires. Le projet de loi comprend plusieurs dispositions de ce genre d'ordre administratif.
Le sénateur Grafstein: Je ne remets pas en question les dispositions qui traitent de l'administration de la justice dans les forces armées. Mais l'article dont je parle me semble être de nature économique qui dépasse ce qui nous intéresse au premier chef, et je ne vois pas pourquoi il a été ajouté.
Je lis que le ministre peut livrer tout matériel qui n'a pas été déclaré excédentaire, en vue de l'aliénation. Il me semble que ce devrait être le contraire.
Madame la présidente, c'est une question que je pose au témoin et à ses collègues. Advenant qu'il y ait d'autres dispositions polyvalentes de ce genre, nos recherchistes devraient pouvoir parcourir le projet de loi et nous faire un exposé détaillé sur tout ce qui n'est pas de notre ressort.
Colonel Fenske: Sénateur, vous devriez savoir que c'est un projet de loi d'envergure et qu'il comporte effectivement d'autres dispositions de ce genre-ci.
Le sénateur Grafstein: J'en suis sûr.
Le sénateur Nolin: Cela ne fait aucun doute pour nous.
La présidente: Je vous signale que dans le résumé législatif, vous trouverez une section intitulée «divers», dans laquelle cela saute aux yeux.
Le sénateur Grafstein: Madame la présidente, le but premier du projet de loi est d'établir dans les forces armées un système judiciaire, donnant lieu à des poursuites, un système permettant aux militaires de se défendre, et un système de surveillance des méthodes militaires dans les forces armées. Autrement dit, c'est très loin de ce qui existe actuellement à bien des égards.
Il serait plus facile d'avoir d'un côté les articles variés, que nous pourrions étudier séparément, puis les articles portant sur des questions judiciaires ou quasi judiciaires d'un autre côté. C'est pour que nous puissions mieux saisir, d'un point de vue conceptuel, la tâche gargantuesque qui nous attend.
Je remercie la présidente et le témoin qui nous a offert cet important survol.
Colonel Fenske: Me permettez-vous de répondre à votre observation? Comme nous l'avons déjà dit, le projet de loi semble avoir attirer surtout l'attention sur les dispositions de justice militaire, mais il comporte aussi beaucoup d'autres articles. Nous répondrons avec plaisir à toute question qui porterait sur les autres sujets. La disposition que vous avez mentionnée est plutôt obscure. Toutefois, je vous répondrai que nous essayons d'être plus souples dans la façon dont nous pouvons aliéner du matériel excédentaire. Lorsque nous disons «matériel», cela peut être un pupitre, mais aussi un char d'assaut.
Le sénateur Grafstein: Puisque le témoin est là pour nous parler du système quasi judiciaire, peut-être pourrions-nous traiter les autres sujets à part. Cela fait beaucoup de choses à digérer. Certains de ces sujets appartiennent à un monde à part et n'ont pas de rapport avec le système quasi judiciaire.
J'essaie de déterminer comment nous en sommes arrivés là. On peut aborder cette loi d'un caractère plutôt réformiste par plusieurs chemins. L'un d'entre eux est la Charte. Le second, ce sont les expériences malheureuses que nous avons faites avec nos forces armées à l'étranger. Le troisième, ce sont les problèmes de discipline que nous avons éprouvés au sein des forces armées depuis quelques années. En fin, sur un plan élargi, nous devons discuter de l'indépendance du processus décisionnaire dans son rapport avec l'existence même des militaires, d'une part à cause de la Charte et, d'autre part, à cause de la question plus difficile encore de la responsabilité envers le Parlement.
Ce sont des problèmes dont nous avons débattus lorsque le projet de loi sur les juges était à l'étude, vous le savez, et ce projet de loi soulève à nouveau les mêmes questions. J'aimerais commencer par les principes. Une fois les principes bien établis, nous pouvons passer aux autres problèmes avec un esprit plus clair.
J'aimerais commencer par la responsabilité envers le Parlement. Autrement dit, la responsabilité des forces de la Défense nationale envers toutes les manifestations du Parlement. Actuellement, le système de responsabilisation passe par le ministre, et celui-ci à un droit de regard énorme sur les éléments quasi judiciaires du ministère de la Défense nationale. Comme vous l'avez dit plus tôt, une grande partie de cette responsabilité a été dévolue ou déléguée à des officiers de l'appareil militaire qui détiennent maintenant leur responsabilité par le biais du processus de nomination.
Autrement dit, cela libère le ministre d'un grand nombre de responsabilités qui sont maintenant déléguées au Juge-avocat et à d'autres. D'une certaine façon, le ministre est libéré de ces responsabilités. Elles ne disparaissent pas, mais maintenant, le Parlement exerce son droit de regard par l'entremise du processus de nomination. Est-ce que cette façon de voir est exacte?
Colonel Fenske: Je pense pouvoir dire que votre raisonnement pourrait être erroné. Lorsqu'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que la relation de responsabilité continue à exister.
La première chose, et je l'ai déjà mentionné ce matin, c'est que le ministre, en sa qualité de ministre, est toujours la personne responsable devant le Parlement, et à ce titre, il doit comparaître quotidiennement lorsque le Parlement siège, et répondre des activités dans le secteur de la Défense. Aux termes de l'article 4 de la loi sur la Défense nationale, qui précise que le ministre exerce son autorité sur la défense nationale et toutes les affaires connexes, ses pouvoirs n'ont pas changé. Par contre, c'est la façon dont un certain nombre de ses fonctions sont exercées qui a changé. Par exemple, le fonctionnement de la voie hiérarchique qui aboutit au ministre, au gouverneur en conseil et, il faut l'avouer, aux éléments supérieurs de la hiérarchie, et enfin au Parlement par l'entremise du ministre, cela n'a pas du tout changé. Par contre, les rôles respectifs de tous ces éléments ont été précisés.
Si je peux vous référer à certains éléments du projet de loi, vous verrez comment la responsabilité envers le Parlement a augmenté. Par exemple, prenons une disposition qui existait déjà dans le domaine de la détention préalable au procès. Dans ce domaine, si vous considérez la loi actuelle sur la Défense nationale, vous verrez deux ou trois articles qui traitent de la détention préalable au procès. Si vous réussissez à déterminer tout ce qui pourrait se produire dans le cadre de ces trois articles, vous êtes vraiment très perspicace. Aux termes de ce projet de loi, si vous lisez les dispositions relatives à la garde avant procès, vous verrez que virtuellement toutes les étapes du processus se sont précisées. La raison, c'est que c'est particulièrement important, et également parce qu'on souhaite insister sur la responsabilité envers le Parlement. En fait, dorénavant, c'est le Parlement qui dictera ces règles. Je pourrais vous citer plusieurs endroits dans le projet de loi où cela se produit.
La loi actuelle ne mentionne pas la possibilité d'offrir des services de défense à un accusé. Il n'y a rien dans la Loi sur la défense nationale à ce sujet. Maintenant, le Parlement déclare qu'une personne se verra attribuer une fonction, une responsabilité unique, celle d'offrir des services juridiques aux accusés assujettis au code de discipline militaire.
Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question.
Le sénateur Grafstein: Je ne le pense pas.
Ce que vous dites est tout à fait exact, le fait qu'aux termes de la Loi sur la défense nationale la souveraineté du Parlement est absolue. Le Parlement peut modifier la loi qui régit le ministère de la Défense. Avec ce projet de loi, on précise un certain nombre de fonctions qui, jusqu'à présent, étaient très souvent déléguées. Dorénavant, le Parlement, directement, donne des détails plus précis sur l'administration de la justice au sein du ministère. Je ne conteste pas cela. Le Parlement exerçait déjà ce pouvoir, il le conserve, et avec le terme de cinq ans et la clause de révision, il pourra le réexaminer. Je ne conteste pas cela, ce n'est pas mon propos. En fait, c'est précisément ce qui existait déjà, et cela devrait continuer éternellement, à l'exception des questions relatives à la Charte qui posent certaines difficultés et qui offrent des possibilités.
Ma question porte sur la responsabilisation, et quand je parle du «ministre», c'est sur le plan philosophique, avec tous les pouvoirs que cela comporte. Ces pouvoirs sont maintenant redistribués au sein de l'organisation, et le ministre conserve son droit de regard grâce au processus de nomination. Voilà comment je comprends la structure de ce projet de loi.
À l'intérieur de ce processus, le droit de réglementer, de modifier la loi et de remanier la réglementation, tous ces droits sont conservés, ce qui me semble utile, justifié et positif, car cela rend le système beaucoup plus transparent. Je considère que c'est une manifestation très positive du système de responsabilité envers le public et envers le Parlement.
Je me fais maintenant l'avocat de la responsabilité. Tout à l'heure je portais la casquette de l'indépendance judiciaire, car c'est un aspect qui m'intéresse également. J'aimerais déterminer si le ministre conserve certains pouvoirs, suffisamment pour lui permettre de participer au processus dans l'intérêt du public et dans l'intérêt du Parlement. C'est cela qui m'intéresse. D'une part, nous voulons que les juges soient indépendants, ce qui est plus compliqué, et ce que le public en général ne comprend pas toujours, car les gouvernements et le Parlement sont souvent critiqués à ce sujet. Donc, nous voulons que le Parlement ait un droit de regard plus efficace.
Supposons que, après la période de questions, ou autre chose, le Parlement décide qu'il y a une monstrueuse série d'erreurs. Comment peut-il, par l'entremise du ministre, intervenir dans le processus, sinon en destituant les juges? Y a-t-il d'autres mécanismes?
Écoutez mon autre exemple. Il y a un autre exemple au Parlement, celui du droit de requête. En réalité, il a toujours été possible de présenter une requête à la Couronne, et celle-ci, ou le ministre, ont toujours la possibilité de dire: au diable la procédure, voilà un problème qui semble énorme. Lorsque le public, le Parlement, sont outrés, quelles sont les options du ministre sinon de destituer les juges, soit en attendant la fin de leur terme, soit en les destituant par les moyens traditionnels?
Colonel Fenske: Je comprends beaucoup mieux votre raisonnement maintenant.
Pour commencer, évidemment, le chef d'état-major de la défense et le sous-ministre, qui sont les deux principaux instruments de la fonction de défense, travaillent sous la direction du ministre, et cela n'a pas changé. C'est une chose qui n'a absolument pas changé. En fait, la grande majorité des questions dont nous discutons relèvent de la fonction justice.
En dernier ressort, c'est le ministre qui est responsable des fonctions de la justice militaire. Cela relève de la Défense nationale. La responsabilité ultime du ministre n'a pas changé. Il occupe toujours la même place. Le JAG travaille pour le ministre. Le procureur est nommé par le ministre. Si cela semble justifié dans un cas spécifique, le procureur doit suivre des instructions spécifiques. Le système comprend toute une série de sauvegardes.
Le sénateur Grafstein: Le ministre a le pouvoir de donner des instructions particulières?
Colonel Fenske: Le JAG peut donner ces instructions, et il travaille pour le ministre. Ce sont des mesures possibles du côté de la poursuite.
Sénateur, je serais très étonné que vous souhaitiez voir ces mêmes pouvoirs applicables soit aux juges, soit aux avocats de la défense. Les mesures que nous avons prises à l'égard des juges et des avocats de la défense visent à garantir que la personne chargée de ces fonctions de direction au ministère ne soit pas également chargée de ces questions. En fait, c'est cette même question entre la séparation entre l'exécutif et le judiciaire, entre l'exécutif et la défense, qui a été remise en cause dans l'arrêt Lauzon de la Cour d'appel de la cour martiale.
Pour répondre en partie à cette question, sénateur, je dirais qu'il existe des domaines dans lesquels vous ne souhaitiez pas voir le ministre avoir des comptes à rendre régulièrement à l'égard de décisions particulières; cela relève du pouvoir judiciaire et de la défense. Je parle des décisions d'affaires particulières. L'organisation comporte plusieurs niveaux.
Prenez le cas de la police militaire par exemple. Le ministère et les forces armées ont créé une section nationale des enquêtes, c'est-à-dire un organisme chargé d'effectuer des enquêtes complexes et délicates. On a décidé que cette fonction de la police militaire ne serait pas assujettie aux règles normales de la chaîne de commandement. Toutefois, on n'a pas dit qu'elle ne serait pas assujettie à la chaîne de commandement. On l'a retirée du premier niveau de commandement, de même que du second, et on l'a amenée au niveau du Grand Prévot jusqu'au vice-chef d'état-major de la Défense, ce dernier étant le second dans la hiérarchie militaire. Par conséquent, les enquêteurs ont suffisamment de latitude pour agir de façon indépendante et pour protéger l'intégrité de leur enquêtes.
Le vice-chef et le chef d'état-major de la défense sont parmi ceux qui rendent des comptes au Parlement. Cela n'a pas changé.
Je me rends compte maintenant que vous avez posé une question à la fois très subtile et très complexe, mais pour y répondre, il faut retracer chacune des diverses fonctions de la justice militaire. Il est évident qu'il n'est pas souhaitable que le ministre soit présent à certaines de ces occasions, car si la reddition de comptes est à son maximum, les possibilités de conflits d'intérêts le sont aussi, de même qu'il y a un maximum de chance que les gens croient qu'il y a ingérence. En fait, cela amènerait le ministre à faire toutes sortes de choses que les ministres ne font généralement pas. Normalement, les ministres président, prennent des décisions en matière de politique et rendent compte du rendement général des ministères.
J'espère avoir répondu au moins en partie à votre question.
Le sénateur Grafstein: Cela me donne certaines raisons d'étudier la mesure législative de façon plus détaillée.
Le sénateur Fraser: J'ai une question d'ordre pratique à poser, car je ne suis pas avocat, et une autre plus théorique. Je comprends le mécanisme d'appel applicable dans les causes par procédure sommaire, mais qu'en est-il des appels en cour martiale?
Colonel Fenske: La Couronne ou l'accusé interjette appel d'une décision de la cour martiale devant la Cour d'appel de la cour martiale, et de décisions de la Cour d'appel de la cour martiale devant la Cour suprême du Canada.
Le sénateur Fraser: Il est évidemment fort souhaitable de séparer, comme vous le faites, les fonctions du ministère civil et de la défense afin que chacun conserve son indépendance. Pourquoi les deux relèvent-ils du juge-avocat général? Cela me semble nuire, du moins de façon potentielle, au degré de séparation de ces fonctions.
Colonel Fenske: La raison peut s'en expliquer davantage au moyen d'une analogie. Vous constaterez que les nouvelles fonctions du JAG, dans la loi, la même a supervisé l'administration de la justice militaire. Cela s'applique tant au ministère civil qu'à la défense, comme c'est le cas du procureur général et du procureur général adjoint des provinces. Ce qu'il faut, c'est éviter les conflits.
En ce qui concerne le directeur du service d'avocats de la défense, le fait que le JAG ne puisse donner d'instructions spécifiques sert à prévenir les conflits.
Le sénateur Fraser: Vous avez dit que la loi était très claire. Je n'ai peut-être pas trouvé l'article en question, mais par contre, je vois ici qu'il ou elle peut donner des instructions d'ordre général, et il y a une clause qui prévoit que ces directives doivent être rendues publiques. Je ne vois pas l'interdiction de donner des directives. Du côté des procureurs, il est prévu qu'ils peuvent recevoir des instructions dans des cas particuliers. Comme il n'est pas question de la défense, est-ce que cela n'ouvre pas la possibilité?
Colonel Fenske: Lisez-les ensemble. D'un côté, il peut faire les deux choses; de l'autre, vous dites qu'il ne peut en faire qu'une seule. Cela signifie qu'il ne peut en faire qu'une seule.
Le sénateur Fraser: C'est limitatif.
Lieutenant-colonel Weatherson: Oui.
Le sénateur Fraser: Il ne peut rien faire, sinon donner des instructions d'ordre général qui sont rendues publiques?
Colonel Fenske: C'est ce que la loi l'autorise à faire en ce qui concerne la fonction de défense: des instructions d'ordre général. Considérez ce qu'il est autorisé à faire en ce qui concerne le procureur. Celui-ci peut recevoir à la fois des instructions précises dans un cas particulier ou des instructions d'ordre général. C'est la théorie dans cet énoncé.
Le sénateur Fraser: Reste encore la partie de la défense pour les perspectives de carrière. Même s'il s'agit d'une nomination ministérielle, le ministre s'inspire fortement de la recommandation de quelqu'un à la défense. Les perspectives de carrière dépendent donc de l'approbation de quelqu'un dont les intérêts sont liés de beaucoup plus près à ceux du procureur car l'intéressé a beaucoup plus de contacts avec celui-ci, c'est-à-dire quelqu'un de la défense.
Colonel Fenske: Ce sont deux offices différents.
Le sénateur Fraser: Mais pas le JAG.
Colonel Fenske: Non, et le procureur général du Nouveau-Brunswick non plus.
Le sénateur Fraser: Il n'y a pas un seul procureur général provincial qui supervise la défense.
Colonel Fenske: Si vous allez au fond des rouages de leurs organisations, vous verrez que des politiques sont adoptées en rapport avec cette fonction.
Le sénateur Fraser: Pour l'avocat de la défense?
Colonel Fenske: Pas pour assurer la défense, mais la politique dans ce domaine est sous leur supervision. Je pense que vous devriez commencer à la base, c'est-à-dire au niveau de l'accusé et dire: «Cet accusé a droit à l'avocat de son choix, quel qu'il soit». S'il ou elle souhaite les services d'un avocat particulier, la plupart des gens dans cette pièce devront payer cet avocat, parce que cela dépasse les barèmes de l'aide juridique. Qui que vous soyez, sous réserve du Code de discipline militaire, vous n'êtes pas forcé de le faire.
Toutefois, vous pouvez le faire. Vous pouvez obtenir des services d'avocat gratuits auprès du directeur du service d'avocats de la défense. Aux termes de cette loi, celui-ci n'a qu'une seule fonction, c'est-à-dire offrir ses services aux accusés. Celui-ci a des employés qui ont prêté serment, qui respectent les valeurs du barreau auquel ils appartiennent, qui respectent les normes de ces barreaux et qui respectent la loi et qui, à ce titre, ne peuvent avoir avec l'accusé qu'un seul type de rapport, le rapport entre un avocat et son client. Le JAG ne peut absolument pas s'en mêler.
Le sénateur Fraser: Je ne veux pas insister trop lourdement. Donnez-moi une réponse très courte. N'aurait-il pas été souhaitable ou possible d'organiser les services de défense de façon indépendante, comme cela a été fait pour le service d'enquête, par exemple, qui est en dehors de la hiérarchie normale?
Colonel Fenske: Le service d'enquête est en dehors de la hiérarchie des gens qui font l'objet de son enquête, et il est responsable devant le chef adjoint de l'état-major de la défense qui, lui, fait partie de la hiérarchie, mais au sommet.
Le sénateur Fraser: Je ne cite pas vraiment ce modèle; c'est seulement une illustration.
Colonel Fenske: À mon avis, puisque le JAG ne peut se mêler des cas individuels, l'avocat est mieux protégé que lorsqu'il s'agit des services d'enquête de la police militaire. C'est une des raisons pour lesquelles ce projet de loi prévoit la création d'une commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Si la police estime qu'il y a eu ingérence, elle peut s'adresser à la commission, et le public le peut également.
Si vous pensez qu'il y a eu des irrégularités dans vos rapports avec l'avocat, son barreau peut intervenir, du moins pour répondre de son comportement.
Il me semble que cette disposition est bien à sa place. Cela semble efficace, et c'est probablement une sauvegarde suffisante. C'est plus ou moins équivalent au modèle que nous avons actuellement. Souvenez-vous qu'il s'agit d'envoyer les gens dans toutes sortes de situations.
Le sénateur Fraser: Je comprends cela.
Le sénateur Nolin: J'ai une question supplémentaire au sujet de la défense. Est-ce qu'il peut y avoir des avocats civils?
[Français]
Le sénateur Nolin: Est-ce que les avocats au service de la Défense nationale ont accès aux activités de l'Association des avocats de la défense de la province de Québec ou de l'Ontario?
Colonel Fenske: Il n'y a pas de limite aujourd'hui.
Le sénateur Nolin: Je comprends la philosophie du projet de loi qui est de maintenir les principes de discipline et du système judiciaire. J'essaie de voir s'il n'y a pas de limites parce que c'est un droit important pour un accusé d'avoir accès à un avocat qui ne sera pas influencé par autre chose.
[Traduction]
Le sénateur Moore: Il n'y a pas tellement de changements dans l'article mentionné par le sénateur Grafstein, c'est-à-dire l'article 11. On a supprimé: «Conseil de recherches pour la défense».
Colonel Fenske: C'est exact.
Le sénateur Moore: En ce qui concerne le matériel qui peut être fixé par le Gouverneur général, il est dorénavant question de: «tout matériel». De quel genre de matériel le Conseil de recherches pour la défense a-t-il besoin?
Colonel Fenske: C'est un détail d'ordre administratif qui ne nous a pas semblé aussi important que certains autres.
Le Conseil de recherches pour la défense est un organisme en dehors du ministère qui au début des années 50 et 60 a joué un rôle très important. Le gouvernement a ensuite décidé de liquider cet organisme qui a été assimilé au ministère de la Défense nationale et qui ne se livre plus aujourd'hui à des travaux de recherche scientifique indépendants. Ce projet de loi se contente de supprimer des dispositions qui sont inutiles depuis 15 ou 16 ans.
Le sénateur Moore: Est-ce que le système judiciaire des forces armées a beaucoup à faire en matière de procès sommaires et de cours martiales? Combien y en a-t-il en moyenne chaque année?
Colonel Fenske: C'est une excellente question. Toutefois, je ne peux vous répondre que sous toute réserve. Je vais vous expliquer pourquoi.
Nous ne possédons pas de statistiques à jour pour les dernières années en ce qui concerne un certain nombre de procès sommaires, parce que très souvent il s'est agi d'affaires mineures.
Le sénateur Moore: C'est le commandant qui s'en occupe. Sa décision constitue une sorte de procès, ou de révision.
Colonel Fenske: Exactement. Les statistiques les plus récentes que nous possédons remontent à plusieurs années, et il y avait plusieurs milliers de procès sommaires.
Quant aux cours martiales, cela varie beaucoup; à l'époque où nous étions en Europe, il y en avait peut-être 130 ou 140 par année, mais cela peut descendre à environ 45 par année. L'année des procès de Somalie, nous n'en avions plus que 45 environ. Les avocats, les juges et tout le personnel de soutien du système judiciaire ont passé pratiquement tous les jours au tribunal pendant une année entière, mais nous n'avons eu que 45 affaires. Évidemment, cela a donné lieu à une masse considérable de procès-verbaux et de très longues heures d'audiences.
À ce sujet, j'aimerais faire une observation; c'est une des raisons pour lesquelles nous avons prévu dans la loi que le JAG soit responsable de contrôler tout cela. Le JAG actuel tient absolument à ce que nous ayons des statistiques solides pour pouvoir rendre compte des activités dans le domaine de la justice militaire et également pour pouvoir prendre des décisions sur une base solide. Je crois que vous pourrez observer un changement considérable d'ici un an ou deux.
Le sénateur Moore: Vous allez enregistrer toutes les décisions, qu'elles soient prises par un commandant ou lors d'un procès sommaire dans les formes?
Colonel Fenske: Je crois que vous allez pouvoir en juger dès que vous aurez le premier rapport du JAG.
Le sénateur Ruck: Madame la présidente, permettez-moi de revenir quelques années en arrière; pendant les premières années de la Première et de la Seconde Guerres mondiales, les personnes qui appartenaient à des minorités visibles avaient beaucoup de mal à s'engager. Très souvent, on leur disait: «Nous vous appellerons quand on aura besoin de vous». Après la guerre de Corée, on a vu des changements considérables. À mon avis, cela n'est pas sans rapport avec la législation sur les droits de la personne. Aujourd'hui, dans les effectifs militaires, il y a beaucoup de gens qui appartiennent à des minorités visibles, et également beaucoup de femmes en uniforme. La façon dont les gens voient les forces armées au Canada a donc changé considérablement.
Cela dit, la situation n'est pas encore parfaite, car d'après des gens qui appartiennent à des minorités visibles à qui j'ai eu l'occasion de parler, les promotions restent un problème. On leur permet de parvenir au grade de lieutenant-colonel, mais ils restent coincés à ce niveau-là et ne peuvent accéder à un niveau qu'ils estiment correspondre à leurs capacités.
Si c'est vraiment un problème, et je le crois volontiers, notre comité pourrait probablement faire quelque chose. Je crois que le noir le plus gradé de nos forces armées est un lieutenant-colonel dans l'aviation royale du Canada.
La Loi du service naval est entrée en vigueur en 1910. Le premier article portait sur le recrutement et était extrêmement explicite. Il prévoyait que toutes les recrues devaient être de race blanche. Cela n'a pas changé avant la Seconde Guerre mondiale. C'est un certain Percy Haines, de Winnipeg, qui a renversé cette barrière. Pour ce faire, il a dû passer par un certain Macdonald, qui était de ma propre région. Pendant plusieurs années il a été premier ministre provincial, et également secrétaire à la marine.
On expliqua à M. Haines que cet article de la loi existait pour défendre les intérêts des personnes appartenant à la minorité. Percy Haines n'était pas d'accord. Il écarta cet argument et persista. Enfin, le secrétaire à la marine et d'autres gradés se concertèrent et décidèrent de changer la loi du service naval pour permettre aux Noirs de s'engager.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il y eut environ six Noirs dans la marine; vous voyez que cela ne provoqua pas un mouvement de foule. Ils accomplirent très bien leur tâche.
Cela vous donne une idée des problèmes auxquels les personnes qui appartiennent à une minorité visible se sont heurtées au cours des années. Je suis certain que cela a eu un impact également sur les autochtones, bien que traditionnellement, ils aient eu la réputation d'être de bons combattants.
La présidente: Sénateur Ruck, je dois vous signaler que les comités du Sénat sont tenus de circonscrire leurs sujets d'étude. Le sujet qui nous occupe aujourd'hui, c'est le projet de loi que nous avons sous les yeux. Ce que vous dites est extrêmement intéressant, mais je vous signale également qu'un examen de la loi sur l'équité en matière d'emploi est actuellement en cours. Il est très possible qu'on la renvoie à ce comité, et il sera temps alors d'aborder cette question. Toutefois, puisque vous en avez parlé aujourd'hui, ces messieurs pourraient peut-être nous donner une idée très rapide de la situation actuelle dans les forces armées.
Colonel Fenske: Madame la présidente, comme vous le savez, je suis ici pour assister le comité dans son étude du projet de loi C-25. Je dois donc me contenter de répondre que le ministère de la Défense nationale et les forces armées sont déterminés à refléter toute la diversité canadienne dans ses institutions, et également à appliquer une politique de promotion fondée sur le mérite. C'est, je crois, notre politique. Le sénateur Ruck soulève évidemment une question très importante et très complexe, mais je vois mal ce que je pourrais ajouter à ce sujet aujourd'hui.
La présidente: C'est probablement une réponse acceptable, car nous nous occupons aujourd'hui du projet de loi.
Sénateur Ruck, je vous présente mes excuses.
Le sénateur Grafstein: Je vais aborder une question connexe, celle de l'indépendance de l'appareil judiciaire à l'intérieur du système, c'est-à-dire l'autre côté de la médaille. Ce qui m'intéresse plus particulièrement, ce sont les rouages, le fonctionnement de cet appareil au sein du ministère de la Défense nationale. Je veux parler des enquêtes de police en cas d'irrégularités et de comportements répréhensibles.
À l'heure actuelle, le processus d'enquête de la police est en dehors de la hiérarchie aux niveaux inférieurs. Autrement dit, il s'est latéralisé. Ces gens-là sont responsables devant le vice-chef d'état-major, et j'imagine que le JAG est responsable directement devant le ministre. Bref, de la police au chef d'état-major et du JAG au ministre.
Je vais vous exposer une situation hypothétique et vous demander de m'expliquer comment cela fonctionnerait. Les forces sont sur le terrain, des irrégularités sont commises dans les rangs inférieurs -- par les rangs inférieurs, je veux dire dans la compagnie et en dessous -- et on envoie la police faire enquête. Avant que celle-ci ne puisse faire son enquête, l'affaire est connue, ou pourrait être connue, des rangs supérieurs, et aurait pu parcourir toute la hiérarchie, même jusqu'au chef d'état-major. Il y a donc un problème sur le terrain; on est en présence d'un comportement hautement répréhensible. La presse a une théorie: l'armée cherche à étouffer l'affaire. Et pourtant, les hautes sphères de la hiérarchie auraient pu ou auraient dû être prévenues. Pendant son enquête, la police descend dans la hiérarchie au lieu de monter vers les échelons supérieurs.
Comment le JAG ou la police vont-ils traiter cette affaire dont on peut dire qu'elle est remontée dans la hiérarchie, pour ensuite redescendre et rester aux échelons inférieurs? Comment le mécanisme d'enquête de la police fonctionne-t-il dans un tel cas? Qui va juger du comportement des officiers supérieurs, de la hiérarchie supérieure?
Colonel Fenske: C'est une question hypothétique terriblement compliquée que vous me posez là, sénateur. Avant tout, je tiens à vous dire qu'à mon avis nous ne cherchons pas à étouffer ce genre d'affaire.
Le sénateur Grafstein: Je ne prétends pas que vous le faites. C'est une situation hypothétique. Ce n'est pas péjoratif. Ce qui m'intéresse, c'est la politique publique.
Colonel Fenske: Cette situation illustre particulièrement bien la raison pour laquelle nous avons séparé les fonctions comme je vous l'ai dit tout à l'heure. La seule tâche du Grand Prévôt des forces armées et du service national d'enquête est de faire enquête sur la base d'un rapport, point.
Deuxièmement, nous exigeons maintenant que nos commandants d'unité déclarent les délits graves ou délicats au SNE dès qu'ils en entendent parler, et c'est le SNE qui se charge de l'enquête. Lorsque nous nous heurtons à une situation grave, la première chose que nous faisons, c'est de la soumettre à quelqu'un qui ne travaille pas du tout dans le même secteur.
De la façon dont nous avons organisé les choses, le conflit sur lequel la cause théorique est basée est le plus souvent résolu à l'intérieur de l'institution. Il faut aller jusqu'au vice-chef d'état-major de la défense pour trouver quelqu'un qui ait un droit de regard sur la fonction d'enquête du Grand Prévôt. Comme vous pourrez le voir, le processus de responsabilisation entre le vice-chef d'état-major de la défense et le Grand Prévôt est public, je ne peux pas vous citer le passage textuellement, mais je peux vous dire que d'après les termes de cette responsabilité, le Grand Prévôt fait enquête lorsqu'elle reçoit un rapport d'infraction.
Le principal responsable de notre police militaire travaille maintenant dans un système qui ressemble beaucoup à celui du chef de police de la Ville d'Ottawa. Si vous craignez que le chef de police de la Ville d'Ottawa ne tente d'étouffer certaines affaires, ce sera certainement la même chose pour notre chef de la police militaire, car le système de responsabilisation est très comparable dans les deux cas. La différence, bien sûr, c'est que, dans ce cas, il s'agit d'infractions graves et délicates. Nous avons conservé une certaine marge pour que les membres de la hiérarchie puissent travailler de leur côté. Il s'agit des infractions mineures de type disciplinaire. Si vous consultez la jurisprudence des procès sommaires, vous verrez qu'il s'agit d'infractions mineures à la discipline.
La première réponse, c'est donc que le système est conçu pour résoudre les conflits à l'étape de l'enquête. Le second facteur important, c'est que la responsabilité de l'accusation fondée sur cette enquête appartient à l'enquêteur du service national d'enquête qui est indépendant, et ne se situe pas au niveau de l'unité. Par conséquent, c'est quelqu'un de l'extérieur qui porte les accusations.
La responsabilité de s'occuper de l'accusation est toujours celle du commandant de l'accusé, mais l'accusation est un document public. Il y a un organisme de contrôle très fort. Je vous disais tout à l'heure que lorsqu'un policier militaire désapprouve une décision, en vertu d'un article de ce projet de loi, il pourra contourner le JAG et présenter l'affaire à la personne dont l'unique fonction est de décider s'il faut intenter des poursuites pour des infractions militaires.
Ce que nous avons fait revient à peu près à ce qui se passe dans beaucoup de provinces. Il y a un enquêteur et il y a quelqu'un qui décide si l'on doit intenter une poursuite. Dans le cas de la ville de Vancouver, par exemple, cette personne est le procureur de la Couronne ou elle peut être un agent de la GRC ou un agent de la force de police locale. S'ils ne sont pas d'accord, on renvoie la question aux autorités supérieures. Et si celles-ci ne sont toujours pas d'accord, elles renvoient la question plus haut encore. Si les gens ne sont toujours pas d'accord, la personne qui porte l'accusation peut entreprendre son action en justice.
Une fois l'accusation reçue, la personne qui doit intenter l'action et en saisir un tribunal judiciaire peut décider si l'accusation sera portée et comment l'on s'y prendra. Il s'agit d'un équilibre délicat, mais qui n'est pas sans ressembler à ce qui existe dans la plupart de nos villes canadiennes.
J'ajoute que nous avons prévu une mesure très forte dans tout ce contexte. Si les membres du Service national des enquêtes ont l'impression qu'il y a eu obstruction, un policier de ce service peut porter plainte auprès de la commission des plaintes de la police militaire. Nous avons rendu le processus moins contraignant en nous inspirant de la théorie selon laquelle il faut avoir des gens avec des responsabilités individuelles se côtoyant. C'est la séparation des ces responsabilités qui garantit l'intégrité du système et la justice des résultats. Cette intégrité se trouve garantie par la séparation de la fonction d'enquête et de la décision d'aller de l'avant, et en gardant toute la procédure très ouverte et publique.
La présidente: À l'heure actuelle, au niveau des cours martiales, le juge présidant et le comité d'officiers ne motivent pas leur jugement. Avec ce nouveau système, le juge militaire sera-t-il obligé de le faire?
Colonel Fenske: Je suis heureux d'entendre cette question. Nous avons analysé la chose en long et en large. La plupart de ceux qui sont habitués aux procès devant un jury vous diraient que les gens qui font partie de nos comités sont hors pairs. Ils connaissent très bien les conditions particulières au service. Ils veulent faire de leur mieux. Cependant, il y a un certain nombre de choses qui ne les avantagent pas. D'abord, ils ne rendent pas souvent de jugements. Peut-être ne le font-ils qu'une fois ou deux pendant toute leur carrière. Il y a aussi le fait qu'ils ne publient pas les motifs du jugement. Parce qu'ils ne rendent pas souvent de jugements et parce qu'ils fonctionnent en comité, il est difficile d'énoncer les motifs.
Je crois que c'est pour cela que nous avons choisi la méthode que nous vous proposons. Dorénavant, nos juges rendront un prononcé de la sentence comme tous les autres juges du pays et ils présenteront leurs motifs. Ce sera beaucoup mieux lorsque viendra le temps de porter une décision en appel, parce qu'il faut avouer qu'il est difficile de porter une sentence en appel à cause de la façon dont fonctionne le système aujourd'hui. La Cour d'appel des Cours martiales doit interpréter les choses de la façon la plus favorable pour l'accusé plutôt que de se fonder sur les motifs précis. Lorsque la situation aura changé, ces motifs seront connus. Nous croyons que c'est beaucoup mieux.
La présidente: Ma deuxième question porte sur les agressions sexuelles. Je dois vous avouer que toutes sortes de petites clochettes d'alarme se sont mises à sonner dans ma tête quand vous avez dit que ce sera dorénavant le système de justice militaire qui s'occupera de ce genre d'affaire plutôt que de s'en remettre aux tribunaux civils comme c'est le cas actuellement.
Colonel Fenske: J'espère que je n'ai pas dit cela ou que je n'ai pas laissé cette impression.
Cet amendement donnera au système de justice militaire une compétence concurrente pour ce qui est de ces infractions, comme c'est le cas à l'heure actuelle pour à peu près toutes infractions relevant d'une loi canadienne.
Par exemple, s'il y a agression sexuelle, on en traiterait toujours de la même façon dont on traite de toutes les autres infractions. Et si vous êtes à la base de Gagetown et que la police militaire, les policiers civils, le procureur et le substitut du procureur général civil sont tous au courant, il y a consultation au jour le jour pour savoir qui devrait s'occuper du cas.
La présidente: Ce qui me préoccupe, c'est l'absence de compétence pour traiter de cas d'agressions sexuelles commises au Canada. En d'autres termes, à l'heure actuelle, les Forces armées canadiennes n'ont pas compétence pour traiter de cas d'agressions sexuelles commises au Canada. Par contre, en vertu du présent projet de loi, elles auront désormais compétence dans ces cas.
Colonel Fenske: En vertu du présent projet de loi, les forces armées auront compétence concurrente pour s'occuper de ces infractions.
La présidente: Je prévois quelques problèmes.
Colonel Fenske: Il serait peut-être utile d'expliquer pourquoi l'on cherche à obtenir cette compétence concurrente avec les autorités civiles en matière d'agressions sexuelles.
J'ai dit plus tôt aujourd'hui que la compétence concurrente en matière d'infractions où il est question de comportements sexuels existe déjà et semble bien fonctionner. Je crois qu'il est juste de dire que les agressions sexuelles minent le moral de l'unité ainsi que la possibilité pour chaque personne de s'épanouir au sein des forces armées et d'y contribuer de façon égale.
La réalité en est que les forces armées n'ont aucun moyen de traiter ce genre de question. On ne peut sous-estimer combien il est important pour une organisation de démontrer qu'elle agit et qu'elle règle ses problèmes rapidement. C'est là notre objectif en cherchant à obtenir cette compétence.
[Français]
Le sénateur Nolin: Est-ce que je dois comprendre qu'actuellement, il n'existe pas d'archives des procès sommaires?
Colonel Fenske: Il y a une sorte d'archives. Les registres des procès sommaires plus récents pour une certaine période -- deux ou trois ans -- ne sont pas recueillis systématiquement. Le processus est recommencé.
Le sénateur Nolin: Certains des amendements suggérés dans votre projet de loi assure un archivage public et efficace.
Colonel Fenske: Les règles pour cela ne seront pas dans la loi. Elles seront dans les règlements.
Le sénateur Nolin: Ma deuxième question concerne la sélection des membres des comités de la cour martiale. Dans le système civil, la sélection des jurés est un processus important pour la défense. Est-ce que l'accusé peut questionner la sélection des membres du comité comme dans le système civil, c'est-à-dire avec récusation, et cetera?
Colonel Fenske: Ce n'est pas tout à fait comme dans le système civil. Premièrement, la sélection est faite aléatoirement avec un système qui indique les excuses, les qualifications, et cetera. Tout le système est géré par le juge en chef militaire. Cela veut dire que la sélection actuelle est faite par les juges.
Deuxièmement, quand les membres de la cour se présentent en cour, la poursuite et l'accusé peuvent faire des objections, il n'y a pas de limite.
Également, suite à nos règlements et directives, le processus de sélection fait par les juges est ouvert. La poursuite et l'accusé peuvent demander de réviser les documents à ce sujet.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, messieurs. Vous avez fait de l'excellent travail ici aujourd'hui et la matinée a été fort intéressante. Je crois savoir qu'il y a une codification administrative de la Loi sur la défense nationale, un petit guide à l'intention des militaires. Il serait peut-être utile aux divers membres du comité d'en avoir chacun un exemplaire.
Colonel Fenske: Nous serons heureux de vous en faire parvenir et je crois qu'on peut même vous en faire parvenir des exemplaires électroniques.
Le sénateur Nolin: Ce serait bien.
Colonel Fenske: J'y veillerai. Je crois que nous pouvons le faire.
La présidente: Merci beaucoup.
La séance est levée.