Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 34 - Témoignages (projet de loi C-37)
OTTAWA, le jeudi 6 octobre 1998
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'est réuni aujourd'hui à 12 h 09 pour étudier le projet de loi C-37 modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois en conséquence.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Mesdames et messieurs, la professeure Jamie Cameron de la Osgoode Hall Law School est avec nous aujourd'hui.
Madame Cameron, la parole est à vous.
Mme Jamie Cameron, professeure, Osgoode Hall Law School: J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir invitée à prendre la parole ici cet après-midi. Je commencerai par vous présenter brièvement mon point de vue sur l'un des aspects de la mesure législative proposée, puis j'essaierai de répondre à vos questions.
Je dois tout d'abord vous dire que ma participation aux travaux liés au projet de loi C-37 a été restreinte aux prestations accordées aux conjoints survivants. J'ajouterai également que je ne me présente pas devant vous aujourd'hui à titre d'experte dans le domaine du droit de la famille ou des pensions. J'avoue que je suis d'ailleurs bien loin d'être une experte dans ces domaines.
La raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui est qu'à mon avis certaines des dispositions ayant trait aux droits des conjoints survivants pourraient entraîner un litige constitutionnel. J'aimerais donc expliquer brièvement de quoi il s'agit avant de passer à vos questions.
Je souligne également que je ne m'intéresse pas du tout aux modalités d'application du projet de loi C-37. Je sais que vous avez déjà dû trouver les mots pour répondre à bon nombre de questions hypothétiques complexes de témoins qui ont déjà été entendus. Nous savons tous je crois que le projet de loi C-37 établit une certaine hiérarchie des revendications entre les conjoints survivants, mais il ne m'appartient pas de discuter de l'opportunité de cette hiérarchie. Ce point déborde les cadres de mon domaine de compétence.
En ce qui me concerne, la question est assez simple et précise. Il s'agit de déterminer si le gouvernement fédéral a le droit, en vertu de la constitution, de se mêler des questions de droit de la famille et de biens matrimoniaux en intervenant dans le domaine des pensions. Je m'intéresse tout particulièrement à la définition de l'expression «conjoint survivant» et à certains des droits qui en découlent. Pour préciser, j'aimerais avancer trois énoncés qui me semblent acceptés de tous.
Tout d'abord, il est évident qu'il est du ressort du gouvernement fédéral de fixer les pensions accordées aux juges qu'il nomme. Ce point n'est pas contesté. C'est donc ma première prémisse.
La deuxième est que les provinces ont également le même droit, mais que leur domaine de compétence se limite aux questions ayant trait aux biens matrimoniaux et au partage des successions. Cette question ne me semble pas porter à controverse non plus.
Mon troisième point est que les pensions constituent des biens matrimoniaux aux termes de la loi de la famille et du partage des successions.
Ces trois prémisses, que je considère comme généralement acceptées, mènent toutes, à mon avis du moins, à la question de savoir si le gouvernement fédéral a la compétence voulue pour légiférer sur le partage des successions par sa définition de l'expression «conjoint survivant» et par tous les droits qui sont accordés par la suite dans la mesure législative aux termes de la définition du «conjoint survivant».
Là où j'hésite et où j'ai quelques doutes en ce qui touche cet aspect particulier du projet de loi C-37 est qu'il ramène sous juridiction fédérale des biens qui devraient être répartis, régis ou réglementés en vertu de la législation sur les biens du droit de la famille au niveau provincial. C'est ce qui me préoccupe dans ce dossier.
J'aimerais conclure par deux brefs commentaires ou observations, le premier ayant plus de poids que l'autre.
Tout d'abord, je considère que les dispositions du projet de loi C-37 qui définissent le terme «conjoint survivant» et établissent ensuite certains droits qui y sont liés, sont gratuites et inutiles puisque ces questions sont déjà traitées par la législation provinciale de la famille. Je considère donc la définition du terme «conjoint survivant» comme étant peu constitutionnelle ou difficile à justifier.
Pour être franche, je me demande vraiment si le Parlement peut mettre au point une définition du terme «conjoint de fait» et instaurer par la suite ce qui se résume à une loi régissant la propriété familiale de par ses attributions en matière de pensions. Je ne suis pas du tout persuadée que la compétence permettant d'établir la pension des juges donne un pouvoir accru sur les conséquences qu'entraînent ces droits en ce qui a trait aux prestations versées aux survivants, aux prestations de décès et autres. Vous aurez probablement des questions à me poser sur cette première observation.
Ma deuxième observation, plus fragile celle-là, découle de la première. Même en présumant que le gouvernement fédéral a le droit de légiférer sur les questions de biens matrimoniaux en tant que prolongement de sa compétence en matière de pension, je me demande s'il est opportun que le Parlement s'ingère dans ce domaine et qu'il participe aux divers programmes qui existent dans le domaine du partage des biens familiaux.
Par exemple, dans le cadre du programme fédéral proposé, le conjoint de fait d'un juge vivant en Ontario aurait droit, aux termes de la nouvelle loi fédérale sur les juges, à certains avantages après seulement un an de cohabitation, alors qu'il devrait attendre trois ans pour obtenir d'autres droits qui sont prévus par la loi provinciale. Il résulte donc de tout cela un ensemble disparate de règles incohérentes qui doivent régir la situation des conjoints de fait.
Je ne suis pas convaincue, et il s'agit ici davantage d'une opinion personnelle que constitutionnelle, que les prestations liées au droit de la famille devraient être régies par le fait que la personne en cause soit un employé du gouvernement fédéral ou un citoyen bien ordinaire gagnant sa vie de toute autre façon.
En conclusion, la question de la définition de l'expression «conjoint survivant» dans le texte du projet de loi C-37 peut sembler plutôt banale, mais comme bon nombre d'entre vous le savent, pour bien des couples, la pension constitue un des biens fondamentaux, l'une des principales composantes des biens familiaux. J'ai peur que le gouvernement fédéral pousse trop loin. Je me préoccupe du degré d'ingérence du gouvernement fédéral dans le droit provincial de la famille de par le mécanisme de la législation sur les pensions. C'est de ce point dont je voulais discuter avec vous aujourd'hui.
Le sénateur Beaudoin: Il y a deux points qui me préoccupent dans le dossier du projet de loi C-37. Le premier a trait au droit de la famille au niveau provincial et le deuxième à la commission proposée, à savoir si elle aura des répercussions sur l'indépendance de l'appareil judiciaire. Je m'en tiendrai toutefois au premier point.
Il ne fait aucun doute que l'article 100 de la Loi constitutionnelle donne au Parlement le pouvoir de légiférer dans le dossier de la pension des juges. Il s'agit là d'une compétence législative directe.
Il existe toutefois un droit provincial de la famille, j'en conviens. Au Québec par exemple, plusieurs articles du Code civil traitent des contrats de mariage et des biens familiaux et la ligne de démarcation n'est pas facile à tracer.
Si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit, la partie du projet de loi C-37 qui traite des pensions empiète sur la partie du droit de la famille qui relève de la compétence provinciale. Je dois réfléchir à cette question. Il pourrait y avoir quelque chose.
Au chapitre de la Constitution, la situation est très complexe. Le mariage et le divorce relèvent de la compétence fédérale. Le contrat de mariage lui est de compétence provinciale et l'effet civil du mariage relève des provinces. En ce qui a trait au droit de la famille, la seule chose qui me préoccupe est que les tribunaux ont exercé les pouvoirs auxiliaires du mariage et du divorce. Il ne fait aucun doute que le pouvoir fédéral peut légiférer en matière de mariage et de divorce.
Vous semblez laisser entendre que dans la mesure législative proposée, le Parlement empiète sur la loi provinciale, les droits de propriété et les droits civils en ce qui a trait au «conjoint survivant». Mon premier réflexe est d'affirmer qu'il n'y a pas vraiment d'exagération puisque l'article 100 accorde un pouvoir direct. De plus, le pouvoir fédéral dispose d'un pouvoir auxiliaire. Pourquoi alors dites-vous qu'il y a empiétement sur le droit provincial de la famille?
Mme Cameron: Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui a trait à l'article 100 de la Loi constitutionnelle. Il est vrai que cet article accorde au gouvernement fédéral le pouvoir de décider des salaires, allocations et pensions des juges. Toutefois, à mon avis, et je crois que cela s'applique également à l'article 91.26 «Mariage et divorce», le texte de l'article 100 parle de «pensions» et non de «pensions et prestations aux survivants», comme le fait l'article 94A.
Le sénateur Beaudoin: Vous avez raison. Le texte ne le prévoit pas. Croyez-vous qu'il s'agisse là d'un empiétement dans un champ de compétence provincial?
Mme Cameron: Oui je le crois. Le texte de l'article 91.26 précise qu'on parle de «mariage et divorce» et non de «mariage, divorce et biens matrimoniaux». Selon mon interprétation de ce paragraphe, il traite des divers aspects des liens matrimoniaux, c'est-à-dire qu'est-ce que le mariage, comment divorcer, quelles sont les règles qui régissent le divorce, quelle est la situation des enfants issus du mariage, quelle loi régit la garde des enfants et les obligations alimentaires et ainsi de suite.
À mon avis, l'article 91.26 traite de l'état des liens matrimoniaux et non des biens matrimoniaux ou du partage des biens familiaux, ce qui selon mon interprétation des articles 91 et 92 revient aux provinces en vertu de l'article 92.13.
Si je peux ajouter encore un commentaire, je dirais que vous avez raison de soulever la question du pouvoir auxiliaire du Parlement d'exercer son autorité législative dans le domaine des pensions. En ce qui a trait au projet de loi C-37 et à la définition qu'il donne de l'expression «conjoint survivant», ainsi qu'aux droits que cela confère, nous devons nous demander s'il s'agit là d'une loi sur les pensions. Pour utiliser une expression chère aux professeurs de droit constitutionnel, demandons-nous s'il s'agit là essentiellement d'une loi sur les pensions ayant certaines répercussions auxiliaires et accessoires sur les biens matrimoniaux? Si la réponse à cette question est oui, il s'agit alors d'une mesure législative fédérale constitutionnelle.
Toutefois, si l'on posait la question un peu différemment et que la réponse en était alors modifiée, on pourrait alors y voir un empiétement. On pourrait également se demander si cette mesure législative constitue une loi sur la pension ayant des aspects qui ne sont pas nécessairement accessoires au programme de pensions et qui ont essentiellement trait au droit de la famille et des biens matrimoniaux plutôt qu'aux pensions?
Ma réponse n'était probablement pas très claire. La question ici est celle de savoir si le Parlement a le droit d'ajouter à toutes ces dispositions et droits pour ce qui est des prestations aux survivants et des prestations de décès dans le cadre de son pouvoir législatif en matière de pension.
Le sénateur Beaudoin: Il ne faut pas oublier que lorsque le pouvoir fédéral a légiféré dans le dossier de la Loi sur le divorce, il a également légiféré sur la question de la pension alimentaire et de la garde des enfants. Ces questions relevaient auparavant de la compétence provinciale. Le pouvoir fédéral s'est ingéré dans ce domaine en se servant de son pouvoir auxiliaire. Peut-il maintenant dire qu'il a le pouvoir de légiférer en matière de pension et qu'il peut donc pousser le raisonnement jusqu'à dire qu'il a compétence pour décider du sort du conjoint survivant? Je ne connais pas la réponse. Je crois qu'il faudra un jour demander aux tribunaux de trancher. Il y a de fortes chances pour que la Cour suprême décide que cela va trop loin, mais je n'en suis pas certain.
Le sénateur Cools: Je ne le crois pas. Je crois plutôt que la Cour suprême sera d'accord.
Le sénateur Beaudoin: La Cour suprême serait d'accord avec le projet de loi C-37 sous sa forme actuelle?
Le sénateur Cools: A mon avis, oui.
Le sénateur Beaudoin: À première vue, je me dis également que oui, mais j'aimerais avoir l'opinion de Mme Cameron à ce sujet. Elle a défini très clairement pourquoi elle en doutait.
Mme Cameron: Je ne considère pas que cela soit simplement auxiliaire ou accessoire au pouvoir législatif en matière de pension. Je me préoccupe de l'ingérence dans les domaines de compétence exclusifs des provinces. L'un de ces domaines qui relève exclusivement des provinces est celui du droit de la famille et des biens matrimoniaux. Puisque le Parlement s'est ingéré dans ce domaine en présentant cette mesure législative et qu'il l'a fait d'une façon qui entraîne des répercussions négatives pour ceux qui ont certains droits en vertu des lois provinciales, je crois qu'il y a là un problème d'ordre constitutionnel.
Le sénateur Nolin: Nous vous remercions beaucoup d'avoir accepté de venir nous rencontrer et de répondre à nos questions que nous tentons de rendre le plus intéressantes possible. Nous traitons des modifications proposées à l'article 44 de la Loi sur les juges en ce qui a trait aux prestations de pensions et aux conjoints survivants. L'article 44 n'est pas nouveau. Il existe depuis bon nombre d'années. Y a-t-il à votre connaissance une décision d'un tribunal quel qu'il soit pour appuyer vos dires, cette forte opinion que vous prônez?
Mme Cameron: Je ne suis au courant d'aucune décision ayant trait précisément à la Loi sur les juges et à la question de la pension des juges, mais une décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Clarke c. Clarke confirme à la fois que la pension fait partie des biens matrimoniaux et que les biens matrimoniaux relèvent de la compétence des provinces. Cette décision avait trait à un programme fédéral de pension et à une revendication déposée en vertu de la loi provinciale sur les biens matrimoniaux.
Fondamentalement, dans ce cas précis, le tribunal a statué que les pensions font partie des biens matrimoniaux et qu'à ce titre elles sont soumises aux règles de partage établies en vertu de la loi provinciale et que les biens matrimoniaux relèvent de la compétence des provinces. Le tribunal a réussi à faire cadrer les dispositions fédérales en matière de pension avec les droits qui ont été accordés en vertu des lois provinciales sur la famille. Il n'a donc pas été nécessaire de choisir entre la loi fédérale et les lois provinciales. Le tribunal a été en mesure de faire concorder les deux, et dans ce cas précis, elle a accordé à l'épouse les droits qu'elle demandait en lui donnant accès aux prestations de pension de retraite en vertu de la loi provinciale.
Le sénateur Nolin: De quelle loi fédérale s'agissait-il dans ce cas?
Mme Cameron: Il s'agissait de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. Le problème dans ce cas, c'est que la loi fédérale interdisait l'aliénation d'une pension, le terme «aliénation» étant l'expression utilisée par la common law pour signifier «vente». La question était de déterminer si le fait d'accorder en vertu de la loi provinciale sur la famille à l'épouse de l'employé pensionné une partie de la pension à laquelle il avait droit serait contraire aux dispositions interdisant l'aliénation d'une pension en vertu de la Loi sur la pension de retraite. C'est un peu complexe, mais c'est la question sur laquelle était fondée l'affaire Clarke. C'est une décision qui a été rendue par la Cour suprême du Canada en 1990.
Le sénateur Nolin: Le droit du Parlement d'introduire un tel programme au sein d'une mesure législative fédérale a été sérieusement remis en question dans l'affaire Clarke c. Clarke.
Mme Cameron: Non. En fait, je ne crois pas que cela serait une interprétation juste de cette affaire. Cette question était plutôt à l'inverse de la question à l'étude aujourd'hui. Dans l'affaire Clarke, il s'agissait de déterminer si les dispositions provinciales en matière de biens matrimoniaux pouvaient être appliquées dans le cadre du programme fédéral de pension en raison de cette interdiction en rapport avec l'aliénation des pensions.
Le sénateur Nolin: La question était donc de savoir si les mesures législatives fédérales et provinciales pouvaient coexister.
Mme Cameron: Nous considérons maintenant la question sous un angle tout à fait différent. La mesure législative du gouvernement fédéral n'était pas en cause dans l'affaire Clarke. Il s'agissait de déterminer si l'épouse avait droit aux dispositions de la loi provinciale, compte tenu de la restriction contenue dans la loi fédérale, ce n'est donc pas la même chose que nous retrouvons aujourd'hui.
J'ai soulevé ce cas parce qu'il a servi à confirmer à la fois que les pensions constituent un bien aux fins de la loi de la famille et du partage des biens matrimoniaux et que les biens matrimoniaux relèvent bien de la compétence des provinces. Je crois que ces deux aspects de cette affaire appuient les préoccupations que j'ai soulevées en rapport avec ce programme de pension.
Le sénateur Nolin: Prenons en exemple une application pratique de l'affaire Clarke. Nous sommes en cour et un conjoint survivant demande l'admissibilité à une pension en vertu de l'article 44. Présentez-moi un scénario pour lequel l'affaire Clarke pourrait servir à un conjoint survivant pour obtenir une pension en vertu de l'article 44. Pour compliquer l'affaire encore davantage, disons que cette personne n'y aurait pas droit à cause du projet de loi C-37. Présentez-nous un scénario dans lequel l'affaire Clarke pourrait servir.
Mme Cameron: J'aurais recours à l'affaire Clarke pour établir la proposition qui veut que le gouvernement fédéral n'a pas l'autorité législative pour réglementer les biens matrimoniaux. Je dois avouer que la Cour ne le dit pas précisément dans cette affaire parce que ce n'était pas là le point en litige dans l'affaire Clarke À ce point-ci, puisqu'il n'y a pas beaucoup de jurisprudence sur ce point, bien que nous pouvons en établir en se basant sur certaines lois fédérales, nous devons avoir recours à l'extrapolation.
Je reviens à ce que j'ai dit au sénateur Beaudoin tout à l'heure. Je m'excuse de me répéter. La question ici est de savoir si nous considérons l'ensemble des mesures proposées par le projet de loi C-37 comme une loi sur les pensions ou s'il serait plus juste de considérer les dispositions relatives aux conjoints survivants comme un ajout inconstitutionnel. Ces dispositions sont inconstitutionnelles parce qu'elles renvoient aux biens matrimoniaux plutôt qu'aux pensions proprement dites. Si vous me le permettez, je parlerai d'«ajout» pour que ce soit plus clair pour tous. Je dirais que ces ajouts ne sont pas nécessairement liés à la pension. En d'autres termes, la définition du terme «conjoint survivant» et la disposition législative des prestations accordées aux survivants et des prestations de décès n'ont pas à être traitées par une loi fédérale parce qu'elles relèvent de la législation provinciale. Les dispositions n'ont à mon avis pas trait à la pension, mais plutôt au droit de la famille.
Le sénateur Nolin: J'aimerais poursuivre dans la même veine. Je vais donc vous proposer un scénario.
Prenons le cas d'un juge divorcé d'un premier conjoint. Ce conjoint n'a droit à aucune pension. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Cela ne soulève aucun problème.
Prenons ensuite le cas d'un juge séparé d'un conjoint, qui vit maintenant depuis un certain temps avec une autre personne. Le juge meurt. Le projet de loi C-37 est en vigueur, donc ces ajouts ont été incorporés à la Loi sur les juges. Vous nous affirmez que vous pourriez vous baser sur la décision de la Cour suprême dans l'affaire Clarke pour contester le droit du Parlement d'établir de telles dispositions et vous croyez que vous pourriez gagner?
Mme Cameron: Je ne voudrais pas exagérer l'importance de l'affaire Clarke puisqu'elle n'est pas entièrement pertinente.
Le sénateur Nolin: C'est probablement le seul cas, et c'est pourquoi j'y réfère.
Mme Cameron: J'aurais également d'autres points à débattre. L'article 100 par exemple, dont j'ai déjà parlé, a trait aux pensions. Cet article ne touche pas du tout à la question des prestations versées aux survivants. Toutefois, l'article 94A renvoie précisément aux prestations versées aux survivants et aux prestations de décès. Il y a donc un fondement qui me permet de justifier ma position puisque je n'ai aucun lien partisan. Je ne fais que donner mon avis constitutionnel.
Le sénateur Nolin: Vous êtes une experte en la matière.
Mme Cameron: C'est une question d'interprétation de l'article 100 par rapport à l'article 94A, de l'article 94.26 par rapport à l'article 94.13. Il s'agit de déterminer comment on doit définir la mesure législative, ce qui constitue la méthodologie des analystes du droit constitutionnel. Ces derniers commenceraient par se demander s'il s'agit d'une loi sur la pension ou d'une loi sur la famille.
Je n'ai aucun problème à vous dire que les experts des questions constitutionnelles ne seraient pas tous de la même opinion. Il y aurait également certainement des divergences d'opinions chez les juges. Certains pourraient croire qu'il s'agit purement d'une loi sur la pension et qu'il n'y a aucune ingérence dans le droit de la famille et les biens matrimoniaux en vertu de la loi provinciale. D'autres seraient d'avis qu'il est difficile pour le Parlement d'étendre la portée de la loi sur la pension à toutes ces dispositions et ces droits qui s'appliquent une fois la pension accordée et versée à un ensemble de personnes à charge et de survivants.
Le sénateur Joyal: J'aimerais donner suite à certains des points soulevés par notre témoin expert en rapport avec le droit de la famille, tout particulièrement en ce qui a trait à la définition de «conjoint».
Comme vous l'avez souligné, et nous l'avons tous bien compris, ce que le projet de loi ajoute à la mesure législative que constitue la Loi actuelle sur les juges, c'est la définition de conjoint survivant. Vous avez défini très clairement le conflit entre le délai prévu par le projet de loi C-37 dans le cadre de sa définition, c'est-à-dire un an de cohabitation, et la situation qui prévaut dans diverses provinces où le délai prévu varie de deux à trois ans.
Il y a une autre source de conflit avec les provinces à laquelle vous n'avez pas fait mention et c'est la définition que l'on donne du conjoint que l'on considère comme «l'autre personne» grâce à laquelle le couple devient une unité ou une «cellule familiale». Comme vous le savez, la Colombie-Britannique a adopté le 30 juin 1998 une mesure législative en rapport avec la Pension Statute Amendment Act qui définit le terme «conjoint» différemment du projet de loi actuellement à l'étude dans cette Chambre. Libellée en anglais, cette loi prévoit que:
[...] le terme «conjoint», lié à une autre personne, signifie
a) s'il n'y a personne à qui les alinéas b) ou c) pourraient s'appliquer, une personne qui, au moment en cause, était mariée à cette autre personne;
b) une personne qui a vécu avec ladite personne une relation de type matrimoniale pendant une période de deux ans précédant immédiatement le moment en cause;
Disons que nous respectons la période de deux ans. La loi poursuit en disant:
c) une personne du même sexe qui a vécu une relation de type matrimoniale avec ladite personne pendant une période de deux ans précédant immédiatement le moment en cause [...]
La définition du terme «conjoint»constitue une ingérence dans le droit de la famille. Comme vous le savez probablement, dans un énoncé à l'assemblée législative le 18 juin dernier, le gouvernement a annoncé qu'il comptait adopter les mêmes dispositions que la Colombie-Britannique en ce qui a trait à la définition du terme «conjoint».
Autrement dit, en ce qui a trait aux mesures législatives existantes dans le dossier de la pension des juges -- que l'on retrouve dans la Loi sur les juges -- le projet de loi intervient non seulement dans le domaine des biens, mais également dans celui du droit de la famille. C'est là un autre aspect important des préoccupations soulevées autour de cette table. Quelles seront les répercussions du projet de loi C-37 sur le droit de la famille? Croyez-vous que la définition du terme «conjoint survivant» ne constitue pas une intrusion plus grande encore dans le droit de la famille que ces mesures traitant de ce que vous appelez les biens matrimoniaux?
A mon avis, il est aussi important de se pencher sur les personnes que sur les biens qui appartiennent à une cellule familiale. Parlons tout d'abord de la personne et nous nous pencherons ensuite sur les biens. Puisque le projet de loi C-37 entame une discussion sur la responsabilité de définir la cellule familiale ou les ayants droit du système, il importe de préciser à qui doivent revenir les prestations de pension.
Mme Cameron: Oui, je suis d'accord avec vous. Je dirais toutefois que dans la mesure où le projet de loi C-37 propose une définition du conjoint de fait ou du conjoint aux fins de l'admissibilité aux biens dans le cadre du droit de la famille, cela constitue, à mon avis du moins, une intrusion dans un champ de compétence provincial et une intrusion dans la compétence des provinces à préciser les exigences et les conditions qui doivent s'appliquer au partage des biens familiaux.
C'est une question complexe comme vous le savez déjà. Il y a dix provinces et chacune dispose de son propre régime de droit familial. Il y a partage de compétences entre le niveau fédéral et les provinces en ce qui touche les questions liées au mariage, au divorce, au droit de la famille et ainsi de suite. Il serait à mon avis inquiétant de voir surgir une guerre de territoire entre le gouvernement fédéral et les provinces sur la responsabilité de définir le conjoint de fait. Je ne sais pas comment cela s'est produit, mais je suis étonnée de constater que le projet de loi C-37 ne définit pas le «conjoint survivant» en se basant sur les lois provinciales existantes.
Par exemple, pour le juge de la Colombie-Britannique, la définition de «conjoint survivant» renvoie à ce que l'on retrouve dans les dispositions en vigueur dans cette province. De même, pour le juge de l'Ontario, les droits du conjoint sont définis par l'interprétation donnée par la common law de cette province de la réalité du conjoint de fait. Il s'agit, je crois, d'une période de trois ans en Ontario.
Tout cela pourrait entraîner des répercussions au niveau constitutionnel. Je ne suis pas du tout convaincue qu'il soit sage pour le gouvernement fédéral de créer sa propre définition du terme «conjoint survivant», de donner des droits aux juges en vertu de cette définition et enfin d'opposer cette définition à l'interprétation donnée par les provinces à la réalité du conjoint de fait.
Il y a un autre problème dont il faut également tenir compte. Les résidents de l'Ontario sont régis par les dispositions du droit de la famille de l'Ontario, à l'exception des juges fédéraux. Les juges font partie d'une catégorie à part. Leurs obligations et leurs droits sont traités de façon différente dans le cadre du projet de loi C-37 entre autres. On pourrait étendre le même principe à tous les programmes de pension que le gouvernement fédéral a mis à jour jusqu'à présent.
Toute cette question de la définition de l'expression «conjoint survivant» et des droits qu'elle peut conférer peut sembler plutôt secondaire de prime abord, mais elle peut devenir assez complexe au niveau de la compétence territoriale et de la constitutionnalité.
Le sénateur Joyal: Autrement dit, si j'ai bien compris, la définition du terme «conjoint» relève à votre avis du droit de la famille qui est de compétence provinciale.
Mme Cameron: Aux fins du partage des biens familiaux, c'est le cas. Les biens matrimoniaux relevant de la compétence des provinces, ces dernières ont le pouvoir constitutionnel de définir le conjoint de fait en établissant une période minimale de cohabitation, de un ou trois ans par exemple, ou de ne pas reconnaître les conjoints de fait du tout.
La présidente: Professeure Cameron, auriez quelque proposition à nous faire sur la façon dont nous pourrions définir l'expression «conjoint survivant» à la clause 1 du projet de loi C-37 de façon à ne pas entrer en contravention avec ce que font les provinces à ce niveau?
Mme Cameron: J'avais peur que vous me posiez cette question.
Le sénateur Nolin: Je crois que vous nous avez déjà donné votre avis à ce sujet, qui était de ne pas donner de définition du tout.
Mme Cameron: Je dirais quelque chose du genre le «conjoint survivant» d'un juge est tel que défini par les dispositions des lois provinciales applicables, une variante du langage utilisé à l'article 9. Pour préciser davantage, disons que l'expression «conjoint survivant», telle que définie par la Loi sur les juges, est définie par rapport à la province dans laquelle le juge habite à titre de conjoint.
J'ajouterais que les seuls juges vraiment fédéraux qui n'ont pas de province d'appartenance sont les juges de la Cour suprême du Canada.
Le sénateur Nolin: Il y a aussi les juges de la Cour fédérale.
Mme Cameron: Je suppose qu'on pourrait aussi inclure les juges de la Cour fédérale puisqu'ils sont obligés d'habiter à Ottawa.
La présidente: Dans la même optique, vous affirmez qu'un juge qui habite en Colombie-Britannique devrait être soumis aux dispositions de la loi provinciale sur la famille. Êtes-vous également d'avis que le gouvernement fédéral ne peut établir les paramètres des pensions, salaires et autres prestations versés aux fonctionnaires fédéraux, où qu'ils vivent? N'est-ce pas là une exigence d'emploi que le gouvernement fédéral doit avoir?
Je comprends que bon nombre de mesures législatives comprennent ce genre de dispositions. Si nous devons suivre votre proposition, nous devrons donc apporter de très importantes modifications aux mesures législatives fédérales.
Mme Cameron: Tout à fait. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je suis d'avis qu'il s'agit là d'une question d'ordre constitutionnel beaucoup plus importante qu'il appert à première vue lorsqu'on la restreint à la Loi sur les juges. Pour répondre à votre question, la plus forte position que je pourrais adopter serait de dire que le genre d'employés fédéraux auxquels nous avons affaire n'a aucune importance. Le Parlement n'a pas le pouvoir législatif de dépasser l'admissibilité à la pension et de se pencher sur toutes les dispositions, les prestations de décès et autres. À mon avis, c'est là la meilleure solution du point de vue constitutionnel. Cela pourrait avoir des répercussions pour les forces armées je suppose, pour la GRC, les députés et peut-être même pour les sénateurs.
La présidente: Cela aurait des répercussions pour tous les employés du gouvernement fédéral qui déménagent d'une province à l'autre.
Mme Cameron: Ma réponse serait de vous demander s'il y a une différence entre les juges et les autres employés fédéraux et si certains employés qui sont appelés à déménager souvent sont régis de si près par le pouvoir législatif du gouvernement fédéral, je pense aux employés de la CCN par exemple. Il pourrait peut-être alors devenir utile et même acceptable que le gouvernement fédéral s'occupe seul de leur droits. Comme je l'ai souligné, je pense par exemple aux employés de la Commission de la Capitale nationale, ou de groupes de ce genre. Je ne crois pas que les juges fassent partie de cette catégorie. Je ne définirais pas les juges comme étant des employés du gouvernement fédéral.
La présidente: Et eux non plus, j'en suis persuadée.
Mme Cameron: Non, eux non plus. C'est une question importante.
Mon instinct me pousse tout de même à penser qu'il n'est pas correct du point de vue constitutionnel que le Parlement s'ingère dans le dossier des biens matrimoniaux. À mon avis, qu'il s'agisse de la GRC, des forces armées ou des juges, cela n'a aucune importance. Toutefois, je suis d'accord pour dire qu'on pourrait établir une certaine distinction entre les juges qui ne sont pas des employés à proprement dit et les fonctionnaires qui sont payés par le gouvernement fédéral à titre d'employés et qui sont soumis aux règles strictes du gouvernement. Ils déménagent à titre de fonctionnaires de l'État. Cela peut faire une différence. Je n'en suis pas convaincue, mais on pourrait peut-être établir une distinction qui s'appliquerait à ces gens.
Le sénateur Nolin: Vous avez parlé de l'affaire Clarke pour démontrer l'opposition entre les champs de compétence des gouvernements fédéral et provinciaux. À titre de Québécois, je peux ajouter quelques commentaires.
L'union de fait n'existe pas au Québec. Une seule loi provinciale en fait état et c'est le Régime des rentes du Québec qui traite du régime de pension provincial. C'est tout. Le Code civil n'en fait pas mention. Au Québec, vous êtes marié ou vous ne l'êtes pas. Êtes-vous bien certaine qu'il n'y a qu'une seule cause qui traite de ce problème?
Mme Cameron: Non, je n'en suis pas certaine du tout. Comme je l'ai souligné, je ne suis pas ici aujourd'hui à titre d'experte sur les questions liées au droit de la famille ou à la loi sur les pensions. Je n'ai tout simplement pas eu le temps ou les ressources nécessaires pour pouvoir consacrer trois ou quatre jours à me préparer à ma comparution devant vous aujourd'hui. Je ne voudrais pas vous induire en erreur en vous laissant croire que j'ai passé de longues heures à éplucher les registres des décisions. Je ne l'ai pas fait et il se peut bien qu'il y ait d'autres cas qui pourraient servir.
Le sénateur Nolin: Permettez-moi d'insister. Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas prête à dire que les juges sont des employés. Considérons la chose sous un autre angle. Les juges sont rémunérés en vertu des pouvoirs conférés par l'article 100 de la Loi constitutionnelle. Le Parlement est chargé d'établir ces montants, ce qui comprend les pensions. Je suis certain que vous ne laissez pas sous-entendre que le Parlement n'a pas le pouvoir de décider de la pension des juges. Si j'ai bien compris votre position, vous êtes d'avis qu'il ne devrait pas pousser ce pouvoir jusqu'à inclure le conjoint survivant de l'employé.
Mme Cameron: Mon analyse de la répartition des compétences est plutôt conventionnelle. Ce que je dis c'est qu'il y a des pensions qui sont établies par cette mesure législative et il y a ensuite des prestations aux conjoints qui sont également créées et qu'il y a une ligne de démarcation entre les deux. Les prestations de pension proprement dites relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, mais les prestations versées au conjoint relèvent des biens matrimoniaux. C'est là mon avis. Je ne remets nullement en question le pouvoir du gouvernement fédéral en matière d'établissement des pensions.
Le sénateur Nolin: La situation serait la même pour les militaires, et pas seulement pour les employés directs du gouvernement fédéral, mais également pour les employés des sociétés régies par les lois fédérales. Il y en a d'ailleurs plusieurs.
Mme Cameron: C'est exact. Il s'agit de déterminer si la pension devrait être considérée comme le droit primaire du pensionné, et seulement le sien, ou si on devrait en élargir la définition pour inclure l'affectation des fonds de pension après la mort du pensionné ou du principal bénéficiaire du programme de pension. Comme je l'ai déjà souligné, vous pourriez réunir 10 ou 12 professeurs de droit constitutionnel dans une même pièce et leurs opinions seraient sans aucun doute partagées.
Le sénateur Nolin: Comme vous le savez, la Loi sur les juges traite déjà de l'admissibilité des enfants d'un juge aux prestations de pension après le décès du pensionné. Cela n'a rien de nouveau. Votre argument irait-il jusqu'à inclure les enfants d'un juge décédé.
Mme Cameron: Sans avoir étudié la question, je ne crois pas que les enfants ont les mêmes droits ou prétentions face à un parent qu'un conjoint marié mais séparé. Je ne suis pas certaine que les enfants se trouvent dans la même situation que des conjoints mariés mais séparés.
Le sénateur Nolin: Voulez-vous dire qu'un enfant ne pourrait pas présenter une requête en regard de l'un de ses parents vivant en union de fait? Est-ce bien ce que vous avez dit?
Mme Cameron: Je reste vague à dessein. Tout ce que je veux dire c'est que je ne suis pas certaine qu'un enfant se trouve dans la même position en vertu du droit provincial de la famille qu'un conjoint marié mais séparé pour déposer une réclamation fondée en droit en regard d'un fond de retraite.
Le sénateur Beaudoin: On nous a dit dès le début que le projet de loi C-37 devait permettre d'harmoniser la situation. Autrement dit, si je comprends bien l'objet de ce projet de loi, il n'existe pas de statut privilégié pour les juges. Il s'agit d'une harmonisation pour la fonction publique et pour les parlementaires, députés et sénateurs. Si c'est le cas, cette harmonisation proposée empiète-t-elle sur le droit provincial de la famille?
Le fait qu'il puisse y avoir des différences entre les provinces ne me préoccupe pas du tout dans un système fédéral. Il existe au sein de la fédération des pouvoirs qui sont de compétence fédérale et d'autres qui relèvent des provinces. Il existe également deux régimes juridiques, soit la common law et le droit civil. Il se peut qu'il y ait des différences entre le Québec et l'Ontario au chapitre du droit de la famille et je crois que c'est le cas. C'est normal dans un système fédéraliste. J'accepte ce système. Je considère que c'est le meilleur.
Je suis d'accord avec le fait que vous vous posiez des questions en ce qui touche la ligne de démarcation entre les pouvoirs du Parlement dans le dossier des pensions et les répercussions civiles du mariage et du divorce ou d'une union de fait. Si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit, cela va trop loin. Il n'est pas nécessaire de légiférer en ce qui a trait à la définition du terme «conjoint survivant». Le pouvoir fédéral devrait s'en tenir au programme de pension un point c'est tout. Si les dispositions d'application doivent varier entre le Québec et l'Ontario, c'est une situation normale dans une fédération.
J'ai beaucoup de respect pour votre opinion et votre bon jugement. Toutefois, je suis d'avis qu'il y a déjà eu empiétement, de façon légale, dans le dossier des pensions alimentaires et de la garde des enfants en cas de divorce. On fait exactement la même chose ici pour ce qui est des pensions dans les cas de divorce.
C'est déjà ce qui arrive dans d'autres secteurs en raison de l'harmonisation. Les juges ne jouissent pas d'un statut particulier si j'ai bien compris l'objet du projet de loi. Je pourrais toutefois me tromper.
Mme Cameron: Je ne peux faire de commentaires en ce qui touche l'harmonisation parce que je n'ai pas étudié les programmes de pensions qui s'appliquent à d'autres groupes comme la GRC ou les forces armées. Je considère qu'il en est ainsi uniquement parce que rien ne me porte à croire qu'il ne s'agit pas de créer un quelconque statut spécial pour les juges ou de leur accorder des avantages particuliers. Je n'ai jamais eu l'impression que c'était là l'objet du projet de loi C-37.
Pour ce qui est du conflit entre les programmes fédéral et provinciaux et du fait que le gouvernement fédéral dispose déjà de programmes dans bon nombre d'autres secteurs, je n'ai jamais cru que le gouvernement fédéral pouvait acquérir un certain pouvoir constitutionnel en légiférant au-delà de sa compétence constitutionnelle. Si on voulait être puriste, on pourrait certainement affirmer que ce n'est pas parce que tous ces autres programmes de pension existent qu'ils sont constitutionnels. Ils pourraient également être inconstitutionnels.
Très franchement, je suis d'avis qu'il serait très difficile de débattre ce point en cours. Toutefois, cela n'empêche pas de réfléchir à la situation avant d'ajouter un nouveau programme de pension qui ne fera qu'accroître les pouvoirs fédéraux à la suite de la décision du gouvernement fédéral d'établir une définition du terme «conjoint survivant», empiétant ainsi sur la compétence provinciale en matière de droit de la famille. Je m'égare un peu dans ma réponse.
Pour en revenir à mon argumentation initiale, j'ai un peu peur qu'on aille trop loin. Le fait qu'il existe déjà des situations d'empiétement dans d'autres secteurs et pour d'autres mesures législatives ne constitue pas à mon avis un remède au problème. Il importe donc de décider s'il y a empiétement ou non. Je suis aussi d'accord avec vous pour dire que dans un système fédéral, il peut exister des différences entre les provinces.
Il devrait peut-être également être possible que les gouvernements fédéral et provinciaux partagent une certaine partie des pouvoirs dans ces dossiers. Je ne suis toutefois pas convaincue que cette mesure législative le fasse d'une façon qui permette de respecter les articles 91 et 92.
Le sénateur Cools: J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à notre témoin. J'ai une question à lui poser, mais si elle ne veut pas y répondre, je comprendrai.
J'aimerais savoir si vous avez discuté de la question avec l'ancien juge Willard Estey, et dans l'affirmative, si vous seriez prête à partager avec nous certains des éléments que vous avez retirés de cette discussion.
Mme Cameron: Je n'ai aucune hésitation à vous répondre. Je n'ai pas discuté de la question avec l'ancien juge Willard Estey, bien que je sache qu'il s'intéresse de près à cette mesure législative et à son aspect constitutionnel. Je n'ai toutefois personnellement pas discuté de cette question avec lui.
Le sénateur Cools: Ceci étant dit, j'aimerais proposer de nouveau au comité de demander à l'ancien juge Willard Estey de comparaître devant le comité parce qu'il a fait preuve d'un grand intérêt pour la question et qu'il en a fait part à plusieurs personnes. J'aimerais que le comité y songe.
Je passerai maintenant directement à la question de l'article 11 dont je ne crois pas que vous ayez parlé. Toutefois, comme j'ai été retenue, je suis arrivée un peu en retard et j'ai manqué une partie de votre exposé initial.
L'article 11 du projet de loi C-37 prévoit le versement d'une somme forfaitaire. En résumé, cet article prévoit que dans les cas où deux conjoints survivent au juge, la somme forfaitaire doit être versée au conjoint de fait. L'article 46.1, que l'article 11 du projet de loi C-37 modifie, est assez récent au sein de cette mesure législative. Il n'y a été intégré qu'en 1989. Même à ce moment, cela constituait une anomalie intéressante, une innovation peu habituelle. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la question de la somme forfaitaire et de la formule proposée dans le projet de loi C-37.
Vous avez dans une certaine mesure remis en question les liens entre l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867 et sa pertinence dans le cadre de l'harmonisation avec les autres questions de droit matrimonial et de la famille qui relèvent clairement de la compétence provinciale. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a clairement empiétement. Je me demande si vous pourriez examiner cet article avec le même oeil critique. Je vais vous dire pourquoi.
Dans ce cas en particulier, la modification de l'article 46.1 n'est pas autorisée par l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui traite de l'établissement et du versement des salaires. Il s'agit donc d'une dérogation encore plus importante parce qu'il n'y a rien dans l'article 100 qui autorise le versement d'une telle rente. Votre réticence est à ce qu'il me semble amplifiée dans cet article. C'est mon avis et j'aimerais obtenir le vôtre sur la question.
Mme Cameron: Vous avez raison de dire que le libellé de l'article 100 renvoie explicitement aux salaires, allocations et pensions des juges et c'est là comme vous le dites l'étendue du pouvoir qu'il accorde. Pour commencer, disons qu'il faudrait déterminer l'ampleur que vous seriez prêts à accorder à la définition de la pension et établir si cela serait suffisamment large pour permettre de prévoir une somme forfaitaire au moment du décès du pensionné. Voila mon premier point.
Mon second point est le suivant. Dans la mesure où cette disposition est incompatible avec la façon dont une somme forfaitaire devrait être répartie en vertu de la loi provinciale en matière matrimoniale, alors ma réponse reste la même c'est-à-dire que le versement d'une somme forfaitaire risque d'entraîner des problèmes constitutionnels.
J'ai pris connaissance des témoignages que vous avez déjà entendus sur la question. Vous pouvez me corriger si j'ai tort, mais je crois que la principale justification avait trait aux dépenses funéraires, et autres.
Je n'ai rien à dire sur l'opportunité d'une telle disposition. Toutefois, j'en reviens au même argument, c'est-à-dire que dans la mesure où cette disposition pourrait être incompatible avec une disposition de même nature relevant du droit de la famille au niveau provincial, le problème est le même que pour la définition de l'expression «conjoint survivant».
Le sénateur Cools: La raison pour laquelle je vous pose la question professeure Cameron, c'est que l'article 100 a été actualisé de façon parlementaire par le paragraphe 53(1) de la Loi sur les juges. Le paragraphe 53(1) donne essentiellement le pouvoir de puiser le salaire des juges à même le Trésor.
En 1989, lorsqu'on a modifié la Loi sur les juges de façon à prévoir cette disposition sur le paiement forfaitaire, les législateurs ont élargi la portée du paragraphe 53(1) pour y inclure les dispositions de l'article 46.1. Les écarts sont donc doublement ou triplement suspects, douteux ou bizarres, selon la terminologie que vous voulez employer. L'empiétement dont vous parlez devient plus direct encore; on ne peut le justifier en affirmant qu'il ne s'agit que d'un mécanisme prévu par l'article 100 qui prévoit l'établissement et le versement des pensions.
L'empiétement devient ici plus évident en ce sens qu'il vise à pénétrer beaucoup plus directement et agressivement dans le domaine du droit de la famille. C'est un point qui me semble assez intéressant.
La présidente: Avez-vous des commentaires à ce sujet, professeure Cameron?
Mme Cameron: Non. J'aurai simplement recours à la sortie de secours préférée de tout bon professeur de droit constitutionnel en affirmant que le Parlement peut effectivement prendre toutes les mesures bizarres qu'il désire dans la limite de la Constitution. J'ai délibérément essayé de ne pas faire de jugement sur le caractère raisonnable de l'une ou l'autre des dispositions en cause. J'ai choisi plutôt de rester plus impartiale et objective et de me demander s'il y a dans tout cela un élément qui pourrait nous faire craindre un empiétement sur un domaine de compétence provinciale.
La présidente: Nous entendrons maintenant le prochain témoin, Mme Barbara Thompson.
J'aimerais tout d'abord vous préciser, madame Thompson, que nous fonctionnons de façon toute simple. Nous vous donnons d'abord la parole pour que vous nous exposiez vos vues, puis nous passons à une période de questions de la part des sénateurs. Nous essayons de simplifier les choses au maximum pour les témoins. La parole est donc à vous.
Mme Barbara Thompson, avocate: Honorables sénateurs, mon exposé lui-même sera plutôt simple. J'ai pensé qu'il pourrait être utile au comité de revoir certains principes du droit de la famille. Je pratique le droit de la famille en Ontario et c'est là le seul contexte dans lequel je me sente suffisamment qualifiée pour me prononcer.
Le domaine des pensions est un domaine plutôt complexe. Je commencerai par établir certaines données de base en rapport avec les pensions parce qu'elles chevauchent plusieurs domaines et qu'il y a des périodes importantes dont il faut tenir compte. Si je vous ennuie ou que je vous donne des renseignements que vous connaissez déjà, n'hésitez pas à m'interrompre.
Pour ce qui est des pensions, il y a deux périodes importantes en droit de la famille. On doit établir une distinction entre le traitement des pensions et les droits et obligations qui en résultent. L'une de ces périodes est celle de la dissolution d'un mariage, l'autre étant le décès du pensionné. De plus, il y a dans le droit de la famille deux domaines distincts sur lesquels la pension peut avoir des répercussions. L'un d'eux est la propriété, qui est le principal domaine où la pension est traitée comme un bien en cas de dissolution du mariage, et l'autre est le soutien financier pour lequel en cas de décès ou de dissolution du mariage, la pension est considérée comme un revenu régulier.
Le troisième point que j'aimerais souligner dans mes observations préliminaires est le fait que la définition de «conjoint» est différente en Ontario, et partout ailleurs au Canada je crois, pour ce qui est de la propriété et du soutien financier. Lorsqu'on parle de soutien financier, on ne s'intéresse pas à la conduite, mais bien aux rôles de chacune des parties et aux changements dans la situation économique des conjoints qui résultent du mariage. Le tribunal se penche sur la question de la dépendance et essaie dans certains cas d'offrir une compensation à l'un des conjoints en déterminant les droits de chacun.
La question de la propriété est traitée de façon différente. En Ontario, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux conjoints qui ont déjà été unis par les liens du mariage. Sauf en de très rares circonstances, on considère que c'est là un droit. On accorde généralement la répartition des biens, sauf dans des cas très rares. Il arrive toutefois qu'on impose la création d'une fiducie en vertu de l'équité, mais de façon générale, le droit statutaire au partage des biens ne survient qu'au moment de la dissolution du mariage.
Partout au Canada, la pension représente un bien dont on tient compte au moment de la dissolution d'un mariage. L'un des principaux problèmes quant à la façon dont ces biens doivent être traités est qu'ils ne sont pas liquides. Les lois provinciales qui touchent à la dissolution du mariage donnent le pouvoir de partager ces biens.
En Ontario, la valeur capitalisée de la pension est établie à la date d'évaluation, c'est-à-dire au moment de la séparation des conjoints. La Cour suprême du Canada étudie actuellement une affaire qui vise à déterminer comment on doit évaluer la pension ou comment on doit déterminer la valeur capitalisée de la pension. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails de cette affaire, si ce n'est que pour dire qu'on pourrait établir une comparaison avec le coût d'achat d'une rente qui produirait le même rendement annuel. Il va sans dire que c'est un bien qui peut s'avérer important. Dans bon nombre de cas, le montant est assez imposant, surtout lorsque l'union a duré pendant longtemps.
Tenant compte des ententes privées et des conventions de séparation entre conjoints, les tribunaux de l'Ontario ont établi deux méthodes principales pour traiter la question. La première prévoit le report du paiement jusqu'au moment de la retraite, ce qui signifie qu'une partie du paiement sera versée au conjoint non pensionné au moment de la retraite de l'autre conjoint. Les deux conjoints doivent attendre le moment de la retraite et les deux reçoivent alors un revenu régulier.
L'autre méthode prévoit le versement immédiat d'une somme forfaitaire.
Aucune de ces méthodes n'est parfaite. Le report du paiement est juste à plusieurs égards, puisque le conjoint non pensionné ne reçoit aucun versement avant que l'autre conjoint n'y ait lui-même droit et le montant auquel il a droit représente un pourcentage du montant définitif qui sera versé au pensionné. Le problème réside au niveau de la protection. Comment peut-on garantir le montant du bien permettant de poursuivre les paiements?
À venir jusqu'à présent, nous avons eu recours aux compagnies d'assurance à ce niveau. Une ordonnance du tribunal ou une convention de séparation nous permet de nous assurer que la personne dispose de suffisamment de couverture d'assurance-vie pour pouvoir poursuivre le versement de la rente en cas de décès.
Dans l'autre cas, on verse un montant forfaitaire, c'est-à-dire que le conjoint pensionné évalue les autres biens et effectue un paiement selon la valeur capitalisée de la pension.
Dans ce cas, la difficulté vient du fait que le conjoint ayant droit à la pension peut ne jamais actualiser le bien en cause s'il ou elle décède avant d'arriver à la retraite et qu'il pourrait bien alors ne pas y avoir suffisamment de biens pour assurer le paiement. Les mesures législatives sur les biens matrimoniaux ne prévoient pas la possibilité d'ordonner à un tiers, soit l'administrateur des pensions, de séparer les avoirs de retraite.
Le problème de la garantie a été réglé au niveau fédéral par l'adoption de la Loi sur le partage des prestations de retraite, qui renvoie à certaines mesures législatives fédérales, et de la Loi sur les normes de prestations de pension. Ces deux mesures prévoient qu'on peut tirer une somme forfaitaire de l'actif du plan de retraite d'un employé pour le verser dans un régime de pension à l'intention du conjoint non pensionné. Ce sont là deux mesures législatives qui ont des répercussions sur d'autres régimes de pension.
Par exemple, la Loi sur le partage des prestations de retraite, ou LPPR, s'applique à la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la GRC, la Loi sur les allocations de retraite des députés et la Loi sur la pension de la fonction publique. Elle ne s'applique pas à la Loi sur les juges.
La LPPR régit les régimes de retraite assujettis aux règlements fédéraux et des sociétés d'État. C'est donc le cas des régimes de retraite de Radio-Canada, de Bell et de la Banque du Canada. De plus, la LPPR autorise un rachat ou un transfert de fonds réels dans un régime de retraite immobilisé.
Ce que je tiens à souligner ici, c'est que les lois sur les régimes de retraite ne prescrivent pas de mécanisme de rachat ou de sécurité et d'exécution concernant les pensions. Nous avons un droit de propriété. La difficulté consiste à exercer ce droit de propriété et il existe précisément des lois fédérales qui accordent aux participants d'un régime de retraite un droit de rachat.
Le Régime de pensions du Canada comporte un véritable mécanisme de fractionnement des pensions, ou des crédits, ce qui est fort différent d'un transfert. Le droit de l'individu est traité séparément, il y a vraiment une nette séparation.
Je vais parler brièvement de la loi ontarienne, simplement pour bien situer le contexte de toute cette question de sécurité et d'exécution. L'Ontario a fait très peu de progrès en vue de fractionner les pensions à la source. Plusieurs recommandations ont pourtant été faites à cet égard par la Commission de réforme du droit. La dernière fois, soit en 1995, la commission a présenté au Cabinet un rapport sur les pensions considérées comme des biens familiaux, qui recommandait que de prévoir un partage des prestations et un paiement forfaitaire comme dans la loi fédérale, mais l'Ontario n'a pas légiféré en ce sens.
La Loi sur les régimes de retraite de l'Ontario permettra le transfert d'une valeur de rachat dans un RPR dans certaines circonstances limitées. Cela ne pourra se faire qu'après le départ pour la retraite et le régime de pensions devra le prévoir de façon précise. Toutes les lois ontariennes ne sont pas visées.
La difficulté, c'est que les pensions recouvrent à la fois les questions de soutien et de propriété. C'est un élément d'actif, et nous traitons cet élément d'actif au moment de la rupture d'un mariage, mais c'est également une source de revenu. Même quand la pension a été traitée comme un élément d'actif, le participant à un régime de retraite peut continuer d'être tenu d'assurer le soutien d'un conjoint à charge. Cette obligation peut persister après le départ pour la retraite. On chercherait alors à verser l'élément d'actif sous forme de sécurité de revenu. Encore une fois, le décès du conjoint dans ces circonstances aurait des répercussions cruciales. Généralement, cette question est réglée au moyen de l'assurance-vie, pourvu qu'il y ait une assurance-vie suffisante versée au conjoint retraité.
Quand un décès survient, la plupart des régimes prévoient le versement d'une rente ou d'une prestation au conjoint survivant. Habituellement, la loi définit l'expression «rentier survivant» et il existe plusieurs définitions de «conjoint». En Ontario, le droit à la propriété exige qu'il y ait mariage et le droit au soutien, qu'il y ait une cohabitation de trois ans ou une relation ayant une certaine permanence, avec un enfant naturel ou adopté.
Les lois fédérales donnent aussi une définition de «conjoint». Vous avez déjà entendu la professeure Cameron, qui est le témoin le plus qualifié pour parler de constitutionnalité. Bien sûr, le terme «conjoint» est défini dans la Loi sur le divorce, mais également dans le contexte de rentier survivant en vertu de certains régimes de retraite. D'après moi, il n'y a pas d'incidence sur les droits de propriété prévus par la loi provinciale. En ma qualité d'avocate du droit de la famille, je me préoccupe davantage de l'aspect sécurité du régime de pension et je me demande si une prestation au conjoint survivant pourrait conforter cette sécurité ou s'il faudrait plutôt tenir compte des autres éléments d'actif, par exemple une hypothèque sur la propriété d'une personne ou l'assurance-vie.
Certaines lois fédérales ne donnent pas une définition précise de «conjoint», contrairement aux modifications proposées à la Loi sur les juges et à la Loi sur les allocations de retraite des députés, qui en donnent une définition plus large. Sauf erreur, la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et la Loi sur la pension de retraite de la GRC accordent un pouvoir discrétionnaire au Conseil du Trésor. Généralement, après 12 mois de cohabitation, pourvu que cette période ait précédé immédiatement le décès, si le participant au régime de pension résidait avec un membre du sexe opposé reconnu publiquement comme son conjoint, ce dernier aurait droit au titre de rentier survivant.
Aux termes de ces lois, il peut y avoir des demandes contradictoires et, encore une fois, le partage est à la discrétion du Conseil du Trésor. Si je ne m'abuse, la pratique du Conseil du Trésor consiste essentiellement à prendre les dispositions que l'on propose maintenant d'inclure dans la Loi sur les juges, mais ces dispositions ne figurent pas dans les autres lois fédérales.
De plus, il vous serait peut-être utile de savoir que le divorce change le statut des parties. Après un divorce, il n'y a plus de conjoint. Le divorce élimine le statut officiel de conjoint. Les parties n'étant plus des conjoints, ils n'ont plus droit aux rentes de survivants.
En Ontario, la Loi sur les régimes de retraite reprend la définition que prévoit, aux fins de soutien, la Loi sur le droit de la famille du terme «conjoint», qui exige une cohabitation de trois ans ou une relation ayant une certaine permanence, avec un enfant.
Les prestations au conjoint survivant prévues par la Loi sur les régimes de retraite de l'Ontario ne sont pas versées si les conjoints vivent seuls et séparément, et si le conjoint participant au régime de retraite décède avant son départ à la retraite. Cela est contraire à ce que prévoit la loi fédérale, soit que les conjoints peuvent vivre séparément et, si l'une des parties décède avant la retraite, le conjoint non participant peut toujours être considéré comme le rentier survivant, s'il n'y a pas eu de divorce. Aux termes de la loi de l'Ontario, dans le cas de parties séparées, le conjoint non participant n'a pas droit à la rente de survivant. Cependant, si les conjoints cohabitent à la date de la retraite, la partie qui est le conjoint au moment du premier versement de la pension a droit au titre de rentier survivant, peu importe s'il y a séparation après la date du premier versement de la pension ou non. En vertu de la loi de l'Ontario, la situation est donc bien différente. Ce droit n'est pas inscrit dans le droit de la famille, mais il l'est de façon précise dans la loi en question.
Selon la perspective du droit de la famille, les modifications proposées à la Loi sur les juges, en ce qui concerne les pensions, correspondent généralement aux autres dispositions législatives. La définition légale de «conjoint» correspond à celle qui figure dans les autres lois fédérales, notamment la Loi de l'impôt sur le revenu ou la Loi sur la pension de la fonction publique.
L'inquiétude qui pourrait y avoir, concernant le droit de la famille, serait l'incapacité d'effectuer le transfert d'un paiement forfaitaire, ce qui représente la question de sécurité de la pension en tant qu'élément d'actif et en tant que source de revenu, parce que la Loi sur le partage des prestations de retraite ne s'applique pas à la Loi sur les juges. J'ignore si tout cela peut vous aider. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le sénateur Beaudoin: Évidemment, les lois de l'Ontario définissent clairement le conjoint survivant à de nombreuses fins. La loi fédérale prescrit-elle des définitions semblables?
Selon la professeure Cameron, ce projet de loi va peut-être un peu trop loin et risque d'aller à l'encontre du droit de la famille des provinces en ce qui a trait aux pensions. C'est un point de vue très intéressant. Cependant, vous n'avez pas aborder la question de la constitutionnalité et, bien sûr, vous n'y étiez pas tenue. Mais, vous pourriez nous aider en disant ce que vous pensez d'inscrire une définition de conjoint survivant dans la loi fédéral.
Mme Thompson: En tant qu'avocate du droit de la famille, je n'ai pas à me préoccuper des lois sur les pensions, parce que le droit de mes clients, en cas de rupture du mariage, est prévu aux termes de la Loi sur le droit de la famille ou de la Loi sur le divorce. Le droit à une aide ne relève ni de la Loi sur les juges, ni de la Loi sur les allocations de retraite des députés, ni d'une autre loi fédérale. Je ne tiens compte des droits du rentier survivant prévus par ces lois seulement pour déterminer s'il est possible de garantir les droits existants au moment de la rupture du mariage, notamment en vertu de la Loi sur le divorce ou de la Loi sur le droit de la famille.
Prenons l'exemple d'une rupture de mariage. Nous utiliserons une autre loi que la Loi sur les juges dans ce cas, puisque peu d'entre nous représentent des juges. Disons que ma cliente est mariée à un militaire dont la pension est évaluée à 600 000 $. Je ne vais pas aborder ici les questions d'ordre fiscal. Or, l'homme participe à un régime de retraite. Si ce montant est son seul élément d'actif et représente le montant après impôts, il devra verser 300 000 $ afin de respecter le droit de propriété, tel que l'établit la loi provinciale.
Il faut ensuite déterminer comment je vais obtenir ce 300 000 $. S'il est question d'un militaire, le couple ne possède peut-être pas de maison. Il a peut-être dû déménager souvent. Il n'y a donc pas d'autres éléments d'actif. Je dois vérifier si ce militaire possède une assurance-vie. Or, il a travaillé avec trop d'acharnement pendant toute sa vie et il est terriblement cardiaque, de sorte qu'il n'a pu souscrire une assurance-vie. Je vais chercher un moyen de garantir à ma cliente le droit aux prestations au survivant prévu par le régime de pension.
Le sénateur Beaudoin: La situation change d'une province à une autre. Par exemple, le Québec observe le code civil alors qu'en Ontario et dans toutes les autres provinces, c'est la common law. Il se peut que la succession soit traitée différemment selon qu'on est au Québec ou en Ontario. Nous voyons cela tous les jours. Ce n'est pas un problème. Une pension fait automatiquement partie de la succession.
Aux termes de l'article 100, le Parlement verse la pension. Ce n'est pas le versement de la pension qui fait problème. Bien sûr, personne ne s'oppose à cela. Mais on va un peu plus loin et on définit l'expression «conjoint survivant», de sorte que, dans une certaine mesure, on légifère sur une question qui relève du droit de la famille. C'est peut-être fort acceptable en vertu du pouvoir accessoire que confèrent à Ottawa les articles 91 et 100, parce qu'autrement, il faut appliquer la loi du Québec, de l'Ontario ou d'une autre province. Pensez-vous que le Parlement devrait légiférer sur la question des pensions ou sur d'autres questions qui relèvent habituellement du droit de la famille? Devrions-nous éviter cela?
Mme Thompson: Cela correspond certainement au traitement accordé aux autres régimes de retraite fédéraux, dans le cadre du droit de la famille. Il y a ainsi une certaine «harmonisation» de la situation. La rente du survivant n'a pas vraiment d'incidence sur le droit de la personne séparée que j'ai utilisée dans mon exemple. Ma cliente a droit à 300 000 $ venant du régime de retraite. La manière d'obtenir ce montant est une autre question. Si le conjoint est ou a été membre des Forces canadiennes, je peux alors invoquer la Loi sur le partage des prestations de retraite et transférer 300 000 $ dans le régime de retraite de ma cliente.
En ce qui concerne la Loi sur les juges, une partie de la difficulté vient du fait que cette loi n'est pas couverte par la Loi sur le partage des prestations de retraite, de sorte que la question de sécurité devient un problème. Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Beaudoin: En partie. Vous avez dit que la Loi sur les juges n'était pas assujettie à la Loi sur le partage des prestations de retraite.
Mme Thompson: Non, elle ne l'est pas.
Le sénateur Beaudoin: L'intention est qu'elle ne le soit pas.
Mme Thompson: C'est juste.
Le sénateur Beaudoin: Peut-être l'intention est-elle de traiter toutes les pensions de façon uniforme au Canada, même si la loi varie d'une province à l'autre.
Comme vous le savez, en ce qui concerne les dernières volontés et les testaments, la loi n'est pas la même dans toutes les provinces. Une pension serait incluse dans la succession et serait assujettie au droit de la famille applicable dans la province concernée. Toutefois, maintenant que nous avons soulevé le risque que cela n'empiète sur le droit de la famille de la province, la question est: Que faisons-nous? Est-ce la bonne façon de procéder? Est-il bien de faire ça?
Mme Thompson: Certainement car, d'un point de vue strictement pragmatique, du point de vue du droit de la famille, cela permet de garantir le paiement. Si la Loi sur le partage des prestations de retraite qui, à Ottawa, a été d'une aide considérable pour les avocats spécialisés dans le droit de la famille, ne s'applique pas, le fait de pouvoir partager la pension entre les survivants en vertu de la Loi sur les juges est certainement très utile. C'est utile afin de garantir le versement, ce qui est très difficile. Cela ne change pas le droit à pension en vertu du droit des biens. C'est utile en ce sens que ça nous dote d'un mécanisme qui permet de garantir que le paiement sera effectivement fait.
Le sénateur Beaudoin: Est-ce utile?
Mme Thomson: Certainement.
Le sénateur Nolin: Vous avez examiné le projet de loi C-37 et, si je comprends bien votre dernière réponse, vous pensez qu'il est équitable d'apporter ces changements à la Loi sur les juges.
Mme Thompson: Ça va certainement dans le sens d'autres mesures législatives et c'est nettement mieux qu'une grande partie de la législation de la province de l'Ontario en ce qui concerne les pensions. Aucune loi sur les pensions ne traite de la méthode ou de la garantie de paiement en cas de séparation ou de divorce. Cela fait partie d'une mesure législative distincte. Au niveau fédéral, il s'agit de la Loi sur le partage des prestations de retraite ou de la Loi sur les normes de prestation de pension. En tant qu'avocate spécialisée dans le droit de la famille, je ne considère pas que les changements proposés à cette mesure législative vont plus loin que ce qui existe en général. Très franchement, je souhaiterais que l'Ontario se penche là-dessus.
Le sénateur Nolin: Voyez-vous un inconvénient à ce que dans diverses lois provinciales, l'union de fait soit définie comme la cohabitation pendant deux ou trois ans, alors qu'il n'existe rien de la sorte au Québec? En Ontario, c'est douze mois. Est-ce que cela vous pose un problème?
Mme Thompson: Je ne suis pas qualifiée pour parler des aspects constitutionnels.
Le sénateur Nolin: Non, tout ce qui m'intéresse, c'est le droit matrimonial pur.
Mme Thompson: Vous avez eu le témoignage formel d'un spécialiste des questions constitutionnelles. Ça n'a pas réellement d'impact du point de vue du droit familial, étant donné que le conjoint aura finalement droit à une pension en vertu de la Loi sur le divorce ou de l'article 3 de la Loi sur le droit de la famille, qui fixe la période à trois ans. Cela n'a donc pas vraiment d'impact. Cela ne donne pas droit à une pension. À mon avis, ce serait un acte ultra vires que d'essayer d'établir, au niveau provincial, un droit à pension pour des gens qui ont seulement vécu ensemble. C'est probablement le plus que je puis dire d'un point de vue constitutionnel.
Le sénateur Nolin: Vous vous êtes abstenue d'utiliser un scénario mettant en cause un juge, de toute évidence parce que les juges ne sont pas assujettis à la Loi sur le partage des prestations de retraite. Je vous demande, toutefois, d'utiliser un exemple mettent en cause un juge avant et après l'adoption du projet de loi C-37 de façon à ce que je comprenne ce qui arrive quand un juge décède ou divorce.
Mme Thompson: Si un juge décède aujourd'hui et que lui et son épouse avec laquelle il doit être marié, ou qui doit être mariée avec lui, lui survit, cette personne aura le droit à une pension de retraite de survivant.
Disons que le juge en question est une femme et qu'elle meurt alors qu'elle est séparée de son conjoint auquel elle est mariée. Ils ne sont pas divorcés, mais elle a cohabité douze mois avec une autre personne. En vertu de la loi actuelle, seul le conjoint marié a droit à une pension, à une pension de survivant. Si le juge se sépare et que nous estimons sa pension à 600 000 $, elle est alors tenue de verser à son conjoint 300 000 $ au titre de sa pension, et nous devons aussi tenir compte de ses autres avoirs.
Le sénateur Nolin: La valeur de la pension est égale à la moitié du capital.
Mme Thompson: Oui, en supposant que c'est le seul avoir. Ensuite, elle doit se tourner vers ses autres avoirs, si elle en a, ou avoir une assurance-vie ou un autre moyen de payer. En supposant que ses avoirs se réduisent à sa pension et qu'elle doit verser à son conjoint 300 000 $ qu'elle n'a pas, nous pouvons décider d'avoir recours au versement de prestations de pension différé. Les 300 000 $ sont un revenu, une partie de la pension du juge. À sa retraite, une certaine partie de cette somme irait à son mari en vertu du droit de propriété.
La difficulté, c'est de savoir comment payer le reste si le juge meurt avant que le montant intégral n'ait été versé. C'est là qu'intervient l'assurance-vie. S'il était possible de désigner la personne en tant que bénéficiaire d'une pension de survivant, cela tiendrait lieu d'assurance-vie, si la pension pouvait continuer d'être versée pendant un certain temps.
Le sénateur Nolin: Vous voulez dire au moment de la séparation ou du divorce.
Mme Thompson: Oui.
Le sénateur Nolin: Les deux. Quand vous divisez les biens du mariage, c'est le genre de mécanisme que vous utilisez pour calculer les parts.
Mme Thompson: Oui.
Le sénateur Nolin: Cela veut dire que maintenant ou après l'adoption du projet de loi C-37, la valeur de la pension d'un juge est calculée pour les années qu'il peut lui rester à vivre.
Mme Thompson: On peut le faire de cette manière. Disons que le juge, qui est ma cliente, se sépare. Elle doit à son mari 300 000 $ et ils ont une maison d'une valeur de 300 000 $. Elle peut décider de lui donner la maison. Si elle a d'autres avoirs, comme des REER, d'une valeur de 600 000 $, elle peut s'en servir pour payer ce qu'elle doit à son mari si celui-ci a des avoirs.
Le sénateur Nolin: Ce que je veux savoir, c'est si l'on tient compte de la valeur totale de la pension dans le calcul des avoirs. Si je regarde la loi, le juge reçoit un chèque de pension mensuel.
Mme Thompson: Aux fins du droit de la famille, les calculs se font de façon très différente.
Le sénateur Nolin: C'est pour cela que je pose la question. Disons que le juge en question divorce à l'âge de 60 ans et vit encore 25 ans. Il y a de nombreuses tables actuarielles pour calculer ça et de nombreuses façons de le calculer. On multipliera le nombre d'années qu'il lui reste à vivre par «x» par mois et on obtiendra un total «y». L'évaluation des biens du mariage sera comprise dans cette somme, est-ce bien cela?
Mme Thompson: C'est cela.
Le sénateur Nolin: C'est comme cela que ça se passe en vertu de la loi en vigueur, mais après l'adoption du projet de loi C-37, les calculs seront plus précis.
Mme Thompson: C'est à cause du droit provincial des biens et de la propriété.
Le sénateur Moore: Dans l'exemple que vous avez donné, cette femme juge doit 300 000 $ à son conjoint dont elle est séparée. Supposons que ce soit là son seul avoir substantiel. Vous avez dit que le problème est de s'assurer que la somme de 300 000 $ sera bien payée à l'ex-conjoint. Supposons maintenant que cette femme juge prend sa retraite et qu'elle reçoit 100 000 $. Vous nous avez dit que, si le juge qui cotisait au régime de pension meurt, le conjoint ne toucherait plus de prestations de conjoint, mais seulement l'assurance.
Mme Thompson: Oui.
Le sénateur Moore: À quel moment essaieriez-vous d'acquérir une police d'assurance? Comment détermineriez-vous le montant à payer en vertu de cette assurance? Faites-vous un calcul actuariel en commençant à 300 000 $? Pouvez-vous acheter une assurance pour couvrir ces 300 000 $ ou la somme quelle qu'elle soit que vous devrez à votre mort? Comment faites-vous? L'avez-vous déjà fait?
Mme Thompson: Oui. Nous le faisons au moment de négocier l'accord de séparation. Si nous optons pour un versement différé de la pension, une partie très importante de l'accord négocié traitera de la garantie de paiement, que ce soit au moyen d'une assurance-vie ou d'un autre moyen. Bien sûr, à mesure que nous vieillissons, une assurance-vie de ce type coûte de plus en plus cher.
Le sénateur Moore: Est-il possible de souscrire une assurance avec ce genre de versement flexible?
Mme Thompson: C'est possible. En fait, c'est une possibilité que nous envisagerions et je demanderais dans ce cas à l'actuaire chargé d'estimer la pension de me donner une idée du type de protection ou de garantie dont la personne en question a besoin.
Le sénateur Fraser: J'avoue que toute cette question m'échappe. Cela n'a rien à voir avec votre témoignage qui était fascinant. Le sénateur Nolin vous a posé d'excellentes questions. J'aimerais vous en poser une petite.
En ce qui concerne le principe d'harmonisation, s'est-il jamais, à votre connaissance, produit un cas où il y avait conflit entre la définition de «conjoint de fait» d'une province et celle du Conseil du Trésor? Dans l'affirmative, que s'est-il passé?
Mme Thompson: Non, pas que je sache.
Le sénateur Fraser: Est-ce impossible parce que l'on traite ici de domaines différents? Comme vous le voyez, je nage complètement.
Mme Thompson: Non. Je pense que c'est une excellente question car c'est un domaine dans lequel on se perd facilement. Dans le cas d'une union libre, le Conseil du Trésor décide si la personne à charge a droit ou non à une pension de conjoint survivant en vertu du régime de pension. Si la personne à charge décide ensuite de poursuivre la succession pour obtenir une pension alimentaire, le tribunal se fonde sur la définition provinciale de «conjoint». Il détermine, sur la base des allocations qu'elle touche, si elle a effectivement besoin d'une pension alimentaire, mais essentiellement la personne en question continuerait de toucher ses allocations.
Le sénateur Fraser: N'est-il pas improbable que cela arrive étant donné que la définition du Conseil du Trésor est plus généreuse?
Mme Thompson: Effectivement.
Le sénateur Fraser: En pratique, la question ne se pose pas.
Mme Thompson: Je n'arrive pas à penser à un cas où elle pourrait se poser, mais il n'empêche qu'elle peut se poser.
Le sénateur Moore: Mme Thompson, vous avez dit que, au moment du divorce, le conjoint perdait son statut de conjoint de même que son droit à une pension de survivant en vertu du régime de pension dont nous avons discuté. Cela s'applique-t-il en cas d'accord de séparation ou de jugement de divorce?
Mme Thompson: Cela ne s'applique que si la question des biens n'a pas été réglée en vertu de la loi provinciale. Par exemple, et je vais plus loin, il est possible, en vertu de la Loi sur le divorce de 1985, de séparer les mesures accessoires, y compris le partage des biens, du divorce comme tel. Quand j'ai affaire à un cas de ce genre, et j'ai un conjoint non pensionné, je demande à la Cour de surseoir au jugement de divorce tant que la question des biens, y compris la garantie de paiement, n'a pas été réglée au moyen d'une ordonnance, de négociations ou d'un accord.
Le sénateur Moore: Le Conseil du Trésor peut-il passer outre un tel accord? Vous avez dit qu'à votre connaissance, il n'existe pas de loi obligeant l'administrateur du régime de pension, le Conseil du Trésor, au partage des biens.
Mme Thompson: Non, il n'y en a pas.
Le sénateur Moore: Est-ce que ça veut dire que le pouvoir discrétionnaire du Conseil du Trésor l'emporte sur l'accord de partage des biens?
Mme Thompson: Le Conseil du Trésor peut, par exemple, partir du point de vue qu'il n'est pas lié par un contrat privé conclu entre les deux parties, ou que le gouvernement du Canada n'est pas partie à l'ordonnance. Par exemple, si le tribunal ordonne ou si l'accord prétend ordonner au Conseil du Trésor de désigner cette personne conjoint survivant en dépit du divorce, le Conseil du Trésor n'est lié en aucune façon.
Le sénateur Moore: Il n'est pas tenu de le faire?
Mme Thompson: Non.
Le sénateur Moore: Le Conseil du Trésor n'est pas lié par un accord de partage des biens conclu dans le cadre d'un jugement de divorce?
Mme Thompson: Je ne crois pas, à moins qu'il n'y soit partie ou que cela ne relève de son pouvoir. Cette loi est plus claire à ce sujet, car il n'est pas question de pouvoir discrétionnaire. Le conjoint à charge sait exactement à quoi s'en tenir.
La présidente: Madame Thompson, vous nous dites que, si nous suivons le conseil de la professeure Cameron et que nous faisons une distinction entre les questions relevant de la compétence provinciale et celles relevant de la compétence fédérale, la pension, cette loi posera des problèmes étant donné que les provinces ont compétence dans à peu près tous les domaines, et que même les domaines dans lesquels elles ont compétence varient d'une province à l'autre.
Mme Thompson: Encore une fois, je ne suis pas qualifiée pour parler de l'aspect constitutionnel. Toutefois, du point de vue du droit de la famille, je répète qu'en ce qui concerne le droit à une pension et la définition de conjoint, un conjoint de fait a droit à une pension alimentaire. Le fait qu'un conjoint survivant ait droit à une pension en vertu de la législation fédérale, n'a pas vraiment d'impact, à mon avis, sur le droit de propriété ou le droit à une pension alimentaire d'un conjoint à l'issue d'un mariage en vertu de la loi provinciale.
La présidente: Vous tournez autour du sujet. Vous n'avez pas vraiment répondu à la question.
Mme Thompson: Je ne sais pas comment m'exprimer de façon plus directe. C'est peut-être dû en partie au fait que je ne suis pas qualifiée pour parler de l'aspect constitutionnel de la question.
La présidente: Vous avez dit que la définition de conjoint dans ce projet de loi est analogue à celle qui figure dans d'autres lois. L'expression, à l'article 1, «personne de sexe opposé» est-elle courante dans les autres lois fédérales?
Mme Thompson: Oui. On la rencontre partout. Il y a eu récemment pas mal de décisions qui font jurisprudence dans ce domaine. Que je sache, certains témoins qui ont comparu devant vous vous en ont parlé. C'est aussi une expression couramment utilisée dans les provinces à propos du droit à une pension alimentaire ou du droit de propriété et cette expression aussi fait l'objet d'un litige.
La présidente: C'est une expression couramment employée aux niveaux provincial et fédéral.
Mme Thompson: Oui.
Le sénateur Fraser: Cette expression fait maintenant l'objet d'un litige.
Mme Thompson: Une affaire en Ontario concernant le droit à une pension alimentaire a été renvoyée devant la Cour Suprême. La Cour n'a pas encore rendu sa décision.
La présidente: Il n'y a pas d'autres questions. Je vous remercie d'avoir accepté de comparaître devant nous aujourd'hui, malgré un bref préavis.
La séance est levée.