Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 41 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 5 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été déféré le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 10 h 52 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous poursuivons l'audition entreprise hier au sujet du projet de loi C-25. D'après la liste d'hier, il y a encore des gens qui veulent poser des questions.
Le sénateur Ruck: Je m'intéresse depuis longtemps à l'histoire militaire, à l'enrôlement des Noirs au cours des deux dernières guerres mondiales. J'ai écrit deux ouvrages sur le Bataillon noir de la Première Guerre mondiale. À proprement parler, les Noirs ont dû se battre pour obtenir le droit de se battre pour leur pays. Situation plutôt inhabituelle et particulière.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, les obstacles étaient tombés. Les Noirs ont pu entrer dans les forces armées, mais là encore, il y a eu des problèmes au cours des premières années de cette guerre. Au moment du déclenchement d'une guerre, les gens accourent vers les stations de recrutement. Les Canadiens sont des gens extrêmement loyaux. Dès qu'ils entendent dire qu'il y a des problèmes et que leur pays est en danger, ils se précipitent vers les stations de recrutement. C'est ce qui est arrivé lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Les Noirs désiraient servir leur pays. Là encore, comme lors de la Première Guerre mondiale, ils ont connu des difficultés au cours des premières années. On leur disait: «Nous vous appellerons lorsque nous aurons besoin de vous.» Par la suite, un assez grand nombre de Noirs furent admis dans les forces.
Les Noirs se sont également portés volontaires pour faire partie des forces armées en temps de paix. Il semble y avoir eu un changement d'idéologie. De nombreux Noirs sont entrés dans les forces armées en temps de paix. Cependant, certains obstacles persistaient. Lors de la Première et de la Seconde Guerres mondiales, l'une des plus grosses pierres d'achoppement auxquelles se heurtaient les Noirs était leur incapacité de s'enrôler dans la marine, ce qui était peut-être le cas également des pionniers de notre pays, les autochtones. Je ne sais pas quel genre de difficultés ils ont connues, mais les Noirs ont certainement eu des problèmes à cause de la politique qui était alors en vigueur.
Lorsque la Marine royale du Canada a été créée en 1910 sous le gouvernement de sir Wilfrid Laurier, les règlements à cet égard ont été adoptés. Le premier règlement concernant l'enrôlement précisait explicitement que toutes les recrues devaient être de race blanche. Ce règlement est demeuré en vigueur jusqu'en 1943.
Piercy Haynes était originaire de la Guyane britannique; il est arrivé au Canada dès son jeune âge. Il faisait partie d'une minorité parce que la majorité des camarades qu'il fréquentait étaient des Blancs. Lorsque la guerre a éclaté, beaucoup de ses amis se sont enrôlés dans la marine. Pour une raison ou une autre, les Westerners voulaient servir dans la marine. Dans ce milieu, on les appelait les «marins d'eau douce» parce qu'ils n'avaient jamais vu la mer.
Piercy Haynes a décidé qu'il voulait lui aussi entrer dans la marine. Il s'est présenté à une station de recrutement à Winnipeg où on lui a dit de tenter sa chance dans l'armée. L'agent de recrutement l'a refusé. Piercy ne voulait pas accepter cela. Il est entré en contact avec les autorités militaires.
L'ex-premier ministre de la Nouvelle-Écosse, feu Angus L. Macdonald, demanda à sa secrétaire d'écrire à M. Haynes pour l'informer que le règlement en vigueur était au mieux des intérêts des minorités. On était sûr qu'il comprendrait cette explication, mais M. Haynes ne voulait rien entendre. Il est allé plus loin et finalement, la marine a accepté de le prendre. À la fin de la guerre, on comptait six autres Noirs dans la marine.
Je ne crois pas que Piercy Haynes ait jamais pris la mer. Il est venu à Halifax. Il a de l'oreille et consacre passablement de temps à jouer avec la fanfare de la marine à Halifax.
L'Aviation royale du Canada était un autre service où il y avait des problèmes. Il y avait à Dartmouth un dénommé Allan Bundy, diplômé d'école secondaire et Noir. Il avait vu d'autres camarades de l'école s'enrôler dans l'ARC, et pensait qu'il suffisait simplement de se présenter à une station de recrutement. Il est donc allé à une de ces stations, rue Barrington à Halifax, pas tellement loin de la gare du CN. On lui a refusé la permission de s'enrôler dans l'ARC et on lui a dit de se joindre à l'armée. Là encore, il a poussé l'affaire plus loin.
Au moment de la conscription, la GRC s'est rendue chez lui parce qu'il n'avait pas répondu à son avis d'enrôlement. Il voulait entrer dans l'ARC et se disait que s'il ne faisait pas l'affaire de l'ARC, pourquoi la ferait-il pour l'armée? Il a dit à la GRC de l'arrêter, qu'il était prêt à aller en prison. Quelque chose s'est cependant passé entre-temps. Il a reçu un avis lui demandant de se présenter à une station de recrutement et fut accepté dans l'ARC.
La présidente: Sénateur Ruck, je vous rappelle que nous discutons de justice militaire et du projet de loi C-25. Je suis disposée à vous permettre de faire une courte déclaration. Cependant, je vous invite à exprimer vos préoccupations aux officiers militaires qui sont avec nous ce matin.
Le sénateur Ruck: On entend dire aujourd'hui que les Noirs peuvent atteindre un certain rang dans les Forces canadiennes actuellement, mais il semble y avoir une ligne d'arrêt. Il n'y en a pas beaucoup qui le prétendent, mais je l'ai entendu de certains.
Le grade le plus élevé qu'ait atteint un Noir dans l'armée jusqu'à maintenant est celui de lieutenant-colonel. Je ne sais pas pourquoi. Actuellement, il semble qu'aucun Noir n'ait franchi cet échelon, quelle qu'en soit la raison.
Les Noirs devraient avoir les mêmes possibilités que tout le monde. Ils ne devraient pas jouir de favoritisme, mais s'ils sont compétents, ils devraient avoir les mêmes possibilités. Ils sont loyaux et veulent servir leur pays à quelque titre que ce soit.
La présidente: Merci, sénateur Ruck, de nous avoir fait part de vos préoccupations.
Il est probablement injuste de demander à nos témoins de répondre à vos préoccupations dès maintenant car elles débordent du cadre du projet de loi C-25 et de la justice militaire. Nos témoins pourraient peut-être vous recontacter, par l'entremise de notre comité, et vous fournir des statistiques sur le grade le plus élevé qu'ait atteint une personne noire dans les forces armées, le nombre actuel de Noirs qui sont dans les forces armées et s'il y a actuellement des Noirs qui fréquentent des collèges militaires.
Le sénateur Nolin: Qu'en est-il des minorités visibles dans le système juridique des forces armées?
Le colonel Allan Fenske, juge-avocat général adjoint, Consultation et lois, Forces canadiennes, équipe chargée de la modification de la Loi sur la défense nationale: Je suis content de pouvoir profiter de l'expérience du sénateur Ruck. Je ne savais pas qu'il avait rédigé deux ouvrages dans ce domaine.
Je crois pouvoir faire deux ou trois observations, tant à titre d'officier que d'avocat. Ces observations seront peut-être confinées à des opinions professionnelles qui ne représentent pas nécessairement les vues officielles et tout à fait précises du ministère, mais je suis ici pour aider votre comité à examiner le projet de loi C-25.
Premièrement, le projet de loi C-25 ne porte aucunement sur la question qu'a soulevée le sénateur Ruck, et il est tout à fait approprié qu'il en soit ainsi.
Deuxièmement, la Charte canadienne des droits et libertés interdit toute discrimination fondée sur la race. Les Forces canadiennes, en tant qu'institution du gouvernement, sont liées par la Charte. Nombre des discussions que nous avons eues ici ont trait à la Charte.
Je tiens à répéter que les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale ont pour politique de représenter la réalité canadienne dans la mesure où nous pouvons y donner forme; mais en ce qui concerne les détails de cet engagement, là s'arrête mon expertise. Je ne suis pas en mesure de vous donner quelque détail que ce soit.
Sénateur Ruck, nous avons pris des notes sur les questions qu'a posées la présidente. Nous vous fournirons ces statistiques pour le bénéfice du comité et, en particulier, le vôtre.
Le sénateur Nolin: Je voulais savoir s'il y a des avocats ou des juges membres des minorités visibles.
Le sénateur Joyal: Aussi, combien de femmes occupent de tels postes?
Le sénateur Nolin: J'ai voulu limiter ma question aux observations intéressantes et réfléchies du sénateur Ruck.
Col Fenske: Je me suis dit que lorsque j'aurais la chance de le faire, je corrigerais une erreur que j'ai commise hier lorsqu'on nous a présentés. Je ne vous ai pas donné toute l'information lorsque j'ai dit que les collègues qui m'accompagnaient étaient le lieutenant-colonel Alex Weatherston et le commandant John Maguire. Mes collaborateurs de tous les jours sont plus nombreux.
Et m'accompagne aujourd'hui le commandant, Mme Jane Harrigan. Cela devrait répondre en partie à votre question. La majorité constitue une minorité de plus en plus importante dans mon service. C'est certainement le cas au bureau du conseiller juridique des Forces canadiennes du MDN, qui est le conseiller juridique civil de l'institution pour laquelle je travaille.
En ce qui concerne les avocats, l'engagement de mon institution dont j'ai parlé est un engagement qui s'applique à la grandeur du gouvernement. Si vous aviez la chance de venir dans n'importe quel de nos bureaux, vous constateriez que cet engagement est respecté. Pouvons-nous y arriver? Pouvons-nous faire davantage? Est-ce là un de nos objectifs? Oui, c'est le cas. Cependant, vous remarquerez qu'aux Services juridiques, il y a de plus en plus de femmes. C'est également le cas chez les juges dans notre bureau. Vous constateriez aussi qu'il y a des gens des minorités visibles.
La présidente: Nous avons également accueilli le Grand Prévôt de la gendarmerie militaire, qui est une femme, et qui nous a livré un témoignage très éloquent.
Le sénateur Fraser: Je ne vous demande pas de me répondre aujourd'hui, mais lorsque vos collègues et vous chercherez les réponses aux questions du sénateur Ruck, pourriez-vous également nous donner de l'information sur les programmes de promotion sociale que les forces armées auraient mis en place en faveur des minorités visibles? Il s'est fait beaucoup pour les femmes. Existe-t-il, ou pas, une politique parallèle ou comparable pour les minorités visibles?
Col Fenske: Nous prenons note de la question.
Le sénateur Grafstein: Je ne voulais pas empiéter sur l'intervention du sénateur Ruck, mais ça m'a rappelé une émission que j'ai vue récemment à la télévision. Dans le cadre de mes autres fonctions, je n'ai pas eu la chance d'approfondir la question. Cependant, comme nous posons des questions aux militaires à ce sujet, un officier de la marine s'est vu empêcher de servir au Moyen-Orient, apparemment parce qu'il était juif. Les États-Unis ont réglé ce problème il y a longtemps. En toute franchise, lors du débat entre les États-Unis et l'Arabie Saoudite qui interdisait aux juifs d'entrer dans le pays, on en a fait une condition préalable qui a été respectée.
Peut-être pourriez-vous nous dire où on en est à ce sujet. Je crois que cette personne a quitté le service depuis. Je n'en suis pas certain. Cependant, il s'agit là d'un exemple récent de ce à quoi le sénateur Ruck faisait allusion au sujet d'une attitude différente au sein des forces, différente de celle que l'on connaît généralement. Là encore, je ne vous demande pas de répondre aujourd'hui parce que nous nous éloignons beaucoup de notre propos.
Je tiens à dire au sénateur Ruck que lors de mon premier discours au Sénat il y a environ 14 ans, j'ai abordé cette question d'un point de vue différent. En effet, j'ai parlé du rôle des Canadiens d'origine japonaise qui ont servi Sa Majesté lors de la Première Guerre mondiale, à qui on a donné des terres en Colombie-Britannique pour ensuite les leur confisquer durant la Seconde Guerre mondiale, nonobstant le fait qu'ils avaient servi avec distinction lors de la Première Guerre mondiale et qu'on leur avait en conséquence accordé le droit de vote. Le problème du racisme concernait de toute évidence les Canadiens de race noire, mais il existe également à l'état endémique dans la société. Je le souligne parce que nous avons mis pratiquement une décennie pour rectifier cet horrible épisode de l'histoire canadienne. Cette terrible expérience de racisme a été corrigée par M. Mulroney. Tout cela se retrouve dans mon premier discours. Je ne vous ennuierai pas, vous et les autres avec ce discours, mais je me ferais un plaisir de vous l'envoyer, sénateur Ruck, parce qu'il est encore très pertinent.
Pour revenir à notre question, voyons voir ce que dit le projet de loi au sujet du mécanisme de plainte. Supposons un instant qu'un officier subalterne, Noir, membre d'une minorité visible ou autre, se plaint du fait que son ascension dans les forces est bloquée à cause de sa race. Voyons voir quels sont ses recours parce que cela nous intéresse. Nous examinons actuellement la question des plaintes. Comment cela fonctionnerait-il?
Premièrement, quelqu'un dépose une plainte. La plainte est ensuite soumise à la Commission d'examen qui rédige un rapport provisoire à l'intention des officiers supérieurs, c'est-à-dire pour la structure de commandement. Ce rapport n'est pas remis au plaignant. Celui-ci n'en prend connaissance qu'au moment où le rapport final est remis. La seule façon dont il peut obtenir le rapport est de s'en remettre aux mécanismes de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Éclairez-nous sur deux questions: premièrement, le contenu de la plainte et comment elle serait traitée, et deuxièmement, s'il est normal qu'une personne qui dépose une plainte, en bonne et due forme, ne reçoive que le rapport final alors que la structure de commandement reçoit, elle, un rapport provisoire.
Col Fenske: La première question concernait la Charte. Je n'ai pas très bien compris comment votre question était structurée. Il m'a semblé que vous parliez de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Si vous disiez -- et je crois que cela, je l'ai compris -- qu'une personne était préoccupée de ne pas avoir de promotion pour une raison non motivée, ce serait le genre de chose qui pourrait faire l'objet d'un grief.
Le sénateur Grafstein: Ce serait présenté sous forme de grief.
Col Fenske: Ce serait une façon d'aborder le problème. On pourrait aussi s'en remettre à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il existe de nombreuses avenues qu'on pourrait emprunter pour aborder ce problème, y compris les mécanismes non officiels au sein du ministère. Le mécanisme évident est qu'il s'agit du genre de chose qui pourrait être soumis à l'ombudsman, si d'autres processus ne permettaient pas de régler le problème ou avaient déjà été utilisés.
Nous avons un système qui tend à essayer de régler ce genre de chose à l'extérieur des mécanismes officiels de règlement des différends. On pourrait utiliser divers processus.
Quant à l'autre question que vous avez posée, je ne sais tout simplement pas ce que je pourrais ajouter à la réponse que vous avez reçue l'autre jour de M. Brian Grainger.
Le sénateur Grafstein: Je vais vérifier le compte rendu. Je suis arrivé en retard et si cette question a déjà été abordée, je ne veux pas prendre le temps du comité pour en discuter.
Col Fenske: Cette question a été discutée en détail.
Le sénateur Grafstein: Permettez-moi alors d'aborder ma principale préoccupation. Il y en a plusieurs autres, mais je veux vous faire part de ma principale réaction à votre témoignage d'hier.
Si je n'aborde pas la question et votre réponse comme il se doit, n'hésitez pas à me corriger. La semaine dernière, nous vous avons demandé de réagir à la préoccupation soulevée dans le rapport Dickson qui veut que la loi comporte une disposition prévoyant que le ministre effectue un examen indépendant tous les cinq ans. Vous avez répondu que cette notion remontait à l'ère de Cromwell, et je suis d'accord avec vous. Il y a eu en fait une tension entre les armées successives depuis les jours de Cromwell et Sa Majesté la Reine au Royaume-Uni.
L'article 96 est plus récent, il s'agit du principe de la temporisation. Lorsque les gouvernements sont préoccupés de voir que les lois changent et qu'il n'y a pas d'obligation pour eux de revoir ces changements, on peut choisir deux avenues. L'une est la clause de temporisation qui dit que «à moins qu'il ne soit adopté de nouveau, le projet de loi devient nul et non avenu»; l'autre est une disposition de temporisation qui est une clause d'examen perpétuel.
Vous nous avez parlé de Cromwell. En réponse à cela, je dis que puisque les lois évoluent, elles nécessitent une révision constante. Je n'ai pas entendu ce qu'a lui-même dit le défunt juge Dickson, mais je crois qu'il était aussi emballé par les réactions plus récentes d'examen perpétuel que peut-être par le thème de Cromwell. Je n'y étais pas, je ne peux que me fier à son rapport qui est clair. Il recommande un examen indépendant effectué tous les cinq ans par le ministre. Le projet de loi dit que le ministre doit effectuer un examen et faire rapport au Parlement tous les cinq ans.
Permettez-moi de vous dire pourquoi, dans une certaine mesure, cela me préoccupe. Nombre des dispositions de ce projet de loi me préoccupent quelque peu. D'abord et avant tout, le fait que la principale recommandation de M. le juge Dickson -- peut-être par manque de temps, nous avez-vous dit -- ne peut pas être incluse dans ce rapport. Autrement dit, il faut adopter une loi distincte qui portera sur le code disciplinaire.
Je dois l'accepter parce que nous sommes confrontés à cette loi, mais certes, l'une des façons de répondre, dans une loi, aux préoccupations soulevées par M. le juge Dickson, serait -- quand on tient compte du fait que les ministres de la Défense se succèdent rapidement; ils sont rarement en poste pour plus d'un an ou deux ou trois -- de prescrire un examen indépendant de cette loi dans un délai de cinq ans, conformément aux recommandations du juge Dickson et de voir comment on s'en tire.
Je n'arrive pas à voir, colonel Fenske, comment on peut se satisfaire d'un engagement pris par le ministre, principalement parce que je ne suis pas certain que ni nous, ni le ministre, ne serons ici dans cinq ans. À vrai dire, je suis certain que le ministre ne sera pas ici dans cinq ans. Nous, peut-être, sénateur Beaudoin, mais pas le ministre. Pour être franc, je ne suis pas satisfait de votre réponse. Je voulais établir ma position le plus clairement possible et vous donner la chance d'y répondre une autre fois.
Col Fenske: J'aimerais faire quelques observations à ce sujet.
D'abord, si je me souviens bien -- et je n'ai pas abordé la question depuis deux ans -- la loi anglaise est un exemple de la conjonction des deux mécanismes. Pour l'armée, la base réglementaire ne tient plus si l'examen n'est pas fait dans les cinq ans.
Le sénateur Grafstein: Il s'agit là d'une clause habituelle de temporisation.
Col Fenske: Tout tombe. Rien ne va plus pour l'armée.
Le sénateur Beaudoin: Tout tombe?
Col Fenske: Oui, à moins que la loi ne soit adoptée de nouveau.
D'après les discussions que j'ai eues avec des personnes qui s'y connaissent dans ce domaine, on dit que le concept est aujourd'hui très britannique. Je me souviens du terme «rituel» qui a été utilisé dans un petit restaurant au nord de l'Angleterre pendant que je m'entretenais avec Peter Rowe, un universitaire qui suit ces choses de très près. Lorsque nous l'avons analysé, nous nous sommes dit qu'il s'agissait là d'un rituel qui, dans notre contexte, était exagéré.
Le sénateur Grafstein: Cela ne fait aucun doute.
Col Fenske: Deuxièmement, l'idée d'avoir l'obligation d'utiliser une expression comme «prévu par la loi» ou «doit être examiné tous les cinq ans» constitue une mesure trop rigoureuse qui manque de souplesse parce qu'elle entraînerait divers problèmes.
Troisièmement, je suis convaincu que nous avons suivi la recommandation du juge en chef Dickson.
Comme vous le dites, vous n'étiez pas là. Je ne peux pas en dire autant, et je ne peux pas donner trop de détails sur la nature de mon implication en raison du poste que j'occupe maintenant. Cependant, je peux vous dire que nous avons effectivement pris en compte la question de l'examen et nous avons pensé que l'élément le plus important de cet engagement est le fait que le ministre se soit engagé officiellement à faire cet examen.
Dans le projet de loi à l'étude, il est prévu que le ministre qui sera en poste dans cinq ans doit procéder à cet examen, lequel examen fera en sorte que la question sera à nouveau soumise au Parlement.
Le sénateur Joyal: Une fois?
Col Fenske: Oui, mais elle sera à nouveau soumise au Parlement. Et lorsque la question sera à nouveau débattue au Parlement, nous pourrons tirer profit du travail de débroussaillage que nous faisons actuellement. Nous estimons que tout le monde sera en bien meilleure position pour décider si l'approche draconienne d'un examen obligatoire tous les cinq ans était vraiment la bonne.
Si vous regardez comment le projet de loi est structuré et comment le ministère et les Forces canadiennes ont réagi à l'esprit de cette mesure législative, laquelle est déjà mise en vigueur à maints égards en vertu de processus auxiliaires -- et je pense, par exemple, au colonel Samson qui était ici l'autre jour -- deux choses devraient vous venir à l'esprit. Premièrement, on constate un accroissement remarquable de la surveillance du Parlement, de la surveillance par la Défense des activités militaires dans le projet de loi et dans les activités actuelles du ministère et des forces. Il y aura au moins six nouveaux rapports. Le projet de loi créera deux nouvelles commissions. Deuxièmement, l'engagement à l'égard d'un nouvel examen est prévu dans la loi. Un comité de surveillance des ministres surveille actuellement la mise en oeuvre de la loi.
La présidente: Le juge en chef Dickson a recommandé la tenue d'un examen indépendant de la loi qui régit le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes tous les cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi, mais il n'a pas dit à qui le rapport devait être remis.
Col Fenske: C'est vrai, ni comment il devrait être produit.
La présidente: Dans la loi, on dit qu'il y aura un examen après cinq ans, mais que le rapport sera remis au ministre.
Col Fenske: Le ministre a accepté la recommandation Dickson. Ce qui fait que le ministère et le gouvernement ont accepté la recommandation visant à examiner la loi tous les cinq ans. Dans le projet de loi, nous avons prévu le premier examen avec possibilité pour le Parlement de réévaluer la question dans cinq ans, lorsque nous lui présenterons le rapport. Vous devez comprendre qu'il nous faut revenir devant le Parlement dans cinq ans.
Le sénateur Beaudoin: Mais seulement une fois.
Col Fenske: Lorsque nous soumettrons la question au Parlement, sénateur Beaudoin, je suis sûr qu'elle ne passera pas inaperçue. Je suis certain que les gens seront bien plus en mesure de décider si une disposition aussi intrusive et draconienne -- disposition que l'on ne trouve nulle part ailleurs qu'en Angleterre, avec son contexte historique et constitutionnel particulier -- est nécessaire.
Le sénateur Grafstein: Nous comprenons clairement la position du ministère. Je ne veux pas m'acharner là-dessus. Nous comprenons clairement. J'aimerais simplement faire un petit commentaire politique au sujet de votre réponse.
J'ai observé -- tout comme un certain nombre de mes collègues -- que le ministère de la Défense nationale est mal desservi et mal assisté par l'absence d'examens réguliers effectués par le Parlement. À mon avis, le Parlement n'a pas fait son devoir en ce qui concerne le ministère de la Défense nationale et, à cet égard, le ministère a été très mal traité par le Parlement. C'est la faute du Parlement. Je pourrais vous le prouver de cinq ou six façons différentes.
Pour avoir été témoin du manque de surveillance positive de la part de l'establishment de la Défense, je me serais attendu à ce que les autorités militaires accueillent favorablement l'examen quinquennal de la loi afin de pouvoir présenter leurs arguments de façon publique et obligatoire, plutôt que d'avoir à quémander le ministre. Je laisse le soin au ministère d'y réfléchir parce que je comprends sa préoccupation, je comprends celle du ministre. À mon avis, cette disposition fera en sorte que la question sera portée à l'attention du Parlement dans toute son intégralité par opposition à un rapport qui sera produit mais que l'on ne verra pas.
Col Fenske: Comme vous le dites, j'espère que j'ai bien expliqué la théorie qui sous-tend le projet de loi. Je vous ai dit ce qu'elle était, mais il y a autre chose. La position de la commission Dickson est claire, premièrement, dans son rapport, où l'on ne demande pas que cette disposition fasse l'objet d'une loi, et deuxièmement, dans la réponse que vous ont donnée le lieutenant-général Belzile et Lise Maisonneuve lorsqu'ils ont dit qu'ils étaient satisfaits.
L'autre point que vous avez abordé au sujet de la surveillance du Parlement m'amène à vous rappeler que certaines des questions soulevées par plusieurs sénateurs au début de la réunion touchent la qualité de la vie. Un certain nombre de ces questions ont fait l'objet de discussions et d'auditions par le comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants.
Si certains sénateurs n'ont pas d'exemplaire du rapport intitulé: «Pour aller de l'avant -- Plan stratégique pour l'amélioration de la qualité de la vie dans les Forces canadiennes», je m'assurerai d'en joindre un aux réponses à vos questions.
Le sénateur Joyal: Colonel Fenske, j'aimerais faire comprendre ce point à tous mes collègues. Je vais utiliser une analogie. Lorsque nous avons rapatrié la Constitution, nous y avons enchâssé l'obligation pour le ministre fédéral de convoquer une conférence des premiers ministres sur les questions autochtones. Ce qui a été fait avec les résultats que l'on connaît. On n'est pas allé plus loin.
Il y a une différence entre -- si vous me permettez d'utiliser des termes non juridiques -- un coup d'essai et un processus enchâssé dans la Constitution. Et c'est bien ici ce dont il s'agit. Un processus enchâssé est une obligation constante, non un rituel. Je ne veux pas banaliser les choses. Nous respectons la Grande-Bretagne pour toutes les traditions dont nous avons hérité, dont la plupart sont certainement valables. Ce n'est pas ce dont nous discutons ici.
Nous discutons ici d'un système judiciaire différent du système judiciaire civil. Nous sommes prêts à reconnaître qu'il a ses propres responsabilités disciplinaires et ses propres fonctions. Nous sommes tout à fait d'accord pour accepter les propositions que vous avez présentées.
Par contre, pour contrebalancer ce genre de «système exceptionnel» que vous nous demandez d'enchâsser dans la loi, nous devons être convaincus qu'il existe un processus enchâssé lui aussi nous permettant de nous assurer régulièrement que le système fonctionne bien. S'il doit être adapté, cela se fera, afin d'éviter que la suggestion du sénateur Grafstein voulant qu'à long terme, nous nous retrouvions dans une situation comme celle dans laquelle nous nous sommes retrouvés après le jugement Létourneau, se concrétise.
Nous disons cela avec tout le respect que l'on vous doit parce que nous comprenons l'importance des forces armées dans la réalité canadienne. Nous ne sommes pas du tout contre l'armée en essayant de discuter de ce problème et d'y trouver une solution. Nous essayons de mieux protéger la crédibilité de tout le système parce qu'il fonctionne de façon différente du système civil. C'est essentiellement ce que nous avons à l'esprit.
Lorsque le juge en chef Dickson a présenté ses recommandations, il pensait probablement de la même façon. Je ne veux pas aller plus loin parce que nous avons un projet de loi à étudier. Une fois que vous serez parti, nous devrons discuter entre nous de ce que nous en ferons. C'est essentiellement ce que nous avons à l'esprit.
En termes clairs, je crois que c'était l'objectif des questions du sénateur Grafstein.
Col Fenske: Je tiens à dire clairement que je n'ai jamais pensé autrement. Je vous remercie de le rappeler; et je croyais d'après tout ce que vous avez dit que ce qui vous préoccupait, c'était l'amélioration de la gestion des Forces canadiennes et du ministère.
Cependant, je dois vous dire que la question de l'examen quinquennal est une question qui a été discutée de fond en comble. Lorsque je vous dis que je sais ce que signifie cette recommandation, je vous prie de me croire. Nous devrons peut-être nous réunir à nouveau dans deux ans, dans trois ans, pas dans cinq. Et si nous devons revenir ici dans trois ans, le fait de nous réunir à nouveau dans cinq ans constitue un grave problème.
D'après mes discussions, qui ont eu lieu quand nous étions en Angleterre il y a deux ans, avec un certain nombre de personnes qui connaissent bien l'approche anglaise, cette approche recèle un certain manque de souplesse.
C'est ce genre de préoccupations qu'avaient à l'esprit les gens qui ont rédigé le projet de loi. Si les choses peuvent se stabiliser -- et je ne vous dis pas que tel est le cas aujourd'hui -- nous serons beaucoup mieux placés pour aborder cette question.
Je prends note de votre préoccupation qui est de soumettre les questions au Parlement plus souvent. D'après moi, je crois que le système sera beaucoup plus souvent soumis à l'examen du Parlement, purement et simplement à cause des changements que nous avons apportés ici. Ce sont les changements les plus subtils que la plupart des gens ne remarquent pas.
Dans quelle mesure le code disciplinaire et ses grands processus font-ils maintenant l'objet d'une loi plutôt que d'un règlement? C'est là une façon de comprendre l'engagement et d'évaluer la réalité qui accompagne cet engagement.
Plus nous insérons de choses dans la loi, plus cela veut dire que cette loi doit devenir un instrument qui est examiné plus souvent par le Parlement.
Le sénateur Moore: J'aimerais aborder plus en détail la question dont nous avons discuté au moins deux fois auparavant en ce qui concerne le renvoi du directeur de la poursuite au militaire et le renvoi du directeur des Services juridiques de la Défense. J'ai pris connaissance de votre réaction à notre premier examen de cette question.
Je vous ai entendu parler hier du manque de symétrie entre les deux postes et comment vous perceviez l'un des postes comme étant plus vaste que l'autre et comment le directeur des Services juridiques de la Défense est protégé.
Je me suis dit que ces réponses étaient typiques d'un membre des forces. Je ne trouvais pas qu'il y avait une tension ou que l'on mettait suffisamment l'accent sur toute l'idée de justice qui était rendue et qui avait l'apparence d'être rendue. Il ne s'agit pas ici de dresser simplement la liste des fonctions rattachées au poste.
Au moment où vous teniez ces propos hier, je me suis demandé comment je me sentirais en tant que membre des forces armées accusé d'une infraction. Pour moi, ces deux directeurs occupent des fonctions égales. Ils se situent chacun de leur côté essayant de faire avancer leur argumentation respective. Il est très important que les deux soient régis par les mêmes normes de nomination et de renvoi.
En ce qui concerne le fait d'être sensible à ce qu'un membre des forces armées qui est accusé puisse percevoir comme étant sa situation du point de vue du public -- et compte tenu des activités des dernières années, je crois que les forces doivent être sensibles à cette question -- il est important que les deux soient assujettis au même processus de renvoi. Je crois aussi que cela est important, en ce qui concerne l'affaire Lauzon et toute cette idée d'indépendance administrative, lorsqu'un directeur a le droit à un examen de sa situation par un comité indépendant alors que l'autre n'y a pas droit.
Par exemple, un avocat de la défense qui est très bon peut défendre une cause qui est assez controversée et il peut y avoir des chevauchements en ce qui concerne la nomination. Autrement dit, le mandat serait terminé. Comment le défendeur peut-il être sûr que son équipe sera là lorsqu'il en aura besoin et que les gens ne seront pas renvoyés? S'ils sont renvoyés parce que leur rendement était bon mais qu'il ne correspondait pas aux attentes des autorités militaires, comment la défense le sait-elle? Comment ces gens-là vont-ils être certains que le directeur des Services juridiques jouira, si vous voulez, de la même protection contre le renvoi que celle dont jouit le directeur de la poursuite au militaire?
Col Fenske: Ces questions méritent un certain nombre d'observations. Je ne vois pas en quoi l'affaire Lauzon s'applique ici. Le genre d'indépendance qui est en cause dans cette affaire n'est pas le genre d'indépendance dont jouit l'avocat de la défense.
Le sénateur Moore: Je parlais du système judiciaire. Cependant, je vous dis qu'il y a ici une analogie.
Col Fenske: C'est de cela dont je parle. La plupart des gens qui ont étudié l'indépendance du système judiciaire comprennent qu'il s'agit d'une valeur qui sert à protéger l'intégrité du processus judiciaire. Si vous examinez cette notion «d'intégrité» ainsi que les mesures de protection qui sont mises en place pour assurer «l'indépendance», en réalité, il s'agit d'une évaluation des risques. Le fait que la Charte garantisse l'indépendance des juges et ne garantisse pas, sauf en Nouvelle-Écosse, la même indépendance pour le procureur de la Couronne ou l'avocat de la défense vous donne une idée de l'état actuel de la loi, dans une certaine mesure, au sujet des plaideurs.
Vous avez parlé de la perception d'un accusé. Moi, j'estime que la perception de l'accusé est axée sur sa relation avec son avocat. Le poste de directeur des Services juridiques de la Défense est un poste de gestion. La description du poste a été spécifiquement rédigée de façon à permettre au directeur de défendre une cause, s'il le juge à propos. Cependant, lorsqu'il le fait, il est comme un avocat de la défense. Le projet de loi que nous étudions établit clairement le caractère confidentiel de la relation avocat-client. C'est ce que prévoit la loi actuellement au Canada.
J'essaie de comprendre l'idée que des gens qui n'ont pas d'affaire dans cette relation avocat-client puissent intervenir auprès de l'avocat de l'accusé. Si j'étais accusé et que j'étais traduit devant la Cour martiale des Forces canadiennes et que je demandais à un avocat de me défendre, mes perceptions seraient guidées par le droit à un avocat que prévoit la Charte, par le fait que je suis citoyen canadien et que ce droit s'applique à moi, et par le fait que la plupart des Canadiens doivent payer leur avocat à moins qu'ils soient admissibles à l'aide juridique. Dans ma situation particulière de militaire, ou dans la situation d'un civil assujetti au code de discipline militaire, je profite de cette possibilité supplémentaire dont les autres Canadiens ne jouissent pas. Je jugerais si mon avocat et moi nous nous entendons bien et si je peux lui faire confiance.
L'important est que la personne soit raisonnablement informée et au courant de toutes les circonstances pertinentes. Si tel était le cas, je pense que la préoccupation que vous exprimez ne s'appliquerait pas du tout.
Je ne dis pas que certaines des circonstances dont je discute ne sont pas des choses que vous devez explorer; cependant, si vous prenez le citoyen canadien ordinaire et que vous dites qu'aucun autre directeur d'aide juridique ne jouit de ce genre de protection, la plupart des gens seront d'accord.
Mon autre question est la suivante: pourquoi cette autre personne jouit-elle de cette protection? Je pourrais examiner certains événements qui se sont produits au cours des cinq dernières années et comprendre ceci: «Ceci ne fait-il pas en sorte que le procureur est plus équitable et plus indépendant des gens pour lesquels je croyais qu'il travaillait?»
Le sénateur Moore: C'est exactement ce que je dis. Le directeur des Services juridiques de la Défense doit relever de quelqu'un aussi. Je ne comprends pas pourquoi vous ne l'avez pas précisé au début.
Col Fenske: Il est clair dans le projet de loi que le directeur des Services juridiques de la Défense ne relève pas du juge-avocat général pour ce qui est des causes individuelles. La relation avocat-client entre l'avocat de la défense et une personne accusée est confidentielle, point à la ligne. Le juge-avocat général n'a rien à voir là-dedans. C'est la raison.
Le sénateur Moore: De qui relève-t-il? Il doit relever de quelqu'un?
Col Fenske: Il a une responsabilité envers son barreau. Chacun de nos avocats a les mêmes obligations à l'égard de son barreau, de son barreau provincial, comme tout autre avocat de la défense. C'est du barreau qu'il relève. Il doit rendre des comptes à son barreau et à son client accusé.
Le sénateur Moore: Je parle ici du directeur.
Col Fenske: Je parle du directeur lorsqu'il agit à titre d'avocat.
Vous parliez du directeur qui prend une cause controversée. J'ai supposé d'après ce que vous avez dit qu'il agissait à titre d'avocat. Je ne comprends pas. Je n'ai jamais vu une telle situation.
Le sénateur Grafstein: Précision ici; est-ce que vous dites qu'un avocat qui est dans l'armée est un officier de justice au même titre qu'un avocat qui travaille dans un tribunal civil?
Le sénateur Nolin: C'est ce qu'il a dit.
Le sénateur Grafstein: C'est impossible. Il ne s'agit pas d'un tribunal créé en vertu de la Constitution, mais d'un tribunal spécial investi des pouvoirs d'une cour.
Col Fenske: Ces officiers sont des avocats. Leur travail est d'agir à titre d'avocats. Et pour faire ce travail, ils doivent être membres de leur barreau provincial.
Je ne pensais pas que cela était pertinent, mais je vais vous le dire. Aux fins des obligations juridiques, le code de l'Association du Barreau canadien s'applique de la même façon à nos avocats. Quand vous demandez de qui relève cet avocat, en ce sens, il est comptable à son barreau.
Le sénateur Grafstein: Je ne veux pas marteler la question, mais je vais faire un bref commentaire. Je me trompe peut-être, mais si vous êtes avocat, vous êtes reçu au Barreau de l'Ontario ou de n'importe quelle autre province. Vous prêtez alors serment comme officier de justice. Vous devez assumer les responsabilités fiduciaires et juridiques d'un officier de justice, c'est-à-dire devant le tribunal constitué en vertu de la Constitution.
Ici, il s'agit d'un officier militaire qui a prêté serment d'assumer ses responsabilités en tant qu'officier militaire. En même temps, à titre de militaire, vous agissez comme avocat dans une affaire non constitutionnelle.
Le sénateur Beaudoin: Il en est question au paragraphe 11f) de la Charte.
Le sénateur Grafstein: Laissez-moi terminer. Je parle ici de fonctions et de responsabilités. C'est quelque peu différent. Je ne vais pas entrer là-dedans. C'est une autre question compliquée, mais quelque peu différente.
Col Fenske: Je ne vous comprends pas quand vous dites qu'il ne s'agit pas d'un tribunal constitutionnel.
Le sénateur Nolin: C'est un tribunal constitutionnel, mais je pense que vous parlez des responsabilités judiciaires.
Le sénateur Grafstein: C'est exact.
Le sénateur Nolin: Lorsque vous dites qu'il s'agit d'un tribunal spécial, bien sûr qu'il est spécial. Il respecte quand même tous les droits de l'individu et la Constitution. Il est spécial parce que l'objectif est différent.
Le sénateur Grafstein: Je reviendrai à cette question un autre jour. Dans mon esprit, il y a une différence et une distinction à faire.
Le sénateur Beaudoin: Le paragraphe 11f) de la Charte, soit la Constitution, porte sur les tribunaux militaires. La Cour suprême du Canada a indiqué clairement que nous avons le système de justice civile et le système de cour martiale. C'est là dans la Constitution. Pour moi, ça ne fait aucun doute.
Le sénateur Moore: Je ne vois pas la différence. Je crois que ces deux systèmes occupent un rang d'un niveau hiérarchique élevé et l'idée qu'un niveau soit inférieur à l'autre est très peu satisfaisante.
Col Fenske: Sénateur Moore, je tiens à vous dire clairement que personne ne considère l'un comme inférieur à l'autre. Aucune personne qui a travaillé à la rédaction de ce projet de loi ne dit qu'un système devrait être préféré à l'autre. D'après les faits que nous avons pu évaluer -- et j'inclus là-dedans le contexte dans lequel nous avons travaillé pendant de nombreuses années -- nous en sommes venus à la conclusion que ces systèmes répondent à des besoins différents et que leurs fonctions sont différentes. Lorsque nous réunissons ces deux systèmes et les jugeons d'après la façon dont des employés semblables évoluent dans le système de justice pénale canadien et qu'on retire ensuite ces éléments pour les évaluer d'après notre propre expérience, nous en concluons que cela n'est pas nécessaire.
Comme je l'ai dit l'autre jour, nous sommes partis de la prémisse voulant que le renvoi n'était pas nécessaire ni pour l'un ni pour l'autre. Nous avons alors examiné nos circonstances particulières au cours des cinq dernières années ainsi que l'historique des cours martiales qui ont le pouvoir de constituer le tribunal et autorité sur le procureur. Je ne sais pas si vous avez compris ce point clairement. Jusqu'à tout récemment, le procureur était le représentant direct de l'autorité militaire qui convoquait la cour. C'est à partir de cela que nous nous sommes dit qu'il fallait faire un pas de plus.
S'agissant des mêmes éléments, personne n'a dit que l'avocat de la défense était pris dans ce dédale précis tenant compte des questions constitutionnelles sur l'indépendance qui ont été soulevées au cours des dix dernières années. C'est toute cette évaluation qui nous a amenés à conclure que cela n'était pas nécessaire. Nous essayons de faire ce qu'il faut.
Le sénateur Joyal: Colonel Fenske, j'aimerais revenir à la question soulevée hier au sujet des critères fondamentaux qui devraient être mis en place pour le renvoi des juges militaires. Vous avez parlé d'un certain nombre de critères objectifs et ensuite «du dossier des décisions du juge en question». C'est la question à mille dollars.
Il est difficile de penser que le dossier d'une personne qui fait l'objet d'un mandat de renouvellement ou d'un refus de renouvellement ne soit pas étudié à fond. À votre avis, comment concilieriez-vous le droit d'un juge militaire d'avoir accès à son dossier de décisions au même titre que le comité?
Col Fenske: C'est là une question importante qui nous ramène à la base même de cette lacune inhérente dont j'ai parlé hier. Cette lacune n'a pas empêché le gouvernement canadien de confier des mandats à des juges, mais elle est présente et nous essayons d'y remédier.
L'objectif de cet exercice est d'améliorer l'indépendance. Commençons par le commencement. La question que vous soulevez comporte deux volets: le volet indépendance et le volet processus. J'aimerais d'abord aborder le volet processus.
Nous ne prévoyons pas de délibérations secrètes après lesquelles un juge apprendra que sa candidature a été recommandée ou non pour la poursuite du mandat. L'une de mes préoccupations en tant que personne qui tente de concevoir ce système -- et je répète la condition que j'ai ajoutée hier, qu'en bout de ligne, le gouverneur en conseil doit approuver -- est que nous ayons un processus équitable. Si l'on veut que le comité soit indépendant, nous devons lui donner la possibilité de l'être. Voilà à peu près les trois quarts de la réponse en ce qui concerne le volet processus.
Le comité devra probablement être en mesure d'utiliser un processus assez large. Il voudra peut-être parfois faire office de secrétariat. Le comité voudra peut-être parfois tenir des auditions auxquelles un juge pourrait se présenter accompagné d'un avocat. On ne peut pas laisser les juges négocier personnellement. C'est un anathème. Il y aura probablement une condition voulant que le juge en question ait le droit à un avocat pour présenter les mémoires que le comité souhaitera recevoir, prévoyant également qu'il a le droit d'être présent et d'avoir accès au dossier du comité et au rapport.
Au fait, ces choses-là ne sont pas nouvelles. Si vous regardez la façon dont les deux comités -- c'est-à-dire la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et le comité des griefs des Forces canadiennes -- sont prévus dans le projet de loi, vous verrez que les deux ont la possibilité de contrôler leurs propres activités. Si vous regardez comment les commissions d'enquête sont constituées en vertu de la Loi sur la défense nationale, vous verrez que la personne qui fait l'objet d'une accusation a accès au dossier. Rien de cela n'est nouveau. Le droit administratif doit s'appliquer.
Voilà pour la première question, c'est-à-dire le volet processus. Quant à la seconde, nous revenons à la notion d'indépendance.
À notre avis, c'est là une question très difficile. Dans les discussions que nous avons eues à ce jour, certains ont dit d'instinct que les intéressés doivent avoir la possibilité d'examiner le dossier. Je n'en suis pas du tout certain. Si le dossier d'un juge est à ce point mauvais que vous ne voulez pas qu'il exerce cette fonction, nous avons des dispositions concernant le renvoi. Si l'on ne peut appliquer ces dispositions parce qu'après tout, le juge n'est pas si mauvais, et que vous apprenez des choses que vous ne voulez pas entendre, alors probablement que vous n'avez pas d'affaire là. C'est ce que les gens pensent actuellement.
Le problème est que, selon la théorie pure, s'il existe un processus indépendant qui n'est pas dominé par l'establishment militaire et au sein duquel ce dernier ne joue pas un rôle important, on peut clairement soutenir qu'il n'est plus nécessaire de se préoccuper de la durée du mandat. Si le comité indépendant devait examiner le dossier, je pense que la réponse serait claire en ce qui concerne la question d'indépendance, mais auriez-vous la bonne réponse en ce qui concerne la politique? C'est là le problème.
Le sénateur Joyal: C'est là le point crucial. Là encore, lorsque le juge Létourneau a dit:
[Français]
Le renouvellement des mandats n'offre pas de garanties objectives suffisantes d'indépendance.
[Traduction]
Je pense qu'il parlait des critères et du processus. Comment établissez-vous le processus afin qu'il ne demeure pas entre les mains des autorités militaires mais nous assure qu'on jouit de suffisamment d'indépendance par rapport à ces autorités pour être certain que nous préservons cette objectivité qui est nécessaire pour en venir à la conclusion que le renouvellement du mandat se fait selon des critères objectifs?
Le sénateur Grafstein: C'est subtil, mais important.
Le sénateur Joyal: Oui. C'est essentiellement la réponse à la question qui est posée à l'article 165.21 du projet de loi qui fait référence aux règlements pris par le gouverneur en conseil. C'est là que nous pouvons régler le problème de façon satisfaisante autour de la table.
Col Fenske: J'espère avoir dit clairement hier que c'était notre intention.
J'ai peut-être abusé de votre indulgence hier en parlant en détail de la question du renouvellement des mandats. J'ai parlé de cette question d'une façon détaillée comme je ne l'aurais pas fait normalement, parce que c'est tellement important. Nous sommes déjà en train d'intégrer ce processus aux règlements, et j'ai dit hier que certains des éléments de base, d'après notre évaluation du Renvoi de l'Î.-P.-É., doivent prévoir que le comité est là pour un mandat, qu'il représente les divers secteurs du gouvernement, qu'il contrôle son propre processus et que son seul travail est de faire une recommandation.
J'ai peut-être laissé entendre hier que l'affaire Lauzon n'est pas la seule et unique façon dont nous pouvons procéder. En fait, en ce qui concerne les critères, l'affaire Lauzon est trompeuse. Elle est en réalité contraire au Renvoi de l'Î.-P.-É.
Le juge en chef dans cette affaire est très clair. Il dit -- et je l'ai indiqué hier -- qu'il doit y avoir place pour un choix local, que nous ne pouvons pas établir exactement comment procéder, et que l'exécutif et l'administration sont les mieux placés pour concevoir les choses. Il a aussi dit que bien que cela était souhaitable, des critères objectifs ne sont peut-être pas nécessaires.
J'ai dit hier, en réponse à la question du sénateur Fraser, qu'à notre avis, il devait y avoir au moins trois éléments ou critères clés, que j'ai mentionnés, et que nous ne pouvions lier les mains du comité. Si les membres de ce comité sont bien choisis, nous ne voulons pas leur lier les mains. C'est là un amalgame assez compliqué, mais je suis confiant que nous aboutirons à un processus qui ne sera pas astreint à la chaîne de commandement, affectée par les décisions, et qui se traduira par une seule recommandation au gouverneur en conseil. Beaucoup d'entre vous connaissent très bien la façon dont le gouverneur en conseil fonctionne. Si vous pouvez établir lequel des quatre ministres constituant le gouverneur en conseil une journée donnée sera affecté par une décision deux ans à l'avance, je considère alors que vous faites un travail merveilleux.
En réalité, nous croyons que nous aurons ramené le risque à des proportions plus qu'acceptables.
Le sénateur Joyal: Je crois toujours que pour nous assurer que le processus est totalement acceptable, il est préférable qu'en cours de route, la composition du comité ou certains des critères ou paramètres d'évaluation soient clairement indiqués afin d'encadrer l'aspect discrétionnaire, de tenter d'éliminer la capacité des arbitres d'intervenir d'une façon qui nuise à l'indépendance du système. C'est essentiellement ce qui me préoccupe.
Col Fenske: Nous sommes d'accord avec vous, sénateur Joyal. Les règlements régissant le comité du renouvellement des mandats, qui sont déjà connus depuis de nombreuses années, s'inscrivent effectivement dans le modèle que vous proposez. Ils ont été critiqués par le juge Létourneau dans l'affaire Lauzon et devront être modifiés. Lorsque nous les avons établis la première fois, nous ne disposions pas de la même jurisprudence au sujet de la composition des comités. Nous devons les modifier maintenant. Nous en avons les moyens.
Le sénateur Beaudoin: Le point soulevé par le sénateur Joyal est intéressant et votre réponse est aussi très intéressante. Vous avez souvent utilisé l'expression: «Nous y travaillons.» Je le comprends, et je vous en prie, continuez. C'est ce qu'il faut faire. Vous avez réalisé tellement de progrès, cela ne fait aucun doute. Je tiens à le préciser pour les fins du compte rendu. Cela est vrai particulièrement en ce qui concerne le premier et le deuxième rapports Dickson.
Pour ce qui est de la Somalie, nous n'en avons pas beaucoup parlé autour de cette table. Nous n'en avons pas beaucoup discuté. Si je me fie au compte rendu, recommandation 48, acceptée. Recommandation 38, mise en oeuvre et numéro 33 également. Recommandations à l'étude, cinq. Qu'est-ce que vous entendez par cela? Est-ce que vous y réfléchissez toujours? Est-ce que vous allez trouver une solution?
Vous dites que les choses vont faire l'objet d'un règlement. En tant que juriste, lorsqu'une chose est très importante, je préfère qu'elle soit enchâssée dans une loi plutôt que dans un règlement si possible parce que les règlements peuvent être modifiés beaucoup plus facilement. Je suis d'accord que nous avons besoin du système de règlements. Tout ne peut pas être mis dans la loi. Cependant, lorsqu'il s'agit d'une question fondamentale comme l'indépendance du système judiciaire, alors là je préfère qu'elle soit intégrée dans la loi.
Je me réjouis de voir que vous serez de retour «d'ici» cinq ans. Ce sera peut-être dans deux, dans trois ans. Peut-être faudra-t-il deux autres années pour finir le travail.
Pour les fins du compte rendu, j'aimerais savoir quels sont les cinq dossiers qu'il reste à régler?
Col Fenske: Nous ne les avons pas examinés en détail. J'aimerais vous souligner un certain nombre de points.
C'est ce que j'ai précisé lorsque nous avons déposé ce petit formulaire qui est tout à fait inadéquat de par les détails qu'il contient et les objectifs dont vous venez tout juste de parler. Lorsque je l'ai déposé, j'ai dit qu'il y avait d'autres plans de travail et d'autres rapports d'étape qui sont offerts au public concernant notre travail.
Vous avez demandé si nous réfléchissons à la question ou si nous agissons. La meilleure réponse que je puisse vous donner est que des 104 recommandations formulées, 94 ont été acceptées et 87 ont été mises en oeuvre.
Je signale en passant qu'en ce qui concerne la commission sur la Somalie elle-même, 83 p. 100 de ces recommandations ont été mises en oeuvre. Si vous en soustrayez celles qui concernent la justice militaire, le pourcentage baisse un peu pour se situer à environ 80 ou 79,5 p. 100.
En ce qui concerne les recommandations concernant la justice militaire, elles sont presque toutes mises en oeuvre et, sénateur Beaudoin, j'aimerais bien savoir s'il existe une autre commission d'enquête dont 80 p. 100 des recommandations ont été adoptées et mises en oeuvre dix mois après la publication de son rapport. Oui, nous avons regardé ce qui se passe et nous en sommes venus à la conclusion que nous étions sur la bonne voie. J'espère que notre dossier montre que nous travaillons sérieusement pour mettre en oeuvre les recommandations.
Le sénateur Nolin: Cela ne fait aucun doute.
Le sénateur Beaudoin: Je vous en félicite.
Col Fenske: Nous essayons d'agir rapidement et cela veut dire que nous continuons d'y travailler. Je peux vous donner un rapport d'étape sur celles qui ne sont pas encore mises en oeuvre.
Le sénateur Beaudoin: Est-ce que la question soulevée par le sénateur Joyal porte sur l'un de ces cinq dossiers?
Col Fenske: Non. Cette solution est déjà dans le projet de loi.
Le sénateur Grafstein: Je m'excuse, je dois partir. Je vous remercie de votre témoignage et particulièrement des documents que vous nous avez fournis. Vous avez apaisé l'une de mes préoccupations au sujet de la durée moyenne d'examen des mises en accusation et ma principale préoccupation concernant la longévité et la durée des nominations des juges ou des nominations quasi judiciaires. Je me réjouis à l'idée de participer avec le comité aux délibérations sur ce rapport.
Le sénateur Beaudoin: En ce qui concerne ces cinq dossiers, nous abordons alors un problème fondamental dans la Constitution, c'est-à-dire l'indépendance du système judiciaire qui est à la base même de notre système démocratique. Nous avons examiné attentivement les premier et deuxième rapports Dickson, et à juste titre. Manifestement, le juge en chef Dickson était un grand juriste. Cependant, nous n'avons presque rien dit de la Somalie. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails au sujet des cinq points sur lesquels vous travaillez toujours.
Col Fenske: Il est important que je vous précise à nouveau, comme je l'ai fait lorsque j'ai remis le graphique, qu'il s'agit d'aspects de la justice militaire. Vous trouverez sur notre site Web un rapport d'étape détaillé sur la façon dont nous élaborons notre plan de mise en oeuvre. Le comité de surveillance du ministre fera rapport de nos progrès au ministre en décembre.
En ce qui concerne les cinq points que l'on continue d'examiner, passons d'abord à la recommandation 40.4. Le chapitre 40 portait sur la question de la justice militaire abordée dans le rapport de la commission d'enquête sur la Somalie et à la recommandation 40.4, on dit ceci:
Que les Ordonnances et règlements royaux soient modifiés pour circonscrire le pouvoir discrétionnaire d'un commandant quant à la manière de mener des enquêtes sommaires afin de garantir que ces enquêtes soient effectuées conformément aux directives figurant dans l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes 21-9, qui traite des instructions générales relatives aux commissions d'enquête et aux enquêtes sommaires.
Fondamentalement, nous voulions nous assurer qu'il y ait une ligne directrice précise qui ne serait pas utilisée comme outil d'enquête administrative à des fins disciplinaires. Beaucoup d'entre vous qui ont de l'expérience en droit pénal auront bien des affaires en tête comme celle de Westray. Le but de cet exercice est de nous assurer que la fonction d'enquête est confinée à des critères administratifs. Nous travaillons là-dessus actuellement.
Il y a une recommandation connexe qui nous obligera à modifier nos règlements. Les lignes directrices, dans le même contexte administratif, devront être modifiées pour restreindre les enquêtes sommaires à l'enquête pour mauvaise conduite disciplinaire mineure ou à des questions administratives. Si quelqu'un est en congé sans permission, par exemple, on ne peut pas s'attendre soudainement à ce que les mêmes critères utilisés pour l'enquête Westray s'appliquent. La commission a demandé que ceux qui mènent les enquêtes sommaires soient mieux formés. Cette équipe de projet ne travaille pas là-dessus, mais on leur donne plus de formation.
Nous voulons faire modifier les règlements. Je pense que la majeure partie de l'ébauche de ce travail est terminée. Il est aussi question de donner de la formation à nos commandants. Ce sera peut-être un peu difficile mais si mes souvenirs sont bons, une partie de cette formation sera intégrée au programme de formation et d'accréditation dont j'ai parlé tout à l'heure. Nous espérons pouvoir donner cette formation au printemps prochain.
La commission d'enquête sur la Somalie a soulevé une autre question intéressante et qui revient toujours pour ceux d'entre nous qui travaillent dans le domaine criminel et de la justice militaire, à savoir que des sanctions comme la solution de rechange à l'amende, le service communautaire et la condamnation avec sursis, sanctions que l'on peut utiliser dans le processus pénal civil, devraient pouvoir aussi être appliquées dans le système de justice militaire. C'est là une recommandation un peu décevante parce qu'on y rattache l'hypothèse que rien de ce genre n'est fait maintenant dans le système de justice militaire.
Nous avons un certain nombre de sanctions mineures qui impliquent des travaux et de l'entraînement supplémentaires, qui sont, à certains égards, analogues. Elles ne correspondent pas à toutes les solutions de rechange, mais elles existent. Nous envisageons les solutions de rechange comme l'amende et certaines autres. À cet égard, je peux vous dire que nous n'avons pas pris de décision. Nous examinons toujours la question.
La recommandation 40.41 dispose que les conseillers juridiques devraient recevoir une meilleure formation en matière de droit international, notamment en matière de droit des conflits armés. Au cours des cinq dernières années dans les forces armées, nous avons donné de plus en plus de formation en droit international, en droit des conflits armés et sur les règles d'engagement, et nous poursuivons notre travail.
D'après nos informations, nous aurons des problèmes de ressources pour faire ce travail. La formation se poursuit et nous constatons des progrès.
Enfin, la recommandation 40.44 dit:
Que les avocats militaires dispensant des services consultatifs informent les membres des Forces canadiennes, avant et pendant le déploiement, au sujet des lois locales, du droit des conflits armés et des règles d'engagement.
Cette question est très importante. Nous sommes à l'avant-scène sur le plan international, nous préparons des guides et nous faisons ce genre de choses. Il y a toujours plus à faire, mais il est maintenant habituel de procéder ainsi avant de faire un déploiement.
Mes collègues me disent que le rapport du comité de surveillance dont j'ai parlé tout à l'heure a été déposé aujourd'hui à 11 heures.
Le sénateur Nolin: Je suppose que tous les documents réglementaires seront également soumis au Parlement en même temps.
Le sénateur Beaudoin: Ces règlements seront-ils présentés au Parlement et à notre comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes d'examen de la réglementation?
Col Fenske: Non. La plupart des règlements qui mettront ces choses en oeuvre sont pris en vertu de la Loi sur la défense nationale et sont exempts d'examen.
Le sénateur Beaudoin: Ils sont exempts? Ils sont invisibles?
Col Fenske: Ils ne sont pas invisibles, ils sont concrets et applicables.
Le sénateur Beaudoin: Comme on dit dans le Code civil, «nul n'est censé ignorer la loi, mais il faut pouvoir la voir quelque part.»
Col Fenske: C'est possible. Ceux à qui les règlements s'appliquent les ont sur leur bureau et dans leur reliure de réglementation. Les règlements sont disponibles dans les bibliothèques de droit de tout le pays. Cependant, ils ne peuvent faire l'objet d'un examen par les comités.
La justification se trouve dans l'exemption et il s'agit d'une exemption restreinte. C'est là un problème qu'a soulevé la commission d'enquête sur la Somalie. La Commission a prétendu qu'ils devraient être publiés dans la Gazette du Canada. Nous examinons la question.
S'ils doivent être publiés, alors ils ne sont pas exempts d'examen. S'ils doivent être publiés, alors ils seront examinés par le comité. C'est l'une des choses que nous sommes en train d'examiner.
Je n'ai pas vraiment de position à vous donner là-dessus encore. Il ne s'agit pas d'une question de justice militaire en soi, bien que cela relève de mes responsabilités.
Le sénateur Balfour: Je croyais que les règlements de ce genre devaient être soumis à un comité.
Le sénateur Moore: Si un juge veut que son mandat soit renouvelé et que le renouvellement lui est refusé, à qui peut-il s'adresser pour faire examiner cette décision?
Col Fenske: Est-ce que vous parlez de ce qui se passe aujourd'hui ou de ce qui est prévu dans le projet de loi?
Le sénateur Moore: De ce qui est prévu dans le projet de loi.
Col Fenske: C'est le but premier du comité de renouvellement des mandats. C'est là que le bât blesse et nous avons adopté ces règlements pour régler le problème.
L'idée est que lorsque le juge en arrive au point où son mandat est renouvelable et qu'il veut qu'il le soit, la demande doit être renvoyée à ce comité. Le comité seul peut faire la recommandation qui doit ensuite être soumise au gouverneur en conseil.
Le sénateur Moore: La question est-elle soumise au comité si le juge exprime le désir de voir son mandat renouvelé ou seulement s'il exprime un intérêt et que cela lui est refusé? Ou encore le juge peut-il se voir refuser le renouvellement de son mandat seulement par le comité?
Col Fenske: La recommandation est renvoyée au comité, c'est ce que nous pensons.
J'ai dit l'autre jour qu'il y a trois scénarios possibles et qu'un seul cause des problèmes. Si le juge ne veut pas que son mandat soit renouvelé, alors rien n'est soumis au comité. Dans le cas contraire, on espère que le comité se dira que c'est aussi une bonne idée.
Le troisième scénario, c'est lorsqu'il y a conflit entre les besoins de l'institution et les désirs du juge. C'est celui qui provoquera probablement le plus de discussions et d'analyses au sein du comité. Ce que le comité décrira comme une recommandation sera alors soumis au gouverneur en conseil.
Le sénateur Moore: Est-ce qu'un exemplaire de ce rapport du comité est remis au juge?
Col Fenske: J'espère bien.
Nous n'avons encore rien décidé au sujet des rapports provisoires, mais j'ai peine à imaginer que l'on conçoive un processus aussi détaillé -- c'est-à-dire un comité de trois personnes chargé d'examiner une seule question -- et que son rapport provisoire ne soit envoyé à personne.
L'idée est que le comité soit saisi de la question -- c'est-à-dire qu'il aborde la question comme il l'entend -- et qu'il reçoive les témoignages sous la forme qui lui paraît la plus convenable, par exemple, par téléphone, par courrier ou en personne. Le comité prendra alors sa décision et la transmettra aux personnes intéressées. Le juge est la personne qui est touchée par la décision.
Le sénateur Moore: Je tenais simplement à le dire pour les fins du compte rendu.
Col Fenske: Je suis heureux de le répéter.
La présidente: Merci beaucoup pour votre témoignage d'aujourd'hui.
La séance est levée.