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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 43 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


OTTAWA, le mercredi 25 novembre 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-3 concernant l'identification par les empreintes génétiques et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 15 h 35, pour en faire l'examen.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous entamons aujourd'hui notre examen du projet de loi C-3 qui prévoit l'établissement d'une banque nationale de données génétiques qui sera tenue par le commissaire de la GRC et qui servira à aider les services policiers à résoudre les crimes. Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes le 29 septembre et a franchi l'étape de la première lecture au Sénat le lendemain. Il a été lu pour la deuxième fois le 22 octobre, ce qui signifie que le Sénat a adopté le projet de loi en principe. Il a ensuite été renvoyé à notre comité pour un examen détaillé, examen qui commence aujourd'hui avec le témoignage de M. Jacques Saada, secrétaire parlementaire du Solliciteur général du Canada, c'est-à-dire du ministre responsable de l'application du projet de loi.

Nous tiendrons une autre séance aujourd'hui en vue d'entendre des témoins de la GRC qui nous fourniront des renseignements techniques sur l'ADN et sur le fonctionnement de la banque de données génétiques. D'autres témoins seront entendus au cours des prochaines semaines. Lorsqu'ils auront tous été entendus, nous passerons à l'étude article par article du projet de loi, et c'est à ce moment que le comité décidera s'il adopte le projet de loi tel quel, s'il en recommande l'amendement ou s'il en recommande le rejet. Il présentera ensuite son rapport au Sénat.

Monsieur Saada, je vous remercie, vous et vos collègues, d'être venus aujourd'hui. Nous vous écoutons.

Le sénateur Joyal: Madame la présidente, avant que nous ne commencions à entendre les témoins, j'aimerais invoquer le Règlement. Le projet de loi à l'étude est important. Le fait que le ministre ne soit pas présent à la première journée des audiences me préoccupe. Je le dis malgré tout le respect que j'ai pour M. Saada, car j'ai travaillé sous ses ordres et avec lui. Il est certes un représentant très compétent de l'autre endroit. Toutefois, la tradition veut que notre comité entende, comme premier témoin, le ministre qui a déposé le projet de loi.

Je suis conscient des circonstances particulières, naturellement, qui expliquent son absence aujourd'hui. Je tiens à ce que le compte rendu en fasse officiellement état. Le ministre n'est pas ici parce qu'il a été nommé au portefeuille il y a 48 heures seulement.

Cependant, nous ne souhaitons pas retarder l'examen du projet de loi. Pouvez-vous nous dire si nous aurons l'occasion plus tard, durant les présentes audiences, d'entendre le ministre? Je crois qu'il importe de continuer à recevoir le ministre qui a déposé le projet de loi pour entendre son témoignage et pour qu'il réponde à nos questions, surtout si nous envisageons la possibilité de proposer des amendements ou de poser des questions mettant en jeu la politique du ministère. Il faudrait avoir l'occasion d'entendre le ministre.

La présidente: Sénateur Joyal, le comité directeur a tenu une séance officieuse à ce sujet justement, hier. Les membres sont convenus que le ministre comparaîtra devant le comité, car il ne souhaite pas établir de précédent qui permettrait à des ministres de se défiler ou de se faire remplacer par leur secrétaire parlementaire. J'ai parlé au ministre aujourd'hui, et il m'a donné l'assurance qu'il sera présent avec de hauts fonctionnaires du ministère à la fin de nos délibérations sur le projet de loi.

Le sénateur Joyal: Je vous remercie.

Le sénateur Nolin: Il ne s'agit pas d'un précédent.

La présidente: Non, nous n'établissons pas de précédent.

[Français]

L'honorable Jacques Saada, député, secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada: Madame la présidente, je veux d'abord vous dire mon plaisir de ne pas créer un précédent.

[Traduction]

C'est avec plaisir que je viens aujourd'hui vous parler du projet de loi C-3, Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, qui créera une banque nationale de données génétiques.

Cette loi novatrice constitue une étape cruciale du Programme gouvernemental pour des collectivités plus sûres. Elle représente aussi un aspect très important de l'engagement du Solliciteur général à l'égard de tous les Canadiens en matière de sécurité publique.

Grâce à la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, le Canada fera partie d'un club très sélect. Par le dépôt de ce projet de loi, nous avons l'intention de fournir à la police un outil pratique d'application de la loi qui résistera au passage du temps.

Nous savons que, pour assurer la réussite de cette mesure, il faut établir soigneusement un équilibre entre, d'une part, la sécurité du public et, d'autre part, la protection de la vie privée, droits que les Canadiens ont à coeur. À cet égard, je crois que nous avons trouvé le juste milieu.

[Français]

Le projet de loi C-3 a fait l'objet de beaucoup de discussions depuis qu'il a été présenté pour la première fois. Le solliciteur général d'alors l'avait immédiatement soumis au comité permanent de la justice et des droits de la personne, avant la deuxième lecture à la Chambre des communes, et s'était montré en faveur de changements susceptibles de l'améliorer. Je suis persuadé maintenant que nous avons un bien meilleur projet de loi.

Nous avons vu ce projet de loi se transformer pour devenir un document beaucoup plus solide. Le gouvernement croit qu'il est fondamentalement valable. C'est avec assurance que je dis cela, car encore une fois, je pense que nous avons trouvé le bon équilibre.

Le projet de loi C-3, comme vous le savez, constitue la deuxième phase de la stratégie du gouvernement en matière d'ADN. Au cours de la première étape, on a établi les règles à suivre pour le prélèvement d'échantillons d'ADN sur des suspects au cours d'enquêtes criminelles. Il y a trois ans, le Code criminel a été modifié pour permettre à la police de prélever des échantillons d'ADN sur des suspects au moyen de mandats.

S'inspirant de ces dispositions législatives, le projet de loi C-3 comprend des mesures de protection et des mécanismes semblables concernant le prélèvement des échantillons d'ADN sur des délinquants reconnus coupables.

Comme les dispositions législatives sur les mandats ont résisté à toutes les contestations dont ont été saisis les tribunaux aux termes de la Charte, le projet de loi prévoyant la création d'une banque de données génétiques repose sur des bases solides.

Maintenant, nous devons passer à l'étape suivante de notre initiative en matière d'ADN, c'est-à-dire la création d'une banque de données pour la conservation des échantillons d'ADN et l'utilisation des données génétiques lors d'enquêtes sur des infractions criminelles graves.

Permettez-moi de vous expliquer brièvement comment le système fonctionnera. Une fois que j'aurai traversé ces quelques paragraphes, je me suis permis de préparer à votre intention un document dont madame la greffière a copie actuellement. Je l'ai fait pour vous rendre service, mais aussi pour me rendre service parce que c'est plus facile visuellement de comprendre comment cela fonctionne.

Les échantillons de substances biologiques obtenus sur les lieux d'un crime ou sur la personne d'un condamné en vertu d'une ordonnance judiciaire seront analysés pour créer un profil génétique. Selon la source du profil, les données seront introduites dans le fichier criminalistique ou dans le fichier des condamnés.

On pourra comparer les profils des deux fichiers pour trouver les données correspondantes. Les résultats de la recherche seront transmis à l'enquêteur compétent. S'il y a correspondance, seul le nom inscrit au profil, et non le profil lui-même, sera communiqué à la police. La police devra alors obtenir un mandat l'autorisant à prélever un autre échantillon de substance biologique sur le suspect. Seules les données génétiques tirées de ce nouvel échantillon pourront servir d'éléments de preuve en cour.

Les avantages d'un tel système sautent aux yeux. Les données génétiques stockées permettront à la police d'identifier rapidement les suspects et les récidivistes, peu importe l'administration policière. En outre, comme seront visés certains délinquants à risque élevé déjà en détention, la banque de données pourra permettre d'élucider des crimes que l'on cherche à résoudre depuis longtemps.

De plus, les délinquants les plus dangereux pourraient être dissuadés de commettre de nouvelles infractions violentes car ils sauront que leurs empreintes génétiques se trouveront dans la banque de données pour identification ultérieure.

Pour assurer l'entreposage sûr des données et veiller à ce qu'elles ne soient utilisées que pour des fins d'analyse génétique, et donc pour des buts médico-légaux, le projet de loi limite de façon très stricte l'accès à la banque de données.

L'usage abusif de l'information sera interdit et seules les personnes préposées directement au fonctionnement et à l'entretien de la banque pourront y avoir accès, c'est-à-dire le personnel judiciaire de la GRC qui travaillera à l'unité responsable de la banque de données.

Pour protéger la vie privée des victimes ou des individus n'étant plus considérés comme des suspects et dont le profil génétique peut se trouver dans le fichier criminalistique, une disposition supprime de façon permanente l'accès à leurs données génétiques.

De plus, les échantillons dans ces cas seront détruits. Il s'agit d'une mesure de protection importante qui garantit que les profils génétiques des personnes innocentes ne se retrouveront pas dans la banque de données.

Nous avons agi avec prudence et avons soumis le projet de loi à un examen complet et à un débat public afin de nous assurer que le droit à la vie privée ainsi que les dispositions de la Charte sont respectés.

Nous savons que l'ADN peut révéler beaucoup plus au sujet d'une personne qu'un échantillon d'haleine, une empreinte digitale ou même une analyse de sang courante. Par conséquent, nous avons pris soin d'examiner les droits en matière de protection de la vie privée, tels que nous les connaissons aujourd'hui, tout en nous interrogeant sur l'impact que cette législation pourrait avoir sur ces mêmes droits dans l'avenir.

La question de la conservation des échantillons représente un bon exemple de cette nécessité d'analyser attentivement ce projet de loi. Les scientifiques ont fait valoir de solides arguments pour démontrer qu'il est essentiel de conserver des échantillons de substance biologique pour la banque de données génétiques afin de pouvoir tirer parti des progrès technologiques à venir. Des développements importants dans le domaine de la technologie de l'identification par les empreintes génétiques ont été réalisés ces dernières années. Grâce à ceux-ci, il est désormais possible d'examiner des échantillons plus petits, y compris ceux trouvés sur des matières dégradées.

En raison de l'évolution de la technologie, les profils d'identification génétique d'aujourd'hui pourraient devenir désuets. Pour faire face à cette situation, le projet de loi C-3 prévoit la conservation des échantillons dans la banque nationale de données génétiques du Canada afin de pouvoir communiquer avec d'autres laboratoires et banques de données du monde entier ou encore tirer profit d'une efficience et d'une capacité accrues grâce aux progrès technologiques.

Je comprends que vous puissiez vous interroger sur l'accès aux échantillons d'ADN et aux profils d'identification génétique. Je tiens à vous assurer que le projet de loi C-3 contient des règles strictes régissant les prélèvements biologiques et l'identification par les empreintes génétiques ainsi que la conservation des profils d'identification génétique pour protéger les renseignements personnels.

Comme je l'ai dit plus tôt, la GRC sera chargée d'entreposer en toute sécurité tous les échantillons de substance biologique et seules les personnes préposées directement au fonctionnement et au maintien de la banque de données pourront avoir accès à l'information.

Seul le nom inscrit au profil, et je répète, pas le profil lui-même, sera communiqué aux autorités policières compétentes au cours des enquêtes criminelles. Le projet de loi prévoit également des sanctions pénales qui s'appliqueront à ceux qui ne se conformeront pas à ces dispositions et qui figureront dans le Code criminel et dans la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.

Outre les mesures de protection et les sanctions prévues dans le projet de loi, d'autres mécanismes sont en place pour garantir que la banque de données sera utilisée de façon à maintenir un équilibre entre la protection de la vie privée et la protection du public.

Lorsque la banque de données sera opérationnelle, le commissaire à la protection de la vie privée pourra procéder en tout temps à sa vérification. La Loi sur la protection des renseignements personnels l'autorise déjà à le faire. Aux termes de cette loi et du projet de loi C-3, les renseignements contenus dans la banque de données ne pourront être communiqués à un autre pays que s'il existe une entente officielle à ce sujet.

La Loi sur la protection des renseignements personnels précise également que les renseignements ne peuvent être communiqués à un gouvernement étranger qu'à des fins d'administration ou de mise en application d'une loi ou d'exécution d'une enquête et pour aucune autre raison.

De plus, les laboratoires judiciaires du Canada élaborent actuellement des normes d'agrément. Il y est prévu qu'un organisme indépendant procédera à des vérifications pour garantir que les laboratoires judiciaires satisfont aux normes d'assurance de la qualité reconnue à l'échelle internationale.

En outre, la GRC travaille en étroite collaboration avec plusieurs groupes et comités internationaux, comme par exemple le groupe de travail technique sur les méthodes d'analyse génétique parrainé par le FBI. Elle facilite la communication de l'information sur la technologie la plus récente et permet à notre pays de s'assurer que ces normes correspondent à celles en vigueur dans le monde.

Comme la GRC sera chargée de la banque de données génétiques, toutes les fonctions doivent être conformes à ses propres normes internes, qui sont parmi les plus rigoureuses au monde.

[Traduction]

Il sera important, je pense, qu'aux termes de votre examen du projet de loi C-3, vous ayez l'intime conviction que ses dispositions et mécanismes de protection pourront être mis en pratique. Rien n'a été laissé au hasard lors de l'élaboration du système proposé, tant sur le plan juridique qu'à l'échelle opérationnelle, et ce, dans le but de protéger les droits à la vie privée et ceux que prévoit la Charte, tout en favorisant l'application efficace de la loi. Pour garantir l'application des principes et des dispositions législatives, le projet de loi C-3 prévoit la possibilité d'adopter des règlements. En gros, ces règlements définiront les exigences opérationnelles requises pour mettre en oeuvre les dispositions du projet de loi. Un comité d'experts a été constitué pour formuler des recommandations au sujet des règlements et des politiques. Il comprend des représentants des laboratoires judiciaires de la GRC, ainsi que des laboratoires de l'Ontario et du Québec, qui comptent de nombreuses années d'expérience pratique dans le domaine des analyses génétiques.

Pour vous aider à comprendre le fonctionnement du projet de loi, je vous encourage à entendre les experts judiciaires de la GRC qui seront chargés de gérer et de tenir la banque de données.

Même si le comité ne fait que commencer à examiner le projet de loi C-3, je note que les sénateurs ont déjà formulé des suggestions constructives, plus particulièrement en ce qui concerne l'absence de pouvoirs qui permettraient le prélèvement d'échantillons d'ADN sur les auteurs d'infractions désignées condamnés par le système de justice militaire. Ce sont là des préoccupations légitimes. La Chambre des communes et le ministre sont nettement d'accord avec l'objectif de votre amendement. Il est important que la banque de données contienne de l'information sur tous les auteurs d'infractions désignées. Le projet de loi C-3 met l'accent sur les délinquants condamnés par le système civil de justice pénale.

Je partage les vues du comité et je crois, moi aussi, que la banque de données devrait inclure les militaires condamnés pour des infractions désignées. Mais je crois aussi qu'il est important de comprendre le contexte: nous parlons ici d'environ moins de 1 p. 100 de tous les auteurs d'infractions désignées au sein du système canadien de justice pénale. Néanmoins, j'estime que leur inclusion dans la banque de données contribuerait à renforcer la sécurité publique.

Nous partageons tous le même but, c'est-à-dire adopter la meilleure méthode possible pour mettre en oeuvre le projet de loi. Le projet de loi C-3 créera un puissant outil d'enquête pour les services d'application de la loi au Canada. Il aidera à accroître la sécurité de nos collectivités tout en garantissant une approche équilibrée à la lutte contre le crime.

[Français]

Cela signifie qu'il faut s'assurer que les valeurs qui nous sont si chères en tant que Canadiens soient respectées et que la police dispose des moyens dont elle a besoin pour bien faire son travail. Je vous encourage à approuver le projet de loi C-3 afin que nous puissions commencer à mettre en place cet instrument de sécurité publique si précieux.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Saada, je vous remercie. Ce n'est pas souvent que le ministère nous dit qu'il aimerait que le projet de loi soit amendé.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je vous remercie de votre présentation, qui résume bien l'esprit et la lettre du projet de loi.

Lorsque je l'ai examiné, je n'ai pas trouvé de dispositions relatives à la reddition de comptes par ceux qui sont responsables de la banque, particulièrement de son établissement durant les premières années.

Le titre «Solliciteur général» n'apparaît qu'une fois dans le projet de loi. À l'article 5, le solliciteur général est chargé d'établir la banque nationale de données génétiques. Cette banque sera tenue par le commissaire de la GRC. Les tâches du commissaire pourront être exécutées en son nom par toute personne qu'il autorise à le faire. Par conséquent, le commissaire a la responsabilité unilatérale de décider de s'acquitter lui-même ou par l'intermédiaire de ses associés ou de la GRC des responsabilités que lui confie le projet de loi ou de les céder à une province ou à un laboratoire privé qui pourrait se trouver au Canada ou ailleurs. C'est l'interprétation que j'en fais. Ce n'est peut-être pas l'esprit de la loi. Toutefois, il est un peu inquiétant de voir ce pouvoir confié au commissaire sans qu'il soit en retour tenu de demander la permission ou l'autorisation avant de déléguer ses obligations aux termes du projet de loi C-3.

Il existe des précautions à prendre pour la collecte des données et les conditions dans lesquelles elles peuvent être supprimées. Toutefois, rien dans le projet de loi n'autorise un tiers à voir à ce que ces obligations sont assumées comme elles le doivent.

La banque de données dont il est question est censée aider à lutter contre le crime. Jusqu'ici, les services policiers du monde entier s'en sont servi avec succès.

Toutefois, le fait que le commissaire ne soit pas tenu de faire rapport annuellement au Parlement, particulièrement durant les premières années d'exploitation de la banque et que nul n'a été nommé pour en surveiller les activités m'inquiète.

L'article 13 du projet de loi prévoit que le Parlement peut désigner, dans les cinq ans après l'entrée en vigueur du projet de loi, un comité de la Chambre ou un comité mixte d'examen de la loi. Ce droit est conféré à la Chambre des communes, bien que celle-ci ne soit pas obligée de l'exercer. Si elle le fait, par contre, une fois l'examen quinquennal achevé, le Parlement n'a plus ce pouvoir. En effet, on peut lire, au paragraphe 13(2):

Aux termes de l'examen, le présent article est réputé abrogé.

Il s'agit donc d'un examen facultatif fait davantage pour la forme, qui ne peut être répété. Pendant les cinq premières années, période cruciale pour l'établissement de la banque, aucune personne de l'extérieur -- pas même le ministre -- n'est autorisée à intercéder et à poser la bonne question au commissaire, qui dispose de tous les pouvoirs concernant l'établissement et la gestion de la banque.

Pourquoi une pareille surveillance n'est-elle pas prévue dans le projet de loi?

M. Saada: Vous avez posé plusieurs questions importantes. Je commencerai par répondre à la dernière partie de votre déclaration, puis je céderai la parole à M. DuBrule et Mme Aloisi qui répondront au reste.

[Français]

L'article 13 est spécifique quant à l'obligation de désigner un comité dans les cinq ans. En ce qui concerne les premières questions que vous avez posées, je cède la parole à M. DuBrule.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'apprécie la correction, il s'agit d'une obligation, mais c'est une obligation qu'on ne peut exercer qu'une fois?

M. Saada: Oui.

[Traduction]

M. Paul DuBrule, directeur des Services juridiques, Solliciteur général du Canada: En ce qui concerne une vérification de l'extérieur, on a décidé qu'étant donné que le commissaire à la protection de la vie privée a, en vertu de la loi l'établissant, le pouvoir permanent de vérifier les fichiers de renseignements personnels tenus par le gouvernement, il n'était pas vraiment nécessaire de prévoir, dans le projet de loi à l'étude, un autre pouvoir d'évaluation et de vérification.

Le commissaire à la protection de la vie privée, qui a participé activement à tous les travaux qui ont précédé le dépôt du projet de loi, a manifesté beaucoup d'intérêt pour le suivi et l'application du projet de loi et il évaluera et vérifiera non seulement ce qui est intégré dans la banque de données, mais aussi comment cette information est conservée et qui au juste des services policiers y a accès et à quelles conditions. Il a donc été décidé de ne pas inclure de pareilles dispositions dans le projet de loi parce qu'il existait déjà un pouvoir permanent à cette fin.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le pouvoir est-il discrétionnaire?

M. DuBrule: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si le gouvernement était d'accord, j'aurais cru que l'on aurait prévu un moyen législatif précis d'exercer la surveillance, par exemple le dépôt d'un rapport annuel au Parlement. Naturellement, il ne serait pas nécessaire de révéler des renseignements confidentiels. Le projet de loi comporte des articles qui, s'ils ne sont pas suivis à la lettre, pourraient obliger la banque à divulguer des renseignements qui ne devraient pas figurer dans un rapport.

Qui d'autre que le commissaire peut nous dire que de l'information a été effacée, nous confirmer, si une personne à l'origine jugée coupable d'un crime, mais dont le jugement a été cassé par la suite, que l'information au sujet de cette personne continue de figurer dans la banque alors qu'elle aurait dû en être supprimée? L'obligation existe, mais nul n'est nommé pour demander au commissaire d'attester que cette information a été effacée.

C'est l'absence d'une pareille obligation indépendante de supervision du commissaire que je déplore. Elle affaiblit le projet de loi en conférant peut-être trop de pouvoirs à la GRC.

La présidente: Il conviendrait peut-être à ce stade-ci que je précise aux membres du comité que le commissaire à la protection de la vie privée doit comparaître le lundi 7 décembre. Nous pourrons lui poser ces questions directement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le commissaire de la GRC a-t-il été invité à témoigner et viendra-t-il témoigner?

La présidente: Il témoignera le 7 décembre.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Ma question a trait à la jurisprudence. Vous avez dit qu'il y a plusieurs tribunaux qui se sont prononcés sur le test des empreintes génétiques. En ce qui concerne la Cour suprême, tout ce que j'ai vu, c'est un arrêt assez récent, mais c'est plutôt un obiter dictum, comme on dit en droit. Selon le juge Cory, bien que la question n'ait pas été soulevée, il semblerait que les dispositions récentes du Code criminel, qui autorisent les analyses d'empreintes génétiques, pourraient bien satisfaire à toutes les exigences constitutionnelles. Donc, prima facie, la Cour suprême a eu au moins une occasion de faire un obiter dictum.

J'aimerais savoir d'où vient l'autre jurisprudence, des cours d'appel ou des cours supérieures? Il est évident qu'à cause de sa grande importance, des tribunaux vont être appelés à se prononcer là-dessus dont, au premier chef, la Cour suprême du Canada. J'aimerais en savoir un peu plus sur les tribunaux qui se sont déjà prononcés.

M. Saada: Si vous me le permettez, je vais faire appel aux ressources les plus compétentes pour vous répondre. J'aimerais vous présenter M. Michael Zigayer, avocat-conseil, Politique en matière de droit pénal, au ministère de la Justice.

[Traduction]

M. Michael Zigayer, conseiller juridique principal, Politique du droit pénal, ministère de la Justice: Voilà une excellente question. Vous avez tout à fait raison. La Cour suprême n'a mentionné qu'en passant le régime de prélèvement des empreintes génétiques qui est entré en vigueur il y a trois ans dans l'affaire Stillman et, pourtant, plusieurs tribunaux du pays ont été saisis d'affaires dans lesquelles on soutenait que cette même loi était inconstitutionnelle. Ces causes sont plutôt récentes. Les décisions rendues ont été publiées par le gouvernement en réponse au neuvième rapport du comité permanent de la justice et des droits de la personne. Le document a été déposé à la Chambre des communes le 5 octobre. Des exemplaires ont, je crois, été mis à votre disposition.

Le sénateur Beaudoin: J'aimerais en avoir un.

M. Zigayer: Je vous remets la version française tout de suite et je vous enverrai la version anglaise, parce que je m'en servirai pour répondre à vos questions.

Passons donc en revue quelques-unes des principales décisions rendues au cours des deux ou trois dernières années. La loi n'est en vigueur que depuis lors. Elle a donné naissance à plusieurs questions d'ordre juridique qui ne sont pas toutes en rapport avec la Charte. L'un des premiers points avait trait à l'effet rétroactif.

[Français]

Pourrait-on se servir de ce mandat pour obtenir l'ADN? Pourrait-on l'appliquer à des crimes qui auraient été commis avant? Des décisions au Québec et en Colombie-Britannique ont été rendues à ce sujet. Maintenant, il n'y a pas de doute, cela pourrait être utilisé pour solutionner des crimes qui auraient été commis avant l'entrée en vigueur de ce projet de loi.

En ce qui concerne les grandes questions constitutionnelles, on a le commentaire du juge Cory dans R. c. Stillman. Plusieurs cours ont référé à ce commentaire, par exemple, dans l'arrêt R. c. Brighteyes de la Cour du banc de la Reine de l'Alberta. En ce qui concerne cette loi, on a dit effectivement qu'elle ne viole pas ces articles. Il était allégué que ces articles du code violaient les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[Traduction]

Le juge Murray de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a statué que, bien que le mandat autorisant le prélèvement des empreintes génétiques viole la sécurité de la personne et soit donc contraire aux principes de justice fondamentale puisqu'il autorise l'État à obliger une personne à soumettre des preuves susceptibles de l'incriminer, cette violation respecte les limites raisonnables prévues aux termes de l'article 1 de la Charte. Il a aussi décidé que ces dispositions ne constituent pas une perquisition et une saisie déraisonnables, contraires à l'article 8 de la Charte. Pour rendre cette décision, le juge a tenu compte de plusieurs facteurs, y compris de la raison d'être et de l'effet de la loi, de la pertinence de la norme, soit des motifs raisonnables de croire que plusieurs faits justifient la demande d'un mandat autorisant le prélèvement des empreintes génétiques, et du besoin d'accréditation des laboratoires judiciaires qui analysent les empreintes génétiques, de même que des objectifs de la loi.

La constitutionnalité d'une instance ex parte visant à obtenir un mandat autorisant le prélèvement d'empreintes génétiques a été contestée dans l'affaire F(S) c. Canada (Procureur général). La décision a été publiée. À ce stade-ci, plutôt que de continuer, je vous laisse le rapport qui a été déposé auprès du comité afin que vous puissiez en prendre connaissance. Comme nous n'avons pas inclus les notes en bas de page, je mentionnerai un autre document qui a été fourni au comité. Il s'agit d'un document que j'ai rédigé et que j'ai présenté plus tôt dans l'année. J'ai avec moi les notes en bas de page et les citations, ce qui me facilitera la tâche.

Le sénateur Beaudoin: Avez-vous dit que les tribunaux invoquent l'obiter dictum de la Cour suprême?

M. Zigayer: Oui, c'est juste.

Dans l'affaire F(S), par exemple, on contestait la constitutionnalité de l'instance ex parte. On soutenait que, comme l'empreinte génétique ne peut être détruite, c'est-à-dire qu'elle ne peut être transformée, la Couronne aurait pu en aviser la personne, l'obliger à se présenter devant les tribunaux et demander un mandat.

Bien que l'on ne puisse dissimuler ou détruire l'empreinte génétique, il est vrai également qu'une personne peut disparaître, ce qui mettrait obligatoirement fin à l'enquête. Par conséquent, quand la demande est faite, elle est faite ex parte, comme la plupart des autres demandes de mandat. Le suspect ou la personne responsable des lieux à perquisitionner n'en est pas avisé.

Le tribunal a confirmé cette décision. Le juge Hill, de la Division générale de la Cour de l'Ontario, a déclaré, en substance, que:

Bien que l'échantillon ne puisse être modifié ou détruit, la personne devant faire l'objet d'un prélèvement peut, néanmoins, éviter la procédure si elle est avertie à l'avance qu'elle pourrait faire l'objet d'une saisie... De manière générale, la conservation de l'élément de surprise dans l'exécution d'un mandat l'emporte sur tout gain que procurerait la tenue d'un débat sur la délivrance du mandat.

[Français]

Le juge a apporté une nuance en ce qui concerne les prévenus ou les accusés, les suspects détenus. Une personne qui purge une peine d'emprisonnement n'est pas une personne qui va s'évader. On sait où on peut la trouver. Il est à la discrétion du juge d'obliger la Couronne à donner un avis à cette personne pour tenir un débat sur l'admissibilité de l'émission du mandat.

[Traduction]

Cette question a également été soulevée au Manitoba, dans l'affaire R. c. J.R.T. et K.J.E.E. Cette cause est intéressante puisque, d'après les statistiques que nous avons recueillies cet été, les mandats autorisant le prélèvement de substances corporelles pour analyse génétique sont habituellement utilisés dans les enquêtes portant sur les homicides et les infractions sexuelles. Or, dans ce cas-ci, il s'agissait d'un vol et il fallait déterminer si les substances corporelles laissées à l'intérieur d'un masque correspondaient aux substances corporelles prélevées sur le suspect. Les cellules cutanées trouvées à l'intérieur du masque ont permis d'identifier le suspect. C'était une cause intéressante de ce point de vue-là.

Le juge, à qui on a demandé d'examiner la demande ex parte, a déclaré, en substance, que:

Le processus législatif mis en cause ici ne porte pas atteinte au principe de justice fondamentale énoncé à l'article 7. De plus, mis à part la demande ex parte, il n'est pas déraisonnable que les garanties offertes par la Charte contre les fouilles et saisies déraisonnables soient violées [...]

La procédure ex parte régissant l'obtention d'un mandat autorisant le prélèvement de substances corporelles pour analyse génétique correspond à un choix politique clair de la part du Parlement. Il ne revient pas au tribunal de remettre en question cette décision. La procédure ex parte mise en cause ici, considérée dans son ensemble, ne porte pas atteinte aux articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

L'arrêt F(S) soulevait aussi des questions d'ordre constitutionnel plus vastes. Ici, il y a divergence d'opinions entre l'analyse de l'arrêt F(S) et ce que j'ai dit plus tôt au sujet de l'affaire Brighteyes. Je n'en dirai pas plus.

Le sénateur Beaudoin: Ce n'est pas nécessaire.

M. Zigayer: Ce qui nous a étonnés, entre autres, c'est que le juge Hill a trouvé que le prélèvement de cheveux aux fins d'analyse génétique était inconstitutionnel, parce qu'il serait possible qu'on ne puisse pas établir de profil d'identification génétique. Il est impossible d'établir un tel profil chez 5 à 10 p. 100 de la population. Quand nous avons rédigé le projet de loi, nous avons prévu trois types de techniques d'enquête. Certains pensaient que le prélèvement sanguin serait perçu comme une technique plus intrusive. Pour le juge Hill, c'était le prélèvement des cheveux.

Le sénateur Grafstein: Manifestement, nous devons établir un équilibre entre, d'une part, la sécurité du public et, d'autre part, l'équité et la protection de la vie privée. Ces principes sont au coeur du projet de loi. Vous avez eu raison de dire que les analyses génétiques peuvent révéler beaucoup plus au sujet d'une personne qu'un échantillon d'haleine, une empreinte digitale ou une analyse de sang courante. Les analyses génétiques peuvent grandement porter atteinte à la vie privée d'une personne. La plupart d'entre nous ici s'inquiètent de ce que les renseignements recueillis dans le cadre d'analyses génétiques soient utilisés uniquement aux fins prévues par le projet de loi.

J'ai de nombreuses questions concernant ce projet de loi. Je vais d'abord en poser deux. Quand un suspect est appréhendé, que des substances corporelles sont prélevées pour analyse génétique le cadre d'un mandat délivré par les tribunaux, et qu'il est établi par suite de l'analyse de cet échantillon que le suspect n'est pas coupable, qu'advient-il de l'échantillon? Est-il immédiatement retiré du fichier?

M. Jacques Saada: Si un suspect est innocent, il n'y a aucune raison de conserver l'échantillon. L'échantillon est détruit. Seule la partie de l'échantillon utilisée pour l'analyse génétique sera conservée dans la banque. Tous les liens permettant d'identifier la personne en question sont éliminés. Une personne innocente ne peut aucunement être identifiée au moyen des données contenues dans la banque.

[Français]

Le sénateur Nolin: Si je comprends bien, l'échantillon serait détruit, dans l'exemple soumis par mon collègue, le sénateur Grafstein, mais le profil serait conservé.

M. Saada: Ce n'est pas tout à fait exact. Je vais passer la parole à mon collègue. Quand on a fait une analyse d'ADN, cette analyse ne peut servir qu'à la condition qu'on ne puisse procéder à l'identification. Cela suppose des liens. Vous aurez peut-être une question à poser ce soir aux experts de la GRC à ce sujet. Succinctement, pour savoir à qui l'ADN appartient, pour identifier la personne, il faut des liens. Ces liens sont détruits, qu'il s'agisse de quelqu'un qui a été déclaré innocent ou de quelqu'un qui a offert volontairement de l'ADN pour établir son innocence. À partir du moment où il y a innocence, il y a élimination de tout moyen d'identification par la voie de l'ADN dans la banque de données.

Le sénateur Nolin: Autrement dit, vous jetez l'échantillon, vous détruisez les liens entre l'échantillon, l'individu et le profil, mais vous gardez le profil. Pourquoi gardez-vous cette empreinte?

M. Saada: Il y a une raison technique relative au gène dans lequel l'ADN est conservé. La GRC sera plus en mesure de vous répondre. Je peux vous dire qu'il n'y a rien dans le fait de conserver cela dans la banque de données qui puisse, de quelque façon que ce soit, permettre d'identifier la personne en question.

Le sénateur Beaudoin: Pourquoi le gardez-vous?

M. Saada: La question est purement technique et en relation avec le traitement même de l'ADN.

Le sénateur Pépin:Je ne comprends peut-être pas très bien le projet de loi. À l'article 10 et à l'article 7, il est indiqué que l'on est cependant tenu de détruire les échantillons dans ces délais dans le cas où la personne a été absoute en vertu de l'article du Code criminel. En anglais, on dit:

... one year after the person is discharged absolutely ...

Cela veut dire que une personne n'est pas reconnue coupable, on conserve ces prélèvements pendant un an. Ceci est indiqué à la page 7 du projet de loi. Pourquoi garde-t-on cet échantillon si cette personne a été complètement absoute du crime? On dit qu'on doit le garder pendant un an, et que les prélèvements seront détruits après un an.

M. Saada: Pourriez-vous me donner le numéro de l'article?

Le sénateur Pépin: Il s'agit de l'article 7, à la page 6.

[Traduction]

M. DuBrule: On s'est inspiré ici des dispositions de la Loi sur le casier judiciaire. On s'inspire des mêmes principes pour ce qui est des délais. Après un délai précis, les substances sont détruites.

Il est question ici de substances corporelles. Ces substances sont détruites, contrairement aux liens qui existent entre les profils dans le système informatisé. Ces liens vont tout simplement devenir désuets vu qu'ils seront éliminés une fois la substance corporelle détruite.

Le sénateur Joyal: Madame la présidente, il est important d'approfondir la question du sénateur Grafstein. Il parlait d'une personne en état d'arrestation sur laquelle, en vertu d'un mandat, on prélève un échantillon biologique qui prouve qu'elle n'était pas sur les lieux du crime. Qu'advient-il de cet échantillon?

M. DuBrule: Ces échantillons ne sont jamais versés dans la banque de données. Si on constate qu'il n'existe aucun lien entre l'échantillon prélevé sur les lieux du crime et l'échantillon prélevé sur une personne, on détruit l'échantillon. Il n'est jamais versé dans la banque de données parce qu'il n'y a aucune raison de le conserver. La personne est immédiatement absoute du crime.

Le sénateur Joyal: La question du sénateur Grafstein faisait allusion à une personne qui n'était pas reconnue coupable et condamnée.

M. DuBrule: Je m'excuse. Nous parlons du mandat initial et de la banque de données. Si un mandat autorisant le prélèvement d'un échantillon biologique est délivré et que l'on constate, après avoir comparé cet échantillon à celui trouvé sur les lieux du crime, que cette personne n'est pas celle qui a commis l'infraction, alors l'échantillon biologique de cette personne n'est pas versé dans la banque de données.

Mme Yvette Aloisi, directrice générale, Police et application de la loi, ministère du Solliciteur général du Canada: D'après ce que dit mon collègue du ministère de la Justice, le Code criminel nous oblige à détruire l'échantillon d'une personne qui n'est pas considérée comme un suspect.

Le sénateur Joyal: On pourrait peut-être nous dire, plus tard, de quel article du Code il s'agit.

Le sénateur Grafstein: Vous pourriez peut-être nous donner des précisions par écrit. Votre réponse n'est pas très claire. Les empreintes digitales d'un suspect sont prises sur les lieux du crime. On mène ensuite une enquête criminelle et on constate que ces empreintes ne correspondent pas aux empreintes trouvées sur les lieux du crime. Je crois comprendre que ces empreintes restent dans le système, dans le fichier, même si elles ne correspondent pas à celles qu'on l'on a trouvées sur les lieux du crime.

Votre réponse n'est pas claire. J'aimerais savoir si l'échantillon biologique qui ne correspond pas est automatiquement détruit, comme vous le dites, détruit. Il serait utile d'avoir des précisions là-dessus. J'ai toujours trouvé que le système de justice pénale met beaucoup trop de temps à supprimer du fichier les empreintes des victimes innocentes. Je trouve cela injuste. Nous aurons toutefois l'occasion de discuter plus à fond de cette question.

Dans un autre ordre d'idée, le comité a demandé avec insistance qu'on procède à des enquêtes ou à des examens indépendants. Aujourd'hui, le Sénat a adopté une loi qui modifie la Loi sur la défense nationale et permet la création d'un nouveau système de justice pénale. Nous avons insisté pour qu'un examen indépendant ait lieu tous les cinq ans.

Nous avons exigé cela pour une raison bien précise. Nous voulons que le système soit juste et équitable. La protection de la vie privée fera partie intégrante du système policier, du système d'enquête et du système judiciaire. Les règlements touchant les preuves fournies par les témoins seront établis par un comité d'experts qui formuleront des recommandations à ce sujet. Le système et les pratiques en découlant feront l'objet de règlements.

Le Sénat a la possibilité de participer à un comité mixte en vue d'examiner les règlements et de veiller à ce qu'ils soient conformes aux exigences constitutionnelles. Toutefois, je n'ai jamais été convaincu de l'indépendance du processus de réglementation. Dans ce cas-ci, par exemple, je me demande si vous solliciterez l'avis d'experts indépendants quand vous établirez les règlements. Si je dis cela, c'est parce que, si on adopte ce projet de loi, les policiers vont avoir entre les mains un outil extraordinaire qui va leur donner beaucoup de pouvoirs. Je suis certain qu'il y a d'autres sénateurs qui souhaitent un système très étanche qui protège le plus possible la vie privée.

D'après ce que j'ai entendu jusqu'ici -- et nous entendrons d'autres témoignages -- je ne suis pas convaincu que le système interne, au sein des services policiers, va être en mesure d'assurer une utilisation adéquate de ces substances.

Il est question de la création d'un comité d'experts qui sera composé de représentants des laboratoires judiciaires de l'Ontario et du Québec, qui comptent plusieurs années d'expérience pratique dans ce domaine. Je présume que ces experts viennent de l'intérieur du système?

M. Saada: Avant d'aller plus loin, je voudrais répondre à la question du sénateur Joyal. Il s'agit de l'article 487.09 du Code criminel. Si vous voulez, je peux vous en faire la lecture. Il est très simple.

[Français]

Destruction des substances corporelles: La substance corporelle obtenue d'une personne en exécution du mandat et les résultats de l'analyse génétique afférente sont détruits selon le cas.

a) dès que ceci indique que la substance visée ne provient pas de cette personne.

b) dès que celle-ci est acquittée définitivement de l'infraction désignée ou de toute autre infraction qui découle de la même affaire pour une raison autre qu'un verdict de non-responsabilité criminelle», et cetera.

La réponse est extrêmement claire là-dessus.

[Traduction]

Pour ce qui est de la deuxième question, qui est fort intéressante, je vais demander à Mme Aloisi d'y répondre.

Mme Aloisi: Le comité d'experts mentionné dans le projet de loi ne sera pas uniquement composé de représentants des services policiers. Il sera composé de personnes comme moi et M. Zigayer, et d'autres intervenants qui vont participer à l'élaboration de règlements avec la GRC. Le Parlement aura l'occasion d'examiner ces règlements et de faire des commentaires là-dessus.

Le sénateur Nolin: Cet article du Code est nouveau. Il a été adopté il y a deux ans quand nous avons modifié le Code pour permettre le prélèvement des échantillons d'ADN. Est-ce exact?

Mme Aloisi: Oui.

Le sénateur Fraser: Il me semble qu'on discute ici de trois éléments. Il y a d'abord les substances corporelles, les profils d'identification génétique établis à partir de ces échantillons, et l'accès à ces profils.

Les substances sont souvent détruites dans des circonstances sur lesquelles nous ne reviendrons pas. Les profils deviennent inaccessibles dans des conditions précises: si vous avez été absout, si vous étiez une victime, ou si vous n'êtes plus considéré comme un suspect. Autrement dit, les profils deviennent inaccessibles, sauf si vous êtes condamné. Toutefois, les profils sont conservés dans la banque de données. Pourquoi?

M. Saada: Sénateur Fraser, votre question part d'un principe valable. On m'a fourni une réponse technique qui porte sur la technologie de l'ADN et du traitement de l'ADN. Je suis certain que vous obtiendrez une réponse très satisfaisante. Je ne voudrais pas me lancer dans des conjectures. Je ne suis pas un expert en la matière, mais je sais que la réponse est purement technique. Les représentants de la GRC seront en mesure de répondre à votre question quand ils comparaîtront devant vous.

Le sénateur Fraser: D'après le ministère, s'il est possible, sur le plan technique, de retirer les profils, pourquoi les conserver?

M. Saada: Il n'y aurait aucune raison de les garder.

M. DuBrule: Si je puis me permettre, nous sommes partis du principe que, si une personne est acquittée, toutes les preuves seront détruites.

Le sénateur Fraser: Je suis certaine que cela s'applique également aux victimes.

M. DuBrule: On nous a dit qu'il est impossible de supprimer ces renseignements, en raison des difficultés techniques que posent l'identification de l'ADN et l'utilisation des profils. Par conséquent, il fallait couper tous les liens pour qu'aucun renseignement ne puisse être lié à un profil.

Tout comme M. Saada, je ne suis pas en mesure de vous donner une explication technique. Toutefois, je sais que des experts de la GRC vont comparaître devant votre comité.

Le sénateur Joyal: Ma première question est reliée à celle de le sénateur Fraser. Je voudrais savoir pourquoi, dans bien des cas, nous devons attendre un an avant de détruire tous les renseignements. Ces cas sont les suivants:

[Français]

[...] une absolution, un sursis à l'exécution, le renvoi ou le retrait de l'accusation.

[Traduction]

Il s'agit là de circonstances totalement différentes. Je ne vois pas pourquoi, dans chacun de ces cas, il faut attendre un an avant de détruire ces renseignements. Une fois qu'une personne est passée par le système, c'est fini.

Ma deuxième question porte sur la communication de profils à des pays étrangers. Ici, au Canada, les droits de la personne sont protégés. Toutefois, si on peut avoir accès aux banques de données partout dans le monde, cela veut dire que les profils peuvent être conservés pendant une période assez longue. Cette question me préoccupe beaucoup. Nous risquons de soumettre les Canadiens, qui sont protégés en vertu de nos lois, à un régime totalement différent lorsqu'ils vont se rendre dans d'autres pays. Le projet de loi prévoit la conclusion d'ententes, sauf que, une fois que vous êtes à l'extérieur du pays, vous êtes seul à vous défendre. C'est une question inquiétante.

J'aimerais aussi vous parler de l'article 13 du projet de loi, qui traite de l'examen de la loi par un comité parlementaire. On revient ici à ce que le sénateur Lynch-Staunton a dit.

Je tiens à dire quelque chose, madame la présidente. Je n'aime pas recevoir de l'autre endroit un projet de loi qui m'empêche de participer à un examen ou à toute initiative parlementaire décrite à l'article 13. Le Sénat est censé être aussi mûr, sérieux et responsable que l'autre endroit. Je ne vois pas pourquoi nous serions exclus du processus d'examen.

Si nous sommes exclus du processus, alors qu'on nous explique pourquoi. Je trouve cela choquant, surtout quand il est question d'un projet de loi qui vient du ministère de la Justice ou qui traite de la justice au Canada. Le comité s'intéresse de près au processus législatif. Je ne me sens pas visé personnellement, mais nous devons veiller à ce que les intérêts des Canadiens soient protégés.

Je tiens à vous dire, madame la présidente, que je compte soumettre un amendement au projet de loi en vue de rétablir nos privilèges.

Cela dit, il y a un point important que j'aimerais que les témoins nous expliquent. Il est question, dans le projet de loi, d'infractions désignées. Je crois qu'il y aurait lieu de définir ce qu'on entend par cela. J'aimerais savoir pourquoi certaines infractions sont désignées et d'autres ne le sont pas. Je ne comprends pas pourquoi certaines infractions sont désignées, compte tenu de la nature de l'ADN. Je préfère adopter une attitude prudente. Autrement dit, je veux savoir pourquoi une infraction doit être considérée comme une infraction désignée.

Pouvez-vous nous décrire les principes que vous avez utilisés quand vous avez établi la liste d'infractions désignées? Je crois comprendre que l'autre endroit a ajouté des infractions à cette liste, comme si cela aurait pour effet de mieux nous protéger. Toutefois, je crois que vous avez dépassé la portée du projet de loi en désignant ainsi certaines infractions.

[Français]

M. Saada: Je suis convaincu que ce je vais dire n'est pas forcément le moment le plus glorieux de ma carrière politique. J'ai effectivement du mal à comprendre que le Sénat ne puisse pas avoir les mêmes prérogatives que la Chambre des communes à cet égard. Je voudrais attirer votre attention sur un problème potentiel que vous jugerez à son mérite.

Tout amendement qui serait apporté au projet de loi, et je ne parle pas de quelque chose d'incontournable, entraînerait un certain délai dans l'application du projet de loi. Ceci n'enlève absolument rien au bien-fondé de votre demande ou de votre argument. Je veux simplement attirer votre attention sur la conséquence de votre amendement. Je ne parle pas en tant que secrétaire parlementaire, mais en tant que parlementaire. Cela m'apparaît tout à fait légitime.

Le Sénat peut se prévaloir du droit d'examiner tout cela à sa guise sans pour autant qu'il y ait une échéance. Vous en avez parfaitement la possibilité.

En ce qui concerne le fichier criminalistique, j'aimerais qu'on me corrige si je me trompe, mais ma compréhension est que celui-ci ne comporte aucune identification en soi. Est-ce ainsi qu'il faut comprendre les choses? L'identification ne peut venir que par le «matching». Le fichier en soi ne comporte pas d'identité.

En ce qui concerne la dernière question posée sur les infractions désignées, je vais passer la parole à M. Zigayer.

M. Zigayer: Quand le Parlement a adopté le projet de loi C-104, il y a trois ans, nous avons proposé une liste de crimes désignés. En général, ces crimes avaient des choses en commun. La plupart consistait en des crimes, des actes violents, des assauts, des assauts sexuels, des homicides, des crimes terroristes. Il y en avait une longue liste. Ils n'étaient pas tous des crimes désignés dans le Code criminel. Comme vous, nous avions adopté une attitude conservatrice.

[Traduction]

Nous nous sommes limités aux crimes graves, la plupart comportant un élément de violence, et inclus les agressions sexuelles.

Nous avons, de plus, tenu compte des situations où des substances corporelles pourraient être laissées, que ce soit par la victime ou la personne qui commet l'infraction. Ces infractions sont, pour la plupart, incluses dans la liste. Il y a quelques infractions qui ne peuvent pas vraiment être considérées comme étant violentes, comme les introductions par effraction. Toutefois, nous les avons incluses parce que la personne qui commet une introduction par effraction peut se couper quand elle entre ou qu'elle sort de la maison, ou encore laisser des indices qui permettront de l'identifier en l'absence d'autres preuves.

Un autre délit retenu correspond au fait de quitter le lieu d'un accident. Nous l'avons inclus en pensant aux personnes avec facultés affaiblies qui fuiraient le lieu d'un accident. En effet, des accusations criminelles pourraient être portées si des personnes étaient tuées ou gravement blessées dans cet accident. Du sang retrouvé sur le volant pourrait être la seule façon d'identifier génétiquement le chauffeur en état d'ébriété.

Ce sont les seules exceptions à la règle. Dans tous les autres cas, il s'agit de crimes violents.

Nous avons ensuite proposé l'établissement d'une banque de données génétiques. Nous avons utilisé la liste des infractions de 1995 pour dresser la liste des infractions primaires et la liste des infractions secondaires. Ce sont les mêmes infractions qui ont été départagées en fonction des modalités suivant la déclaration de culpabilité, à savoir si les informations seraient versées dans la banque de données ou s'il appartiendrait à la Couronne de demander qu'elles le soient. C'est essentiellement la même liste d'infractions divisée en deux.

Des modifications et des ajouts ont été faits à la liste par la Chambre des communes. Donc, la liste actuelle est quelque peu différente de celle que nous avons présentée ici en 1995.

Le sénateur Joyal: Nous aurons le loisir d'examiner cette liste plus tard. J'aimerais revenir à la question de l'accès des pays étrangers à la banque de données du Canada. Il faut examiner cette question importante de plus près; on ne peut simplement décider de donner accès à la banque à ceux avec qui nous conclurons une entente. Je crois qu'il faut aller plus loin parce que les gens doivent être protégés, surtout si les données restent intactes dans la banque pendant un an après le règlement du dossier. C'est donc dire que les gens qui voyagent à l'étranger peuvent faire l'objet d'une enquête un an après le règlement de l'affaire.

Pouvez-vous nous préciser avec quels pays nous allons conclure des ententes au sujet de l'accès à la banque de données nationale? Cette disposition aura beaucoup de répercussions pour les Canadiens qui voyagent à l'étranger, et nous savons que les systèmes judiciaires de nombreux pays ne sont pas aussi respectueux des droits de la personne que le nôtre.

M. DuBrule: Selon les dispositions sur la divulgation prévues dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, le pays doit donner l'assurance que les renseignements en question serviront uniquement aux fins pour lesquelles ils sont utilisés ici. Si, pour une raison quelconque, l'organisme responsable, en l'occurrence la GRC, estime que le service ou l'État étranger ne peut respecter cette exigence, l'information n'est pas divulguée.

Je vais revenir sur ce qui est divulgué. Le paragraphe 6(4) du projet de loi stipule que le commissaire peut communiquer un profil d'identification génétique. Les spécialistes de la question m'ont expliqué qu'on peut comparer ces informations aux codes à barres qui apparaît sur les produits d'épicerie. La combinaison de barres est le genre d'informations qui seraient envoyées à l'étranger pour comparaison. Si les informations se recoupaient, toutes les barres correspondraient.

Quand nous communiquons un profil d'identification génétique, nous n'envoyons pas de renseignements personnels. Nous n'indiquons pas le nom, ni d'autres renseignements personnels.

Le sénateur Joyal: Vous avez dit que c'est le commissaire de la GRC qui sera chargé de décider si le pays qui demande l'information est habilité à la recevoir.

M. DuBrule: Sa décision est au bout du compte soumise à l'approbation du solliciteur général, qui est le ministre responsable de la GRC. Cependant, dans la pratique, oui, ce sera le commissaire qui décidera s'il convient de faire affaire avec un pays donné, en se fondant sur les informations qui ont déjà été divulguées à ce pays. Dans le contexte du crime international, il est entendu que des renseignements personnels doivent être communiqués d'un pays à l'autre, et qu'ils doivent l'être conformément à certaines mesures de protection. Les forces policières sont bien conscientes de la nécessité de ces mesures.

[Français]

Le sénateur Pépin: Je veux simplement savoir si j'ai bien compris à propos de l'accès des données. Si quelqu'un demande de l'information, il n'obtiendrait pas de nom mais plutôt, par exemple, un numéro. Ensuite, vous compareriez ces données avec les autres pour voir si elles sont compatibles. Personne dans le système ne saurait que ces données appartiennent à telle ou telle personne?

Prenons le profil d'une personne qui a commis de petites infractions et non des crimes graves comme des homicides. Lorsque cette personne demande un pardon, nous effaçons les informations qui la concernent, mais par contre, dans le pays voisin, malgré l'obtention du pardon, l'offense n'est pas effacée. Il faut être certain que le nom de la personne ne sera pas définitivement rattaché aux données que vous allez envoyer.

Ma deuxième question concerne ce que vous dites à la page 5 de votre présentation, soit qu'il va y avoir des mécanismes en place qui garantiront que la banque de données sera utilisée de façon à maintenir un équilibre entre la protection de la vie privée et la protection de la vie publique. Pourriez-vous nous dire quels sont ces mécanismes?

Vous essayez de nous convaincre que c'est en raison d'un problème technique qu'on ne peut pas effacer les profils. Il est un peu difficile de croire qu'avec toutes les nouvelles techniques dont on dispose, on est incapable d'effacer le nom d'une personne.

M. Saada: Je vais passer la parole à M. Zigayer, mais je ferai auparavant une remarque: d'autres pays au monde ont une banque de données comparable à celle dont nous voudrions nous doter, comme par exemple la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Ces pays ont une banque de données similaire à celle que nous souhaitons monter. Ils ont accès à une technologie de pointe en la matière. Ils ne peuvent pas faire autrement que d'adopter des mesures similaires aux nôtres parce qu'ils ne peuvent pas les retirer complètement. Cela dit, je comprends que les choses peuvent changer. La loi va être repensée en conséquence.

Pour des réponses plus précises à la question sur les mécanismes, je vais passer la parole à M. Zigayer.

[Traduction]

M. Zigayer: Nous essayons d'assurer à la fois la protection des renseignements personnels et la protection du public.

[Français]

Le plus important instrument est le fait qu'il y a un juge qui décide si le profil génétique de la personne condamnée doit être entré dans la banque de données, dans la section des condamnés.

C'est un peu le point fort de notre système de mandat de perquisition ADN, contrairement à ce que nous a proposé la police, à savoir un système automatique où, comme avec les empreintes digitales, on pourrait prendre les empreintes génétiques. Au Canada, nous avons refusé de le faire, car nous croyions qu'il fallait une troisième personne, une personne indépendante, qui serait en mesure de décider s'il existe des motifs raisonnables pour émettre le mandat. Essentiellement, c'est la même chose à la suite d'une condamnation. Le juge a maintenant trouvé la personne coupable d'un crime désigné.

Si c'est un crime dans la catégorie primaire, le juge doit ordonner que cette personne se retrouve dans la banque de données. Cependant, on donne à la personne qui vient juste d'être condamnée la chance de convaincre le juge de ne pas l'y inclure.

Pour les «secondary designated offences», c'est à la discrétion de la Couronne de décider de demander au juge d'accorder cette ordonnance. Par exemple, les entrées par effraction sont dans la deuxième catégorie parce qu'il y a beaucoup de jeunes qui commettent ces crimes. Ce ne sont pas des crimes de violence. Est-ce que ce serait obligatoire? Peut-être pas. C'est au procureur de la Couronne de décider s'il devra en faire la demande. Par la suite, il appartient au juge de décider si cette personne devrait être incluse dans la banque de données.

[Traduction]

On peut comparer notre système à celui du Royaume-Uni où on relève le profil génétique et les empreintes digitales d'une personne au moment où elle est arrêtée et accusée d'une infraction désignée. Ces informations sont versées dans la banque nationale de données génétiques. Jusque là, aucun juge n'est intervenu. Le profil est versé dans la banque de données. Si la personne est acquittée ou que les accusations sont retirées, les informations restent dans la banque de données. Notre système ne fonctionne pas de cette façon.

Le sénateur Joyal: Ce pays n'a pas de charte.

Le sénateur Beaudoin: Il est assujetti à la charte européenne.

M. Zigayer: Pour assurer à la fois la protection des renseignements personnels et la protection du public, on a prévu de rendre le profil inaccessible à la suite d'un acquittement. Le profil génétique ne sera pas versé dans la banque de données s'il y a exclusion au moment de l'enquête. Si le profil d'une personne reconnue coupable est versé dans la banque, mais que sa condamnation est annulée par la suite, son profil sera retiré de la banque de données.

Le sénateur Pépin: Un an plus tard.

M. Zigayer: Pas un an plus tard si la déclaration de culpabilité est annulée. La période d'un an peut s'appliquer si la personne est absoute et qu'elle n'a pas été déclarée coupable d'aucune autre infraction au cours de cette année. Cette disposition figure ailleurs dans le Code criminel.

Le sénateur Pépin: Je parle d'une absolution inconditionnelle.

M. Zigayer: Les renseignements seraient rendus inaccessibles un an après une absolution inconditionnelle et trois ans après une absolution sous conditions.

Le sénateur Moore: Qu'arriverait-il si les accusations sont retirées?

M. Zigayer: Dans ce cas, les informations ne seraient pas versées dans la banque. Les accusations seraient retirées au moment de l'enquête.

Nous ne voulons pas faire comme les Britanniques. Vous allez peut-être entendre des témoins qui auraient préféré un autre système. Ces personnes voudraient que le projet de loi C-104 soit abrogé pour qu'on adopte un système semblable à celui qui existe au Royaume-Uni.

Nous tenons à protéger les droits de la personne.

La présidente: J'aimerais vous rappeler que nous avons prévu terminer la séance à 17 h 30, et je vous demanderais d'abréger certaines questions et réponses.

J'aimerais demander au sénateur Joyal de conclure à ce sujet et je passerai ensuite la parole à le sénateur Pépin.

Le sénateur Kinsella: Comme le temps est limité, j'aimerais invoquer le Règlement comme l'a fait le sénateur Joyal au début de la séance. Nous sommes heureux de recevoir le secrétaire parlementaire aujourd'hui, mais nous aurions aimé rencontrer le ministre. Nous aurions pu lui poser des questions sur les orientations du gouvernement. Il est certain que les questions d'ordre technique sont très importantes, et nous devons nous y arrêter, mais si nous n'examinons que les questions d'ordre technique, nous n'aurons pas l'occasion de poser nos questions sur les orientations du gouvernement. Je pense que c'est ce que voulait dire le sénateur Joyal au début de la séance. J'ai des questions à poser sur les orientations du gouvernement auxquelles seul le ministre peut répondre.

La présidente: Les autres sénateurs pourront peut-être en tenir compte par la suite.

Le sénateur Joyal: Si, pour une raison quelconque, un tribunal décide de retirer les accusations portées contre une personne, le profil génétique de cette personne reste-t-il dans la banque de données pendant au moins un an?

M. Zigayer: Cette information n'est pas versée dans la banque parce que la personne n'a pas été reconnue coupable.

M. DuBrule: Le profil d'une personne se trouvant sur le lieu d'un crime peut être répertorié sans identification parce que nous ne savons pas que les accusations portées contre cette personne dans une autre affaire ont été retirées. Si une personne n'est pas reconnue coupable, son profil n'est pas versé dans la banque de données.

Le sénateur Joyal: J'aimerais revenir là-dessus plus tard.

[Français]

Le sénateur Nolin: Monsieur Saada, je comprends de vos remarques préliminaires que vous aviez pris bonne note des observations que nous avons faites au ministre de la Défense nationale lorsqu'il est venu à ce comité à l'occasion de l'examen du projet de loi qui vise à réorganiser tout le processus de justice militaire. À cette occasion, nous lui avons demandé si, à son avis, les militaires sujets au système de justice pénal militaire étaient inclus dans les banques de données prévues par le projet de loi C-3. Nous n'avons pas obtenu de réponse à ce moment-là.

Je pense que la réponse n'existait pas.

Maintenant, je comprends de vos remarques préliminaires que le gouvernement serait prêt à examiner un amendement. Vous avez le choix; il y a trois lois devant nous en ce moment. Nous n'avons pas encore terminé l'étude du projet de loi C-25, qui vise à modifier le système de justice militaire. Je ne pense pas que les militaires veulent que nous utilisions le projet de loi C-25 pour atteindre l'objectif recherché.

Il nous reste encore le projet de loi C-3, de même que le projet de loi C-51, qui est une loi omnibus du Code criminel. Faites votre choix.

M. Saada: Mon choix sera simplement de m'assurer que le ministre soit au courant de ce choix.

Le sénateur Nolin: Je vous fais cette offre sachant que le ministre reviendra et que, par la suite, nous examinerons le projet de loi article par article. En prévision de la visite du ministre, soyez assez gentil de l'informer que nous vous offrons ce choix. C'est le projet de loi C-3 ou le projet de loi C-51; un des deux.

M. Saada: Ce que je peux vous dire, c'est que le solliciteur général sortant avait déjà clairement manifesté son intention de parler avec le ministre de la Défense nationale et, bien sûr, avec le ministre de la Justice pour voir quelle serait la meilleure façon de traiter cette question. Il est évident que dans les circonstances que nous connaissons, il m'est très difficile de vous garantir que quelqu'un ait eu le temps de voir quoi que ce soit à ce sujet. Il est indéniable -- et je dois vous le rappeler parce que c'est absolument clair dans l'esprit de tout le monde -- que les remarques que vous avez faites sont extrêmement utiles et pertinentes et qu'elles méritent d'être traitées.

Le sénateur Nolin: Plusieurs de mes questions ont déjà été abordées. Est-ce que je dois comprendre que la politique du gouvernement, dans l'élaboration du projet de loi C-3, est de tenter de maintenir l'équilibre entre les deux grands principes, c'est-à-dire la recherche d'une justice criminelle efficace et la protection de la vie privée? Lorsqu'on vous a questionné tout à l'heure -- et vous avez à quelques occasions fait référence au rôle du commissaire à la protection de la vie privée --, vous vous êtes référé à la loi constitutive du commissaire en disant que de toute façon, ce dernier a le pouvoir d'enquêter, d'examiner et de recommander.

Je crois comprendre -- et nous aurons l'occasion de le questionner à cet effet -- que le commissaire n'est pas tout à fait satisfait du pouvoir qui lui est donné en vertu de sa loi constitutive pour maintenir l'équilibre que vous et lui recherchez dans l'application du projet de loi C-3. Vous nous dites que vous recherchez cet équilibre et que vous reconnaissez le rôle du commissaire quant au maintien de la protection de la vie privée. Si on en venait à la conclusion, après avoir questionné le commissaire, qu'il serait nécessaire qu'il ait des pouvoirs additionnels pour assurer l'équilibre entre ces deux grands principes, vous n'auriez rien contre, comme gouvernement, à ce qu'on amende le projet de loi C-3 pour assurer le maintien de cet équilibre?

M. Saada: Je crois que le sénateur Kinsella a fait une excellente remarque il y a quelques minutes. Sans vouloir me prononcer sur la substance de la réponse que vous attendez, j'aimerais simplement vous rappeler que toute mesure qui reporterait la mise en oeuvre de ce projet de loi, à mon avis, devrait être pesée quand on parle d'amendement. Parle-t-on d'amendement? Parle-t-on d'une politique qui peut être accommodée par d'autres voies que celle d'un amendement? Ce sont des choses auxquelles je ne suis pas en mesure de répondre. Ce sont peut-être des questions qui pourraient être pertinemment posées, d'une part au commissaire, mais aussi au ministre.

Pour l'instant, je désire seulement vous rappeler que j'ai extrêmement peur. Je ne veux pas perdre de vue le fait que d'ores et déjà, la mise en oeuvre d'une telle banque de données prendra environ 18 mois, seulement par les mesures pratiques concrètes qu'il faudra adopter pour qu'elle soit opérationnelle. Tout amendement ajouterait un certain délai. Bien sûr, et dans le respect le plus profond de la possibilité qu'a le Sénat de proposer ces amendements, je voulais quand même attirer votre attention sur les conséquences d'un amendement.

Le sénateur Nolin: Vous me permettrez de ne pas commenter votre réponse. Ce sera à nous de décider si nous introduisons des amendements. Nous sommes fort conscients des retards que peut impliquer l'adoption d'un amendement, et cela fait partie de nos considérations lorsque nous décidons d'en proposer un.

Plusieurs de mes collègues ont soulevé l'importance du contrôle de l'accès aux informations personnelles. Le projet de loi C-3 renferme des sanctions, entre autres à l'article 11. S'il s'agit d'un acte criminel, c'est deux ans d'emprisonnement maximum. Si, par contre, il s'agit d'une infraction sommaire, c'est 2000 $ d'amende ou six mois d'emprisonnement. J'aimerais savoir quel est le raisonnement politique derrière une sanction si faible?

[Traduction]

M. Zigayer: Il faudrait en fait poser la question au ministre.

Le sénateur Nolin: Je la lui poserai. Ce qui me préoccupe c'est qu'il n'y a pas d'élément dissuasif.

Cette infraction est-elle comparable à un vol?

M. Zigayer: Il y a un autre facteur à prendre en considération. Ceux qui sont reconnus coupables au terme de cette disposition trahissent la confiance. Les tribunaux vont probablement leur infliger une peine assez sévère même s'il s'agit d'une première infraction. Les personnes visées travaillent à la Gendarmerie royale du Canada. Ils vont perdre leur emploi. Ce n'est pas une infraction négligeable.

Il y a d'autres facteurs à considérer outre ce qui figure dans la disposition.

Vous avez soulevé des questions que vous voudrez peut-être discuter avec le ministre. Cela justifierait sûrement une peine de moins de cinq ans, peut-être cinq ans moins un jour. Si la peine était de cinq ans, l'accusé aurait le droit absolu à un procès devant jury.

Il y a un examen général de la durée des peines prévu dans le Code criminel. En général, les sentences sont réduites. Il serait opportun d'examiner cette question en fonction des grandes orientations gouvernementales.

[Français]

Le sénateur Nolin: Nous aurons cette discussion avec le ministre, mais vous conviendrez qu'on ne veut pas en venir à l'application de l'article 11.

M. Zigayer: Absolument.

Le sénateur Nolin: Lorsqu'on examine, avec toutes les protections qui ont été mises en place en matière d'impôt sur le revenu -- le commissaire à la vie privée a répertorié une vingtaine d'infractions -- on ne veut pas que cela se produise. Que doit-on inclure, dans un projet de loi comme le projet de loi C-3, pour s'assurer que cela ne se produise pas? C'est sûr que l'article 11, qui renferme les peines, ne constitue qu'un aspect. Personnellement, je voudrais voir le rôle du commissaire à la vie privée mentionné partout dans ce projet de loi, et pas seulement pour l'application de la banque.

Je reconnais au commissaire à la GRC toute l'autorité, tout le pouvoir, toute la compétence, toute la capacité, tous les budgets, pour effectuer la mise en place de cette banque. Cependant, je souhaiterais que le commissaire à protection de la vie privée puisse avoir un droit de regard en tout temps.

Nous parlions plus tôt des pays étrangers. J'aimerais que le commissaire à protection de la vie privée soit en mesure de s'assurer que le traitement que nous donnons aux Canadiens, nous le retrouvions dans les pays avec qui nous allons signer ces ententes, pas uniquement au moment où nous signerons ces ententes, mais aussi par la suite.

Je veux que la justice criminelle soit efficace. Nous le voulons tous. Mais nous voulons aussi que l'autre grand principe, qui est la protection de la vie privée, soit respecté. C'est un peu pour cela que j'ai identifié la question de la peine, qui m'apparaît faible, mais nous aurons le loisir d'en discuter avec le ministre parce que cela semble être une question de politique importante.

Lorsque la banque sera en place, avez-vous l'intention d'établir un lien statistique entre tel type d'infraction et tel type de profil? Pour ne pas rendre cela trop compliqué, on peut utiliser un exemple fourni par la liste primaire, soit celui du contact sexuel, à l'article 151. Le gouvernement a-t-il l'intention de rechercher une sorte de parallélisme entre ceux qui auront commis l'infraction identifiée à l'article 151 du Code criminel?

M. Saada: La réponse est non. Je pense que votre question est tellement pertinente qu'en fait, sans que vous l'ayez dit, l'utilisation pourrait être telle qu'il serait possible de retrouver des thèses qu'on a déplorées dans le passé.

Le sénateur Nolin: Exactement. Et on ne voudrait pas que cela se produise au Canada. Nous allons tout faire pour nous assurer -- il ne faut pas seulement le dire -- qu'il y ait des mesures dans nos lois pour nous empêcher d'y penser plus tard.

Mme Aloisi: Lorsque vous poserez des questions plus tard aux membres de la GRC, vous pouvez peut-être leur demander ce qui sera contenu dans ce profil génétique. Je crois comprendre que ce sera seulement ce qui identifie la personne et rien d'autre.

Le sénateur Nolin: Pas l'infraction commise par la personne?

Mme Aloisi: Non.

Le sénateur Nolin: C'est le commencement de la troisième liste.

Mme Aloisi: Il n'y a rien d'autre. Ce profil génétique ne va pas contenir des éléments qui, par exemple, représentent votre patrimoine génétique. Tout ce que contiendra ce profil génétique, c'est ce qui vous identifie en tant que sénateur Nolin. C'est un exemple, bien sûr. D'après ce que je peux comprendre, la GRC a l'intention d'utiliser treize de ce qu'ils appellent en latin loci, 13 parties de cette bande génétique qui est très longue et très courte dans ce profil génétique qui vous identifie. Rien d'autre. Vous pourriez peut-être demander ces précisions plus tard.

[Traduction]

Le sénateur Moore: J'aimerais parler du paragraphe 10(7), à la page 7, qui stipule en anglais:

The Commissioner shall nervertheless destroy the stored bodily substances of a person without delay

Qu'est-ce qu'on veut dire par «without delay»? Qui prend la décision et pourquoi n'a-t-on pas déterminé le délai? Il s'agit d'une science tellement précise que je me demande pourquoi le délai n'est pas précisé pour que l'on sache avec certitude ce qui doit se passer quand certaines conditions sont réunies, et cela dans quel délai précis.

M. Zigayer: Cette expression signifie immédiatement. Il faut agir immédiatement, sans retard déraisonnable. Il y a obligation d'agir.

Le sénateur Moore: Faut-il agir le jour même?

M. Zigayer: Il y a une différence entre les versions anglaise et française. Dans la version française, on précise qu'il faut agir dès qu'une situation survient.

Le sénateur Joyal: Je ne veux pas contredire le témoin, madame la présidente, mais l'expression anglaise a son équivalent en français.

La présidente: Nous pouvons peut-être discuter du libellé plus tard.

Le sénateur Moore: Le paragraphe 10(7) stipule que les substances corporelles seront détruites sans délai:

a) dès l'annulation de la déclaration de culpabilité et la consignation du verdict d'acquittement définitif, dans le cas où la personne dont elles proviennent a été déclarée coupable d'une infraction désignée;

Pourtant, le paragraphe 10(8), à la page suivante, indique que:

[...] dans le cas où elles proviennent d'une personne ayant bénéficié de réhabilitation. [...] les substances corporelles entreposées doivent être conservées à part

Quelle est la différence? On parle d'une personne qui a bénéficié d'une réhabilitation telle qu'elle est définie à l'article 2 de la Loi sur le casier judiciaire que j'ai ici avec moi, et selon lequel la «réhabilitation» désigne la réhabilitation octroyée ou délivrée par suite de la décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles visée à l'article 4.1, et s'appliquant à une personne reconnue coupable d'un acte criminel.

Si une personne est reconnue coupable, pourquoi les substances sont-elles conservées à part dans le cas où elle bénéficierait d'une réhabilitation? N'est-ce pas la même chose qu'une déclaration de culpabilité annulée ou un verdict d'acquittement définitif consigné? Il y a eu verdict de culpabilité et ensuite, sur présentation d'une demande, la Commission des libérations conditionnelles a octroyé une réhabilitation. Pourquoi conserver les substances à part?

M. DuBrule: Cette disposition s'inspire de ce qui est prévu dans la Loi sur le casier judiciaire pour tous les autres renseignements concernant un délinquant. Quand un délinquant est réhabilité, ces informations sont conservées à part et ne peuvent être accessibles qu'avec l'approbation du solliciteur général. Cette disposition vise à ce que les informations génétiques soient traitées de la même manière.

Le sénateur Moore: Par souci de cohérence.

M. DuBrule: Et pour s'assurer que l'information relative à quelqu'un qui a bénéficié d'une réhabilitation est conservée à part. Selon la Loi sur le casier judiciaire, on peut consulter cette information avec une autorisation spéciale.

Le sénateur Moore: Qu'advient-il des échantillons à la mort d'un délinquant reconnu coupable? Je ne vois rien dans la loi sur le sujet. Ai-je mal lu?

M. DuBrule: Il en est question au paragraphe 9(6), à la page 7, qui stipule que le commissaire peut détruire les substances corporelles lorsqu'il estime qu'elles ne sont plus nécessaires pour analyse génétique. Si une personne est morte il y a 19 ans, on pourra considérer qu'il vaut mieux les détruire.

Le sénateur Moore: Je pensais que c'était prévu au paragraphe 10(7) et qu'elles seraient détruites dans un délai prescrit. Pourquoi les conserver?

M. DuBrule: Elles peuvent servir à expliquer des crimes précédents, même si la personne est morte. On peut encore élucider des crimes que cette personne peut avoir commis. On ne les résout peut-être pas mais on peut identifier le coupable.

Le sénateur Bryden: J'aimerais faire une observation et poser deux brèves questions sur les orientations. Je suis d'accord avec ce que le sénateur Kinsella a dit à ce sujet. Le comité doit être conscient que nous examinons des systèmes qui sont bien différents de ceux prévus dans le projet de loi C-25.

Il s'agit d'une situation où les contrôles du système judiciaires sont à la disposition des gens qui peuvent s'estimer lésés ou trompés. Le système indique clairement ce qu'est un «retard déraisonnable». La jurisprudence a permis d'interpréter ces mots. Si les accusations sont retirées, le profil génétique est détruit. On peut se demander qui va vérifier s'il est bien détruit. Dans notre système, les tribunaux vont le vérifier.

Si je veux savoir si mon profil génétique a été détruit, comme l'habeas corpus, je vais exiger de voir l'échantillon ou qu'on me prouve qu'il a été détruit.

On ne peut pas toujours demander à un tiers de venir refaire ce qui a été prévu dans notre système.

Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de verser l'échantillon dans la banque au moment de la déclaration de culpabilité et non au moment de l'arrestation?

M. Saada: Je vais commencer à vous répondre et laisser mes collègues poursuivre. On a consulté d'éminents juges de trois provinces -- Colombie-Britannique, Ontario et Québec -- pour vérifier la validité du projet de loi par rapport à la Charte. Les trois étaient du même avis. Si les substances corporelles étaient répertoriées au moment de l'arrestation, il est fort probable que cette disposition de la loi pourrait être contestée avec succès devant les tribunaux conformément à la Charte. Mes collègues voudront peut-être fournir d'autres explications mais, essentiellement, comme on dit en français:

[Français]

Le mieux est peut-être l'ennemi du bien.

[Traduction]

M. DuBrule: Le ministère de la Justice a longuement examiné la possibilité de prélever l'échantillon au moment de l'arrestation plutôt qu'au moment de la déclaration de culpabilité. On a déterminé que, si l'échantillon était prélevé au moment de l'arrestation, le projet de loi serait compromis et probablement contestable avec succès devant les tribunaux.

Compte tenu des vives préoccupations exprimées par l'Association canadienne des policiers, par exemple, on a décidé de demander l'avis de juges, qui ont tous été du même avis à ce sujet. Dans ce cas, la décision n'a pas été prise à la légère.

Le sénateur Bryden: J'imagine que des représentants de l'Association canadienne des policiers comparaîtront devant nous.

Dans le cas des criminels reconnus coupables d'une infraction primaire, qui ont purgé leur peine, ont bénéficié d'un programme de mise en liberté et ont payé leur dette envers la société, leur profil demeure dans la banque indéfiniment. Pourquoi en a-t-on décidé ainsi?

M. DuBrule: Je le répète, cela correspond aux dispositions de la Loi sur le casier judiciaire. On conserve tous les renseignements concernant le contrevenant. Si le contrevenant a bénéficié d'une réhabilitation, tous les renseignements, y compris ceux qui se trouvent dans la banque de données, seront conservés à part. Ces personnes, qui ont commis un crime, restent assujetties au régime prévu dans la Loi sur le casier judiciaire et dans le présent projet de loi et l'information qui les concerne est conservée.

Le sénateur Bryden: Quelqu'un s'est-il déjà demandé si une poursuite en vertu de la Charte des droits et libertés risque d'être intentée à cet égard?

M. Zigayer: La réponse est non. L'objectif était de créer une banque de données comparable à celle des empreintes digitales maintenue par la GRC dans le réseau informatique qui donne aux agents de police un accès à des banques de données -- le CIPC.

Nous n'avons pas examiné de près la possibilité de poursuites en vertu de la charte. Il s'agissait plutôt de savoir s'il était possible d'obtenir l'information dans un premier temps, de la verser dans un fichier et ce, à l'égard de quelles infractions. Des mesures de protection de la vie privée et d'autres facteurs étaient aussi un point à considérer.

Il s'agissait de créer une banque de données apparentée à celle des empreintes digitales, qui nous permettrait d'utiliser l'information qui s'y trouve comme moyen auxiliaire d'enquête dans la solution de crimes passés ou futurs. Je serais prêt à parier que les tribunaux considéreront qu'il s'agit là d'une mesure législative raisonnable dans une société libre et démocratique.

Le sénateur Bryden: Lorsqu'un crime est commis dans une région, les premières personnes à faire l'objet d'une enquête sont celles qui ont déjà été déclarées coupables d'une infraction. Je me demande simplement s'il s'agit d'un outil approprié.

Je ne dis pas que ça ne l'est pas, mais il faudrait y réfléchir parce qu'il s'agit simplement d'un autre moyen auxiliaire mis à la disposition des agents de police.

M. Zigayer: Dans ce cas, c'est en fait tout à l'avantage du «suspect habituel» qui a déjà été déclaré coupable d'une infraction, vu que, en comparant le profil d'identification génétique prélevé sur la scène du crime à l'information qui se trouve dans la banque de données, on exclurait alors tous ces suspects habituels. Le service de police ne ferait pas enquête à leur sujet. Il concentrerait plutôt ses efforts et ses ressources à enquêter sur quelqu'un d'autre.

Le sénateur Kinsella: Monsieur Saada, pourriez-vous expliquer la politique du gouvernement à cet égard? À la lecture du projet de loi C-3, je comprends que le ministère du Solliciteur général créera la banque et que le commissaire de la GRC aura la lourde responsabilité de l'administrer.

Il ressort donc que le commissaire de la GRC, devra être beaucoup plus indépendant. Le gouvernement a déposé le projet C-44 qui prévoit que le commissaire de la GRC, qui occupe à l'heure actuelle son poste à titre inamovible, sera nommé à titre amovible. Un fonctionnaire qui occupe un poste à titre inamovible arrive mieux à se protéger contre l'ingérence que celui qui est nommé à titre amovible.

Pourquoi ce changement, étant donné un projet de loi qui exige une incroyable indépendance de la part du commissaire de la GRC?

M. Saada: Vous faites allusion au projet de loi C-44. Il vaudrait mieux poser la question au parrain du bill, qui se trouve être le président du Conseil du Trésor. Cependant, je ne crois pas que cela ait quelque chose à voir avec la méfiance à l'égard de ceux dont la tâche consiste à faire respecter la loi. Je ne crois pas qu'il y ait un lien entre les réserves que vous exprimez au sujet du projet de loi C-44 et le fait que le solliciteur général soit convaincu que le commissaire respectera la loi.

Le sénateur Kinsella: Madame la présidente, avec votre respect, le gouvernement a déposé des mesures législatives. Il me semble qu'il incombe aux honorables sénateurs de comprendre ce qu'est la politique gouvernementale. C'est la raison pour laquelle il est important que les ministres qui se font les porte-parole du gouvernement en donnent une explication. Nous devons connaître la politique gouvernementale à ce sujet vu qu'il s'agit, selon moi, d'un changement majeur.

Dans quelle mesure le gouvernement s'engage-t-il à financer la banque de données génétiques et quelles sommes a-t-il prévu pour sa création? Combien cela coûtera-t-il?

M. Saada: Je suis convaincu que, étant donné votre expérience, sénateur, vous ne vous attendez pas à ce que je vous révèle des secrets budgétaires. Le budget sera publié en février.

De toute évidence, on a pris dûment en considération le financement de cette banque. Quant aux détails, vous comprendrez qu'il nous faut attendre jusqu'au dépôt du budget.

Le sénateur Kinsella: Lorsque la mesure législative portant sur l'enregistrement des armes à feu a été déposée, on nous a donné une idée du budget et nous savons tous qu'un budget c'est des prévisions. Les dépenses se chiffrent maintenant à 141 millions de dollars ce qui est de loin supérieur à ce qui avait été prévu.

Madame la présidente, on pourrait peut-être nous donner une idée du coût de cette banque.

La présidente: Il vaudrait peut-être mieux poser cette question au leader du gouvernement au Sénat. Nous sommes ici pour étudier la teneur du projet de loi plutôt que les considérations budgétaires qui l'entourent.

Le sénateur Kinsella: Le paragraphe 10(2) du projet de loi dispose que:

L'analyse génétique des substances corporelles ainsi entreposées peut être effectuée lorsque le commissaire estime qu'elle est justifiée en raison des progrès techniques importants intervenus depuis que le profil d'identification génétique de la personne qui a fourni les substances ou sur qui elles ont été prélevées à été établi pour la dernière fois.

J'ai l'impression qu'on fait ici allusion aux futurs développements technologiques. C'est comme si on demandait un chèque en blanc et déclarait qu'on ne s'en remettra pas à un règlement mais à un fonctionnaire pour évaluer ces progrès. Pourquoi recourir à cette disposition plutôt qu'à un règlement?

M. Saada: J'aimerais revenir à la question du financement. À moins d'avoir mal compris, la première question du sénateur portait sur le budget. Quant à la deuxième, elle se rapportait à une évaluation des coûts de mise en oeuvre d'une telle banque. Je crois qu'il s'agit de deux choses différentes et bien que je ne puisse répondre à la première, je peux vous dire que la mise en oeuvre de cette banque se chiffrerait à environ 5 millions de dollars.

Le sénateur Kinsella: Est-ce que cela englobe uniquement les dépenses en capital ou les coûts de fonctionnement de la première année?

Mme Aloisi: Les frais de démarrage atteindront environ 3 millions de dollars et nous prévoyons cinq millions de dollars par année pour son fonctionnement.

Le sénateur Kinsella: Puisera-t-on dans les ressources de la GRC pour administrer cette banque ou disposera-t-on de nouvelles ressources?

Mme Aloisi: La question est à l'étude. Comme l'a dit M. Saada, c'est une question qui a trait au budget.

Le sénateur Kinsella: Y a-t-il une possibilité que le budget de fonctionnement de la GRC soit utilisé pour la mise sur pied de cette banque, ce qui signifierait qu'on ne pourrait utiliser ces ressources pour les activités existantes?

M. Saada: Sénateur, avec tout le respect que je vous dois, je crois que vous essayez de poser la même question de deux ou trois façons différentes en ce qui a trait au budget et je ne peux absolument pas répondre à votre question.

[Français]

Le sénateur Joyal: Je voudrais revenir à l'article 22 du projet de loi. Comment conciliez-vous cet article 22 du projet de loi, qui amende l'article 487.09 du Code criminel, avec l'article 10.7, compte tenu de la question que je vous ai posée tantôt? Je lis l'article 487.09(c):

[Traduction]

c) un an après les faits suivants --

ii) le rejet de la dénonciation relative à l'infraction désignée ou à toute autre infraction qui découle de la même affaire autrement que par acquittement, ou son retrait,

[Français]

Je reviens à la question du retrait des charges dont on a parlé tantôt. Je n'arrive pas à faire la concordance entre les dispositions de l'article 487.09 amendées par l'article 22, et le paragraphe 17 du projet de loi, à propos de l'année à l'intérieur de laquelle les échantillons seront détruits dans le cas de retrait des charges.

M. Saada: J'aimerais passer la parole à M. Zigayer.

[Traduction]

Il se fait tard et ces témoins reviendront probablement nous rencontrer. Comme il s'agit d'une question assez complexe qui exige un peu de lecture et de vérification de concordance, ils pourraient peut-être y réfléchir et répondre à notre question lorsqu'ils comparaîtront de nouveau.

La présidente: C'est un très bon point et je suis convaincu que les hauts fonctionnaires auront une réponse lorsqu'ils reviendront.

Le sénateur Grafstein: Je vais aussi remettre aux témoins mes questions et les laisser me répondre lorsqu'ils trouveront le moment mieux choisi. C'est assez complexe, mais je vais essayer de simplifier la chose.

Je m'inquiète au sujet du principe de l'établissement d'un système dont la sécurité est assurée par le secteur privé où il n'y aura aucune atteinte à la vie privée. Je trouve la structure du projet de loi curieuse. Par exemple, l'échantillon est remis à un organisme canadien d'application de la loi. Le projet de loi dispose que le commissaire le confie à un laboratoire qu'il estime indiqué. Aucune définition n'est donnée de l'expression «laboratoire désigné», de sorte que l'échantillon quitte la protection de l'organisme fédéral chargé des enquêtes criminelles, ou le corps policier fédéral ou provincial, pour être confié à un laboratoire que le commissaire estime indiqué. Cependant, ce laboratoire ne dispose pas nécessairement des mêmes protections en matière de responsabilité. Je dis cela comme s'il s'agissait d'une proposition.

Le personnel du laboratoire peut aussi utiliser l'échantillon à des fins de formation. Cependant, à l'article 6 le projet de loi dispose qu'il est interdit, sauf pour l'application de la présente loi, d'utiliser ou de laisser utiliser un profil d'identification génétique reçu pour dépôt à la banque de données. Plus avant dans le texte, plutôt que d'utiliser ces mots généraux, on dit:

[...] aux fins d'une enquête ou d'une poursuite relative à une infraction criminelle.

Il semble y avoir une différence dans le libellé, mais il y a peut-être une raison à cela.

Enfin, l'article 8 dispose ce qui suit:

Le destinataire de l'information communiquée en application du paragraphe 6(10) [...]

C'est-à-dire l'organisme d'application de la loi ou le laboratoire.

[...] ne peut l'utiliser que conformément à ce paragraphe ou cet article.

Ce qui manque c'est la personne ou les personnes qui, en vertu d'un accord, peuvent avoir accès à cette information. Il semble y avoir une lacune dans le mécanisme réglementaire.

Pour revenir au point soulevé plus tôt par le sénateur Joyal, la seule façon d'être sûr que ce profil d'identification génétique ne sera pas utilisé de façon inappropriée en dehors de notre compétence, c'est en concluant l'entente prévue aux paragraphes (3), (4) et (5). Il ne semble pas y avoir d'autre façon de pouvoir tenir responsables des personnes qui abusent du profil d'identification génétique à l'extérieur de nos frontières.

C'est une question assez complexe et j'informe les témoins qu'il y en aura beaucoup d'autres. Ils auront ainsi la chance de pénétrer nos pensées. Comment mettons-nous en place un système de justification des décisions sans défaillance qui permet d'assurer qu'il n'y a pas d'atteinte à la vie privée?

La présidente: Je vous remercie d'avoir comparu devant le comité. Nous venons de passer au travers d'une séance longue et complexe. Vous avez été avertis qu'il y en aura d'autres.

La séance est levée.


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