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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 71 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 3 juin 1999

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-17, Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes, se réunit ce jour à 11 heures pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous avons le quorum.

Nous accueillons aujourd'hui comme témoin l'inspecteur Glenn Woods, officier responsable de la Sous-direction des services spéciaux et des sciences du comportement, Installation des opérations techniques et des missions de protection de la Gendarmerie royale du Canada.

Bienvenue, inspecteur Woods. La parole est à vous.

L'inspecteur Glenn Woods, officier responsable, Sous-direction des services spéciaux et des sciences du comportement, Installation des opérations techniques et des missions de protection, Gendarmerie royale du Canada: J'apprécie l'occasion qui m'est donnée de vous entretenir ce matin à propos de ce sujet important.

À titre d'agent responsable de la Sous-direction des services spéciaux et des sciences du comportement de la Gendarmerie royale du Canada, mes domaines de responsabilité englobent l'établissement de profils criminels, l'établissement de profils géographiques, le système d'analyse des liens entre les crimes de violence, mieux connu sous le sigle SALCV, le système de contrôle de la sincérité, qui est une analyse des déclarations faites au détecteur de mensonges, et la section des analyses audiovisuelles.

Je suis agent de police depuis 27 ans et je me suis occupé d'un certain nombre de fonctions, dont les tâches générales, la lutte antidrogue, les crimes graves, le crime organisé et le Programme de protection des témoins. Je travaille depuis 1995 à l'établissement des profils criminels et à l'analyse des comportements. Durant mes années de service, en particulier au cours des quatre ou cinq dernières années, j'ai été exposé à un certain nombre de cas de harcèlement criminel et j'y ai travaillé. Actuellement, je fournis de l'aide aux enquêteurs dans les cas de harcèlement criminel en effectuant des évaluations des menaces et en émettant une opinion relative à la violence anticipée. En outre, je fournis des profils des caractéristiques et des traits personnels des délinquants non connus.

Des typages de harceleurs ont été élaborés pour la répression criminelle. Les trois dimensions de leur classification sont le lien entre le harceleur et la cible, la santé mentale et la probabilité d'apparition de la violence.

Un certain nombre d'autres classifications ont été réalisées. Toutefois, une seule a été validée par des recherches empiriques. Pour la séance d'aujourd'hui, j'utiliserai les typages mis au point par le service de police de Los Angeles pour illustrer les points que je souhaite porter à votre attention.

Les trois types de harceleurs sont généralement appelés les érotomaniaques, les nymphomanes et les personnes obsessives. Il ne s'agit pas forcément de criminels typiques et il y a souvent des gens de tous les horizons.

Dans les cas d'érotomanie, les suspects fantasmeurs croient à tort qu'ils sont aimés par une autre personne, en général quelqu'un d'une condition supérieure. Les gens souffrant de ce trouble s'efforcent souvent de communiquer avec l'objet de leur fantasme. Cette personne est habituellement soit une personne de classe et de statut socioéconomique plus élevé, soit une personnalité inaccessible.

L'érotomanie est un trouble hallucinatoire classé dans le Manuel diagnostique et statistique utilisé par les psychiatres. Les cas d'érotomanie sont très rares. Dans ces situations, il n'y a pas de relation antérieure entre la victime et l'agresseur. Souvent, ces situations se prolongent et durent des mois ou des années et non des jours ou des semaines. Elles peuvent débuter par des rencontres anodines entre les deux personnes, souvent ignorées de la cible du harceleur. Ces cas représentent 5 à 7 p. 100 de l'ensemble des cas de harcèlement criminel.

Le second type, les nymphomanes, implique des situations dans lesquelles il n'existait aucune relation antérieure entre le suspect et la victime. Ce groupe ressemble aux érotomaniaques. Le sujet ne connaît presque jamais la victime, sauf par les médias. Dans ce groupe, certains entretiennent le fantasme que leur victime les aime.

Cependant, si ce fantasme érotomaniaque n'en est qu'un parmi plusieurs fantasmes et symptômes psychiatriques, et si le sujet a fait l'objet d'un diagnostic psychiatrique primaire, alors il tombe dans la catégorie des harceleurs nymphomanes. Il y a une différence très mince, que l'on peut habituellement déterminer lors d'une évaluation par un psychiatre médico-légal qualifié.

D'autres membres de ce groupe sont obsédés par leur amour sans croire que la victime les aime. Dans les cas de nymphomanie, il n'y a pas non plus de relation antérieure entre la cible et le harceleur, qui ne se connaissent habituellement pas. Avec ce genre de harceleurs, on rencontre habituellement d'autres troubles hallucinatoires.

Comme pour le type précédent, la situation dure longtemps, des mois ou des années. Les suspects sont surtout des hommes. Ce type englobe environ 10 p. 100 des cas de harcèlement criminel.

Le troisième et dernier type est appelé les «personnes obsessives». Il existe une forme de connaissance ou de relation antérieure entre le sujet et la victime. Cette relation antérieure est de nature variable, que ce soit un client, une connaissance personnelle, un voisin, une connaissance professionnelle, un petit ami ou une petite amie, un amant ou une amante.

Dans tous ces cas, les activités obsessionnelles commencent après que la relation a tourné au vinaigre, ou bien après que le sujet a eu l'impression d'être mal traité. Habituellement, le sujet commence alors une campagne visant soit à remédier à la situation, soit à rechercher une forme quelconque de justice vengeresse.

Il existe une relation entre la cible et le harceleur, qui peut aller d'une relation intime à une relation platonique non intime. Par exemple, ces cas résultent souvent du rejet d'une avance par une collègue de travail.

Les cas d'obsession durent moins longtemps, en termes relatifs. Ils peuvent durer des semaines ou des mois, mais assurément pas aussi longtemps que les deux types précédents. Ces situations sont très explosives et ces prédateurs traqueurs sont beaucoup plus violents et dangereux que les deux autres types.

Souvent, on constate un degré élevé de toxicomanie ou de troubles de la personnalité. Toutefois, il est moins vraisemblable que le suspect aura des troubles mentaux graves et, par conséquent, il peut mieux apprécier les limites qui seront inévitablement érigées par le système judiciaire. Ces types sont les plus communs et représentent 80 à 85 p. 100 de tous les cas de harcèlement criminel.

Par définition, les trois types sont obsessionnels dans leur déroulement.

À l'intérieur de chacun de ces trois sous-types, il existe des profils, des motivations et un comportement menaçant différents pour la victime et le suspect. Si le personnel chargé de la répression criminelle veut réussir à gérer un cas de harcèlement criminel et à intervenir, il doit tout d'abord faire une évaluation précise du type de profil du harceleur concerné.

La même chose s'applique aux tribunaux, car ils doivent également bénéficier d'une évaluation précise afin de prendre les bonnes décisions concernant les sentences.

Je suis très favorable aux modifications contenues dans le projet de loi S-17 concernant l'augmentation des peines. Il ne fait aucun doute qu'elles permettront aux tribunaux de rendre des sentences plus sévères sur les cas graves de harcèlement criminel et sur d'autres délits connexes, le cas échéant.

Je ne sais pas en quoi cela améliorera forcément la situation étant donné que, souvent, les tribunaux ne profitent pas de la peine maximale en vigueur. En particulier, je suis en faveur de l'inclusion du harcèlement criminel à l'alinéa 753.1(2)a) du Code criminel. Ce genre de crime cadre parfaitement pour figurer à l'article où les délinquants peuvent être désignés comme des délinquants à long terme, étant donné la nature du crime.

Tout comme la plupart des agents de police, je suis un partisan du renforcement des peines pour les personnes reconnues coupables de crimes violents, dont les délits de harcèlement criminel, en particulier lorsqu'il s'agit de récidivistes ou de personnes qui n'ont démontré aucun remords ou pour lesquelles on ne peut raisonnablement pas s'attendre à une réadaptation réussie.

Tel qu'illustré dans l'aperçu rapide des typages de harceleurs, un pourcentage relativement faible des harceleurs souffrent à des degrés divers de maladies mentales qui exigeraient un traitement immédiat et soutenu et non une incarcération. Sans traitement, ces délinquants continueront à agir de cette façon, indépendamment de la durée de leur incarcération.

Il ne fait aucun doute que toutes les personnes concernées s'en trouveraient mieux si les délinquants qui entrent dans cette catégorie étaient obligés de participer au traitement approprié dans un environnement strictement contrôlé, au lieu d'être simplement incarcérés et ensuite relâchés pour recommencer leurs délits.

Toutefois, la principale préoccupation devrait toujours être la sécurité des victimes et du public en général. Par conséquent, si des délinquants ayant des troubles mentaux ne peuvent pas recevoir le traitement nécessaire, ou ne peuvent pas être traités avec succès, alors ils devraient rester dans un établissement aussi longtemps que possible au lieu d'être relâchés dans la rue pour continuer à terroriser leurs victimes. Le sujet que j'aimerais voir aborder dans ce projet de loi, ce sont des options que les tribunaux pourraient prendre en considération à l'étape de l'imposition de la peine.

Dans l'ensemble, je préférerais que l'on adopte une approche plus pragmatique lors de la rédaction et de la modification de lois de cette nature. Étant donné la nature répétitive de ce crime, il faudrait mettre l'accent sur les récidivistes, ainsi que sur les délits commis pendant qu'un délinquant est sous le coup d'une ordonnance du tribunal.

Voici quelques exemples du contenu des dispositions sur la détermination de la peine dans certaines instances aux États-Unis. Un document vous a été remis et il vous donne plus de détails, mais je vais aborder brièvement quelques-unes de ces dispositions.

Le premier est un programme de traitement psychologique et psychiatrique ordonné au besoin par le tribunal. Dans les cas de jugements par procédure sommaire, les conditions obligatoires de probation devraient inclure un programme de traitement psychiatrique sous surveillance, le cas échéant. Dans de telles situations, la probation ne pourrait être respectée que lorsque le programme de traitement serait achevé avec succès, sinon les suspects seraient considérés en contravention de l'ordonnance de probation et devraient comparaître à nouveau devant le juge pour se voir imposer la peine maximale.

Il existe une peine minimale obligatoire pour les suspects qui enfreignent ces lois lorsqu'il y a une ordonnance temporaire de non-communication, des injonctions ou toute autre ordonnance du tribunal interdisant en fait le comportement énoncé dans ce délit. Les tribunaux ne sont pas en mesure de surseoir à l'imposition d'une sentence à une personne qui est reconnue coupable de harcèlement criminel pour une deuxième fois ou qui a des condamnations antérieures pour des délits semblables.

Des peines plus élevées en cas de récidive ou d'utilisation d'armes, des déclarations sur les répercussions sur la victime à l'étape de l'imposition de la peine et une évaluation obligatoire de la santé mentale par un professionnel indépendant, ordonnée par le tribunal pour connaître le besoin de traitement d'un délinquant, constitueraient des aspects appropriés de la détermination de la peine applicable aux harceleurs.

Cela met fin à l'exposé que j'avais préparé. Toutefois, tout à fait par hasard, un cas a été publicisé dans un quotidien d'Ottawa il y a deux ou trois jours sur ce sujet, impliquant un homme du nom de Condo qui avait été condamné antérieurement.

D'après l'article, il y a moins d'un mois la police régionale avait fait tout son possible pour garder derrière les barreaux Richard Condo, un criminel de carrière avoué. L'article se lit comme suit:

Malgré tous les efforts déployés par la police et par le bureau local du procureur de la Couronne, Condo a été remis en liberté.

Le sergent d'état-major Bob Pulfer, des crimes graves à la police régionale, a déclaré que la police avait essayé de convaincre le juge que Condo représentait un risque.

Selon Pulfer, «Il s'agissait pour nous d'un sujet très préoccupant -- de le garder en détention préventive.

Nous ne sommes pas satisfaits du tout (par sa libération).»

Au début du mois de mai, Condo a été accusé de harcèlement criminel suite à une plainte déposée par son ex-femme, la chiropraticienne Yvonne McGuire.

Mais le 20 mai, malgré notre insistance, Condo a été libéré moyennant quelques conditions, dont l'obligation d'habiter chez sa mère.

Les autorités étaient si inquiètes de la tendance à la violence de Condo que le bureau de la Couronne a pris la décision inhabituelle d'en appeler de sa libération.

Le procureur adjoint de la Couronne a déclaré: «J'ai pensé qu'il aurait dû être mis en garde à vue car c'est un homme dangereux» [...]

Et l'article se poursuit.

Voilà le genre de choses que nous voyons régulièrement en tant qu'agents de police et agents de répression criminelle. Il existe des lois dont on ne tire pas souvent profit.

C'est la fin de mon exposé.

La présidente: J'ai vu l'article initial dans le journal, mais peut-être pourriez-vous nous faire une mise à jour. Il avait pour titre: «Fin de la chasse à l'homme». L'ont-ils attrapé et la femme est-elle saine et sauve?

M. Woods: Brièvement, il l'a gardée contre son gré, enfermée dans un véhicule pendant environ 11 à 12 heures pour finalement se rendre à la police.

La femme est actuellement à l'hôpital avec plusieurs traumatismes faciaux et elle aura besoin de subir une chirurgie reconstructive, car elle a été sévèrement battue. Elle ne pourra pas retravailler pendant plusieurs mois.

Un article a paru dans le journal hier à l'effet que d'autres chiropraticiens s'occuperont de ses clients jusqu'à ce qu'elle puisse retourner au travail. Il ne s'agissait pas de voies de fait simples mais de voies de fait causant des lésions corporelles.

Le sénateur Oliver: L'un des problèmes avec ce sujet en général est un manque de données et de statistiques fiables. Pouvez-vous me dire comment la GRC tient des registres et des statistiques sur ce genre de crime? Autrement dit, votre service dispose-t-il de statistiques qui pourraient nous aider dans notre étude de la fréquence des crimes de cette nature? C'est ma première question.

Ma deuxième question n'a aucun rapport avec la première. Vous avez dit qu'il faudrait adopter une approche pragmatique pour rédiger ce genre de projet de loi et aborder ce type de problème. Vous avez également déclaré qu'il faudrait tenir compte des condamnations antérieures pour des délits semblables. Comment pouvez-vous le faire si la personne a bénéficié d'une absolution inconditionnelle et n'a plus de casier judiciaire?

M. Woods: C'est là que se situe le problème, par le fait que ce genre de crime doit être reconnu comme autre chose qu'une plainte pour nuisance. Toutefois, les autorités de répression criminelle pourraient mettre du temps à cultiver ce genre d'attitude.

Ce n'est pas différent de certains des délits à caractère sexuel, comme l'exhibitionnisme ou les appels obscènes, qui sont souvent considérés comme des plaintes pour nuisance. Ils ne sont pas documentés comme ils devraient l'être. Ces types de délinquants ont un comportement qui dégénère souvent en délits plus graves et les harceleurs entrent dans cette catégorie.

Lorsque quelqu'un bénéficie d'une absolution inconditionnelle ou, si on va plus loin, d'une réhabilitation totale, alors ce genre de délit ne figure pas au dossier; en conséquence, il n'est pas disponible pour que le tribunal puisse le prendre en considération. Je n'ai pas beaucoup réfléchi à cette situation mais je suis d'avis que certains de ces types de délits, en particulier à caractère sexuel -- et les délits de harcèlement criminel sont souvent à caractère sexuel -- ne devraient jamais être effacés du casier judiciaire d'une personne. Souvent, ces personnes enfreindront la loi toute leur vie. Tout consiste à savoir si elles se feront prendre ou non et c'est ce qui déterminera si la grâce est accordée.

La présidente: Je tiens à souligner, monsieur Woods, que notre comité passera vraisemblablement beaucoup de temps, au cours des deux prochaines semaines, à parler de ce sujet, en particulier dans le contexte du projet de loi C-69.

M. Woods: En ce qui concerne votre première question, je n'ai pas les statistiques, mais je m'efforcerai de les obtenir. Très souvent, nous embauchons des recherchistes et ce n'est qu'à ce moment-là que les statistiques pour ces genres de crimes sont examinées et publiées. Je m'en occuperai et j'avertirai le comité.

Le sénateur Oliver: Est-ce que cela englobera le nombre et le type de plaintes que vous recevez, si quelqu'un a été suivi ou a reçu des lettres de menaces? Aura-t-on ce genre de détail?

M. Woods: Oui, mais cela s'appliquera uniquement à la GRC. Ce serait une tâche phénoménale de consulter la police du Toronto métropolitain ou l'OPP. Cependant, dans notre propre secteur de compétence, je devrais être capable d'obtenir des renseignements raisonnables.

Le sénateur Oliver: Ce genre de données nous serait très utile.

Le sénateur Beaudoin: J'ai été impressionné par votre suggestion que nous devrions avoir des examens psychiatriques obligatoires dans certains cas. Pourrait-on le faire en amendant le projet de loi ou avez-vous quelque chose d'autre en tête?

M. Woods: Je n'ai rien lu dans le projet de loi actuel qui se rapporte à une évaluation et à un traitement psychiatrique obligatoires. Avant de pouvoir fournir ou exiger un traitement obligatoire, il devrait y avoir une évaluation obligatoire par une personne indépendante de la Couronne et de la défense, qui pourrait donner un point de vue objectif sur la santé mentale de la personne. Après cette évaluation, le traitement obligatoire suivrait.

Je ne suis pas un psychiatre, mais nous collaborons avec un psychiatre médico-légal du nom de Peter Collins, qui est affilié à l'Institut psychiatrique Clarke. Le comité souhaitera peut-être l'interroger sur les questions de traitement et les probabilités de succès.

Le sénateur Beaudoin: J'insiste sur le mot «obligatoire» car il est très important. Nous avons eu de nombreux témoins, certains en faveur de peines légères et d'autres en faveur de peines sévères. C'est probablement assez discutable. Toutefois, il faudrait aborder la question de l'examen psychiatrique. Dans certains cas, tout au moins, il devrait être obligatoire. Est-ce à cela que vous pensiez?

M. Woods: Oui, absolument. Nous ne devons pas oublier que 85 p. 100 des cas impliquent généralement quelqu'un qui, d'après les normes de la société, est raisonnablement sain sur le plan mental.

Cela ne veut pas dire que ces personnes n'ont pas de troubles de la personnalité. Toutefois, ce n'est pas la même chose qu'un sujet fantasmeur ou psychotique qui n'a aucune chance de réussir dans la vie à moins d'être traité dans le cadre d'un programme soutenu et surveillé dans un environnement très contrôlé.

Ce genre d'individu ne peut pas être traité au départ comme un malade externe auquel on permet de se promener dans la rue. Je ne pense pas que nous puissions nous fier à ce genre de patient pour respecter les lignes directrices de toutes les dispositions légales.

Le sénateur Andreychuk: Je voulais poursuivre sur la question de l'examen psychiatrique.

Je pensais qu'un examen psychiatrique pouvait être ordonné lorsqu'une personne comparaît devant un tribunal et qu'il y a des motifs raisonnables de croire à l'existence d'une certaine aliénation mentale qui l'empêcherait de continuer à suivre le processus judiciaire.

M. Woods: Oui, des examens psychiatriques sont effectués, mais je pense que le problème vient de l'aspect obligatoire. En ce qui concerne ces genres de cas, en raison de leur nature, du taux de récidive, et d'une possibilité de 15 p. 100 de maladie mentale grave, ce ne devrait pas être une option. Ce devrait être obligatoire et automatique. Lorsqu'un harceleur est concerné, il devrait y avoir une évaluation.

Le sénateur Andreychuk: Vous dites qu'il faudrait enlever le pouvoir discrétionnaire au juge.

M. Woods: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Dans ma province, la Saskatchewan, on a recours à la Mental Health Act. On impose un certain fardeau aux gens qui connaissent un harceleur et sa nature obsessionnelle, comme c'est le cas dans de nombreuses situations conjugales. Comme vous le dites, cela commence comme une nuisance pour ensuite dégénérer. Si vous pensez qu'une telle personne constitue une menace pour elle-même et pour autrui, le fait d'ordonner un traitement psychiatrique est-il une option?

M. Woods: Cela existe également dans la plupart des autres provinces. Il y a toujours cette option en vertu de la Loi sur la santé mentale.

Je ne suis pas un psychiatre mais, d'après mon expérience comme agent de police, je peux dire que cette option est utilisée judicieusement. Dans la majorité des cas, les tribunaux choisissent d'autres façons d'aborder la situation. Je ne pense pas que ce soit un moyen de résoudre le problème.

Le sénateur Andreychuk: Est-ce parce que les policiers et les juges ne sont pas conscients de la gravité du problème?

M. Woods: J'estime que nous y sommes de plus en plus sensibilisés. Ce n'est que récemment qu'il y a eu des efforts concertés et une approche interdisciplinaire pour aborder cette question. Ce n'est que maintenant que nous voyons la Couronne, le ministère de la Justice, la police et le personnel médical collaborer.

Nous avons réalisé d'énormes progrès à cet égard au cours des cinq dernières années. Avant cela, chacun travaillait de son côté. Les agents de police disaient qu'ils n'avaient pas besoin de médecins, les médecins se demandaient pourquoi les agents de police mettaient leur nez là-dedans et les travailleurs sociaux étaient pris entre les deux. Nous ne pouvons aborder ce problème que par des efforts concertés et coordonnés entre des domaines interdisciplinaires comme le travail social, les ressources humaines, la médecine, la répression criminelle, les tribunaux et la Couronne.

Aujourd'hui, la Couronne et la police collaborent étroitement avec le milieu médical. Le docteur Peter Collins fournit à ma sous-direction des conseils de cette nature ainsi qu'en rapport avec les délinquants sexuels. Il existe une relation beaucoup plus étroite et je m'attends à ce que cette tendance se poursuive à l'égard des démarches dont nous parlons ce matin.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit qu'une majorité ou un grand nombre des agents de police croient à des peines plus sévères. Pourquoi? C'était mon expérience il y a 20 ou 30 ans mais, depuis lors, j'ai vu des agents de police rechercher d'autres méthodes pour résoudre certains des problèmes pour lesquels nous nous tournons en général exclusivement vers les tribunaux.

M. Woods: J'ai nuancé cela en disant qu'ils appuient des peines plus sévères pour les récidivistes, ou pour les personnes qui ont démontré par leur passé criminel une inaptitude à la réadaptation. Je vous répète que je parle d'après mon expérience personnelle et je ne connais pas beaucoup d'agents de police qui seraient en désaccord avec une telle déclaration.

Le sénateur Grafstein: J'aimerais aborder un thème que le sénateur Andreychuk a soulevé à propos d'un autre mécanisme visant à aborder ces problèmes. Avant de le faire, j'aimerais revenir sur les statistiques que vous avez dit avoir en votre possession. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois que vous avez dit qu'environ 15 p. 100 des problèmes de harcèlement criminel émanent de personnes souffrant d'une aliénation mentale chronique.

M. Woods: Oui, à des niveaux plus ou moins graves.

Le sénateur Grafstein: En fait, on a diagnostiqué qu'ils avaient des troubles mentaux chroniques.

M. Woods: Oui.

Le sénateur Grafstein: Vous avez dit ensuite que 85 p. 100 sont des gens qui ne tombent pas dans cette catégorie, mais qui ont quelques troubles mentaux épisodiques, donc qui tombent sous une norme normative.

M. Woods: Absolument. Cela engloberait la dépression, l'alcool et les drogues, et d'autres catégories.

Le sénateur Grafstein: Prenons cela comme un point de repère même si je ne suis pas certain que ces chiffres soient précis, car j'en ai entendu d'autres. Ils ont tendance à varier d'une juridiction à l'autre pour ce qui est de savoir où tracer la ligne de démarcation. Il y a peut-être un niveau plus élevé d'incapacité chronique dans la rue dans certaines villes que dans d'autres. Toutefois, pour le moment, concentrons-nous sur les personnes qui tombent au-dessous d'une norme normative, pour lesquelles l'état mental pourrait être considéré comme un problème psychiatrique par opposition à une saute d'humeur épisodique.

Dans leur fonctionnement actuel, les tribunaux sont-ils capables de faire l'évaluation et d'aborder le traitement, la peine et la réadaptation?

Vous avez fait une déclaration qui m'a stupéfait. À votre avis, il n'y a pas de chance de réadaptation, et la seule réponse est l'incarcération, c'est-à-dire des peines plus sévères. C'est une affirmation très forte.

M. Woods: Ce commentaire a été fait dans le contexte où je crois que des peines plus sévères sont applicables dans les cas où nous traitons des récidivistes.

Il est important de comprendre que certains de ces psychopathes ne montrent absolument aucun remords. Lorsqu'ils ne font régulièrement preuve d'aucun remords et d'aucun intérêt pour participer à un programme quelconque au sein du système correctionnel, cela me dit que cette personne ne peut plus être réadaptée.

Je parle encore une fois en profane, mais j'ai travaillé comme agent de police pendant 27 ans. Que nous le voulions ou non, nous devons comprendre qu'un grand nombre de criminels sont des criminels depuis le moment où ils savent parler jusqu'au moment où ils se retrouvent au cimetière. C'est un problème de société, mais du point de vue de la répression criminelle, nous devons parfois établir une directive pour que ces gens soient ôtés de la rue à un moment donné.

Le sénateur Grafstein: J'y consens. J'essaie tout simplement d'aborder un ensemble de problèmes. Vous avez dit qu'un certain nombre d'individus parmi ces 15 p. 100 d'aliénés mentaux chroniques sont insensibles à tout traitement parce qu'ils sont allés trop loin. Je ne m'insurge pas contre cela.

M. Woods: Lorsque j'utilise le terme «institutionnaliser» ou la phrase «incarcéré aussi longtemps que possible», je parle plutôt de l'esprit criminel, comme un psychopathe. Je ne parle pas de réadaptation mentale; je parle de réadaptation criminelle.

Le sénateur Grafstein: En ce qui concerne le ratio 85/15, quelle proportion parmi les 15 p. 100 se classe selon vous dans la catégorie chronique? Autrement dit, ceux qui sont insensibles à tout traitement. Il faut les ôter de la rue et les isoler ou les incarcérer car ils représentent une menace trop grande pour la société pour qu'on les laisse exercer leur liberté d'action. Quel pourcentage entrerait dans cette catégorie?

M. Woods: Je me sentirais très mal à l'aise de répondre à cette question. C'est le Dr Peter Collins qui pourrait y répondre de façon plus appropriée.

Le sénateur Grafstein: Ces statistiques sont-elles disponibles?

On nous demande de légiférer et d'appliquer des peines plus sévères à un volet particulier d'une conduite criminelle. Je suis ouvert à cette idée si j'estime que le niveau d'activité dans cette catégorie est tel qu'il représente une menace grave pour la société. Pour que nous puissions en arriver à cette conclusion, nous avons besoin d'une analyse statistique pour nous aider à déterminer si nous devrions modifier le système en déplaçant la ligne criminelle plus loin qu'elle n'est tracée à l'heure actuelle.

Je pense que l'élément essentiel consiste à faire preuve de beaucoup de prudence pour nous assurer que nous criminalisons ce qui devrait l'être, par opposition à ce qui devrait être traité. Dans mon esprit, c'est le point d'interrogation.

J'en arrive donc à la conclusion, puisque vous dites que les forces policières vont dans cette direction, que le système judiciaire criminel n'est peut-être pas un moyen satisfaisant pour départager les différences de conduite et ensuite suivre ceux qui devraient être traités par le système, tout en conservant un niveau différent d'évaluation et de réponse pour ceux qui ne le devraient pas. Vous avez suggéré que, dans la majorité des cas, les délinquants sont des aliénés mentaux chroniques ou épisodiques.

M. Woods: Je pense que l'on peut affirmer que quiconque est impliqué en permanence dans des crimes violents a des troubles de la personnalité ou des troubles mentaux quelconques.

Le sénateur Grafstein: Je n'ai aucun problème avec cela.

M. Woods: Je ne me suis peut-être pas exprimé clairement ce matin, mais je suis très favorable au genre de choses dont vous parlez, sénateur. Il faut faire une distinction entre l'esprit criminel et l'esprit aliéné mental, en traitant ceux qui peuvent être traités et en incarcérant ceux qui doivent être incarcérés pour des périodes variables, selon la nature du crime.

Le sénateur Grafstein: La détermination de ce facteur a vraiment un rapport avec la première étape, qui est l'intervention de la police. Au moment où cette personne entre en contact avec les forces de l'ordre, le problème est que nous avons presque un «guichet unique», à savoir le magistrat ou le tribunal inférieur, vers lequel notre législation est orientée. Ce que je vous entends dire, c'est que même s'il y a une sensibilisation accrue à l'existence de ce problème au sein des forces policières et du système judiciaire, ce que cela exige vraiment c'est une approche interdisciplinaire plus spécialisée pour faire cette évaluation initiale capitale. D'après votre témoignage, cela semble être la clé, à savoir évaluer convenablement la personne au premier incident, si vous voulez, et espérer ensuite appliquer le suivi approprié pour aborder la situation.

M. Woods: À savoir un suivi qui conviendrait le mieux à la personne et à la société en général.

Le sénateur Grafstein: Avez-vous connaissance de mécanismes de rechange dans les tribunaux inférieurs aux États-Unis où une approche interdisciplinaire a été adoptée? Par exemple, à Toronto, nous avons des tribunaux spécialisés pour s'occuper des enfants. Lorsqu'il s'agit de conflits conjugaux en rapport avec la pension alimentaire, on pense de plus en plus qu'il ne s'agit pas vraiment de questions criminelles mais qu'il faudrait l'aborder sous un angle quasi judiciaire. Êtes-vous familier avec des tribunaux de ce genre qui traiteraient du harcèlement criminel?

M. Woods: Non, mais cela ne signifie pas qu'il n'en existe pas.

Le sénateur Grafstein: Vous avez mentionné qu'ils ont fait des travaux assez intéressants en Californie. Utilisent-ils d'autres méthodes?

M. Woods: Non, pas à ma connaissance.

Le sénateur Pépin: Vous avez laissé entendre qu'une fois qu'un harceleur est libéré, s'il ne peut pas obtenir un traitement, il devrait être placé dans une institution appropriée. Je pensais qu'avant de libérer un détenu, il devait passer devant un comité qui analysait si oui ou non il avait eu un traitement, s'il l'avait suivi et s'il était suffisamment bien pour être libéré ou envoyé dans une maison de transition, où il faut suivre un traitement je pense. Disiez-vous cela parce que vous n'êtes pas satisfait de ce qui se passe à l'heure actuelle ou bien parce que l'on devrait faire davantage?

Je pose la question parce que je pensais que la plupart de ces gens doivent subir un traitement, et que c'est seulement si le traitement réussit qu'ils peuvent réintégrer la société.

M. Woods: Ce n'est certainement pas le cas avec les délinquants sexuels et, à ma connaissance, avec les harceleurs. En fait, un délinquant sexuel grave peut arriver dans un établissement fédéral ou provincial et refuser tout traitement. Il est probable qu'il purgera une peine plus longue. Toutefois, il finit par être libéré. Il n'y a aucune obligation de suivre un traitement à l'intérieur du système.

Le sénateur Pépin: Je pense que vous avez dit que la loi devrait comporter une disposition visant à leur faire suivre un traitement approprié ou, s'ils ont purgé leur peine, à les envoyer dans une institution spécifique au lieu de les relâcher dans la société. Vous ai-je mal compris?

M. Woods: Vous avez raison, et je vais vous donner des exemples très pratiques.

Disons que je suis un harceleur érotomaniaque, par exemple, et que j'ai un problème. C'est comme un trouble médical grave. À moins de le soigner, il empire. Si la personne entre dans une institution, que ce soit pour un délit sexuel ou de harcèlement criminel, et refuse un traitement, alors je pense qu'il devrait y avoir des dispositions en vigueur pour s'occuper de cette personne. Tant que cette personne ne suivra pas un traitement avec succès, elle ne devrait pas retourner dans la société où elle pourra continuer à enfreindre la loi. Nous savons qu'elle continuera à violer la loi. Nous savons que certains délinquants, selon le type de délits qu'ils commettent, n'arrêteront jamais. De la même façon, les délinquants sexuels ne se réveillent pas à l'âge de 35 ans en se disant: «Je sais que je serai un délinquant sexuel aujourd'hui», ou «Je pense que je serai un harceleur aujourd'hui». Ce comportement est motivé par le fantasme, dans la plupart des cas, et dure des années. Il n'arrête pas ou ne commence pas comme cela.

À un moment donné, la société doit prescrire que des personnes de ce genre subissent un traitement médical approprié avant d'être libérées. Il devrait s'agir d'une peine indéterminée qui repose sur la personne afin qu'elle reçoive non seulement un traitement approprié, mais qu'elle le termine avec succès. Je ne pense pas qu'il soit approprié de traiter quelqu'un et, à la fin d'une période de six mois, d'entendre le médecin dire à ce gars: «Nous avons tenté le coup, mais vous êtes toujours un harceleur et il n'y a pas grand chose que je puisse faire pour cela» et de le relâcher.

Nous devons comprendre que ce n'est pas comme la violence envers les enfants et certains de ces autres problèmes. Il est très facile d'en parler. Parler à la victime d'un violeur ou d'un harceleur vous aidera à comprendre que ces hommes ne devraient pas être libérés pour pouvoir faire du tort à d'autres victimes.

Le sénateur Pépin: Je suis d'accord. Dans quel genre d'établissement pourrions-nous les envoyer?

M. Woods: Je dis «institutionnalisé» plutôt que «incarcéré» parce que, s'il s'agit d'un trouble mental, ils devraient être dans un établissement approprié. Je ne suis pas à l'aise pour parler de ces choses parce que je ne suis pas compétent en évaluations cliniques psychiatriques ou psychologiques.

Le sénateur Bryden: Si je comprends bien, la véritable marque d'un psychopathe c'est qu'il est capable de berner le système, parfois pendant 25 ans. Le véritable psychopathe ne refuse pas le traitement. Il le suit plutôt avec beaucoup de réussite, respecte toutes les règles et est un prisonnier modèle. Lorsque vient le moment de sa libération et qu'il passe devant la Commission des libérations conditionnelles, d'après les 15 dernières années rien ne prouve que cet homme n'a pas été complètement guéri.

Cependant, une partie de la pathologie réside dans le fait qu'il se croit vraiment tout à fait capable de berner le système. Par conséquent, à moins d'avoir déterminé au moment de son incarcération que cette personne est psychopathe et ne pourra jamais guérir, il n'y a aucun moyen d'éviter de libérer des gens comme cela.

M. Woods: D'après le point de vue du sénateur Grafstein, je suppose que nous parlons d'aliénés mentaux qui sont schizophrènes ou psychotiques. La plupart des psychopathes qui sont des harceleurs se trouvent dans cette catégorie des 85 p. 100. Personnellement, je n'inclus pas cela dans le domaine où un établissement de santé mentale serait approprié. La psychopathie est un trouble de la personnalité.

Vous avez mis le doigt sur le problème. Ces gens manipulent le système. Ils n'ont aucun remords mais peuvent prétendre être pleins de remords. Ils sont charmants. Les psychologues et les psychiatres interviewent ces gens et, à la fin, nous ne savons pas avec certitude qui a interviewé qui. À mon avis, ces gens ne sont pas réadaptables et devraient passer beaucoup de temps en prison. Je ne les inclus pas avec les aliénés mentaux dont parlait le sénateur Grafstein.

Le sénateur Moore: Inspecteur Woods, pensez-vous qu'une peine minimale pour les récidivistes serait utile comme moyen de dissuasion? En outre, quel est votre point de vue sur l'augmentation des peines maximales?

M. Woods: Souvent, les criminels qui composent les 85 p. 100 comprennent des conséquences de leurs actes. Toutefois, comme les autres criminels, ils sont impulsifs de nature. Même si j'aimerais dire que des peines plus sévères constituent de meilleurs moyens de dissuasion, il est plus juste de dire que des peines plus sévères maintiennent les criminels plus longtemps éloignés de leurs victimes.

Lorsque ces gens commettent leurs crimes, ils ne pensent pas aux conséquences. La sentence pourrait être une peine d'emprisonnement de 100 ans et ils commettraient encore des crimes impulsifs et opportunistes. Des peines plus sévères sépareront plus longtemps les victimes et les contrevenants.

Le sénateur Moore: Cela s'applique-t-il pour déterminer une peine minimale pour un deuxième délit également?

M. Woods: Absolument. En fait, dans certains États, il existe des sentences minimales obligatoires, par exemple deux ans pour un premier délit, trois ans pour un deuxième, et cetera.

Toutefois, dans le système judiciaire, il y a un certain nombre de gens qui ont commis des délits indépendamment des conséquences parce qu'ils sont impulsifs. Leurs crimes sont souvent motivés par un fantasme et ils n'en envisagent pas les conséquences.

La présidente: Inspecteur Woods, dans votre documentation, il y a une série de diapositives du service de police de Los Angeles qui traitent du syndrome de la fausse victime, des types de harcèlement criminel et des victimes choisies au hasard. J'en déduis que le syndrome de la fausse victime est assez rare et que c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas inclus certaines de ces autres catégories.

M. Woods: Comme je l'ai mentionné, d'autres chercheurs ont mis au point des méthodes de classification différentes. Il y en a quelques-unes là-dedans qui ne s'appliquent pas à Paul Bernardo, par exemple. Il est ce que j'appellerais un «pervers» sexuel. Il y avait une raison pratique sous-jacente à son harcèlement criminel. Il ne harcelait pas forcément pour le plaisir de le faire; il harcelait pour trouver une victime. Il est probable que la plupart des prédateurs sexuels harcèlent leurs victimes, mais ce n'est pas un problème de harcèlement criminel. C'est pour déterminer si cette victime convient. Ils suivent la victime pour s'assurer que le moment est idéal et que tout semble bien aller. Ces gens suivent souvent plusieurs victimes potentielles avant de choisir celle qu'ils agresseront. J'appelle ce genre de personne un «pervers» sexuel.

Ces deux types de désignations peuvent entrer dans les trois catégories dont j'ai parlé ce matin. Il y a un chevauchement parmi les étiquettes utilisées pour le même type de personnes.

Lorsque je donne des cours aux enquêteurs au Collège canadien de police, j'utilise les documents de Los Angeles. C'est la recherche qui englobe une étude des catégories de harceleurs, qui contient des preuves empiriques et qui a été validée. Cela ne veut pas dire que les autres n'ont pas un certain mérite, mais simplement qu'il n'y a pas suffisamment de recherches à l'appui.

Le docteur Peter Collins est en train de rédiger un livre sur les harceleurs dans lequel il les classifie. Nous n'avons pas le même nombre de célébrités au Canada qu'aux États-Unis, alors ce n'est pas un phénomène d'une grande ampleur ici. Cependant, quiconque se trouve sous les feux de la rampe peut devenir la victime d'un harceleur -- même les sénateurs, parce que vos photos paraissent dans les journaux. C'est le type de personne que les érotomaniaques suivront parce qu'ils ont le fantasme que la cible les aime. Peu importe ce que vous faites, vous ne pouvez pas les convaincre que vous ne les aimez pas. Ils pensent simplement que vous jouez le rôle d'une personne difficile d'accès. C'est la mentalité. Cette personne n'est pas un criminel, mais elle a plutôt besoin d'une aide psychiatrique et elle peut être traitée.

Le sénateur Grafstein: À l'heure actuelle, il y a un débat aux États-Unis à propos du massacre de Columbine et de son effet répétitif. Pensez-vous que le cinéma et la télévision ont quelque chose à voir avec l'intensification du désir de devenir un harceleur? Pensez-vous que les médias ont une influence là-dessus? Vous avez examiné bon nombre de ces cas. Est-ce un élément important dans ce comportement irrationnel?

M. Woods: Cela attire l'attention des gens. Par exemple, peu après la tuerie à OC Transpo, il y a eu cinq ou six cas de personnes qui ont proféré des menaces ou qui ont été soupçonnées d'avoir un comportement semblable. Cela accroît simplement la sensibilisation.

La pire chose était d'avoir l'émission Dateline de NBC à Columbine. Cela ne fait qu'engendrer des situations comme celle de Taber en Alberta. Les gens qui font ces choses ne sont souvent pas les personnes les plus intelligentes au monde et elles puisent leurs idées ailleurs.

De même, après une série de viols, nous voyons parfois des cas de syndrome de la fausse victime. Les allégations rapportées dans les médias donnent d'autres idées sur les choses à dire à la police pour sembler être des victimes convaincantes.

La couverture exagérée d'événements tragiques par les médias est plus importante que le cinéma. Cela engendre de nombreux cas à chaque fois.

Le sénateur Grafstein: Nous pouvons probablement penser tous à cinq ou six films dans lesquels l'intrigue tourne autour du harcèlement criminel. Ce pourrait être un problème systémique et nous devrions l'étudier pour déterminer si c'est une des sources de ce type de comportement irrationnel.

M. Woods: Cela accroît définitivement la sensibilisation des gens qui sont enclins à ce genre de comportement.

La présidente: Merci beaucoup, inspecteur Woods. Ce fut une séance très instructive pour nous.

Sénatrices et sénateurs, nous allons continuer à huis clos pour une discussion très brève des travaux futurs du comité.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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