Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 71 - Vingt-quatième rapport du comité
Le JEUDI 13 mai 1999
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son
VINGT-QUATRIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été renvoyé le document intitulé «Propositions visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines lois ayant cessé d'avoir effet» (Propositions de 1998 présentées en vue d'une loi corrective), a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 5 novembre 1998, examiné lesdites Propositions et en fait maintenant rapport, y compris les changements déposés auprès du Comité par le ministère de la Justice qui sont annexés au présent rapport, avec les commentaires suivants :
Le programme de correction des lois
Le programme de correction des lois, qui a pour objectif d'apporter des modifications mineures et non controversables à un ensemble de lois fédérales au moyen d'un projet de loi omnibus, remonte à 1975. Depuis sa création, huit séries de propositions ont été présentées et huit lois ont été adoptées. Les propositions de 1998 constituent la neuvième série de propositions présentées dans le cadre du programme.
Les demandes de modifications envoyées à la Section de la législation du ministère de la Justice proviennent surtout des ministères et organismes fédéraux, mais n'importe qui peut en proposer, à condition que les modifications répondent aux critères du programme. Pour être incluses dans les propositions déposées au Parlement, les modifications doivent respecter certains critères :
- ne pas être controversables;
- ne pas comporter de dépenses de fonds publics;
- ne pas porter atteinte aux droits de la personne;
- ne pas créer d'infraction;
- ne pas assujettir une nouvelle catégorie de justiciables à une infraction existante.
Les propositions sont déposées au Sénat et à la Chambre des communes et renvoyées au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Si l'un ou l'autre comité s'oppose à une proposition pour quelque raison, celle-ci est rejetée. La neuvième série de propositions a été déposée au Sénat et renvoyée à ce comité le 5 novembre 1998.
Lorsque les deux comités ont étudié les propositions, un projet de loi corrective ne comprenant que les propositions approuvées par ceux-ci est alors préparé. Il est d'usage que ce projet de loi franchisse rapidement les étapes, étant donné que les articles qui auraient pu prêter à controverse n'y figurent plus.
Les propositions de 1998 sont les plus importantes à être étudiées par votre Comité depuis celles de 1990, qui constituaient la sixième série de propositions présentées dans le cadre du programme. À l'époque, votre Comité avait fait plusieurs suggestions pour améliorer le processus, la plus importante étant l'amélioration et l'élargissement des notes explicatives. Votre Comité est heureux de noter que la qualité des notes explicatives accompagnant la présente série de propositions s'est sensiblement améliorée.
Dans son rapport sur les propositions de 1990, votre Comité avait exprimé des réserves au sujet du rapport entre le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation et le programme de correction des lois. À l'instar des propositions dont votre Comité est saisi, un certain nombre des propositions présentées en 1990 découlaient d'observations du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Voici ce que votre Comité écrivait dans son rapport sur les propositions de 1990:
Les propositions émanant du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, de même que celles que des ministères font en réponse à ses observations, visent pour la plupart à assurer la compatibilité entre les lois habilitantes et les règlements qui en découlent. [...] Votre Comité se préoccupe depuis longtemps de ce que les parlementaires sont obligés d'adopter des projets de loi sans connaître les règlements visés. Malheureusement, on peut utiliser des règlements pour autoriser des pratiques et politiques que le Parlement n'entendait pas sanctionner lors de l'adoption de la législation. Ainsi, votre Comité s'interroge sur le fait que certaines des modifications proposées pour valider des règlements pourraient rétroactivement autoriser des pratiques que l'on n'a jamais envisagées lors de l'adoption de la loi originale.
L'une des modifications proposées, qui est abordée plus en détail dans les lignes suivantes, a ravivé la préoccupation dont il est fait état dans notre étude sur les propositions de 1990. Votre Comité estime que le processus de correction des lois n'est pas nécessairement le meilleur moyen de traiter des observations du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation selon lesquelles certains règlements outrepassent le mandat de réglementation de la loi. Si un ministère ou un organisme doit néanmoins recourir à ce moyen pour corriger une lacune, nous suggérons fortement que les coprésidents du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation envoient au Comité une lettre dans laquelle ils indiquent clairement que le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation reconnaît que la proposition n'est pas controversable et ne porte pas atteinte à aucun droit.
Un autre point d'intérêt général a été soulevé au cours des audiences de votre Comité sur le programme de correction des lois. On s'est demandé si l'on peut recourir à ce programme pour abroger des dispositions législatives que la Cour suprême du Canada a déclaré inopérantes ou sans effet. Des représentants du ministère de la Justice ont exprimé des réserves à cet égard, précisant que l'objet de ces décisions restait souvent controversé et qu'il ne convenait donc pas pour le programme de correction des lois, même si les décisions de la Cour suprême sont définitives.
Les membres de votre Comité déplorent que l'on puisse trouver, dans le Code criminel, des dispositions qui ne sont plus valides, et ils estiment qu'il faudrait abroger ces dispositions pour que les citoyens canadiens puissent connaître l'état réel du droit applicable lorsqu'ils consultent les lois. Votre Comité encourage fortement la ministre de la Justice à envisager des mécanismes appropriés pour faire en sorte que les dispositions annulées par la Cour suprême du Canada soient abrogées en temps opportun. Si la ministre estime que le programme de correction des lois n'est pas le mécanisme approprié, un projet de loi modifiant le droit pénal, qui traiterait de toutes les dispositions inopérantes, pourrait être envisagé. On pourrait aussi recourir au processus de révision des lois, à condition que cela n'entraîne pas de retards indus.
Propositions
Les propositions de 1998 comprennent plus de 250 articles touchant plus de 80 lois. La Partie 1 renferme la majeure partie des propositions, y compris toutes les modifications de fond. La Partie 2 renferme plus de 20 articles corrigeant des renvois à la Loi de l'impôt sur le revenu. Comme la version révisée de cette loi est entrée en vigueur un peu après les autres lois révisées de 1985, celles-ci ne tiennent donc pas compte des changements qui ont été apportés à la Loi de l'impôt. Il s'agit, dans tous les cas, de modifications qui auraient été apportées dans le prochain exercice de révision des lois si le programme de correction des lois n'avait pas existé. La Partie 3 comprend des modifications conditionnelles et l'abrogation des lois désuètes. Les modifications conditionnelles traitent de situations où un projet de loi présenté au Parlement vise la même disposition qu'une proposition présentée dans le cadre du programme de correction des lois mais où l'on ne sait pas si c'est le projet de loi ou la loi corrective qui deviendra loi en premier.
Le ministère de la Justice a aussi présenté au Comité un certain nombre de modifications aux propositions initiales pour tenir compte des projets de loi dont il était question dans la Partie 3 et qui ont été adoptés depuis la présentation des propositions et pour tenir compte aussi des nouveaux projets de loi influant sur les modifications proposées. De même, certaines propositions ont été retirées à la demande du ministère qui les avait présentées. Enfin, une modification apportée récemment à la loi ontarienne sur l'amélioration des tribunaux, qui a pris effet le 19 avril 1999, a changé le nom de la Cour de l'Ontario (Division générale), qui devient la Cour supérieure de justice. Comme il est question de cette cour à l'art. 4(1) des Propositions, celles-ci ont été modifiées en conséquence. Les modifications et les retraits ont tous été acceptés par le Comité et sont annexés au présent rapport.
Au départ, votre Comité a jugé controversables environ deux douzaines d'articles. Le ministère de la Justice a examiné ces propositions, et cinq d'entre elles ont été retirées par les ministères ou organismes concernés. Des avocats de trois autres ministères ou organismes ont comparu devant votre Comité pour parler de six autres articles.
Le conseiller juridique principal du ministère de la Justice, qui représentait la section du Droit immobilier, et celui du ministère du Patrimoine canadien ont parlé respectivement des modifications de la Loi sur les immeubles fédéraux et de la Loi sur le droit d'auteur. Ils ont tous deux livré un témoignage détaillé, informatif et convaincant. Votre Comité estime que les modifications qui sont proposées à ces lois respectent les lignes directrices du programme de correction des lois.
La proposition qui a donné le plus de fil à retordre à votre Comité concernait les pouvoirs de réglementation de l'Office national de l'énergie. L'Office national de l'énergie a actuellement un règlement qui prévoit l'établissement, pendant 3 jours, d'une zone restreinte temporaire au-delà de la zone de sécurité de 30 mètres afin de permettre à une compagnie de pipeline de localiser son pipeline et son emprise. Le bien-fondé de cette mesure de sécurité temporaire n'a pas été remis en question, mais le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a estimé que le pouvoir réglementaire prévu dans la Loi sur l'Office national de l'énergie n'autorisait pas l'établissement d'une zone de sécurité ou zone restreinte temporaire aussi étendue. Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation est au courant de la proposition de l'Office national de l'énergie et ne s'était pas opposé à ce que le programme de correction des lois soit utilisé.
Le porte-parole de l'Office national de l'énergie a reconnu que cette proposition était acceptable à la limite et qu'il revenait à ce Comité de décider si cette proposition législative devrait être adoptée. Votre Comité remercie l'Office de cette attitude franche et d'avoir veillé à ce que le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation soit informé de sa proposition.
En tant que présidente de votre Comité, j'ai écrit aux coprésidents du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation pour m'assurer qu'il n'y avait pas de problème à ce que le programme de correction des lois soit utilisé pour valider le règlement à propos duquel il avait exprimé des réserves. Les coprésidents ont répondu qu'ils étaient conscients des difficultés que cela comportait mais ils estimaient que votre Comité était le mieux placé pour prendre cette décision:
Il ne fait aucun doute que cette initiative législative aurait pour effet de permettre la prise de règlements relativement à des terres auxquelles la Loi ne s'applique pas actuellement. Comme vous l'avez dit, il s'agit de s'assurer que les conditions de sécurité sont respectées. Nous comprenons la préoccupation que cette proposition législative ne déborde le cadre du programme de correction des lois. Mais nous estimons que votre Comité est l'instance compétente pour décider si cette modification doit être approuvée ou non.
Par ailleurs, votre Comité doit tenir compte du fait que l'Office national de l'énergie a invoqué, comme base, l'importance du règlement contesté comme mesure de santé et de sécurité.
Même si votre Comité reconnaît que cette proposition est à la limite de ce qui est acceptable en vertu du programme de correction des lois, il estime qu'il faudrait l'autoriser étant donné les circonstances particulières entourant le règlement contesté. Votre Comité insiste que s'il accepte ce règlement, c'est uniquement pour des motifs de sécurité et que normalement il n'approuverait pas une proposition qui force à ce point les limites du programme de correction des lois. Par conséquent, cette décision ne doit pas créer de précédent pour les propositions subséquentes au programme de correction des lois.
Respectueusement soumis,
La présidente,
LORNA MILNE