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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 74 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


OTTAWA, le mardi 14 juin 1999

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-69, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 13 heures pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Je pense que le quorum est atteint, honorables sénateurs. Le comité reprend maintenant l'examen du projet de loi C-69, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence.

Nous avons avec nous cet après-midi M. Netelenbos, qui est vice-président de l'Association canadienne des policiers et président du comité de la justice de cette dernière.

Le sergent Jon Netelenbos, vice-président, Association canadienne des policiers: Honorables sénateurs, il va sans dire que l'Association canadienne des policiers appuie le projet de loi C-69. La clé des modifications proposées à la Loi sur le casier judiciaire consiste en la capacité de signaler des condamnations criminelles de délinquants réhabilités au cours du processus de présélection relativement à des postes où l'intéressé occupe une position de confiance par rapport à des enfants ou à d'autres personnes vulnérables.

En ce qui concerne ce groupe de victimes possibles, nous estimons que l'adoption du projet de loi C-69 est souhaitable du fait de la possibilité, aussi minime soit-elle, que les délinquants réhabilités récidivent. Qui plus est, l'adoption de ce projet de loi est nécessaire si les délinquants réhabilités en cause ont été trouvés coupables d'agression sexuelle, notamment contre des enfants.

Je n'ai pas l'intention aujourd'hui d'amorcer un long débat sur le récidivisme. Les policiers comme moi sont fréquemment accusés de parti pris et d'une attitude cynique vis-à-vis de la réhabilitation des criminels. Ce n'est pas toujours vrai. Certains des très jeunes adolescents que j'ai arrêtés il y a 20 ans pour vol de voiture ou cambriolage ont apporté par la suite une contribution valable à leur collectivité et à la société. J'en suis conscient.

Cependant, le taux de récidive des pédophiles et d'autres genres d'agresseurs n'a rien d'encourageant. En fait, c'est tout le contraire. Le solliciteur général du Canada a réalisé une étude en 1996, que vous avez lue et qui s'intitule: «La récidive des agresseurs sexuels d'enfants».

Selon le rapport, le taux de récidive de ces agresseurs est de 42 p. 100 sur une période de 15 ans. Il existe quantité d'autres statistiques à cet égard, et je ne doute pas que d'autres témoins vous en ont présenté. La plupart de ces données ne sont guère encourageantes en ce qui a trait aux agresseurs sexuels.

J'ai interviewé nombre de pédophiles au cours de ma carrière et aucun ne ressort mieux que l'homme de 40 ans que je soupçonnais de caresser un jeune garçon dans le terrain de jeu d'un parc de maisons mobiles. Tout en niant avec véhémence s'être adonné à des attouchements sur la victime, il n'a guère cherché à cacher sa préférence pour les jeunes garçons, ni trop jeunes ni trop vieux. En me disant ces choses-là, il soulignait constamment qu'il ne toucheraient jamais ces enfants, qu'il ne leur ferait jamais mal.

Pendant ce discours émaillé de vérités et de mensonges, je lui ai demandé de me dire où il trouvait de jeunes garçons. Ouvrant à peine ses lèvres minces, tout en évitant mon regard, il a répondu qu'il allait là où il fallait.

Je ne me souviens pas de la suite de la conversation, mais je savais ce qu'il voulait dire.

Le sénateur Bryden: Puis-je poser une question en guise d'éclaircissement. Pourquoi dites-vous «ouvrant à peine ses lèvres minces»?

M. Netelenbos: C'est une image que je n'oublierai jamais.

Le sénateur Bryden: Voulez-vous dire par là que tous les gens qui ouvrent à peine leurs lèvres minces sont des pédophiles?

M. Netelenbos: Non, c'est simplement un trait que j'ai remarqué. Ces théories-là ont été rejetées au XVIIIe siècle.

Tout ce je dis, c'est que le projet de loi C-69 n'empêchera pas les pédophiles de fréquenter les endroits dont je viens de parler. Toutefois, grâce aux efforts déployés par les regroupements des victimes et aux programmes de sensibilisation des forces de police, les surveillants des terrains de jeu, les enseignants, les entraîneurs sportifs, les moniteurs de terrains de camping et les gardiens de plage sont mieux entraînés pour détecter les prédateurs sexuels qui surveillent, de l'extérieur, d'éventuelles victimes.

Que faites-vous si le prédateur ne regarde pas de l'extérieur? Que faites-vous s'il est à l'intérieur? Que faites-vous s'il est le surveillant du terrain de jeu, un enseignant, un conseiller de camp, un entraîneur de soccer ou un gardien de plage? N'oubliez pas ce que l'homme de mon exemple a dit: il va où il doit aller.

Permettez-moi de me faire l'avocat du diable en posant des questions que pourraient poser ceux qui sont contre le projet de loi C-69. Où finira la divulgation relative aux délinquants criminels réhabilités? Divulguerons-nous les condamnations pour conduite avec les facultés affaiblies aux sociétés de transport? Les condamnations pour vol à l'industrie de la vente au détail? Les condamnations pour fraude au secteur des banques?

On peut suivre cette idée. Le sénateur Andreychuk a posé ces questions, plus ou moins.

À l'instar de tous mes collègues, je ne pense pas que cela se produira. Cela peut sembler un paradoxe aux Canadiens qui continuent de cultiver ces préjugés au sujet des policiers, mais les hommes et les femmes qui composent les forces de police d'aujourd'hui reconnaissent les droits fondamentaux qui sont accordés à tous les Canadiens. En tant que policier, je demeure optimiste quant à une bonne partie de la nature humaine.

Si j'étais un employeur dans l'industrie de la vente au détail, est-ce que je rejetterais arbitrairement tout candidat ayant été condamné pour vol et réhabilité? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Toutefois, en tant qu'employeur de garderie, est-ce que j'engagerais quiconque ayant été condamné pour avoir agressé sexuellement un enfant et réhabilité par la suite? Non, je ne le ferais pas. Je pense que nous savons tous pourquoi ici aujourd'hui.

Si un agresseur d'enfant condamné et réhabilité cherche vraiment à se réhabiliter, s'il cherche vraiment à prouver au monde qu'il y a de l'espoir -- et je ne dis pas qu'il n'y en a pas --, il essaiera sûrement de faire ce qui s'impose. Cela va sans dire.

On doit se demander pourquoi cette personne-là se porterait candidat à un poste de confiance auprès d'enfants. C'est insensé. Rappelez-vous les mots de notre pédophile, il va là où il le faut.

En résumé, l'Association canadienne des policiers appuie fermement le projet de loi C-69.

Le sénateur Beaudoin: Je dois avouer que, malheureusement, je n'étais ici ce matin. Cependant, en tant que policier, pouvez-vous me dire pourquoi l'article 9.1 a été inclus? Je voudrais savoir pourquoi cette décision a été prise. Le gouvernement par décret fait toujours l'objet d'importants débats, notamment en ce qui concerne le Code criminel.

S'il y a un domaine juridique où il faut être très précis et très clair, c'est bien le droit pénal. Y a-t-il une raison particulière pour laquelle on a accordé autant de pouvoir au gouverneur en conseil? Le droit pénal est, bien sûr, le droit de la défense. C'est très important.

M. Netelenbos: C'est une bonne question. Je ne prétends certes pas être un législateur, mais je suis d'avis que ce pourrait être mettre la charrue avant les boeufs.

Le sénateur Beaudoin: Je vous ai demandé en tant que policier.

M. Netelenbos: C'est une bonne question parce que la liste des infractions n'a pas été totalement déterminée. Certaines choses ayant trait aux infractions sexuelles contre des infirmes, des personnes âgées ou des enfants sont présumées d'office. Il se peut que le comité et moi fassions de grossières suppositions. Cependant, si le projet de loi est adopté selon la procédure normale, je voudrais que l'on remédie à cela pour que l'on conserve l'essence du projet de loi C-69.

Le sénateur Beaudoin: L'attitude que vous avez adoptée au sujet des infractions sexuelles est plutôt sévère. Je ne dis pas trop sévère, et je suis, de façon générale, porté à être d'accord avec vous. Cependant, si c'est ce que vous pensez relativement aux infractions sexuelles, n'est-ce pas là un argument de taille qui milite fortement contre le fait de conférer ce pouvoir au gouverneur en conseil au lieu du Parlement?

M. Netelenbos: Je ne veux pas être entraîné dans un débat politique. Cependant, je n'élude pas la question. Je travaille sur des questions législatives et certaines questions doivent être posées.

Je répète qu'il serait bon de contourner ce problème. L'apport de toutes les parties montre que le gouvernement peut travailler avec tous les groupes intéressés, ce qui est souhaitable. Mes collègues ont admis que ce projet de loi était l'aboutissement des efforts de bien des gens, ce qui est excellent.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce absolument nécessaire pour le travail de policier?

M. Netelenbos: Que voulez-vous dire?

Le sénateur Beaudoin: L'adoption d'une loi pénale concerne les crimes graves, notamment les infractions sexuelles. À moins que vous puissiez me dire que cela est absolument nécessaire dans le travail au jour le jour de la police, je ne comprends pas la pertinence de l'ajout de cette disposition.

M. Netelenbos Simplement pour clarifier cela, sénateur, parlez-vous de l'article 9.1 proposé?

Le sénateur Beaudoin: Oui. Que pense la police à ce sujet?

M. Netelenbos: Il y a de nombreuses lois qui sont accompagnées d'un règlement d'application, comme vous le savez bien. C'est un élément nécessaire.

Le sénateur Beaudoin: C'est une importante question au XXe siècle.

M. Netelenbos: Exactement.

Le sénateur Beaudoin: Je n'ai pas de problème avec cela. Cependant, en droit pénal, c'est autre chose.

M. Netelenbos: Voulez-vous dire qu'étant donné qu'il n'énonce pas les infractions de façon précise, l'article pourrait englober un certain nombre d'infractions?

Le sénateur Beaudoin: Cela signifie que le gouverneur en conseil pourrait changer d'idée en fonction des circonstances. Si vous dites que nous ne pouvons faire autrement, qu'il nous faut avoir cette latitude législative, je veux bien vous croire. Cependant, si telle est la raison, je suis prêt à entendre les motifs qui le justifient. Peu de choses sont plus importantes en droit pénal que dresser une liste d'infractions. Je ne comprends pas pourquoi on laisse ce soin au gouverneur en conseil.

Si c'est une question d'application ou d'administration, je puis le comprendre. Je conviens que le pouvoir réglementaire est nécessaire et que l'on ne peut tout mettre dans les lois. La société moderne est trop complexe. Je comprends que, dans bien des domaines, telle est la règle. Cependant, en droit pénal, je pense que ce devrait être une très rare exception.

La présidente: Ce pourrait être, sénateur Beaudoin, une bonne question à poser aux fonctionnaires quand ils comparaîtront de nouveau cet après-midi. Le sergent n'est peut-être pas la bonne personne à qui poser la question.

Le sénateur Beaudoin: Je l'ai posée à ce témoin parce que je pensais qu'il y avait peut-être une raison pratique de le faire. Ce n'était pas très clair dans mon esprit.

Le sénateur Fraser: Monsieur Netelenbos, vous avez cité un taux de récidive fort élevé au début de votre témoignage. Pouvez-vous le répéter?

M. Netelenbos: L'étude du solliciteur général sur le taux de récidive des agresseurs d'enfants réalisée en 1996 a révélé que 42 p. 100 des agresseurs d'enfants étaient de nouveau condamnés pour un crime sexuel ou violent au cours d'une période de suivi de 15 à 30 ans.

Le sénateur Fraser: Quand j'ai parlé aux fonctionnaires du ministère au sujet des taux de récidive, ils m'ont dit que le taux de récidive des délinquants sexuels en général était de 13,4 p. 100, que celui des agresseurs sexuels d'enfants était de 13 p. 100 et que celui des pédophiles homosexuels était de 21 p. 100, soit le plus élevé. Ce n'est donc pas clair.

M. Netelenbos: Ce pourrait être présomptueux de ma part de tenter d'interpréter ces données, mais elles pourraient s'appliquer à une période plus courte. Il s'agit, en l'occurrence, des nouvelles infractions commises durant une période de 10 à 31 ans après la libération des délinquants.

Le sénateur Fraser: On ne m'a donné aucun détail relatif aux périodes. Vous dites qu'après une première condamnation, 42 p. 100 d'entre eux sont de nouveau condamnés durant une période de suivi de 15 à 30 ans?

M. Netelenbos: Oui.

Le sénateur Fraser: Il convient peut-être de vérifier ces données auprès des fonctionnaires.

M. Netelenbos: Je laisserai ce document au greffier.

La présidente: Nous en ferons tirer des copies et les ferons distribuer. Le chiffre que l'on nous a donné ce matin, c'est que sur les 4 200 agresseurs sexuels qui ont été réhabilités, seulement 114 ont récidivé, ce qui donne un taux de 2,5 p. 100 environ.

M. Netelenbos: Je n'ai pas dit «réhabilités».

Le sénateur Fraser: Moi non plus.

Ce groupe pourrait être un peu autosélectif du fait que les délinquants ne sont réhabilités que s'ils ont été bons.

La présidente: Ou s'ils ont prétendu avoir été bons.

Je vous remercie infiniment de votre comparution, monsieur Netelenbos.

Honorables sénateurs, nos prochains témoins sont M. Robert Hallett, de Scouts Canada, et Mme Paddy Bowan, de Volontaire Canada.

M. Robert Hallett, directeur exécutif, Division des opérations, Scouts Canada: Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de parler sur le projet de loi C-69 au nom de Scouts Canada. Cet après-midi, je vous dirai ce que nous sommes et ce que nous faisons. Je vous parlerai aussi des effets du projet de loi sur Scouts Canada en ce qui concerne le processus de recrutement d'adultes et, ce qui est le plus important, la sécurité des jeunes que nous desservons.

Scouts Canada fait partie du mouvement du scoutisme mondial, qui comprend plus de 16 millions de membres et exerce son activité dans quelque 150 pays. Annuellement, Scouts Canada offre des programmes à quelque 150 000 jeunes âgés de 5 à 26 ans. Pour réaliser sa mission, notre organisation compte sur les services de quelque 50 000 volontaires adultes tous les ans.

Notre mission consiste à contribuer au développement des jeunes sur les plans physique, intellectuel, social et spirituel pour qu'ils deviennent des citoyens responsables au sein de leur collectivités locale, nationale et internationale par l'application de nos principes et de nos pratiques. Nos principes sont: Devoir envers Dieu, Devoir envers autrui et Devoir envers soi-même.

Je voudrais parler davantage des devoirs envers autrui, qui comprennent la participation au développement de la société dans le respect de la dignité de l'homme et de l'intégrité de la nature.

Nos pratiques et méthodes peuvent se résumer comme suit: système d'éducation par l'action, la vie en petits groupes, des programmes progressifs et stimulants, le respect de son prochain et l'entraide, le recours aux activités extérieures à titre de ressource d'apprentissage clé.

De par la nature même de nos programmes, des adultes sont en contact étroit avec des jeunes parfois durant de longues périodes, comme les excursions de camping et les jamborees.

J'estime qu'il est de plus haute importance d'exiger un certain profil de bénévole adulte pour remplir la mission de Scouts Canada et assurer un cadre sûr à nos jeunes membres. Scouts Canada s'est toujours efforcé de maintenir un cadre sûr; à cet égard, nous vérifions constamment nos programmes et nos activités pour réduire les risques au minimum. S'il nous est impossible de réduire les risques au minimum par certains mécanismes ou des modifications des programmes, nous supprimons l'activité ou le programme en cause. Aujourd'hui, nous appelons cette pratique «gestion du risque». Nous disposons donc de processus clairement définis pour l'évaluation et la gestion du risque au sein de Scouts Canada.

Pour que l'évaluation du risque soit réussie, on doit disposer de toutes les informations relatives à une activité particulière afin que la bonne décision sur le risque possible soit prise. Ce n'est que de cette façon que le risque est bien géré.

Nous étions loin de nous douter, il y a quelques années, que certains de nos dirigeants adultes pouvaient représenter un risque pour nos jeunes. Il importe d'ajouter que cette situation ne touchait pas uniquement Scouts Canada, mais qu'elle touchait aussi tous les organismes offrant aux jeunes des activités supervisées par des adultes.

Scouts Canada a évalué son processus de recrutement d'adultes et a reconnu qu'il ne maintenait pas un minimum le risque d'accepter des adultes étant des agresseurs d'enfants en puissance. Il importe également de souligner que les agressions contre les enfants ne sont pas seulement sexuelles, mais qu'elles peuvent être aussi physiques et émotives ainsi que de la négligence.

Avec l'aide de Volontaire Canada, de même que d'autres organismes au service des jeunes et de ses propres bénévoles adultes, Scouts Canada a mis en place un processus de présélection et de recrutement auquel doivent se soumettre toutes les nouvelles recrues avant de travailler avec les jeunes. Nous vérifions également les casiers judiciaires de tous nos dirigeants actuels.

Le processus de présélection comprend huit étapes. Cependant, l'information requise pour prendre des décisions informées est recueillie de trois façons: par des entrevues personnelles, des vérifications auprès de la police, des entreprises, des bénévoles et sur le plan personnel et, si le registre de l'enfance maltraité est disponible, il devrait être consulté également. Mis ensemble, tous ces renseignements nous permettent de déterminer le risque que représente un adulte pour les jeunes s'il est choisi comme dirigeant.

La société, et plus particulièrement les parents des jeunes que nous desservons, exige que Scouts Canada, à l'instar de tout autre organisme au service de la jeunesse, prenne les mesures qui s'imposent pour garantir la sûreté de nos jeunes et de nos enfants.

Nous sommes prêts à relever le défi. Toutefois, nous avons besoin du processus de présélection. Nous avons besoin de l'information nécessaire pour prendre des décisions éclairées. Si des renseignements ne nous sont pas divulgués pour quelque raison que ce soit, le risque pour nos jeunes s'accroît.

Nous respectons les droits des gens et nous ne recueillons pas d'informations de quelque source que ce soit sans avoir d'abord obtenu la permission de l'intéressé. Les renseignements que nous obtenons par l'entremise des relevés judiciaires ou de toute autre source n'ont pas à être détaillés. Toutefois, les informations relatives aux casiers judiciaires, qu'il s'agisse de délinquants réhabilités ou autres qui pourraient représenter un risque pour nos jeunes, doivent être divulgués.

Le processus de présélection de Scouts Canada a été coûteux et difficile à administrer. Cependant, s'il contribue à prévenir une seule agression contre un jeune, nous sommes convaincus qu'il en vaut la peine.

Le projet de loi C-69 pourrait contribuer à réduire le risque de violence faite aux enfants.

Mme Paddy Bowan, directrice exécutive, Volontaire Canada: Honorables sénateurs, Volontaire Canada est une association nationale qui fait la promotion de l'excellence dans le bénévolat au Canada. Nous travaillons avec 200 centres de bénévoles situés d'un bout à l'autre du pays.

Volontaire Canada, qui jouit de l'appui principalement du ministère fédéral du Solliciteur général, ainsi que des ministères de la Justice et de la Santé, est l'organisme national qui traite de la question de la présélection. Nous sommes responsables de la campagne nationale de sensibilisation à la présélection, qui a profité récemment d'une importante subvention de l'Ontario.

Le message fondamental de cette campagne, c'est que toutes les organisations doivent faire une présélection soignée des bénévoles ou des employés rémunérés qui sont dans une situation d'autorité par rapport à des enfants ou à d'autres personnes vulnérables.

La première et la plus importante de ce que nous appelons nos «dix mesures de sécurité» consiste à déterminer le risque d'un poste donné. De toute évidence, le risque est moins grand s'il s'agit d'un entraîneur de tee-ball sur un terrain où se trouvent 20 autres adultes et une foule d'enfants que s'il s'agit d'une relation de personne à personne comme celle qu'un Grand Frère peut entretenir avec un enfant, voire d'une relation intense qui peut se développer au fil des jours entre un chef scout et les enfants qui sont à sa charge.

Les procédures de présélection qui conviennent dans ce cas-là sont alors déterminées. La vérification des dossiers policiers fait partie des dix mesures de sécurité de la présélection, qui se fondent, je le répète, sur l'évaluation du risque. Ce n'est pas une mesure que nous recommandons de façon universelle.

La remarque la plus importante que je puisse faire aujourd'hui, c'est qu'à notre avis, et la recherche le confirme, la présélection n'équivaut pas à faire une vérification des relevés judiciaires. En fait, le recours à ces dossiers a une utilité limitée parce que la vaste majorité des gens qui ont agressé un enfant ou une autre personne n'ont jamais été condamnés au criminel. Par conséquent, ils ne figurent pas dans les relevés judiciaires.

La seule contribution de Volontaire Canada à l'examen du projet de loi C-69, c'est de dire qu'il faut relativiser ce dernier. Les décisions visant à renforcer ou à modifier le traitement des relevés judiciaires doivent être mises en rapport avec la relative inutilité du recours aux relevés judiciaires comme outil servant à la protection des enfants.

Voilà ce qu'il importe vraiment que je dise à titre de directrice exécutive de Volontaire Canada. Dans le mémoire que j'ai présenté au comité, j'ai fait deux autres observations à des titres différents. À titre de partisane des libertés civiles et de personne travaillant comme bénévole depuis vingt ans au Canada, y compris auprès de délinquants, j'ai des réserves à formuler sur les effets du projet de loi sur l'intégrité du système de réhabilitation. Je pense qu'il faut se pencher sur cette question. À titre de parent, je me demande pourquoi la société réhabilite tout individu ayant des relations sexuelles avec des enfants.

À la lumière de ces deux points de vue, nous revenons à la question de savoir comment on peut protéger les enfants et les autres personnes vulnérables. Je pense que le projet de loi y parvient dans une certaine mesure. Il est structuré de telle manière qu'il fait ce qu'il peut pour protéger à la fois le système de réhabilitation et les enfants. Cependant, j'espère que le projet de loi C-69 et la vérification des relevés judiciaires ne constitueront jamais les seuls moyens d'empêcher des agresseurs de travailler auprès d'enfants.

Le sénateur Beaudoin: Vous dites ne pas comprendre pourquoi on réhabilite des agresseurs sexuels dont les victimes sont des enfants. Est-ce parce que vous pensez que ce genre de crime est trop grave?

Mme Bowan: Je ne suis pas spécialiste des agressions sexuelles. Cependant, je crois savoir, d'après mes lectures à cet égard, que ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler un crime ordinaire. Le système de droit pénal canadien, tel qu'il est actuellement structuré, n'arrive pas à réparer ni même à atténuer les effets des agressions sexuelles d'enfants.

Sur un plan profondément émotif, on se demande comment le système, dans toute sa sagesse, peut réhabiliter une personne qui, selon toutes les recherches, récidivera vraisemblablement et qui commet ces crimes dans des endroits privés sur des victimes étant habituellement sans défense, réduites au silence à cause de leur âge ou de leur incapacité. Ainsi, le crime est plus difficile à éviter et il y aura vraisemblablement récidive. Pourquoi accorder une réhabilitation? Pourquoi cet individu ne devrait-il pas être stigmatisé pour le reste de son existence?

Le sénateur Beaudoin: Vous dites que les chances sont qu'ils récidiveront. Quelles sont les statistiques à cet égard?

Mme Bowan: Je l'ignore, mais je sais que le taux de récidive est très élevé. Il y a une foule de gens qui s'y connaissent mieux que moi dans ce domaine.

Du point de vue de Volontaire Canada, la plus grave préoccupation, c'est que la plupart des gens qui ont agressé des enfants n'ont jamais été pris. D'où la nécessité d'une présélection soignée.

Il faut avoir d'autres mesures pour démasquer et décourager les agresseurs éventuels. Compte tenu de la nature de ces crimes, les chances sont qu'ils n'ont jamais été condamnés.

Le sénateur Pearson: Je voudrais bien savoir de quelles mesures il s'agit.

Mme Bowan: La première consiste à évaluer le risque et à structurer le poste en conséquence. Un organisme peut structurer un poste de bénévole ou d'employé rémunéré de manière à atténuer le risque, par exemple, en faisant en sorte que le candidat choisi ne soit jamais seul avec les enfants. Il doit y avoir un processus de recrutement qui convient. On ne devrait jamais faire paraître une annonce dans laquelle on dirait avoir désespérément besoin de bénévoles pour travailler avec des enfants. Ce serait aller au-devant des dangers.

Il devrait y avoir un bon système de suivi et de vérification des références. Autrement dit, il devrait y avoir un processus de recrutement qui convient. On devrait procéder, le cas échéant, à la vérification des dossiers de la police.

Ce processus devrait être suivi d'une période de formation et d'orientation en bonne et due forme. L'étape capitale est le suivi auprès des enfants ou des clients. Il faut interroger ces derniers. Il arrive très souvent que les organismes qui travaillent avec des enfants ne demandent jamais à ces derniers comment ça va, comment sont leurs chefs.

Nous avons toute une série de documents là-dessus et nous avons travaillé de très près avec le solliciteur général à l'élaboration d'un programme national.

Nous avons mis en oeuvre un programme de sensibilisation public parce que nous voulons que les parents et les donneurs de soins commencent à demander aux divers groupes s'ils font de la présélection.

Le sénateur Pearson: Dans le cas du processus de présélection de Scouts Canada, pouvez-vous nous dire, soit en pourcentage ou en chiffres, combien de gens sont en fait détectés comme représentant un risque? Avez-vous une idée?

M. Hallett: Je n'ai pas de chiffres exacts maintenant, car, comme vous pouvez imaginer, la présélection de quelque 50 000 adultes constitue une tâche monumentale.

Selon notre évaluation initiale, ce nombre serait minime. Nous n'avons pas rejeté un grand nombre de candidats. Certains ont fait l'objet d'un examen plus approfondi, mais, jusqu'à maintenant, je dois dire que le nombre de candidats rejetés est minime.

Le sénateur Pearson: Vous avez dit que le processus de présélection était coûteux et difficile. Je conviens qu'il en vaut la peine s'il contribue à sauver un seul enfant; cependant, il pourrait être tentant à l occasion de prendre des raccourcis.

Mme Bowan: Scouts Canada a fait savoir à Volontaire Canada que ses primes d'assurance avaient diminué de 200 000 $ depuis l'instauration du processus de présélection national.

M. Hallett: C'est juste.

Mme Bowan: Cela constitue un incitatif. Le secteur des assurances considère cela d'un oeil favorable. Il y a un impératif moral, mais aussi un impératif financier.

M. Hallett: L'important, c'est que la vérification des relevés judiciaires ne soit qu'un outil parmi d'autres. Selon notre expérience, le processus de présélection dans son ensemble est capital. Nous avons recours à un processus composé de huit étapes environ, la vérification des relevés judiciaires n'étant qu'une de ces étapes. Je puis vous dire que tous ceux qui ont causé des problèmes au sein de Scouts Canada sont des gens ayant commis une première infraction, de sorte que la vérification des relevés judiciaires n'aurait rien révélé. C'est une composante du processus de présélection.

Le sénateur Pearson: La vérification des relevés judiciaires est-elle une opération coûteuse?

M. Hallett: Elle peut coûter jusqu'à 80 $. Ce sont des bénévoles, et ils doivent payer des droits de cotisation en plus des frais prélevés pour la vérification des relevés judiciaires, de sorte que c'est devenu coûteux non seulement pour Scouts Canada, mais encore pour les particuliers.

Le sénateur Pearson: Ce sont les particuliers qui paient la vérification?

M. Hallett: Oui, du moins dans le cas de Scouts Canada.

Mme Bowan: Oui. Cela dépend de l'organisme. Les coûts s'élèvent proportionnellement à l'augmentation de la demande qui s'exerce sur le système policier.

Le sénateur Pearson: Cela pourrait devenir un véritable obstacle pour des organismes comme les Grands Frères parce qu'une bonne partie des bénévoles sont de jeunes étudiants.

Mme Bowan: Absolument, et nous devons faire savoir aux gens que c'est une mesure qui pourrait être nécessaire en fonction du niveau de risque. Il vaudrait bien mieux consacrer nos ressources à l'évaluation du risque et ne procéder à une vérification des relevés judiciaires que dans certains cas seulement au lieu de consacrer toutes nos ressources à la vérification des relevés judiciaires sans prendre personne.

La province de la Colombie-Britannique a institué la vérification obligatoire des relevés judiciaires pour tous les gens travaillant avec des enfants. La première année, 297 000 évaluations ont été faites et quatre cas représentant un risque ont été relevés. Dans ces quatre cas, on savait déjà de qui il s'agissait. On met beaucoup l'accent sur la vérification des relevés judiciaires. Notre préoccupation, c'est que nous savons que, dans le reste de 297 000 autres cas, quelqu'un agresse un enfant. Voilà ce que c'est que de mettre l'accent sur la vérification des relevés judiciaires plutôt que de prendre d'autres mesures pour démasquer les agresseurs éventuels.

Le sénateur Bryden: Je suis heureux de vois entendre dire tous les deux que la solution à un problème ne réside pas uniquement dans le système juridique. C'est un argument que j'ai déjà soulevé devant le comité. Dès que l'on a un problème, on pense immédiatement à modifier la loi ou à adopter une nouvelle ou à faire des choses comme une vérification des relevés judiciaires alors que la solution réside dans la sensibilisation ou, comme vous l'avez dit, dans la définition du risque.

Je trouve vos propos encourageants et je souhaite que vous rencontriez une foule d'autres personnes pour leur dire de faire la même chose.

Mme Bowan: Je suis prête à le faire n'importe quand.

Le sénateur Bryden: Je suis tout à fait d'accord. Comme vous le dites, si on met l'accent sur la présélection, on est plus apte à démasquer des gens qui représentent un vrai risque pour nos jeunes. L'excuse que l'on invoquait presque automatiquement était: «Mais nous avons fait une vérification des relevés judiciaires.» Et alors? La plupart de ces gens-là ne récidivent jamais.

J'ai une question spécifique à poser à M. Hallett. La plupart des témoignages que nous avons entendus ce matin ont souligné que la divulgation de ces infractions et de la révocation de la libération conditionnelle ne sont liées qu'à des infractions sexuelles. Dans votre témoignage, vous avez dit que votre organisme doit se préoccuper non seulement des agressions sexuelles, mais encore des agressions physiques et émotives.

M. Hallett: Oui, c'est exact.

Le sénateur Bryden: Pensez-vous que cela est prévu dans le projet de loi C-69?

M. Hallett: Selon mon interprétation du projet de loi, cela ne semble pas être le cas. Le projet de loi semble traiter strictement des questions sexuelles, mais je voulais souligner que les agressions contre les enfants ne sont pas seulement sexuelles.

Le sénateur Bryden: À la lecture du projet de loi, il est impossible de dire qu'il ne concerne que les agressions sexuelles, auxquelles il n'est fait aucune allusion. Je suis censé être un expert en la matière, mais j'ai conclu qu'on pouvait ajouter les agressions physiques et émotives ainsi que le délaissement à la liste d'infractions.

Le sénateur Andreychuk: Ou sous "personnes vulnérables».

Le sénateur Bryden: Ou sous «personnes vulnérables». Madame la présidente, cela devient de plus en plus un problème fondamental en ce qui concerne cette mesure législative. Pour moi, du moins.

Monsieur Hallett, vous avez dit que vous aviez 50 000 bénévoles. Vous avez également parlé d'un certain nombre de jeunes desservis par Scouts Canada. Était-ce 150 000?

M. Hallett: Oui, c'était 150 000 cette année.

Le sénateur Bryden: Était-ce avant la formation du groupe dissident?

M. Hallett: Je n'ai rien à dire à cet égard.

Le sénateur Bryden: Scouts Canada comprend maintenant les scouts et les guides?

M. Hallett: Scouts Canada comprend un élément féminin, mais nous sommes toujours distincts de Guides du Canada, qui est un organisme totalement féminin. Nous sommes un organisme mixte.

Le sénateur Bryden: Scouts Canada peut comprendre des membres féminins. Merci. Il est bon de rencontrer quelqu'un qui s'attaque au vrai problème et qui ne s'en remet pas seulement à la voie législative.

La présidente: Je voudrais vous poser une question sur ce que vous avez dit, madame Bowan. Vous avez déclaré que, selon votre expérience, la vérification des relevés judiciaires ne constitue pas, à elle seule, une bonne méthode de présélection. Par conséquent, ce projet de loi n'améliorerait pas vraiment beaucoup le processus. Ce ne serait toujours pas une méthode efficace. Il faudrait en fait recourir à la méthode de Scouts Canada composée de sept mesures ou à votre méthode composée de dix mesures pour réussir en fait à démasquer les personnes qui commettront vraisemblablement ce genre d'infraction.

Avez-vous des données à nous présenter quant au nombre de personnes qui seraient ainsi démasquées à l'aide du processus en dix étapes? Comme vous le dites, la plupart de ces personnes ne sont pas démasquées.

Mme Bowan: Il n'y a pas de données, ce qui est en partie attribuable au fait que le secteur du bénévolat est très vaste, notamment en ce qui concerne ceux qui travaillent auprès des jeunes et d'autres personnes vulnérables. Nous avons bien fait du travail dans le secteur des soins palliatifs, avec les très âgés, où les agressions ne sont pas tant sexuelles, mais ont plutôt à voir avec le vol de médicaments, le prosélytisme ou les agressions physiques par exaspération contre des personnes atteintes, par exemple, de démence avancée. Ce n'est pas seulement contre les enfants.

On compte, au Canada, 700 000 enfants qui s'adonnent au hockey, 800 000, au soccer, et 200 000, à la natation. Et la liste se poursuit. Il y a des entraîneurs, des gestionnaires et des assistants dans toutes ces activités. Il n'y a pas d'endroit central pour recueillir l'information quand on n'est pas là. C'est impossible de savoir ce que l'on ne détecte pas.

Je veux énoncer ce que vous dites et exprimer ma préoccupation. Jusqu'à maintenant, l'intervention du gouvernement fédéral dans ce domaine est assez limitée. Un certain nombre de provinces veulent attirer notre attention sur la question des registres ou du recours à la vérification des relevés judiciaires. Parallèlement à l'annonce du projet de loi C-69, je m'attendais à ce que l'on souligne que le système des relevés judiciaires est maintenant un outil plus efficace pour démasquer les personnes qui agresseront des enfants. D'habitude, on ne dit pas au public dans quelle mesure l'efficacité de ce système est limité. Les gens n'ont pas l'habitude de faire des déclarations publiques au sujet des registres et d'ajouter du même souffle qu'ils ne nous permettront pas de prendre la plupart des personnes en cause. Cela crée un faux sentiment de sécurité selon lequel le gouvernement fait ce qu'il doit faire à cet égard, alors que l'accent devrait être mis sur la sensibilisation et la vigilance.

La présidente: Je vous remercie de votre témoignage.

Le sénateur Pearson: Le deuxième point soulevé par Mme Bowan a trait à l'intégrité de la personne. Pouvez-vous préciser votre pensée à cet égard? Je partage certaines de ces préoccupations.

Mme Bowan: J'ai une grande confiance dans les diverses composantes du système de justice que sont le système de justice pénale, le système de libération conditionnelle et le système de réhabilitation. J'estime que des personnes sages prennent les décisions à cet égard. Par conséquent, quand une réhabilitation est accordée, je suppose que c'est après un examen approfondi de tous les facteurs en cause. Si nous accordons une réhabilitation pour ensuite signaler le dossier de la personne en cause, on ne peut pas dire que cette personne a été vraiment réhabilitée. Qu'en pensera la personne qui s'est vraiment réhabilitée? Est-ce que ce sera ensuite le tour des cambrioleurs? Est-ce la brèche que l'on introduit dans le système? Si nous croyons vraiment dans notre système de réhabilitation, il faut réhabiliter uniquement ceux qui ne récidiveront pas, qui se sont vraiment amendés et qui sont devenus des membres actifs et sains de la société.

Cela me ramène à ce que j'ai dit au sénateur Beaudoin, à savoir peut-on croire que cela puisse s'appliquer à la majorité des gens dont l'inclination est d'avoir des relations sexuelles avec des enfants? Cela me révolte au plus haut point. Je voudrais avoir la certitude que l'on ne réhabilite pas une personne s'il y a la possibilité la plus infime soit-elle qu'il récidive un jour en rencontrant un enfant.

M. Alwyn Child, directeur, Direction des politiques et de la liaison, Commission canadienne des droits de la personne: Je voudrais vous remercier d'avoir demandé à la commission de comparaître devant vous. Je n'ai pas de déclaration à faire. Je me mets simplement à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le sénateur Beaudoin: J'ai envie de vous poser la même question que celle que j'ai posée au témoin précédent. Elle a donné une bonne réponse. Êtes-vous d'accord avec elle?

M. Child: Je ne sais pas à quelle question vous faites allusion.

Le sénateur Beaudoin: Je fais allusion aux principes de la réhabilitation. Nous octroyons la réhabilitation à des personnes qui ont été trouvées coupables d'une infraction, et je suppose que nous avons de bonnes raisons de le faire. J'ai été impressionné par sa réponse, et je voudrais savoir ce que vous en pensez.

M. Child: Ma réponse serait essentiellement la même. Si quelqu'un a payé sa dette et s'est amendé, alors cette personne devrait pouvoir continuer de vivre dans la société sans crainte que des renseignements au sujet de sa réhabilitation ne soient divulgués dans l'avenir.

La Commission canadienne des droits de la personne fait une exception s'il y a une exigence professionnelle justifiée voulant que cette information soit rendue publique -- c'est-à-dire si la décision en dépend -- et si c'est nécessaire pour le poste convoité par la personne. Par conséquent, notre position est essentiellement la même que celle du témoin précédent.

Le sénateur Bryden: À titre de question complémentaire, comment détermine-t-on qu'une condition d'emploi est une exigence professionnelle justifiée?

M. Child: Il faut chercher à savoir si c'est une exigence nécessaire pour les fonctions du poste ou la prestation d'un service. Dans les provinces, cela comprendrait aussi le logement.

Le sénateur Bryden: Pouvez-vous me donner un exemple?

M. Child: Par exemple, si une personne pose sa candidature à un poste de policier, la demande serait acceptée par la GRC et étudiée au niveau provincial. Cependant, si la personne en cause a été condamnée pour trafic de narcotiques et qu'elle pose sa candidature à un poste au sein de l'escouade des narcotiques, une exigence professionnelle justifiée sera qu'elle n'ait pas participé à des activités de trafic de narcotiques dans le passé. Quiconque se serait adonné à une telle activité ne pourrait occuper ce poste. Un autre exemple pourrait être un banquier ayant été trouvé coupable de détournement de fonds. Ce serait la même chose.

Il y également la situation où -- et je ne veux pas aborder directement cette question -- une personne pose sa candidature comme gardien d'enfants, mais a déjà été trouvée coupable de pédophilie. Je ne m'inquiète pas tellement de la question de savoir que cette information soit rendue publique, car le projet de loi s'en occupe, mais ce serait une exigence justifiée en ce sens qu'on voudrait s'assurer que cette personne n'ait jamais été condamnée pour cela.

La présidente: Ce fut un après-midi intéressant. Certains témoins dont nous nous attendions à ce qu'ils soient fermement en faveur de ce projet de loi ont dit que celui-ci ne serait pas terriblement efficace, selon eux, alors que ceux dont nous nous attendions à ce qu'ils hésitent à appuyer le projet de loi ont dit que c'était un rejet justifié pour des motifs liés aux droits humains.

Le sénateur Andreychuk: Comment jugez-vous que c'est justifié dans le cas d'une loi qui permet la divulgation du dossier de quelqu'un? Comment l'avez-vous jugé jusqu'à maintenant? L'avez-vous jugé, par exemple, en disant que lorsque l'on accorde une réhabilitation, le réhabilité redevient un citoyen à part entière ou réexaminez-vous son dossier?

M. Child: Il y a deux volets à cela. D'abord, nous ne serions pas inquiets en ce qui concerne la divulgation de l'information. Nous recevrions une plainte si quelqu'un se voit refuser un emploi pour le motif qu'il a eu un casier judiciaire. Cela entraînerait l'application de la loi. Nous chercherions ensuite à savoir si, ayant rejeté la candidature de cette personne, l'employeur peut justifier son rejet en fonction du crime commis par la personne.

Le sénateur Andreychuk: Disons que je suis la personne en cause, que j'ai déjà été condamnée et que j'ai été réhabilitée. On nous dit que 97 p. 100 des réhabilités ne récidivent pas, et cela comprend les délinquants sexuels. Y a-t-il des critères différents pour les réhabilités, ou sont-ce les mêmes critères?

M. Child: Revenons un peu en arrière pour que ce soit plus clair.

Le sénateur Andreychuk: Êtes-vous en train de me dire que la loi sur les droits de la personne ne me protégerait pas parce qu'une fois que j'aurais commis l'infraction celle-ci entacherait à jamais ma réputation?

M. Child: Cela n'attirerait nullement l'attention. La Loi canadienne sur les droits de la personne fournit une protection dans trois principaux domaines. Dans le domaine de l'emploi, si on rejette votre candidature à un emploi parce que vous avez un casier judiciaire, cela entraînerait l'application de la loi.

En ce qui concerne la prestation d'un service, si on refuse de vous fournir ce service parce que vous avez été trouvé coupable d'une infraction, mais que vous avez été réhabilité, cela entraînerait l'application de la loi. Il y a également le logement, mais c'est largement un champ de compétence provincial. Par conséquent, ce n'est qu'après un refus motivé par une condamnation ayant fait l'objet d'une réhabilitation que nous entrons en jeu.

L'exigence que l'employeur peut invoquer pour rejeter une candidature, congédier un employé ou refuser de fournir un service, notamment, c'est que la personne en cause n'ait jamais été condamnée au criminel pour cette infraction.

Pour illustrer mon propos, disons qu'une personne pose sa candidature à un poste de conducteur d'autobus, mais qu'elle a déjà été trouvée coupable d'avoir fumé de la marijuana. Cet exemple est peut-être trop compliqué, alors mettons-le de côté. Supposons qu'une personne a été condamnée pour vol à l'étalage et qu'elle a été réhabilitée. Cela ne serait pas une exigence professionnelle justifiée pour un conducteur d'autobus. Celle sur la marijuana le serait. Le fait que vous ayez commis un vol à l'étalage à l'âge de 18 ans ne devrait pas vous empêcher d'obtenir un emploi de conducteur d'autobus d'OC Transpo à l'âge de 45 ans. Il serait impossible, dans ce cas-là, de faire de la non-condamnation pour vol à l'étalage une exigence professionnelle justifiée.

Le sénateur Andreychuk: Peut-être que je ne fais pas bien comprendre. La Commission canadienne des droits de la personne se reporte-t-elle aux dispositions de la Loi sur le casier judiciaire et de la réhabilitation pour prendre ses décisions? Examinez-vous et l'emploi et l'infraction dans chaque cas particulier? Je suis portée à penser que si une personne a été réhabilitée par suite d'une infraction commise il y a 20 ou 30 ans et qu'elle n'ait rien fait de mal depuis, cela constitue une bonne indication qu'elle ne représente plus une menace.

M. Child: C'est peut-être le cas. Pour pouvoir déposer une plainte, la personne doit pouvoir dire qu'on lui a refusé quelque chose, que ce soit un emploi ou un service, notamment, parce qu'elle a déjà commis une infraction, mais qu'elle a été réhabilitée. Elle doit avoir été réhabilitée pour que la loi puisse s'appliquer.

La seule justification que l'employeur peut invoquer pour refuser d'engager quelqu'un ou de fournir un service, entre autres, c'est que la non-perpétration d'une infraction donnée dans le passé constitue une exigence professionnelle justifiée.

Le sénateur Andreychuk: Je suppose que tout dépend du critère qu'on applique.

M. Child: Nous appliquerions un critère qui relierait les fonctions du candidat au crime qu'il a commis dans le passé et pour lequel il a été réhabilité.

Si, pour reprendre l'exemple que j'ai donné, vous avez été condamné pour vol à l'étalage il y a 20 ans et que vous faites une demande pour être chauffeur d'autobus, je ne pense pas que l'employeur pourrait justifier l'exigence que vous ne devez jamais vous être rendu coupable de vol à l'étalage. Si nous prenons les drogues comme exemple, on se rapproche un peu, mais ce n'est pas rédhibitoire. Par contre, si vous avez été condamné pour trafic de drogues et que vous posez votre candidature à la section anti-drogue de la GRC, je pense que ce serait alors une exigence tout à fait justifiée.

Le sénateur Andreychuk: On prend le travail en considération et on détermine si c'est une exigence justifiable. On ne juge pas la moralité de la personne. C'est le travail qui est important, pas la personne qui fait la demande.

M. Child: Seulement dans la mesure où la moralité est une partie essentielle des qualités requises pour l'emploi.

Le sénateur Andreychuk: On ne fait donc pas une analyse de la personne.

M. Child: Non.

Le sénateur Andreychuk: J'aurais espéré que la Commission des droits de la personne ne serait pas en mesure de dire qu'une personne ne pourrait pas être réhabilitée, uniquement à cause de son dossier, ce à quoi les questions conduisaient, je pense.

M. Child: On dit d'un handicap, et de tous les autres motifs prohibés, qu'on ne doit pas être marqué à vie.

Le sénateur Moore: On a dit récemment, j'ai oublié où, que la Loi sur les droits de la personne ne s'applique pas à la Loi sur les Indiens.

M. Child: Cela va nous mener bien loin de tout ceci.

Le sénateur Moore: Est-ce exact?

M. Child: Non, bien qu'elle ne s'applique pas à tout. C'est très compliqué, mais je vais essayer d'expliquer comment je comprends les choses. L'hypothèse de base est que la loi n'est pas discriminatoire. Par conséquent, la Loi canadienne sur les droits de la personne stipule qu'elle ne s'applique pas à ce qui est fait aux termes de la Loi sur les Indiens. Dans ce sens, elle ne s'applique pas. Toutefois, très souvent on fait des choses soi-disant aux termes de la Loi sur les Indiens alors qu'il n'en est rien. Ces choses ne relèvent pas de la Loi sur les Indiens. Dans la mesure où elles ne sont pas faites dans le cadre de la loi, la Loi sur les droits de la personne s'applique.

Le sénateur Moore: Si le contrevenant était autochtone, est-ce que votre commission étudierait son cas dans le cadre du projet de loi dont nous sommes saisis?

M. Child: Oui, certainement.

Le sénateur Moore: Dans ce cas, la loi sur les droits de la personne s'appliquerait aux autochtones régis par la Loi sur les Indiens.

M. Child: Je devrais dire que pour ce qui est de l'ampleur de la situation, si je comprends bien le projet de loi, très peu d'employeurs relevant du fédéral chercheraient à obtenir le genre de renseignements que le projet de loi est censé mettre à leur disposition. La majorité des garderies et des établissements qui s'occupent de personnes âgées sont réglementés par les provinces et les codes provinciaux des droits de la personne ne sont pas uniformes. Certains offrent une protection, mais pas tous. Les cas d'application pourraient donc être plus nombreux.

Au niveau fédéral, nous recevons deux ou trois plaintes par an de personnes qui disent avoir été l'objet de discrimination en raison d'une condamnation à l'égard de laquelle elles ont été réhabilitées. Par conséquent, l'application de la loi ne fera pas une grosse différence pour nous.

Ceci dit, il se peut que ce soit une situation où les gens s'éliminent d'eux-mêmes. La GRC et les Forces canadiennes sont les deux principaux groupes qui relèvent de notre juridiction. Les chances que les gens soient éliminés en raison de leur casier judiciaire sont probablement très élevées. Pourtant, nous ne recevons pas de plaintes de ces deux organisations, ou que très rarement, relativement à une condamnation ayant fait l'objet d'une réhabilitation.

Le sénateur Fraser: Dans les rares cas où quelqu'un vient vous dire: «On m'a refusé un emploi à cause d'une condamnation à l'égard de laquelle j'ai été réhabilité», quel poids donneriez-vous dans vos délibérations au fait que la personne avait signé une autorisation de communication?

M. Child: Cela ne ferait aucune différence. La seule chose qui fasse une différence est de savoir s'il y a un lien direct avec l'accomplissement de la tâche, avec les exigences justifiables du poste.

La présidente: Je vous remercie d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui, monsieur Child.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre M. Zubrycki et Mme Campbell, qui comparaissent de nouveau.

M. Richard Zubrycki, directeur général, Affaires correctionnelles, Secteur des politiques, ministère du Solliciteur général du Canada: Nous n'avons pas de remarques préliminaires à faire, mais je sais que certaines questions statistiques qui ont été soulevées vous intéressent.

J'ai vu les chiffres qui vous ont été donnés plus tôt. Je crois qu'ils ont été extraits d'un rapport qui a été publié sous plusieurs formats. Je ne sais pas duquel il s'agit, mais c'est une version de ce rapport. C'est un rapport publié par notre ministère sur le suivi à long terme des pédophiles, sur les indicateurs de risque et sur le résultat des traitements.

Il est très difficile de résumer en termes statistiques un phénomène social aussi vaste et aussi complexe que celui-ci. L'expression «délinquant sexuel» s'applique aux violeurs violents, aux personnes coupables d'inceste et aux pédophiles. Il y a différents types de délinquants sexuels et ils présentent des risques variables. Selon l'échantillon étudié, si les délinquants présentent un risque faible ou élevé, les résultats sont très différents. On ne peut pas légitiment les appliquer à toute la population.

J'ai parlé plus tôt des délinquants sexuels réhabilités. C'est généralement une catégorie qui présente peu de risques car, comme l'ont dit certains sénateurs, les anciens délinquants se filtrent d'eux-mêmes. En effet, s'ils estiment qu'ils n'ont aucune chance d'obtenir une réhabilitation, ils ne font pas de demande. Quand ils voient les pièces qu'ils doivent fournir à la police, y compris leurs empreintes digitales, l'adresse de leur domicile au cours des cinq dernières années, ceux qui ont quelque chose à cacher ou qui savent qu'ils ne seront pas admissibles, abandonnent.

Les contrevenants qui comparaissent devant la Commission des libérations conditionnelles ont déjà purgé leur peine et ont attendu au moins trois ans, voire cinq ou davantage. Quand ils se présentent devant la commission, cela fait longtemps qu'ils sont sur le droit chemin. Les résultats en témoignent. Le très faible taux d'échec confirme que les personnes qui sont réhabilitées constituent un échantillon qui est un bon risque.

L'étude dont ces chiffres sont extraits portait sur 197 détenus sortis de, je crois, Millbrook, établissement provincial à sécurité maximale en Ontario. Il s'agit donc de contrevenants dont on avait jugé qu'ils présentaient un risque suffisamment élevé pour les enfermer dans l'un des établissements les plus sûrs de la province. Ces contrevenants ont été remis en liberté sur une période de 15 ans et suivi pendant 15 ans après cela. Ce suivi extrêmement long est inhabituel dans ce genre d'étude.

Cet échantillon de 197 a été divisé en six groupes, allant du risque le plus élevé au risque le moins élevé. Sur les 197, le groupe qui présentait le risque le plus élevé avait un taux de récidivisme de 77 p. 100. On a cité ce chiffre. Ce taux d'échec de 77 p. 100 est calculé sur 13 cas dont 11 ont récidivé.

En comparaison, l'échantillon qui présentait le risque le moins élevé comportait 21 cas et le taux de récidivisme était de 24 p. 100. Dans l'ensemble, 42 p. 100 des 197 ont récidivé au cours d'une période de 15 ans.

D'un certain point de vue, c'est un taux d'échec élevé, mais il est basé sur un échantillon de cas à haut risque et sert aux fins de la comparaison avec d'autres échantillons. En soi, ce taux d'échec ne dit pas grand chose de l'ensemble de la population des délinquants sexuels. En outre, quand on parle de délinquants sexuels réhabilités, on parle en théorie et en pratique d'un groupe à risque relativement faible.

Le sommaire de la recherche précise que la notion que les criminels non sexuels ont un taux de récidivisme plus élevé que les agresseurs d'enfants va à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle les agresseurs d'enfants constituent un groupe de contrevenants présentant un risque particulièrement élevé.

Quand il s'agit d'agresseurs d'enfants, une seule infraction est déjà de trop. Les conséquences sont graves et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter que ça se produise. Je n'essaye pas de minimiser ou de banaliser le problème, mais je veux le mettre en contexte. Quand nous parlons d'actes criminels, du traitement des criminels et d'offrir des mesures de lutte efficaces et réalistes, nous devons voir les choses dans un contexte comparatif.

De façon générale, les délinquants sexuels risquent moins de récidiver que les autres délinquants, mais quand ils récidivent, c'est beaucoup plus tard. Alors que la majorité des contrevenants qui récidivent le font dans les six premières années, les délinquants sexuels ont tendance à récidiver au bout de 20 ans et même plus, mais leur taux de récidivisme est la moitié des autres.

De toute évidence, nous devons prendre ça au sérieux. Les délinquants sexuels ne seront peut-être jamais délivrés des pulsions qui les poussent à commettre des infractions, mais tout semble indiquer qu'ils peuvent apprendre à les maîtriser. Beaucoup d'entre eux le font alors que d'autres n'essayent même pas et, naturellement, ces derniers récidivent dans des proportions importantes.

Le sénateur Andreychuk: Après avoir entendu tous les témoins et après avoir lu et relu le projet de loi, il me semble que nous essayons de concilier le droit des citoyens a être réhabilités après une certaine période de temps pendant laquelle ils ont payé leur dette à la société et l'objet de ce projet de loi, qui est de les empêcher de s'approcher des enfants, que ce soit dans leur travail ou autre. Le but du projet de loi est louable, mais je me demande s'il est réalisable dans la pratique.

Nous avons entendu les autres témoins -- et j'ai tendance à être d'accord avec eux -- dire qu'on risque de trop se fier aux vérifications. Si on procède à la vérification du casier judiciaire et qu'on tombe sur un indicateur, tant mieux, mais s'il n'y a pas d'indication, on supposera que la personne est acceptable. On nous a dit que la majorité des personnes qui risquent de présente un danger ne seront probablement pas soumises à tout ce processus. Les vrais contrevenants sont ailleurs.

Ne vaudrait-il pas mieux ne pas toucher à la Loi sur le casier judiciaire et repenser le processus de réhabilitation des délinquants sexuels reconnus? En faveur de qui devons-nous faire pencher la balance: de la personne qui a été accusée, condamnée, puis libérée ou des enfants que nous devons protéger?

Il me semble que ce projet de loi n'offrira pas l'assurance à ceux qui ont été réhabilité qu'ils peuvent agir d'une certaine façon et il ne me rassure aucunement quand à la sécurité des enfants. N'aurait-il pas plutôt fallu présenter un projet de loi qui aurait éliminé la possibilité de réhabilitation pour les délinquants sexuels et qui aurait établi un nouveau processus pour les dépister? Une fois qu'ils auraient passé ce test déterminant et fait une demande d'emploi, ils seraient l'objet d'une vérification comme tout le monde.

Nous disons que ce test nous donne quelque assurance. Jouer avec la Loi sur le casier judiciaire sans presque rien obtenir en retour ne semble pas être une bonne idée.

M. Zubrycki: Vous avez soulevé plusieurs points intéressants. Il est difficile de parvenir au parfait équilibre entre les droits des personnes qui ont prouvé qu'elles pouvaient mener une vie probe et le fait d'éviter que le système de réhabilitation ne devienne un mécanisme qui masque les antécédents des personnes qui risquent de présenter un danger pour les enfants et autres personnes vulnérables. C'est un problème épineux et c'est pourquoi la recherche est si importante.

Nous avons soigneusement étudié les chiffres. Nous avons entamé le processus quand on nous a demandé de créer un registre des délinquants sexuels. Cette proposition soulevait un bon nombre de préoccupations. Je n'entrerai pas dans le détail, mais nous avons conclu que ce serait un processus coûteux et inefficace.

Nous avons amplement consulté le secteur du bénévolat, la police, les victimes et les provinces.

Une ou deux choses sont nées de ces consultations. La première est le Système national de repérage, qui est en place depuis 1994. Il permet aux organismes bénévoles et autres de filtrer les candidats à un poste sans égard à la question de la réhabilitation. Quiconque fait une demande peut devoir se soumettre à une vérification de son casier judiciaire dans le cadre du processus de dépistage.

De plus, nous avons établi un partenariat avec Bénévoles Canada. Cette association a contribué à promouvoir le filtrage et à développer le processus de repérage dans ce pays par plusieurs centaines de points de pourcentage. Faire circuler le message qu'on ne pouvait se fier uniquement à la vérification du casier judiciaire aux fins du dépistage s'est révélé inestimable. Les personnes qui tombent dans ce piège sont faussement rassurées.

Par ailleurs, c'est une partie importante du processus de dépistage. On craignait qu'en utilisant le Système national de repérage, on ne repère pas les personnes qui avaient été réhabilitées, ce qui pourrait être interprété à tort comme un certificat de bonne conduite.

Nous reconnaissons que c'est un problème d'ordre pratique. Nous estimons à 114 le nombre d'infractions nouvelles commises par des délinquants sexuels réhabilités. Pour ce qui est de l'ampleur du problème, ce n'est pas un chiffre énorme, mais il justifie qu'on y consacre des ressources qu'il faut enlever à d'autres secteurs importants. Avec la coopération des forces policières, de notre ministère, des provinces et du secteur du bénévolat, on peut faire quelque chose.

Le gouvernement fédéral a convenu avec toutes les autres administrations lors d'une conférence des ministres de la Justice de mettre en place un système de repérage de ce genre. C'est le consensus auquel sont parvenus tous les ministres. C'est un compromis. C'est une proposition qui ne va pas jusqu'à l'extrême dans un sens ou dans l'autre, mais qui est considérée comme étant équilibrée et réalisable.

Mme Campbell: Refuser l'admissibilité à la réhabilitation à certaines catégories de contrevenants est une proposition complexe comme vous le voyez. Si on déclare qu'un certain type de contrevenants ne sera jamais admissible à la réhabilitation, cela signifie que dans tous les aspects de leur vie, que ce soit l'obtention d'un passeport, d'un visa, ou l'entrée aux États-Unis, ils seront toujours désavantagés.

Le choix qui a été fait à l'égard du projet de loi C-69 est qu'un délinquant sexuel qui a fait l'objet d'une réhabilitation et qui veut obtenir un visa ou autre chose du genre devrait pouvoir vaquer à ses occupations sans que cela entraîne des répercussions en ce qui concerne sa réhabilitation. Cependant, dans certaines circonstances limitées, s'il décide de travailler auprès d'enfants ou de personnes vulnérables, par exemple, il sera soumis à un examen supplémentaire.

Le sénateur Andreychuk: Je pense que c'est ce qui me gêne. Vous dites que la réhabilitation continue à s'appliquer à d'autres fins, l'obtention d'un passeport, par exemple. La possibilité que cette personne récidive ne préoccupe puisque, que ça se passe au Canada, aux États-Unis ou au Chili, nous sommes liés par le Pacte international relatif aux droits de l'enfant. Si cette personne n'est pas réadaptée, elle présente un risque, et ce risque existe où qu'elle soit et pour quelque fin que ce soit. Le problème n'est pas seulement qu'elle risque de récidiver au travail, mais qu'elle risque tout simplement de récidiver. Par ailleurs, je ne pense pas qu'il soit correct de dire que cette personne ne sera jamais admissible à la réhabilitation. Toutefois, mettre en place un processus qui traite le récidivisme différemment des autres crime, comme nous le faisons avec le récidivisme d'ordre sexuel, me semble une manière moins bureaucratique d'aborder le problème. Cela permettrait d'isoler les 114 cas. Je crois que c'est le chiffre qui a été cité. Ce sont ces 114 cas qui sont dans la balance. D'un côté nous avons la possibilité qu'un enfant soit agressé et en garde le souvenir toute sa vie et de l'autre nous obligeons un contrevenant à traîner son casier judiciaire pour le reste de sa vie.

M. Zubrycki: Le projet de loi C-69 ne porte pas directement sur le récidivisme. Il porte sur les situations où on peut raisonnablement s'attendre à l'augmentation du risque du fait qu'une personne qui a un casier judiciaire fait une demande d'emploi qui la mettrait en situation de confiance par rapport à un groupe particulièrement vulnérable. Comme vous pouvez le voir, que ces personnes recherchent une situation de confiance est très différent du fait qu'elles fassent une demande de passeport ou une demande d'emploi n'ayant rien à voir avec les enfants. Dans ces cas, le système de réhabilitation devrait reconnaître le fait qu'elles sont rentrées dans le droit chemin. Il y a toujours un risque; l'objet du projet de loi C-69 n'est toutefois pas de dépister les personnes à risque, mais plutôt de gérer un risque plus élevé dans des circonstances limitées.

Quand on a annoncé que le projet de loi C-69 allait être présenté, le premier appel que nous ayons reçu venait du directeur d'une école secondaire qui nous a dit que 35 ans plus tôt il avait commis une indiscrétion de nature sexuelle. Il n'a pas dit en quoi elle consistait, mais elle est inscrite dans son dossier. Il voulait savoir si tout ça allait ressortir et nous lui avons répondu que oui. S'il fait une demande pour un poste similaire ou s'il change d'emploi au sein du même conseil scolaire, c'est possible. D'une part, c'est le prix qu'il faut payer, mais d'autre part, cet homme a un autre recours. Il n'est pas obligé de consentir à ce que l'on vérifie son dossier. C'est le solliciteur général qui, en dernier ressort, déciderait si c'est un cas qui mérite que le dossier soit communiqué. Toutefois, dire qu'une personne qui pendant 35 ans n'a pas commis d'infraction ne pourra jamais être réhabilitée est, à notre avis, aller trop loin. C'est pourtant ce qu'avaient proposé certains de nos consultants, mais le consensus était que ce serait aller trop loin.

Le sénateur Moore: Monsieur Zubrycki, ce que vous avez dit me rappelle autre chose. Vous avez mentionné que certains ex-contrevenants s'éliminaient d'eux-mêmes. Ils pensent qu'ils n'ont aucune chance et ne demandent donc pas à être réhabilités. Vous avez parlé d'un taux de succès de 97 p. 100. Au cours des 28 dernières années, près d'un quart de million de réhabilitations ont été accordées et légèrement plus de 6 000 ont été révoquées, généralement à la suite d'une récidive. Il y a donc potentiellement 250 000 candidats plus 6 000 dont la réhabilitation a été révoquée?

M. Zubrycki: Il y a aussi ceux à qui on l'a refusée.

Le sénateur Moore: Les 6 000 qui ont été révoquées.

M. Zubrycki: Il y a les 6 000 qui ont été révoquées plus un certain nombre qui ont été refusées, bien que le taux d'acceptation soit très élevé.

Le sénateur Moore: Quel est le nombre pour les 28 dernières années? Je pense à la réflexion du sénateur Andreychuk et j'essaye de concilier tout ça avec l'équilibre dont nous discutons. Quel est le nombre de condamnations pour cette période? Il y a les personnes condamnées qui n'ont pas demandé à être réhabilitées, celles qui ont été condamnées et qui ont été réhabilitées, et celles qui ont demandé à être réhabilitées, mais qui ne l'ont pas été. Quel est le total?

M. Zubrycki: Des candidats à la réhabilitation ou de tous les contrevenants?

Le sénateur Moore: Des délinquants sexuels. Je veux savoir quel est le total pour cette période de 28 ans. Savez-vous combien exactement ont été réhabilités? Quel est le nombre total de réhabilitations dont nous parlons ici?

M. Zubrycki: Je n'ai pas ce nombre ici. Je peux vous dire toutefois qu'il y a 2,5 millions de dossiers de toutes sortes dans le CIPC. Je ne sais pas quelle est la proportion de délinquants sexuels, peut-être 10 p. 100. Nous pourrions obtenir ce nombre, mais je ne l'ai pas ici pour le moment.

Le sénateur Moore: Ça pourrait être intéressant de le savoir, sénateur.

Le sénateur Andreychuk: Est-ce que vous voulez le nombre de personnes ou d'actes criminels?

M. Zubrycki: Par ailleurs, pendant cette période, il y a eu un changement dans le comportement relatif aux dénonciations. Les infractions sexuelles sont signalées en beaucoup plus grand nombre qu'auparavant. En outre, des infractions vieilles de 30 ou 40 ans ne sont signalées qu'aujourd'hui, ce qui fausse l'évaluation du nombre réel pour cette période.

Le sénateur Moore: Vous vous servez quand même de ce calcul pour justifier votre appui au projet de loi.

M. Zubrycki: Oui, c'est exact.

Le sénateur Moore: Quel est l'envers de ce tableau?

M. Zubrycki: Combien seraient admissibles, mais ne font pas de demande? Je n'ai pas ce nombre, mais je pense qu'on pourrait l'obtenir.

Le sénateur Fraser: Pas uniquement combien seraient admissibles, ce qui suggère qu'ils seraient réhabilités s'ils le demandaient, mais combien ont été condamnés, et pour la même période, combien ont été réhabilités. Nous savons combien de réhabilitations ont été accordées.

Le sénateur Andreychuk: Je pense que nous avons besoin de savoir combien de personnes ont été condamnées et combien d'accusations criminelles individuelles ont donné lieu à une condamnation car ça pourrait être la même personne qui récidive. Je ne sais pas quels renseignements vous voulez. Voulez-vous savoir combien d'infractions commises au Canada ont donné lieu à une condamnation ou combien de personnes ont été condamnées?

Le sénateur Moore: Je suppose que vu ce qu'a dit le ministre dans son exposé, ce serait par personne puisqu'on ne réhabilite pas une infraction, mais un individu. Quand une personne reçoit une réhabilitation est-ce que ça peut être pour plusieurs infractions?

M. Zubrycki: Oui, la réhabilitation porte sur l'ensemble du casier judiciaire.

Mme Campbell: Nous pouvons obtenir du Centre canadien de la statistique juridique le nombre de condamnations relatives à des infractions sexuelles au cours des 20 ou 28 dernières années et vous le communiquer.

Le sénateur Moore: En utilisant la même phrase.

Mme Campbell: Je ne sais pas si ce sera le nombre de personnes ou le nombre d'infractions.

Le sénateur Andreychuk: Je pense que les données ne sont pas exprimées en termes d'infractions, mais plutôt de personnes.

Mme Campbell: On peut vous donner ce qu'on a.

Le sénateur Moore: Ce qui a servi de base à vos calculs pour arriver à ce nombre devrait être utilisé pour répondre à nos demandes.

M. Zubrycki: N'oubliez pas qu'il est plus facile de faire nos calculs parce qu'ils portent sur un nombre limité de cas.

Le sénateur Beaudoin: Je sais que, depuis plusieurs années, nous avons tendance à gouverner à coup de règlements. Je n'y vois aucun inconvénient dans la majorité des cas, mais pas quand il s'agit de droit pénal. Je trouve problématique qu'on définisse aux fins du droit pénal ce qu'est un enfant et une personne vulnérable.

Je ne vois pas de prime abord pourquoi cette responsabilité est laissée au gouverneur en conseil. La définition devrait être dans la loi même. Y a-t-il une raison pour laquelle vous avez besoin de cette latitude, législativement?

M. Zubrycki: Nous avons jugé que cette latitude serait nécessaire, surtout en ce qui concerne les infractions. Nous avons établi une liste d'infractions en collaboration avec nos collègues provinciaux et territoriaux. Nous avons consulté le ministère du solliciteur général de toutes les administrations pour décider ce qu'il convenait d'inclure sur la liste des infractions qui normalement incluent des infractions de nature sexuelle visant particulièrement des enfants ou des groupes vulnérables.

De prime abord, certaines infractions figurant sur la liste ne semblaient pas nécessairement contenir un élément sexuel. Certaines ne signalaient pas nécessairement qu'elles visaient des enfants. Par conséquent, nous avons dû étudier plusieurs critères concernant les infractions qui sont normalement de nature sexuelle ou les infractions qui visent généralement les enfants et autres groupes vulnérables. Dans une certaines mesure, nous nous en sommes remis à l'expérience des fonctionnaires des diverses administrations pour définir le caractère de ce genre d'infractions.

Dans une certaine mesure, la liste a été négociée. À un moment, quelqu'un avait demandé que l'on fasse figurer sur la liste une clause omnibus stipulant essentiellement ceci: «et toute autre infraction pour laquelle la Commission des libérations conditionnelles décidera de mettre un indicateur» -- ou quelque chose du genre.

On nous a dit que pour des motifs relatifs à la Charte et aux libertés civiles, ce serait beaucoup trop vague et que nous aurions des problèmes. Par ailleurs, nous sommes conscients qu'il faudra probablement modifier la liste de temps en temps, soit que la loi ait changé, soit que, avec l'expérience, nous nous apercevions que nous avons oublié certaines choses ou donné trop d'importance à d'autres.

Le sénateur Moore: Il faudra nous consulter pour ça.

Le sénateur Beaudoin: Je comprends. Mais pourquoi ne pas l'avoir mis dans la loi?

M. Zubrycki: Pour des raisons pratiques. Nous savons que certains de ces changements peuvent prendre énormément de temps. Dans le cas présent, nous risquons de nous retrouver dans une situation que d'autres qualifieront d'urgente et nous ne serions pas en mesure d'aller suffisamment vite. C'est l'une des raisons. Je reconnais que c'est une décision qui peut paraître arbitraire, mais nous l'avons prise pour cette raison.

Le sénateur Beaudoin: Je n'y verrais pas d'objection si c'était une loi administrative. En fait, dans la plupart des cas, je n'aurais pas d'objection. Cependant, le droit pénal est fondamental. Un crime est un crime. Vous laissez cette décision au pouvoir exécutif plutôt qu'au pouvoir législatif.

M. Zubrycki: Toute modification du règlement serait soumise au processus habituel d'examen. Elle serait étudiée par un comité. Il y aurait des consultations.

Le sénateur Beaudoin: C'est trop tard. C'est déjà un fait accompli.

Selon vous, c'est nécessaire, n'est-ce pas?

M. Zubrycki: Je pense qu'il est très important que nous ayons cette latitude. Certainement à ce stade préliminaire, je pense que c'est très important.

Mme Campbell a dit que nous avions suivi la même approche pour les annexes à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ces annexes sont modifiées par décret, et ce, pour les mêmes raisons.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce que le mot «enfant» change souvent?

M. Zubrycki: Pas le mot, mais la définition pourrait changer.

Le sénateur Beaudoin: Un enfant est un enfant.

M. Zubrycki: Il y a différentes définitions de ce qu'est un enfant. Nous en avons choisi une et c'est celle qui figure dans le règlement.

Le sénateur Pearson: Nous en avons adopté une dans la Convention relative aux droits de l'enfant.

M. Zubrycki: En droit, il existe néanmoins diverses définitions à différentes fins.

Le sénateur Beaudoin: Il y a une minute vous avez dit qu'on ne pouvait pas dire «ou autres infractions de même nature». Ce n'est pas assez précis pour résister à une contestation en vertu de la Charte. On en laisse la responsabilité au pouvoir exécutif.

Le sénateur Fraser: Je me permets de dire que c'est en fait une mesure législative de nature administrative. La seule infraction qui soit créée par ce projet de loi concerne l'accès non autorisé au registre. Le projet de loi ne crée pas de nouveaux crimes. Il y est dit que, aux fins de ce qui est essentiellement des démarches administratives, le ministre peut par règlement faire une liste des actes criminels. Bien qu'il relève du Code criminel, c'est un élément largement administratif de ce dernier. C'est très différent de laisser le ministre décider ce qui constitue ou ne constitue pas un meurtre. Ce n'est pas ce dont il s'agit ici.

La présidente: Tout à fait.

Le sénateur Bryden: Je le répète, je m'inquiète du fait que, à la lecture du projet de loi, je ne vois rien qui précise le genre d'infractions pouvant figurer sur la liste. La plupart de celles qui sont énumérées dans le règlement sont de nature sexuelle ou reliées directement ou indirectement à une infraction de nature sexuelle. Par exemple, plus tôt, un témoin a dit que les jeunes sont victimes de mauvais traitements, qui peuvent être de nature physique ou psychologique et pas uniquement sexuelle, ainsi que de négligence. De toute évidence, il en est de même des personnes vulnérables qui, comme le dit l'expression, ont perdu leur autonomie du fait, par exemple, de la maladie d'Alzheimer.

La façon logique de suivre ce projet de loi est d'aller au paragraphe 6.3(2), qui stipule ce qui suit:

Un corps policier ou autre organisme autorisé doit, à la demande d'un particulier ou d'une organisation responsables du bien-être d'un ou de plusieurs enfants ou d'une ou de plusieurs personnes vulnérables, vérifier si la personne qui postule un emploi [...] fait l'objet de l'indication mentionnée au paragraphe (1) lorsque:

a) d'une part, l'emploi placerait le postulant en situation d'autorité ou de confiance [...]

b) d'autre part, celui-ci a consenti par écrit à la vérification.

Cela fait référence au paragraphe 6.3(1) qui précise que:

Le commissaire doit inclure dans le fichier automatisé des relevés de condamnations criminelles géré par la Gendarmerie royale du Canada toute indication permettant à un corps policier ou autre organisme autorisé de constater qu'il existe, relativement à une personne, un dossier ou relevé d'une condamnation pour une infraction prévue aux règlements [...]

Après quoi il faut dire que la liste des règlements se trouve à l'article 9.1.

Il n'y a rien dans l'article habilitant le gouverneur en conseil à adopter des règlements qui précise que les infractions doivent être de nature sexuelle ou liées à une infraction de nature sexuelle.

Normalement, un tel article est très clair de façon à ce que le gouverneur en conseil n'aille pas au-delà de l'intention du législateur. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui indique que l'intention du législateur est de limiter le pouvoir réglementaire aux infractions de nature sexuelle.

C'est ce qu'un grand nombre d'entre nous trouve très difficile à accepter. Je ne le vois mentionner nulle part. Je ne pense pas qu'un juge l'y trouverait. C'est problématique.

Je ne m'attends pas à ce que répondiez. Toutefois, comme vous pouvez probablement le sentir, nous éprouvons quelques difficultés à accepter ça.

M. Zubrycki: J'aimerais faire une observation. Vos commentaires sont tout à fait exacts. Je suis certain que nous pourrions ajouter quelque chose de ce genre au projet de loi.

Quand on regarde la liste des infractions, on voit que bien que l'accent soit mis sur les infractions sexuelles -- ce qui était notre intention -- il y en a un certain nombre qui, en soi, ne sont pas nécessairement de nature sexuelle. Par conséquent, dans une certaine mesure, nous nous fions à l'expérience qu'elles sont fréquemment commises à des fins sexuelles, même si ce n'est pas immédiatement apparent.

Capturer cela dans une définition ne serait pas facile. Je ne dis pas que ce soit impossible, mais ce ne serait pas aisé. Puisque nous n'avons encore aucune expérience d'un tel système, nous ferions mieux de nous limiter d'une façon que nous ne risquons pas de regretter plus tard.

C'est le raisonnement qui nous a conduit à cette décision. Vous êtes bien sûr libres d'être d'accord ou pas.

Le sénateur Bryden: Je vous remercie. Quand j'ai lu le projet de loi pour la première fois, j'ai pensé qu'il ne se limitait pas aux infractions sexuelles et qu'il pouvait s'appliquer aussi au cas d'un enfant qui aurait été enlevé. Je pense qu'il faut éliminer ce flou.

Est-ce qu'il existe des condamnations pour lesquelles il n'y a pas de réhabilitation?

M. Zubrycki: Oui, les meurtres et toutes les infractions passibles d'une condamnation à vie ou à perpétuité. Comme la peine n'est jamais purgée, la personne n'est pas en mesure de demander une réhabilitation aux termes de la Loi sur le casier judiciaire. Bien sûr, il y a toujours la prérogative royale de clémence, qui est très rarement invoquée.

Le sénateur Bryden: Le fait qu'un assassin condamné ne puisse obtenir une réhabilitation tient-il à l'infraction ou à la peine?

M. Zubrycki: À la peine.

Le sénateur Bryden: Parce que c'est une condamnation à vie.

M. Zubrycki: C'est exact. Il n'existe pas d'infractions qui, de par leur nature, excluent la possibilité de réhabilitation.

Le sénateur Bryden: Outre le meurtre, il y a plusieurs crimes pour lesquels la peine maximale est l'emprisonnement à vie.

M. Zubrycki: C'est exact.

Le sénateur Bryden: Est-ce qu'elles peuvent faire l'objet d'une réhabilitation?

M. Zubrycki: Oui, à moins qu'elles n'aient été punies de la peine maximale.

Le sénateur Moore: Monsieur Zubrycki, ce matin on a parlé de l'objet du projet de loi. Il est prévu que le projet de loi couvre les infraction sexuelles. Sur la page couverture on peut lire le titre suivant: «Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence». Je vais répéter ce que j'ai dis ce matin au sujet de la Loi sur le casier judiciaire, dont l'objet déclaré est clairement d'aider les personnes qui ont été condamnées et qui se sont réadaptées.

La politique de votre ministère est-elle de vous en tenir à cet objet ou est-ce que l'objet de la loi telle qu'adoptée en 1970 a changé ou est en train de changer?

M. Zubrycki: Il n'est certainement pas en train de changer en général. Dans la mesure ou vous considérez que le projet de loi C-69 va à l'encontre de cet objet, je suppose qu'il a changé. Mais je le répète, il s'agit d'une exception très limitée.

Le sénateur Moore: Pour moi, c'est tout un changement, comme y a fait allusion plus tôt le sénateur Andreychuk. C'est une réhabilitation, mais ce n'en est pas une. Je me demande comment on peut concilier ça avec l'objet de la loi quand elle a été adoptée en 1970. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de l'orientation du ministère à cet égard?

M. Zubrycki: Je dirais que c'est l'exception. C'est toujours la politique du ministère, politique qu'ont appuyée tous les ministres avec lesquels j'ai travaillé depuis que la loi existe. Le cas présent est une exception très limitée à cette politique. Il ne s'agit certainement pas d'un changement de la politique fondamentale ou de son orientation

Le sénateur Moore: Elle est limitée en cela qu'elle ne s'applique qu'aux infractions de nature sexuelle, ce qui m'est pas précisé dans le projet de loi.

M. Zubrycki: C'est précisé du fait qu'il y a une liste des infractions.

La présidente: Seulement dans l'ébauche du règlement.

Les témoignages que nous avons entendus cet après-midi sont très intéressants. Mme Bowan a dit que faire une vérification judiciaire des bénévoles ou de quiconque était une façon plutôt inefficace de dépister les problèmes futurs. Elle ne semble pas penser que ce projet de loi améliorera beaucoup la situation. Elle estime qu'un processus de dépistage à paliers multiples serait une manière plus efficace de régler le problème que ce projet de loi tente de résoudre.

Le représentant de la Commission canadienne des droits de la personne a dit qu'une exception justifiable, c'est-à-dire dans le cas d'un délinquant sexuel reconnu mis dans une situation où il travaillera avec des enfants, était acceptable.

Nulle part dans le projet de loi est-il fait mention de délinquants sexuels ou de personnes ayant commis une infraction de nature sexuelle et ayant été reconnues coupables. Personnellement, je vois beaucoup de problèmes dans ce projet de loi parce qu'il ne précise pas ce fait et qu'il laisse trop de choses pour le processus réglementaire. Nulle part dans le projet de loi est-il mentionné que la Chambre des communes ou le Sénat devraient en être saisis de nouveau pour étudier les règlements qui seront ou ne seront pas rédigés à l'avenir.

Nous n'avons qu'une ébauche du règlement qui nous est arrivée au milieu de la matinée et que nous n'avons pas encore eu le temps de lire correctement. Normalement, en tant que présidente, je ne prends pas activement part aux discussions. J'en laisse le soin aux sénateurs autour de la table. Je dirais en conclusion que je vois beaucoup de problèmes dans ce projet de loi. Il érode la suprématie du Parlement.

M. Zubrycki: En réponse au sénateur Moore, je dirai que d'après les renseignements que je viens juste de recevoir, environ 15 p. 100 des dossiers comportent une infraction de nature sexuelle. En d'autres termes, cela représente annuellement près d'un pour cent des condamnations. Chaque dossier peut contenir plusieurs condamnations.

La présidente: J'aimerais maintenant vous remercier d'avoir comparu devant nous. Nous allons maintenant continuer à huis clos pour discuter des travaux à venir du comité.

La séance se poursuit à huis clos.


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