Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 76 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 9 septembre 1999
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-69, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 11 h 04, pour en faire l'examen.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Dans le cadre de notre étude du projet de loi C-69, modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence, nous accueillons aujourd'hui comme témoin Mme Campbell, qui nous informera de ce qui est survenu au printemps pour donner suite aux préoccupations que nous avions exprimées. Elle nous donnera ensuite une vue d'ensemble.
Mme Mary Campbell, directrice, Politiques correctionnelles, Solliciteur général du Canada: C'est avec plaisir que je me retrouve ici aujourd'hui. Comme vous l'avez précisé, selon ce que souhaite le comité, je résumerai brièvement la teneur du projet de loi C-69 et les préoccupations que le comité avait exprimées à son sujet lors de ma dernière comparution. Je vous décrirai ensuite les amendements projetés dont vous avez tous reçu copie, j'espère.
Le projet de loi C-69 modifie la Loi sur le casier judiciaire, adoptée pour la première fois en 1970 pour aider ceux qui ont un casier judiciaire, mais qui mènent une vie rangée à tourner le dos à leur passé. En règle générale, la loi a donné d'excellents résultats au fil des ans. Depuis son adoption, elle confère au solliciteur général le pouvoir, dans des situations bien précises, de communiquer des renseignements au sujet d'une personne même si la réhabilitation a été octroyée et de retirer la réhabilitation, à nouveau dans certaines circonstances très précises.
Depuis quelques décennies, la question des délinquants sexuels préoccupe beaucoup les Canadiens, ce qui explique la prise de plusieurs mesures sur différents fronts pour régler les problèmes, par exemple la création de nouvelles infractions au Code criminel et la protection testimoniale des victimes d'agressions sexuelles. Plus récemment, nous avons assisté à la création d'une nouvelle catégorie de détenus -- ceux qui purgent une peine de longue durée -- qui impose aux délinquants sexuels une période de supervision au sein de la collectivité. On vous a aussi parlé du système national de repérage lors de notre dernière rencontre, système créé en 1994 pour aider les organismes bénévoles à faire en sorte qu'il n'y ait pas, parmi leurs employés, de personnes qui compromettent la sécurité d'enfants ou d'adultes.
La question des agresseurs sexuels était très préoccupante. Je disais donc que de nombreuses mesures ont été prises sur différents fronts et à différentes étapes du système de justice pénal. Parallèlement, beaucoup de préoccupations ont été exprimées au sujet des agresseurs sexuels à l'étape postsentencielle. C'est à ce moment qu'ont commencé les appels à la création d'un registre national des agresseurs sexuels et à l'adoption d'autres mesures postsentencielles. En réponse à cette question du registre, le Canada a, contrairement aux États-Unis, établi un registre national, soit le CIPC -- Centre d'information de la police canadienne. On s'est toutefois demandé si le CIPC était aussi efficace qu'il le pouvait, plus particulièrement dans la manière dont étaient traités les dossiers de réhabilitation. On se demandait aussi s'il n'y avait pas moyen d'améliorer l'efficacité d'utilisation du CIPC tout en améliorant, aux fins du repérage, l'accès à ces dossiers de réhabilitation.
Évidemment, je vous fais là une mise en contexte très courte du projet de loi C-69. Le dernier fait significatif a été un groupe de travail fédéral-provincial-territorial établi par les ministres qui a fait rapport en octobre 1998, dans un document intitulé: «Information Systems on Sex Offenders Against Children and Other Vulnerable Groups». Le groupe fait dans son rapport 10 recommandations en vue d'améliorer la manière dont nous traitons l'information concernant les agresseurs sexuels. Plusieurs de ces recommandations portaient justement sur les dossiers de réhabilitation des agresseurs sexuels au CIPC. Tous les ministres provinciaux et territoriaux étaient d'accord avec les recommandations faites dans ce document, qui a engagé une étroite collaboration et un large consensus. La recommandation particulière qui a donné naissance au projet de loi C-69 a été la création au CIPC d'un système de repérage de certains dossiers de réhabilitation.
Je vous explique comment fonctionne le CIPC. Si le délinquant est réhabilité, le dossier faisant l'objet de la réhabilitation n'est pas détruit. Il est plutôt scellé et mis à part. Au CIPC, il serait affiché dans une base de données distincte et scellée. Quand une vérification des dossiers est effectuée, à moins qu'on ait fourni des empreintes digitales, le dossier de réhabilitation ne figure pas sur la liste. Donc, si vous postulez un poste à Scouts Canada et que vous ne fournissez pas d'empreintes digitales -- pas tous les organismes les exigent au départ --, vous irez au poste de police où l'on vérifiera les dossiers. Toutefois, le dossier de réhabilitation ne s'y trouvera peut-être pas. On s'est rendu compte qu'il fallait prévoir une exception restreinte dans le cas du CIPC pour que l'agent effectuant la vérification puisse au moins savoir qu'il existe un pareil dossier et que le dossier puisse dans certaines circonstances être communiqué à l'organisme bénévole.
Le projet de loi C-69 prévoit plusieurs mesures de protection dans la procédure, et le consentement du candidat à un emploi est essentiel. Il faut que le candidat signe un formulaire de consentement dans lequel il déclare savoir que la vérification aura lieu et qu'elle peut révéler l'existence d'un dossier de réhabilitation. L'indicateur fait simplement savoir au policier effectuant la vérification que, s'il s'agit de l'examen d'une candidature à l'emploi, il faudrait que le candidat fournisse ses empreintes digitales, ce qui permettra de consulter la banque de données sur les réhabilitations.
Même si l'examen révèle l'existence d'un dossier de réhabilitation, celui-ci n'est pas communiqué d'office. Il s'agit-là d'une autre mesure importante de protection prévue dans la procédure. Le dossier de réhabilitation sera transmis au solliciteur général qui jugera du bien-fondé de le communiquer. Le règlement comprend une série de facteurs dont il doit tenir compte pour décider s'il faut communiquer le relevé.
Si le ministre décide de le communiquer, l'information est habituellement transmise au candidat auquel il appartient alors de décider s'il maintient sa candidature à un emploi, à Scouts Canada par exemple. Il souhaitera peut-être en discuter avec l'organisme.
La dernière fois que nous nous sommes vus, on avait dit que la vérification du casier judiciaire n'est qu'une partie d'un bon système. Paddy Bowan, de Coopérant Canada, avait vivement insisté sur l'importance de cet examen; toutefois, le processus d'examen qu'utilise cet organisme comporte 10 étapes. La vérification du casier judiciaire n'en est qu'une. De la même façon, le projet de loi C-69 ne représente pas une réponse universelle au problème des agressions sexuelles. Il fait partie de la solution, il en est une composante importante et il remédie à une lacune qu'avaient constatée les ministres.
Passons maintenant aux préoccupations qui ont été exprimées la dernière fois et à la correspondance qui a suivi. Il me semble qu'il y avait deux grandes préoccupations. La première concernait le manque de précision de l'annexe énumérant les infractions: la loi n'énonçait pas clairement qu'il s'agissait d'infractions sexuelles. La seconde préoccupation portait sur l'équilibre entre ce qui figurait dans la loi et ce qui figurait dans le règlement d'application.
Pour donner suite à ces deux préoccupations, le ministre vous a présenté, je crois, des motions qui accomplissent essentiellement trois choses. Tout d'abord, dans le projet de loi, aux deux endroits où il est question des infractions, le mot «sexuelles» a été ajouté pour qu'il soit bien clair qu'il s'agit d'une liste d'infractions sexuelles. Ensuite, les définitions d'«enfant» et de «personne vulnérable» ont été déplacées, du texte de règlement au texte de loi projeté, source de préoccupation lors de notre dernière rencontre. Enfin, la liste comme telle des infractions a été déplacée elle aussi, du règlement au projet de loi, de sorte qu'elle figure maintenant en annexe du projet de loi et qu'elle peut être modifiée par décret.
Voilà les principaux changements qui vous ont été soumis. Je mets fin ici à mon exposé. Je demeure cependant à votre disposition si vous avez des questions.
La présidente: Je pourrais faire une lecture officielle de la lettre que j'ai envoyée au solliciteur général; toutefois, c'est probablement inutile parce que nous en avons tous un exemplaire. La lettre expliquait nos préoccupations au sujet des articles 8 et 9 du projet de loi. À l'examen des amendements proposés et de l'ébauche de règlement, je constate que vous semblez avoir pas mal répondu à toutes les préoccupations qu'avait exprimées le comité en séance et dans sa lettre.
Le sénateur Bryden: Je me demande si le comité ne préférerait pas que vous lisiez votre lettre et la réponse du ministre de sorte qu'elles figurent dans le compte rendu. Ce serait probablement utile, puisque le texte imprimé de ces lettres ne sera pas conservé au même endroit que le compte rendu de nos délibérations.
Le sénateur Nolin: Je sais gré au ministre de sa lettre et de sa bonne volonté manifeste. Nous lui rendrions justice.
La présidente: Ma lettre datée du 16 juin 1999 est adressée à l'honorable Lawrence MacAulay.
Monsieur le Ministre,
Je tiens tout d'abord à vous remercier de vous être mis à la disposition du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 14 juin, dans le cadre de l'examen du projet de loi C-69, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire.
Comme vous l'avez appris, toutefois, les membres du comité sont préoccupés par le libellé actuel du projet de loi. Plus particulièrement, le manque de mention explicite de l'esprit du projet de loi, soit qu'il vise les dossiers de réhabilitation d'agresseurs sexuels, trouble le comité. De plus, l'article 8 prévoit laisser au gouverneur en conseil le soin d'énumérer les infractions visées par le projet de loi. En fait, les pouvoirs de réglementation projetés par l'article 9 sont troublants, en ce sens qu'ils semblent soustraire d'importantes questions de principe de l'examen parlementaire. Ainsi, nous ne comprenons pas pourquoi des expressions aussi importantes qu'«enfant» et «personne vulnérable» sont définies dans le règlement plutôt que dans la loi. Le comité s'inquiète de l'érosion des pouvoirs du Parlement par suite d'un recours excessif aux règlements. Il tient particulièrement à ce que le droit criminel soit bien compris de tous les Canadiens; par conséquent, il faut prendre bien soin de limiter le recours à la réglementation dans ce domaine.
Certains membres du comité sont aussi préoccupés par certaines considérations de principe sur lesquelles repose le projet de loi. De toute évidence, il est difficile de maintenir un équilibre entre l'objectif de réhabilitation du système et le besoin de protéger les enfants et les autres groupes vulnérables de notre société.
Je vous demanderais d'examiner le projet de loi C-69 à la lumière des préoccupations exprimées durant les audiences du comité. Comme vous le savez, le comité siégera en septembre et pourra donc, à ce moment là, poursuivre l'examen du projet de loi.
Le solliciteur général a répondu le 6 juillet. Voici ce qu'il écrit:
Madame le sénateur,
J'ai bien reçu votre lettre du 16 juin 1999 concernant les préoccupations exprimées par le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à la fin de son examen du projet de loi C-69. Je vous saurais gré de me communiquer ses observations dès que possible après ma comparution devant le comité.
Je commence par souligner clairement que l'esprit fondamental du projet de loi C-69 est de protéger les enfants et les autres personnes vulnérables des agresseurs sexuels en faisant en sorte que les casiers judiciaires des agresseurs sexuels auxquels a été accordée une réhabilitation peuvent être consultés quand des vérifications sont faites. Cela a toujours été le principal objectif du projet de loi C-69. Je conviens avec vous qu'il faudrait préciser directement dans la Loi sur le casier judiciaire que le projet de loi vise à protéger les enfants d'éventuels agresseurs sexuels.
En ce qui concerne les préoccupations du comité concernant l'érosion des pouvoirs du Parlement par suite d'un recours excessif aux règlements, je vous assure que ce n'est pas du tout mon intention. Je suis par conséquent disposé à recommander que les règlements fassent l'objet d'un examen plus poussé en vue d'en déplacer des passages de manière à ce qu'ils figurent dans la loi, lorsqu'il y a lieu. Ces passages comprendraient, par exemple, les définitions d'«enfant» et de «personne vulnérable», ainsi que la liste des infractions assorties d'indicateurs. Cette liste pourrait être retranchée du règlement et figurer en annexe de la loi, mais il serait possible de la modifier par décret. Il s'agit du même processus que celui qui est utilisé aux fins de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui comporte en annexe des listes d'infractions et, plus récemment, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
En réponse aux préoccupations exprimées par le comité, qui craint que le projet de loi ne compromette les objectifs de réhabilitation du processus, je souligne que le projet de loi ne prévoit qu'une seule exception aux avantages prévus de la réhabilitation. Il prévoit un système de repérage extrêmement ciblé dans lequel sont incluses des mesures de protection des droits de la personne réhabilitée. Il ne s'applique qu'au relevé de certaines infractions sexuelles précises qui pourraient constituer un risque accru pour les enfants et les autres groupes vulnérables de la société si la personne était en situation de confiance ou d'autorité. L'indicateur n'entrera en jeu que si la personne postule un poste de confiance ou d'autorité, et il faudra toujours qu'elle donne son consentement par écrit avant que l'on puisse faire des vérifications. Si le postulant ne souhaite pas que soit communiqué son relevé courant ou son dossier de réhabilitation, il peut refuser de donner son consentement ou le retirer et simplement retirer sa candidature. Par contre, s'il donne son consentement, il faudra quand même obtenir l'autorisation du solliciteur général pour communiquer le dossier. La nature discrétionnaire du pouvoir du solliciteur général est une autre mesure importante de protection contre la communication arbitraire de dossiers protégés et les conséquences involontaires et injustifiées qu'elle pourrait entraîner.
Les fonctionnaires de mon ministère consulteront sous peu leurs homologues de la Justice afin de faire en sorte que le projet de loi C-69 soit examiné à la lumière des préoccupations soulevées par le comité permanent. J'espère que des projets d'amendement visant à régler ces questions seront prêts d'ici la fin d'août, avant la reprise des travaux du Sénat, au début de septembre.
Je suis sûr que le comité sera satisfait des changements qui seront proposés.
Je suis disposé à rediscuter de cela avec vous sous peu.
Le 1er septembre, j'ai reçu une lettre plus brève.
La présente fait suite à ma lettre du 6 juillet 1999 concernant l'examen du projet de loi C-69 par le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Vous vous rappellerez peut-être que je vous ai écrit en réponse à votre lettre datée du 16 juin après ma comparution devant le comité.
J'ai le plaisir de vous fournir, comme promis, les motions ci-jointes ayant pour projet d'amender le projet de loi C-69 ainsi que le règlement modifié. Je pense que ces modifications répondent aux préoccupations soulevées par le comité permanent, que vous indiquez dans votre lettre.
En ce qui concerne les préoccupations du comité concernant l'érosion des pouvoirs du Parlement par suite d'un recours excessif aux règlements, je propose que les définitions des termes «enfants» et «personnes vulnérables» ainsi que la liste d'infractions à assortir d'indicateurs soient placées directement dans la Loi. Cette liste serait transférée du Règlement à une annexe de la Loi et pourrait être modifiée par décret. C'est le même processus qui a été utilisé pour les annexes énumérant les infractions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et, plus récemment, pour la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Par ailleurs, je propose de bien établir que les infractions sexuelles sont la cible du système de repérage de sorte qu'il soit bien compris que le projet de loi C-69 vise la protection des enfants et des personnes vulnérables contre d'éventuels délinquants sexuels.
Je reste à votre disposition pour toute autre information ou toute aide dont le comité pourrait avoir besoin.
Et nous avons besoin d'aide et d'information additionnelles aujourd'hui.
Après avoir lu ce message, je me dois de féliciter le ministre. Je pense qu'il a fait de l'excellent travail pour répondre à nos préoccupations.
Le sénateur Beaudoin: J'avais une réserve concernant l'érosion des pouvoirs du Parlement; cependant, je comprends que le problème a maintenant été corrigé. Le fait de définir dans le projet de loi les termes «enfants» et «personnes vulnérables» est une mesure positive.
Je m'interroge au sujet de la liste des infractions. Cette liste sera ajoutée au projet de loi. Dans la lettre, il est précisé que la liste pourra être modifiée par simple décret du conseil. Il existe des dispositions analogues dans d'autres mesures législatives.
Pourquoi est-il nécessaire de disposer du pouvoir de modifier cette liste, par ajout ou retrait, par simple décret du conseil? Ne détruisez-vous pas ce que vous avez bâti?
Mme Campbell: Il importe de voir cela en conjonction avec l'ajout du terme «sexuel» dans le projet de loi. Cela limite explicitement le genre d'infractions qui peuvent figurer dans cette annexe.
La principale raison, c'est qu'à notre avis, la liste des infractions est davantage une question administrative qu'une question de fond relevant du droit pénal. Chose certaine, quiconque commet une infraction figurant sur cette liste doit en subir les conséquences, mais l'annexe ne crée pas de nouvelles infractions, par exemple. C'est surtout une question administrative.
En outre, la liste a été élaborée en collaboration étroite avec les ministres et fonctionnaires provinciaux, en particulier les procureurs et les représentants des corps policiers qui, au bout du compte, sont des intervenants importants dans ce processus. Après plus ample réflexion ou à la lumière de l'expérience, on constatera peut-être qu'il ne convient pas qu'une infraction en particulier figure sur la liste de l'annexe ou, au contraire, qu'une autre infraction devrait y figurer. Cela ne surviendra pas uniquement dans les cas où une nouvelle infraction est créée dans le code criminel. Il se peut tout simplement que ce soit une omission de notre part ou de la part de l'un de nos partenaires provinciaux. Par conséquent, nous avons ainsi un mécanisme qui nous permet d'agir rapidement pour modifier l'annexe par le biais d'un processus ouvert.
Je sais qu'il ne s'agira pas d'un processus législatif exhaustif, mais ce sera un processus ouvert. Comme le processus législatif peut être lent, et compte tenu du fait qu'il s'agit plus d'une question administrative que d'une question de fond relevant du code pénal, il a semblé raisonnable d'opter pour la voie du décret en conseil.
Le sénateur Beaudoin: Il sera prévu à l'annexe du projet de loi que vous aurez le pouvoir de modifier la liste par un simple décret du conseil. Vous évoquez la collaboration avec le procureur de la Couronne au niveau provincial. C'est très bien, c'est notre système. Cependant, vous aurez le loisir de tout changer dans l'annexe par un simple décret du conseil. Si vous pouviez établir la nécessité d'un tel pouvoir, je me rangerais de votre avis. Vous dites qu'il s'agit d'une question strictement administrative, mais c'est également une question de fond.
Mme Campbell: Je ne dirais pas que c'est une question strictement administrative. À mon sens, elle relève davantage du volet administratif que du volet code pénal. Mais je n'irais jusqu'à dire que c'est une question strictement administrative, non.
L'annexe ne peut être modifiée pour qu'on y ajoute le vol d'huîtres car le terme «sexuel» circonscrit maintenant ce qui peut figurer dans la liste. Cela se limite aux infractions qui peuvent figurer à l'annexe.
Le sénateur Beaudoin: Mes collègues ont peut-être également des questions.
La présidente: Sénateur, il n'y avait que votre nom sur la liste.
Le sénateur Beaudoin: La dernière fois, nous nous sommes inquiétés de l'érosion des pouvoirs du Parlement. Cela a été corrigé, et je remercie le ministre. Il est évident que le fait d'intégrer une définition des termes «enfants» et «personnes vulnérables» dans le projet de loi est une grande amélioration. À mon avis, il ne saurait en être autrement. La seule préoccupation qui subsiste dans mon esprit concerne l'annexe. S'il est possible de la modifier en tout temps par décret du conseil, le problème de l'érosion des pouvoirs du Parlement est corrigé dans une certaine mesure, mais pas entièrement.
Je suis entièrement d'accord avec le premier changement, mais à moitié avec le second.
Le sénateur Fraser: Moi qui ne suis pas avocate, j'ai une question qui fait suite à celle-là à ce sujet.
Avant de la poser, je tiens à signaler que le sénateur Nolin, en particulier, mérite qu'on lui attribue énormément de crédit pour le fait que nous sommes engagés dans cet exercice d'amélioration du projet de loi. C'est lui qui a sonné vigoureusement la sonnette d'alarme -- en fait, à un moment où j'étais mal préparée pour y faire face.
Pour faire suite à la question du sénateur Beaudoin, il me semble que nous sommes protégés contre un recours excessif à cette annexe par le fait qu'il soit précisé que le Gouverneur général peut uniquement ajouter ou supprimer une mention à une infraction sexuelle. Comme vous l'avez fait remarquer, nous ne pouvons pas ajouter à la liste le vol d'huîtres ou des méfaits comme l'ivresse et l'inconduite. Cela nous protège contre l'ajout d'éléments inappropriés.
Si un gouvernement futur décidait de supprimer un grand nombre des infractions figurant dans la liste, autrement dit d'enlever tout son mordant au projet de loi, cela serait-il acceptable ou existe-t-il une disposition législative qui l'en empêche? Pourrait-on faire valoir devant un tribunal qu'on ne saurait indirectement aller à l'encontre de la volonté du Parlement étant donné que le Parlement a clairement précisé qu'il souhaitait que des infractions de nature sexuelle soient incluses dans cette annexe?
Mme Campbell: C'est une question intéressante. Je ne peux pas y répondre à brûle-pourpoint. Je pense que ce pouvoir de supprimer des éléments permet au gouvernement de supprimer ce qu'il veut. Je travaille dans le domaine depuis la création de l'annexe 1 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, en 1986, et je n'ai jamais eu connaissance qu'on ait supprimé une infraction. Une fois qu'il a pris une décision, le Parlement revient rarement sur la liste des infractions.
C'est une question intéressante: si le gouvernement décidait d'en supprimer 90 p. 100, aurait-il en fait trahi l'intention du législateur? Je ne peux répondre à cette question. D'après mon expérience, cela ne risque pas de se produire.
Le sénateur Nolin: Toute modification de l'annexe est-elle assujettie à l'approbation du comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes chargé de l'examen de la réglementation?
Mme Campbell: L'amendement suivrait la procédure normale.
Le sénateur Beaudoin: Autrement dit, il serait automatiquement soumis à un comité parlementaire?
Mme Campbell: C'est ce que je crois comprendre. Les changements à la réglementation suivent ce processus.
Le sénateur Nolin: Je vous remercie, ainsi que vos collègues, de l'excellent travail que vous avez effectué cet été.
Le sénateur Moore: Le 14 juin, dans le cadre de notre examen du projet de loi, j'avais demandé certains renseignements. En réponse, vous aviez dit que vous obtiendriez du Centre canadien de la statistique juridique le nombre de condamnations pour des infractions sexuelles depuis 20 ou 28 ans. Avez-vous pu obtenir ce renseignement pour nous?
Mme Campbell: J'ai quelques renseignements pour vous, sénateur. Nous n'avons pas de très bonnes statistiques relativement aux condamnations, malheureusement. Le Centre canadien de la statistique juridique vient tout juste de commencer à conserver des données sur les condamnations imposées par les tribunaux. Et encore, ce ne sont pas toutes les provinces qui participent à cet exercice. Par conséquent, il subsiste certaines lacunes.
D'après l'information obtenue auprès de la GRC, de 1970 à 1998, 2,4 millions de dossiers ont été ouverts. De ces 2,4 millions, quelque 130 385 portaient sur des infractions sexuelles. On me dit que cela représente 5,5 p. 100.
On peut aborder la question de façon légèrement différente. Les données du Centre canadien de la statistique juridique pour la période allant de 1992 à 1998 révèlent qu'il y a environ 2 880 condamnations par année pour des infractions sexuelles. Ces données n'englobent pas la Colombie-Britannique, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick.
Les données de la GRC dont je viens de parler coïncident avec ma propre expérience pour ce qui est du pourcentage approximatif des infractions sexuelles par rapport aux infractions de nature générale. Cela est-il utile, sénateur?
Le sénateur Moore: Oui. Merci.
Le sénateur Andreychuk: Pourriez-vous nous parler de l'intégrité du système de réhabilitation? Certains groupes qui ont comparu devant nous ont mentionné les garanties minimales pour les enfants en raison du mécanisme des d'indicateurs. Cela l'emporte-t-il sur la nécessité d'avoir un système de réhabilitation valable?
Nous avons maintenant la possibilité de modifier la liste par décret du conseil, ce qui signifie qu'elle pourrait changer. Et cela suscite chez moi une inquiétude encore plus grande au sujet du système de réhabilitation. Si tout le monde sait qu'une liste d'infractions sexuelles peut faire l'objet d'un examen ultérieur, même si une réhabilitation a été accordée, il est difficile à ce moment-là d'éduquer le public. Cependant, c'est possible. Si la liste est fluide, il me semble que l'on mine encore davantage le système de réhabilitation.
Cette question a-t-elle été soulevée auprès des représentants des provinces et de tierces parties?
Mme Campbell: On peut dire que cela a été discuté en long et en large. La question que vous soulevez est extrêmement importante. Elle vise l'équilibre entre le principe de la Loi sur le casier judiciaire et la protection des enfants ou d'autres personnes vulnérables. Cela est au coeur de la question.
Depuis quelques années, il y a des discussions poussées quant à la façon d'atteindre cet équilibre. Selon mon expérience professionnelle, il est très rare que l'on trouve une solution unique. C'est toujours une question d'équilibre. Pour ce qui est des infractions sexuelles, et des traumatismes qui en résultent, ce débat est extrêmement important. Le ministre est d'avis que le projet de loi C-69 a su trouver l'équilibre voulu. La mesure conserve le système de réhabilitation, qui était menacé. Nombreux sont ceux qui ont contesté ce système et la possibilité pour les délinquants sexuels d'obtenir une réhabilitation. Par ailleurs, d'autres intervenants sont tout aussi convaincus que les délinquants sexuels ne sont pas un groupe monolithique et qu'en fait, certains d'entre eux sont en mesure de refaire leur vie. D'après eux, la réhabilitation devrait être accordée à ceux qui la méritent. Il faut qu'ils satisfassent aux critères.
En vertu du projet de loi C-69, la réhabilitation reste en place pour les délinquants qui répondent aux critères. Toutefois, toujours selon le projet de loi: «Dans certaines circonstances bien particulières, si vous avez un dossier concernant une infraction sexuelle, si vous bénéficiez d'une réhabilitation et si vous voulez travailler avec des enfants ou des adultes vulnérables, vous ferez l'objet d'un examen. Vous pouvez mener votre vie librement dans toutes les autres circonstances. Toutefois, si vous bénéficiez d'une réhabilitation, elle reste en place.» Un dossier ne peut être ouvert que pour cette raison précise. La réhabilitation ne disparaît pas.
Par exemple, si je rentre dans ma propre profession en tant qu'avocate, que je veux être admise au barreau et qu'un élément de mes antécédents s'applique de façon précise à la pratique du droit, je m'attendrais à ce que mon organisation professionnelle s'y intéresse de très près.
Le projet de loi C-69 vise à parvenir à un équilibre en évitant le vague. Cela suscite immédiatement une autre préoccupation: pourquoi le faire si l'effet en est si limité? Comme vous le dites, madame le sénateur, pourquoi le faire, lorsque cela donne lieu à une incursion dans le processus de la réhabilitation et dans la protection de celui-ci? J'ai essayé d'indiquer que le processus relatif aux infractions sexuelles présente de nombreux aspects et qu'il est cumulatif. Je ne pense pas qu'une mesure permette à elle seule de régler l'ensemble du problème. Certaines mesures sont plus importantes que d'autres. Au cours des six dernières années, plusieurs mesures ont été prises à diverses étapes, qu'il s'agisse de l'application de la loi, des poursuites ou de la surveillance des libérés conditionnels. Ces mesures visent à combler les trous à chaque étape, puisque nous savons qu'aucune mesure ne permet à elle seule de régler l'ensemble du problème.
En ce qui concerne la réhabilitation des délinquants sexuels, toute personne ayant un dossier concernant une infraction sexuelle doit absolument faire une demande de réhabilitation si elle pense répondre aux critères. Elle peut bénéficier de la réhabilitation et mener sa vie comme elle le veut. Toutefois, si elle choisit de s'adonner à cette activité particulière, elle fera l'objet d'un examen. C'est l'équilibre que vise le projet de loi.
C'est un équilibre que d'autres peuvent pondérer différemment. Il en a été longuement débattu avec des représentants des provinces, avec des personnes comme Mme Bowan, de Coopérant Canada, et avec tous ceux qui ont un intérêt à cet égard.
Le sénateur Andreychuk: Comment cela va-t-il être traité au plan administratif? Disons que vous bénéficiez d'une réhabilitation. Il faut maintenant indiquer dans le dossier de réhabilitation de tout délinquant sexuel qu'il peut mener sa vie comme il le veut, sauf s'il postule tel ou tel emploi.
Cela ne va-t-il pas finir par créer plus de problèmes, vu que les gens auront tendance à cacher plus de choses de leur passé?
Mme Campbell: Pour ce qui est de la notification, toute personne qui postule un emploi dans un organisme de bénévoles ou un organisme oeuvrant auprès d'enfants ou de personnes vulnérables devra signer ce formulaire de consentement, lequel indique très clairement qu'un dossier de réhabilitation peut au bout du compte être communiqué dans le cadre du processus; elle en sera avisée.
Le sénateur Andreychuk: Ce que je veux dire, c'est que si une personne est condamnée pour une infraction sexuelle et qu'elle fait une demande de réhabilitation en temps et lieux, allez-vous modifier vos systèmes administratifs pour l'informer qu'il existe un système de repérage susceptible de révéler cette infraction au cas où elle postulerait un emploi qualifié de sensible en vertu de cette loi?
En d'autres termes, quelles sont les conséquences de nos actes? Comment allez-vous l'indiquer à ceux qui font une demande de réhabilitation de manière qu'ils en connaissent toutes les conséquences?
Mme Campbell: Je ne peux pas vous donner de réponse précise, mais votre proposition paraît raisonnable. C'est un point que je vais soulever auprès de la Commission des libérations conditionnelles. C'est elle qui émet les réhabilitations et les notifications. On ne peut pas s'attendre à ce que le public soit toujours parfaitement au courant des changements apportés par le Parlement grâce aux médias ou autres. Cette question en est une que je vais certainement soulever auprès de la Commission pour voir si elle prévoit en tenir compte.
Le sénateur Lewis: Il me semble qu'il y a une différence. Voulez-vous parler d'une personne qui a été condamnée?
Le sénateur Andreychuk: Je veux parler d'un délinquant sexuel qui a été condamné, qui en a subi les conséquences et qui maintenant demande sa réhabilitation. Je connais le processus actuel et je sais à quoi ressemblent les formulaires. Le processus ne prévoit pas le repérage des infractions sexuelles; il ne prévoit pas la divulgation de ce dossier. Il me semble que l'on induit en erreur ces gens-là si on ne les avise de la situation qu'au moment où ils postulent un emploi. Il faut leur dire au moment de la réhabilitation qu'il s'agit d'une réhabilitation restreinte, puisque s'ils postulent un certain genre d'emploi, il se peut qu'ils fassent l'objet d'une décision relative à la divulgation de leur dossier.
Le sénateur Lewis: C'est après la réhabilitation.
Le sénateur Andreychuk: Oui.
Madame Campbell: À l'heure actuelle, un dossier peut être ouvert. Cette disposition est prévue par la loi. Quiconque a bénéficié d'une des 250 000 réhabilitations émises peut être assujetti à ce processus à l'heure actuelle. Je ne sais pas vraiment si la Commission des libérations conditionnelles avise à l'heure actuelle ceux qui bénéficient d'une réhabilitation de ces autres aspects de la loi qui autorisent l'ouverture du dossier ou la révocation de la réhabilitation. Je vais certainement m'informer à ce sujet.
La présidente: Je dirais que dans tous les cas, la personne en question sera avisée lorsqu'on lui remettra le formulaire 1 ou le formulaire 2 qui se trouvent dans l'ébauche du règlement. Elle doit donner son consentement à l'égard d'une vérification du dossier criminel concernant une infraction sexuelle pour laquelle une réhabilitation a été octroyée ou délivrée. C'est probablement un formulaire à remplir par quiconque postule un emploi dans de telles circonstances. Soit la personne en question le remplit et le signe, soit elle disparaît tout simplement dans la nature.
Le sénateur Lewis: Ce serait à l'organisation de demander ce formulaire.
La présidente: Ce serait à l'organisation d'exiger de tout postulant de remplir un formulaire.
Le sénateur Andreychuk: C'est une question de politique générale. Nous encourageons les gens à respecter la loi; pour ce faire, ils doivent comprendre la loi. Ces conditions et ces restrictions deviennent complexes. Une réhabilitation est une réhabilitation. Je sais que le dossier peut être ouvert, mais c'est fort improbable. Cela sera beaucoup plus courant pour les délinquants sexuels. Il est à espérer que l'on décourage également ces gens -- même s'ils bénéficient d'une réhabilitation -- de postuler de tels emplois. Le plus tôt on les avise des conséquences de leur demande, le mieux c'est. Pourquoi attendre qu'ils postulent cet emploi ou attendre leur consentement? Ils devraient savoir au moment de la réhabilitation que leur dossier est désigné.
La présidente: Vous avez parfaitement raison.
Le sénateur Moore: Madame Campbell, vous avez indiqué que sur les 2,4 millions de dossiers ouverts à la GRC, 130 385 visaient des infractions sexuelles. Ces 130 000 dossiers ne représentaient pas tous des condamnations, n'est-ce pas?
Mme Campbell: Non, il s'agit de 130 385 dossiers, c'est-à-dire de personnes ayant des dossiers concernant une infraction sexuelle. Je ne peux pas vous dire combien d'infractions sexuelles renferme chacun de ces dossiers.
Le sénateur Moore: Le Centre canadien de la statistique juridique fait état de 2 800 condamnations par an pour infractions sexuelles?
Mme Campbell: Oui. Un représentant de la Commission des libérations conditionnelles me signale que lorsqu'un demandeur est avisé de l'octroi d'une réhabilitation, il est avisé des effets de cette réhabilitation. La Commission peut certainement ajouter cette indication particulière à la notification.
Le sénateur Moore: En juin, il a été indiqué que si ce projet de loi était adopté, il prendrait effet au moment où le CIPC ferait l'objet d'une restructuration d'ici quelques mois. Cela s'est-il produit? Le Centre d'information a-t-il été réorganisé?
Mme Campbell: Autant que je sache, la réorganisation est en cours. Je suis désolée, je ne peux pas vous répondre de façon précise à ce sujet.
La présidente: D'après la définition des amendements proposés à ce projet de loi, je remarque que «personne vulnérable» désigne une personne qui, en raison de son âge, d'un handicap ou d'une infirmité, ou d'autres circonstances temporaires ou permanentes, est particulièrement vulnérable.
Le mot «handicap» n'est plus utilisé relativement aux personnes frappées d'incapacité. Sommes-nous en train de faire marche arrière dans notre façon de parler?
Mme Campbell: Je sais que cette définition s'inspire de définitions semblables apparaissant dans d'autres contextes. Je suis certainement prête à écouter le comité à cet égard et je vous remercie de soulever ce point que je connais bien.
Le sénateur Beaudoin: Quel est le terme exact?
La présidente: C'est «incapacité».
Mme Campbell: Je pense que c'est ce qu'utilise Coopérant Canada dans sa définition, pour expliquer sa source.
La présidente: Légalement, dans la plupart des cas, nous commençons à utiliser le mot «incapacité»; nous utilisons moins souvent le mot «handicap». C'est un point qu'il ne faut pas oublier.
Le sénateur Grafstein: Si je comprends bien, dans les dossiers criminels, les termes enfants et vulnérabilité ne s'appliquent qu'aux réhabilitations, n'est-ce pas?
L'alinéa 9(1)c) indique:
[...] définir les termes «enfants» et «personne vulnérables» pour l'application de l'article 6.3
L'article 6(3) indique que la loi est modifiée pour traiter essentiellement de la question des réhabilitations. À mon avis, cette définition est un grand progrès en ce qui concerne la recherche d'une solution à l'un des problèmes fondamentaux de notre système de justice pénale, qui consiste à comprendre la nature de l'incarcération. L'application ne sera pas générale et elle sera potentielle, n'est-ce pas? En d'autres termes, tous les dossiers criminels à venir ne porteront pas l'indication «enfant» ou «personne vulnérable» à titre d'exemple?
Mme Campbell: Non.
Le sénateur Grafstein: C'est uniquement à des fins de réhabilitation?
Mme Campbell: L'objet est plus précis que cela.
Les définitions sont liées au processus d'examen des candidatures si bien que le système ne repère que les infractions sexuelles inscrites dans l'annexe, indépendamment de la victime.
Le sénateur Grafstein: L'application est donc très restreinte.
Mme Campbell: Oui.
Le sénateur Grafstein: J'ai une question générale à propos de la politique du ministère à ce sujet. Le ministère s'emploie-t-il à analyser les dossiers criminels et à les placer dans des catégories de «enfants», «personnes vulnérables» et «autres», afin de mieux organiser le processus d'incarcération? Le ministère envisage-t-il de le faire? Je sais que cela se fait en Europe. J'ai étudié de près la question au cours de l'été, les taux d'incarcération ayant été publiés l'année dernière. Le ministère prévoit-il examiner le processus d'incarcération par rapport à la réadaptation?
Mme Campbell: Nous faisons pas mal de travail actuellement en ce qui concerne les caractéristiques des infractions du délinquant sexuel. À l'heure actuelle, le Service correctionnel du Canada examine de très près qui est la victime de l'infraction sexuelle et quelles sont les caractéristiques des infractions du délinquant -- par exemple, s'attaque-t-il aux enfants ou aux adultes? Cela permet d'arriver au traitement voulu.
Nous savons d'après les recherches effectuées que si le traitement ne correspond pas aux besoins d'une personne ou au risque qu'elle représente, il peut en découler plus de mal que de bien. Le Service correctionnel travaille beaucoup sur ce dossier.
Au sujet de l'analyse des réhabilitations délivrées à ceux qui s'attaquent aux enfants ou aux adultes vulnérables, notre système n'est malheureusement pas aussi bon, la Commission étant, comme beaucoup d'organisations, à court de ressources. La Commission réunit la plupart de ces données manuellement. Nous n'avons même pas les ordinateurs nécessaires pour analyser les réhabilitations qui sont octroyées. C'est bien sûr un problème que nous aimerions régler. Plus important, pour ce qui est de l'aspect de réadaptation dont vous parlez, le Service correctionnel du Canada sait parfaitement bien cibler les besoins et les risques.
Le sénateur Grafstein: Cela nous ramène à une question que j'ai posée aux témoins de ce comité l'année dernière. Le taux d'incarcération par habitant continue d'augmenter. Certaines provinces s'en tirent mieux que d'autres à cet égard. En juin dernier, le ministère m'a donné une très bonne analyse en réponse à ma question.
Je m'intéresse aux données qui ont commencé à circuler aux États-Unis sur les crimes de violence -- qui ne sont pas des crimes d'ordre sexuel -- commis par des personnes aux prises avec des difficultés. Nous allons utiliser le mot «vulnérabilité», mais nous parlons de gens aux prises avec des difficultés mentales. Le ministère s'emploie-t-il à signaler les personnes aux prises avec des difficultés qui ont été condamnées pour crimes de violence ou qui sont sur le point de l'être?
Mme Campbell: Oui. Dans le cadre du processus d'évaluation, nous évaluons les besoins ou les risques d'ordre mental ou émotionnel de la personne. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous venons juste de commencer à explorer certaines questions comme celle du syndrome alcoolique foetal.
Le sénateur Grafstein: C'est un gros problème parmi les sans-abri de Toronto.
Si vous avez des données ou des documents, en plus de ce que j'ai reçu de la Bibliothèque du Parlement par l'entremise de votre ministère, je serais heureux de les recevoir.
Mme Campbell: Je me ferais un plaisir de vous envoyer ce que nous avons. Souvent, on croit que des peines plus sévères permettent de résoudre le problème, mais ce n'est pas toujours le cas.
Le sénateur Grafstein: C'est de toute évidence un problème dont nous sommes saisis et c'est une autre raison pour laquelle je m'y intéresse.
Mme Campbell: Je me ferais un plaisir de vous envoyer des documents très compréhensibles à ce sujet.
La présidente: Comme il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie beaucoup, madame Campbell, d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
La séance est levée.