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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 15 - Rapport Intérimaire


Le Sénat

LES LIGNES DIRECTRICES FÉDÉRALES SUR LES

PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS

RAPPORT INTÉRIMAIRE

du Comité sénatorial permanent des affaires sociales,

des sciences et de la technologie

Le président,

L'honorable Lowell Murray, c.p.

Le vice-président,

L'honorable Peter Bosa

Juin 1998


MEMBRES

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie :

L'honorable Lowell Murray, c.p., président

L'honorable Peter Bosa, vice-président

et

Les honorables sénateurs :

Cohen, Erminie J.

Cook, Joan

Cools, Anne C.

Ferretti Barth, Marisa

*Graham, B.A. c.p. (ou Carstairs, Sharon)

Johnstone, Archibald

Kenny, Colin (vice-président intérimaire)

Lavoie-Roux, Thérèse

LeBreton, Marjory

*Lynch-Staunton, John (ou Kinsella, Noel)

Maheu, Shirley

Phillips, Orville H.

*Membres d'office

Le greffier par intérim du Comité

Nadine S. Huggins

Membres sortants :

Les honorables sénateurs Jean B. Forest, Duncan J. Jessiman, c.r. (retraité) et Stanley Haidasz, c.p., M.D. (retraité)

Personnel de la Direction de la recherche de la Bibliothèque du Parlement :

Margaret Young, Division du droit et du gouvernement.


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat du mercredi 5 novembre 1997 :

L’honorable sénateur Murray, c.p., propose, appuyé par l’honorable sénateur Phillips,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à surveiller la mise en oeuvre et l’application du Chapitre 1, S.C. 1997, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, et des lignes directrices qui s’y rapportent, soit les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

Le greffier du Sénat

Paul Bélisle


TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

LA NATURE DE L’ÉTUDE

VUE D’ENSEMBLE DES OPINIONS DES TÉMOINS

QUESTIONS D’INTÉRÊT PARTICULIER

A. Dépenses spéciales ou extraordinaires

B. Partage du rôle parental

C. Détermination du revenu

D. Difficultés excessives

E. Accès à l’information de Revenu Canada

F. La prestation alimentaire et le régime fiscal

G. Revenu des parents pour les fins des tables

I. Accès à l’aide juridique

J. Exécution

K. Le besoin de recherches

RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

ANNEXE / APPENDIX: LISTE DES TÉMOINS / LIST OF WITNESSES


LES LIGNES DIRECTRICES FÉDÉRALES SUR LES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS — RAPPORT INTÉRIMAIRE

CONTEXTE

En 1997, des modifications à la Loi sur le divorce résultant de l’adoption du projet de loi C-41 ont sensiblement modifié le calcul des pensions alimentaires pour enfants au Canada. Mises en vigueur sous forme de règlement en vertu de la Loi sur le divorce, les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants ont pris effet le 1er mai 1997. Elles avaient fait l’objet d’études et de débats, parfois controversés, pendant près de dix ans. Parallèlement, des modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu ont modifié le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants. En conséquence, les personnes qui versent une pension alimentaire pour enfants ne peuvent plus déduire les montants en question de leur revenu pour les fins de l’impôt sur le revenu et les personnes qui touchent une pension alimentaire n’ont plus à déclarer le montant de la pension alimentaire pour enfants comme un revenu pour les fins de l’impôt sur le revenu().

Bien que les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants soient une législation subordonnée adoptée aux termes de la Loi sur le divorce, leur application et leur influence débordent ce cadre. La plupart des provinces ont adopté les Lignes directrices fédérales telles quelles ou légèrement modifiées pour les fins des questions qui relèvent du droit provincial de la famille. La Loi fédérale permet au gouverneur en conseil d’autoriser les provinces à appliquer leurs propres lignes directrices en matière de divorce à la condition que celles-ci soient complètes et qu’elles portent, entre autres, sur toutes les questions qui en vertu de la Loi doivent figurer dans les Lignes directrices fédérales. Seul le Québec a élaboré ses propres lignes directrices, sensiblement différentes des Lignes directrices fédérales.

Le Comité a étudié le projet de loi C-41 à l’hiver de 1997. À cette époque-là, il éprouvait certaines réserves au sujet du projet de loi et des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants qui devaient être adoptées par règlement aux termes des modifications apportées à la Loi sur le divorce. En conséquence, le Comité a demandé et reçu des assurances que deux mesures seraient prises dans un proche avenir. Dans un premier temps, le ministre de la Justice de l’époque et le leader du gouvernement au Sénat de l’époque ont promis qu’un comité parlementaire mixte chargé d’étudier les questions touchant la garde et le droit de visite des enfants aux termes de la Loi sur le divorce serait créé; ces questions avaient été soulevées à plusieurs reprises durant les audiences sur le projet de loi C-41, mais celui-ci n’y répondait pas directement. Le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a effectivement été constitué à cette fin et ses travaux sont déjà bien avancés. Il devrait faire rapport en novembre 1998.

Dans un deuxième temps, le gouvernement a appuyé le désir qu’avait exprimé le Comité de se voir confier le mandat de surveiller la mise en oeuvre et l’application du projet de loi C-41 et des Lignes directrices connexes. Le 5 novembre 1997, le Comité a effectivement reçu un ordre de renvoi en bonne et due forme du Sénat le chargeant de cette étude.

LA NATURE DE L’ÉTUDE

Le Comité a amorcé ses travaux en décembre 1997 et les a poursuivis durant l’hiver et le printemps de 1998. En tout, le Comité a entendu près de 20 groupes et particuliers. Du côté du secteur public, nous avons entendu des représentants de l’équipe des pensions alimentaires pour enfants du ministère de la Justice, du Comité consultatif des pensions alimentaires pour enfants et du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial de mise en oeuvre des Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants. Parmi les témoins du secteur privé, mentionnons l’Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec, des avocats exerçant en cabinet privé, des groupes représentant principalement les pères, des groupes représentant principalement les mères, des groupes représentant les parents ayant la garde et d’autres représentant les autres parents, des particuliers concernés et un comptable qui est l’auteur d’un programme informatique conçu pour aider les parties à appliquer les Lignes directrices.

Le Comité tient à souligner que le présent Rapport est un rapport intérimaire. C’est notre premier, mais pas notre dernier Rapport. Notre examen de ce changement fondamental dans la façon dont notre société fixe les règles et les montants des pensions alimentaires pour enfants se poursuit. Après tout, les Lignes directrices sont en vigueur depuis un peu plus d’un an seulement et elles pourraient encore être peaufinées. Nous estimons que le Sénat est le mécanisme idéal à qui confier ce rôle de surveillance, et nous prenons notre mission très au sérieux.

Il importe d’ailleurs de signaler que le gouvernement et le Parlement aussi souhaitaient un contrôle serré de l’application des Lignes directrices. Le projet de loi C-41 portant modification de la Loi sur le divorce prévoyait entre autres ce qui suit :

28. Le ministre de la Justice procède à l’examen détaillé, d’une part, de l’application des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants et, d’autre part, de la détermination des aliments pour enfants. Il dépose son rapport devant chaque Chambre du Parlement dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur du présent article.

Nous tenons à apporter une précision en ce qui a trait à l’obligation législative précitée, imposée au ministre de la Justice. Le ministre doit déposer un rapport complet dans les cinq ans, mais rien n’empêche que des modifications qui s’imposent soient apportées aux Lignes directrices dans l’intervalle. En fait, la Loi ne fait mention que d’un rapport; il pourrait donc s’écouler bien plus de cinq ans avant que des modifications ne soient mises en oeuvre, le cas échéant.

Nous savons que certaines modifications mineures ont été apportées aux Lignes directrices, mais nous pensons ici davantage à des questions de fond. Un nombre non négligeable de témoins ont dit qu’il serait trop long d’attendre cinq ans pour que des changements soient apportés. Nous sommes d’accord avec eux. D’autres en revanche soutiennent qu’il faut se garder de toute intervention prématurée, et nous en prenons bonne note. Dans le présent rapport, nous avons longuement réfléchi à cette question et nous pensons avoir finalement fait les distinctions qui s’imposent entre les questions qui méritent d’être étudiées de plus près mais qui peuvent attendre et celles qui exigent une intervention rapide.

Nous pressons le gouvernement de faire cette distinction. Nous savons que le ministère de la Justice a déjà un processus de consultation en cours et qu’il suit de près la jurisprudence et les autres faits nouveaux pertinents. Nous recommandons que les changements aux Lignes directrices que le Ministère a jugés nécessaires soient apportés sans tarder. Cependant, nous tenons à faire une demande importante à cet égard. Compte tenu de l’intérêt du Comité pour cette question, nous recommandons fortement qu’on ne fasse aucun changement sans nous consulter.

Recommandations

1. Le gouvernement devrait modifier les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants dès que le besoin s’en fait sentir plutôt que d’attendre les résultats d’un examen complet au terme d’une période de cinq ans.

2. Le Comité recommande fortement au gouvernement qu’avant d’apporter des modifications de fond aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, il consulte le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

VUE D’ENSEMBLE DES OPINIONS DES TÉMOINS

Quelques rares témoins étaient contre l’idée même de lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, mais la plupart des personnes entendues les voient plus ou moins d’un bon oeil. La majorité estime que les Lignes directrices ont besoin d’être clarifiées ou modifiées à divers égards, mais admette qu’elles ont déjà montré leur valeur et permis d’atteindre la majorité des objectifs visés. En remplaçant le modèle antérieur fondé sur des procédures judiciaires aboutissant à des résultats décidés au cas par cas, les Lignes directrices ont permis d’introduire une certaine objectivité dans le règlement des questions de pensions alimentaires pour enfants bien que certains se demandent encore si les dossiers sont effectivement plus faciles à régler, surtout quand on invoque les dispositions des Lignes directrices qui autorisent des écarts par rapport aux montants figurant dans les tables. Les témoins ont signalé que, dans ces cas, les procès étaient fréquents, ce qui n’a rien d’étonnant.

QUESTIONS D’INTÉRÊT PARTICULIER

Le Comité s’est rendu compte très vite que plusieurs éléments des Lignes directrices ont suscité des réserves dès le début de leur mise en oeuvre. D’ailleurs, ce sont les points mêmes qui étaient apparus comme problématiques aux yeux du Comité lors de l’étude du projet de loi C-41 et des Lignes directrices par le Sénat avant leur entrée en vigueur. Nous étudions ces questions en profondeur dans la présente partie du rapport.

A. Dépenses spéciales ou extraordinaires

L’article 7 des Lignes directrices porte le titre « dépenses spéciales ou extraordinaires ». On y indique que l’un des époux peut demander un montant pour couvrir des dépenses précises. Il faut dans ce cas tenir compte de la nécessité des dépenses par rapport à l’intérêt de l’enfant et de leur caractère raisonnable par rapport aux ressources des époux et de l’enfant et aux habitudes de dépenses de la famille avant la séparation. Il est également précisé que toute dépense admissible doit être partagée en proportion du revenu de chaque époux, déduction faite de la contribution fournie par l’enfant, le cas échéant.

Les dépenses spécifiques sont les suivantes : les frais de garde de l’enfant; la portion des primes d’assurance médicale et dentaire attribuable à l’enfant; les frais médicaux importants; les frais extraordinaires relatifs aux études primaires ou secondaires ou à tout autre programme éducatif qui répond aux besoins particuliers de l’enfant; les frais relatifs aux études postsecondaires; et les frais extraordinaires relatifs aux activités parascolaires.

Pour de nombreux témoins, cette disposition est celle qui fait le plus problème, mais certains éléments seulement de la disposition sont critiqués, à commencer par le titre. Nous convenons avec les témoins que celui-ci est ambigu dans la mesure où certaines des dépenses indiquées, les frais de garde d’enfant, par exemple, n’ont rien de spécial. Nous estimons que l’objet de ces dispositions serait plus clair si le titre était modifié. Nous proposons « dépenses additionnelles ou extraordinaires ».

Comme il a été indiqué, la plupart des dépenses figurant à l’article 7 ont suscité peu de commentaires. À quelques exceptions près, il semblerait que les dépenses de garde d’enfant, les primes d’assurance médicale et les dépenses de santé importantes ne posent généralement pas de problème. Un témoin a signalé que les primes d’assurance médicale constituent des montants si faibles qu’on peut se demander s’il est vraiment utile de les faire figurer dans les dépenses additionnelles. Un autre témoin voit un problème dans les dépenses de garde d’enfant lorsqu'un parent bénéficiaire ne réclame pas d’allégement fiscal à l’égard des sommes versées à un(e) gardien(ne) d’enfant. Nous notons cependant que le parent payeur a le droit de profiter de n’importe quelle déduction fiscale à laquelle le parent bénéficiaire est admissible et nous estimons donc que les Lignes directrices sont satisfaisantes à cet égard.

D’un autre côté, un bon nombre de témoins ont fait état d’une grande confusion au sujet du sens du mot « extraordinaire » en rapport avec les dépenses d’études et les activités parascolaires. Comme ce terme n’est pas défini et que son sens n’est pas immédiatement apparent dans le libellé ou la structure de la disposition, les avocats, les juges et les non-initiés en donnent des interprétations contradictoires ce qui, d’après un certain nombre de témoins, suscite des conflits et des poursuites judiciaires.

Apparemment, certains parents se réclament de cette disposition pour demander le remboursement proportionnel de toutes sortes de dépenses facultatives relatives aux études ou aux activités parascolaires, quelle que soit leur nature. D’autres sont d’avis que seules les dépenses à caractère exceptionnel en rapport avec l’activité en question relèvent de cette disposition. Certains juges appliquent des critères objectifs, d’autres des critères subjectifs.

Le Comité en a conclu qu’il fallait éclaircir le sens du terme « extraordinaire ». Il ne serait pas avisé d’attendre que les tribunaux tranchent. La jurisprudence elle-même témoigne d’ailleurs de points de vue totalement contradictoires, et il faudra peut-être des années avant d’en arriver à une approche cohérente. En attendant, les avocats sont incapables de conseiller convenablement leurs clients et deux des objectifs des Lignes directrices ne sont pas atteints, à savoir réduire les conflits et les tensions entre les époux en faisant entrer plus d’objectivité dans le calcul des montants des pensions alimentaires et améliorer l’efficacité du processus judiciaire en donnant aux tribunaux et aux époux des repères pour fixer le montant des pensions alimentaires et encourager le règlement des différends.

Voyons d’abord comment est calculé le montant de base qui figure dans les tables qui sont au coeur des Lignes directrices. Le montant de base ne reflète pas un calcul détaillé des dépenses que doivent faire les parents pour répondre aux besoins de base de leurs enfants. Il s’agit en fait d’une approximation du pourcentage de leur revenu que les parents consacrent à leurs enfants. Évidemment, ces pourcentages et les montants qu’ils représentent varient selon le revenu des parents. De toute évidence, des parents ayant un revenu de 20 000 $ dépenseront moins pour leurs enfants que ceux dont le revenu se situe entre 50 000 et 100 000 $. Ainsi, les dépenses que l’on considère comme «normales » changent à mesure que le revenu s’élève. Par exemple, pour des parents à revenu très faible, les dépenses qu’entraînent des leçons de piano seraient fort probablement exceptionnelles et constitueraient peut-être un sacrifice pour eux; les mêmes dépenses seraient en revanche sans doute considérées comme normales pour des parents à revenu moyen ou à revenu élevé.

Cette augmentation observée des dépenses consacrées aux enfants dans les familles intactes à mesure que le revenu augmente, dépenses qui comprennent les études et les activités parascolaires, se reflète dans la table, où les montants prévus dans les Lignes directrices augmentent avec le revenu du payeur.

Cela dit, revenons à la question des dépenses extraordinaires. Compte tenu de ce qui précède, il est juste de supposer que le montant de base comprend déjà certaines sommes pour les dépenses scolaires et parascolaires des personnes de ce niveau de revenu. Sauf erreur, donc, les dépenses extraordinaires doivent être des dépenses qui dépassent ce que les gens d’un revenu donné consacreraient à leurs enfants pour ces activités.

Nous nous hâtons cependant d’ajouter que le fait qu’une dépense ait un caractère extraordinaire ne signifie pas nécessairement que le payeur doive en assumer une partie. Il faut aussi que la dépense soit dans l’intérêt de l’enfant et qu’elle soit raisonnable compte tenu des moyens des époux. Une dépense extraordinaire qui est dans les moyens d’une famille intacte n’est pas nécessairement à la portée de conjoints séparés, et il importera d’en tenir compte dans l’évaluation des dépenses aux termes de l’article 7.

Le Comité souhaite proposer une définition de dépense extraordinaire compatible avec l’analyse qui précède et qui clarifierait l’intention du législateur en ce qui concerne cet aspect de l’article 7. Comme il a été dit précédemment, nous pensons qu’il vaut mieux intervenir maintenant pour clarifier la situation. Le titre de l’article 7 devrait être modifié pour se lire « Dépenses additionnelles ou extraordinaires ». Il faudrait ajouter à l’article 7 la définition suivante de dépenses extraordinaires :

Recommandations

3. Le titre de l’article 7 devrait être modifié pour se lire « Dépenses additionnelles ou extraordinaires ».

4. Il faudrait ajouter à l’article 7 la définition suivante de dépenses extraordinaires :

Dépenses extraordinaires

(2) L’expression « dépenses extraordinaires » figurant aux alinéas d) et f) doit être interprétée comme signifiant des dépenses qui dépassent ce que dépensent normalement des parents du même revenu pour les fins en question.

Lorsque le Comité a étudié le projet de loi C-41 puis l’avant-projet de Lignes directrices, certains sénateurs ont exprimé des réserves, qu’ils éprouvent toujours d’ailleurs, au sujet du traitement des pensions alimentaires des enfants adultes qui font des études postsecondaires. Nous notons que des témoins qui ont comparu devant le Comité dans le cours de l’étude actuelle partagent ces préoccupations.

Pendant de nombreuses années, la jurisprudence de la Loi sur le divorce a inclus dans la définition d’« enfants à charge » les enfants adultes qui fréquentent un établissement d’enseignement postsecondaire. La partie de la définition qui nous intéresse est la suivante : un [enfant à charge] « est majeur [...] sans pouvoir, pour cause de maladie ou d’invalidité ou pour toute autre cause, cesser d’être à leur charge ou subvenir à ses propres besoins » (l’italique est de nous). Les juges ont interprété cette disposition comme signifiant que les enfants adultes qui sont toujours aux études répondent à la condition exprimée par les termes « ou pour toute autre cause » en l’absence d’inclusion expresse de ces enfants.

Les Lignes directrices traitent les enfants adultes qui poursuivent leurs études de deux manières. Premièrement, elles donnent aux juges la latitude d’accorder une pension alimentaire selon la table applicable comme si l’enfant n’était pas encore majeur ou, si cette solution n’est pas considérée comme satisfaisante, d’ordonner le paiement d’un montant différent en fonction des moyens, des besoins et de la situation de l’enfant et de l’aptitude financière des époux à contribuer aux aliments de l’enfant. Deuxièmement, les dépenses d’études postsecondaires figurent dans la liste des dépenses additionnelles de l’article 7 qui peuvent être réparties entre les conjoints.

Le Comité a été saisi de certaines anomalies qui peuvent se produire lorsque l’on se sert, à l’égard de ces enfants adultes, de la table des montants de base. Par exemple, le parent qui a la garde peut recevoir des sommes importantes pour cet enfant, lorsque celui-ci fréquente une université dans une autre ville, mais rien ne l’oblige à consacrer la totalité de la somme à l’étudiant. Pendant ce temps-là, le parent payeur demeure responsable de sa part des dépenses d’études prévues à l’article 7.

Le Comité conclut que les enfants adultes qui fréquentent un établissement d’enseignement postsecondaire ne devraient pas être inclus, à l’article 3, dans la table des montants de base des Lignes directrices. Ces dispositions ne devraient pas non plus autoriser un juge à accorder une somme différente du montant figurant dans la table. Nous estimons que toutes les pensions alimentaires des enfants adultes qui poursuivent des études devraient relever de l’article 7 ou d’une nouvelle disposition. Ainsi, les deux parents seraient responsables selon leurs moyens financiers et les moyens de l’enfant, et le conjoint qui touche la pension ne serait pas en mesure de profiter indûment de la situation dans des cas comme celui que nous avons décrit plus haut. Évidemment, si un étudiant adulte continue de vivre avec le parent bénéficiaire, ses dépenses de subsistance de base seraient normalement incluses dans le montant accordé. Dans la plupart des cas, nous estimons qu’il vaudrait mieux que chaque parent paie directement ce qu’il doit à l’enfant. Dans certains cas, par exemple lorsque l’enfant vit avec un des parents, il serait acceptable de verser la pension à ce parent-là.

 

Recommandations

5. Les enfants adultes qui fréquentent un établissement d’enseignement postsecondaire ne devaient pas être inclus dans la table des montants de base des Lignes directrices, et un juge ne devrait pas avoir la latitude d’accorder un montant différent. Toutes les questions de pension alimentaire à l’égard d’enfants qui font des études postsecondaires devraient être traitées comme une dépense aux termes de l’article 7 ou aux termes d’une nouvelle disposition, les montants en question étant payables soit directement à l’enfant, soit aux parents, selon la situation.

B. Partage du rôle parental

L’article 9 des Lignes directrices, intitulé « Garde partagée », prévoit que, si un époux exerce son droit d’accès auprès d’un enfant ou en a la garde physique pendant au moins 40 p. 100 du temps au cours d’une année, le montant de l’ordonnance alimentaire doit refléter, en plus des montants figurant dans les tables applicables à l’égard de chaque époux, les coûts plus élevés associés à la garde partagée ainsi que les ressources, les besoins et, d’une façon générale, la situation de chaque époux et de tout enfant concerné.

Cette disposition reconnaît l’importante réalité voulant que, lorsqu’un des parents exerce une proportion significative des tâches parentales sans nécessairement qu’il s’agisse de la moitié, cela entraîne des dépenses, et la mesure permet de prendre ces dépenses en considération dans l’établissement des responsabilités financières du parent en cause. Il faut se rappeler que, lors de l’étude des Lignes directrices provisoires, la proportion de tâches parentales admissible avait été fixée à 50 p. 100. Nous avons fortement critiqué ce chiffre et, comme résultat, le seuil a été abaissé aux 40 p. 100 actuels.

À l’époque, la limite des 40 p. 100 constituait elle-même un compromis visant à rallier ceux qui cherchaient à imposer 50 p. 100 et ceux qui préconisaient 30 p. 100. Même si certains membres du Comité privilégient encore le pourcentage inférieur ou l’établissement d’une échelle mobile comme l’ont suggéré quelques témoins, le Comité hésite pour le moment à recommander un changement. Le taux des 40 p. 100 s’avérera peut-être le meilleur compromis, mais il faudra encore du temps avant de porter un jugement définitif sur la question. Nous sommes peu enclins à appuyer l’idée d’une échelle mobile, car cela introduirait dans les Lignes directrices une plus grande discrétion judiciaire. Si un certain pouvoir discrétionnaire est souhaitable et même nécessaire, plus il y en a et moins les Lignes directrices pourront permettre de respecter les buts importants de rendre le calcul des ordonnances alimentaires davantage objectif, d’encourager les règlements et d’assurer un traitement uniforme des conjoints dont les situations se ressemblent.

Nous notons le fait que des témoins ont souligné que cet article encourageait la discorde et les litiges entre époux. Un parent gardien a, du fait de cette disposition, un motif financier d’essayer de restreindre le rôle parental de l’autre parent sous la barre des 40 p. 100 (et vice versa). Pour les parents gardiens à moyen et à faible revenu, c’est là une réaction tout à fait naturelle car, dans bien des cas, il est indéniable que les coûts réels applicables à l’enfant, assumés par le principal fournisseur de soins, ne diminueront pas proportionnellement à la baisse qui se produira une fois que l’autre parent aura dépassé le seuil des 40 p. 100. Comme l’a dit l’un des témoins, un parent à faible revenu doit pouvoir fournir les soins de base, même si le temps de garde est partagé également.

C’est pourquoi nous recommandons que le Ministère examine d’autres méthodes permettant de répartir plus objectivement les coûts de la responsabilité partagée. Dans une autre administration, paraît-il, on évalue les coûts supplémentaires du parent qui partage les responsabilités et on les ajoute au montant des tables, avant de procéder à la répartition entre les parents. Cette méthode donne à un pourvoyeur principal à faible revenu un plus fort pourcentage de prestation alimentaire.

Le Comité reconnaît que la règle des 40 p. 100 risque de causer de l’incertitude et des désaccords, mais étrangement elle servirait aussi à préserver un grand principe, soit l’importance pour les enfants d’avoir dans toute la mesure du possible leurs deux parents comme éléments significatifs dans leur vie. Même si certains parents chercheront initialement à tirer parti de la règle surtout pour des raisons financières, l’objectif désiré sera indirectement atteint s’il en résulte une relation plus solide avec les enfants.

Recommandation

6. Le ministère de la Justice devrait examiner d’autres méthodes permettant de répartir plus objectivement les coûts des tâches parentales, aux fins de l’article 9 des Lignes directrices.

C. Détermination du revenu

Le Comité a entendu des témoignages sur la difficulté de déterminer le revenu pour l’application des Lignes directrices. Le problème concerne particulièrement l’évaluation précise du revenu des travailleurs autonomes, difficulté qui, bien sûr, s’applique aux deux parents. Par contre, nous savons que le problème existait avant les Lignes directrices. En fait, un témoin a signalé que les Lignes directrices avaient tout simplement mis les difficultés au jour et que, tout compte fait, elles avaient réellement amélioré le calcul du revenu.

Bien qu’on nous ait fait valoir certains problèmes particuliers dans la détermination du revenu, nous jugeons impossible, pour le moment, de formuler des recommandations précises. C’est, de l’avis de la plupart des témoins, un domaine particulièrement compliqué qui doit être étroitement surveillé. Il faudra peut-être, lorsque nous aurons acquis une certaine expérience de ces dispositions, apporter des modifications et des mises au point.

D. Difficultés excessives

L’article 10 et l’annexe II des Lignes directrices permettent au tribunal de fixer comme prestation alimentaire un montant différent de celui qui aurait été normalement accordé, si l’époux qui fait la demande ou un enfant de ce dernier risque d’éprouver des difficultés excessives. Parmi les éléments pouvant contribuer à une telle situation, les lignes directrices mentionnent les dettes raisonnablement contractées durant le mariage pour soutenir la famille ou gagner un revenu, des frais anormalement élevés liés à l’exercice du droit d’accès auprès des enfants ainsi que d’autres obligations légales pour le soutien alimentaire d’un enfant. La disposition est très étroitement structurée : même en concluant à l’existence de difficultés excessives, il faut rejeter la demande si, après avoir calculé le montant de l’ordonnance alimentaire normale, on détermine que le ménage de l’époux demandeur aurait un niveau de vie plus élevé que celui du ménage de l’autre époux.

L’annexe II, intitulée Méthode de comparaison des niveaux de vie des ménages, contient les étapes nécessaires à l’application de la méthode, laquelle se termine par un calcul et une comparaison des ratios de revenu. D’après la plupart des témoins, les calculs imposés sont très compliqués. Même les représentants du gouvernement ont admis que les avocats et les juges trouvaient la méthode difficile à appliquer et ils ont dit espérer qu’un nouveau guide vienne en aide aux personnes concernées. D’autres ont affirmé qu’il fallait absolument utiliser l’un des programmes informatiques conçus spécifiquement par le secteur privé pour l’application des Lignes directrices. Nous ne pouvons tenir pour acquis que toutes les parties et tous les avocats ont accès à un tel programme.

Le Comité recommande que le gouvernement essaie de simplifier et de clarifier les dispositions concernant les « difficultés excessives » en tenant compte de l’intérêt de l’enfant et de l’équité envers toutes les parties intéressées, ce qui comprend les deux époux et les éventuelles deuxièmes familles puisque leurs revenus sont pris en compte dans la comparaison des revenus des ménages. on nous a particulièrement signalé que les dispositions ne précisaient pas quand il faut inclure le revenu et les dépenses d’un nouveau conjoint.

Recommandation

7. Le gouvernement devrait essayer de simplifier et de clarifier l’article 10 et l’annexe II des Lignes directrices concernant les difficultés excessives, tout en tenant compte des intérêts des enfants et de l’équité envers toutes les parties intéressées.

E. Accès à l’information de Revenu Canada

Pour évaluer les montants des prestations alimentaires, il est important d’avoir l’information financière voulue. Le calcul du revenu annuel d’un conjoint commence à l’article 16 des Lignes directrices, où il est question de la formule T1 Générale établie par Revenu Canada. Par ailleurs, l’article 21 oblige les époux dont le revenu est pertinent aux fins de la pension alimentaire à fournir, à tout le moins, copie de leurs déclarations de revenus personnelles et de leurs avis de cotisation pour les trois dernières années. Sur demande, ces obligations doivent être remplies sur une base annuelle. Diverses pénalités s’appliquent en cas de défaut de se conformer. Lorsque les époux ont l’information en leur possession, Revenu Canada n’a pas à intervenir mais, dans le cas contraire, les époux devront s’adresser à l’organisme pour obtenir leurs dossiers.

Durant nos délibérations, un témoin a fait une suggestion qui nous a décontenancés : un organisme provincial d’exécution devrait avoir le droit de réclamer directement à Revenu Canada l’information requise. (Actuellement, un conjoint peut déléguer à l’organe d’exécution le pouvoir de demander à l’autre conjoint l’information financière, mais seul l’époux concerné peut faire appel à Revenu Canada.)

Le Comité croit sincèrement que, si l’obtention des données financières en temps opportun présente un problème, la solution n’est pas de permettre aux organismes provinciaux d’exécution d’obtenir les renseignements fiscaux auprès de Revenu Canada. L’un des témoins a fait remarquer que les sanctions prévues dans les Lignes directrices pour défaut de se conformer étaient tout à fait appropriées, mais qu’elles n’étaient pas rigoureusement appliquées. Voilà donc un cas où un problème lié aux Lignes directrices disparaît complètement pour peu que les juges imposent les sanctions prévues. Si, au fil du temps, une observation attentive révèle que le problème est répandu et ne se règle pas par l’entremise des sanctions, il faudra peut-être revoir les mécanismes de conformité. Dans l’intervalle, le Comité rejette toute mesure qui rendrait plus facilement accessibles les renseignements fiscaux confidentiels.

F. La prestation alimentaire et le régime fiscal

Comme il a déjà été mentionné, au moment où le Parlement examinait des modifications à la Loi sur le divorce, la Loi de l’impôt sur le revenu a été changée pour que la pension alimentaire ne soit plus déductible aux fins de l’impôt et n’ait plus à être incluse comme revenu. Ces réformes ont suscité la controverse à l’époque, surtout de la part des parents payeurs.

Il n’est donc pas surprenant qu’un nombre significatif de personnes pensent encore, une année plus tard, que la décision de modifier l’ancien système de déduction et d’inclusion ait été une erreur. Elles font valoir que les changements fiscaux ont entraîné une perte marquée du revenu disponible de l’unité familiale divisée dans tous les cas où le parent payeur appartient à une tranche d’imposition supérieure à celle du parent receveur, situation plutôt commune. Le résultat a été une augmentation des recettes fiscales pour le gouvernement fédéral. Même si ce dernier a promis de redistribuer l’argent aux familles à faible revenu, c’est là une piètre consolation pour les couples séparés ou divorcés dont la situation économique s’est détériorée par suite des changements mais qui n’ont nullement profité de la redistribution des recettes supplémentaires.

Par contre, comme certains témoins l’ont fait observer, les bénéficiaires de la prestation alimentaire ne sont plus obligés de mettre de l’argent de côté pour pouvoir payer leurs impôts au moment voulu. Bien des personnes à faible revenu et même un certain nombre de gens au revenu moyen trouvaient difficile de réserver de l’argent à cette fin et ils se voient maintenant débarrassés de cette inquiétude.

Le Comité compatit avec les individus dont la situation économique s’est détériorée par suite des changements fiscaux. Quelques témoins ont laissé entendre que le régime fiscal devrait être optionnel, c’est-à-dire que les payeurs et les receveurs pourraient décider ensemble s’ils préfèrent l’ancien ou le nouveau système pour leur cas particulier. Nous reconnaissons toutefois que les tables sont basées sur les règles fiscales actuelles et que de laisser un choix compliquerait le système, ce à quoi nous nous opposons. Nous savons également que la possibilité d’un choix risque d’apporter une toute nouvelle dimension qui compliquerait les négociations de règlement et pourrait aussi exercer une pression indue sur les parents payeurs. C’est pourquoi nous refusons de recommander un changement des actuelles règles fiscales.

G. Revenu des parents pour les fins des tables

Avant l’établissement des Lignes directrices fédérales, on tenait compte du revenu des deux parents pour déterminer le montant de la pension alimentaire à payer pour les enfants après une séparation. Les Lignes directrices rompent avec cette tradition dans la mesure où, pour les fins du calcul du montant de base, on se fonde uniquement sur le revenu du parent payeur, qui n’a pas la garde, sauf dans les cas de garde partagée. Le revenu des deux parents est pris en considération pour les fins des dépenses additionnelles prévues à l’article 7 et de la disposition sur les difficultés excessives.

Au moment de l’adoption du projet de loi C-41, beaucoup de gens estimaient intuitivement qu’il était injuste que la table des montants de base repose uniquement sur le revenu du parent payeur puisque les deux parents ont l’obligation de subvenir aux besoins de leurs enfants. L’explication donnée à l’époque, à savoir que l’on tenait compte implicitement du revenu du parent bénéficiaire puisqu’il contribuerait à l’entretien des enfants selon ses moyens sans qu’il soit nécessaire que le tribunal rende une ordonnance en ce sens, n’était pas tout à fait convaincante.

Certains des témoins que nous avons entendus continuent de trouver que les Lignes directrices fédérales sont injustes. D’autres en revanche ont conclu que le système actuel produisait des résultats raisonnables dans les circonstances et estiment maintenant que le système est convenable.

Le Comité a été saisi des lignes directrices québécoises qui, elles, tiennent compte du revenu des deux parents. Il est donc clair que les deux démarches dont possibles. Nous notons que le régime québécois n’est pas critiqué pour la façon dont on traite les revenus des parents comme le sont les Lignes directrices fédérales.

Certains des membres du Comité seraient enclins à privilégier le modèle du Québec, mais le Comité a conclu qu’il vaudrait mieux suivre cette question de près et intervenir, au besoin, lors de l’examen qui aura lieu au bout de cinq ans. Nous avons déjà signalé que la controverse qu’avait suscité la décision initiale s’est déjà beaucoup atténuée, et on se rendra peut-être compte avec le temps que cette solution était la bonne, particulièrement dans les cas simples où le fait de ne tenir compte que d’un revenu simplifie considérablement les calculs.

Recommandation

8. Le gouvernement devrait surveiller l’application du principe selon lequel, abstraction faite de certaines exceptions précisées, seul le revenu du parent payeur est pris en considération dans le calcul du montant de base. H. Coûts d’accès

Plusieurs témoins ont signalé que les parents qui n’ont pas la garde doivent parfois assumer des dépenses élevées pour voir leurs enfants, en particulier quand un des parents (ou les deux) a déménagé pour s’installer loin de la demeure familiale initiale. Dans des cas extrêmes, il arrive qu’un parent doive traverser le pays en avion, ou faire venir ses enfants en avion, pour garder contact avec eux. Ces coûts peuvent sérieusement nuire au maintien de relations parentales fortes, objectif que le Comité veut encourager.

Actuellement, les dépenses d’accès ne sont prises en considération que pour les fins des calculs afférents aux dispositions sur les difficultés indues. On n’en tient donc aucun compte dans la plupart des cas, et les parents qui vivent loin de leurs enfants doivent absorber tous les coûts. Le Comité trouve la situation injuste, en particulier lorsque c’est le parent qui a la garde des enfants qui a décidé de s’éloigner.

Le Comité a conclu que les Lignes directrices devraient tenir compte expressément des coûts d’accès lorsqu’ils deviennent importants. Nous proposons une démarche analogue à celle qui est prévue à l’article 7 où les dépenses sont partagées en fonction des moyens des parents en tenant compte de la nécessité de la dépense pour l’intérêt de l’enfant et de son caractère raisonnable.

Recommandation

9. Les Lignes directrices devraient tenir compte des coûts d’accès des parents qui vivent loin de leurs enfants. La disposition devrait être rédigée sur le modèle de l’article 7 des Lignes directrices courantes.

I. Accès à l’aide juridique

Un certain nombre de témoins, en particulier ceux qui représentent des groupes de parents, sont très préoccupés par le coût élevé des procédures judiciaires afférentes au droit de la famille et par les répercussions des réductions récentes du financement de l’aide juridique sur leur accès aux tribunaux. Le Comité sympathise beaucoup avec eux. Malheureusement, l’aide juridique relève des provinces et n’est donc pas de son ressort. Nous trouvons cependant la situation regrettable, car des droits que l’on ne peut pas exercer sont une bien piètre consolation.

D’un autre côté, le Comité sait que l’on déploie des efforts pour réduire le plus possible le caractère litigieux du droit de la famille. À cet égard, nous attendons avec intérêt les recommandations que fera à ce sujet le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.

J. Exécution

On a fait au Comité plusieurs suggestions concrètes en vue d’améliorer l’exécution des pensions alimentaires pour enfants. On a entre autres proposé de faire du défaut de paiement délibéré d’une pension alimentaire pour enfant une infraction aux termes du Code criminel. Le Comité a des réserves au sujet de cette proposition et se demande notamment si cette infraction serait vraiment invoquée. Nous notons par ailleurs que le non-respect d’une ordonnance judiciaire, comme une ordonnance de pension alimentaire pour enfant, constitue une infraction aux lois provinciales. Cette disposition est utilisée à l’occasion et mène parfois à l’incarcération des contrevenants.

En dépit des réserves précitées, le Comité admet que la création d’une infraction aux termes du Code criminel signalerait sans équivoque aux mauvais payeurs éventuels que la société accorde une grande importance au paiement des pensions alimentaires pour enfants. Parmi les parents qui prennent leurs responsabilités à la légère, certains pourraient être incités à respecter leurs obligations du simple fait de l’existence de cette sanction. Nous avons donc l’intention, en tant que Comité, d’examiner cette question en profondeur lorsque nous nous pencherons sur les Lignes directrices dans l’avenir.

On a signalé qu Comité une situation dans laquelle il est presque impossible de faire exécuter une ordonnance de pension alimentaire. Le problème se pose dans le cas des employés des Nations Unies et sans doute d’autres organisations internationales. Il semblerait que l’ONU n’a pas de procédures permettant la saisie-arrêt de salaires et de prestations de pension pour satisfaire une ordonnance de pension alimentaire dûment obtenue dans le pays d’origine de l’employé. En outre, l’ONU ne prend apparemment pas en considération ces ordonnances ou la situation familiale de ses employés, allant jusqu’à verser des primes de parent même si l’employé n’a pas la garde de ses enfants et est en retard dans le paiement de leur pension alimentaire.

Bien sûr, ce genre de situation ne concerne sans doute qu’une poignée de cas, mais un principe important est en jeu. Le Comité estime injuste qu’un Canadien qui travaille pour un organisme international soit en mesure de se soustraire à ses obligations sans que l’autre parent ait de recours. Nous recommandons par conséquent que le ministère des Affaires étrangères fasse des démarches pour que les organismes internationaux dont le Canada est membre se dotent de procédures permettant l’exécution des ordonnances de pension alimentaire pour enfants.

Le Comité tient à se pencher sur deux dernières mesures qui pourraient éventuellement aider les parents à qui l’on doit des pensions alimentaires à toucher un montant forfaitaire. La première concerne la pension des fonctionnaires fédéraux. La loi fédérale ne contient actuellement aucune disposition qui permettrait de verser au bénéficiaire la totalité ou une partie de la valeur de la pension du parent payeur en paiement de l’arriéré d’une pension alimentaire pour enfant. On nous a signalé que cela était possible dans plusieurs provinces, et il vaudrait la peine d’envisager cette mesure au niveau fédéral. Cette solution ne serait utilisée qu’en dernier ressort, et la perte éventuelle de droits à pension est si lourde de conséquences qu’elle inciterait sans doute fortement les personnes concernées à régler le solde des arriérés de pension alimentaire.

L’autre mesure concerne les remboursements d’impôt qui seraient payables à un contribuable s’il faisait une déclaration de revenus. Aux termes du paragraphe 150(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, le ministre du Revenu peut forcer un particulier à produire une déclaration de revenus, que celui-ci doive de l’impôt ou non. Normalement, le ministère n’exige la production d’une déclaration de revenus que lorsque l’intéressé doit de l’argent au fisc, mais, comme il a été dit, rien ne l’empêche de le faire aussi lorsque le contribuable a droit à un remboursement. Le remboursement pourrait alors être saisi pour couvrir des arriérés de pension alimentaire pour enfants.

Le Comité recommande que, dans ce genre de situation, le ministre du Revenu exige la production d’une déclaration de revenus sur avis d’ordonnance aux termes de la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales.

Recommandations

10. Le ministre des Affaires étrangères devrait faire des démarches pour faire en sorte que les organismes internationaux dont le Canada est membre se dotent de procédures permettant d’assurer le respect des ordonnances de pension alimentaire pour enfants.

11. Le gouvernement devrait envisager de modifier la loi pour que la valeur d’une pension fédérale puisse être versée en totalité ou en partie en dernier ressort sous la forme d’un montant forfaitaire en paiement d’arriérés de pension alimentaire pour enfants.

12. Lorsque des contribuables ont droit à un remboursement d’impôt et n’ont pas produit de déclaration de revenus, le ministre du Revenu devrait répondre aux avis d’ordonnance judiciaire aux termes de la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et exiger la production d’une déclaration de revenus de manière à permettre la saisie du remboursement en paiement des arriérés de pension alimentaire pour enfants.

K. Le besoin de recherches

L’incidence sur les particuliers et la société de l’énorme changement que constitue l’adoption des nouvelles Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, doit être étroitement surveillée. Pour ce faire, il faut produire des données ciblées et mettre en oeuvre, le plus tôt possible après le début du projet, un plan de recherche bien conçu. Alors seulement, les résultats pourront être pleinement évalués, et les succès et échecs, identifiés. À partir du plan de recherche idéal, nous devrions également, comme nos témoins l’ont signalé essayer d’en apprendre davantage sur les grands aspects sociaux du divorce, de l’éclatement de la famille et de ses effets sur les enfants, des différents arrangements conclus par les parents après la rupture (comme le partage du rôle parental, la garde exclusive, etc.). Il est important que la recherche s’étende aux différentes régions du pays : ce qui peut être problématique dans une région ne posera peut-être pas de difficulté ailleurs.

Le Comité a examiné le cadre de recherche proposé pour l’observation des principaux éléments de l’Initiative sur les pensions alimentaires pour enfants. Nous souscrivons à l’intention du Ministère de chercher à connaître l’opinion d’un vaste échantillon de personnes. D’après certains de nos témoins, on a par le passé négligé les parents payeurs. Or, nous notons que ces derniers sont mentionnés en tant que sources principales des données nécessaires à l’évaluation des Lignes directrices. Parmi les autres qui auraient pu être laissés de côté mais qui seront pertinemment inclus, on retrouve les autochtones, les gens faiblement alphabétisés, les gagne-petit et d’autres.

Le cadre de recherche proposé a été conçu de façon à évaluer le succès des Lignes directrices dans la réalisation des quatre objectifs énumérés à l’article 1. Les mesures fédérales d’exécution feront elles aussi l’objet d’une évaluation. Le Comité est convaincu que le gouvernement a bien réfléchi à l’immense éventail des aspects que comporte une évaluation complète et aux stratégies de recherche qui lui permettront de répondre aux nombreuses questions pour lesquelles, jusqu’ici, les données empiriques ont fait défaut. Nous sommes certains que, d’ici l’an 2002, lorsque le ministre de la Justice rendra compte au Parlement du fonctionnement des Lignes directrices, on disposera d’une solide base sur laquelle étayer des conclusions.


RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

1.Le gouvernement devrait modifier les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants dès que le besoin s’en fait sentir plutôt que d’attendre les résultats d’un examen complet au terme d’une période de cinq ans.

2. Le Comité recommande fortement au gouvernement qu’avant d’apporter des modifications de fond aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, il consulte le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

3. Le titre de l’article 7 devrait être modifié pour se lire « Dépenses additionnelles ou extraordinaires ».

4. Il faudrait ajouter à l’article 7 la définition suivante de dépenses extraordinaires :

Dépenses extraordinaires

(2) L’expression « dépenses extraordinaires » figurant aux alinéas d) et f) doit être interprétée comme signifiant des dépenses qui dépassent ce que dépensent normalement des parents du même revenu pour les fins en question.

5. Les enfants adultes qui fréquentent un établissement d’enseignement postsecondaire ne devaient pas être inclus dans la table des montants de base des Lignes directrices, et un juge ne devrait pas avoir la latitude d’accorder un montant différent. Toutes les questions de pension alimentaire à l’égard d’enfants qui font des études postsecondaires devraient être traitées comme une dépense aux termes de l’article 7 ou aux termes d’une nouvelle disposition, les montants en question étant payables soit directement à l’enfant, soit aux parents, selon la situation.

6. Le ministère de la Justice devrait examiner d’autres méthodes permettant de répartir plus objectivement les coûts des tâches parentales, aux fins de l’article 9 des Lignes directrices.

7. Le gouvernement devrait essayer de simplifier et de clarifier l’article 10 et l’annexe II des Lignes directrices concernant les difficultés excessives, tout en tenant compte des intérêts des enfants et de l’équité envers toutes les parties intéressées.

8. Le gouvernement devrait surveiller l’application du principe selon lequel, abstraction faite de certaines exceptions précisées, seul le revenu du parent payeur est pris en considération dans le calcul du montant de base.

9. Les Lignes directrices devraient tenir compte des coûts d’accès des parents qui vivent loin de leurs enfants. La disposition devrait être rédigée sur le modèle de l’article 7 des Lignes directrices courantes.

10. Le ministre des Affaires étrangères devrait faire des démarches pour faire en sorte que les organismes internationaux dont le Canada est membre se dotent de procédures permettant d’assurer le respect des ordonnances de pension alimentaire pour enfants.

11. Le gouvernement devrait envisager de modifier la loi pour que la valeur d’une pension fédérale puisse être versée en totalité ou en partie en dernier ressort sous la forme d’un montant forfaitaire en paiement d’arriérés de pension alimentaire pour enfants.

12. Lorsque des contribuables ont droit à un remboursement d’impôt et n’ont pas produit de déclaration de revenus, le ministre du Revenu devrait répondre aux avis d’ordonnance judiciaire aux termes de la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et exiger la production d’une déclaration de revenus de manière à permettre la saisie du remboursement en paiement des arriérés de pension alimentaire pour enfants.


ANNEXE / APPENDIX: Liste des témoins / List of Witnesses

Witness / Témoin

Date

Department of Justice/Ministère de la Justice

George Thomson

Deputy Minister/sous-ministre

Thea Herman

Senior Assistant Deputy Minister/sous-ministre adjointe principale

Murielle Brazeau,

General Counsel and Team Leader, Child Support Initiative /avocate générale - chef d’équipe, Initiative sur les pensions alimentaires pour enfants

16-12-1997

Philip Epstein, Q.C./c.r.

Family Lawyer / avocat en droit de la famille

10-02-1998

Federal-Provincial-Territorial Task Force on

Implementing the Child Support Guidelines /

Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial concernant

la mise en oeuvre des lignes directrice sur les pensions

alimentaires pour les enfants

Betty Ann Pottruff, Q.C./c.r.

Co-Chair / co-présidente

17-02-1998

Canadian Bar Association/

l’Association du Barreau canadien

Jennifer Cooper, Q.C./c.r.

Chair, Guidelines Implementation Committee, Family Law Section/présidente, Comité de mise en oeuvre des lignes, directrices, Section nationale du droit de la famille

Tamra Thomson, Director/directrice

Legislation and Law Reform/Legislation et reforme du droit

24-02-1998

Lynn Reierson

Family Law Practitioner/avocate en droit de la famille

24-02-1998

Barry R. Gardiner, FCA/FCA

Chartered Accountant/comptable agréé

17-03-1998

Equitable Child Maintenance and Access Society

Michael A. LaBerge

President/président

Marina Forbister

Past President/présidente sortant

17-03-1998

Support for Children: An Organization for Public Education (SCOPE)

Judy Poulin

President/présidente

24-03-1998

National Association of Women and the Law/

Association nationale de la femme et du droit

Carole Curtis

Family Lawyer, Member of Family Law Working Group/avocate en droit de la famille, membre du groupe de travail en droit de la famille

24-03-1998

FatherCraft Canada

W. Glen Cheriton

Director/directeur

24-03-1998

National Alliance for the Advancement of Non-Custodial Parents/

Alliance nationale des organizations pour l’entraide des parents non-gardiens

L. Jason Bouchard

Coordinator/coordinateur

24-03-1998

Elizabeth Beattie

Individual/individu

31-03-1998

Quebec Bar Association/Barreau du Québec

Suzanne Vadboncoeur

Director of Research and Legislation, Department of the Quebec Bar Association and Secretary of the Committee of the Bar on Family Law/directrice du Service de recherche et de législation du Barreau du Québec et secrétaire du Comité du Barreau sur le droit de la famille

Miriam Grassby

President of the Committee of the Bar on Family Law/présidente du Comité du Barreau sur le droit de la famille

Dominique Goubau

Member of the Committee of the Bar on Family Law/membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille

Jean-Marie Fortin, Member of the Committee of the Bar on Family Law/membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille

31-03-1998

Queen’s University

Professor Nicholas Bala

Associate Dean, Faculty of Law/vice-doyen, Faculté de droit

01-04-1998

Mothers Against Fathers in Arrears

Kaarina Pakka

Co-founder/co-fondatrice

Regina May

Co-founder/co-fondatrice

01-04-1998

Karen Selick

Family Law Practitioner/avocate en droit de la famille

28-04-1998


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