Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 15 - Rapport Intérimaire
Le Sénat
LES LIGNES DIRECTRICES FÉDÉRALES SUR LES
PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS
RAPPORT INTÉRIMAIRE
du Comité sénatorial permanent des affaires sociales,
des sciences et de la technologie
Le président,
L'honorable Lowell Murray, c.p.
Le vice-président,
L'honorable Peter Bosa
Juin 1998
MEMBRES
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie :
L'honorable Lowell Murray, c.p., président
L'honorable Peter Bosa, vice-président
et
Les honorables sénateurs :
Cohen, Erminie J. Cook, Joan Cools, Anne C. Ferretti Barth, Marisa *Graham, B.A. c.p. (ou Carstairs, Sharon) Johnstone, Archibald |
Kenny, Colin (vice-président intérimaire) Lavoie-Roux, Thérèse LeBreton, Marjory *Lynch-Staunton, John (ou Kinsella, Noel) Maheu, Shirley Phillips, Orville H. |
*Membres d'office
Le greffier par intérim du Comité
Nadine S. Huggins
Membres sortants :
Les honorables sénateurs Jean B. Forest, Duncan J. Jessiman, c.r. (retraité) et Stanley Haidasz, c.p., M.D. (retraité)
Personnel de la Direction de la recherche de la Bibliothèque du Parlement :
Margaret Young, Division du droit et du gouvernement.
ORDRE DE RENVOI
Extrait des Journaux du Sénat du mercredi 5 novembre 1997 :
Lhonorable sénateur Murray, c.p., propose, appuyé par lhonorable sénateur Phillips,
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à surveiller la mise en oeuvre et lapplication du Chapitre 1, S.C. 1997, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi daide à lexécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, et des lignes directrices qui sy rapportent, soit les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.
La motion, mise aux voix, est adoptée.
Le greffier du Sénat
Paul Bélisle
TABLE DES MATIÈRES
VUE DENSEMBLE DES OPINIONS DES TÉMOINS
QUESTIONS DINTÉRÊT PARTICULIER
A. Dépenses spéciales ou extraordinaires
E. Accès à linformation de Revenu Canada
F. La prestation alimentaire et le régime fiscal
G. Revenu des parents pour les fins des tables
ANNEXE / APPENDIX: LISTE DES TÉMOINS / LIST OF WITNESSES
LES LIGNES DIRECTRICES FÉDÉRALES SUR LES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS RAPPORT INTÉRIMAIRE
En 1997, des modifications à la Loi sur le divorce résultant de ladoption du projet de loi C-41 ont sensiblement modifié le calcul des pensions alimentaires pour enfants au Canada. Mises en vigueur sous forme de règlement en vertu de la Loi sur le divorce, les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants ont pris effet le 1er mai 1997. Elles avaient fait lobjet détudes et de débats, parfois controversés, pendant près de dix ans. Parallèlement, des modifications apportées à la Loi de limpôt sur le revenu ont modifié le traitement fiscal des pensions alimentaires pour enfants. En conséquence, les personnes qui versent une pension alimentaire pour enfants ne peuvent plus déduire les montants en question de leur revenu pour les fins de limpôt sur le revenu et les personnes qui touchent une pension alimentaire nont plus à déclarer le montant de la pension alimentaire pour enfants comme un revenu pour les fins de limpôt sur le revenu().
Bien que les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants soient une législation subordonnée adoptée aux termes de la Loi sur le divorce, leur application et leur influence débordent ce cadre. La plupart des provinces ont adopté les Lignes directrices fédérales telles quelles ou légèrement modifiées pour les fins des questions qui relèvent du droit provincial de la famille. La Loi fédérale permet au gouverneur en conseil dautoriser les provinces à appliquer leurs propres lignes directrices en matière de divorce à la condition que celles-ci soient complètes et quelles portent, entre autres, sur toutes les questions qui en vertu de la Loi doivent figurer dans les Lignes directrices fédérales. Seul le Québec a élaboré ses propres lignes directrices, sensiblement différentes des Lignes directrices fédérales.
Le Comité a étudié le projet de loi C-41 à lhiver de 1997. À cette époque-là, il éprouvait certaines réserves au sujet du projet de loi et des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants qui devaient être adoptées par règlement aux termes des modifications apportées à la Loi sur le divorce. En conséquence, le Comité a demandé et reçu des assurances que deux mesures seraient prises dans un proche avenir. Dans un premier temps, le ministre de la Justice de lépoque et le leader du gouvernement au Sénat de lépoque ont promis quun comité parlementaire mixte chargé détudier les questions touchant la garde et le droit de visite des enfants aux termes de la Loi sur le divorce serait créé; ces questions avaient été soulevées à plusieurs reprises durant les audiences sur le projet de loi C-41, mais celui-ci ny répondait pas directement. Le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a effectivement été constitué à cette fin et ses travaux sont déjà bien avancés. Il devrait faire rapport en novembre 1998.
Dans un deuxième temps, le gouvernement a appuyé le désir quavait exprimé le Comité de se voir confier le mandat de surveiller la mise en oeuvre et lapplication du projet de loi C-41 et des Lignes directrices connexes. Le 5 novembre 1997, le Comité a effectivement reçu un ordre de renvoi en bonne et due forme du Sénat le chargeant de cette étude.
Le Comité a amorcé ses travaux en décembre 1997 et les a poursuivis durant lhiver et le printemps de 1998. En tout, le Comité a entendu près de 20 groupes et particuliers. Du côté du secteur public, nous avons entendu des représentants de léquipe des pensions alimentaires pour enfants du ministère de la Justice, du Comité consultatif des pensions alimentaires pour enfants et du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial de mise en oeuvre des Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants. Parmi les témoins du secteur privé, mentionnons lAssociation du Barreau canadien, le Barreau du Québec, des avocats exerçant en cabinet privé, des groupes représentant principalement les pères, des groupes représentant principalement les mères, des groupes représentant les parents ayant la garde et dautres représentant les autres parents, des particuliers concernés et un comptable qui est lauteur dun programme informatique conçu pour aider les parties à appliquer les Lignes directrices.
Le Comité tient à souligner que le présent Rapport est un rapport intérimaire. Cest notre premier, mais pas notre dernier Rapport. Notre examen de ce changement fondamental dans la façon dont notre société fixe les règles et les montants des pensions alimentaires pour enfants se poursuit. Après tout, les Lignes directrices sont en vigueur depuis un peu plus dun an seulement et elles pourraient encore être peaufinées. Nous estimons que le Sénat est le mécanisme idéal à qui confier ce rôle de surveillance, et nous prenons notre mission très au sérieux.
Il importe dailleurs de signaler que le gouvernement et le Parlement aussi souhaitaient un contrôle serré de lapplication des Lignes directrices. Le projet de loi C-41 portant modification de la Loi sur le divorce prévoyait entre autres ce qui suit :
28. Le ministre de la Justice procède à lexamen détaillé, dune part, de lapplication des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants et, dautre part, de la détermination des aliments pour enfants. Il dépose son rapport devant chaque Chambre du Parlement dans les cinq ans suivant lentrée en vigueur du présent article.
Nous tenons à apporter une précision en ce qui a trait à lobligation législative précitée, imposée au ministre de la Justice. Le ministre doit déposer un rapport complet dans les cinq ans, mais rien nempêche que des modifications qui simposent soient apportées aux Lignes directrices dans lintervalle. En fait, la Loi ne fait mention que dun rapport; il pourrait donc sécouler bien plus de cinq ans avant que des modifications ne soient mises en oeuvre, le cas échéant.
Nous savons que certaines modifications mineures ont été apportées aux Lignes directrices, mais nous pensons ici davantage à des questions de fond. Un nombre non négligeable de témoins ont dit quil serait trop long dattendre cinq ans pour que des changements soient apportés. Nous sommes daccord avec eux. Dautres en revanche soutiennent quil faut se garder de toute intervention prématurée, et nous en prenons bonne note. Dans le présent rapport, nous avons longuement réfléchi à cette question et nous pensons avoir finalement fait les distinctions qui simposent entre les questions qui méritent dêtre étudiées de plus près mais qui peuvent attendre et celles qui exigent une intervention rapide.
Nous pressons le gouvernement de faire cette distinction. Nous savons que le ministère de la Justice a déjà un processus de consultation en cours et quil suit de près la jurisprudence et les autres faits nouveaux pertinents. Nous recommandons que les changements aux Lignes directrices que le Ministère a jugés nécessaires soient apportés sans tarder. Cependant, nous tenons à faire une demande importante à cet égard. Compte tenu de lintérêt du Comité pour cette question, nous recommandons fortement quon ne fasse aucun changement sans nous consulter.
Recommandations
1. Le gouvernement devrait modifier les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants dès que le besoin sen fait sentir plutôt que dattendre les résultats dun examen complet au terme dune période de cinq ans.
2. Le Comité recommande fortement au gouvernement quavant dapporter des modifications de fond aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, il consulte le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
VUE DENSEMBLE DES OPINIONS DES TÉMOINS
Quelques rares témoins étaient contre lidée même de lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, mais la plupart des personnes entendues les voient plus ou moins dun bon oeil. La majorité estime que les Lignes directrices ont besoin dêtre clarifiées ou modifiées à divers égards, mais admette quelles ont déjà montré leur valeur et permis datteindre la majorité des objectifs visés. En remplaçant le modèle antérieur fondé sur des procédures judiciaires aboutissant à des résultats décidés au cas par cas, les Lignes directrices ont permis dintroduire une certaine objectivité dans le règlement des questions de pensions alimentaires pour enfants bien que certains se demandent encore si les dossiers sont effectivement plus faciles à régler, surtout quand on invoque les dispositions des Lignes directrices qui autorisent des écarts par rapport aux montants figurant dans les tables. Les témoins ont signalé que, dans ces cas, les procès étaient fréquents, ce qui na rien détonnant.
QUESTIONS DINTÉRÊT PARTICULIER
Le Comité sest rendu compte très vite que plusieurs éléments des Lignes directrices ont suscité des réserves dès le début de leur mise en oeuvre. Dailleurs, ce sont les points mêmes qui étaient apparus comme problématiques aux yeux du Comité lors de létude du projet de loi C-41 et des Lignes directrices par le Sénat avant leur entrée en vigueur. Nous étudions ces questions en profondeur dans la présente partie du rapport.
A. Dépenses spéciales ou extraordinaires
Larticle 7 des Lignes directrices porte le titre « dépenses spéciales ou extraordinaires ». On y indique que lun des époux peut demander un montant pour couvrir des dépenses précises. Il faut dans ce cas tenir compte de la nécessité des dépenses par rapport à lintérêt de lenfant et de leur caractère raisonnable par rapport aux ressources des époux et de lenfant et aux habitudes de dépenses de la famille avant la séparation. Il est également précisé que toute dépense admissible doit être partagée en proportion du revenu de chaque époux, déduction faite de la contribution fournie par lenfant, le cas échéant.
Les dépenses spécifiques sont les suivantes : les frais de garde de lenfant; la portion des primes dassurance médicale et dentaire attribuable à lenfant; les frais médicaux importants; les frais extraordinaires relatifs aux études primaires ou secondaires ou à tout autre programme éducatif qui répond aux besoins particuliers de lenfant; les frais relatifs aux études postsecondaires; et les frais extraordinaires relatifs aux activités parascolaires.
Pour de nombreux témoins, cette disposition est celle qui fait le plus problème, mais certains éléments seulement de la disposition sont critiqués, à commencer par le titre. Nous convenons avec les témoins que celui-ci est ambigu dans la mesure où certaines des dépenses indiquées, les frais de garde denfant, par exemple, nont rien de spécial. Nous estimons que lobjet de ces dispositions serait plus clair si le titre était modifié. Nous proposons « dépenses additionnelles ou extraordinaires ».
Comme il a été indiqué, la plupart des dépenses figurant à larticle 7 ont suscité peu de commentaires. À quelques exceptions près, il semblerait que les dépenses de garde denfant, les primes dassurance médicale et les dépenses de santé importantes ne posent généralement pas de problème. Un témoin a signalé que les primes dassurance médicale constituent des montants si faibles quon peut se demander sil est vraiment utile de les faire figurer dans les dépenses additionnelles. Un autre témoin voit un problème dans les dépenses de garde denfant lorsqu'un parent bénéficiaire ne réclame pas dallégement fiscal à légard des sommes versées à un(e) gardien(ne) denfant. Nous notons cependant que le parent payeur a le droit de profiter de nimporte quelle déduction fiscale à laquelle le parent bénéficiaire est admissible et nous estimons donc que les Lignes directrices sont satisfaisantes à cet égard.
Dun autre côté, un bon nombre de témoins ont fait état dune grande confusion au sujet du sens du mot « extraordinaire » en rapport avec les dépenses détudes et les activités parascolaires. Comme ce terme nest pas défini et que son sens nest pas immédiatement apparent dans le libellé ou la structure de la disposition, les avocats, les juges et les non-initiés en donnent des interprétations contradictoires ce qui, daprès un certain nombre de témoins, suscite des conflits et des poursuites judiciaires.
Apparemment, certains parents se réclament de cette disposition pour demander le remboursement proportionnel de toutes sortes de dépenses facultatives relatives aux études ou aux activités parascolaires, quelle que soit leur nature. Dautres sont davis que seules les dépenses à caractère exceptionnel en rapport avec lactivité en question relèvent de cette disposition. Certains juges appliquent des critères objectifs, dautres des critères subjectifs.
Le Comité en a conclu quil fallait éclaircir le sens du terme « extraordinaire ». Il ne serait pas avisé dattendre que les tribunaux tranchent. La jurisprudence elle-même témoigne dailleurs de points de vue totalement contradictoires, et il faudra peut-être des années avant den arriver à une approche cohérente. En attendant, les avocats sont incapables de conseiller convenablement leurs clients et deux des objectifs des Lignes directrices ne sont pas atteints, à savoir réduire les conflits et les tensions entre les époux en faisant entrer plus dobjectivité dans le calcul des montants des pensions alimentaires et améliorer lefficacité du processus judiciaire en donnant aux tribunaux et aux époux des repères pour fixer le montant des pensions alimentaires et encourager le règlement des différends.
Voyons dabord comment est calculé le montant de base qui figure dans les tables qui sont au coeur des Lignes directrices. Le montant de base ne reflète pas un calcul détaillé des dépenses que doivent faire les parents pour répondre aux besoins de base de leurs enfants. Il sagit en fait dune approximation du pourcentage de leur revenu que les parents consacrent à leurs enfants. Évidemment, ces pourcentages et les montants quils représentent varient selon le revenu des parents. De toute évidence, des parents ayant un revenu de 20 000 $ dépenseront moins pour leurs enfants que ceux dont le revenu se situe entre 50 000 et 100 000 $. Ainsi, les dépenses que lon considère comme «normales » changent à mesure que le revenu sélève. Par exemple, pour des parents à revenu très faible, les dépenses quentraînent des leçons de piano seraient fort probablement exceptionnelles et constitueraient peut-être un sacrifice pour eux; les mêmes dépenses seraient en revanche sans doute considérées comme normales pour des parents à revenu moyen ou à revenu élevé.
Cette augmentation observée des dépenses consacrées aux enfants dans les familles intactes à mesure que le revenu augmente, dépenses qui comprennent les études et les activités parascolaires, se reflète dans la table, où les montants prévus dans les Lignes directrices augmentent avec le revenu du payeur.
Cela dit, revenons à la question des dépenses extraordinaires. Compte tenu de ce qui précède, il est juste de supposer que le montant de base comprend déjà certaines sommes pour les dépenses scolaires et parascolaires des personnes de ce niveau de revenu. Sauf erreur, donc, les dépenses extraordinaires doivent être des dépenses qui dépassent ce que les gens dun revenu donné consacreraient à leurs enfants pour ces activités.
Nous nous hâtons cependant dajouter que le fait quune dépense ait un caractère extraordinaire ne signifie pas nécessairement que le payeur doive en assumer une partie. Il faut aussi que la dépense soit dans lintérêt de lenfant et quelle soit raisonnable compte tenu des moyens des époux. Une dépense extraordinaire qui est dans les moyens dune famille intacte nest pas nécessairement à la portée de conjoints séparés, et il importera den tenir compte dans lévaluation des dépenses aux termes de larticle 7.
Le Comité souhaite proposer une définition de dépense extraordinaire compatible avec lanalyse qui précède et qui clarifierait lintention du législateur en ce qui concerne cet aspect de larticle 7. Comme il a été dit précédemment, nous pensons quil vaut mieux intervenir maintenant pour clarifier la situation. Le titre de larticle 7 devrait être modifié pour se lire « Dépenses additionnelles ou extraordinaires ». Il faudrait ajouter à larticle 7 la définition suivante de dépenses extraordinaires :
Recommandations
3. Le titre de larticle 7 devrait être modifié pour se lire « Dépenses additionnelles ou extraordinaires ».
4. Il faudrait ajouter à larticle 7 la définition suivante de dépenses extraordinaires :
Dépenses extraordinaires
(2) Lexpression « dépenses extraordinaires » figurant aux alinéas d) et f) doit être interprétée comme signifiant des dépenses qui dépassent ce que dépensent normalement des parents du même revenu pour les fins en question.
Lorsque le Comité a étudié le projet de loi C-41 puis lavant-projet de Lignes directrices, certains sénateurs ont exprimé des réserves, quils éprouvent toujours dailleurs, au sujet du traitement des pensions alimentaires des enfants adultes qui font des études postsecondaires. Nous notons que des témoins qui ont comparu devant le Comité dans le cours de létude actuelle partagent ces préoccupations.
Pendant de nombreuses années, la jurisprudence de la Loi sur le divorce a inclus dans la définition d« enfants à charge » les enfants adultes qui fréquentent un établissement denseignement postsecondaire. La partie de la définition qui nous intéresse est la suivante : un [enfant à charge] « est majeur [...] sans pouvoir, pour cause de maladie ou dinvalidité ou pour toute autre cause, cesser dêtre à leur charge ou subvenir à ses propres besoins » (litalique est de nous). Les juges ont interprété cette disposition comme signifiant que les enfants adultes qui sont toujours aux études répondent à la condition exprimée par les termes « ou pour toute autre cause » en labsence dinclusion expresse de ces enfants.
Les Lignes directrices traitent les enfants adultes qui poursuivent leurs études de deux manières. Premièrement, elles donnent aux juges la latitude daccorder une pension alimentaire selon la table applicable comme si lenfant nétait pas encore majeur ou, si cette solution nest pas considérée comme satisfaisante, dordonner le paiement dun montant différent en fonction des moyens, des besoins et de la situation de lenfant et de laptitude financière des époux à contribuer aux aliments de lenfant. Deuxièmement, les dépenses détudes postsecondaires figurent dans la liste des dépenses additionnelles de larticle 7 qui peuvent être réparties entre les conjoints.
Le Comité a été saisi de certaines anomalies qui peuvent se produire lorsque lon se sert, à légard de ces enfants adultes, de la table des montants de base. Par exemple, le parent qui a la garde peut recevoir des sommes importantes pour cet enfant, lorsque celui-ci fréquente une université dans une autre ville, mais rien ne loblige à consacrer la totalité de la somme à létudiant. Pendant ce temps-là, le parent payeur demeure responsable de sa part des dépenses détudes prévues à larticle 7.
Le Comité conclut que les enfants adultes qui fréquentent un établissement denseignement postsecondaire ne devraient pas être inclus, à larticle 3, dans la table des montants de base des Lignes directrices. Ces dispositions ne devraient pas non plus autoriser un juge à accorder une somme différente du montant figurant dans la table. Nous estimons que toutes les pensions alimentaires des enfants adultes qui poursuivent des études devraient relever de larticle 7 ou dune nouvelle disposition. Ainsi, les deux parents seraient responsables selon leurs moyens financiers et les moyens de lenfant, et le conjoint qui touche la pension ne serait pas en mesure de profiter indûment de la situation dans des cas comme celui que nous avons décrit plus haut. Évidemment, si un étudiant adulte continue de vivre avec le parent bénéficiaire, ses dépenses de subsistance de base seraient normalement incluses dans le montant accordé. Dans la plupart des cas, nous estimons quil vaudrait mieux que chaque parent paie directement ce quil doit à lenfant. Dans certains cas, par exemple lorsque lenfant vit avec un des parents, il serait acceptable de verser la pension à ce parent-là.
Recommandations
5. Les enfants adultes qui fréquentent un établissement denseignement postsecondaire ne devaient pas être inclus dans la table des montants de base des Lignes directrices, et un juge ne devrait pas avoir la latitude daccorder un montant différent. Toutes les questions de pension alimentaire à légard denfants qui font des études postsecondaires devraient être traitées comme une dépense aux termes de larticle 7 ou aux termes dune nouvelle disposition, les montants en question étant payables soit directement à lenfant, soit aux parents, selon la situation.
Larticle 9 des Lignes directrices, intitulé « Garde partagée », prévoit que, si un époux exerce son droit daccès auprès dun enfant ou en a la garde physique pendant au moins 40 p. 100 du temps au cours dune année, le montant de lordonnance alimentaire doit refléter, en plus des montants figurant dans les tables applicables à légard de chaque époux, les coûts plus élevés associés à la garde partagée ainsi que les ressources, les besoins et, dune façon générale, la situation de chaque époux et de tout enfant concerné.
Cette disposition reconnaît limportante réalité voulant que, lorsquun des parents exerce une proportion significative des tâches parentales sans nécessairement quil sagisse de la moitié, cela entraîne des dépenses, et la mesure permet de prendre ces dépenses en considération dans létablissement des responsabilités financières du parent en cause. Il faut se rappeler que, lors de létude des Lignes directrices provisoires, la proportion de tâches parentales admissible avait été fixée à 50 p. 100. Nous avons fortement critiqué ce chiffre et, comme résultat, le seuil a été abaissé aux 40 p. 100 actuels.
À lépoque, la limite des 40 p. 100 constituait elle-même un compromis visant à rallier ceux qui cherchaient à imposer 50 p. 100 et ceux qui préconisaient 30 p. 100. Même si certains membres du Comité privilégient encore le pourcentage inférieur ou létablissement dune échelle mobile comme lont suggéré quelques témoins, le Comité hésite pour le moment à recommander un changement. Le taux des 40 p. 100 savérera peut-être le meilleur compromis, mais il faudra encore du temps avant de porter un jugement définitif sur la question. Nous sommes peu enclins à appuyer lidée dune échelle mobile, car cela introduirait dans les Lignes directrices une plus grande discrétion judiciaire. Si un certain pouvoir discrétionnaire est souhaitable et même nécessaire, plus il y en a et moins les Lignes directrices pourront permettre de respecter les buts importants de rendre le calcul des ordonnances alimentaires davantage objectif, dencourager les règlements et dassurer un traitement uniforme des conjoints dont les situations se ressemblent.
Nous notons le fait que des témoins ont souligné que cet article encourageait la discorde et les litiges entre époux. Un parent gardien a, du fait de cette disposition, un motif financier dessayer de restreindre le rôle parental de lautre parent sous la barre des 40 p. 100 (et vice versa). Pour les parents gardiens à moyen et à faible revenu, cest là une réaction tout à fait naturelle car, dans bien des cas, il est indéniable que les coûts réels applicables à lenfant, assumés par le principal fournisseur de soins, ne diminueront pas proportionnellement à la baisse qui se produira une fois que lautre parent aura dépassé le seuil des 40 p. 100. Comme la dit lun des témoins, un parent à faible revenu doit pouvoir fournir les soins de base, même si le temps de garde est partagé également.
Cest pourquoi nous recommandons que le Ministère examine dautres méthodes permettant de répartir plus objectivement les coûts de la responsabilité partagée. Dans une autre administration, paraît-il, on évalue les coûts supplémentaires du parent qui partage les responsabilités et on les ajoute au montant des tables, avant de procéder à la répartition entre les parents. Cette méthode donne à un pourvoyeur principal à faible revenu un plus fort pourcentage de prestation alimentaire.
Le Comité reconnaît que la règle des 40 p. 100 risque de causer de lincertitude et des désaccords, mais étrangement elle servirait aussi à préserver un grand principe, soit limportance pour les enfants davoir dans toute la mesure du possible leurs deux parents comme éléments significatifs dans leur vie. Même si certains parents chercheront initialement à tirer parti de la règle surtout pour des raisons financières, lobjectif désiré sera indirectement atteint sil en résulte une relation plus solide avec les enfants.
Recommandation
6. Le ministère de la Justice devrait examiner dautres méthodes permettant de répartir plus objectivement les coûts des tâches parentales, aux fins de larticle 9 des Lignes directrices.
Le Comité a entendu des témoignages sur la difficulté de déterminer le revenu pour lapplication des Lignes directrices. Le problème concerne particulièrement lévaluation précise du revenu des travailleurs autonomes, difficulté qui, bien sûr, sapplique aux deux parents. Par contre, nous savons que le problème existait avant les Lignes directrices. En fait, un témoin a signalé que les Lignes directrices avaient tout simplement mis les difficultés au jour et que, tout compte fait, elles avaient réellement amélioré le calcul du revenu.
Bien quon nous ait fait valoir certains problèmes particuliers dans la détermination du revenu, nous jugeons impossible, pour le moment, de formuler des recommandations précises. Cest, de lavis de la plupart des témoins, un domaine particulièrement compliqué qui doit être étroitement surveillé. Il faudra peut-être, lorsque nous aurons acquis une certaine expérience de ces dispositions, apporter des modifications et des mises au point.
Larticle 10 et lannexe II des Lignes directrices permettent au tribunal de fixer comme prestation alimentaire un montant différent de celui qui aurait été normalement accordé, si lépoux qui fait la demande ou un enfant de ce dernier risque déprouver des difficultés excessives. Parmi les éléments pouvant contribuer à une telle situation, les lignes directrices mentionnent les dettes raisonnablement contractées durant le mariage pour soutenir la famille ou gagner un revenu, des frais anormalement élevés liés à lexercice du droit daccès auprès des enfants ainsi que dautres obligations légales pour le soutien alimentaire dun enfant. La disposition est très étroitement structurée : même en concluant à lexistence de difficultés excessives, il faut rejeter la demande si, après avoir calculé le montant de lordonnance alimentaire normale, on détermine que le ménage de lépoux demandeur aurait un niveau de vie plus élevé que celui du ménage de lautre époux.
Lannexe II, intitulée Méthode de comparaison des niveaux de vie des ménages, contient les étapes nécessaires à lapplication de la méthode, laquelle se termine par un calcul et une comparaison des ratios de revenu. Daprès la plupart des témoins, les calculs imposés sont très compliqués. Même les représentants du gouvernement ont admis que les avocats et les juges trouvaient la méthode difficile à appliquer et ils ont dit espérer quun nouveau guide vienne en aide aux personnes concernées. Dautres ont affirmé quil fallait absolument utiliser lun des programmes informatiques conçus spécifiquement par le secteur privé pour lapplication des Lignes directrices. Nous ne pouvons tenir pour acquis que toutes les parties et tous les avocats ont accès à un tel programme.
Le Comité recommande que le gouvernement essaie de simplifier et de clarifier les dispositions concernant les « difficultés excessives » en tenant compte de lintérêt de lenfant et de léquité envers toutes les parties intéressées, ce qui comprend les deux époux et les éventuelles deuxièmes familles puisque leurs revenus sont pris en compte dans la comparaison des revenus des ménages. on nous a particulièrement signalé que les dispositions ne précisaient pas quand il faut inclure le revenu et les dépenses dun nouveau conjoint.
Recommandation
7. Le gouvernement devrait essayer de simplifier et de clarifier larticle 10 et lannexe II des Lignes directrices concernant les difficultés excessives, tout en tenant compte des intérêts des enfants et de léquité envers toutes les parties intéressées.
E. Accès à linformation de Revenu Canada
Pour évaluer les montants des prestations alimentaires, il est important davoir linformation financière voulue. Le calcul du revenu annuel dun conjoint commence à larticle 16 des Lignes directrices, où il est question de la formule T1 Générale établie par Revenu Canada. Par ailleurs, larticle 21 oblige les époux dont le revenu est pertinent aux fins de la pension alimentaire à fournir, à tout le moins, copie de leurs déclarations de revenus personnelles et de leurs avis de cotisation pour les trois dernières années. Sur demande, ces obligations doivent être remplies sur une base annuelle. Diverses pénalités sappliquent en cas de défaut de se conformer. Lorsque les époux ont linformation en leur possession, Revenu Canada na pas à intervenir mais, dans le cas contraire, les époux devront sadresser à lorganisme pour obtenir leurs dossiers.
Durant nos délibérations, un témoin a fait une suggestion qui nous a décontenancés : un organisme provincial dexécution devrait avoir le droit de réclamer directement à Revenu Canada linformation requise. (Actuellement, un conjoint peut déléguer à lorgane dexécution le pouvoir de demander à lautre conjoint linformation financière, mais seul lépoux concerné peut faire appel à Revenu Canada.)
Le Comité croit sincèrement que, si lobtention des données financières en temps opportun présente un problème, la solution nest pas de permettre aux organismes provinciaux dexécution dobtenir les renseignements fiscaux auprès de Revenu Canada. Lun des témoins a fait remarquer que les sanctions prévues dans les Lignes directrices pour défaut de se conformer étaient tout à fait appropriées, mais quelles nétaient pas rigoureusement appliquées. Voilà donc un cas où un problème lié aux Lignes directrices disparaît complètement pour peu que les juges imposent les sanctions prévues. Si, au fil du temps, une observation attentive révèle que le problème est répandu et ne se règle pas par lentremise des sanctions, il faudra peut-être revoir les mécanismes de conformité. Dans lintervalle, le Comité rejette toute mesure qui rendrait plus facilement accessibles les renseignements fiscaux confidentiels.
F. La prestation alimentaire et le régime fiscal
Comme il a déjà été mentionné, au moment où le Parlement examinait des modifications à la Loi sur le divorce, la Loi de limpôt sur le revenu a été changée pour que la pension alimentaire ne soit plus déductible aux fins de limpôt et nait plus à être incluse comme revenu. Ces réformes ont suscité la controverse à lépoque, surtout de la part des parents payeurs.
Il nest donc pas surprenant quun nombre significatif de personnes pensent encore, une année plus tard, que la décision de modifier lancien système de déduction et dinclusion ait été une erreur. Elles font valoir que les changements fiscaux ont entraîné une perte marquée du revenu disponible de lunité familiale divisée dans tous les cas où le parent payeur appartient à une tranche dimposition supérieure à celle du parent receveur, situation plutôt commune. Le résultat a été une augmentation des recettes fiscales pour le gouvernement fédéral. Même si ce dernier a promis de redistribuer largent aux familles à faible revenu, cest là une piètre consolation pour les couples séparés ou divorcés dont la situation économique sest détériorée par suite des changements mais qui nont nullement profité de la redistribution des recettes supplémentaires.
Par contre, comme certains témoins lont fait observer, les bénéficiaires de la prestation alimentaire ne sont plus obligés de mettre de largent de côté pour pouvoir payer leurs impôts au moment voulu. Bien des personnes à faible revenu et même un certain nombre de gens au revenu moyen trouvaient difficile de réserver de largent à cette fin et ils se voient maintenant débarrassés de cette inquiétude.
Le Comité compatit avec les individus dont la situation économique sest détériorée par suite des changements fiscaux. Quelques témoins ont laissé entendre que le régime fiscal devrait être optionnel, cest-à-dire que les payeurs et les receveurs pourraient décider ensemble sils préfèrent lancien ou le nouveau système pour leur cas particulier. Nous reconnaissons toutefois que les tables sont basées sur les règles fiscales actuelles et que de laisser un choix compliquerait le système, ce à quoi nous nous opposons. Nous savons également que la possibilité dun choix risque dapporter une toute nouvelle dimension qui compliquerait les négociations de règlement et pourrait aussi exercer une pression indue sur les parents payeurs. Cest pourquoi nous refusons de recommander un changement des actuelles règles fiscales.
G. Revenu des parents pour les fins des tables
Avant létablissement des Lignes directrices fédérales, on tenait compte du revenu des deux parents pour déterminer le montant de la pension alimentaire à payer pour les enfants après une séparation. Les Lignes directrices rompent avec cette tradition dans la mesure où, pour les fins du calcul du montant de base, on se fonde uniquement sur le revenu du parent payeur, qui na pas la garde, sauf dans les cas de garde partagée. Le revenu des deux parents est pris en considération pour les fins des dépenses additionnelles prévues à larticle 7 et de la disposition sur les difficultés excessives.
Au moment de ladoption du projet de loi C-41, beaucoup de gens estimaient intuitivement quil était injuste que la table des montants de base repose uniquement sur le revenu du parent payeur puisque les deux parents ont lobligation de subvenir aux besoins de leurs enfants. Lexplication donnée à lépoque, à savoir que lon tenait compte implicitement du revenu du parent bénéficiaire puisquil contribuerait à lentretien des enfants selon ses moyens sans quil soit nécessaire que le tribunal rende une ordonnance en ce sens, nétait pas tout à fait convaincante.
Certains des témoins que nous avons entendus continuent de trouver que les Lignes directrices fédérales sont injustes. Dautres en revanche ont conclu que le système actuel produisait des résultats raisonnables dans les circonstances et estiment maintenant que le système est convenable.
Le Comité a été saisi des lignes directrices québécoises qui, elles, tiennent compte du revenu des deux parents. Il est donc clair que les deux démarches dont possibles. Nous notons que le régime québécois nest pas critiqué pour la façon dont on traite les revenus des parents comme le sont les Lignes directrices fédérales.
Certains des membres du Comité seraient enclins à privilégier le modèle du Québec, mais le Comité a conclu quil vaudrait mieux suivre cette question de près et intervenir, au besoin, lors de lexamen qui aura lieu au bout de cinq ans. Nous avons déjà signalé que la controverse quavait suscité la décision initiale sest déjà beaucoup atténuée, et on se rendra peut-être compte avec le temps que cette solution était la bonne, particulièrement dans les cas simples où le fait de ne tenir compte que dun revenu simplifie considérablement les calculs.
Recommandation
8. Le gouvernement devrait surveiller lapplication du principe selon lequel, abstraction faite de certaines exceptions précisées, seul le revenu du parent payeur est pris en considération dans le calcul du montant de base. H. Coûts daccès
Plusieurs témoins ont signalé que les parents qui nont pas la garde doivent parfois assumer des dépenses élevées pour voir leurs enfants, en particulier quand un des parents (ou les deux) a déménagé pour sinstaller loin de la demeure familiale initiale. Dans des cas extrêmes, il arrive quun parent doive traverser le pays en avion, ou faire venir ses enfants en avion, pour garder contact avec eux. Ces coûts peuvent sérieusement nuire au maintien de relations parentales fortes, objectif que le Comité veut encourager.
Actuellement, les dépenses daccès ne sont prises en considération que pour les fins des calculs afférents aux dispositions sur les difficultés indues. On nen tient donc aucun compte dans la plupart des cas, et les parents qui vivent loin de leurs enfants doivent absorber tous les coûts. Le Comité trouve la situation injuste, en particulier lorsque cest le parent qui a la garde des enfants qui a décidé de séloigner.
Le Comité a conclu que les Lignes directrices devraient tenir compte expressément des coûts daccès lorsquils deviennent importants. Nous proposons une démarche analogue à celle qui est prévue à larticle 7 où les dépenses sont partagées en fonction des moyens des parents en tenant compte de la nécessité de la dépense pour lintérêt de lenfant et de son caractère raisonnable.
Recommandation
9. Les Lignes directrices devraient tenir compte des coûts daccès des parents qui vivent loin de leurs enfants. La disposition devrait être rédigée sur le modèle de larticle 7 des Lignes directrices courantes.
Un certain nombre de témoins, en particulier ceux qui représentent des groupes de parents, sont très préoccupés par le coût élevé des procédures judiciaires afférentes au droit de la famille et par les répercussions des réductions récentes du financement de laide juridique sur leur accès aux tribunaux. Le Comité sympathise beaucoup avec eux. Malheureusement, laide juridique relève des provinces et nest donc pas de son ressort. Nous trouvons cependant la situation regrettable, car des droits que lon ne peut pas exercer sont une bien piètre consolation.
Dun autre côté, le Comité sait que lon déploie des efforts pour réduire le plus possible le caractère litigieux du droit de la famille. À cet égard, nous attendons avec intérêt les recommandations que fera à ce sujet le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.
On a fait au Comité plusieurs suggestions concrètes en vue daméliorer lexécution des pensions alimentaires pour enfants. On a entre autres proposé de faire du défaut de paiement délibéré dune pension alimentaire pour enfant une infraction aux termes du Code criminel. Le Comité a des réserves au sujet de cette proposition et se demande notamment si cette infraction serait vraiment invoquée. Nous notons par ailleurs que le non-respect dune ordonnance judiciaire, comme une ordonnance de pension alimentaire pour enfant, constitue une infraction aux lois provinciales. Cette disposition est utilisée à loccasion et mène parfois à lincarcération des contrevenants.
En dépit des réserves précitées, le Comité admet que la création dune infraction aux termes du Code criminel signalerait sans équivoque aux mauvais payeurs éventuels que la société accorde une grande importance au paiement des pensions alimentaires pour enfants. Parmi les parents qui prennent leurs responsabilités à la légère, certains pourraient être incités à respecter leurs obligations du simple fait de lexistence de cette sanction. Nous avons donc lintention, en tant que Comité, dexaminer cette question en profondeur lorsque nous nous pencherons sur les Lignes directrices dans lavenir.
On a signalé qu Comité une situation dans laquelle il est presque impossible de faire exécuter une ordonnance de pension alimentaire. Le problème se pose dans le cas des employés des Nations Unies et sans doute dautres organisations internationales. Il semblerait que lONU na pas de procédures permettant la saisie-arrêt de salaires et de prestations de pension pour satisfaire une ordonnance de pension alimentaire dûment obtenue dans le pays dorigine de lemployé. En outre, lONU ne prend apparemment pas en considération ces ordonnances ou la situation familiale de ses employés, allant jusquà verser des primes de parent même si lemployé na pas la garde de ses enfants et est en retard dans le paiement de leur pension alimentaire.
Bien sûr, ce genre de situation ne concerne sans doute quune poignée de cas, mais un principe important est en jeu. Le Comité estime injuste quun Canadien qui travaille pour un organisme international soit en mesure de se soustraire à ses obligations sans que lautre parent ait de recours. Nous recommandons par conséquent que le ministère des Affaires étrangères fasse des démarches pour que les organismes internationaux dont le Canada est membre se dotent de procédures permettant lexécution des ordonnances de pension alimentaire pour enfants.
Le Comité tient à se pencher sur deux dernières mesures qui pourraient éventuellement aider les parents à qui lon doit des pensions alimentaires à toucher un montant forfaitaire. La première concerne la pension des fonctionnaires fédéraux. La loi fédérale ne contient actuellement aucune disposition qui permettrait de verser au bénéficiaire la totalité ou une partie de la valeur de la pension du parent payeur en paiement de larriéré dune pension alimentaire pour enfant. On nous a signalé que cela était possible dans plusieurs provinces, et il vaudrait la peine denvisager cette mesure au niveau fédéral. Cette solution ne serait utilisée quen dernier ressort, et la perte éventuelle de droits à pension est si lourde de conséquences quelle inciterait sans doute fortement les personnes concernées à régler le solde des arriérés de pension alimentaire.
Lautre mesure concerne les remboursements dimpôt qui seraient payables à un contribuable sil faisait une déclaration de revenus. Aux termes du paragraphe 150(2) de la Loi de limpôt sur le revenu, le ministre du Revenu peut forcer un particulier à produire une déclaration de revenus, que celui-ci doive de limpôt ou non. Normalement, le ministère nexige la production dune déclaration de revenus que lorsque lintéressé doit de largent au fisc, mais, comme il a été dit, rien ne lempêche de le faire aussi lorsque le contribuable a droit à un remboursement. Le remboursement pourrait alors être saisi pour couvrir des arriérés de pension alimentaire pour enfants.
Le Comité recommande que, dans ce genre de situation, le ministre du Revenu exige la production dune déclaration de revenus sur avis dordonnance aux termes de la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales.
Recommandations
10. Le ministre des Affaires étrangères devrait faire des démarches pour faire en sorte que les organismes internationaux dont le Canada est membre se dotent de procédures permettant dassurer le respect des ordonnances de pension alimentaire pour enfants.
11. Le gouvernement devrait envisager de modifier la loi pour que la valeur dune pension fédérale puisse être versée en totalité ou en partie en dernier ressort sous la forme dun montant forfaitaire en paiement darriérés de pension alimentaire pour enfants.
12. Lorsque des contribuables ont droit à un remboursement dimpôt et nont pas produit de déclaration de revenus, le ministre du Revenu devrait répondre aux avis dordonnance judiciaire aux termes de la Loi daide à lexécution des ordonnances et des ententes familiales et exiger la production dune déclaration de revenus de manière à permettre la saisie du remboursement en paiement des arriérés de pension alimentaire pour enfants.
Lincidence sur les particuliers et la société de lénorme changement que constitue ladoption des nouvelles Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, doit être étroitement surveillée. Pour ce faire, il faut produire des données ciblées et mettre en oeuvre, le plus tôt possible après le début du projet, un plan de recherche bien conçu. Alors seulement, les résultats pourront être pleinement évalués, et les succès et échecs, identifiés. À partir du plan de recherche idéal, nous devrions également, comme nos témoins lont signalé essayer den apprendre davantage sur les grands aspects sociaux du divorce, de léclatement de la famille et de ses effets sur les enfants, des différents arrangements conclus par les parents après la rupture (comme le partage du rôle parental, la garde exclusive, etc.). Il est important que la recherche sétende aux différentes régions du pays : ce qui peut être problématique dans une région ne posera peut-être pas de difficulté ailleurs.
Le Comité a examiné le cadre de recherche proposé pour lobservation des principaux éléments de lInitiative sur les pensions alimentaires pour enfants. Nous souscrivons à lintention du Ministère de chercher à connaître lopinion dun vaste échantillon de personnes. Daprès certains de nos témoins, on a par le passé négligé les parents payeurs. Or, nous notons que ces derniers sont mentionnés en tant que sources principales des données nécessaires à lévaluation des Lignes directrices. Parmi les autres qui auraient pu être laissés de côté mais qui seront pertinemment inclus, on retrouve les autochtones, les gens faiblement alphabétisés, les gagne-petit et dautres.
Le cadre de recherche proposé a été conçu de façon à évaluer le succès des Lignes directrices dans la réalisation des quatre objectifs énumérés à larticle 1. Les mesures fédérales dexécution feront elles aussi lobjet dune évaluation. Le Comité est convaincu que le gouvernement a bien réfléchi à limmense éventail des aspects que comporte une évaluation complète et aux stratégies de recherche qui lui permettront de répondre aux nombreuses questions pour lesquelles, jusquici, les données empiriques ont fait défaut. Nous sommes certains que, dici lan 2002, lorsque le ministre de la Justice rendra compte au Parlement du fonctionnement des Lignes directrices, on disposera dune solide base sur laquelle étayer des conclusions.
1.Le gouvernement devrait modifier les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants dès que le besoin sen fait sentir plutôt que dattendre les résultats dun examen complet au terme dune période de cinq ans.
2. Le Comité recommande fortement au gouvernement quavant dapporter des modifications de fond aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, il consulte le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
3. Le titre de larticle 7 devrait être modifié pour se lire « Dépenses additionnelles ou extraordinaires ».
4. Il faudrait ajouter à larticle 7 la définition suivante de dépenses extraordinaires :
Dépenses extraordinaires
(2) Lexpression « dépenses extraordinaires » figurant aux alinéas d) et f) doit être interprétée comme signifiant des dépenses qui dépassent ce que dépensent normalement des parents du même revenu pour les fins en question.
5. Les enfants adultes qui fréquentent un établissement denseignement postsecondaire ne devaient pas être inclus dans la table des montants de base des Lignes directrices, et un juge ne devrait pas avoir la latitude daccorder un montant différent. Toutes les questions de pension alimentaire à légard denfants qui font des études postsecondaires devraient être traitées comme une dépense aux termes de larticle 7 ou aux termes dune nouvelle disposition, les montants en question étant payables soit directement à lenfant, soit aux parents, selon la situation.
6. Le ministère de la Justice devrait examiner dautres méthodes permettant de répartir plus objectivement les coûts des tâches parentales, aux fins de larticle 9 des Lignes directrices.
7. Le gouvernement devrait essayer de simplifier et de clarifier larticle 10 et lannexe II des Lignes directrices concernant les difficultés excessives, tout en tenant compte des intérêts des enfants et de léquité envers toutes les parties intéressées.
8. Le gouvernement devrait surveiller lapplication du principe selon lequel, abstraction faite de certaines exceptions précisées, seul le revenu du parent payeur est pris en considération dans le calcul du montant de base.
9. Les Lignes directrices devraient tenir compte des coûts daccès des parents qui vivent loin de leurs enfants. La disposition devrait être rédigée sur le modèle de larticle 7 des Lignes directrices courantes.
10. Le ministre des Affaires étrangères devrait faire des démarches pour faire en sorte que les organismes internationaux dont le Canada est membre se dotent de procédures permettant dassurer le respect des ordonnances de pension alimentaire pour enfants.
11. Le gouvernement devrait envisager de modifier la loi pour que la valeur dune pension fédérale puisse être versée en totalité ou en partie en dernier ressort sous la forme dun montant forfaitaire en paiement darriérés de pension alimentaire pour enfants.
12. Lorsque des contribuables ont droit à un remboursement dimpôt et nont pas produit de déclaration de revenus, le ministre du Revenu devrait répondre aux avis dordonnance judiciaire aux termes de la Loi daide à lexécution des ordonnances et des ententes familiales et exiger la production dune déclaration de revenus de manière à permettre la saisie du remboursement en paiement des arriérés de pension alimentaire pour enfants.
ANNEXE / APPENDIX: Liste des témoins / List of Witnesses
Witness / Témoin |
Date |
Department of
Justice/Ministère de la Justice George Thomson Deputy Minister/sous-ministre Thea Herman Senior Assistant Deputy Minister/sous-ministre adjointe principale Murielle Brazeau, General Counsel and Team Leader, Child Support Initiative /avocate générale - chef déquipe, Initiative sur les pensions alimentaires pour enfants |
16-12-1997 |
Philip Epstein,
Q.C./c.r. Family Lawyer / avocat en droit de la famille |
10-02-1998 |
Federal-Provincial-Territorial
Task Force on Implementing the Child Support Guidelines / Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial concernant la mise en oeuvre des lignes directrice sur les pensions alimentaires pour les enfants Betty Ann Pottruff, Q.C./c.r. Co-Chair / co-présidente |
17-02-1998 |
Canadian Bar
Association/ lAssociation du Barreau canadien Jennifer Cooper, Q.C./c.r. Chair, Guidelines Implementation Committee, Family Law Section/présidente, Comité de mise en oeuvre des lignes, directrices, Section nationale du droit de la famille Tamra Thomson, Director/directrice Legislation and Law Reform/Legislation et reforme du droit |
24-02-1998 |
Lynn Reierson Family Law Practitioner/avocate en droit de la famille |
24-02-1998 |
Barry R. Gardiner,
FCA/FCA Chartered Accountant/comptable agréé |
17-03-1998 |
Equitable Child
Maintenance and Access Society Michael A. LaBerge President/président Marina Forbister Past President/présidente sortant |
17-03-1998 |
Support for Children:
An Organization for Public Education (SCOPE) Judy Poulin President/présidente |
24-03-1998 |
National Association
of Women and the Law/ Association nationale de la femme et du droit Carole Curtis Family Lawyer, Member of Family Law Working Group/avocate en droit de la famille, membre du groupe de travail en droit de la famille |
24-03-1998 |
FatherCraft Canada W. Glen Cheriton Director/directeur |
24-03-1998 |
National Alliance for
the Advancement of Non-Custodial Parents/ Alliance nationale des organizations pour lentraide des parents non-gardiens L. Jason Bouchard Coordinator/coordinateur |
24-03-1998 |
Elizabeth Beattie Individual/individu |
31-03-1998 |
Quebec Bar
Association/Barreau du Québec Suzanne Vadboncoeur Director of Research and Legislation, Department of the Quebec Bar Association and Secretary of the Committee of the Bar on Family Law/directrice du Service de recherche et de législation du Barreau du Québec et secrétaire du Comité du Barreau sur le droit de la famille Miriam Grassby President of the Committee of the Bar on Family Law/présidente du Comité du Barreau sur le droit de la famille Dominique Goubau Member of the Committee of the Bar on Family Law/membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille Jean-Marie Fortin, Member of the Committee of the Bar on Family Law/membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille |
31-03-1998 |
Queens
University Professor Nicholas Bala Associate Dean, Faculty of Law/vice-doyen, Faculté de droit |
01-04-1998 |
Mothers Against
Fathers in Arrears Kaarina Pakka Co-founder/co-fondatrice Regina May Co-founder/co-fondatrice |
01-04-1998 |
Karen Selick Family Law Practitioner/avocate en droit de la famille |
28-04-1998 |