Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 6 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 12 mars 1998
Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel est renvoyé le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada, se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour en faire l'examen.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Si nous regardons le nombre de personnes qui veulent nous rencontrer, nous constatons qu'il vaudrait mieux commencer les discussions au sujet du projet de loi C-17 dès maintenant. Ce matin, nous avons les hauts fonctionnaires d'Industrie Canada. Nous aurons 45 minutes à vous allouer, alors peut-être 20 minutes pour la présentation et 25 minutes pour une période de questions, si c'est possible. M. Helm, qui êtes en charge du groupe, peut-être pouvez-vous nous présenter les gens qui sont avec vous pour que nous puissions ensuite s'adresser à eux si nous avons des questions à leur poser.
[Traduction]
M. Michael Helm, directeur général, Direction générale de la politique des télécommunications, Industrie Canada: Je vous remercie. Je m'appelle Michael Helm et je suis directeur général de la Direction générale de la politique des télécommunications à Industrie Canada. Millie Nickason est une avocate du ministère de la Justice qui a été détachée auprès du ministère de l'Industrie et s'est occupée de ce projet de loi du début à la fin. M. Larry Shaw est directeur général par intérim de la Direction générale des affaires internationales à Industrie Canada. M. Shaw a fait partie de l'équipe de négociation canadienne à Genève lorsque l'accord de l'OMC sur les services de télécommunication de base a été signé et il a travaillé à ce projet de loi depuis. Allan MacGillivray est directeur des politiques d'encadrement industriel à la Direction générale de la politique des télécommunications aussi à Industrie Canada.
Comme vous l'avez mentionné, nous avons quelques diapositives à vous présenter. Les premières pages servent simplement à situer le contexte du projet de loi en ce qui concerne la situation des télécommunications au Canada et les changements en train de se produire dans ce secteur. Nous aurons ensuite quelques diapositives qui porteront sur le fond même du projet de loi.
Le secteur des services de télécommunication au Canada était au départ constitué de monopoles régionaux, habituellement provinciaux, à l'exception de Bell Canada en Ontario et au Québec, et d'une certaine proportion de services de propriété privée et gouvernementale. Le gouvernement fédéral était également propriétaire de diverses entreprises de télécommunications: Téléglobe, Télésat et des parties du groupe CN. Au cours des 20 dernières années, c'est-à-dire depuis les années 80, ce secteur a fait l'objet d'une libéralisation et de changements tellement importants que le marché canadien est probablement à l'heure actuelle l'un des plus ouverts du monde.
Par exemple, en 1984, lorsque des licences ont été attribuées pour les services de téléphonie mobile cellulaire, on voulait qu'ils soient offerts selon un mode concurrentiel pour assurer la concurrence dès le départ. À partir de 1987 jusqu'à la fin de 1992, le gouvernement fédéral a aliéné ses intérêts dans Téléglobe, l'entreprise de télécommunications internationale, Télésat, l'entreprise nationale de télécommunications par satellite et le groupe CN-CP. Désormais, le gouvernement fédéral n'est plus propriétaire des services de télécommunication, ni ne participe à leur prestation.
En 1989, un important arrêt de la Cour suprême a confirmé la compétence fédérale sur toutes les principales compagnies téléphoniques au Canada. Auparavant, certaines étaient réglementées par le gouvernement fédéral et d'autres par les gouvernements provinciaux. En 1992, une décision du CRTC a ouvert à la concurrence les services téléphoniques interurbains au Canada, et bien entendu nous continuons à en constater les résultats.
En 1993, le Parlement a adopté la Loi sur les télécommunications, c'est-à-dire la loi actuelle qui a permis de créer le régime existant. À l'article 7 de cette loi, le Parlement énonce la politique des télécommunications du Canada, dont nous avons relevé les principaux objectifs pertinents dans le cadre de la présente discussion: favoriser le développement ordonné du système canadien de télécommunications; offrir aux Canadiens un service fiable et à prix abordable; promouvoir l'utilisation d'installations canadiennes de transmission; préserver la propriété canadienne des entreprises de télécommunication dotées d'installations; favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l'efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire.
Il importe de souligner que la Loi sur les télécommunications ne s'applique qu'aux entreprises de télécommunication dotées d'installations de transmission. Les revendeurs, c'est-à-dire ceux qui fournissent simplement le service en achetant des installations et en vendant les services, ne sont pas assujettis à la loi ni, par conséquent, aux dispositions relatives à la propriété étrangère.
J'aimerais ajouter un point. Plus loin dans la loi, le Parlement a donné de très vastes pouvoirs au CRTC et l'a enjoint d'utiliser ces pouvoirs pour mettre en oeuvre la politique des télécommunications énoncée à l'article 7. Il s'agit donc d'un texte de loi important et fondamental qui continue à influencer les activités dans ce domaine.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, en 1994, une décision de la Cour suprême a confirmé que les principales compagnies de téléphone relevaient de la compétence du gouvernement fédéral. Le Canada compte aussi une quarantaine de compagnies téléphoniques indépendantes assez petites, la plupart en Ontario et au Québec et une en Colombie-Britannique. Quoi qu'il en soit, en 1994, la Cour suprême a confirmé que toutes ces compagnies de téléphone relevaient de la compétence fédérale.
En 1995, on a attribué des licences pour des services téléphoniques personnalisés concurrentiels. C'est un peu comme la téléphonie cellulaire. Ces services fonctionnent tous à l'heure actuelle.
En 1996, nous avons assisté à l'introduction de systèmes de communication multipoints locaux concurrentiels. Ils ne sont pas encore fonctionnels mais ils devraient l'être bientôt. On pourrait les décrire comme un type de système de télédistribution sans fil.
En 1996, le gouvernement a diffusé une politique de convergence qui prévoit entre autres que les compagnies de téléphone seront autorisées à se lancer dans la câblodistribution et, inversement, que les câblodistributeurs seront autorisés à se lancer dans l'industrie de la téléphonie s'ils le désirent.
En 1997, le CRTC a pris certaines décisions pour ouvrir les services locaux à la concurrence. Il a également décidé de s'abstenir de réglementer les services interurbains.
Puis, en 1998, le Canada a signé, dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services ou GATS, un accord sur les télécommunications de base avec l'Organisation mondiale du commerce à Genève. Selon cet accord, le Canada s'engageait à mettre fin au monopole de Téléglobe dans les communications outre-mer d'ici le 1er octobre de cette année et au monopole de Télésat dans les services de communication par satellite au Canada et entre le Canada et les États-Unis d'ici le 1er mars 2000.
Les pages qui suivent traitent directement du projet de loi qui se trouve devant vous, c'est-à-dire le projet de loi C-17, modifiant la Loi sur les télécommunications et également la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada, soit la loi qui a été adoptée lors de la privatisation de Téléglobe.
Le projet de loi comporte deux grands volets. Tout d'abord, il modifie ces deux lois de manière à permettre au Canada de remplir les engagements qu'il a pris dans le cadre de l'Accord sur les télécommunications de base du GATS, et deuxièmement il apporte d'autres modifications à la Loi sur les télécommunications simplement pour moderniser le cadre législatif et réglementaire en fonction des nouvelles réalités de la libéralisation accrue du marché mondial des services de télécommunications.
Le projet de loi comporte 23 articles. Je ne vous les décrirai pas en détail mais je vais vous les mentionner. Ils sont regroupés sous cinq grands thèmes: tout d'abord, les articles qui traitent des licences attribuées aux fournisseurs de services de télécommunication internationale; deuxièmement, les articles qui traitent de la propriété étrangère des câbles sous-marins internationaux et des stations terriennes; troisièmement, les articles qui traitent des ressources en matière de numérotage et autres activités; quatrièmement, une série d'articles qui traitent des appareils de télécommunication, c'est-à-dire du matériel, souvent du matériel étranger qui pourra désormais être connecté au système de télécommunication canadien; et le cinquième grand groupe, c'est-à-dire les articles 11 à 23 inclusivement, concernant les changements à la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada.
La première série de dispositions, c'est-à-dire les articles 1, 3 et 7, porte sur la modification de la Loi sur les télécommunications concernant les licences attribuées aux fournisseurs de services de télécommunication internationale, suite à la fin du monopole de Téléglobe en matière de services outre-mer. De nouvelles entreprises assureront cette activité et la loi prévoit que nous devons disposer d'un outil efficace afin de nous assurer que les objectifs de la loi seront toujours respectés dans ce nouvel environnement concurrentiel et surtout que les entreprises étrangères, qui ne sont pas actuellement réglementées, livrent une concurrence loyale aux entreprises canadiennes.
Les modifications proposées conféreront au CRTC le pouvoir d'établir et de faire appliquer des règles concernant la prestation de services de télécommunication internationale et de s'assurer que l'instauration d'un régime de licences sera conforme aux exigences du GATS-OMC et au régime semblable déjà établi par nos principaux partenaires commerciaux.
La deuxième série de modifications, c'est-à-dire les articles 2, 4 et 5 du projet de loi, traite de la propriété des câbles sous-marins internationaux et des stations terriennes de télécommunication par satellite. Ces modifications à la Loi sur les télécommunications veulent permettre au Canada de respecter les engagements qu'il a pris en ce qui concerne la propriété des câbles sous-marins internationaux et des stations terriennes de télécommunication par satellite. Dans le cadre du GATS, le Canada s'est engagé à lever les restrictions relatives à la propriété étrangère des câbles sous-marins internationaux qui aboutissent au Canada et des stations terriennes de télécommunication par satellite.
Ces engagements vont de pair avec les autres mesures prises en vue de libéraliser le marché des télécommunications internationales, plus particulièrement la suppression des règles relatives à l'acheminement du trafic pour tous les services internationaux et les services par satellite, au Canada et entre le Canada et les États-Unis, d'ici le 1er mars 2000.
Il est important de souligner que même s'ils ne sont pas visés par les exigences relatives à la propriété étrangère, les propriétaires et les exploitants de câbles sous-marins et de stations terriennes devront quand même se conformer à toutes les autres dispositions de la Loi sur les télécommunications s'ils veulent offrir leurs services au Canada.
La troisième série de dispositions, qui se trouve à l'article 6, modifie la Loi sur les télécommunications en ce qui concerne les ressources en matière de numérotage et d'autres activités. Historiquement, au Canada, ces questions administratives -- et le numérotage en est un bon exemple -- étaient simplement administrées par les entreprises membres de Stentor qui arrivaient à collaborer efficacement à cet égard, ce qu'elles ont fait pendant de nombreuses années. Comme l'environnement devient de plus en plus concurrentiel en raison de l'arrivée d'un plus grand nombre d'entreprises de télécommunications, et compte tenu de la concurrence qui existe à chaque niveau de service dans l'ensemble du système, toutes ces entreprises considèrent qu'il n'est plus approprié de compter sur les compagnies de téléphone titulaires pour gérer les ressources en matière de numérotage, de subventions et d'autres services communs. C'est pourquoi l'article 6 permettrait le recours à des tierces parties, en collaboration avec l'industrie, pour gérer ces divers services de télécommunication. Il institue également le pouvoir du CRTC auprès de ces tierces parties afin de lui permettre de conserver une fonction de surveillance et d'intervenir au besoin.
La quatrième série de dispositions, soit les articles 8 et 10 du projet de loi C-17, modifie la Loi sur les télécommunications en ce qui concerne les appareils de télécommunication. Ces dispositions fourniront au ministre de l'Industrie une solide base législative lui permettant d'interdire l'importation, la distribution et la vente d'appareils de télécommunication non certifiés au Canada, ce qui aura pour effet d'accroître les activités canadiennes en matière de certification des appareils de télécommunication. Ces dispositions permettront de s'assurer que tout appareil en vente au Canada aura été certifié conformément aux normes en vigueur au Canada et de maintenir l'intégrité du réseau de télécommunication. On espère ainsi que les consommateurs auront un peu plus confiance dans les appareils qu'ils achètent.
Bien entendu, les modifications permettront également aux fabricants d'appareils canadiens de faire certifier au Canada les appareils qu'ils destinent au marché étranger puisque toutes les parties à l'accord visent des changements semblables.
Je tiens à souligner que même s'il s'agit d'une nouvelle activité en ce qui concerne les appareils de télécommunication, elle s'inspire des dispositions de la Loi sur la radiocommunication qui existent depuis un certain nombre d'années, relatives aux appareils et à l'équipement radio. C'est un secteur qui fait l'objet de lois et de règlements depuis un certain temps. Ce type de régime n'était pas vraiment nécessaire pour les appareils de télécommunication jusqu'à ce que le système soit libéralisé et s'ouvre aux appareils étrangers, comme c'est le cas à l'heure actuelle. On pourra ainsi établir une structure pour les appareils de télécommunication, parallèle à celle déjà en vigueur pour l'équipement radio.
Enfin, j'aborderai la dernière série de dispositions. Les articles 11 à 23 du projet de loi C-17 ont pour objet de modifier la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada, loi qui a permis, comme je l'ai dit plus tôt, de privatiser Téléglobe en 1987.
La loi renfermait un certain nombre de dispositions qui étaient tout à fait appropriées, à mon avis, lorsque Téléglobe exerçait un monopole mais qui constitueraient probablement des entraves aujourd'hui dans un environnement concurrentiel. Les restrictions spéciales en matière de propriété qui existent à l'heure actuelle visent à interdire les investissements d'entreprises de télécommunications étrangères et limitent également les investissements par les compagnies membres de Stentor. Ces dispositions spéciales seront abrogées et Téléglobe sera alors assujettie aux mêmes dispositions en matière de propriété que toute autre entreprise de télécommunication au Canada.
Les autres articles servent à abroger les autres dispositions de la loi qui tombent en désuétude avec la fin du monopole de Téléglobe.
Madame la présidente, voilà donc notre aperçu du projet de loi. Nous serons heureux de répondre à vos questions ou d'apporter les éclaircissements nécessaires.
Le sénateur Rompkey: Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions au sujet des articles 8 à 10 et à propos des appareils de télécommunication qui ne sont pas certifiés? Comment ces appareils sont-ils certifiés et quelle sorte d'appareils ne le seraient pas?
M. Allan MacGillivray, directeur, Politiques d'encadrement industriel, Direction générale de la politique des télécommunications: Comme M. Helm l'a dit, nous sommes en train effectivement de nous donner un fondement législatif plus solide dans le cadre d'un système qui existe déjà. Nous parlons des appareils que l'utilisateur aurait chez lui ou à son bureau. En général, l'industrie élabore des normes que nous approuvons ensuite, à Industrie Canada. Nous certifions également les laboratoires d'essai chargés de vérifier si les appareils sont conformes aux normes. Le fabricant des appareils soumettra un échantillon de ses appareils aux laboratoires d'essai certifiés. Le laboratoire certifiera que les appareils en question sont effectivement conformes aux normes, après quoi il apposera un collant établissant la conformité de l'appareil.
Le sénateur Rompkey: Donc ce projet de loi n'ajoute essentiellement rien de nouveau. Il se contente de codifier ce qui existe déjà. Est-ce ce que vous voulez dire?
M. MacGillivray: Oui, sauf que nous avons maintenant un fondement législatif pour le faire. En particulier, nous n'avions pas le pouvoir d'intercepter des appareils non certifiés à la frontière. La loi nous confère désormais ce pouvoir.
Le sénateur Rompkey: Cela vous servira donc de fondement législatif pour ce que vous faites déjà?
M. MacGillivray: Oui. Par exemple, nous n'avions pas le pouvoir de confisquer des appareils à la frontière. Nous ne pouvions donc pas le faire. Il y a déjà eu certains cas isolés où nous avons reçu des appareils non certifiés. Nous n'avons pas vraiment eu de très graves problèmes d'appareils défectueux, mais nous avons la grande chance au Canada de pouvoir compter sur une industrie manufacturière assez importante. Les membres de cette industrie se conforment au système et pour obtenir le collant de conformité, ils doivent payer de leurs poches. Lorsqu'ils voient leurs concurrents importer des appareils non certifiés, ils trouvent que ce n'est pas correct.
Jusqu'à présent, il nous était impossible d'intervenir directement contre les importations parce que la base actuelle du système réside dans les tarifs qui sont imposés aux compagnies de téléphone. Cela signifie que le système actuel compte sur les compagnies de téléphone pour faire respecter les normes mais elles ne peuvent le faire qu'une fois que les appareils ont été raccordés au réseau public.
M. Helm: La principale raison pour laquelle nous avons voulu consolider les mécanismes d'application de la loi, surtout à la frontière, c'est que nous nous attendons à recevoir beaucoup plus d'appareils étrangers.
Le sénateur Rompkey: Vous vous attendez à en recevoir plus?
M. Helm: Oui, car dans le cadre de cet accord et d'un accord préalable du GATT, il y aura une libéralisation au niveau des appareils, qui offrira aux fabricants canadiens d'excellents débouchés à l'étranger et qui signifie aussi que nous pouvons nous attendre à l'arrivée d'un grand nombre d'appareils de télécommunication sur notre marché. Nous avons conclu des accords de certification dans d'autres pays. Nous sommes en train d'y travailler, mais nous voulons avoir une autorisation légale précise qui nous permet d'intervenir à la frontière en cas de problème.
Le sénateur Rompkey: D'après ce que je crois comprendre, les incidents à la frontière ont été isolés jusqu'à présent?
M. Helm: Oui.
Le sénateur Rompkey: Donc, les principaux fabricants d'appareils sont vraisemblablement déjà au pays. Il s'agirait simplement de confirmer la chose au moyen d'une loi?
M. Helm: Oui. Il s'agit plutôt d'une mesure de prévention des problèmes futurs que d'une mesure dont nous avons besoin à l'heure actuelle, sénateur.
Le sénateur Oliver: J'ai trois questions, une sur la propriété étrangère, une sur le numérotage et une sur l'attribution des licences. Tout d'abord, je tiens à remercier Allan MacGillivray d'être venu à mon bureau me fournir certains renseignements. Comme il a répondu à un certain nombre de mes questions, je n'ai pas autant de questions à poser aujourd'hui.
Vous avez indiqué dans votre présentation à propos des satellites que ces engagements sont conformes aux autres mesures prises pour libéraliser le marché des télécommunications internationales. En effet, le Canada autoriserait la propriété étrangère totale en ce qui concerne les câbles sous-marins et les services par satellite mais continuerait à limiter à bien en deçà de 100 pour cent les investissements étrangers dans d'autres secteurs de l'industrie canadienne des télécommunications.
Ces écarts de pourcentage ne risquent-ils pas de causer des irritants avec nos principaux partenaires commerciaux, et pourquoi la position du Canada en matière de propriété étrangère est-elle demeurée relativement prudente comparativement à celle des autres principaux pays industrialisés? Vous dites que vous avez pris ces mesures dans le cadre de la libéralisation de nos marchés internationaux mais il semble y avoir un manque de cohérence.
M. Helm: Oui, il s'agit d'une libéralisation comparativement à la situation antérieure. Autoriser la propriété étrangère totale dans ces domaines en particulier est une mesure de libéralisation.
Quant à savoir si cela peut constituer un irritant pour nos partenaires étrangers, je ne sais pas si j'utiliserais le mot «irritant», mais la chose nous a été évidemment signalée au cours des négociations de l'OMC. M. Shaw y était et il voudra peut-être ajouter quelque chose.
Un certain nombre d'autres pays -- je songe aux États-Unis, à l'Europe, au Japon, à l'Australie -- ont ouvert entièrement leur réseau à la propriété étrangère et nous ont signalé que nos mesures de libéralisation n'étaient pas aussi vastes.
Le sénateur Oliver: Que comptez-vous faire à ce sujet?
M. Helm: Pour l'instant, à ma connaissance, aucun changement n'est prévu. Une autre série de négociations de l'OMC est prévue en 1999 ou en l'an 2000. À ce moment-là, je pense que le gouvernement reverra ces politiques pour déterminer s'il y a lieu de les maintenir.
Le sénateur Oliver: N'est-ce pas le moment d'agir? Vous êtes en train d'installer des satellites dont la propriété est entièrement étrangère. Pourquoi ne pas tout faire maintenant pour être dans la même situation que vos partenaires commerciaux?
M. Helm: Il s'agit essentiellement d'une décision de politique. Je pense que la dernière fois, le gouvernement a simplement décidé qu'il était dans l'intérêt public de conserver nos règles actuelles pour ce qui est des entreprises fonctionnant à partir d'installations au Canada. Ces règles sont assez généreuses. Les fournisseurs étrangers, par le biais d'investissements directs et indirects, peuvent en détenir la propriété jusqu'à environ 46 p. 100.
Le sénateur Oliver: Il y a une grosse différence entre 46 et 100 p. 100.
M. Helm: Effectivement. Certains pays nous l'ont signalé.
Le sénateur Oliver: Ma deuxième question concerne le numérotage. Vous dites dans votre présentation que le CRTC se voit conférer le pouvoir d'exiger que les fournisseurs de services de télécommunications contribuent à un fonds qui servirait à subventionner les services téléphoniques locaux dans un marché concurrentiel. Aux États-Unis, il existe ce qu'on appelle le Universal Service Fund qui est également en train d'être établi pour subventionner les services téléphoniques aux régions éloignées et rurales ainsi qu'aux personnes pauvres.
Le fonds canadien s'inspira-t-il du modèle américain? Quelles sont les similarités et les différences entre le fonds canadien et le fonds américain?
M. Helm: C'est une question qu'il serait peut-être préférable de poser au CRTC.
Le sénateur Oliver: Vous êtes le ministère qui a établi le projet de loi et vous deviez avoir certaines politiques en tête. Quelles sont-elles?
M. Larry Shaw, directeur général par intérim, Industrie Canada: Sénateur, cette question doit être examinée en fonction de ce qui se fait à l'heure actuelle. Les sénateurs savent bien que l'interfinancement existe depuis un certain temps dans le système de télécommunications, c'est-à-dire qu'en général, les recettes provenant d'autres services comme les services interurbains et les services d'affaires locaux servent à subventionner les services résidentiels locaux.
Lorsqu'il y avait monopole, c'était les compagnies de téléphone qui s'occupaient de tout cela de façon interne. Comme M. Helm l'a indiqué, nous sommes en train de mettre fin à cette situation de monopole et nous sommes maintenant dans une situation où il existe une réelle concurrence sur le marché de l'interurbain. Le conseil a approuvé la concurrence locale et a prévu ce que l'on appelle des subventions transférables sur le marché local. L'objet de ces subventions transférables est d'appuyer les services locaux dans les régions rurales et éloignées où les coûts sont élevés.
En accord avec certains des autres pouvoirs à caractère administratif qu'adopte le conseil, la gestion par des tierces parties par exemple, ils aimeraient aussi adopter un processus qui confierait à une tierce partie la gestion de ces subventions. Elles continueront de provenir d'un certain nombre de fournisseurs de services interurbains et seront distribuées à un certain nombre de fournisseurs de services locaux. Tous les fournisseurs de services locaux qui exercent leurs activités dans des régions de vie chère seront admissibles à ces subventions. On offre ainsi la possibilité à une tierce partie de gérer les subventions existantes. Ce n'est pas vraiment plus compliqué que cela.
Comme l'a dit M. Helm, si le conseil vient exposer son point de vue devant votre comité, il pourrait confirmer, comme il l'a fait à l'autre endroit, son intention de maintenir le processus existant par l'entremise d'une tierce partie.
Le sénateur Oliver: Ma troisième question porte sur la délivrance de licences et c'est un sujet qui m'intéresse vivement. La plupart des autres grands pays n'ont pas de régime aussi répressif que celui-ci. Il me semble que le CRTC a le pouvoir à l'heure qu'il est de faire ce à quoi vous aspirez de faire par l'entremise d'un régime flambant neuf d'attribution de licences. Le CRTC a semblé utilisé certains de ces pouvoirs dans la récente affaire de Hong Kong Telecommunications. Pourquoi est-il nécessaire maintenant de mettre en place un régime d'attribution de licences? Étant donné la tendance vers la libéralisation des marchés des télécommunications, pourquoi le Canada devrait-il se tourner, pour régler les problèmes de télécommunication, vers la délivrance de licences plutôt que de s'en remettre au libre jeu du marché ou aux ententes commerciales?
M. Helm: Plusieurs d'entre nous aimeraient répondre à cela, sénateur. Nous savons que cette question vous préoccupe.
Examinons la situation telle qu'elle sera lorsque des fournisseurs internationaux de services viendront livrer concurrence aux entreprises canadiennes. Nous aurons affaire à de nombreux pays qui sont tout aussi concurrentiels. Le libre jeu du marché devrait intervenir dans ces circonstances. Il y a aussi de nombreux pays qui continueront à détenir des monopoles et ce, probablement pendant un certain temps. C'est difficile à prévoir.
Lorsque toutes les entreprises de télécommunication canadiennes sont obligées d'amener leur trafic international dans un pays étranger par l'entremise d'une entreprise qui détient le monopole, qui peut aussi exercer ses activités au Canada avec son propre revendeur, la dynamique devient intéressante. Ce n'est plus le libre jeu du marché qui la crée. Comme que le monopole n'est plus assujetti aux forces du marché, ils peuvent faire pour ainsi dire ce qu'ils veulent.
Sans le libre jeu du marché, ce qui serait préférable selon la loi, et vu que les monopoles risquent de fausser les pressions exercées sur le marché, la réponse traditionnelle se trouve dans un certain cadre de réglementation. Le CRTC a vécu certaines expériences par le passé et tout le monde s'est entendu pour dire qu'il s'agissait d'un processus long, pénible et très peu efficace. Le CRTC a finalement réglé le problème dont vous avez parlé, mais il n'a pas eu la tâche facile.
Le sénateur Oliver: Il a réglé le problème par l'entremise d'une ordonnance. Il n'a pas eu besoin d'un régime d'attribution de licences pour y parvenir.
M. Helm: Je crois comprendre qu'il y a eu des audiences et des rajustements des tarifs. Je crois que cela a duré un certain temps.
Nous avons l'espoir que le mécanisme proposé sera plus efficace et permettra plus facilement de régler les problèmes qui pourront survenir.
Soit dit en passant, sachant que cette affaire avait fait l'objet de discussions, nous avons fait des recherches sur la situation dans d'autres pays membres de l'OMC. Cela vous intéressera peut-être d'apprendre que les 53 membres de l'organisme qui ont garanti l'accès de leur marché aux installations et aux services internationaux de communication disposent presque tous d'un mécanisme tel qu'un régime d'attribution de licences, un permis, une autorisation ou une concession. Le nom peut varier, mais c'est un mécanisme de ce genre. La liste des pays est longue et inclut tous les intervenants évidents. Nous faisons affaire avec ces pays où aboutit la majeure partie de notre trafic international. Le Canada était à peu près le seul pays qui différait, en ce sens qu'il ne disposait d'aucun mécanisme pour traiter directement avec les fournisseurs de services internationaux de télécommunication.
Nous avons l'espoir que ce mécanisme auquel songe le conseil décrira exactement la façon dont il sera administré. On veut de toute évidence qu'il soit simple et facile à administrer, mais qu'il permette de régler les problèmes que nous avons la presque certitude de voir surgir.
Le sénateur Oliver: De quel comportement anticoncurrentiel vous inquiétez-vous?
M. Helm: Par exemple, un détenteur de monopole exerçant ses activités dans un pays peut exiger pour ainsi dire le tarif qu'il veut des pays ou des entreprises de son choix pour terminer l'acheminement de leurs appels dans son pays. S'il a un revendeur de services interurbains au Canada, celui-ci peut prendre le trafic et le transférer dans ce pays. Le détenteur de monopole pourrait alors consentir à son propre revendeur un tarif nettement préférentiel. Il pourrait le laisser terminer les acheminements pour la moitié du prix exigé d'entreprises comme Téléglobe ou les entreprises membres de Stentor.
Le sénateur Oliver: Hong Kong Telecommunications a essayé et la question a été réglée. Quel est le problème?
M. Helm: Il se peut que nous différions d'opinion sur le temps qu'il a fallu pour régler le problème ou sur la facilité avec laquelle on y est parvenu, mais vous avez raison de dire que l'on a finalement trouvé une solution. Il s'agit d'un exemple.
M. Shaw: Parmi les aspects techniques des négociations qui ont mené à l'accord sur les services de télécommunications de base, le plus contesté et le plus débattu a été celui des services internationaux. S'il en a été ainsi, c'est que chaque pays craignait que les entreprises puissantes ou les monopoles dans d'autres pays profitent de leur position et nuisent à la concurrence dans leur pays d'origine. Par exemple, dans notre cas, un monopole en Chine, pays qui n'est pas membre de l'OMC et qui n'est d'aucune façon lié par cet accord, pourrait être utilisé pour nuire à la concurrence. Comme l'a dit M. Helm, il s'agirait pour le détenteur de monopole de donner à un de ses revendeurs dotés d'installations au Canada un accès préférentiel à la Chine, accès qui n'est accordé à aucune entreprise canadienne. Le revendeur chinois pourrait ainsi vendre ses services moins cher que les entreprises canadiennes ou, d'ailleurs, que d'autres entreprises étrangères qui fonctionnent de façon très légitime à partir d'installations au Canada sur ce marché.
Le sénateur Oliver a donné un exemple dont l'intérêt résidait dans le fait que le préjudice ne se limitait pas au marché d'origine du détenteur du monopole. Les entreprises ont pu, dans un court laps de temps, accaparer une large part du marché entre le Canada et Hong Kong. Leur revendeur doté d'installations au Canada a pu aussi s'emparer d'une part importante des marchés asiatiques voisins. Le préjudice ne s'est pas limité à cette seule région. Elles s'en sont pour ainsi dire servi comme levier.
J'aimerais maintenant parler d'un autre point soulevé par le sénateur Oliver. Il a dit très justement que le conseil a pu composer avec la situation. Cependant, cette situation existait à un moment où la fourniture de services internationaux faisait l'objet d'un monopole; c'est-à-dire que vous aviez affaire à une exploitation à partir d'installations au Canada vers un pays étranger alors qu'un monopole de fait était exercé sur les services locaux. Autrement dit, pour transférer ce trafic à Hong Kong, il fallait absolument passer par l'entremise de B.C. Tel ou Bell Canada. Ou vous utilisiez Téléglobe ou vous ne l'utilisiez pas. C'était tout ou rien. Il n'y avait pas d'autres options.
Depuis lors, le marché des services locaux a été ouvert à la concurrence. Nous avons déjà de multiples fournisseurs de services locaux et d'autres s'ajouteront très prochainement. Comme on ouvre aussi le marché international, nous aurons de multiples fournisseurs de services internationaux dont certains sont dotés d'installations. Nous n'aurons pas -- et je ne veux pas offenser Téléglobe ni personne d'autre -- le beau club restreint qui existait auparavant.
L'adoption d'un régime d'attribution de licences vise à conditionner le comportement de ces entreprises. Je crois que le conseil exigera de ces dernières qu'elles s'engagent à adopter un certain comportement qui sera le mêmes pour tous. Autrement dit, elles ne pourront profiter de l'affiliation à un monopole ou à une entreprise puissante.
À nouveau, le conseil est beaucoup mieux placé que nous pour vous renseigner sur son raisonnement, mais, comme l'a dit M. Helm, presque tous les autres pays ont jugé bon de mettre en place un régime d'octroi de licences s'appliquant souvent à toutes leurs entreprises et pour ainsi dire toujours aux entreprises étrangères.
Actuellement, nous n'avons rien d'autre qui nous protège contre les pratiques anticoncurrentielles des monopoles ou des fournisseurs dominants étrangers.
Je rappelle aux sénateurs que plusieurs pays importants ne font pas partie de l'OMC et qu'ils ne sont donc pas tenus de respecter l'accord général. De plus, plusieurs pays importants n'ont pas à respecter l'accord sur les services de télécommunications de base puisqu'ils n'en sont pas signataires. Il nous faudra certaines assurances nous mettant à l'abri des pratiques anticoncurrentielles, non pas d'entreprises canadiennes, mais d'entreprises étrangères. C'est là la raison d'être du régime de licences.
Le sénateur Bryden: Beaucoup de Canadiens comme moi ne comprennent pas grand-chose à ce qui se passe dans le domaine des télécommunications. Cependant, ils tirent une grande fierté et une grande satisfaction de notre réseau de télécommunications. Je viens du Nouveau-Brunswick. J'estime que nous avons l'un des meilleurs réseaux de télécommunications du monde.
En janvier, je me trouvais de l'autre côté de la Terre. Il était extrêmement rassurant de n'avoir qu'à trouver une boîte téléphonique et à presser six chiffres pour entendre quelqu'un me dire: «Le Canada vous souhaite la bienvenue. Pour obtenir le service en anglais, appuyez sur le 1. Pour obtenir le service en français, appuyez sur le 2». Je ne voudrais pas que cela soit compromis.
Ainsi, vos propos au sujet de l'octroi de licences aux fournisseurs de services de télécommunication me préoccupe. Pourquoi a-t-on besoin de ces licences? Puis je lis, au dernier point de la page 7 de votre mémoire:
L'instauration d'un régime de licences serait conforme... aux régimes semblables qui ont déjà été établis par nos principaux partenaires commerciaux, plus particulièrement les États-Unis.
J'en déduis que, si les États-Unis n'étaient pas signataires de l'accord -- et de l'avis de beaucoup de personnes, leur régime est loin d'être aussi bon que le nôtre -- , nous ne le serions probablement pas, non plus.
M. Helm: Vous me soumettez un cas hypothétique, et j'hésite quant à la façon d'y réagir.
Dans les accords commerciaux que signe le Canada, son principal partenaire est, bien sûr, les États-Unis. Quelque 80 p. 100 de nos appels téléphoniques internationaux sont destinés aux États-Unis, et nous entretenons de bonnes relations de travail avec eux depuis quelque temps déjà.
À la réflexion, nous souscririons certainement à un pacte international de ce genre, de toute façon. Beaucoup de systèmes de télécommunications mondiaux, comme les satellites sur orbite basse terrestre, commencent à être utilisés. De plus en plus, le service offert est mondial, et les barrières éclatent. Nous disposerons de plus en plus de moyens et de possibilités de faire des appels partout dans le monde, ce qui exige la conclusion d'accords internationaux grâce auxquels les pays s'entendent pour adopter une série de règles communes.
Votre question me donne du fil à retordre, car il est pour moi inconcevable que les États-Unis ne soient pas partie à pareil accord. Cependant, l'existence d'un pareil accord et l'adhésion du Canada sont des incontournables.
Le sénateur Bryden: Comme vous le savez, un autre traité est actuellement débattu, soit l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI. Quelle qu'en soit la raison, il a été mis en veilleuse pour un an et demi, en principe parce qu'on s'inquiète de son incidence éventuelle sur la souveraineté de divers États, y compris du Canada. L'accord dont il est question, mis en oeuvre grâce au projet de loi à l'étude, ne représente-t-il pas en réalité la partie Télécommunications de l'AMI et ne fera-t-il pas craindre des accrocs encore plus grands à la souveraineté?
M. Helm: Pour ce qui est de la première partie de votre question, non, il n'y a pas de rapport. Cependant, je suis loin d'être un expert de l'AMI. Si je ne m'abuse, c'est une question qui relève de l'OCDE.
Cet accord est négocié sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce. Ce sont deux choses distinctes, sans lien aucun. Il n'y a vraiment pas de rapport entre les deux.
Vous me demandez si la souveraineté semble affectée? Je ne le crois pas.
Vous avez fait remarquer tout à l'heure, à juste titre -- et je crois que toutes les personnes assises à la table seraient certes d'accord avec vous -- , que nous avons un des meilleurs réseaux de télécommunications au monde. Cela ne fait aucun doute. Nos entreprises de fourniture de services de télécommunications, à l'échelle canadienne comme internationale, sont reconnues comme étant les meilleures partout dans le monde. Cet accord leur donne la possibilité de prendre de l'expansion. L'accord libéralise effectivement nos marchés, de sorte qu'il faut s'attendre à l'arrivée de nouvelles entreprises. Cependant, il donne aussi aux entreprises canadiennes, très compétentes, la possibilité de pénétrer facilement les marchés étrangers et d'ouvrir des filiales dans d'autres pays en vue d'offrir des services concurrentiels. Plusieurs d'entre elles le feront -- en fait, elles sont déjà en train de le faire. Je suis convaincu qu'elles arriveront à tirer leur épingle du jeu et à prospérer. Il faut voir cet accord comme un moyen d'élargir les horizons commerciaux de nos excellentes entreprises canadiennes.
Le sénateur Bryden: Comme chacun le sait, on procède à beaucoup de fusions et d'acquisitions à l'échelle internationale. À titre d'exemple, une des dispositions du projet de loi à l'étude concerne la levée des restrictions relatives à la propriété étrangère des câbles sous-marins internationaux et des stations terriennes de télécommunications par satellites.
Permettra-t-on à ces propriétaires étrangers -- aux termes du projet de loi à l'étude, ils seront parfaitement en droit de les acquérir -- de fusionner de manière à placer sous le contrôle d'une seule multinationale tous nos services de liaison?
M. Helm: Je ne le crois pas. Le Canada a décidé, à la table de négociations de l'accord établissant l'Organisation mondiale du commerce, de maintenir ses exigences relatives au contrôle et à la propriété des fournisseurs canadiens de services communs, c'est-à-dire des entreprises de téléphonie qui assurent le service jusque chez vous ou jusqu'à votre bureau.
Le sénateur Bryden: Vous m'avez mal compris. Je parle des liaisons internationales. Le texte dit qu'il sera dorénavant possible à une entreprise étrangère d'être la propriétaire exclusive des câbles sous-marins et des stations terriennes de communications par satellites. Si deux grands fournisseurs de ces services de liaison décident de fusionner ou que l'un acquiert l'autre, nous retrouverons-nous avec un seul fournisseur? Dans l'affirmative, on peut supposer qu'il serait possible à une multinationale de nous retirer le service.
M. Helm: Je ne le crois pas. Rien ne laisse présager d'une pareille situation. La concurrence est très vive sur le marché international.
Le sénateur Bryden: Est-ce possible, néanmoins?
M. Helm: J'aurais tendance à croire que non, parce que les autorités qui veillent à la concurrence dans chaque pays conservent le pouvoir de décider qui est autorisé à offrir le service chez elles. Plusieurs pays s'y sont engagés.
Le sénateur Bryden: Qu'est-ce qui, dans le projet de loi à l'étude, empêcherait une pareille situation de se produire? Il n'est pas question de l'infrastructure au pays même, mais du câble. Par exemple, nous avons trois câbles qui relient l'Europe à l'Amérique du Nord. Chaque câble est la propriété d'une entreprise différente. Supposons, un instant, que ces entreprises fusionnent et qu'il n'y a plus qu'un seul fournisseur de services. Quelles dispositions du projet de loi à l'étude ou, en fait, de toute loi canadienne empêcherait une telle fusion ou l'entreprise qui contrôle le câble de le couper?
M. Shaw: Je précise tout d'abord que rien dans le projet de loi à l'étude ne nuit à notre capacité de traiter d'une pareille situation, que ce soit au Canada même ou à l'échelle internationale. Un des principaux objectifs de cette levée des restrictions s'appliquant à la propriété des câbles internationaux est d'attirer l'atterrissage de plus de câbles au Canada ou l'établissement de plus de stations terriennes ici.
Le point essentiel à retenir est exactement celui que vous a décrit M. Helm. La Loi sur la concurrence porte sur des questions comme l'existence de monopoles ou d'une conjoncture qui nuit au bon fonctionnement du marché. De plus, aux termes de diverses lois, il faudra continuer d'obtenir une licence pour exploiter des câbles sous-marins ou des stations terrestres. Nous n'autoriserons pas le transfert d'une licence si nous estimons qu'il nuira à la concurrence. En toute franchise, nos collègues du bureau de la concurrence nous mettront des bâtons dans les roues en pareil cas.
Rien dans le projet de loi ne limite, de quelque façon que ce soit, les pouvoirs existants qui permettent d'empêcher ce genre de comportement anticoncurrentiel. Nous continuons d'avoir à notre disposition toute une gamme d'outils nous permettant de voir aux pratiques anticoncurrentielles. La Loi sur les télécommunications n'a jamais rien prévu à cet égard.
Le sénateur Bryden: Auparavant, il était impossible d'être le propriétaire exclusif des câbles sous-marins et des stations terrestres, n'est-ce pas? Désormais, ce sera possible. Des entreprises européennes pourraient être les propriétaires exclusives des câbles sous-marins et des stations terrestres qui nous relient au reste du monde.
M. Shaw: Il serait bon de se rappeler que le câble est raccordé aux deux extrémités. Les autorités européennes veillant à la concurrence, tout comme les autorités américaines ou nippones, entre autres, ne verraient pas, elles non plus, d'un bon oeil que ces infrastructures appartiennent à une seule personne. Cela n'inquiète personne, en réalité. Cela ne se fait pas. En fait, nous assistons à une explosion des consortiums internationaux dans ce secteur. Simultanément, c'est un sujet dont tout le monde parle.
Sommes-nous convaincus d'avoir les moyens voulus pour nous protéger dans une éventualité pareille? Le Canada est convaincu d'en avoir les moyens, tout comme les autres pays. C'est une question dont les autorités en matière de concurrence discutent entre elles.
Le sénateur Bryden: Certains d'entre nous croient que nous en sommes au point où ce ne sont plus les gouvernements, mais des conglomérats internationaux, qui dirigeront les pays. Ils ont beaucoup plus d'argent que les gouvernements. S'ils devaient devenir les propriétaires exclusifs de nos infrastructures de liaison internationale, même s'ils n'en ont peut-être pas le droit, ils pourraient tout de même interrompre le service.
La présidente: M. Helm, M. MacGillivray, M. Shaw et Mme Nickason, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait cet exposé et d'avoir répondu à nos questions.
Nous accueillons maintenant les porte-parole de North American Gateway Incorporated.
Monsieur Science, nous commencerons par entendre votre exposé, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Vous avez la parole.
M. Adrian Science, président-directeur général, North American Gateway Inc.: Je tiens d'abord à remercier le comité de me donner l'occasion d'exposer les vues de North American Gateway au sujet du projet de loi C-17.
Je précise d'emblée que North American Gateway appuie le projet de loi dans sa forme actuelle. La partie du projet de loi qui concerne les licences nous préoccupe cependant tout spécialement. Donc, bien que j'aie signalé notre appui au projet de loi, il demeure tempéré par les préoccupations que suscite chez nous le pouvoir du CRTC d'énoncer la politique dans ce secteur.
Avant d'aller plus loin, toutefois, permettez-moi de vous dire quelques mots de North American Gateway, ce qui vous aidera à comprendre notre point de vue. North American Gateway a son siège social à Toronto. Elle est le principal concurrent de Téléglobe au Canada. Lorsque l'entreprise a ouvert ses portes en 1994, ses seuls employés étaient mon épouse et moi-même. Elle emploie maintenant 25 personnes et elle projette d'en employer beaucoup plus.
Nous sommes des revendeurs des lignes de Téléglobe. Nous avons notre propre station de commutation à Toronto et nous en installerons sous peu une deuxième en Angleterre, où nous venons d'obtenir une licence en vue d'assurer le service international. Nous prévoyons, au cours des deux ou trois prochaines années, ouvrir des filiales dans plusieurs autres pays d'Europe.
Bien que nous soyons un client important de Téléglobe, cette entreprise n'était pas très heureuse de notre entrée en scène. L'an dernier, elle a essayé de persuader le CRTC d'interdire une des techniques que nous utilisons, soit la concentration, et elle est presque parvenue à ses fins. En effet, le CRTC avait initialement donné gain de cause à Téléglobe, mais nous avons persuadé la Cour fédérale de suspendre l'exécution de la décision jusqu'à ce qu'elle ait entendu notre cause en appel. Cet appel n'a jamais eu lieu, toutefois, parce que le CRTC -- et c'est tout à son crédit -- est revenu sur sa décision entre temps. En septembre dernier, le CRTC a accepté le principe de la concentration et a ordonné à Téléglobe de retrancher de ses tarifs les dispositions interdisant cette pratique.
Téléglobe a depuis lors présenté une pétition au Cabinet en vue de faire invalider la décision du CRTC et rétablir la décision initiale que nous jugions si contestable. Ce serait, selon nous, commettre une grande erreur que de céder aux demandes de Téléglobe. Si l'on interdit la concentration, on entravera la concurrence au moment même où elle commence vraiment à s'installer. Les consommateurs aussi en souffriraient. Téléglobe a réduit ses tarifs de 12 p. 100 dès que le CRTC a pris sa décision. Sans la concurrence que procure la concentration, nos appels transocéaniques nous coûteraient plus cher qu'il ne le faut.
La pétition présentée par Téléglobe nous semble ironique. Le monopole de cette entreprise est censé prendre fin le 1er octobre, de toute façon. Car c'est ce que prévoit le projet de loi à l'étude. De plus, l'avenir de Téléglobe n'a jamais été aussi rose. Ses actions ont atteint un sommet; récemment, elle a signé avec Stentor un arrangement qui lui assure, dans les faits, la part du lion sur le marché des appels transocéaniques pour trois autres années au moins.
En plus des mesures que nous avons prises nous-mêmes, nous nous sommes joints au reste de l'industrie pour former une coalition qui demande au Cabinet de rejeter la pétition de Téléglobe. Hier, la coalition a fait une réplique collective à la pétition de Téléglobe. J'étais parmi les dirigeants de la coalition -- qui regroupe Stentor, AT&T Canada, Call-Net et Fonorola -- qui ont donné une conférence de presse pour attirer l'attention sur notre pétition commune et pour alerter la presse et l'opinion publique au danger d'une décision favorable à Téléglobe et nuisible à la concurrence.
Il n'est pas facile pour une petite entreprise comme la nôtre d'être une pionnière, et vous comprendrez que la lutte que nous avons livrée jusqu'ici pour faire libéraliser le marché des télécommunications internationales est inégale. Nous sommes reconnaissants aux entreprises comme Stentor d'avoir fait front commun avec nous.
Le projet de loi à l'étude revêt une grande importance dans cette lutte et il sera déterminant pour l'avenir de la concurrence en télécommunications internationales. Bien que nous appuyions les dispositions du projet de loi C-17 qui permettent l'établissement d'un régime de licences pour les services internationaux, nous ne sommes pas sans préoccupation. Ainsi, le projet de loi confère d'énormes pouvoirs au CRTC. S'il est adopté dans sa version actuelle, il autorisera le CRTC à décider qui obtiendra une licence et selon quelles modalités et à changer les modalités antérieurement fixées. Une aussi grande latitude nous met mal à l'aise, étant donné surtout que ni le gouvernement, ni le CRTC n'a expliqué comment ces pouvoirs seront exercés.
Comme l'a fait remarquer le sénateur Kelly dans son allocution, à l'étape de la deuxième lecture, le gouvernement était censé examiner les principes à la base de la réglementation des télécommunications transocéaniques, mais les résultats de cet examen n'ont jamais été rendus publics. Téléglobe est, depuis son établissement en 1948, à la fois un monopole et l'instrument choisi du gouvernement du Canada en matière de services de télécommunications transocéaniques. Même après sa privatisation en 1987, Téléglobe a obtenu trois prolongations de son monopole, pour une durée totale de 12 ans. Nous, de North American Gateway, craignons énormément que les vastes pouvoirs de réglementation envisagés dans le projet de loi C-17 ne servent à maintenir le statut privilégié de Téléglobe, à notre détriment et au détriment de la concurrence et du choix en télécommunications transocéaniques.
À l'heure où je vous parle, le CRTC tient des audiences en vue de décider quels critères il utilisera pour octroyer des licences si le projet de loi C-17 est adopté. En fait, il vend la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Il aurait été utile à l'industrie et au comité d'entendre du gouvernement et du CRTC les raisons pour lesquelles il fallait conférer de pareils pouvoirs au conseil et comment il entend les exercer.
Néanmoins, nous participons aux audiences du CRTC. Nous avons préconisé l'adoption, par le conseil, de certains grands principes directeurs qui gouverneraient l'octroi des licences. J'aimerais en mentionner deux.
Tout d'abord, nous avons fait valoir qu'il faudrait que le régime de licences contribue à accroître la concurrence, plutôt qu'à la limiter. Par conséquent, nous avons dit au CRTC qu'il ne faudrait pas limiter le nombre de licences octroyées. Il faudrait au contraire que l'entrée dans le secteur soit libre, comme elle l'est sur le marché de l'équipement terminal et du service de téléphonie local et interurbain.
Ensuite, nous avons demandé que le CRTC mette la pédale douce. Il faudrait que les licences aient une portée générale, qu'elles ne se bornent pas à certaines routes ou à certains services et qu'elles n'imposent pas beaucoup de paperasse. Il faudrait que la plupart des fournisseurs puissent offrir les routes de leur choix, au prix qui leur convient. Les seuls auxquels il faudrait imposer des obligations particulières quant à la prestation des services ou au contrôle des prix sont les fournisseurs dominants sur une route particulière ou ceux qui exercent un certain pouvoir sur le marché parce qu'ils contrôlent les réseaux locaux. En effet, ces fournisseurs ne sont pas soumis à la discipline habituelle de la concurrence, et il faut donc les réglementer.
Les fournisseurs dominants incluent inévitablement Téléglobe, qui détient un monopole de longue date sur la fourniture de circuits transocéaniques et qui continuera de s'imposer comme le principal fournisseur pendant de nombreuses années encore. Les fournisseurs étrangers qui détiennent des monopoles analogues chez eux et qui souhaitent peut-être livrer concurrence au Canada en font également partie. S'ils peuvent pénétrer notre marché, il faut les empêcher d'utiliser le pouvoir monopolistique que leur confère leur base à l'étranger pour livrer une concurrence déloyale aux entreprises canadiennes.
La seule raison qui justifie l'existence d'un régime de licences est de faciliter le passage à un marché concurrentiel. Il faut continuer d'insister sur les fournisseurs dominants. Il se peut qu'il faille élargir suffisamment le cadre de la réglementation pour y inclure tous les fournisseurs. Toutefois, il faudrait que les mailles du filet soient de dimensions suffisamment grandes pour laisser s'échapper North American Gateway et d'autres petits fournisseurs.
Il y a une dernière préoccupation dont j'aimerais vous parler. Un des legs du monopole détenu par Téléglobe, c'est que cette entreprise continue d'être la propriétaire de toutes les installations d'acheminement des appels transocéaniques canadiens ou de les contrôler. Si l'on veut vraiment qu'il y ait concurrence sur le marché, il faut que nous ayons accès à ces installations à des conditions de marché raisonnables. Pour qu'il en soit ainsi, il faut que le CRTC ordonne à Téléglobe de déposer des tarifs qui permettent aux autres fournisseurs d'acquérir un intérêt dans ses câbles, comme cela se fait ailleurs. C'est un autre point dont nous discuterons avec le CRTC dans le cadre de ses audiences sur l'octroi de licences.
Je vous remercie de nous avoir permis de prendre part à vos délibérations concernant le projet de loi C-17. Je suis maintenant à la disposition des membres du comité qui ont des questions à me poser.
Le sénateur Rompkey: Ma première question tient, j'en suis sûr, à mon ignorance de la technologie. Je la pose de toute façon, car je ne suis peut-être pas le seul à ne pas comprendre.
À la page 2 de votre mémoire, vous utilisez l'expression «concentration». Pouvez-vous nous expliquer ce qu'elle signifie?
M. Science: Pour illustrer mon propos, je vais utiliser les verres que voici. Supposons que ce verre-ci représente le Canada et le trafic canadien. Cet autre verre représente un pays approuvé qui peut servir de point de concentration et, enfin, ce troisième verre représente le pays auquel est destiné l'appel. Si nous souhaitons acheminer un appel du Canada vers un autre pays, la concentration nous permet de le faire passer par un pays réglementaire où il sera pris en charge par le fournisseur local qui le dirigera vers le tiers pays. Donc, par «concentration», il faut comprendre qu'il n'existe pas de liaison directe avec le troisième pays; il faut passer par un pays intermédiaire.
Le sénateur Rompkey: C'est l'intermédiaire?
M. Science: Effectivement.
Le sénateur Rompkey: Ma deuxième question concerne les observations que vous faites à la page 13 au sujet de la possibilité d'ordonner à Téléglobe de déposer des tarifs permettant aux autres fournisseurs d'acquérir un intérêt dans ses câbles. Cela me rappelle l'étude faite par le comité de l'énergie au sujet de l'hydroélectricité. Actuellement, sur le marché, l'hydroélectricité circule dans un sens comme dans l'autre, selon la demande.
Le principe est à peu près le même. Il faudrait que les fournisseurs soient communs et que l'on ait libre accès à ces fournisseurs. J'ai été frappé par l'analogie entre les deux. L'ouverture du marché est imminente. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus.
M. Science: Le choix du bon moment est un enjeu réel. Pour acheminer les appels, en ce moment, nous sommes obligés de louer des installations de Téléglobe. Nous les louons à des tarifs qui, par exemple pour une liaison avec le Royaume-Uni, seraient d'environ 50 000 $ par mois. En octobre -- on peut supposer qu'une licence fondée sur l'installation permet d'acquérir plutôt que de louer -- , si l'on compare le coût d'acquisition au coût analogue aux États-Unis, l'acquisition de ce circuit de 50 000 $ par mois coûterait aux États-Unis environ 150 000 $, versés d'un seul coup. Donc, en trois mois, on aurait récupéré les frais de location.
Actuellement, en vue de réduire le coût de location, on a le choix de signer un contrat à plus long terme avec Téléglobe. La durée de l'entente donne droit à un rabais. L'ennui, c'est que les tarifs d'acquisition ne sont pas publiés et que Téléglobe n'a pas précisé si l'on peut appliquer le coût de la location à l'acquisition. Il faut s'empresser de régler le problème que pose la signature d'un contrat à long terme sans savoir avec certitude si l'on peut transformer la location en acquisition. Pour l'instant, il y a un écart, un vide en ce qui concerne les modalités commerciales. Plus vite nous serons fixés, mieux ce sera!
Le sénateur Oliver: J'ai, moi aussi, une question à vous poser. À la page 13, vous parlez d'ordonner à Téléglobe de déposer ses tarifs et de permettre à d'autres fournisseurs d'acheter ses câbles. Vous ajoutez: «comme cela se fait ailleurs». À quels autres pays faites-vous allusion?
M. Science: Le Royaume-Uni, la Suède, l'Australie et d'autres, j'en suis sûr, le font. La plupart des pays où le secteur est déréglementé le font certes. Aux États-Unis, il existe suffisamment de fournisseurs d'installations pour que les simples modalités commerciales s'appliquent, c'est-à-dire qu'on laisse les forces du marché agir.
Le sénateur Oliver: Ma seconde question concerne le projet de loi comme tel. Comme vous avez entendu les porte-parole du ministère le dire, le projet de loi est divisé en cinq grands thèmes. Il compte cinq parties distinctes. Durant votre témoignage, je me suis mis à me demander à quelle partie vous étiez opposé. Le projet de loi à l'étude a pour objectif premier de mettre fin au monopole de Téléglobe, ce à quoi vous êtes favorable, je crois?
M. Science: C'est juste.
Le sénateur Oliver: Vous affirmez vouloir faire en sorte que le nombre de licences ne soit pas limité. Cependant, vous avez déjà comparu devant le CRTC, dans le cadre de ses audiences portant sur les critères de délivrance de licences. Vous avez dit qu'une pétition que Téléglobe avait présentée au Cabinet était préoccupante.
Nous ne représentons pas le Cabinet. Que tenez-vous à ce que le comité retienne de votre témoignage? J'ai de la difficulté à en saisir le message central.
M. Science: Je voudrais que le comité retienne qu'il semble y avoir de l'ambiguïté, en supposant que des licences seront octroyées, et que des raisons militent en faveur de la mise en oeuvre d'un pareil régime. Cependant, on ne nous a pas décrit et on n'a pas expliqué durant le processus en quoi consisterait au juste le régime.
Le sénateur Oliver: N'est-ce pas justement ce que le CRTC est en train de faire, en ce moment même? N'est-il pas en train d'élaborer les conditions d'octroi des licences?
M. Science: Il aurait été bien d'inclure dans le projet de loi des lignes directrices qui guideraient le CRTC dans cette tâche. Pour l'instant, il ne semble pas y avoir d'encadrement. Voilà ce qui nous préoccupe.
Le sénateur Oliver: Vous avez fait valoir, si j'ai bien compris, deux grands points auprès du CRTC à ce sujet.
M. Science: C'est juste.
Le sénateur Oliver: Tout d'abord, qu'il ne faudrait pas limiter le nombre de joueurs ni le nombre de licences.
M. Science: Oui.
Le sénateur Oliver: Croyez-vous qu'on vous a entendu? Vous ne nous demandez pas d'apporter une modification au projet de loi en ce sens.
Le sénateur De Bané: Il aimerait que ces critères soient inclus dans le projet de loi.
M. Science: Oui. Idéalement, c'est ce que j'aimerais. Autrement, il n'y a pas moyen de savoir à quel point l'octroi des licences sera restrictif.
Le sénateur De Bané: Veuillez m'expliquer le créneau que vous occupez. Pourquoi est-ce préférable, pour moi en tant qu'utilisateur, de passer par un intermédiaire comme votre entreprise qui loue des installations de Téléglobe plutôt que de faire directement affaire avec Téléglobe? Comment arrivez-vous à livrer concurrence à Téléglobe? J'ai de la difficulté à comprendre comment l'industrie est organisée.
On peut supposer que, si l'on va directement chez General Motors pour acheter une voiture plutôt que de passer par le concessionnaire, on économisera. Comment se fait-il qu'un intermédiaire comme Gateway peut louer les installations de Téléglobe et offrir le service à un coût moindre? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Science: La réponse est double. D'une part, le coût du service que nous offrons comporte deux éléments. L'un est l'installation permettant d'acheminer le trafic du Canada jusqu'au point de concentration. C'est la partie que nous acquérons de Téléglobe. Vous avez raison de croire qu'il ne serait pas très sensé de passer par nous qui nous adressons à Téléglobe. Toutefois, l'autre élément de coût, c'est que, une fois le trafic acheminé jusque là, le fournisseur britannique de services de télécommunication avec lequel nous traitons et qui distribue les appels partout dans le monde sera peut-être disposé à nous offrir le service à un prix plus bas que Téléglobe. D'autre part, Téléglobe a toujours pratiqué des prix plutôt élevés au Canada.
Le sénateur De Bané: Ce n'est donc pas au point de départ que vous réalisez votre profit, mais bien à partir de la concentration dans un autre pays?
M. Science: Exact.
Le sénateur Adams: Avec combien d'autres pays faites-vous affaire? Vous avez mentionné le Royaume-Uni.
M. Science: Selon les règles qui s'appliquent à cette concentration, on ne peut acheminer le trafic que vers certains pays, vers ceux qui ont un cadre réglementaire équivalent à celui du Canada, c'est-à-dire ceux qui ont en grande partie déréglementé leur industrie. Si les pays correspondent à cette définition, comme c'est le cas du Royaume-Uni, du Danemark, de la Suède, de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande -- il existe une liste -- , vous pouvez alors acheminer les appels vers ce pays et les concentrer à partir de là. Le nombre de pays où vous pouvez faire cela est limité.
Le sénateur Adams: Vous n'avez pas parlé de coûts. Si je fais de la commutation et que vous allez livrer concurrence à d'autres entreprises, je vous offrirai le service de commutation pour un peu moins que mon prix de revient. N'est-ce pas ce que vous faites?
M. Science: Je ne le crois pas. Par souci de clarté, je précise que nous utilisons les installations de Téléglobe pour acheminer les appels ou, plutôt, que Téléglobe fait la moitié de l'effort et que l'autre pays fournit l'autre moitié de circuit. Quand le trafic arrive dans l'autre pays, le fournisseur étranger en assure la commutation et l'acheminement jusqu'à sa destination finale. C'est ainsi, en réalité, que Téléglobe achemine les appels.
La présidente: Vous félicitez le CRTC d'être revenu sur sa décision en autorisant la concurrence avec Téléglobe sur le plan de la concentration. Pourquoi craignez-vous que l'octroi de licences ne permette au CRTC de protéger le monopole de Téléglobe? De toute évidence, le CRTC s'est prononcé contre ce monopole.
M. Science: Je suppose que nous étions inquiets parce que la décision initiale du 5 mai était très claire et très précise. Elle a eu pour résultat que Téléglobe nous a envoyé un avis de débranchement et que nous nous voyions dans l'obligation de fermer nos portes. Le 5 mai, le CRTC a clairement interdit la concentration. Si nous n'avions pas eu l'énergie, les ressources et la détermination voulues pour en appeler devant la Cour fédérale et si nous avions été déboutés, le CRTC n'aurait pas repris son processus d'examen.
Il faut le féliciter d'être revenu sur sa décision, mais je crains que son raisonnement ne soit peut-être pas forcément au point encore. Il est peut-être capable de changer d'idée encore une fois, et cette décision ne nous conviendrait peut-être pas. Nous ne savons toujours pas ce qu'il décidera au sujet de l'appel interjeté par Téléglobe. Téléglobe conteste effectivement la volte-face, et le CRTC étudie son appel.
La présidente: Monsieur Science, je vous remercie.
Nous entendrons maintenant l'exposé de ACC Tel Enterprises.
Mme Maggs Barrett, vice-présidente exécutive, Marchés locaux, ACC Tel Enterprises Ltd.: Honorables sénateurs, je commencerai par vous résumer notre mémoire, puis je vous expliquerai plus en détail la raison de notre présence ici aujourd'hui. ACC Tel Enterprises est la filiale canadienne de ACC Corp. de Rochester (New York) qui fournit des services de télécommunications aux entreprises, aux abonnés résidentiels et aux étudiants du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni et, depuis peu, d'Allemagne.
ACC offre au Canada des services de télécommunications à titre de revendeur par systèmes de commutation depuis 1990.
Lorsque le projet de loi C-17 a été initialement déposé et adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes, le processus d'octroi des licences prévoyait que le CRTC régirait les télécommunications tant canadiennes qu'internationales. Après que le comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes eut entendu les représentations d'un certain nombre de parties, le projet de loi C-17 a été modifié pour réduire la portée du processus d'octroi des licences de manière à ne viser que les télécommunications internationales. La modification a des répercussions importantes, même si selon nous elles n'étaient pas voulues, sur ACC.
Les événements récents ont démontré que, lorsque le CRTC estime qu'il ne peut exercer une supervision suffisante sur les revendeurs non réglementés (comme ACC), il leur interdit l'accès aux nouveaux marchés. Pour survivre, il faut que ACC puisse faire face à la concurrence de tous les marchés des télécommunications. Par conséquent, ACC était en faveur des larges pouvoirs d'émission de licences puisque, selon elle, ce régime est un mécanisme visant à répondre aux besoins de réglementation du CRTC. Ainsi habilité, le CRTC pourrait alors permettre à ACC et à des revendeurs analogues de pénétrer tous les marchés.
Même si la question de l'octroi des licences est maintenant réglée, une autre méthode tout aussi valable pour conférer au CRTC les pouvoirs de supervision pertinents sur les revendeurs est d'accorder directement ces pouvoirs au CRTC, ce qu'on pourrait faire dans le projet de loi C-17 en modifiant la définition de «fournisseur de services de télécommunication» à l'article 1 pour bien préciser que les pouvoirs conférés au CRTC à l'article 24 de la Loi sur les télécommunications -- d'imposer des conditions de service -- s'appliquent à tous ces fournisseurs. ACC demande au comité sénatorial de recommander que des modifications en ce sens soient apportées au projet de loi C-17.
ACC brasse des affaires au Canada depuis 1984 et y offre des services de télécommunication à titre de revendeur par système de commutation depuis 1990. Elle est la cinquième plus importante entreprise du marché de l'interurbain au Canada, son chiffre d'affaires excédant 200 millions de dollars, cette année. L'entreprise a aussi une vaste expérience en tant que revendeur de services Centrex locaux aux entreprises. Elle compte en effet plus de 30 000 lignes en service.
ACC a été le premier concurrent au Canada à fournir à ses clients un service intégré d'appels locaux, d'interurbains, de téléavertissement, d'Internet et de services de communication connexes.
ACC agit au Canada en tant que revendeur non réglementé. Elle est propriétaire de systèmes de commutation et de facturation, mais les câbles, les liaisons par faisceau hertzien et les autres installations de transmission ne lui appartiennent pas. Elle loue plutôt les circuits de fournisseurs comme Stentor ou de câblodistributeurs comme Rogers, Vidéotron, Fundy Cable ou Shaw Cable, qui en sont les propriétaires.
En effet, les dispositions relatives à la propriété et au contrôle étrangers de la Loi sur les télécommunications exigent d'ACC qu'elle se limite à la revente au Canada. Bien qu'ACC change probablement de mains dans un avenir rapproché, nous prévoyons, pour l'instant, qu'elle demeurera sous propriété et contrôle étrangers. Par conséquent, l'article 3 du projet de loi C-17 établit un régime d'octroi de licences administré par le CRTC pour les services de télécommunication internationaux.
Lorsque le projet de loi C-17 a été initialement présenté et adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes, le processus d'octroi de licences proposé visait plus que les services internationaux. Le projet de loi conférait au CRTC le vaste pouvoir de prendre des règlements à l'égard des fournisseurs de services s'il jugeait qu'il fallait leur émettre une licence, que ce soit pour des services internationaux ou canadiens.
Plusieurs parties se sont opposées à l'étendue des pouvoirs initialement projetés. Elles ne voyaient pas la nécessité d'accorder au CRTC le pouvoir d'autoriser des services canadiens de télécommunication. Elles ne croyaient pas qu'il existait un besoin pressant d'émettre des licences à l'égard des services canadiens de télécommunication, contrairement aux services internationaux. De plus, elles s'inquiétaient du fait qu'en habilitant le CRTC à octroyer des licences à l'égard des services canadiens de télécommunication, il pourrait y avoir intrusions, notamment en ce qui concerne Internet. C'est pourquoi elles ont demandé que les pouvoirs du CRTC en la matière se limitent aux services internationaux.
ACC n'était pas d'accord avec cette position. Elle estimait qu'il ne fallait pas réduire les pouvoirs d'octroi de licences visés par le projet de loi C-17, qu'il fallait que le CRTC puisse exiger des licences au Canada, dans certaines circonstances.
Il peut sembler étrange que ACC fasse une telle recommandation. Après tout, en tant que revendeur, elle n'est pas assujettie à une surveillance réglementaire directe du CRTC. Par conséquent, pourquoi serait-elle favorable à l'éventuelle réglementation d'entreprises non réglementées? La réponse est très simple. Entre ne pouvoir offrir certains services ou pouvoir les offrir uniquement à certaines conditions, le revendeur choisira évidemment la deuxième solution.
Un régime d'octroi de licences aurait évité d'obliger les revendeurs à ne pas offrir certains services. Il aurait encouragé une intensification de la concurrence dans le secteur des télécommunications.
Cette question n'est pas purement théorique. Le CRTC a récemment refusé d'ouvrir un nouveau secteur d'activité aux revendeurs, soit le marché des télécommunications locales, parce qu'il ne pouvait pas les réglementer.
La décision prise par le CRTC le 1er mai 1997 (décision 97-8) a été structurée de telle sorte que seules les entreprises réglementées peuvent faire partie de cet important nouveau secteur des télécommunications, même si le CRTC n'a jamais interdit aux revendeurs d'y participer. La décision a quand même eu pour résultat final d'exclure les revendeurs.
En septembre dernier, ACC a demandé au CRTC, par le biais d'un mécanisme de révision et de modification, de revoir la décision 97-8. Nous avons proposé un mécanisme qui répondrait aux inquiétudes du CRTC. Nous espérons que le CRTC répondra de façon favorable à notre demande puisqu'il appuie la concurrence dans le secteur des télécommunications et qu'il a exprimé le désir d'encourager l'entrée de participants dans le marché local.
Nous ignorons toutefois quelle sera la décision du CRTC sur la question et quand il rendra cette décision. De plus, nous craignons qu'il considère disposer des outils suffisants pour surveiller de façon adéquate les revendeurs sur ce marché.
La leçon que ACC a tirée de cette expérience est que le CRTC peut croire que les activités des revendeurs devraient faire l'objet d'une surveillance réglementaire et qu'il faudrait trouver un mécanisme quelconque à cette fin. Autrement, les revendeurs seront exclus de secteurs importants du marché. Un régime d'attribution de licences semblable à celui proposé au départ dans le projet de loi C-17 constituait un tel mécanisme.
ACC déplore que le comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes ait accepté l'argumentation de ceux qui cherchent à restreindre la portée des pouvoirs d'attribution de licences du CRTC. La réduction des pouvoirs d'attribution de licences du CRTC ne permet non seulement pas de résoudre le problème important et immédiat identifié par ACC, mais en amené certains à se demander si la question avait été convenablement étudiée. Voici ce le sénateur Kelly a indiqué dans ses remarques lors de la deuxième lecture du projet de loi C-17:
Cependant, l'article proposé 16.1(1) a été modifié dans l'autre endroit, limitant son application aux fournisseurs de services internationaux de télécommunication. Ainsi, les fournisseurs de services canadiens de télécommunication, notamment les services de télécommunication locaux, ne sont pas visés. Les motifs pour cette modification dans l'autre endroit n'avaient rien à voir avec la question de la concurrence locale. Il semble que la modification a été faite de façon hâtive et sans tenir compte de son incidence sur la concurrence locale.
ACC demande que ce comité étudie attentivement la question de la concurrence locale mentionnée par le sénateur Kelly. Nous comprenons qu'il peut être difficile à ce stade d'étendre le pouvoir d'attribution de licences du CRTC puisque la Chambre des communes vient tout juste de le réduire. Quoi qu'il en soit, d'autres mesures peuvent et devraient être prises pour accorder au CRTC l'autorité de superviser convenablement les revendeurs, ce qui permettrait de stimuler la concurrence sur tous les marchés des télécommunications.
La méthode que nous recommandons consiste à modifier la définition de «fournisseur de services de télécommunication» prévue par l'article 1 du projet de loi C-17 en ajoutant le membre de phrase suivant à la fin de la définition:
...et aux fins de l'article 24 une «entreprise canadienne» comprend un fournisseur de services de télécommunication.
Le texte complet de la définition se lirait comme suit:
«fournisseur de services de télécommunication». La personne qui fournit des services de télécommunication de base, y compris au moyen d'un appareil de transmission exclu et aux fins de l'article 24, une «entreprise canadienne» comprend un fournisseur de services de télécommunication.
L'article 24 de la Loi sur les télécommunications autorise déjà le CRTC à imposer des conditions régissant l'offre et la prestation de services de télécommunication par des entreprises canadiennes. La modification proposée permettrait donc d'accorder au CRTC le pouvoir supplémentaire d'imposer des conditions en ce qui concerne les offres de service provenant de fournisseurs de services de télécommunication, qui comprendraient des revendeurs tels que ACC.
En conclusion, ACC veut s'assurer que les revendeurs peuvent avoir accès à tous les marchés des télécommunications, notamment celui de la prestation des services locaux de télécommunication. Compte tenu des inquiétudes du CRTC qui tient à pouvoir continuer à surveiller dans une certaine mesure les participants qui ne sont pas réglementés à l'heure actuelle sur ces marchés, nous recommandons que le projet de loi C-17 soit modifié pour accorder au CRTC des pouvoirs de surveillance à l'endroit des revendeurs.
La modification proposée se trouve à la dernière page de notre mémoire.
Je me ferai un plaisir de répondre à toutes questions concernant ma présentation.
Le sénateur Oliver: Vous êtes un revendeur, et il y a d'autres revendeurs au Canada. Fonorola en est un et il y en a beaucoup d'autres. Leur avez-vous parlé et avez-vous discuté avec eux de votre intention de faire modifier le projet de loi pour obliger à réglementer les revendeurs, puisque les revendeurs ne font l'objet d'aucune réglementation à l'heure actuelle? Dans l'affirmative, qu'ont-ils dit? Pouvez-vous en informer le comité?
Mme Barrett: Lorsque nous avons présenté notre demande de révision et de modification au CRTC, nous avons reçu l'appui de London Telecom, qui est un revendeur. Fonorola est une entreprise de télécommunication canadienne parce qu'elle possède maintenant des installations à Toronto, à Montréal et ainsi de suite et aux alentours.
Nous avons contacté directement ou indirectement un certain nombre d'entreprises. ACC est membre de la Competitive Telecommunications Association, la CTA, et nous avons soulevé cette question avec elle.
Je ne suis pas en mesure de dire si les réactions ont été positives ou négatives. Elles ont été plutôt neutres, du genre faites ce que vous avez à faire.
Le sénateur Oliver: Mais les autres revendeurs comme vous savent que vous comparaissez devant le comité aujourd'hui pour proposer qu'ils soient réglementés.
Mme Barrett: Oui. Il ne faut pas oublier que le règlement est très étroit dans le contexte des services particuliers qu'examinerait le CRTC. Nous prévoyons que cela se ferait dans un contexte très étroit. Comme vous le savez, l'article 24 n'est pas invoqué très souvent.
Le sénateur Oliver: Cette question a littéralement surgi à la Chambre des communes. Y étiez-vous et avez-vous participé au débat qui a entouré cette modification en particulier? Si oui, pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé? Pourquoi n'a-t-elle pas été apportée?
Mme Barrett: Nous proposons une modification à l'article 24 différente du débat qui a entouré l'article 24. Au départ, lorsque nous avons soulevé la question de l'attribution de licences, Stentor avait proposé que l'article 24 soit modifié et cela avait été jugé irrecevable par le comité permanent parce que la question n'avait pas été soulevée lors des débats.
La modification que nous proposons diffère de celle qu'ils ont proposée. Cette modification-ci vise en fait la définition de «fournisseur de services de télécommunication» -- et élargit le contexte de la définition d'«entreprise canadienne». Ils proposaient que les revendeurs soient mentionnés expressément à l'article 24.
Le sénateur Oliver: L'une des choses dont vous avez parlé dans vos remarques et qui a été soulevée dans l'autre endroit, c'est la crainte que le pouvoir de réglementation des services nationaux et internationaux soit intrusif notamment dans le domaine de l'Internet.
Mme Barrett: Oui.
Le sénateur Oliver: Comment votre définition permet-elle d'apaiser cette crainte?
Mme Barrett: Elle porte essentiellement sur les fournisseurs de services de télécommunication sur le marché des télécommunications de base.
Le sénateur Oliver: Comment savez-vous que cela ne vise pas l'Internet?
Mme Barrett: Je crois que jusqu'à présent, personne n'a considéré l'Internet comme un service de télécommunication de base. Je ne dis pas qu'il ne pourrait pas être inclus à un certain moment.
Le sénateur Oliver: Ne pouvez-vous pas faire des appels téléphoniques sur Internet?
Mme Barrett: Absolument, mais on n'a jamais considéré qu'il s'agissait d'un service de télécommunication de base.
Le sénateur Oliver: Pourquoi alors craignaient-ils que ce pouvoir soit intrusif?
Mme Barrett: Au niveau de l'attribution de licences, mais pas de la façon dont je parle de l'article 24. En ce qui concerne le régime d'attribution de licences en général, qui comportait des pouvoirs très étendus, les fournisseurs Internet craignaient d'être obligés de détenir une licence pour offrir leurs services. Comme vous le savez, les fournisseurs Internet estiment en général que l'Internet devrait être un moyen de communication et de transfert d'information non réglementé.
Le sénateur Oliver: À votre avis, la définition que vous proposez exclurait-elle expressément l'Internet?
Mme Barrett: Oui.
Le sénateur Bryden: Je ne sais pas si ce que vous proposez vous permettra d'atteindre votre objectif. Je devrais étudier la chose plus attentivement.
Mme Barrett: Je conviens que c'est une mesure moins directe que celle que nous avions envisagée, mais comme le sénateur Oliver l'a indiqué, la méthode plus directe consistant à inclure les revendeurs à l'article 24 a été jugée irrecevable dans l'autre endroit. Par conséquent, nous avons envisagé divers moyens juridiques pour arriver à cette définition.
Le sénateur Bryden: Je propose au comité qu'avant que nous recommandions quoi que ce soit, il serait préférable d'examiner la chose de plus près. Je crois comprendre ce que vous voulez faire mais je ne suis pas sûr que cette modification vous le permette, surtout si vous lisez l'article 23 et l'article 24. Lisez ensuite la définition, puis lisez votre modification. Je suis avocat et je pourrais gagner ma vie rien qu'avec ça. Nous devrons examiner la chose plus attentivement.
La présidente: Je tiens à vous remercier d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui.
Nos prochains témoins sont des représentants de Stentor.
M. Nick Mulder, président-directeur général, Stentor: Nous vous avons fourni un mémoire et pour sauver du temps, j'en soulignerai certains éléments.
Stentor est une alliance regroupant les principales compagnies canadiennes qui offrent un service de télécommunications d'un océan à l'autre. Les membres de l'alliance incluent les sociétés exploitantes de télécommunications qui exercent leur activité dans chacune des provinces du Canada ainsi que leurs filiales de services cellulaires et sans fil. Télésat Canada, qui offre le service national de télécommunications par satellite, figure aussi au nombre des actionnaires de notre entreprise. Comme nous représentons les principales compagnies téléphoniques au Canada, nous jouons un rôle important dans l'ensemble de ce secteur.
Nous félicitons le gouvernement des mesures qu'il a prises jusqu'à présent pour mettre en place un nouveau modèle de concurrence sur la scène des télécommunications nationales et internationales. Stentor est d'avis que le gouvernement du Canada a pris des mesures énergiques et décisives en vue de libéraliser davantage les marchés à la fin de ses négociations dans le cadre de l'OMC en février 1997, il y a environ 13 mois. Au moment de l'annonce de l'OMC, nous avons été encouragés par la formule utilisée par le gouvernement dans son communiqué de presse pour exprimer son désir d'uniformiser les règles du jeu pour tous les fournisseurs concurrents de services internationaux durant la période de transition vers une ouverture totale du marché des services internationaux à la concurrence. Nous pensons qu'il est essentiel que le gouvernement continue de prendre tous les moyens à sa disposition pour atteindre cet objectif et pour s'assurer que les compagnies Stentor sont traitées sur le même pied que tous les autres concurrents.
Comme le prévoit l'accord conclu en octobre de cette année, Téléglobe Canada conservera son monopole des télécommunications outre-mer jusqu'en octobre prochain. Après le 1er octobre, de nouveaux exploitants pourront entrer sur le marché, mais l'accord de l'OMC contient des dispositions prévoyant le réacheminement du trafic canadien par des installations canadiennes pendant une période de transition supplémentaire de 15 mois, c'est-à-dire jusqu'à la fin de décembre 1999.
Dans une décision connexe rendue en décembre dernier, le CRTC a décidé, et je tiens à le souligner, que la revente des installations de Téléglobe et l'acheminement indirect du trafic par ces installations, que l'on désigne parfois par l'expression concentration commutée -- dans ce cas par voie sous-marine mais nous parlons de télécommunications ici -- devraient être autorisés au cours de la période de transition. Ainsi, à mesure que nous nous approchons de l'ouverture complète du marché international des services de télécommunications à la concurrence prévue pour la fin de la décennie, les Canadiens seront doublement avantagés: ils bénéficieront d'un cadre de réglementation qui favorisera les investissements dans des installations internationales canadiennes et auront droit en tant que consommateurs, tout comme les entreprises canadiennes, à des prix concurrentiels puisque les entreprises de télécommunication seront autorisées à utiliser des voies d'acheminement moins coûteuses.
Cette décision du CRTC rejoint le point de vue de Stentor qui croit qu'un objectif stratégique devrait primer sur tous les autres en ce qui concerne le marché international, comme dans le cas du marché national, c'est-à-dire ouvrir la voie à la concurrence aussi rapidement et efficacement que possible. Les compagnies Stentor pensent que les modifications législatives proposées dans le cadre du projet de loi C-17, telles qu'elles ont été amendées à la Chambre des communes, permettront de créer un cadre propice à la concurrence dans le domaine des services de télécommunications internationaux. Par conséquent, madame la présidente, nous sommes en faveur de l'adoption rapide de ce projet de loi. Il est important que ce projet de loi soit adopté aussi rapidement que possible, non seulement pour respecter l'engagement de l'OMC, mais pour permettre au CRTC de procéder à sa mise en oeuvre.
J'aimerais aborder le concept de l'attribution de licences aux entreprises de télécommunications. Même s'il s'agit d'un concept très répandu dans le monde, l'attribution de licences est un phénomène relativement nouveau au Canada. Il est vrai que, dans sa première version déposée à la Chambre des communes, l'avant-projet de la Loi sur les télécommunications envisageait un régime d'attribution de licences. Mais on a eu la sagesse, à notre avis, de retirer ces dispositions du projet de loi en faveur d'une substitution de l'autorité directe sur les entreprises canadiennes de télécommunications. L'autorité directe conférée au Conseil de rendre des ordonnances à l'endroit des fournisseurs de services de télécommunications est une mesure efficace, peu coûteuse et dont les délais d'exécution sont rapides. Cette mesure constitue un instrument propre à rendre des ordonnances bien adaptées aux circonstances particulières s'appliquant à un fournisseur de services donné.
Madame la présidente, le concept de l'attribution des licences en ce qui a trait aux services internationaux a, depuis les négociations de l'OMC à Genève, été considéré souhaitable, même s'il n'est pas essentiel sur le plan juridique pour permettre l'harmonisation du cadre de réglementation canadien avec celui de la majorité de nos principaux partenaires commerciaux. Les États-Unis, par exemple, attribuent des licences aux entreprises de télécommunication qui offrent leurs services à l'échelle internationale, mais ils ne le font pas sur le marché national. Par suite des modifications apportées au projet de loi C-17 dans l'autre Chambre, l'attribution de licences est maintenant limitée aux considérations liées aux réseaux internationaux. Nous considérons cette mesure importante car elle établira des règles claires pour tous les concurrents, nationaux et internationaux, quant à leurs droits et obligations.
Madame la présidente, il est significatif que la Loi sur les télécommunications précise, parmi les objectifs de la politique canadienne des télécommunications, l'objectif suivant:
7.f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunications et assurer l'efficacité de la réglementation dans les cas «nécessaires».
Nous sommes d'avis que, tel qu'il a été modifié à la Chambre des communes, le projet de loi C-17 reflète la propre vision du CRTC en ce qui concerne le rôle que doit jouer la réglementation dans l'industrie des télécommunications. En effet, la présidente, Mme Françoise Bertrand, avait déjà mentionné, l'automne dernier, la nécessité d'adopter de nouvelles approches dans le cadre de ses discussions avec le conseil et l'Alliance canadienne des télécommunications de l'entreprise tenues le 16 septembre. Elle avait déclaré à cette occasion:
L'ancien Conseil aurait dit: «Nous allons réglementer.» Le nouveau Conseil dira: «Nous allons réglementer s'il y a lieu.»
Elle a aussi insisté sur le fait que même si la présence du Conseil demeure nécessaire, en tant qu'organisme de réglementation, il n'hésitera pas à se retirer chaque fois que ce sera possible. Cette déclaration renforce notre point de vue selon lequel le CRTC devrait chercher à réduire la portée de son rôle actuel en matière de réglementation et qu'il ne devrait pas se voir confier des pouvoirs additionnels à moins que la situation ne l'exige clairement.
Nous estimons que les modifications présentées et acceptées à la Chambre des communes lors de l'adoption du projet de loi C-17 contribueront grandement à concrétiser cet objectif. C'est pourquoi nous espérons qu'il sera approuvé le plus tôt possible.
Madame la présidente et membres du comité, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Bryden: Dois-je en déduire d'après ce que vous avez dit que vous n'êtes pas d'accord avec la dernière personne qui a comparu et qui considère qu'une modification est nécessaire? Vous étiez ici lorsque cela a été dit, je crois.
M. Mulder: Oui, j'ai entendu cette partie de la présentation de ACC. Nous ne croyons pas qu'elle soit nécessaire parce que la portée des règles et de la législation actuelles offre cette possibilité au CRTC.
Le sénateur Bryden: Je crois que ce qu'ils craignent, vu le service qu'ils fournissent et le type d'organisation, c'est de ne pas vraiment correspondre à la catégorie de réglementation internationale et ce n'est pas une exploitation nationale. Par conséquent, ne pourrait-on pas soutenir que si le CRTC tâchait effectivement d'attribuer une licence à cette organisation ou de la réglementer, il outrepasserait les pouvoirs prévus par cette loi?
M. Mulder: C'est une préoccupation valable. Cela vise les règles et les lois internationales. La question soulevée par ACC est de nature plutôt nationale. De plus, la loi actuelle -- et M. van Koughnett voudra peut-être donner plus de précisions à ce sujet -- permet d'y donner suite dans la mesure où le CRTC envisage cette possibilité.
M. Greg van Koughnett, vice-président, Affaires juridiques et générales, Stentor: Si le CRTC voulait des pouvoirs supplémentaires lui permettant de réglementer les revendeurs pour s'assurer que les entreprises de télécommunications locales et concurrentielles sont assujetties aux mêmes obligations imposées traditionnellement aux compagnies de téléphone partout dans le monde -- et c'est la question que soulève ACC -- une modification telle que celle proposée par ACC le permettrait.
Comme on l'a souligné lors de la discussion avec le sénateur Oliver, la modification proposée à l'article 24 a été jugée irrecevable parce que l'article 24 n'était pas visé par le projet de loi. C'est une règle de procédure qu'il était difficile de contourner.
Le modèle proposé maintenant par ACC consiste à recourir à un article de la loi qui, techniquement, entre en jeu. La disposition interprétative, en l'occurrence l'article 2 de la Loi sur les télécommunications, entre déjà en jeu vu que l'on a manifestement besoin de cette nouvelle créature qu'est «un fournisseur de services de télécommunications.» Il faut élargir la définition qui figure au paragraphe 2(1) de la loi.
Si l'on juge nécessaire que le conseil réglemente davantage les revendeurs qu'il est en mesure de le faire à l'heure actuelle, le libellé proposé par ACC conviendrait tout à fait. Cependant, nous demandons que le Sénat examine, dans un premier temps, la possibilité de s'éloigner du règlement ordinaire, un thème qui est revenu constamment au cours des audiences aujourd'hui et, dans un deuxième temps, l'importance que toutes les parties accordent à ce qu'il adopte rapidement ce projet de loi.
Un grand nombre d'amendements importants ont été apportés au projet de loi. Nous sommes d'avis que le Sénat devrait en venir à la conclusion que l'adoption rapide de ce projet de loi l'emporte sur le bien-fondé d'accorder un avantage supplémentaire à ces revendeurs qui veulent contourner les restrictions imposées par le Canada en matière de propriété et être des joueurs à part entière au sein de l'industrie des télécommunications canadiennes.
Le sénateur Bryden: Nous sommes connus comme étant la chambre de réflexion. Nous ne sommes pas très adeptes de la vitesse ici. En tant qu'ancien fonctionnaire, je crois que M. Mulder comprend cela.
Vous venez tout juste de me dire que la Chambre des communes ne s'est pas penchée sur cette question relevant de l'article 24 parce que la disposition n'intervenait pas. C'est un peu comme un avocat ou un juge qui rejette une affaire pour une question de forme. Nous ne nous occupons pas beaucoup non plus des questions de forme à ce comité. Nous pourrions très facilement mettre en jeu l'article 24. Je ne dis pas que nous le ferions, mais il s'agit du cas où, si un groupe -- et, probablement un groupe minoritaire ou un groupe plus petit et plus faible -- risque d'être victime d'une injustice, nous pouvons parfaitement dire: «Réglez le problème ou nous rejetterons le projet de loi.» Nous pouvons dire de façon tout à fait légitime: «Prenons-nous le temps de renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes si cela devient nécessaire ou pouvons-nous être persuadés que le CRTC a peut-être d'autres moyens à sa disposition pour trouver une solution satisfaisante?»
M. Mulder: Cette mesure législative porte sur les télécommunications internationales et ACC demande que l'on soulève une question à caractère national. Il faut d'entrée de jeu se demander s'il s'agit de l'instance qui convient? Deuxièmement, comme ACC est la seule à présenter cet argument à l'heure actuelle, devrait-elle obtenir ce qu'elle veut par la porte arrière alors que tout le monde dit: «Occupons-nous de cette question dans une mesure législative nationale ou dans une instance nationale étant donné que ce projet de loi s'attache aux services internationaux»? Troisièmement, j'ai entendu des avocats dire que si le CRTC veut s'en occuper, la portée considérable de la loi actuelle le lui permet.
Voilà trois raisons qui nous donnent à penser que le Sénat pourrait dire: «Il se peut que vous ayez raison, mais discutons de la question d'une autre manière et à un autre moment ou renvoyons-la au CRTC».
Le sénateur Oliver: Si j'ai bien compris le témoignage d'ACC, l'entreprise était protégée avant que les amendements ne soient apportés à la hâte à la Chambre des communes. Elle se sent maintenant lésée. Je ne crois pas qu'elle se soit présentée à la porte arrière pour dire à un comité parlementaire: «Un amendement rédigé hâtivement fait en sorte que nous sommes en mauvaise posture, un petit groupe de revendeurs contre des entreprises prodigieuses comme le groupe Stentor. Nous demandons au Sénat d'examiner au moins la question et de nous entendre.» Je ne vois rien de mal à cela.
M. Mulder: Nous avons exprimé notre point de vue. Je ne crois pas qu'il soit opportun pour nous de discuter avec vous du bine-fondé de leur cause. Vous avez écouté leur argument et nous faisons valoir le nôtre.
M. van Koughnett: Je tiens absolument à ce que nous en discutions. Premièrement, ACC était très ouverte à ce sujet. Le conseil se sert d'un processus officiel. Une demande d'examen et de modification est en instance devant le conseil.
Il est fort probable que le conseil ne dira pas qu'il n'a pas l'autorisation légale pour acquiescer à la demande d'ACC. Si le conseil rejette la demande, ce sera pour des raisons politiques et non par manque d'autorisation légale. Cela devrait être précisé.
Laissez-moi m'avancer un peu plus sur la raison politique qui serait avancée. Le Canada impose des restrictions en ce qui a trait à la propriété étrangère. Ces restrictions existent pour une raison, comme nous l'ont expliqué les représentants d'Industrie Canada au début de nos travaux aujourd'hui. Il se peut que ces questions soient soulevées en 1999 ou en 2000. Ces règles sont en place à l'heure actuelle et il n'est pas opportun pour le CRTC de les renverser afin de permettre à un revendeur d'accéder à un créneau de marché. Si le CRTC rejette la demande d'examen et de modification qui lui a été présentée, ce sera parce qu'il estime que le régime en ce qui a trait aux exploitants de centraux urbains est mieux servi par les entreprises canadiennes -- c'est-à-dire, les entreprises dont la propriété canadienne est d'au moins 53,3 p. 100. C'est une question de politique.
En ce qui concerne les amendements eux-mêmes, il serait légèrement exagéré de dire qu'ils ont été adoptés à la hâte. On ne pourrait rédiger un amendement visant à limiter l'attribution de licences aux intervenants internationaux sans se buter sur le problème qui se pose aujourd'hui pour ACC. ACC espérait un régime d'attribution de licences pour les services internationaux et canadiens. C'est ce que visait le projet de loi à l'étape de la première lecture. L'adjectif «international» a été ajouté dans le projet de loi d'un consentement presque unanime. Malheureusement, comme ACC manifeste de l'intérêt pour une licence relative à un service local et non à un service international, elle est directement touchée.
Le sénateur Oliver: Avez-vous entendu le témoignage des représentants de North American Gateway plus tôt aujourd'hui? L'entreprise souscrit pour ainsi dire à l'ensemble du projet de loi mais a déclaré qu'elle aimerait que le critère en ce qui a trait à la délivrance des permis se trouve dans le projet de loi lui-même. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
M. van Koughnett: Oui. Le Canada n'a pas l'habitude de donner des conseils précis au CRTC quant à la façon de prendre une décision de ce genre.
Premièrement, je crois que la préoccupation de North American Gateway n'est pas fondée, comme l'a fait ressortir le sénateur Oliver dans ses questions. Le CRTC s'est engagé de toute évidence sur la voie unique de la libéralisation. La seule question qui se pose porte sur la rapidité du processus. En limitant l'attribution des permis, le conseil reculerait devant l'engagement qu'il a pris de libéraliser et d'ouvrir les services internationaux.
Deuxièmement, je m'inquiète du fait que c'est l'approche qui s'est dégagée aux États-Unis lorsque la loi sur les télécommunications a été rédigée en 1996. On y avait inclus des dispositions détaillées qu'il aurait mieux valu laisser de côté pour la Federation Communications Commission. Je crois que tout le monde s'entend pour dire que c'était une erreur.
En d'autres mots, lorsque le Parlement prend des décisions stratégiques sans laisser de marge de manoeuvre, la situation se complique. En effet, des affaires se retrouvent devant les tribunaux sans compter les nombreux problèmes et retards.
Le sénateur Oliver: Aujourd'hui, j'ai posé aux représentants d'Industrie Canada un certain nombre de questions au sujet de l'attribution des licences. Je crois que vous étiez dans la pièce lorsqu'ils ont répondu. Ils ont pour ainsi dit que les monopoles étrangers pourraient exercer leurs activités au Canada, accéder aux marchés locaux et qu'ils ne pourraient pour ainsi dire rien faire à ce sujet. Si les monopoles étrangers pénètrent les marchés locaux canadiens par l'entremise d'installations, n'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'ils devraient respecter la loi, laquelle fixe les investissements étrangers à 46 p. 100?
M. van Koughnett: Oui.
Le sénateur Oliver: Le monopole étranger devrait être sous contrôle canadien, sinon il s'agit d'un revendeur et le CRTC, par l'entremise de ses lois actuelles, comme vous l'avez déjà dit ici aujourd'hui, dispose d'instruments de réglementation pour s'en occuper. Êtes-vous d'accord avec cela?
M. van Koughnett: Tout à fait, sénateur.
Le sénateur Oliver: Revenons en arrière et prenons l'exemple que les bureaucrates m'ont donné aujourd'hui au sujet de leur crainte des monopoles étrangers. Il me semble qu'il s'agissait là d'une attaque de pure forme étant donné que ces étrangers doivent respecter la loi actuelle qui fixe la limite des investissements étrangers à 46 p. 100.
M. van Koughnett: Oui. La question qui a été soulevée -- et vous avez tout à fait raison sénateur -- est tout à fait semblable à Hong Kong Telecommunications. Tout le monde tient à ce que cette disposition figure dans la loi. Il s'agirait d'un arrangement selon lequel il s'agit d'une entreprise dotée d'installations dans un pays étranger, mais d'un revendeur au Canada.
La question qui n'a pas été soulevée devant ce comité c'est le fait que les entreprises membres de Stentor et toutes les entreprises dotées d'installations -- je veux dire par là les services interurbains de Fonorola, Sprint Canada et AT&T Canada -- logeaient tous à la même enseigne. Nous étions tous pris dans la situation de Hong Kong Telecommunications et nous serons tous coincés dans la prochaine. Étant donné qu'il est très difficile de s'en prendre aux revendeurs, nous sommes les joueurs qui doivent couper les liaisons à un revendeur infâme comme Hong Kong Telecommunications et cela nous pose un sérieux problème de relations publiques. Et voilà où nous en sommes. Il y a un petit joueur à qui le CRTC dit d'aller de l'avant et de couper littéralement les liaisons à ces entreprises. C'est très difficile pour nous.
Sous l'autorité du régime d'attribution de licences -- et je crois que c'est la raison pour laquelle tous nos principaux partenaires commerciaux en ont un également -- c'est l'organisme qui a l'autorité dans le pays qui retire la licence et met fin aux activités du revendeur si celui-ci agit de la manière qu'a si bien décrite M. Helm lorsqu'il vous a parlé sur ce sujet. Je me rends bien compte que c'est égoïste, mais la vérité c'est qu'il vaut beaucoup mieux pour les entreprises de ne pas jouer le méchant rôle. Cela convient beaucoup mieux à l'autorité réglementaire. Je pense que c'est plus que de l'égoïsme; il s'agit simplement d'une politique gouvernementale inefficace. C'est la facette qui n'est pas encore ressortie aujourd'hui.
Le sénateur Oliver: J'étais content que le sénateur Bryden parle du problème de la rapidité avec laquelle le projet de loi a été adopté. J'ai tout lu ce qui a émané du comité de la Chambre des communes, y compris vos observations et, en toute franchise, vous n'y avez pas abordé cet aspect. Dans le cadre de votre témoignage aujourd'hui vous avez tous les deux insisté sur l'importance de l'urgence d'adopter ce projet de loi. Que s'est-il passé depuis votre comparution devant le comité des communes pour vous faire dire tout à coup qu'il faut absolument accélérer le processus et que nous devrions adopter cette mesure législative rapidement?
M. Mulder: J'accepte certainement les observations du sénateur Bryden lorsqu'il dit que nous devons nous assurer qu'il s'agit d'un bon produit sans nous soucier d'un échéancier précis. Cependant, en même temps, nous avions espéré, lorsque l'entente a été conclue en février dernier, que la mesure législative aurait été présentée et adoptée par les deux chambres du Parlement avant la fin de l'année civile 1997.
Le sénateur Oliver: Une prolongation leur a été accordée.
M. Mulder: Ce n'est pas seulement en raison des accords de l'OMC mais aussi du fait que, tant qu'une loi n'est pas adoptée dans certains domaines, le CRTC, qui doit régler les problèmes, ne peut procéder aussi rapidement qu'il l'aurait espéré. Personne ne parle d'une semaine ou deux, mais plus vite le Parlement promulguera la mesure législative mieux toutes les parties s'en porteront. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que, en dernière analyse, il faut s'assurer que vous et d'autres sont convaincus qu'il s'agit de la mesure législative indiquée.
Le sénateur Oliver: Il y une autre différence que je remarque entre le témoignage que vous avez donné devant le comité de l'autre endroit et celui-ci. Je n'ai pas beaucoup entendu parler de l'adoption d'une disposition de temporisation, M. Mulder ayant uniquement mentionné une disposition qui serait en vigueur «un certain nombre d'années». À la Chambre des communes, plusieurs grandes entreprises de télécommunication ont parlé d'une disposition de temporisation qui prendrait fin en l'an 2000. Je me demande ce qui s'est passé. Vous parlez aujourd'hui d'une disposition qui resterait en vigueur «un certain nombre d'années».
M. Mulder: Il y a des désaccords au sein de la famille Stentor, si je peux l'appeler ainsi, de l'alliance, comme il y en a au sein de n'importe quelle grande entreprise dynamique. Les membres s'entendent de manière générale pour dire qu'ils pourraient s'adapter à un régime pendant un certain nombre d'années, à la condition que les restrictions sur l'attribution de licences soient limitées aux services internationaux. Certains membres de l'alliance, notamment Telus, ont dit: «Oui, c'est très bien, mais fixons une date précise.» C'est pour cette raison que Telus, lorsqu'il a comparu devant le comité de la Chambre des communes, a dit: «Fixons un délai.»
Le sénateur Oliver: Que pensez-vous de l'an 2000?
M. Mulder: Nous partons du principe qu'aucune législation n'est immuable et qu'il sera possible, à un moment donné, d'en supprimer les éléments jugés superflus. Mais il y a encore plus. Lorsque vous soumettez une série de modifications à un groupe de législateurs, vous n'obtenez pas tout ce que vous voulez.
Avons-nous réalisé des progrès au chapitre des modifications que nous avons demandées? Oui, parce que nous avons beaucoup insisté. Nous n'étions pas les seuls. Nous avons obtenu deux modifications auxquelles nous tenions beaucoup. La première concerne les restrictions applicables aux services internationaux, et la deuxième, de ne pas autoriser le CRTC à intervenir dans des secteurs d'exploitation autres que ceux qui sont déjà visés par les règlements actuels du CRTC. Ces modifications ont également été acceptées par la Chambre des communes.
En un mot, certains de nos membres estimaient qu'il fallait prévoir une disposition de temporisation, mais cette proposition ne faisait pas l'unanimité. Par ailleurs, la Chambre des communes a apporté certaines des modifications importantes que nous avions réclamées.
Le sénateur Oliver: Un des membres de l'alliance nationale juge qu'il serait utile, dans les circonstances, de prévoir une disposition de temporisation qui prendrait fin en l'an 2000.
M. Mulder: Il serait utile d'en avoir une, mais cette question n'est pas aussi importante que certains des autres points qui ont été abordés à la Chambre ou ici, au Sénat.
Le sénateur Oliver: Ma dernière question porte sur le régime d'attribution de licences et la Loi sur la concurrence. À mon avis, le CRTC a sans doute le pouvoir de régler la plupart des problèmes qui soulèvent des inquiétudes au moyen des lois existantes. Autrement, la plupart de ces problèmes pourraient et devraient être réglés au moyen de la Loi sur la concurrence. Supposons qu'un monopole étranger établisse une filiale au Canada dans le but d'offrir des frais de résiliation ou des taxes de répartition à des tarifs plus intéressants que ceux de ses concurrents. Cette pratique serait, à tout le moins, qualifiée de discriminatoire et constituerait une infraction en vertu de l'alinéa 50(1)a) de la Loi sur la concurrence. Êtes-vous de cet avis?
M. van Koughnett: J'aimerais pouvoir vous dire «oui», mais, en fait, je ne le sais pas parce que je crains que l'infraction elle-même ne soit pas commise au Canada, mais dans le pays destinataire, comme Hong Kong. Pour être honnête avec vous, je ne sais pas comment répondre à cette question.
Le sénateur Oliver: Est-ce qu'on pourrait peut-être qualifier cette pratique d'abus de position dominante en vertu des articles 78 et 79 de la Loi sur la concurrence?
M. van Koughnett: Encore une fois, je ne le sais pas. Dans le cas de Hong Kong Tel, qui est la compagnie que nous utilisons comme exemple, elle ne détenait qu'une très petite part du marché canadien. Encore une fois, je crains que, en raison du monopole qu'elle exerce à Hong Kong, c'est dans ce marché qu'elle serait en position dominante.
Le sénateur Oliver: Les représentants du gouvernement -- vous étiez ici et vous l'avez entendu -- parlaient du cas d'un télécommunicateur étranger qui serait en position dominante au Canada, de sorte que la loi canadienne s'appliquerait. Ne croyez-vous pas également qu'il s'agirait là d'une pratique déloyale de fixation de prix, pratique qui constitue une infraction aux termes de l'alinéa 50(1)c) de la Loi sur la concurrence?
M. van Koughnett: Oui, je suis d'accord avec cela, mais à la condition que vous arriviez à démontrer que cette pratique a pour but de nuire aux entreprises existantes, ce qui, à mon avis, constitue un élément de cette infraction.
Le sénateur Oliver: Je présume que nous pourrions le faire. Par conséquent, le Canada pourrait recourir à la Loi sur la concurrence pour régler un problème potentiel.
Monsieur Mulder, avez-vous un autre exemple à nous donner, outre celui de la Hong Kong Tel?
Pouvez-vous nous donner un autre exemple d'un problème potentiel que le régime d'attribution de licences permettrait de régler à l'échelle internationale?
M. Mulder: Les avocats m'ont dit qu'il est important, au fur et à mesure que s'ouvre le marché, que tous les joueurs à l'échelle nationale, et surtout les nouveaux concurrents au niveau international, soient au courant de leurs droits et de leurs obligations lorsqu'ils opèrent au Canada. Nous pensons qu'il peut être utile, pendant quelques années, de les assujettir à un organisme de réglementation. Celui-ci veillera à ce que les entreprises installées au Canada connaissent bien leurs droits et obligations puisque ceux-ci, à bien des égards, varient d'un pays à l'autre.
Après quelques années, au fur et à mesure que la concurrence s'installera, cette exigence ne sera plus nécessaire puisque tous les joueurs seront conscients de leurs droits et obligations. J'insiste là-dessus.
Y a-t-il d'autres cas qui justifieraient l'existence d'une telle disposition?
M. van Koughnett: Non, vous avez raison. M. Helm en a parlé ce matin. Cette démarche avait pour but de rendre notre régime conforme à celui de nos principaux partenaires commerciaux.
Le sénateur Oliver: Pourquoi instituer des règlements qui ont tendance à être anticoncurrentiels alors que le CRTC, entre autres, essaie d'ouvrir notre marché à la concurrence?
M. Robert Tritt, directeur national, Affaires internationales, Stentor: J'aimerais revenir à une question qui a été posée plus tôt, à savoir pourquoi nous devons recourir à un régime d'attribution de licences, et non à la Loi sur la concurrence, pour venir à bout d'une pratique anticoncurrentielle. Le problème, si nous prenons les exemples que vous cités, c'est qu'il faut arriver à démontrer si cette pratique se produit au Canada ou à l'étranger. Des questions seront soulevées et il faudra sans doute un certain temps pour mener une enquête.
En ce qui concerne les entreprises qui obtiennent une licence en vertu du régime proposé, il serait utile -- et nous sommes nombreux à l'avoir proposé au CRTC -- d'instituer un processus accéléré qui permettrait au CRTC d'intervenir rapidement contre une entreprise soupçonnée de conduite anticoncurrentielle. Je suppose qu'il serait très difficile d'intervenir très rapidement en vertu de la Loi sur la concurrence.
Dans notre milieu, un délai de quelques semaines veut dire beaucoup, que ce soit au chapitre de la clientèle ou autre, pour l'entreprise qui est en mesure de tirer parti d'une situation dans un marché grâce aux accords préférentiels qu'elle a conclus avec un monopole étranger. Il sera plus facile, grâce au régime d'octroi de licences, d'assurer l'application des règles.
Le sénateur Oliver: A-t-on discuté de cette question avec le Tribunal de la concurrence? Est-il d'accord avec la proposition que vous avez soumise?
M. Tritt: Le Tribunal de la concurrence suit de très près les audiences du CRTC. Il a adressé une série de questions aux parties intéressées, et interviendra vraisemblablement dans le processus.
Le sénateur Oliver: J'ai l'impression que, ce que l'on craint avant tout, c'est la concurrence même.
M. Mulder: Il est vrai, comme vous le dites, que les règlements visant l'industrie peuvent, avec le temps, être intégrés à une loi sur la concurrence d'application générale. Cela fait partie du processus et nous l'acceptons. Reste à savoir quand et en vertu de quelles règles. C'est pourquoi nous nous sommes demandés s'il n'y aurait pas lieu, à un moment donné, de supprimer toutes les exigences relatives à l'octroi de licences.
Le marché évolue rapidement. De nombreux joueurs entrent dans un secteur où, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale, il existait un monopole. De manière générale, la meilleure chose à faire, c'est d'utiliser l'organisme de réglementation actuel qui comprend bien l'industrie et qui peut intervenir sans délai. Comme je l'ai déjà dit, nous souscrivons à ce principe. Avec le temps, ces questions devraient être réglées à l'échelle nationale et internationale en vertu de la Loi sur la concurrence, comme on le fait dans le secteur de l'énergie ou des transports ou dans tout autre secteur de l'économie. Nous ne sommes pas contre l'objectif visé, sauf que nous mettons en doute les moyens utilisés pour l'atteindre.
[Français]
Le sénateur De Bané: Dans le régime vers lequel nous nous dirigeons, le client pourra-t-il choisir la firme qu'il désire pour ses appels internationaux? Téléglobe sera-t-elle une compagnie parmi les autres? Est-ce le régime vers lequel nous nous dirigeons?
M. van Koughnett: C'est exact. La question devant le comité est celle de la vitesse. Téléglobe pense que les jours de monopole sont terminés. Il faut décider des conditions et du rythme de changement d'un régime où l'industrie sera assujettie comme n'importe quelle autre, l'automobile, par exemple. On pourra choisir n'importe quelle compagnie pour conclure un contrat.
Le sénateur De Bané: Une compagnie comme Bell Canada qui est membre de Stentor et qui est actionnaire dans Téléglobe, va également offrir à ses clientèles d'acheminer leurs appels internationaux. Cela va cannibaliser son chiffre d'affaires dans Téléglobe.
M. van Koughnett: C'est exact.
Le sénateur De Bané: Où est son intérêt?
M. van Koughnett: Heureusement, il ne faut pas répondre à cette question aujourd'hui ou dans les prochains mois. Dans les prochaines années, la compagnie devra affronter cette difficulté quand elle décidera d'acheter des actions d'un compétiteur. Il n'y a pas de solution d'intérêt public. C'est une solution pour les actionnaires de BCE.
Le sénateur De Bané: Télésat pourrait-elle étendre ses opérations à des domaines autres que les communications domestiques?
M. van Koughnett: Oui, Télésat a réussi, dans les derniers 18 mois, à commencer ses opérations aux États-Unis afin d'avoir l'occasion d'opérer partout au monde.C'est un succès pour Telesat. Telesat a commencé après Téléglobe.
Le sénateur De Bané: Bell Canada est actionnaire de Télésat. Quels sont les autres actionnaires de Télésat?
M. van Koughnett: Toutes les autres compagnies téléphoniques traditionnelles de Stentor dans les autres provinces.
Le sénateur De Bané: Les compagnies du groupe Stentor sont aussi actionnaires de Télésat?
M. van Koughnett: Oui.
Le sénateur De Bané: Donc l'usager pourra faire affaire avec la compagnie de son choix? Les compagnies étrangères feront affaire ici?
M. van Koughnett: Certainement.
Le sénateur De Bané:Vous pensez que les compagnies membres de Stentor vont pouvoir faire affaires dans les autres pays du monde?
M. van Koughnett: C'est le but visé.
Le sénateur De Bané: Bonne chance.
[Traduction]
La présidente: Je tiens à remercier M. Mulder et ses collègues pour leur exposé.
Nous allons maintenant entendre les représentants de Téléglobe Inc. Vous avez la parole.
Mme V.M. Bradford, vice-présidente, Relations externes et gouvernementales, Téléglobe Inc.: Comme le savent les honorables sénateurs, Téléglobe Inc. est une société ouverte qui a pour principale filiale Téléglobe Canada, le communicateur intercontinental en titre des Canadiens depuis 1950.
[Français]
Nous sommes ici pour faire part de notre point de vue sur le projet de loi C-17. Je tiens à vous dire d'emblée que nous appuyons ce projet de loi, parce qu'il tient compte des intérêts des entreprises de télécommunication canadiennes.
Le gouvernement ayant pris soin de les consulter pendant et après les négociations de l'Organisation mondiale du commerce, le projet C-17 est également conforme aux engagements souscrits par le Canada aux fins de l'OMC ainsi qu'aux dispositions de l'accord général sur le commerce des services de télécommunication de base qui est entré en vigueur après notre rencontre avec le comité de la Chambre des communes. Il est donc grand temps, selon nous, de l'adopter.
[Traduction]
Le projet de loi C-17 prévoit des modifications à la Loi sur les télécommunications et, surtout, à la Loi sur Téléglobe adoptée lors de la privatisation de l'entreprise en 1987.
Il représente la suite logique d'une évolution qui nous a fait passer du statut de société d'État à celui de société par actions. Grâce à cette nouvelle loi, Téléglobe pourra non seulement lutter à armes égales avec ses concurrents, mais aussi accéder plus facilement aux marchés étrangers, deux conditions nécessaires à sa croissance et à sa réussite.
Téléglobe emploie quelque 1 200 personnes, dont 900 au Canada, et son réseau compte parmi les plus étendus au monde, avec un actif qui s'établissait à 2,6 milliards de dollars à la fin de 1997. Au cours de la dernière année, nous avons inscrit un chiffre d'affaires de 2 milliards de dollars et un volume de trafic d'environ 2,8 milliards de minutes.
Nos tarifs ont diminué considérablement depuis notre privatisation, surtout depuis 1995, quand nous avons fait passer notre tarif moyen de 80 cents la minute à 66 cents la minute. Nos tarifs sont également toujours plus en deçà du plafond imposé par le CRTC. Nous nous réjouissons à l'idée de renouveler notre contribution au secteur des télécommunications canadiennes et de jouer un rôle directeur dans un contexte où la réglementation laissera plus de latitude aux forces du marché.
Le 1er octobre 1998, la libéralisation des télécommunications canadiennes franchira une nouvelle étape avec l'ouverture du marché des installations de transmission intercontinentale à la concurrence. C'est une mesure dont nous faisons la promotion depuis plus de deux, car nous sommes persuadés que la concurrence profitera non seulement aux consommateurs, mais également aux entreprises qui, comme nous, ont des ambitions mondiales.
À cet égard, il convient de rappeler que l'accord de l'OMC concerne 90 p. 100 du marché mondial des télécommunications, évalué à 880 milliards de dollars. Au cours des négociations qui ont mené à cet accord, le gouvernement canadien a pris en compte les avantages d'une concurrence mondiale sans jamais perdre de vue les intérêts canadiens.
Plutôt qu'un marché de 30 millions de consommateurs qui génère environ 2 milliards de minutes de trafic international par année, Téléglobe peut maintenant viser un marché de 6 milliards de consommateurs qui devrait afficher un trafic international d'environ 75 milliards de minutes cette année, et de 100 milliards de minutes en l'an 2000, compte tenu d'un taux de croissance annuel de 15 p. 100.
Déjà, sous l'impulsion de la nouvelle direction pilotée par Charles Sirois, Téléglobe a pris pied sur les marchés les plus importants, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, et a ouvert une trentaine de bureaux de par le monde. De plus, nous avons des clients dans 70 pays et des accords d'interconnexion avec la quasi-totalité des grands télécommunicateurs. En 1997, notre trafic non canadien a plus que doublé par rapport à l'année précédente.
[Français]
Téléglobe n'a pas la taille de ses principaux adversaires, c'est évident, dont AT&T, Sprint, British Telecom et MCI, mais il a l'avantage de concentrer ses efforts sur le marché des télécommunications internationales.
Téléglobe jouit, en outre, d'une capacité de réaction exceptionnelle étant donné ses 1 200 effectifs. Cela dit, nous exploitons tout de même le deuxième réseau intercontinental en importance en Amérique du Nord. Nous avons récemment investi 25 millions de dollars dans la construction, à Montréal, d'un centre de gestion de réseaux à la fine pointe de la technologie.
Il convient de souligner que l'expansion mondiale de Téléglobe profitera au consommateur canadien du fait qu'elle entraînera des économies d'échelle qui se répercuteront sur la tarification.
De toute évidence, Téléglobe a beaucoup changé depuis sa privatisation en 1987. Il en est de même pour son secteur d'activité qui connaît actuellement une révolution sans précédent sous l'influence conjuguée de la concurrence et du progrès technologique.
L'heure est à la privatisation, à la concurrence et à la déréglementation. Les frontières tombent au fur et à mesure des progrès de la technologie tandis que les arrangements bilatéraux traditionnels entre les monopoles d'état sont en voie de disparaître.
[Traduction]
Ayant pris acte de cette tendance lourde, Téléglobe a réduit ses coûts de distribution, négocié des taxes de répartition plus avantageuses, rehaussé l'efficience de son réseau et trouvé des nouveaux moyens d'acheminement, autant de mesures qui ont bénéficié aux consommateurs canadiens.
À preuve, comme je l'ai déjà mentionné, nos tarifs moyens à la minute sont beaucoup plus bas que les prix plafonds que le CRTC nous a imposé. Cette évolution à la baisse va s'accentuer maintenant que le marché canadien s'ouvre à la concurrence et que les fournisseurs tant canadiens qu'étrangers vont se retrouver sur un pied d'égalité. On comprendra, dans ce contexte, que Téléglobe demande à être libéré de certaines contraintes réglementaires. Le Canada ayant pris le virage de la mondialisation dans le secteur des télécommunications, il se doit d'adapter sa politique nationale en la matière pour assurer la compétitivité des entreprises nationales. C'est justement l'un des principaux objectifs du projet de loi C-17.
J'aimerais maintenant commenter quelques aspects de la Loi sur Téléglobe et de la Loi sur les télécommunications.
Depuis l'automne 1995, Téléglobe préconise la fin de son monopole sur les installations de transmission intercontinentales et l'introduction d'une concurrence viable. À notre avis, tous les télécommunicateurs devraient être traités de la même façon et assujettis à la Loi sur les télécommunications, ce qui nous a amenés à demander l'abrogation de la Loi sur Téléglobe. Nous avons également plaidé pour un accès amélioré aux marchés étrangers, et tout particulièrement au marché américain. Or, bien que le projet de loi C-17 ne réponde pas en tous points à nos demandes, nous croyons qu'il nous accorde essentiellement les mêmes droits qu'aux autres télécommunicateurs canadiens.
Avant de traiter des modifications que le projet de loi C-17 apporte à la Loi sur les télécommunications, et plus particulièrement des attributions du CRTC au titre du régime d'autorisation décrit à l'article 3, je pense qu'il serait utile de situer la question des licences dans son contexte.
Lorsqu'il a fait connaître, par voie de communiqué en date de février 1997, les détails de l'offre élargie du Canada aux négociations de l'OMC, sur les services de télécommunications de base, le ministère de l'Industrie a indiqué que le CRTC serait appelé, en vertu du nouveau régime d'autorisation, à fixer les conditions d'exploitation de tous les fournisseurs de services internationaux.
Puis, en mai 1997, Industrie Canada a avisé le CRTC par lettre que le gouvernement entendait modifier la Loi sur les télécommunications de manière à lui conférer le pouvoir légal d'imposer aux fournisseurs de toutes catégories qu'ils obtiennent une licence et respectent certaines conditions pour mener leurs activités. C'est ce que prévoit l'article 3 du projet de loi C-17.
À notre avis, l'introduction d'un régime d'autorisation fondé sur l'octroi de licences est nécessaire au maintien d'un certain ordre sur le marché des télécommunications internationales. Autrement, on pourrait difficilement obliger les fournisseurs étrangers à respecter les politiques et la réglementation canadiennes.
Car il ne faut pas se leurrer, le jeu de la concurrence serait faussé en l'absence de contraintes réglementaires et de mécanismes de sanction. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé récemment avec Hong Kong Telecommunications, notamment, qui a refusé de se plier à la réglementation canadienne.
Dans l'exposé de principes qu'elle a présenté au comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes, CallNet Enterprises a souligné que pratiquement tous les pays ouverts à la concurrence avaient instauré un régime d'autorisation fondé sur l'octroi de licences et qu'elle appuyait le projet de loi pour cette raison. Nous partageons cette position. Le régime de réglementation actuel, qui est basé sur l'approbation des tarifs, ne peut empêcher un fournisseur étranger de profiter d'avantages indus. Pour nous assurer que tous les Canadiens bénéficient d'une concurrence véritable, nous avons besoin d'un régime d'octroi de licences qui obligerait tous les joueurs à respecter les conditions d'exploitation générales et certaines prescriptions en matière d'information.
Le régime d'octroi de licences internationales proposé dans le projet de loi C-17 ne viendra pas alourdir la réglementation actuelle, mais renforcera plutôt son efficacité et son efficience.
Il convient de répéter que bon nombre de pays industrialisés ont adopté un tel régime, y compris les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Australie, qui sont tous d'importants partenaires commerciaux du Canada. Téléglobe a elle-même sollicité des licences sur les marchés précités et juge que les régimes d'autorisation en place sont raisonnables et incitent les fournisseurs à jouer franc-jeu.
Le CRTC a lancé une consultation publique sur la question d'un régime de licences internationales canadien. Dans un exposé de principe qu'elle lui a soumis à ce sujet en novembre, Téléglobe, à l'instar de nombreux autres intervenants, a plaidé pour un régime à la fois souple et rationnel, qui imposerait des conditions minimales aux demandeurs. Ainsi, tous les joueurs si plieraient aux mêmes règles en matière d'acheminement, d'exploitation et d'information, tandis que le CRTC aurait les outils voulus pour jouer le rôle d'arbitre comme il se doit.
Pour terminer, il faut rappeler que le Canada est considéré comme un modèle à l'étranger pour sa législation et sa réglementation en matière de télécommunications. Nous croyons que l'adoption du projet de loi C-17 viendra renforcer cette réputation bien méritée.
J'aimerais maintenant vous dire quelques mots au sujet de la revente à des fins de transit. Au cours de vos délibérations, il pourrait être question de cette pratique suivant laquelle du trafic téléphonique est acheminé sur une liaison spécialisée internationale jusqu'à un deuxième pays pour réacheminement, après commutation, vers un troisième pays. Cette pratique a été interdite jusqu'en décembre 1997, le CRTC ayant reconnu qu'elle affectait la balance des paiements de Téléglobe, constituait un cas de contournement des installations canadiennes et se répercutait négativement sur les prix, même si certains joueurs dans le marché canadien utilisaient déjà cette pratique en contravention des règles canadiennes.
Dans une décision publiée le 19 décembre 1997, le CRTC a autorisé la revente à des fins de transit pour tous les pays sauf les États-Unis. Téléglobe a demandé au gouverneur en conseil de renvoyer sa décision devant le CRTC aux motifs suivants: a) elle n'est pas conforme à l'accord de l'OMC parce qu'elle est discriminatoire à l'égard d'un membre de cette organisation, soit les États-Unis; b) elle ne respecte pas le calendrier établi par le gouvernement, qui fixe l'ouverture des installations au 1er octobre 1998 et la levée des restrictions en matière d'acheminement au 31 décembre 1999; et c) elle anticipe sur la décision que le CRTC devra rendre aux termes de la consultation lancée par l'avis public 97-34.
Honorables sénateurs, la revente à des fins de transit n'a pas de lien direct avec le projet de loi C-17. C'est une question que le gouverneur en conseil devra trancher dans les plus brefs délais. Dans les circonstances, vous comprendrez que Téléglobe serait malvenue d'en dire plus long à ce sujet.
Nous sommes ici pour parler de la nécessité, pour le Canada, de modifier la législation relative à Téléglobe et aux télécommunications fin de se conformer à ses engagements auprès de l'OMC.
[Français]
Nous envisageons l'échéance du 1er octobre avec optimisme en ce qui concerne le marché canadien et le reste du monde. L'accord de l'OMC nous a donné l'assurance que nous pourrons poursuivre notre expansion mondiale. Nous avons mis plusieurs années à percer le marché américain. L'instruction de nos demandes d'autorisation a été retardée aux États-Unis suite à un différend commercial créé par le Country Music Television Channel. Il a fallu attendre février de cette année pour finalement obtenir de FCC les licences d'exploitation voulues en application de l'article 214.
À une échelle planétaire, Téléglobe est un petit joueur. On peut même dire un petit prince. Des acquisitions comme celle de MCI par Worldcom qui a coûté 37 milliards de dollars vous donne la mesure de nos adversaires.
De plus, la plupart de nos concurrents, qu'il s'agisse de AT&T, de Sprint ou d'autres, font partie d'alliances mondiales et ont déjà pris pied sur le marché canadien de l'interurbain.
Malgré tout, nous croyons être en mesure de poursuivre notre croissance au Canada et à l'étranger à condition de bénéficier d'une réglementation qui favorise une concurrence loyale.
Depuis deux ans, nous réclamons l'ouverture du marché canadien, ce qui aurait pour effet d'encourager l'entrepreneurship et l'innovation. Selon nous, une concurrence loyale et durable passe par la mise en place de licences internationales rationnelles.
[Traduction]
L'accord de l'OMC est entré en vigueur le 5 février dernier. Il est donc grand temps d'adopter le projet de loi C-17. Nous insistons bien là-dessus. Après la modification de la loi la concernant, Téléglobe se trouvera sur un pied d'égalité avec ses concurrents et pourra accélérer sa croissance à l'échelle internationale à partir du Canada. En outre, le jeu de la concurrence sera clairement défini et pourra bénéficier à l'ensemble des consommateurs canadiens.
Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Oliver: J'aimerais que vous m'expliquiez la différence qui existe entre les deux concepts qui figurent dans votre mémoire. Les pages ne sont pas numérotées, mais c'est là où vous dites que Téléglobe demande à être libérée de certaines contraintes. Vous avez dit que l'évolution à la baisse va s'accentuer maintenant que le marché canadien s'ouvre à la concurrence et que les fournisseurs tant canadiens qu'étrangers vont se retrouver sur un pied d'égalité.
On comprendra, dans ce contexte, que Téléglobe demande à être libérée de certaines contraintes réglementaires. Vous voulez être libérés des contraintes imposées par le CRTC. Autrement dit, vous ne voulez être assujettis à aucun règlement. Voilà pour le premier concept. Pour ce qui est du deuxième concept, vous dites, plus loin, que pour nous assurer que tous les Canadiens bénéficient d'une concurrence véritable, nous avons besoin d'un régime d'octroi de licences qui obligerait tous les joueurs à respecter des conditions d'exploitation générales et certaines prescriptions en matière de l'information.
Téléglobe demande à être libérée de certaines contraintes. Elle ne veut être assujettie à aucun contrôle ou règlement. Vous voulez être en mesure de livrer concurrence aux autres joueurs dans ces nouveaux marchés. Or, vous demandez en même temps qu'on mette en place un régime de réglementation. Je ne comprends pas la différence qui existe entre ces deux concepts.
Mme Bradford: Votre question est intéressante. En effet, nous voulons un régime d'octroi de licences qui impose des règles générales. Tous les joueurs solliciteraient une licence pour fournir des services.
Si nous demandons à être libérés des contraintes réglementaires, c'est parce que nous assumons un fardeau additionnel du fait que notre monopole est réglementé. Nous devons faire approuver nos tarifs. Nous devons traiter tous nos clients sur un pied d'égalité. Nous ne pouvons pas accorder un prix spécial à un client en particulier. En fait, la loi comporte plusieurs autres restrictions qui nous empêchent de nous départir d'actifs sans l'approbation du conseil. Nous aimerions être traités comme les autres joueurs. Nous aimerions que Téléglobe, une fois la concurrence ouverte, soit assujettie au même régime d'octroi de licences et aux mêmes règles, c'est-à-dire, bien entendu, les règles que le conseil est en train de définir.
Le sénateur Oliver: Je pensais que Stentor était assujetti à des dispositions tarifaires, ainsi de suite. Demandez-vous à être libérés de ces dispositions?
Mme Bradford: Nous voulons être en mesure de fixer les prix sans le besoin d'avoir des tarifs.
Le sénateur Oliver: Est-ce que l'on procède de cette façon dans les autres pays?
Mme Bradford: Ce sont les règles qu'appliquent les autres pays, comme les États-Unis, dans un marché de libre concurrence.
Le sénateur Oliver: Concernant la propriété des câbles sous-marins et des stations terriennes, les entreprises en faveur de cette disposition affirment que, puisque les câbles sous-marins appartiennent entièrement à des intérêts étrangers, les entreprises de télécommunications canadiennes seront bien placées pour livrer concurrence aux réseaux américains pour ce qui est l'acheminement du trafic entre l'Europe et l'Asie. Quelles sont les entreprises canadiennes qui seront en mesure de livrer une telle concurrence?
Mme Bradford: Bien entendu, nous assisterons à d'autres changements aux termes de la loi, puisque d'autres entreprises pourraient être signataires aux conventions d'ENMARSAT et d'INTELSAT. À l'heure actuelle, la loi précise que nous sommes les seuls signataires. Cette situation va changer. D'autres entreprises pourront signer les conventions, se doter du même genre d'installations du secteur spatial et fournir des services au Canada.
Le sénateur Oliver: Quand ce marché sera-t-il ouvert à la concurrence?
Mme Bradford: J'imagine que ceux veulent tirer parti des débouchés le feront dès que les règles sont mises en place.
Le sénateur Oliver: Les témoins qui ont comparu devant nous plus tôt dans la journée ont proposé des modifications au projet de loi. Vous avez commenté une des propositions, mais pas l'autre. North American Gateway veut que les critères régissant l'octroi de licences soient définis dans le projet de loi. ACC Enterprises a également formulé des propositions, et vous avez déjà exposé vos vues là-dessus. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la recommandation du premier groupe?
Mme Bradford: Vous voulez connaître notre avis sur la modification proposée par NAG?
Le sénateur Oliver: Oui.
M. Greg Kane, avocat, Téléglobe Inc.: Sénateur, à notre avis, il n'est pas nécessaire de réduire les pouvoirs du CRTC en imposant des critères pour l'octroi des licences. Nous sommes très impressionnés par la consultation qu'a lancée le CRTC en vertu de l'avis public 97-34.
Le sénateur Oliver: En quoi consistent ces critères? Que disent les critères actuels?
M. Kane: Ce qui est encourageant, c'est que les critères ont une portée très vaste en ce sens qu'ils ne limitent pas les activités des télécommunicateurs. Pratiquement tous les intervenants s'entendent pour dire que le régime d'octroi de licences ne devait pas être accablant. Ce consensus, à mon avis, sera reflété dans la décision du Conseil, qui se laissera guider par un élément important du projet de loi, soit que le régime doit viser une catégorie de services. Le Conseil appliquera donc les mêmes règles aux télécommunicateurs. En fait, il n'est pas nécessaire, à notre avis, d'avoir des critères.
Le sénateur Oliver: Dans le document original de mai 1997 d'Industrie Canada, que vous avez approuvé d'emblée, il était question des fournisseurs de services de toutes catégories. Or, d'après la modification adoptée par la Chambre des communes, le régime s'appliquerait uniquement aux fournisseurs de services internationaux. Vos partenaires commerciaux ne risquent-ils pas d'y voir là un problème?
M. Kane: Pas du tout. Comme l'ont indiqué plus tôt les représentants d'Industrie Canada, et comme nous l'avons mentionné, presque tous les pays signataires de l'accord de l'OMC ont adopté un régime d'octroi de licences. M. Science, de North American Gateway, vous a dit qu'il avait été obligé de solliciter une licence, en Angleterre, pour offrir un service de revente à des fins de transit qui, en fait, constitue l'essentiel de son plan d'entreprise. Il l'a obtenue sans aucune difficulté. Si j'ai bien compris, il est en faveur de l'instauration d'un régime d'octroi de licences au Canada.
Le sénateur De Bané: Lorsque je me rends à l'étranger, j'utilise le service Canada Direct, qui est offert par Téléglobe.
Mme Bradford: Je suis heureuse de voir que vous utilisez ce service et que vous le trouvez utile. J'espère que vous voyagez beaucoup à l'étranger. C'est un service que nous offrons, sous licence, par l'entremise du groupe Stentor. Nous fournissons la liaison internationale, et les compagnies membres de Stentor offrent le service téléphoniste. C'est un service que nous offrons conjointement. Nous allons continuer de collaborer avec Stentor en vertu de la nouvelle entente que nous avons conclue, et fournir ce service pendant encore plusieurs années.
Le sénateur De Bané: Pourquoi ce service est-il offert uniquement dans certains pays?
Mme Bradford: Nous aimerions pouvoir l'offrir dans les 240 pays et territoires que nous desservons, mais bien entendu, nous devons toujours négocier avec les télécommunicateurs des autres pays afin de voir s'ils vont nous permettre ou non de fournir ce service. Au fur et à mesure que nous diversifions nos activités à l'échelle mondiale et que nous nous installons dans des marchés clés, si un télécommunicateur dans un autre pays choisit de ne pas fournir ce service, nous allons l'offrir nous-mêmes en nous établissant dans ce marché. Par exemple, nous avons mis sur pied, au Royaume-Uni, la compagnie Teleglobe U.K., de sorte que nous sommes maintenant en mesure de fournir ce service dans ce pays.
Le sénateur De Bané: J'ai noté que dans certains pays, nous pouvons communiquer avec quelqu'un dans un pays tiers par l'entremise de Canada Direct. Toutefois, ce service n'est pas offert dans tous les pays.
Mme Bradford: Encore une fois, il faut voir si l'organisme de réglementation dans l'autre pays va nous autoriser ou non à offrir ce service. Il est très probable que le télécommunicateur, surtout dans un marché monopolistique, refuse que ce soit notre entreprise qui achemine l'appel vers un pays tiers, en passant par le Canada. Nous essayons, lorsque possible, de négocier une entente. Grâce à l'entrée en vigueur prochaine de l'accord de l'OMC et à la libéralisation des marchés, nous serons mieux à même de fournir ce service aux Canadiens.
Si je puis me permettre, les négociations de l'OMC ont constitué un bon point de départ. Nous devrons entreprendre de nouvelles négociations, et nous espérons qu'elles débuteront en 1999. Après tout, nous comptons des clients dans quelque 70 pays et nous desservons 240 pays et territoires à l'échelle mondiale. Il y a beaucoup de travail à faire.
La présidente: Est-ce que la participation étrangère de Téléglobe, en raison des restrictions qui existent, va passer de zéro à 46,7 p. 100?
Mme Bradford: Téléglobe n'est assujettie à aucune restriction visant la propriété étrangère. C'est la Loi sur les télécommunications qui impose des limites aux investissements étrangers. Or, il existe effectivement une disposition qui interdit à tout télécommunicateur étranger de détenir des actions dans Téléglobe, et cette disposition disparaîtrait. Nous tomberions sous le coup de la Loi sur les télécommunications, qui limite les investissements directs et indirects dans l'entreprise à 46,7 p. 100.
La présidente: Je ne veux pas que Téléglobe nous confie ses secrets, mais comment l'entreprise entend-elle tirer parti de la libéralisation des marchés? A-t-elle l'intention de conclure des ententes de partenariat?
Mme Bradford: Notre stratégie diffère de celle des méga-compagnies, comme nous les appelons, qui, elles, ont tendance à former une alliance avec le télécommunicateur implanté dans un marché étranger -- par exemple, une alliance formée de Sprint, Deutch Telecom et France Télécom. Nous préférons collaborer avec les télécommunicateurs traditionnels, comme nous le faisons depuis toujours, et ne pas former d'alliances avec les méga-compagnies. Cela nous permet de nous associer aux nouveaux joueurs qui entrent dans le marché. La libéralisation aidant, on remarquera de plus en plus que les nouveaux joueurs sur le marché ne voudront pas reproduire un réseau international comme le nôtre. Ce sont à ces nouveaux joueurs que nous serons en mesure de vendre nos services.
Par ailleurs, nous avons déjà percé, aux États-Unis, des marchés à créneaux où nous desservons les communautés ethniques qui souhaitent communiquer avec leur pays d'origine. Nous desservons également certaines des grandes entreprises dont les besoins en services internationaux sont grands. Nous diversifions nos activités selon les marchés, selon les segments de marché. La réponse est «peut-être». Il est toujours possible de former des alliances, mais nous n'avons pas l'intention de nous lancer dans cette voie pour l'instant.
La présidente: Merci beaucoup pour vos exposés.
La séance est levée.