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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 17 mars 1998

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui est saisi du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada, se réunit aujourd'hui à 17 h 25 pour en faire l'étude.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Chers collègues, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-17. Nos premiers témoins sont des représentants de CallNet.

Si vous voulez bien commencer.

M. Bob Boron, vice-président principal, chef du contentieux et secrétaire, CallNet: Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas CallNet, laissez-moi vous donner quelques précisions: CallNet possède 100 p. 100 des parts de Sprint Canada, le fournisseur concurrent de services interurbains le plus important au Canada. Sprint Canada fournit des services de télécommunications dans toutes les provinces et emploie environ 2 000 Canadiens dans l'ensemble du pays.

CallNet est une entreprise à propriété et contrôle canadiens dont les actions sont émises sur les marchés publics. Elle bénéficie d'un contrat de licence de Sprint Corp. aux États-Unis qui lui permet d'utiliser la marque «Sprint» au Canada. CallNet est aussi l'actionnaire fondateur de Microcell Telecommunications, l'un des tous derniers fournisseurs de postes radiotéléphoniques mobiles SCP au Canada. CallNet possède actuellement environ 11 p. 100 de Microcell.

Étant donné que CallNet fournit des services internationaux de télécommunications aux consommateurs et entreprises à travers le Canada, les questions soulevées par le projet de loi C-17 sont d'une grande importance pour notre entreprise. Et c'est pour cela que j'aimerais vous remercier de nous avoir permis de comparaître devant le comité cet après-midi.

J'aimerais tout d'abord souligner que CallNet appuie le projet de loi C-17. Ce projet de loi a été élaboré, d'abord et avant tout, pour mettre en oeuvre les obligations du Canada en vertu de l'Accord sur les télécommunications de base de l'OMC, un accord que CallNet appuie sans réserve. Dans le cadre de cet accord, le Canada s'assurera que les pays étrangers ouvrent leurs marchés à la concurrence internationale et, en échange, le Canada fera en sorte d'ouvrir son propre marché des télécommunications internationales à la concurrence, ce qui inclut l'élimination du monopole de Téléglobe en ce qui concerne les services outre-mer. Il s'agit donc de deux éléments qui sont bénéfiques pour le Canada.

L'un des éléments très important des modifications proposées à la Loi sur les télécommunications est la création d'un régime d'attribution de licence à l'intention des fournisseurs de télécommunication. CallNet approuve en soi l'adoption d'un régime d'attribution de licence, mais seulement pour les fournisseurs de services internationaux.

Lorsqu'il a comparu devant le comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes, CallNet a manifesté son opposition sans équivoque à un régime d'attribution de licence qui déborderait le cadre des services internationaux pour être utilisé sur le marché local. CallNet croyait alors, tout comme maintenant, que l'attribution de licence doit permettre d'accroître les pouvoirs du CRTC uniquement dans les secteurs pour lesquels la loi actuelle est inadéquate. Ainsi, les pouvoirs proposés d'attribution de licence doivent être restreints aux services internationaux. Nous croyons toutefois que le régime d'attribution de licence doit être adopté pour les services internationaux.

Compte tenu des modifications apportées par la Chambre à cet effet, CallNet est heureuse d'être en mesure d'appuyer le projet de loi tel qu'il est rédigé. CallNet est conscient que le comité sénatorial a participé à la conception de la Loi sur les télécommunications et il doit être félicité pour cette initiative. C'est ce comité qui, en 1992, s'est assuré que le gouvernement ne créait pas des pouvoirs réglementaires excessifs ou superflus, comme un régime d'attribution de licence pour les services intérieurs.

Nous sommes d'avis qu'un régime d'attribution de licence pour les services internationaux est une tout autre affaire. Nous serons heureux de répondre à toutes les questions que vous pourrez avoir à ce sujet.

Ceux d'entre vous qui ont examiné le mémoire que nous avons présenté au comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes, auront peut-être remarqué que CallNet y proposait un certain nombre de modifications au régime d'attribution de licence qui, nous croyons, amélioreraient le projet de loi. CallNet est d'avis que les questions que nous avons soulevées devant le comité de la Chambre pourront être traitées par le CRTC lorsqu'il aura mis au point son régime d'attribution de licence. Pour cette raison, CallNet ne propose plus de modifications particulières relatives à ce volet du projet de loi.

Devant le comité de la Chambre, CallNet a aussi soulevé la question de la délégation des pouvoirs. CallNet soutient que les modifications apportées par le comité de la Chambre répondent entièrement aux préoccupations soulevées par CallNet à ce chapitre.

Il existe toutefois un aspect sur lequel CallNet souhaite attirer l'attention du comité et lui demander de faire enquête auprès des représentants du gouvernement.

En vertu de la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada, CallNet aimerait souligner que l'article 19 du projet de loi abroge l'article de cette loi voulant que Téléglobe soit exemptée de l'obligation d'obtenir l'approbation du CRTC pour conclure des ententes d'interconnexion avec des entreprises étrangères. Il est clair que nous appuyons ce changement. Cependant, l'article 33 de cette loi -- qui correspond à l'article 22 du projet de loi -- exempte les contrats de Téléglobe déjà conclus à la date d'entrée en vigueur de l'amendement en supposant que ces contrats ont reçu l'approbation du CRTC. CallNet craint que cette disposition législative soit utilisée par Téléglobe pour tenter d'empêcher le CRTC de revoir ou de modifier les contrats déjà existants si ces contrats s'avéraient ne pas être dans l'intérêt public.

Il est donc important de ne pas permettre à Téléglobe, par exemple, d'exempter les contrats exclusifs à long terme déjà existants, ou non concurrentiels de quelque autre façon, car cette mesure aurait pour conséquence d'empêcher l'ouverture des marchés internationaux à d'autres entreprises canadiennes. L'exemption des contrats conclus durant la période monopolistique, à l'heure actuelle, alors que la concurrence ne cesse de s'accroître à l'échelle mondiale, ne manquerait pas de s'avérer néfaste pour le Canada ou pour la concurrence.

Devant le comité de la Chambre, CallNet a recommandé que le pouvoir du CRTC à cet effet soit précisé de façon explicite. Nous aimerions donc ajouter l'énoncé suivant à l'article 33:

Aux fins du présent article, rien n'empêche le Conseil d'exercer ses pouvoirs en vertu des articles 32 et 62 [...]

-- votre texte indique 64, mais ce devrait être 62 --

[...] de la Loi sur les télécommunications en ce qui a trait à tout accord ou arrangement qui est censé avoir été approuvé.

CallNet croit toujours qu'une modification explicite constitue la meilleure solution. Un certain nombre de parties, y compris le CRTC, ont toutefois laissé entendre que cette modification n'était pas nécessaire parce que le CRTC détiendrait ce pouvoir en vertu du projet de loi actuel.

David Colville, vice-président (Télécommunications) du Conseil, précisait devant le comité de la Chambre que l'article 33 «n'empêcherait toutefois pas le Conseil de revoir tout accord de cette nature, le cas échéant.»

CallNet a formulé clairement cette question à la partie susceptible d'abuser de sa situation d'exercice. CallNet a demandé à Téléglobe, lors d'un interrogatoire dans le cadre des audiences du CRTC, si Téléglobe était d'accord pour que le Conseil conserve le pouvoir d'annuler un contrat de Téléglobe censé avoir été approuvé en vertu du projet de loi C-17. Téléglobe a répondu de la façon suivante:

Le pouvoir du Conseil est défini de façon précise dans la Loi sur les télécommunications et toutes les parties sont libres de discuter de l'application des pouvoirs appropriés aux faits et circonstances pertinents d'un cas d'espèce.

À cet égard, CallNet désavoue totalement la capacité de Téléglobe de contester que l'approbation présumée d'un accord conclu avant la fin de son monopole signifie que le CRTC ne peut revoir cet accord après l'arrivée de la concurrence.

CallNet soutient que le projet de loi doit être modifié pour régler clairement le problème ou pour permettre au comité d'obtenir une déclaration d'intention précise de la part des représentants du gouvernement à l'effet que la modification que nous proposons n'est pas nécessaire et que Téléglobe ne pourra pas se servir de ce projet de loi pour étouffer la concurrence en bout de ligne.

Madame la présidente, nous sommes persuadés que, par l'entremise de ce projet de loi, le Canada sera en mesure d'aller de l'avant et de concrétiser les objectifs de l'Accord sur les télécommunications de base de l'OMC.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Oliver: Pourquoi soutenez-vous à la page 3 de votre mémoire qu'un régime d'attribution de licence est nécessaire pour les services internationaux? D'après ce que je crois comprendre, si on estime qu'un tel régime est nécessaire, c'est surtout pour empêcher toute pratique anticoncurrentielle possible de la part des fournisseurs de services étrangers. Quel type de pratique craignez-vous, qui rend nécessaire selon vous ce régime d'attribution de licence?

M. Boron: Nous avons pris la liberté de rédiger certaines notes que nous aimerions faire circuler parmi les sénateurs et qui pourraient nous aider à répondre à cette question.

Le sénateur Oliver: Compte tenu des pouvoirs de la Loi sur la concurrence et de son objectif au niveau de l'établissement d'un prix abusif et ainsi de suite, selon vous, qu'est-ce que ce nouveau régime d'attribution de licences permettrait de faire que ne peut accomplir la Loi sur la concurrence?

M. Boron: Nous craignons que la réglementation en matière de concurrence au Canada n'ait aucune application ou incidence à l'étranger. Si vous avez une situation où un monopole étranger exerce une concurrence lui-même ou par le biais d'une société affiliée au Canada, il risque d'être impossible d'empêcher des pratiques anticoncurrentielles ou une situation qui n'est pas favorable au Canada puisque ces pratiques anticoncurrentielles émanent d'un autre pays que le Canada.

Le sénateur Oliver: Que s'est-il passé dans le cas de la Hong Kong Tel?

M. Boron: En tant qu'exemple précis?

Le sénateur Oliver: Oui.

M. Boron: La première page de la documentation que nous avons fait circuler décrit une situation de monopole-monopole où vous avez un monopole au Canada et un monopole dans un pays éloigné. Il s'agit essentiellement de services dans un sens et dans l'autre. Le trafic est transféré en vertu d'une taxe de répartition qui pourrait être, disons, de 2 $ la minute. Le taux de règlement n'est que de 50 p. 100, soit 1 $ la minute. Le trafic est transféré sur cette base en raison des accords qui ont été conclus à l'échelle internationale entre et parmi les monopoles.

Il importe de souligner qu'en ce qui concerne le taux de règlement, le Canada est un payeur net puisque son économie est meilleure que celle de pays plus éloignés. Dans l'ensemble, mais pas dans tous les cas, le Canada est un fournisseur et un payeur nets des taux de règlement par opposition à un destinataire net. Cependant, cela se fait selon la même base à l'unité à cause des taux de règlement qui ont été adoptés.

M. Jonathan Daniels, conseiller, Réglementation, CallNet: La raison, c'est que nous envoyons un plus grand nombre de minutes. Dans l'exemple que vous avez devant vous, vous pouvez voir que nous envoyons 1 000 minutes à ce pays, et que ce pays ne nous envoie que 500 minutes. Le paiement net, selon la différence en minutes, se fait exactement au même taux de règlement.

Le sénateur Oliver: La situation ne serait-elle pas la même pour les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres grands pays? Seraient-ils eux aussi des payeurs nets?

M. Daniels: Les États-Unis sont un payeur net. Cela représente plus de cinq milliards de dollars par année.

Le sénateur Oliver: Et le Royaume-Uni?

M. Daniels: Je crois que la situation est la même pour le Royaume-Uni.

Le sénateur Oliver: Donc, cela n'a rien d'inhabituel.

M. Boron: Vous soulevez un point intéressant. Le Royaume-Uni et les États-Unis et d'autres modèles ont adopté un régime d'attribution de licences pour les fournisseurs de services internationaux, très semblable à celui que nous préconisons ici aujourd'hui.

À la deuxième page, lorsqu'il y a de la concurrence au Canada mais un monopole dans un pays fermé de l'OMC, vous avez un régime de taxe de répartition du Canada vers le pays en question. Cependant, le trafic fourni par ce pays étranger au Canada -- parce que le Canada possède un régime ouvert et non fermé -- pourrait être fourni à des taux concurrentiels.

Si vous examinez la différence qui existe entre ce que nous appelons le régime de taxe de répartition et le régime ligne directe, la situation où le Canada est un payeur net -- indépendamment du fait qu'en général le Canada envoie un plus grand nombre de minutes qu'il n'en reçoit de pays éloignés -- se trouve extrêmement exacerbée aux dépens du Canada. La situation où le Canada est un payeur net est nettement pire que dans un environnement monopolistique.

M. Daniels: Nous essayons de vous donner un exemple d'une situation où, parce que nous sommes ouverts à la concurrence, le monopole étranger qui ne s'ouvre pas à la concurrence est en mesure d'abuser de sa situation de monopole pour profiter des Canadiens. Dans ce cas, ce qui se passe, c'est qu'ils disent, «Nous continuons d'exiger que tout le monde nous paye 1 $ la minute pour l'ensemble du trafic.» Par conséquent, le millier de minutes que nous envoyons comme pays à ce pays étranger avec cette entreprise étrangère sera payé 1 $ la minute. Par conséquent, selon l'ancien régime, nous devrons payer 1 000 $.

À la première page, vous voyez qu'ils nous renvoyaient 500 minutes pour lesquelles nous leur demandions 1 $ la minute. Puisque nous sommes concurrentiels, ils peuvent en fait utiliser des moyens comme louer une ligne directe ou passer par une entreprise canadienne qui nous demandera moins pour fournir le service au Canada.

Nous montrons dans cet exemple que ce taux tombe à 0,08 $ la minute, qui est le coût réel pour fournir le service. Le résultat net, c'est la différence au niveau des paiements. Lorsqu'auparavant, nous payions 1 000 $, ils nous remboursaient 500 $. Donc, en réalité, nous nous trouvions à ne payer que 500 $. Dans ce cas-ci, nous les payons 1 000 $ parce qu'ils s'en tiennent à l'ancien régime. Ils ne paient que 40 $, ce qui correspond à 0,08 $ la minute multiplié par 500. La différence est de 960 $.

Le Canada en général paie 960 $ plutôt que 500 $ pour fournir le même volume de trafic et c'est parce que nous sommes concurrentiels et qu'ils sont un monopole. Ils abusent dans ce sens de leur situation de monopole.

M. Boron: Simplement pour apporter une dernière précision, nous tenons à ce que soit instauré un mécanisme qui empêche ces entreprises monopolistiques étrangères de se réserver un traitement préférentiel ou de réserver ce genre de traitement à toute société affiliée ou à toute autre partie avec laquelle elles concluent un accord particulier; elles doivent traiter tout le monde de la même façon.

Au Royaume-Uni et aux États-Unis, on considère que la seule façon d'y parvenir consiste à mettre sur pied ou à autoriser la mise sur pied d'un régime d'attribution de licences qui empêcherait ces entreprises monopolistiques étrangères de se réserver à elles-mêmes ou à quiconque un traitement préférentiel.

Le sénateur Oliver: C'est une théorie mathématique. J'aimerais que vous me présentiez des faits concrets à l'appui. Il me semble que vous parlez constamment de monopole étranger. Tout monopole étranger qui fera des affaires au Canada sera visé par notre règle du 46 p. 100.

S'ils décident de se décharger de certaines de leurs minutes sur un revendeur quelconque au Canada, ce revendeur sera alors réglementé et contrôlé par le CRTC. Si tel est le cas, où est le problème?

M. Boron: Sénateur, le problème c'est que l'on doute que le CRTC, en vertu de la Loi actuelle sur les télécommunications, puisse contrôler un revendeur dans l'exemple que vous venez de donner.

Le sénateur Oliver: Il vient de le faire. Dans l'affaire de la Hong Kong Tel, c'est exactement ce qu'il a fait. Il a émis un ordre de suspension.

M. Daniels: La différence entre l'affaire de la Hong Kong Tel et l'exemple que je vous ai présenté, c'est que dans l'affaire de la Hong Kong Tel, vous parlez d'une filiale de la Hong Kong Tel qui est constituée et établie au Canada et qui aurait soi-disant enfreint les règles et dont la situation a été jugée précaire par le CRTC.

Dans le cas dont nous parlons ici, il pourrait s'agir d'une entreprise étrangère qui n'a même pas besoin d'établir une filiale au Canada parce qu'elle profite de sa situation dans son pays pour dire aux entreprises canadiennes: L'une d'entre vous peut louer la ligne directe. Cela est possible en Inde, à Hong Kong ou dans n'importe quel pays qui a un marché fermé. Elle peut obtenir qu'un revendeur qui n'est pas affilié au Canada le fasse pour elle. Le revendeur même n'agit pas de façon anticoncurrentielle puisqu'il n'a aucun pouvoir sur le marché. Ce n'est pas le revendeur qui enfreint les règles mais l'entreprise en Inde, par exemple. J'ai choisi l'Inde parce que c'est un pays de l'OMC dont le marché est fermé et qui ne s'est engagé à envisager l'ouverture de son marché qu'en l'an 2004.

L'Inde n'a pas besoin d'établir une filiale au Canada comme l'a fait la Hong Kong Tel dans le cas dont vous avez parlé. Nous avons choisi de vous donner cet exemple parce que c'est une situation où tout pouvait se faire à partir de l'Inde et l'entreprise monopolistique pouvait demander à un revendeur ou à une entreprise canadienne, «Donnez-moi votre meilleur taux pour envoyer des minutes pour toutes mes minutes canadiennes.» Nous répondons, «0,08 $ la minute.» C'est notre meilleur taux et c'est vraiment concurrentiel. En tant qu'entreprise canadienne, je ne fais rien de mal. Je leur donne simplement mon meilleur taux.

Lorsque les Canadiens s'adressent à eux et leur disent, «Nous voulons une révision de nos taux», ils répondent, «Eh bien, j'ai le monopole, je vous demande 1 $ et c'est tout ce que j'ai l'intention de faire.»

Tout cela a lieu dans ce pays étranger. Donc, la Loi sur la concurrence ne s'étend pas à ce pays. C'est le monopole que l'entreprise exerce dans le pays étranger qui lui permet de le faire. Elle n'a pas besoin d'avoir une filiale au Canada.

Je conviens avec vous que si elle avait une filiale au Canada, le CRTC pourrait peut-être intervenir. Cependant, dans l'exemple -- et c'est l'un des nombreux exemples que nous pouvons vous fournir -- vous pouvez constater qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une présence au Canada qui serait assujettie aux pouvoirs du CRTC. C'est la raison pour laquelle un régime d'attribution de licences est nécessaire. C'est la raison pour laquelle M. Boron a parlé des États-Unis, de l'Union européenne et d'autres pays qui mettent sur pied des régimes d'attribution de licences pour se prémunir contre les abus s'ils ouvrent leurs marchés à la concurrence.

Le sénateur Bryden: Lorsque j'examine votre exemple -- et vous présentez deux situations de monopole -- les Canadiens se trouvent à faire un paiement net de 500 $ pour 1 000 minutes. Donc, vous considérez cela acceptable?

M. Boron: Cela reflète la réalité en ce qui concerne le Canada d'une part, et de nombreux pays d'autre part, à savoir que le Canada envoie plus de minutes à ces pays que ces pays ne lui en envoient.

Le sénateur Bryden: Dans les cas d'un pays monopolistique différent, le paiement net serait-il de 700 $ au lieu de 500 $?

M. Boron: Oui, ce n'est qu'un nombre représentatif.

Le sénateur Bryden: Est-ce le cas à l'heure actuelle?

M. Boron: Oui. Si vous vous trouvez dans une situation que vous tâchez de protéger, une fois que vous arrivez à un paiement net de 960 $, est-ce que cela devient inacceptable?

M. Boron: C'est exact. Comme M. Daniels l'expliquait, nous devons continuer à payer ce pays éloigné 1 $ la minute. Cependant, comme le Canada fonctionne en régime ouvert sans pouvoir d'attribution de licences, ils peuvent s'adresser à un revendeur ou à une entreprise de télécommunication et mettre fin à leur trafic essentiellement au prix coûtant majoré.

Le sénateur Bryden: Ce qui m'inquiète, c'est que nous avons des situations où un paiement net de 700 $ est acceptable mais une fois qu'il atteint 960 $, il devient inacceptable. Est-ce qu'un paiement net de 800 $ est acceptable?

M. Boron: La raison pour laquelle un paiement net de 500 $ est acceptable dans l'exemple, c'est qu'il rend compte d'un déséquilibre net du volume de trafic. Dans les deux exemples, nous tâchons de garder constant le nombre de minutes de disparité du volume de trafic. Il indique l'étendue de la différence entre le premier et le deuxième scénarios.

Le sénateur Bryden: Est-ce que les situations de monopole possibles sont plus susceptibles de se produire, faute d'un meilleur terme, dans les pays en développement ou dans les pays où le secteur des télécommunications commence à se développer et n'est pas aussi avancé qu'au Canada et aux États-Unis?

M. Boron: Probablement. Comme la Communauté européenne est en train de s'ouvrir à la concurrence, de toute évidence les États-Unis s'ouvrent aussi à la concurrence.

Le sénateur Bryden: Y a-t-il eu une époque où l'exercice d'un monopole était avantageux pour l'industrie canadienne?

M. Boron: Je ne le crois pas mais je suis un fervent partisan de la concurrence dans les télécommunications.

Le sénateur Bryden: Souvent, il fallait que les services dans les pays en développement, ce que le Canada était à une époque, soient un monopole, qu'il s'agisse d'un service d'électricité, de téléphone ou de distribution de gaz puisque c'était la seule façon d'assurer la survie de l'industrie nationale.

Je me demande s'il n'y a pas un élément d'injustice ici. Sommes-nous en train de dire aux pays en développement qui ont un monopole que désormais nous sommes forts et qu'en vertu de l'OMC, nous pouvons maintenant exercer une concurrence à l'échelle mondiale avec les États-Unis et l'Europe, donc à moins que vous acceptiez nos règles, nous allons adopter une réglementation qui vous empêchera de faire affaire dans notre pays?

M. Boron: Nous parlons de pays qui ont signé l'accord de l'OMC. Ils se sont engagés avec le temps d'ouvrir leur régime à la concurrence. Nous ne voulons absolument pas dire que le Canada ou qui que ce soit d'autre devrait ordonner à des pays étrangers d'éliminer leur monopole. Nous préconisons de donner à l'instance canadienne de réglementation les outils pour empêcher les entreprises monopolistiques étrangères d'abuser de leurs pouvoirs dans ces pays étrangers aux dépens des Canadiens.

Nous pourrions nous retrouver à subventionner sans le vouloir des entreprises de pays éloignés au lieu par exemple de subventionner des pays en développement.

Le sénateur Bryden: Lorsque vous dites «aux dépens des Canadiens», est-ce que vous parlez des Canadiens ou des entreprises canadiennes?

M. Boron: Je pense que c'est aux dépens des Canadiens car au bout du compte, cela influe sur la structure de coût des fournisseurs de services canadiens, qui se répercutera en bout de ligne sur les tarifs que les fournisseurs de services demandent aux Canadiens. Cela finit par désavantager les Canadiens.

Le sénateur Bryden: On a déjà prétendu que nos tarifs interurbains très élevés au Nouveau-Brunswick étaient nécessaires pour subventionner les services téléphoniques dans les régions éloignées. Ma crainte constante, c'est qu'une fois que les intérêts mondiaux se trouvent en situation de pouvoir, on a affaire à un marché libre et à une jungle du laissez-faire tant qu'on joue selon les règles des gros bonnets. Les petites entreprises qui essayent de développer leur industrie peuvent accéder au marché mais la réglementation continuent à les en écarter.

M. Boron: Nous tâchons de doter l'instance canadienne de réglementation des outils qui lui permettront d'empêcher un interfinancement non intentionnel. Il importe de souligner que certaines entreprises de télécommunication dans ces pays éloignés n'appartiennent pas nécessairement à l'État mais peuvent être des conglomérats multinationaux. On risque de ne pas subventionner les gens pauvres de ces pays mais d'interfinancer ici encore des conglomérats multinationaux très profitables.

M. Daniels: Il existe un autre facteur dans le régime traditionnel de taux de répartition entre les monopoles, ce que l'on appelle souvent le «Old Boy's Club», la clique des anciens. Je pense que vous avez raison, sénateur, lorsque vous dites qu'il existe un élément de subventionnement. Ces tarifs dépassent nettement les coûts. Ils sont conçus expressément de cette façon. Le Canada et d'autres payeurs nets, comme les États-Unis, craignent beaucoup de subventionner le développement des pays étrangers.

Dans le scénario présenté ici, nous ne parlons pas de diminuer cette subvention en fonction de ce que je désigne comme le paiement net de 500 $. C'est ce qui a été négocié et ce que l'entreprise monopolistique est prête à accepter. Ils connaissent le volume de trafic que cela comporte. Ils ont déterminé le taux de change du dollar en fonction des minutes. En fait, ce qui se négocie entre monopoles, c'est un paiement de 500 $ pour le changement de trafic et la différence basée sur la subvention dont ils ont besoin.

Dans cette situation, l'entreprise monopolistique, après avoir conclu cet accord avec Téléglobe, peut alors déclarer que le Canada est ouvert à la concurrence et décider de doubler ses profits ici aux dépens des consommateurs canadiens en faisant grimper les tarifs, en se livrant à ce genre de pratiques anticoncurrentielles et en abusant de sa situation de monopole.

Nous n'essayons pas d'éliminer tous les mécanismes de subvention inhérents au système. Nous voulons dire que la concurrence ne devrait pas aggraver notre situation. Nous sommes tout à fait partisans de la concurrence car elle sera avantageuse pour le Canada. Les clients résidentiels canadiens pourront ainsi téléphoner plus souvent aux membres de leur famille et les entreprises pourront exercer une concurrence et faire des affaires à un coût moindre. Nous ne voulons toutefois pas que les tarifs augmentent parce que nous avons ouvert nos marchés à la concurrence, ce qui se produirait uniquement si les entreprises fermées étrangères devenaient voraces et voulaient plus d'argent en abusant de leur situation de monopole.

Je dirais qu'il existe une différence entre cela et l'interfinancement qui a été négocié et accepté. Je décrirais cela dans l'exemple simple que nous avons donné comme le paiement net de 500 $. Ils pourraient décider d'en obtenir 460 $ de plus en se livrant à certaines pratiques et en utilisant leur situation de monopole.

Le sénateur Bryden: Il faudrait vraisemblablement que quelqu'un au Canada accepte d'offrir ce service pour 8 cents.

M. Daniels: Cette personne ne fera que répondre à une demande de tarif meilleur marché pour terminer l'acheminement des appels. Oui, ce fournisseur est nécessaire, mais dans ce cas il se contente simplement de fournir un service. Il ne se livre à aucune pratique à laquelle le CRTC aurait le pouvoir de mettre fin à moins qu'elle soit liée à la situation de l'entreprise étrangère. Si un client étranger demande à une entreprise canadienne combien elle demandera pour terminer l'acheminement des appels au Canada en provenance du pays de départ, je lui donnerai mon meilleur taux, car autrement, le client ira ailleurs. Ce n'est pas ce à quoi nous voulons mettre fin. Nous voulons simplement empêcher les entreprises monopolistiques de profiter du monopole qu'elles exercent dans leur pays. C'est ce à quoi nous voulons mettre fin.

Le sénateur Oliver: Pourquoi ne considère-t-on pas qu'il s'agit de discrimination par les prix, qui est visée par l'alinéa 50(1)a) de la Loi sur la concurrence? S'il ne s'agit pas de discrimination par les prix, pourquoi cela ne peut-il pas être considéré par le Bureau de la concurrence comme un abus de position dominante en vertu des articles 78 et 79? Vous parlez constamment de cet abus du pouvoir de monopole.

M. Daniels: Je suis d'accord avec vous. C'est un abus du pouvoir de monopole. Nous proposons que le Conseil, au moment d'établir les conditions de l'attribution de licences, utilise ce genre de formulation. Il s'agit de déterminer qui abuse de son pouvoir de monopole. Si c'est une entreprise située en Inde, par exemple, la Loi sur la concurrence ne s'applique pas à elle lorsqu'elle impose des coûts pour terminer l'acheminement des appels au Canada en provenance de l'Inde. Si l'entreprise établit une filiale au Canada, elle pourrait alors être visée par la loi. Autrement, ces règles ne s'appliqueront pas à l'Inde.

J'utilise l'Inde comme exemple d'un marché fermé et pas nécessairement comme exemple d'un pays qui se livrerait à ce genre de pratique. Je ne veux pas critiquer l'entreprise ici.

Le sénateur Bryden: Il y a de plus en plus de concurrence sur le marché intérieur. L'industrie et en train de s'autoréglementer à cause des tarifs qui sont imposés et ainsi de suite. Par conséquent, dans ce domaine, il est moins nécessaire qu'une instance comme le CRTC réglemente le marché intérieur. Le CRTC emploie beaucoup de bureaucrates. Sommes-nous en train de créer du travail pour ces gens qui seront désormais sous-employés sur le marché intérieur? Seront-ils désormais en mesure de réglementer les marchés étrangers et de leur attribuer des licences?

M. Ian Scott, vice-président, Affaires gouvernementales, CallNet: Avant de répondre, j'aimerais ajouter un bref commentaire à la réponse que M. Daniels a donnée au sénateur Oliver.

Si on veut simplifier, vous avez raison: c'est une loi contre la concurrence. Cependant, l'abus de la position dominante dans cet exemple s'est produit dans le pays étranger et pas au Canada. Les pratiques de l'entreprise au Canada n'enfreindraient pas la Loi sur la concurrence. S'il existait une instance de concurrence parallèle qui pouvait exercer une compétence extraterritoriale, elle pourrait s'occuper de ce problème, mais il n'existe pas nécessairement d'instance de concurrence ayant ce genre de compétence. C'est une situation beaucoup plus risquée que d'intervenir par le biais d'une instance de réglementation nationale. C'est mon opinion.

En ce qui concerne votre question, je pense qu'un changement est en train de se produire au niveau de la réglementation tant des entreprises intérieures que des entreprises internationales. Il s'agit d'une réglementation beaucoup plus normative que la réglementation détaillée et réparatrice qui existait auparavant. Elle se rapproche beaucoup plus de ce que nous proposons en ce qui concerne l'établissement d'un régime d'attribution de licences.

Il faut doter l'instance de réglementation des outils qui lui permettront de modifier le comportement après coup en cas de pratique anticoncurrentielle. Donc à cet égard, cela s'apparente beaucoup à la Loi sur la concurrence, puisqu'il s'agit d'une intervention après coup dont l'objet est correctif plutôt qu'intrusif, faute d'un meilleur terme.

Le sénateur Rompkey: Je me demandais si vous aviez atténué votre requête de la page 8. Vous donnez deux options au comité: que le projet de loi soit amendé pour régler le problème de l'exemption des contrats déjà conclus par Téléglobe, ou que le comité se satisfasse d'une déclaration d'intention précise de la part des représentants du gouvernement.

Je me demandais simplement ce que vaut une déclaration d'intention précise de la part des représentants du gouvernement. Le sénateur Oliver est avocat, pas moi. Or, sur la Colline, la mémoire institutionnelle n'existe pas. Les gens n'arrêtent pas de grimper les échelons. Ils bâtissent un empire puis passent au secteur privé où ils font de l'argent ou deviennent président-directeur général du nouvel empire sur la Colline. Il y a tellement de va-et-vient ici que la mémoire institutionnelle est pratiquement inexistante.

En nous offrant cette autre option, vous vous rendez vulnérables. Il serait plus sûr pour vous que le projet de loi soit amendé.

M. Boron: Je ne peux qu'être d'accord avec vous. Pour tâcher d'arriver à un compromis et faire adopter ce texte de loi, nous avons pensé qu'il serait préférable d'offrir une solution de rechange. Je suis d'accord avec vous.

La présidente: Je tiens à vous remercier de la présentation que vous nous avez faite aujourd'hui. Nous nous excusons de vous avoir fait attendre.

Notre prochain témoin est M. Peter Barnes, de AT&T Canada.

M. Peter Barnes, vice-président, Affaires publiques, AT&T Canada: Je vous remercie de me donner cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui et de vous expliquer notre position concernant le projet de loi C-17. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Lorne Abugov, notre conseiller juridique de la firme Osler, Hoskin & Harcott à Ottawa.

[Français]

Comme vous le savez, notre société, les Entreprises AT&T Canada, gère les investissements et les partenariats d'AT&T au Canada. AT&T est au Canada depuis plus de dix ans et détient actuellement des intérêts minoritaires dans Services interurbains AT&T Canada et a une alliance stratégique ainsi qu'une entente technologique avec Rogers Cantel, connu dans le marché comme Cantel AT&T. Si nous tenons compte de nos différentes activités commerciales, ce sont en fait plus de 5 000 Canadiens et Canadiennes qui offrent des services AT&T à travers le pays.

Je suis ici aujourd'hui à la fois pour représenter les Entreprises AT&T Canada et Services interurbains AT&T Canada parce qu'il y a un certain nombre de points relatifs au projet de loi C-17 que nous aimerions soulever. Mais d'abord, je voudrais profiter de cette occasion pour féliciter le gouvernement d'avoir présenté ce projet de loi et de s'être engagé à le faire adopter. Cela ne surprendra personne que AT&T Canada croit qu'une concurrence réelle et durable dans tous les aspects de l'industrie des télécommunications est d'une importance capitale pour assurer la prestation de services de télécommunication de grande qualité auprès de tous les citoyens et citoyennes, et ce aux plus bas coûts possibles. C'est dans cette direction que s'est orienté le gouvernement depuis qu'il est en place et nous appuyons cette vision. Cette loi ne constitue qu'une autre étape de cet engagement.

[Traduction]

Selon nous, le contenu de cette loi présentera un certain nombre d'importants avantages pour le Canada dans l'industrie des télécommunications. Par exemple, la délégation de pouvoirs proposée permettra d'accélérer plusieurs processus réglementaires qui doivent être suivis à l'heure actuelle -- un facteur important pour les entreprises qui deviennent encore plus concurrentielles et plus soucieuses de leur emploi du temps. Il favorisera également une plus grande participation de l'industrie aux questions importantes, comme la promotion d'une plus grande autoréglementation, des règlements obtenus par voie de médiation et d'autres formes de résolution de litiges et de différends, et permettra de faire appel aux ressources du CRTC pour s'occuper d'urgents problèmes de réglementation. Enfin, il ne faut pas oublier qu'il permet au Canada de s'aligner sur les importants changements qui se produisent dans l'industrie à l'échelle mondiale.

Nous applaudissons les mesures prises pour promouvoir la concurrence mondiale et offrir de nouveaux débouchés aux secteurs canadiens des télécommunications. Cependant, le projet de loi comporte un certain nombre d'aspects qui nous préoccupent et sur lesquels j'aimerais m'attarder.

En vertu du projet de loi C-17, le CRTC -- et nous venons d'en discuter -- se verrait accorder d'importants nouveaux pouvoirs en matière d'attribution de licences et un cadre de travail en vue d'un nouveau régime d'attribution de licences. Ces pouvoirs consisteraient entre autres à interdire à une catégorie de fournisseurs de services de télécommunications, non précisée à l'heure actuelle, d'offrir des services internationaux, sauf en conformité avec une licence de services de télécommunication internationale, à préciser les catégories de services de télécommunication internationale qui ne peuvent être offerts, sauf en conformité avec une licence de services de télécommunication internationale; à prévoir des conditions de la licence pour les deux catégories de services et de fournisseurs de services, à imposer une période de validité de la licence ne devant pas dépasser dix ans et à interdire le transfert des licences, sauf sur consentement du CRTC.

Selon le projet de loi C-17, juridiction est donnée au CRTC de fixer et d'appliquer les modalités et conditions régissant la prestation de services de télécommunication de base par le biais d'un nouveau régime d'attribution des licences. Avec cette loi, si elle est adoptée, les fournisseurs de services de télécommunication d'une catégorie précisée par le CRTC se voient refuser le droit d'offrir des services de télécommunication internationale, sauf ceux qui sont conformes à une licence de services de télécommunication internationale. De plus, le CRTC peut établir les catégories de services de télécommunication internationale qui ne peuvent être offerts par les fournisseurs de services de télécommunication, sauf en conformité avec une licence de services de télécommunication internationale.

Plus important encore, le nouveau régime d'attribution des licences du CRTC s'applique aux «fournisseurs de services de télécommunication», une nouvelle définition qui, dans le projet de loi, englobe «toute personne qui offre des services de télécommunication de base, y compris au moyen d'un appareil de transmission exclu». Par l'entrecroisement de définitions existantes dans la Loi sur les télécommunications, incluant «l'appareil de transmission exclu», il semble que les revendeurs de télécommunications commutées, qui ne sont pas réglementés à l'heure actuelle par le CRTC, pourraient être soumis au régime de licences du CRTC.

[Français]

Dans son communiqué de presse du 30 octobre 1997, Industrie Canada indique que des changements législatifs sont nécessaires pour que le Canada puisse tenir ses engagements par rapport à l'entente du GATS sur les télécommunications de base qui élimine «de nombreuses restrictions qui existaient dans le secteur international des télécommunications». La fiche documentaire du ministère, émise la même journée, note que le nouveau régime d'attribution des licences confère au CRTC «le pouvoir d'adopter et de faire appliquer des règles sur la prestation des service internationaux». Elle ajoute qu'à part quelques modifications au projet de loi C-17 comme celles relatives à la propriété des câbles sous-marins et des stations terrestres qui sont directement requises pour que le Canada puisse respecter ses engagements commerciaux au GATS, les autres modifications incluant le nouveau régime d'attribution des licences « sont nécessaires pour que le Canada puisse profiter des nouvelles réalités du marché libéralisé».

[Traduction]

Dans notre présentation au CRTC relativement à l'avis public sur l'adoption d'un nouveau régime pour Téléglobe, nous avons allégué qu'il n'était pas nécessaire d'attribuer des licences aux fournisseurs de services de télécommunication internationale. Nous avons suggéré au Conseil que, bien qu'il puisse y avoir des circonstances où l'attribution d'une licence s'impose, par exemple, lorsque le fournisseur de services est dominant dans son marché national ou sur certaines routes outre-mer, les entreprises AT&T Canada ne croient pas, de manière générale, qu'une licence soit nécessaire pour les fournisseurs de services non dominants, que ces fournisseurs soient des sociétés de télécommunication, dotées d'installations, ou des revendeurs ou qu'ils fournissent des services de télécommunication internationale en gros ou en détail. Si le Conseil devait trouver qu'un tel régime est nécessaire, il devrait alors, selon les Entreprises AT&T Canada, faire une distinction, aux fins d'attribution des licences, entre les fournisseurs de services qui sont dominants dans un marché donné ou sur une ou plusieurs routes outre-mer particulières, et les fournisseurs qui n'exercent aucun pouvoir sur les routes qu'ils desservent.

Il nous semble que l'adoption d'un nouveau mécanisme de réglementation va à l'encontre des objectifs énoncés dans la loi, c'est-à-dire adapter le Canada aux nouvelles réalités du marché. Bien que nous nous réjouissions que certaines modifications relatives au régime d'attribution des licences, qui ont été suggérées par AT&T Canada et d'autres, aient été adoptées, il serait possible d'améliorer encore davantage le projet de loi en limitant tout régime d'attribution des licences aux sociétés dominantes, si on le juge nécessaire, et en laissant une flexibilité maximale à tous les compétiteurs de tous les segments du marché des télécommunications.

Au Canada, nous avons réalisé d'importantes percées dans cette industrie, sans attribution de licences au niveau des services local ou interurbain. Aussi ne voyons-nous pas la nécessité de prévoir un régime d'attribution de licences pour ce segment de l'industrie, compte tenu des autres puissantes garanties qui sont déjà en place, comme le pouvoir actuel du CRTC et la Loi sur la concurrence.

[Français]

À l'heure actuelle, en vertu de l'article 16 de la Loi sur les télécommunications, les installations de télécommunication de sociétés susceptibles d'être exploitées au Canada aujourd'hui doivent se soumettre à des restrictions au niveau de la propriété et du contrôle étranger contenues dans la loi ou dans les réglementations qui y sont afférentes. Par exemple, le CRTC a déterminé que Services interurbains AT&T Canada est de fait la propriété et sous le contrôle canadien, d'où désormais leur éligibilité à agir au Canada comme fournisseur de services interurbains au pays.

[Traduction]

Pour remplir une partie des engagements du Canada à l'égard de l'entente de l'OMC sur les services de télécommunications de base, le gouvernement a convenu d'éliminer les limites imposées à la propriété et au contrôle étrangers en vertu de la Loi sur les télécommunications, en ce qui touche la propriété et l'exploitation des câbles sous-marins et des stations terriennes qui assurent des services de télécommunication par satellites.

Le paragraphe 16(5) qui est proposé, s'il est adopté, donnerait un effet législatif à cet aspect de l'engagement commercial du Canada. Il serait donc possible pour des compagnies, détenues et contrôlées par des non-Canadiens, de posséder entièrement ou d'exploiter un câble sous-marin international et d'obtenir d'Industrie Canada une licence pour posséder ou exploiter ledit câble.

De la même façon, le propriétaire ou l'exploitant, non canadien, du câble outre-mer pourrait offrir des services de télécommunication de base via le câble et, par conséquent, être soumis au processus d'attribution de licences du CRTC à titre de fournisseur de services de télécommunication.

L'existence possible d'un double régime d'attribution de licences pour le propriétaire et l'exploitant de câbles sous-marins internationaux -- à savoir une licence d'Industrie Canada pour les installations, et une licence du CRTC pour la prestation de services par le biais de ces installations -- n'est pas sans précédent au Canada. Par exemple, les radiodiffuseurs sont tenus, depuis toujours, d'obtenir une autorisation d'Industrie Canada pour exploiter leurs installations de radiodiffusion, et une licence du CRTC pour utiliser ces installations et offrir des services commerciaux de radiodiffusion.

Or, ce qui distingue le régime proposé par le projet de loi C-17 de celui auquel sont assujettis depuis longtemps les radiodiffuseurs canadiens, c'est que les règles sur la propriété et le contrôle étrangers ne s'étendent pas aux câbles sous-marins internationaux. Aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, Industrie Canada et le CRTC gèrent et appliquent pratiquement les mêmes restrictions à la propriété étrangère, et n'accordent une licence qu'aux radiodiffuseurs qui sont régis respectivement par la Loi sur les télécommunications et par la Loi sur la radiodiffusion. Dans le projet de loi C-17, les câbles sous-marins internationaux ne sont assujettis à aucune restriction en matière de propriété et de contrôle étrangers en vertu de la Loi sur les télécommunications, dans la mesure où c'est Industrie Canada qui attribue des licences aux requérants qui cherchent à posséder ou à exploiter ces installations. Ce point est très clair.

Quant au CRTC, il doit lui aussi faire fi des restrictions existantes en matière de propriété et de contrôle étrangers dans le cas des fournisseurs de services de télécommunication, mais uniquement en ce qui a trait aux services de télécommunication internationale qu'ils fournissent par le biais de câbles sous-marins. Or, il est tout à fait possible que des sociétés étrangères qui détiennent ou contrôlent des installations ne puissent, en raison des restrictions relatives à la propriété étrangère, offrir elles-mêmes des services de valeur sur le marché canadien.

Prenons l'exemple suivant. Supposons qu'une entreprise étrangère possédant ou exploitant un câble sous-marin international qui entre au Canada souhaite utiliser ce câble pour offrir des services en gros aux consommateurs canadiens et à d'autres sociétés canadiennes de télécommunication. Même si l'entreprise appartient à 100 p. 100 à des intérêts étrangers, elle pourrait, en vertu du projet de loi C-17, obtenir une licence d'Industrie Canada pour exploiter ses installations. Toutefois, on ne sait pas si cette entreprise serait en mesure d'offrir des services aux Canadiens au moyen du câble sous-marin international, puisqu'il faudrait également qu'elle compose avec le régime d'attribution de licences du CRTC. Aussi, il y a lieu de se demander quelle concurrence accrue et quels investissements additionnels une telle situation entraînerait, compte tenu de l'incertitude que cela occasionnerait et des contradictions que présentent les deux régimes de licences.

D'après AT&T Canada, ces incohérences doivent être clarifiées avant l'adoption du projet de loi. Toute entreprise qui obtient d'Industrie Canada une licence de câble sous-marin international devrait, à notre avis, pouvoir obtenir du Conseil une licence de services de télécommunication internationale.

Aussi, le régime d'attribution de licences du CRTC devrait, à notre avis, refléter le fait que les détenteurs d'une licence de câble sous-marin international peuvent posséder et exploiter non seulement des câbles sous-marins, mais également des installations nationales pour offrir des services de télécommunication aux Canadiens et Canadiennes.

J'aimerais, pour terminer, vous parler de compétences et de commerce international. Dans la documentation accompagnant le projet de loi C-17, le gouvernement déclare que le projet de loi est un texte législatif qui reflète les engagements du Canada quant à l'entente du GATS sur les services de télécommunication. Or, il y a un aspect de cet engagement que le projet de loi n'aborde pas. Le document de référence du GATS est une annexe de l'entente plus globale du GATS. Il énonce plusieurs principes réglementaires et définit les engagements que les pays signataires, dont le Canada, ont convenu de respecter. Parmi ceux-ci figure, notamment, l'engagement de créer «un organisme de réglementation qui est indépendant et non imputable à tout fournisseur de services de télécommunication de base».

Le modèle du CRTC respecte clairement cette norme. Or, SaskTel, la compagnie de téléphone qui appartient au gouvernement de la Saskatchewan, ne relève pas du CRTC en vertu d'une exemption de cinq ans accordée par la Loi sur les télécommunications de 1993. Elle n'est pas non plus réglementée par un organisme provincial. On nous a informés que SaskTel cherche à renouveler cet arrangement extraordinaire. Nous croyons que les obligations commerciales internationales du Canada, comme celles que je vous ai décrites aujourd'hui, devraient effectivement exclure la possibilité d'étendre une telle exemption.

[Français]

Cette question n'en est pas seulement une d'obligation de commerce international. Le choix du client et le degré de concurrence en Saskatchewan sont également en cause. La concurrence au niveau de l'interurbain est venue plus tard en Saskatchewan que dans le reste du pays et encore aujourd'hui, les prix y sont plus élevés. La même chose vaut pour la concurrence au niveau local où la Saskatchewan est en retard sur le reste du Canada.

Le comité consultatif sur l'autoroute de l'information a émis le même avis, il y a trois ans, lorsqu'il a déclaré dans son rapport final et je cite:

À cause de l'absence d'un régime national réglementaire cohérent, les lacunes actuelles de la portée géographique de la réglementation fédérale pourraient empêcher ou retarder la mise en oeuvre de nouveaux services à l'échelle nationale.

Il recommandait et je cite:

Le gouvernement fédéral devrait prendre toutes les mesures pertinentes pour éliminer le plus tôt possible les lacunes de la portée géographique de la compétence réglementaire fédérale.

[Traduction]

Cette question relève du gouverneur en conseil et n'a pas à faire l'objet d'une loi. Toutefois, comme le projet de loi à l'étude prétend respecter les engagements du Canada à l'égard de l'AGCS, nous avons cru important de souligner aux sénateurs aujourd'hui qu'il le fait, mais d'une façon incomplète.

Je vous remercie, encore une fois, du temps que vous m'avez accordé. Je suis maintenant prêt à répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le sénateur Spivak: À la page 4, vous dites:

Il est tout à fait possible que des sociétés étrangères qui détiennent ou contrôlent des installations ne puissent, en raison des restrictions relatives à la propriété étrangère, offrir elles-mêmes des services de valeur sur le marché canadien.

Qu'entendez-vous par des services de valeur?

M. Barnes: Il est évident que si le Canada s'est engagé à permettre aux entreprises étrangères d'utiliser des câbles sous-marins internationaux, c'est dans le but d'accroître la concurrence sur le marché international. La fin du monopole exercé par Téléglobe signifie qu'il y aurait plus de joueurs sur le marché.

Je ne fais qu'émettre une opinion générale sur l'impact qu'aurait une concurrence accrue sur ce marché. Il y aurait un plus grand nombre de joueurs canadiens, selon toute vraisemblance, et aussi un plus grand nombre de joueurs étrangers. On pourrait avoir accès, par exemple, à des voies de transmission de données à grande vitesse, établir des raccordements directs avec divers points dans le monde, par exemple avec l'industrie bancaire à Londres et au Royaume-Uni.

Si un fournisseur est prêt à offrir des services mais, pour une raison ou une autre, hésite à s'installer sur le marché canadien parce qu'il ne sait pas dans quelle mesure il pourra exercer ses activités, nous risquons de priver les Canadiens de services qui, autrement, pourraient leur être offerts.

Le sénateur Spivak: Vous dites que les restrictions relatives à la propriété devraient être éliminées?

M. Barnes: Le projet de loi, dans sa forme actuelle, n'est pas tellement clair en ce qui concerne l'application des règles plus souples en matière de propriété étrangère, l'abandon des restrictions visant les câbles sous-marins internationaux et les règles appliquées par le CRTC. Quand nous avons comparu devant le comité de la Chambre, nous avons proposé un libellé qui avait pour effet d'éliminer cette incertitude. Nous sommes en présence, en fait, de deux régimes, dont un qui comporte des restrictions à la propriété étrangère. Les deux se chevauchent.

Le sénateur Spivak: Où est le mal? Vous avez dit que nous risquons, en tant que consommateurs, d'être privés de services de valeur que pourraient nous offrir ces entreprises. Mis à part ce fait, où est le mal? Pourquoi le Canada ne devrait-il pas se doter de règles en matière de propriété étrangère qui seraient appliquées par le CRTC? Je veux savoir pourquoi vous dites cela.

M. Barnes: Je ne m'oppose pas au maintien des restrictions sur la propriété étrangère, telles qu'elles existent aujourd'hui. Je ne demande pas qu'on les modifie. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il risque d'y avoir de l'incertitude entourant l'application de ces règles en raison des régimes de licences qui pourraient voir le jour par suite du projet de loi.

Aujourd'hui, par exemple, un revendeur étranger peut pénétrer le marché canadien, louer des installations et posséder son propre commutateur. Le régime le permet. Ce que je dis, c'est que ces règles devraient continuer d'être appliquées et qu'elles devraient être étendues aux câbles sous-marins internationaux une fois le projet de loi C-17 adopté. Il faut dissiper toute incertitude à ce chapitre.

Le sénateur Spivak: Merci. Je comprends.

Le sénateur Rompkey: Pourriez-vous nous donner des précisions au sujet des fournisseurs de services de télécommunication international que vous mentionnez à la page 3? Vous dites, de manière générale, qu'il n'est pas nécessaire d'attribuer des licences aux fournisseurs de services non dominants. Vous voulez par ailleurs qu'on améliore le projet de loi en proposant un régime de licences qui ne s'appliquerait qu'aux sociétés dominantes. S'agit-il ici des mêmes sociétés qui ont été mentionnées par CallNet et qui exercent un monopole dans un marché non concurrentiel?

M. Barnes: Elles pourraient faire partie du groupe.

Le sénateur Rompkey: Mais pas nécessairement?

M. Barnes: Je suppose que nous voyons les choses sous un angle un peu différent. Si une entreprise occupe une position dominante sur un marché précis ou sur une route outre-mer, il serait tout à fait logique que le gouvernement ou l'organisme de réglementation intervienne dans ce domaine. Nous avons utilisé l'expression «position dominante» ou «société dominante» pour décrire une situation où une entreprise exerce un pouvoir dominant sur un marché.

Le régime d'attribution de licences, si on juge nécessaire de l'instaurer, et nous ne sommes pas convaincus qu'un tel régime est nécessaire, ne devrait s'appliquer qu'aux entreprises qui exercent un pouvoir dominant sur le marché. Les entreprises qui détiennent 6 p. 100 ou 12 p. 100 du marché ne sont pas en mesure d'influencer le marché ou les prix. Par contre, celles qui détiennent 80 p. 100 du marché ont sans doute le pouvoir de le faire, et ce sont ces entreprises qui, à notre avis, devraient être assujetties an régime de licences, si un tel régime est instauré.

Le sénateur Rompkey: Merci.

Le sénateur Oliver: Monsieur Abugov, je crois que vous étiez présent lorsque CallNet a comparu devant nous. Ma question ne porte pas vraiment sur son exposé principal, mais plutôt sur le mémoire supplémentaire qu'elle a présenté et qui traitait de la concurrence. Si je vous pose cette question, c'est parce que vous êtes un avocat.

CallNet a dit que la Loi sur la concurrence ne s'applique pas aux cas décrits dans ce document, aux entreprises installées dans un pays étranger, comme l'Inde, qui exercent un monopole et qui abuseraient de leur position dominante. Toutefois, il me semble que si une telle pratique nuisait au marché et aux consommateurs canadiens, aux entreprises de télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence s'appliquerait. Je fais allusion ici à l'alinéa 50(1)a), où il est question de discrimination, et aux articles 78 et 79, qui traitent de l'abus d'une position dominante. Le Bureau de la concurrence, en constatant l'abus décrit par CallNet, entreprendrait une enquête. Est-ce qu'on ne procéderait pas de cette façon au Canada?

M. Abugov, conseiller juridique, AT&T Canada: Sénateur Oliver, les discussions que vous et les autres sénateurs avez eues avec CallNet, et la position de CallNet, si je l'ai bien comprise, m'amènent aux mêmes conclusions que vous. Nous avons vu, tout comme CallNet, des entreprises abuser de leur position dominante. On observe sur le marché des cas d'abus réels et potentiels, des situations où les déséquilibres au niveau du trafic sont exacerbés par le fait qu'un marché est ouvert, et l'autre est fermé.

Il serait très difficile d'étendre l'application de la Loi sur la concurrence à l'Inde, en raison des contestations judiciaires qu'une telle démarche entraînerait.

Le problème principal, c'est que les entreprises qui abusent de leur position dominante, qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles, dans les exemples cités par CallNet, ne sont pas installées au Canada. Il n'est pas nécessaire d'ailleurs qu'elles le soient. Il suffit tout simplement qu'elles concluent un accord contractuel pour acheminer le trafic d'arrivée à partir de leur propre pays. Elles se serviraient, en fait, de l'influence que leur procure leur position monopolistique dans leur propre marché.

Le sénateur Oliver: Comment un régime de licences permettrait-il de régler ce problème?

M. Abugov: Nous sommes en faveur de l'instauration, à l'échelle internationale, d'un régime de licences qui s'appliquerait uniquement aux sociétés dominantes, et ce, pour deux raisons.

D'abord, nous estimons qu'il sera nécessaire de mettre en place un régime de licences pour les entreprises dominantes dans le marché Canada-outre-mer, pour exercer à tout le moins un contrôle sur les fournisseurs dominants qui opèrent à l'étranger. Le régime d'attribution de licences du CFTC ne s'applique qu'aux fournisseurs canadiens de services internationaux.

Le sénateur Oliver: C'est ce que je dis.

M. Abugov: Les conditions d'octroi de licences qui seraient appliquées pourraient effectivement permettre de contrôler, de réglementer, de restreindre et de limiter les activités du fournisseur canadien de services internationaux.

Le sénateur Oliver: Comme permet de le faire la Loi sur la concurrence?

M. Abugov: Peut-être, sauf que le régime d'attribution de licences offre un avantage supplémentaire. Je ne veux pas comparer la Loi sur la concurrence au régime de licences que pourrait mettre en place le Conseil, mais on pourrait le faire.

Le sénateur Oliver: Est-ce que le régime d'attribution de licences, tel que proposé, prévoit des modalités qui permettraient au CRTC, au gouvernement, de sévir contre les entreprises installées en Inde? Où en est-il question?

M. Abugov: C'est une question intéressante. Le Conseil peut uniquement exercer un contrôle sur le fournisseur canadien de services internationaux. Nous allons utiliser Téléglobe en guise d'exemple. Encore une fois, je ne veux pas parler de sa position dominante, puisque l'ai déjà fait ailleurs.

Dans le cas de Téléglobe, le Conseil aurait le pouvoir de lui imposer des conditions qui seraient exécutoires, mais qui tiendraient compte à la fois de sa position dominante sur le marché Canada-outre-mer et des accords d'interconnexion que Téléglobe pourrait avoir sur des routes précises avec des fournisseurs dominants dans les pays étrangers. Le Conseil, en exerçant un contrôle sur Téléglobe, peut modifier les ententes que peut avoir Téléglobe avec des fournisseurs étrangers qui occupent une position dominante sur le marché national. Il peut le faire au moyen des conditions d'octroi de licence qu'il imposera à Téléglobe.

Je vais vous donner quelques exemples, et il y en a peut-être de meilleurs. Le Conseil pourrait, par exemple, insister pour que tout accord conclu entre Téléglobe et des fournisseurs étrangers dominants soit non exclusif. Il pourrait exiger que les tarifs appliqués par Téléglobe, ou imposés au fournisseur étranger, ou que le fournisseur étranger impose à Téléglobe, soient offerts également, et de façon non discriminatoire, aux autres entreprises canadiennes qui chercheraient à acheminer le trafic d'arrivée dans un autre pays.

C'est une solution que le CFC a également envisagée, c'est-à-dire de s'attaquer aux pratiques anticoncurrentielles touchant les tarifs, les frais, les accords qui ont cours sur les marchés étrangers, mais au moyen du régime d'attribution de licences en vigueur au Canada, parce que l'organisme de réglementation canadien, le CRTC, peut uniquement imposer des conditions d'exploitation au fournisseur national.

Le sénateur Oliver: Je suis conscient de tout cela. Revenons à un cas bien réel, celui de la Hong Kong Tel, que le CRTC a pu régler en utilisant ses pouvoirs existants, sans qu'il soit nécessaire pour lui d'avoir ce nouveau pouvoir réglementaire très lourd.

M. Abugov: Il y a deux points qu'il convient de mentionner ici. D'abord, comme l'a indiqué CallNet, la Hong Kong Tel avait une filiale canadienne qui menait des activités au Canada. Elle servait de porte d'entrée et de sortie pour les appels en provenance et à destination de Hong Kong.

Le sénateur Oliver: Le CRTC pouvait donc intervenir dans ce cas-là.

M. Abugov: Il a pu exercer ses pouvoirs de réglementation sur des entreprises comme la B.C. Tel pour s'attaquer à la filiale canadienne de Hong Kong Tel. Il a pu dire, «B.C. Tel, vous n'êtes pas tenu de fournir à Hong Kong Tel Canada des installations qui lui permettent d'acheminer le trafic en contournant les règles établies» C'est de cette façon que le CRTC a été en mesure de s'attaquer à la filiale canadienne de la Hong Kong Tel.

L'exemple que vous a cité CallNet et celui que je vous ai donné décrivent une situation où il n'y a aucune présence canadienne. Il est question ici d'un geste posé par une entreprise étrangère, peut-être une compagnie de téléphone monopolistique appartenant à un gouvernement étranger, de sorte qu'il n'y a pas de lien juridique en tant que tel au Canada. Nous ne pouvons rien faire.

Le sénateur Oliver: Sauf si on remarque que cette pratique a un impact sur les consommateurs canadiens.

M. Abugov: C'est exact.

Le sénateur Oliver: Le Bureau de la concurrence peut intervenir dans ce cas-là.

M. Abugov: Évidemment, si cette pratique a un impact sur les entreprises canadiennes et, indirectement, sur les consommateurs canadiens, comme l'a mentionné CallNet. Je doute toutefois que le Bureau de la concurrence ait suffisamment de pouvoir pour intervenir en Inde et sévir contre l'entreprise indienne.

Le sénateur Oliver: Les représentants du Bureau doivent comparaître devant nous la semaine prochaine. C'est une des questions que je compte leur poser. Leur réponse pourrait vous surprendre.

La présidente: Merci, messieurs.

Notre prochain témoin est M. David Colville, du CRTC.

M. David Colville, vice-président, Télécommunications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes: Je suis accompagné aujourd'hui de Carolyn Pinsky, conseillère juridique, et de Leo Mevel et Cynthia Stockley, responsables des télécommunications.

Je tiens d'abord, au nom du Conseil, à vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de comparaître devant vous, aujourd'hui. Lorsque j'ai comparu devant le comité de la Chambre au sujet du projet de loi C-17, en décembre dernier, j'ai souligné que le Conseil souscrivait sans réserve aux dispositions du projet de loi, en particulier aux dispositions relatives aux pouvoirs et fonctions du Conseil.

Comme vous le savez, le Conseil a, ces dernières années, pris des mesures importantes afin d'ouvrir le marché canadien des télécommunications à la concurrence, non pour le plaisir de la concurrence, mais bien en raison des avantages qu'elle apportera aux consommateurs canadiens et à l'économie canadienne en général. Tel que je l'ai déclaré devant le comité de la Chambre, l'entrée en vigueur de l'AGCS dans le secteur des télécommunications de base marquera l'avènement d'un nouvel environnement de plus en plus concurrentiel pour l'industrie des télécommunications internationales au Canada, avec l'entrée en scène de nombreux nouveaux joueurs.

Dans ce nouvel environnement, le Conseil aura besoin de nouveaux outils pour faire en sorte que les objectifs de la Loi sur les télécommunications continuent d'être atteints. Au nombre de ces outils, se trouve le pouvoir d'attribution de licences qui est proposé. Il aiderait le Conseil à régler les problèmes qui peuvent surgir, par exemple, lorsqu'une entreprise étrangère qui est dominante dans son marché national établit une filiale de revente ici au Canada pour la fourniture de services internationaux de télécommunications. L'entreprise de télécommunications canadienne est assujettie à la Loi sur les télécommunications. À moins que le Conseil n'ait pris la décision de s'abstenir complètement de réglementer les services de l'entreprise, il est interdit à celle-ci d'accorder une préférence ou un avantage indu à toute personne, y compris à une entreprise qui peut être son affiliée. Les entreprises monopolistiques étrangères ne sont pas assujetties à la même contrainte. À l'heure actuelle, le Conseil ne dispose d'aucun moyen direct de faire en sorte qu'une entreprise étrangère monopolistique ne se serve pas du libre marché dans son pays pour favoriser indûment ou injustement une affiliée ici au Canada. Étant donné que l'entreprise monopolistique dans ce cas est à l'étranger, le Conseil a besoin de pouvoirs sur l'affiliée même, ici au Canada, pour éviter des distorsions sur le plan de la concurrence. Le pouvoir d'attribution de licences permettrait au Conseil de garantir que des règles du jeu uniformes existent pour tous les intervenants dans le marché de la fourniture des services internationaux de télécommunications, avec le minimum d'intervention dans le marché.

Bien que le Conseil ait, dans le passé, réglé des cas de distorsions sur le plan de la concurrence dans la fourniture de services internationaux de télécommunications, plus particulièrement dans le cas de la Hong Kong Tel, nous faisons remarquer qu'il s'est agi là d'une instance longue et complexe. De plus, cette affaire se situait dans un environnement où il existait un monopole dans la fourniture de services locaux et un monopole dans la fourniture d'installations internationales. Depuis, le Conseil a ouvert le marché local à la concurrence, et le 1er octobre 1998, le monopole de Téléglobe sur les installations outre-mer prendra fin. Dans un tel environnement, où il existera de nombreux fournisseurs de services locaux et internationaux dotés d'installations, l'application des mesures voulues pour que les règles du jeu soient les mêmes pour tous deviendra plus complexe. En outre, les règles particulières sur lesquelles le Conseil s'est fondé pour rendre ses décisions dans l'affaire de la Hong Kong Tel sont en voie d'être examinées dans l'instance internationale que le Conseil mène actuellement.

Je tiens à souligner que le Conseil a, dans l'avis public par lequel il a annoncé son instance actuellement en cours sur les services internationaux, déclaré qu'il estime que des conditions de licence ne doivent pas constituer un obstacle à l'entrée en concurrence, mais qu'elles doivent plutôt faire en sorte que les fournisseurs de services respectent le cadre de réglementation établi à l'égard des services internationaux. De plus, l'exercice du pouvoir d'attribution de licence sera assujetti aux objectifs de la politique de télécommunication énoncée dans la Loi sur les télécommunications. Compte tenu de ces objectifs, les décisions que le Conseil a rendues ces dernières années témoignent de l'engagement qu'il a pris de s'en remettre de plus en plus au libre jeu du marché, le cas échéant.

Les dispositions du projet de loi portent également sur les exigences d'un environnement canadien de plus en plus concurrentiel. Comme vous le savez, le Conseil a, l'année dernière, rendu une décision historique dans laquelle il a établi un cadre de concurrence dans la fourniture du service téléphonique local au Canada. Cela a exigé une restructuration de la manière dont certains services de télécommunications étaient offerts jusqu'ici. Par exemple, les compagnies de téléphone monopolistiques s'occupaient de diverses fonctions sous-jacentes fondamentales au fonctionnement du réseau des télécommunications et à la fourniture de services au Canada. Ces fonctions comprennent la gestion de la numérotation, la perception de la contribution et l'exploitation de diverses bases de données. Avec l'avènement de la concurrence, il n'appartient plus aux compagnies de téléphone d'exécuter toutes ces fonctions. Il conviendrait mieux qu'une tierce partie s'en charge sans qu'il n'y ait d'incidence sur la concurrence, conformément aux engagements du Canada dans le cadre de l'AGCS.

L'industrie elle-même élabore des mécanismes à cette fin. Toutefois, étant donné que les tierces parties qui géreraient les codes de centraux et la transférabilité des numéros, éléments essentiels de la concurrence locale, ne sont pas des entreprises de télécommunications canadiennes, ces parties ne sont pas du ressort direct du Conseil. Les fonctions qu'elles assument sont pourtant indispensables au maintien de télécommunications efficientes et efficaces au Canada.

Il est donc important de préciser, comme le ferait le projet de loi, que le Conseil a le pouvoir de faire en sorte que ces services fondamentaux soient gérés dans l'intérêt public, à l'avantage de tous les Canadiens. Pour ce qui est en particulier de la gestion d'un fonds central de contribution, je tiens à souligner que l'article 46.5 du projet de loi permettrait au Conseil de continuer à faire en sorte que les tarifs du service téléphonique local de base puissent rester abordables dans un environnement caractérisé par la concurrence locale. Dans cet environnement, il convient que les subventions qui passent de certains services de télécommunications et fournisseurs de services jusqu'aux fournisseurs du service téléphonique local de base soient gérées par une tierce partie sans incidence sur la concurrence plutôt que par les compagnies de téléphone titulaires.

Tout comme il a fallu établir un mécanisme sans incidence sur la concurrence pour les ressources relatives à la numérotation et un fonds pour appuyer le maintien de l'accès au service téléphonique de base, il se révélera probablement nécessaire, dans cet environnement au rythme d'évolution rapide, d'établir des mécanismes semblables pour d'autres questions. Il s'agit ici de prévoir une micro-réglementation moindre de la part du Conseil. Une tierce partie pourrait plutôt, le cas échéant, se charger de certaines activités sans qu'il n'y ait d'incidence sur le plan de la concurrence, sous réserve uniquement d'une surveillance générale de la part du Conseil.

Voilà toutes les observations initiales que je voulais formuler, ce matin. Je serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez vouloir me poser.

Le sénateur Rompkey: Que pensez-vous de l'exposé qu'a présenté CallNet? L'entreprise a dit dans son mémoire qu'il est important que Téléglobe ne soit pas autorisé, par exemple, de maintenir les contrats déjà existants, à long terme, exclusifs ou autrement anticoncurrentiels qui auraient pour effet d'empêcher l'ouverture des marchés internationaux à d'autres entreprises canadiennes. Je pense qu'elle souhaite qu'on apporte, à l'article 33, les précisions que vous avez sûrement entendues quand vous étiez ici. Que pensez-vous de la position de CallNet? Est-ce quelle est fondée? Devrions-nous faire quelque chose à ce sujet?

M. Colville: M. Boron a cité, dans son exposé, une observation que nous avions formulée devant le comité de la Chambre, à savoir que nous estimons que le Conseil devrait, de toute façon, avoir le pouvoir d'examiner ces contrats. C'est ce que nous pensons. Je suppose qu'il veut qu'on apporte des précisions au projet de loi, et nous n'y voyons aucune objection. Toutefois, nous estimons que nous avons, de toute façon, le pouvoir d'examiner ces contrats.

Le sénateur Rompkey: Cela n'affaiblirait pas le projet de loi? Est-ce qu'on l'améliorerait si on ajoutait ces précisions à l'article 33?

M. Colville: À mon avis, cela n'affaiblirait pas le projet de loi.

Le sénateur Rompkey: Est-ce que cela permettrait d'améliorer le projet de loi?

M. Colville: Il sera plus précis, aux yeux de M. Boron. Comme je l'ai déjà dit, nous estimons avoir le pouvoir d'examiner ces contrats à l'heure actuelle.

Le sénateur Spivak: Vous avez dit -- et, bien entendu, il en est question dans le projet de loi -- qu'un fonds sera créé pour faire en sorte que les tarifs du service téléphonique local restent abordables. Les États-Unis sont en train d'établir un fonds pour subventionner le service téléphonique offert aux habitants des régions éloignées et rurales, et aux pauvres. Je viens du Manitoba où il y a de nombreuses régions rurales et éloignées.

Comment le fonds sera-t-il administré? Y a-t-il des similarités entre les deux fonds? Des différences?

M. Colville: Il y a deux réponses possibles à cette question. D'abord, les compagnies de téléphone, comme vous le savez, ont toujours subventionné le service téléphonique local grâce aux profits excessifs, si vous voulez les appeler ainsi -- elles refusent d'utiliser cette expression -- réalisés à même le service interurbain. Ces profits ont servi à financer le service local. Lorsque nous avons ouvert le marché de l'interurbain à la concurrence en 1992, nous avons maintenu le versement de cette subvention en imposant une «contribution» aux nouveaux joueurs et, notamment, aux services interurbains des compagnies de téléphone. Cette contribution, qui correspondait à x cents par minute pour chaque appel interurbain, devait servir à financer le service téléphonique local.

Comme le service local était fourni par une entreprise monopolistique, l'argent était tout simplement versé aux compagnies de téléphone. Or, maintenant que le marché du service téléphonique local est ouvert à la concurrence, nous avons décidé que cette subvention devrait être transférable; autrement dit, le fournisseur de service téléphonique local qui compte desservir une région éloignée du Manitoba devrait pouvoir recevoir cette subvention pour offrir ce service. Le mécanisme est le même. Les subventions qui ont servi à financer le service téléphonique local seraient versées dans le fonds, qui sera dorénavant administré par une tierce partie, et attribuées soit à la compagnie de téléphone, soit aux autres fournisseurs de service qui pourraient desservir les régions éloignées. Voilà pour la première réponse.

Deuxièmement, nous sommes confrontées à la même situation que les États-Unis. Au fur et à mesure que le service téléphonique local s'ouvre à la concurrence, les prix vont avoir tendance à augmenter, puisqu'il en coûte beaucoup plus de fournir des services téléphoniques dans certaines des régions plus éloignées du Canada.

Nous avons amorcé récemment des discussions, et nous tiendrons des audiences publiques dans diverses régions du pays à la fin mai ou au début de juin pour discuter de la question de la fourniture de services dans les régions où les coûts sont plus élevés. Il s'agit là d'un problème unique. Nous sommes en train de voir s'il n'y a pas un mécanisme de financement qui permettrait de régler ce problème.

Le sénateur Spivak: Prévoit-on plafonner les tarifs du service téléphonique local? Vous n'allez sûrement pas continuer de subventionner les tarifs, peu importe la hausse qu'ils subissent. Les tarifs du service téléphonique local vont augmenter.

M. Colville: Nous avons entamé des discussions, de sorte que bon nombre de ces questions restent à définir. Dans la partie septentrionale du Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest les services coûtent extrêmement cher. Il faudrait s'entendre sur le tarif que les gens pourraient payer pour avoir accès à un service abordable. Nous pourrions peut-être payer la différence.

Le sénateur Spivak: Et cela va s'appliquer à n'importe quel genre de service de télécommunications?

M. Colville: Nous avons toujours eu pour principe de subventionner le service téléphonique local de base.

Le sénateur Spivak: C'est-à-dire?

M. Colville: C'est-à-dire l'appareil à commutation vocale pour votre téléphone au bureau ou au foyer.

Le sénateur Spivak: En fait, ce que vous dites, c'est qu'il reste encore des questions à régler.

M. Colville: En ce qui concerne la région où le coût sera élevé, la décision tarde encore. Le principe que nous essayons d'établir dans la loi c'est d'habiliter le CRTC à exercer un contrôle sur l'administrateur de ce mécanisme de financement, du fonds lui-même.

Le sénateur Spivak: Mais les principes seront établis par le CRTC.

M. Colville: Dans le cadre de l'instrument de financement actuel, les principes ont déjà été établis. Cependant, jusqu'à maintenant ce sont les compagnies de téléphone elles-mêmes qui en ont géré la répartition. Lorsque le marché local sera ouvert à la concurrence et que plus de joueurs chercheront à obtenir des fonds, il faudra en confier la gestion à une tierce partie.

La présidente: Que pensez-vous de la proposition de AT&T de limiter l'attribution des licences de services de télécommunication internationale aux sociétés de télécommunication non dominantes?

M. Colville: Elle serait limitée aux sociétés dominantes.

La présidente: Oui, aux sociétés dominantes.

M. Colville: L'idée semble répandue que, pour une raison ou pour une autre, ce système d'attribution de licences serait une structure rigoureuse, très sévère. Même si nous n'avons pas terminé de mener l'instance, laquelle consiste à examiner la façon dont on s'y prendrait, je ne crois pas que nous songions à un cadre de réglementation très sévère.

Le problème qui se pose lorsque l'on commence à appliquer le critère de la position dominante, c'est que le processus commence alors à se compliquer. On se fonde alors sur une série de critères pour déterminer si une entreprise est dominante ou non. Cela complique beaucoup trop les choses.

Si le régime d'attribution de licences lui-même est assez simple, ce qu'il devrait être selon moi, je ne prévois pas que cela pose un problème.

Je peux vous donner comme exemple ce que nous avons fait dans le cas de la téléphonie locale. Nous avons dit que nous aurions besoin d'une autorisation du conseil pour les nouveaux joueurs qui entreraient en scène dans le secteur de la téléphonie locale. Essentiellement, il s'agit pour vous d'écrire une lettre et de dire que vous vous engagez à respecter les conditions qui ont été stipulées par le conseil en ce qui concerne l'entrée sur le marché des services locaux. Vous fournissez le service 911 pour les renseignements personnels, vous vous engagez à fournir un service de transmission de messages et à remplir quelques autres conditions. Et voilà, vous êtes en affaires.

Je le répète, il nous reste à définir tous les paramètres entourant ce régime d'attribution de licences, mais il s'agit fondamentalement de ce à quoi nous songeons.

Comme nous l'avons fait remarquer dans le cas de la Hong Kong Tel, le problème c'était qu'il fallait nous en prendre à cette entité qui ne respectait pas les règles. Dans ce cas, nous avons dû passer par l'entremise de B.C. Tel.

Avant tout, ce régime d'attribution de licences permet de nous en prendre directement à la partie qui est la source du problème. C'est aussi simple que cela. Je ne crois pas que le régime d'attribution de licences que nous parlons de mettre en place doive être particulièrement oppressif pour que nous y parvenions.

Le sénateur Oliver: J'ai quelques questions générales au sujet du lien qui existe entre le CRTC et le Bureau du droit et de la politique de la concurrence. Peut-être pouvez-vous nous parler de l'expertise qu'a le CRTC en ce qui a trait à la théorie et à la pratique de la concurrence.

Pourquoi autoriser le CRTC à appliquer les règles régissant la discrimination par les prix, l'établissement de prix abusifs et l'abus de position dominante lorsque ces infractions tombent déjà sous le coup de la Loi sur la concurrence? Un régime d'attribution de licences de services de télécommunication internationale, tel que le prévoit le projet de loi C-17, n'est-il pas redondant et peu rentable étant donné l'expertise reconnue du Bureau du droit de la politique de la concurrence? D'où vient le manque de confiance du gouvernement à l'égard du Bureau du droit et de la politique de la concurrence ou du Tribunal de la concurrence pour régler ces problèmes particuliers?

En théorie, à tout le moins, la politique de la concurrence est habituellement considérée comme un outil passif mais non interventionniste de politique gouvernementale lorsque l'on a affaire à des pratiques abusives de ce genre. Quant à la politique de réglementation -- ce que vous faites -- elle est considérée comme un outil prépondérant et beaucoup plus normatif. Si vous êtes d'accord avec la caractérisation, pourquoi voyez-vous ce changement maintenant?

M. Colville: Je ne suis pas sûr que je serais d'accord avec la caractérisation. Je ne me suis jamais considéré comme étant particulièrement interventionniste ou trop oppressif.

Je le répète, si vous jetez un coup d'oeil aux mesures que nous avons prises pour réglementer plus en douceur dans un environnement concurrentiel, nous nous sommes en fait tenus loin de l'interventionnisme. Nous avons mis en place un régime d'autorisation à l'intention des nouveaux joueurs qui accèdent au marché de la téléphonie locale. Nous ne réglementons pas ces compagnies, nous ne réglementons pas leurs taux. Nous avons le pouvoir d'intervenir et de régler les problèmes qui se posent, mais la réglementation n'est ni interventionniste, ni normative, ni oppressive.

Je crois que ce régime d'autorisation de licences suscite des inquiétude. Si vous jetez un coup d'oeil aux accomplissements du conseil, vous verrez que notre dossier témoigne de la direction dans laquelle nous nous sommes engagés, du genre de règlement dont nous nous sommes éloignés et de l'approche plus douce que nous avons adoptée.

Ce qui est très intéressant, c'est que nous avons créé ces comités de l'industrie pour fixer les conditions de la concurrence locale. Les joueurs eux-mêmes -- les gens qui sont assis dans cette pièce -- joignent leurs efforts pour résoudre tous les problèmes techniques et administratifs. Il se trouve que nous siégeons à cette table, mais davantage pour éclaircir la situation lorsque des problèmes se posent.

Il ne me revient pas de parler de l'ensemble des compétences du Bureau du droit et de la politique de la concurrence. En fait, je n'en sais rien personnellement. Je ne suis pas un spécialiste de la Loi sur la concurrence. Comme vous le savez, je ne suis pas avocat. Cependant, ces questions font appel à un ensemble de compétences que possède le conseil en matière de télécommunications. Ces compagnies entreprendront des activités dans ce domaine. Dans la mesure où elles risquent de faire une entorse aux règles ou de les enfreindre, il est juste de dire que nous sommes en mesure de nous occuper de ce genre de problèmes vu qu'ils ont trait aux télécommunications.

Le sénateur Oliver: À supposer qu'il y ait un régime d'attribution de licences de télécommunication internationale, comment croyez-vous que le CRTC exercera une surveillance sur ces fournisseurs de services internationaux pour intervenir en cas d'infraction? Qui assumerait en fait les coûts de cette surveillance? Que montant avez-vous prévu à votre budget? Combien en coûterait-il au gouvernement pour exercer une surveillance sur des infractions de ce genre, par exemple les infractions commises par la Hong Kong Tel?

M. Colville: Je m'attends à ce que la plupart de ces choses ne se fassent pas tant dans le cadre d'une surveillance rigoureuse au jour le jour. Nous avons soulevé un certain nombre de ces questions dans l'avis public de même que dans le cadre de cette instance. Cependant, même dans le cadre actuel où des activités de ce genre peuvent ou non survenir, cela se fait la plupart du temps par l'entremise d'une procédure des plaintes. Quelqu'un peut soulever une question auprès du conseil. Même dans le cas de la Hong Kong Tel le problème a été soulevé à un certain nombre d'occasions par l'entremise d'une plainte. Nous sommes ainsi obligés d'intervenir.

Le problème dans le cas de la Hong Kong Tel, c'est que nous avons été obligés de nous en occuper par l'entremise d'une tierce partie, en l'occurrence B.C. Tel, et non par l'entremise de la partie qui était coupable de l'infraction.

Cela nous donnera l'occasion de traiter avec la personne qui est coupable de l'infraction et non avec quelqu'un d'autre qui finit par être une innocente victime.

Le sénateur Oliver: Si un monopole international tel que Sprint a constitué un monopole avec l'Inde et exerce au Canada des activités au Canada qui constituent une discrimination par les prix et qu'il ne détient pas de licence, de quel pouvoir disposez-vous alors?

M. Colville: Cette possibilité a déjà été envisagée. Une partie de cette activité serait exercée par l'entremise d'une affiliée qui peut ne pas être directement associée à cette entreprise mais qui serait un revendeur au Canada.

Le sénateur Oliver: Sur lequel vous exercez déjà un contrôle? Est-ce exact?

M. Colville: Non, pas le revendeur.

Le sénateur Oliver: Les revendeurs qui ont comparu devant notre comité la semaine dernière nous ont dit qu'ils aimeraient être réglementés.

M. Colville: Certains d'entre eux. Je suis très conscient de cela. Le fait est qu'à l'heure actuelle nous ne le faisons pas.

Cette disposition nous autorise à prendre des mesures à l'égard de ce revendeur international. On s'est demandé si elle ne devait pas s'appliquer au revendeur national.

Le sénateur Oliver: Votre licence de services de télécommunication internationale ne s'appliquerait-elle pas à un revendeur national au Canada?

M. Colville: Cette disposition ne vise pas à englober le revendeur national, c'est exact.

Le sénateur Oliver: Si l'entreprise monopolistique de l'Inde passe par un revendeur au Canada, que faites-vous alors?

M. Colville: Si elle le fait par l'entremise d'un revendeur qui offre un service international, il faudrait une licence.

Le sénateur Oliver: Tout revendeur qui fait quoi que ce soit qui s'étende à l'extérieur du Canada, un genre de contournement, tombe donc sous le coup du projet de loi C-17?

Mme Carolyn Pinsky, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, conseillère juridique: En ce qui concerne le pouvoir d'autorisation de licences, le projet de loi contient une nouvelle définition du fournisseur de services de télécommunication. Ce pouvoir d'autorisation de licences s'appliquerait à toute personne qui fournit des services de télécommunication de base au Canada et des services internationaux.

Pour répondre à votre question, si un revendeur exploite une entreprise au Canada, la nouvelle disposition habiliterait le conseil à octroyer une licence au revendeur qui fournit des services internationaux.

Le conseil exercerait ainsi un contrôle direct sur ce revendeur qui offre des services internationaux. Si votre question porte sur un fournisseur de services qui n'exerce pas d'activités au Canada, pour revenir à l'exemple de CallNet, vous auriez alors affaire à une société monopolistique étrangère qui -- on suppose que si elle n'est pas revendeur de service elle obtient des services de quelqu'un au Canada -- serait par conséquent un client d'un revendeur ou d'un fournisseur doté d'installations au Canada. Ce serait une autre façon de parvenir à l'entreprise monopolistique étrangère.

Le sénateur Oliver: Monsieur Colville, pouvez-vous caractériser, à l'aide d'un nom ou d'un adjectif, le genre de comportement que vous envisagez et contre lequel il faudra cette licence pour vous battre une fois que le marché sera plus ouvert à la concurrence, c'est-à-dire le monopole de Téléglobe qui prend fin, et cetera? Quel genre de problème risque de se poser selon vous?

M. Colville: Je ne suis pas trop sûr de l'adjectif à utiliser. En général, il s'agit d'habitude de traitement préférentiel ou de discrimination injuste. Vous vous êtes servi à plusieurs reprises de l'exemple de la Hong Kong Tel.

Le problème en ce qui a trait à ce régime d'attribution de licence, c'était qu'il fallait être en mesure d'atteindre directement la partie qui crée le problème, et ne pas être obligé de passer par l'entremise d'une entreprise comme B.C. Tel.

Le sénateur Spivak: La question du Bureau du droit et de la politique de concurrence et du CRTC survient à intervalles réguliers dans le cadre de nos discussions.

Pouvez-vous me dire quel est le savoir-faire du CRTC en ce qui a trait aux services et aux activités de télécommunication. Quelle est selon vous la différence fondamentale entre les mandats des deux organismes? Vous n'avez pas à me faire un exposé.

M. Colville: Je n'ai pas vraiment réfléchi à la différence essentielle en ce qui concerne le mandat. Je crois que notre mandat a toujours consisté à réglementer les télécommunications dans un environnement monopolistique. Nous avons acquis certaines compétences dans ce domaine.

La Loi sur la concurrence a été mise en place pour s'occuper du marché concurrentiel. Nous essayons de passer de cet environnement monopolistique au marché concurrentiel et nous en sommes présentement à l'étape de la transition. Nous avons pris des mesures très actives pour y parvenir.

D'aucuns pourraient prétendre que, finalement, lorsque ce marché deviendra vraiment concurrentiel et que les anciens joueurs dominants n'exerceront plus leur monopole, la Loi sur la concurrence aura préséance et prendra le relais.

Le sénateur Spivak: Ce n'est pas la réponse que je souhaitais. C'est votre rôle, mais je suppose que les télécommunications et les industries du même genre ne correspondent pas du point de vue de la souveraineté canadienne au genre de choses dont s'occupe le Bureau de la concurrence. Je me trompe peut-être. N'êtes vous pas d'accord avec cela?

M. Colville: Elles ne correspondaient pas parce que nous avons fonctionné dans un environnement monopolistique. Je ne suis pas sûr qu'elles n'y correspondront pas un jour alors que le marché deviendra tout à fait concurrentiel. Ce jour viendra peut-être.

Je dirais qu'il y a un domaine qui fera peut-être exception et c'est celui de la radiodiffusion.

Le sénateur Spivak: Pourrons-nous un jour voir la différence?

M. Colville: Pour ce qui est du contenu de la radiodiffusion, je crois que oui.

Le sénateur Spivak: La radiodiffusion et les télécommunications ne seront-elles réunies en un tout?

M. Colville: Non. La question du contenu continuera d'être différente.

La présidente: Merci de votre contribution. Nous vous savons gré de votre exposé.

La séance est levée.


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