Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 11 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 2 avril 1998
Le comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui pour étudier le projet de loi C-9, Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritimes, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Aujourd'hui, nous étudions le projet de loi C-9, Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritimes, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui l'honorable David Collenette, ministre des Transports.
Monsieur le ministre, je pense que vous aurez suffisamment de temps pour répondre à toutes nos questions après votre exposé et que mes collègues auront de nombreuses questions à vous poser ce matin. Si nous n'avons pas le temps de poser toutes nos questions, nous vous demanderons éventuellement de revenir à une date ultérieure.
Vous avez la parole.
[Français]
L'honorable David Collenette, c.p., député, ministre des Transports: Je vous remercie, madame la présidente. Il me fait grand plaisir de discuter avec vous ce matin du projet de loi C-9, Loi maritime du Canada.
[Traduction]
C'est dans la perspective des défis auxquels le Canada fait face à l'heure actuelle et de nos objectifs globaux en matière de commerce et de transport qu'il faut juger de l'importance de ce projet de loi.
Le secteur maritime traite quelque 260 millions de tonnes de marchandises que nous expédions chaque année, ce qui représente 40 p. 100 de nos échanges avec d'autres pays. Cela représente plus de 2,5 milliards de dollars par année en revenu et plus de 45 000 emplois canadiens. Cela dit, nous reconnaissons que le secteur maritime doit s'adapter en vue des défis du prochain millénaire.
Ce projet de loi, la Loi maritime du Canada, est l'aboutissement d'un long processus de consultations au cours duquel nous avons demandé aux Canadiens comment nous devrions regrouper et rationaliser nos institutions maritimes. Ce processus a commencé en 1994 par un examen ministériel du régime de gestion et de réglementation du secteur maritime.
En 1995, le comité permanent des transports de la Chambre des communes, après avoir voyagé par tout le Canada, a fait rapport des opinions des gouvernements provinciaux, des municipalités, des syndicats et des autres intervenants de l'industrie maritime. Après d'autres discussions avec les utilisateurs des ports et d'autres intervenants, le gouvernement annonçait sa politique maritime nationale en décembre 1995.
En juin 1996, nous avons déposé à la Chambre le projet de loi C-44, la Loi maritime du Canada, et le comité permanent de la Chambre des communes a parcouru le Canada pour tenir une série d'audiences avant de faire d'importantes modifications au projet de loi. Le projet de loi C-44 a été présenté ici, au Sénat, mais attendait encore d'être examiné en troisième lecture lorsque le Parlement a été dissous en avril 1997. Je le regrette et je sais que les honorables sénateurs n'ont pas eu le temps de revoir le projet de loi en détail. Il est évident qu'un bon tour d'horizon ce matin, suivi des discussions que vous pourrez avoir par la suite, vous aideront à vous acquitter de vos responsabilités.
Après mon entrée en fonction comme ministre des Transports, et avant la nouvelle présentation de la loi, j'ai rencontré les directeurs de port, les utilisateurs de la voie maritime et des ports, les armateurs, les expéditeurs et les personnes intéressées aux questions de pilotage. Ils m'ont tous communiqué le même message sans ambiguïté. Ils voulaient que nous redéposions le projet de loi le plus tôt possible, sans plus attendre. Ils s'entendaient tous pour dire que les compromis faits dans le projet de loi représentent un bon équilibre entre les divers intérêts. Tous étaient inquiets qu'une refonte trop poussée du projet de loi à ce point-ci puisse nous coûter le consensus qui a été atteint au sujet de ce projet de loi au terme d'un processus de consultations étendu.
Je considère que des discussions et des consultations assez considérables ont eu lieu avec un éventail varié d'intervenants avant que le projet de loi soit de nouveau déposé sous le nom de projet de loi C-9.
Je dois aussi vous dire que j'ai évoqué cette question et que j'ai eu des discussions au sujet de ce projet de loi avec tous mes homologues provinciaux. Il est indéniable qu'ils acceptent de manière générale l'orientation donnée par le gouvernement et qu'ils comprennent les objectifs que nous cherchons à atteindre en présentant ce projet de loi. Cette question n'a pas soulevé d'objection majeure de la part des ministres des Transports provinciaux. Ils comprennent nos raisons et ils considèrent qu'il est temps de passer à l'action.
[Français]
Voici quelques-uns des changements que ce projet de loi réalise. Il crée un réseau de 18 administrations portuaires canadiennes gérées de façon indépendante qui traitent 62 p.100 du trafic maritime actuel. Il leur donne les outils dont elles ont besoin pour fonctionner avec efficience et selon les pricipes commerciaux. Il réduit les frais généraux et les formalités administratives en dissolvant la Société canadienne des ports. Il met au service des conseils d'administration des ports de solides compétences commerciales. Il accroît la responsabilité de reddition de compte et la transparence des opérations des conseils d'administration par des obligations rigoureuses de divulgation. Les projets des ports qui nécessitent des investissements seront assujettis à une évaluation des risques commerciaux.
Ce projet de loi nous permet également d'assurer l'administration des ports et des installations portuaires publiques qui desservent les collectivités éloignées et de commercialiser la voie maritime et de simplifier la prestation des services de pilotage.
L'examen récent du projet de loi C-9 par la Chambre des communes a produit des modifications importantes. Les employés du secteur maritime qui quittent les régimes de pension et de prestations fédéraux se verront offrir des prestations comparables par leur nouvel employeur. Le nouvel employeur est également tenu de prendre toutes les mesures raisonnables pour négocier une entente de transfert des pensions avec le Conseil du Trésor. Les anciennes commissions portuaires bénéficient d'une période de quatre ans pour verser des subventions tenant lieu de taxes à leurs municipalités.
Ces changements, et bien d'autres, on été apportés au projet de loi durant ses deux passages au Parlement. Vous ne serez donc pas surpris de constater que ces changements ne satisfont personne entièrement. Cependant, nous avons pris toutes les mesures possibles pour répondre aux préoccupations légitimes.
Malgré tout, des mémoires continuent d'être présentés par certains intervenants, comme les commissions portuaires et certaines des municipalités où les commissions portuaires sont implantées.
Pour eux, le verre est à moitié vide; ils ne font ressortir que les éléments qu'ils estiment comme étant les lacunes du projet de loi.
À mon avis, le verre est à moitié plein, compte tenu des gains positifs pour les ports et les municipalités, dont je ne mentionnerai que deux de ceux-ci.
Les administrations portuaires doivent commencer à verser des subventions tenant lieu de taxes à leurs municipalités, ce qui n'était pas le cas pour les commissions portuaires. Les administrations portuaires doivent publier des états financiers détaillés et sont assujettis à la Loi sur l'accès à l'information, ce qui n'était pas le cas pour les commissions portuaires.
[Traduction]
Le niveau sans précédent de divulgation de données financières et de transparence exigé par ce projet de loi rendra les administrations portuaires beaucoup plus responsables auprès des utilisateurs et des intérêts locaux que tous les régimes portuaires existants. Nous avons maintenant un projet de loi convenable non seulement pour nos ports et la voie maritime, mais aussi pour leurs employés. C'est là le genre de réforme que les collectivités portuaires désirent depuis longtemps et nous sommes heureux d'aller dans cette direction.
Comme tout ministre responsable d'un texte de loi, je suis allé aux limites du possible dans la modification de ce projet de loi. Une vaste majorité des intervenants veut tout simplement voir ce projet de loi adopté, maintenant que leurs principales préoccupations ont été résolues.
Les autres témoins qui désirent encore des changements feront valoir quatre principales questions: l'avenir des petits ports, les règles distinctes pour les commissions portuaires, le démantèlement de la police des ports et les investissements dans les ports. Je crois comprendre que des préoccupations ont également été formulées relativement au financement de la voie maritime par l'État. Permettez-moi ce matin de commenter chacune de ces questions en prévision des questions que vous allez me poser.
Pour ce qui est des petits ports, conformément à la politique maritime nationale de 1995, nous avons également entrepris la cession des ports locaux aux intérêts locaux en vertu de la Loi sur les immeubles fédéraux et de la Loi sur les biens de surplus de la Couronne. Il est important de souligner que la loi d'habilitation du programme d'aliénation est en place et en cours d'application.
La politique prévoyait ces cessions afin de confier la prise de décisions aux intérêts locaux, qui pourraient à leur gré établir leurs propres tarifs et faire des investissements fondés sur des décisions d'affaires affranchies des restrictions imposées par le fédéral.
Dans cette même décision, nous réaffirmons notre engagement envers les ports publics qui desservent des emplacements éloignés. L'avenir de ces petits ports n'est pas remis en question, et le ministère continuera à chercher la façon la plus efficace de répondre aux besoins permanents des 34 emplacements de Transports Canada qui font partie de cette catégorie.
Lorsque la politique a été annoncée, Transports Canada était responsable de 549 ports et installations portuaires. Jusqu'ici, 114 emplacements ont été cédés, deux ont été démantelés, et 199 ont été désaffectés à titre de ports publics, ce qui représente 315 emplacements, soit 60 p. 100 du total.
Les représentants de Transports Canada se sont mis en contact avec les maires et les conseillers de la majorité des municipalités où sont situés des ports régionaux et locaux. À ce jour, quelque 200 assemblées publiques se sont tenues lors desquelles nous avons expliqué le programme de cession et avons indiqué aux intéressés comment ils pouvaient se procurer tous les renseignements techniques, environnementaux et financiers disponibles.
Nous avons signé des déclarations d'intention avec des intérêts locaux concernant 109 des 234 ports restants et le processus est déjà fort avancé dans 66 de ces cas, dont Bayside, au Nouveau-Brunswick; Port Hawkesbury/Mulgrave, en Nouvelle-Écosse, et Kenora et Sault Ste. Marie, en Ontario.
Un fonds de cession des ports de 125 millions de dollars a été établi pour faciliter la transition vers une exploitation locale, et il reste environ 100 millions de dollars à allouer. Le fonds permet aux autorités locales de prendre en charge des installations sécuritaires en vue de leur exploitation future. Environ 5,6 millions de dollars ont été engagés pour des réparations essentielles à Charlottetown et Summerside, dans l'Île-du-Prince-Édouard, où les autorités locales travaillent à la préparation du plan d'affaires nécessaire afin de déterminer si une exploitation commune des quatre ports de l'I.-P.-E. pourrait satisfaire au critère pour accéder au rang d'administration portuaire. Il est indispensable que l'Île-du-Prince-Édouard conserve au moins un port, en espérant qu'elle pourra conserver les quatre, et la meilleure solution pour y parvenir est peut-être celle des administrations portuaires canadiennes.
Nous nous sommes fixé un objectif de six ans pour la cession de ces ports locaux. Il est évident que nous progressons bien. C'est pourquoi nous apportons une modification à l'article 72 du projet de loi pour préciser que le ministre conserve la responsabilité de l'exploitation des ports publics et installations portuaires publiques qui ne sont pas cédés jusqu'à ce que chaque cas soit résolu. Cela signifie que la décision définitive qui sera prise au sujet de certains ports qui ne parviendront pas à répondre au critère appartiendra aux responsables politiques. Il s'agira donc d'une décision politique.
[Français]
Sur les questions des commissions portuaires, j'ai déjà indiqué que certaines de nos municipalités et commissions portuaires voient des avantages à conserver leurs règles actuelles. Toutefois, notre objectif est d'éliminer la multitude de régimes portuaires et d'uniformiser les règles du jeu pour toutes les administrations portuaires.
Le projet de loi reprend de nombreuses caractéristiques souhaitables du modèle des commissions portuaires, notamment la représentation des municipalités au conseil d'administration et l'élection du président par les membres du conseil.
En outre, les administrations portuaires sont investies de pouvoirs dont les commissions portuaires ne disposent pas actuellement. Citons, à titre d'exemple, qu'elles ne seront plus tenues de demander l'approbation du gouverneur en conseil pour les emprunts individuels inférieurs aux limites établies, qu'elles auront un nouveau pouvoir de louer et d'acheter des terrains, qu'elles seront en mesure d'imposer des droits de port sans obtenir l'approbation du gouverneur en conseil. Enfin, les municipalités profiteront des changements concernant les commissions portuaires qui devront verser aux municipalités des subventions tenant lieu de taxes.
[Traduction]
La question de la police des ports a fait l'objet de controverse ces derniers mois, du moins dans certains médias. Comme je l'ai déjà mentionné, notre politique globale est de retirer la présence fédérale de l'équation sur la plupart des décisions concernant les ports, en renforçant les liens avec les collectivités locales et les utilisateurs des ports. Nous avons établi au moyen de consultations que les organismes locaux de maintien de l'ordre pouvaient répondre à tous les besoins allant au-delà des fonctions élémentaires de sûreté qui incombent aux ports eux-mêmes. Comme il n'y a pas de nécessité de disposer d'un corps de police portuaire nationale, nous avons amorcé le processus de démantèlement. Cette mesure a tenu compte de tous les droits accumulés des personnes touchées. Au 31 décembre dernier, les six détachements de l'ancienne police des ports avaient été démantelés. Les fonctions de police ont été transférées aux corps de police locale.
Ceci dit, il importe de préciser que la Gendarmerie royale du Canada et Douanes Canada conservent la responsabilité de l'application des lois fédérales lorsqu'il s'agit de crimes comme la contrebande et l'immigration illégale. Il est primordial que cette fonction critique demeure sous contrôle fédéral et qu'elle soit régie par des lois et règlements communs.
J'ai été très surpris que les médias puissent laisser entendre qu'en quelque sorte le démantèlement de la police portuaire fera qu'il n'y aura plus de responsable de la lutte contre des crimes contre la contrebande de drogue, par exemple. En réalité, c'est la GRC qui s'en chargeait jusque-là et elle continuera à le faire. Il n'y aura aucun changement. Le changement, c'est que la police portuaire, qui se chargeait de faire respecter les mesures de sécurité de base, a été désormais démantelée. Cette responsabilité sera confiée aux agences de sécurité et aux forces de police locale.
En ce qui concerne la question fondamentale des investissements dans les ports, je suis sûr que vous serez saisis de mémoires exprimant l'opinion que les investissements dans les nouvelles installations portuaires devraient encore bénéficier de crédits du Trésor fédéral. Je sais que le port de Halifax, entre autres, est préoccupé par cette question. Ses responsables veulent s'assurer qu'ils disposeront des installations nécessaires pour accueillir la nouvelle génération de navires qui sont appelés à faire escale dans ce port après l'an 2000.
Notre politique sur ce point est bien claire. Nous sommes d'avis que les utilisateurs des nouvelles installations et les établissements de prêt commercial sont les partenaires d'investissements tout indiqués pour les ports. Ces partenaires sont en bien meilleure position que le gouvernement fédéral pour dire quel montant d'investissement est raisonnable et quand il est nécessaire. Je suis bien certain qu'avec la nouvelle structure les responsables de Halifax réussiront à trouver les crédits nécessaires. C'est une chose que l'on a pu voir à maintes reprises dans les aéroports du pays. Ottawa vient d'annoncer un projet d'agrandissement de l'aéroport d'Ottawa pour un montant de 250 millions de dollars. Il y a de l'argent disponible et la politique de cession des aéroports nous a démontré que c'était possible.
Les études effectuées par nos conseillers financiers, Nesbitt Burns, indiquent que, selon les règles proposées, les nouvelles administrations portuaires devraient toutes être financièrement viables à long terme. Citons, notamment, la conclusion selon laquelle le port de Halifax est autonome financièrement et qu'il devrait être en mesure d'obtenir suffisamment de fonds auprès des prêteurs commerciaux pour répondre à ses besoins de dépenses d'immobilisations. Nous avons pleinement confiance et nous sommes sûrs que cet argent peut être trouvé.
[Français]
Certaines questions ont également été soulevées en ce qui concerne la Voie maritime du St-Laurent. La politique maritime nationale reconnaissait que la voie maritime devait être commercialisée pour rester efficace sur le plan des coûts et être une route de transport concurrentielle.
L'autosuffisance financière de la voie maritime la rend vulnérable aux variations des niveaux de trafic. Le gouvernement doit donc assumer une part du risque, étant donné que la voie maritime joue un rôle complexe dans l'économie, comme en témoigne la dépendance de nombreux ports et industries envers elle.
Les eaux navigables des Grands Lacs et du Saint-Laurent font partie intégrante du réseau de transport intermodal du Canada, et relient le transport par rail, par camion, par pipeline et par bateau. Plus de 40 routes provinciales et interétats, et près de 30 compagnies de chemin de fer relient les ports des Grands Lacs aux grandes villes des États-Unis et du Canada. Par conséquent, la voie maritime se distingue des ports par sa structure et s'apparente beaucoup plus à une route maritime donnant accès aux ports.
Par ailleurs, la voie maritime est une entreprise binationale. Le gouvernement du Canada doit collaborer avec le gouvernement américain et ne peut faire fi des autres rôles que joue la voie maritime dans le contrôle des inondations et la protection des intérêts riverains.
La politique maritime fixe le même objectif à la direction future des ports et de la voie maritime: efficacité accrue, participation des utilisateurs à la gestion.
On a fait appel à une démarche différente dans le cas de la voie maritime étant donné sa portée étendue et sa situation binationale, mais le but est le même. D'après les prévisions actuelles, la commercialisation permettra à la voie maritime d'être autosuffisante au cours des cinq prochaines années.
[Traduction]
En conclusion, je pense que vous conviendrez sûrement que ce dont nous avons besoin pour l'avenir, ce sont des transports sûrs, efficients, compétitifs et durables du point de vue de l'environnement. C'est dans l'intérêt de toutes les régions du Canada et c'est ce que ce projet de loi vise à instaurer pour le secteur maritime.
Nous avons façonné ce projet de loi de telle sorte que les importateurs et les exportateurs canadiens peuvent désormais affronter la concurrence croissante qui règne dans l'économie mondiale, avec la confiance qu'ils seront efficacement servis par un réseau portuaire national revitalisé. J'estime que le projet de loi C-9 met à notre disposition les outils voulus pour faire face à ces défis.
Au cours des deux dernières années, toutes les parties touchées par ce projet de loi ont eu l'occasion de présenter leurs points de vue et leurs préoccupations. Nous avons trouvé un juste équilibre qui est acceptable pour la plupart des intervenants qui estiment qu'il s'agit d'un pas très important dans la bonne direction.
Le changement comporte toujours un élément de risque et l'examen prévu par la loi à l'article 144 nous donne l'assurance qu'après quatre ans, chaque aspect de ce projet de loi pourra être revu pour déterminer si d'autres changements sont nécessaires. Autrement dit, cette loi devra repasser devant la Chambre des communes et le Sénat pour y être réexaminée. Il ne s'agit pas ici du produit définitif. Vous aurez la possibilité de régler les questions en suspens. Je sais que certains parlementaires de la Chambre et du Sénat s'inquiètent à ce sujet. Je tiens à les rassurer et à leur dire qu'il n'y a ici rien de définitif. Une fois que nous aurons eu la possibilité de voir ce que donne la loi dans la pratique, nous vous la soumettrons à nouveau dans quatre ans.
C'est à vous maintenant de décider d'appuyer ou non la mise en application de cette loi absolument nécessaire. Je sais que vous vous acquitterez de votre tâche avec diligence. Je tiens à vous assurer de ma collaboration et à répondre à toutes vos questions. Nous voulons faire le maximum pour nous assurer que nous allons adopter une bonne législation dans l'intérêt de tous les Canadiens.
La présidente: Quel type de mécanisme envisagez-vous pour remplacer l'administration de la Voie maritime du Saint-Laurent? Cette société d'État va cesser d'exister après l'adoption de ce projet de loi. Qui va alors se charger de l'administration de la voie maritime? Qui va faire partie de ce nouveau groupe et sur quel critère allez-vous choisir un groupe plutôt qu'un autre?
M. Collenette: Parallèlement à la procédure d'adoption de ce projet de loi par le Parlement, nous avons négocié avec les usagers la mise en place d'une organisation à but non lucratif qui sera chargée d'administrer la voie maritime comme cela se fait pour différents aéroports. Ces discussions se sont particulièrement bien déroulées. Nous sommes prêts d'en arriver à un accord. Nous avons besoin de ce projet de loi pour être légalement habilité à conclure cet accord.
C'est dans l'intérêt de tous les usagers. Tous nous ont appuyés et nous aurons de ce fait une organisation bien plus efficace, qui va faire baisser les coûts et assurer une exploitation plus viable des installations d'un point de vue commercial.
La présidente: Que pensent à votre avis les États-Unis des dispositions qui s'appliquent à la voie maritime dans le projet de loi qui nous est présenté? Est-ce qu'ils y sont favorables, indifférents, est-ce qu'ils sont inquiets, ou quoi?
M. Collenette: Nous avons à l'heure actuelle quelques différends avec les Américains que je peux bien vous révéler, puisque les Américains se refusent à augmenter le péage depuis un certain nombre d'années. Nous considérons que cette attitude est inacceptable. Ils aimeraient que l'on règle les questions de commercialisation après l'établissement d'un organisme binational. Nous ne sommes pas d'accord. Nous leur disons que nous sommes tout à fait prêts à discuter de la création d'un organisme binational et à collaborer effectivement à ce projet, mais qu'il faut passer à l'action dès maintenant. Il faut redonner son efficacité au mécanisme de commercialisation pour les raisons que j'ai données tout à l'heure.
Nous voulons une augmentation modérée des tarifs dès maintenant, en tenant compte de la pression inflationniste de ces dernières années. Nous sommes sur le point de dire aux Américains que c'est ce que nous allons faire de notre côté. Nous en avons le pouvoir d'un point de vue juridique. Nous aimerions que ce soit dans le cadre de la législation sur la voie maritime mais, de même que les Américains ont appliqué unilatéralement des droits de péage au cours des 30 ou 40 dernières années, nous pouvons de notre côté faire cavalier seul.
Notre position n'est pas très éloignée de celle des Américains. C'est un partenaire qui présente beaucoup d'intérêt, et il est de grande taille. Vu de Washington, ce n'est pas un gros problème dans le secteur des transports, mais il revêt une importance fondamentale pour de nombreux intervenants, notamment dans les Grands Lacs. Ce désaccord ne nous empêche pas de dormir parce qu'il ne porte pas sur la finalité, mais sur la procédure. Nous garantissons aux États-Unis qu'une fois que ce projet de loi sera adopté et que l'on aura réglé la question de commercialisation, les deux gouvernements négocieront les questions liées à l'organisation binationale.
Le sénateur Bryden: Il ne nous reste pas beaucoup de temps. J'aimerais réfuter une ou deux choses que vous avez déclarées dans votre exposé, mais je m'en abstiendrai. Vous avez déclaré entre autres que vous étiez habilité par la loi à procéder aux aliénations que vous avez décidé d'entreprendre. Je suis sûr que vous disposez d'un avis juridique en ce sens. J'ai de mon côté un avis juridique qui dit le contraire. Nous pourrions peut-être demander plus tard à nos deux avocats d'en débattre. C'est la raison pour laquelle une disposition figure précisément dans le projet de loi C-9 afin de donner clairement au ministre le droit d'aliéner les ports. Toutefois, si je me laisse aller ici à ce genre de discussion, je ne pourrai pas aborder des questions de fond plus importantes.
Si je comprends bien, c'est l'alinéa 5d) de la Loi canadienne sur les transports qui établit les dispositions s'appliquant à notre politique nationale des transports. Je voudrais que cela soit consigné dans notre procès-verbal. Voici quelles sont ces dispositions:
[que] les transports soient reconnus comme un facteur primordial du développement économique régional et que soit maintenu un équilibre entre les objectifs de rentabilité des liaisons de transport et ceux de développement économique régional en vue de la réalisation du potentiel économique de chaque région.
Je crois comprendre que cet article reste en vigueur et que rien dans le projet de loi ne vient le contredire. C'est bien ça?
M. Collenette: C'est bien ça.
Le sénateur Bryden: Cela étant, vous nous avez dit que les gouvernements provinciaux n'avaient exprimé aucune inquiétude au sujet de la mise en application de la loi. Le ministre du Nouveau-Brunswick, Sheldon Lee, a présenté un mémoire dans lequel il demandait que cette disposition soit incorporée au projet de loi C-9. Pouvez-vous me dire s'il a été donné suite à cette demande?
M. Collenette: Par «cette disposition», vous entendez la Loi canadienne sur les transports?
Le sénateur Bryden: Je parle de l'alinéa 5d) de la Loi canadienne sur les transports, qui devrait être incorporée au projet de loi C-9 car il traite des voies d'eau.
M. Collenette: Je dois vous faire remarquer que nous n'avons pas besoin de l'incorporer à cette loi car elle figure déjà dans la Loi canadienne sur les transports.
Le sénateur Bryden: Toutes les dispositions de ce projet de loi doivent être compatibles avec celles de la Loi canadienne sur les transports; c'est bien ça?
M. Collenette: En effet. Les lois doivent être compatibles.
Le sénateur Bryden: Le projet de loi lui-même est curieux en ce sens qu'il établit deux séries d'objectifs. La première correspond à ce que l'on appelle la Politique maritime nationale, qui est établie à l'article 4 du projet de loi; la deuxième s'applique de manière indépendante à la Voie maritime du Saint-Laurent, et se trouve à l'article 78 du projet de loi.
Les dispositions de l'article 4 s'appliquent à tous les ports autres que la voie maritime. La loi a pour objectif de:
f) gérer l'infrastructure maritime et les services d'une façon commerciale [...]
À l'article 78, l'objectif fixé n'est que de:
a) promouvoir une approche commerciale dans le cadre de l'exploitation de la voie maritime;
Il semble que les critères exigés, ou imposés à tous les ports à l'exception de ceux de la voie maritime, soient bien plus stricts que ceux qui s'appliquent à la voie maritime. C'est bien ça?
M. Collenette: Je conteste votre interprétation des dispositions. Je ne pense pas que ce soit nécessairement corroboré par les faits.
Il faudrait peut-être que je demande à l'un de mes fonctionnaires de vous donner des précisions.
M. Louis Ranger, sous-ministre adjoint, Politiques, Transports Canada: La voie maritime a une vocation bien particulière. Elle s'apparente à une autoroute qui dessert de nombreuses localités. Comme l'a rappelé le ministre dans son exposé, la voie maritime est desservie par 40 autoroutes et 30 lignes de chemins de fer. C'est une grande voie de communication. Elle revêt une importance fondamentale pour nos exportations et nos échanges commerciaux.
Cela dit, la méthode et les objectifs sont essentiellement les mêmes et nous sommes convaincus que les ports comme la voie maritime seront financièrement autonomes. Le trafic dans la voie maritime fluctue considérablement en fonction de l'économie nationale. La voie maritime n'opère à l'heure actuelle qu'à la moitié de sa capacité. Nous espérons que le trafic reprendra, auquel cas elle sera financièrement autonome. Le trafic a cependant été capricieux ces 20 dernières années et nous devons en tenir compte.
Le sénateur Bryden: Est-ce qu'il n'en est pas de même aujourd'hui pour le port de Vancouver, alors que l'on peut supposer que le trafic a diminué avec les pays de l'Est de l'Asie, qui sont dans un marasme économique, en espérant que ce trafic reprenne l'année prochaine. L'année précédente, tout se passait très bien. Est-il juste de dire qu'il faut subventionner la voie maritime parce que le trafic fluctue alors qu'on ne peut pas subventionner Halifax ou Hawkesbury, dont le trafic fluctue tout autant?
M. Ranger: Nos conseillers financiers ont eu pour mandat de se pencher sur les 18 ports nationaux que nous avons définis. Il leur fallait déterminer si ces ports étaient financièrement autonomes à l'heure actuelle et s'ils pourraient l'être à l'avenir. Ils ont répondu «oui» à ces deux questions pour ce qui est des grands ports que nous avons définis. C'est la grosse différence, alors que pour la voie maritime, il y a un risque dû à la nature très complexe de cet ouvrage.
Le sénateur Bryden: Est-il exact que la voie maritime perd actuellement de l'argent?
M. Ranger: Actuellement, la voie maritime a une réserve en capital. L'année prochaine, la voie maritime va fêter son quarantième anniversaire. Sa structure vieillit. Des investissements importants devront être faits dans les cinq à dix années à venir. Nous devons en tenir compte. Nous sommes tout à fait convaincus que la voie maritime va recouvrer toutes ses dépenses d'exploitation et d'équipement au cours des cinq, six ou sept années à venir mais, par la suite, l'avenir est incertain. Nous voulons prendre les devants.
Le sénateur Bryden: Puisque l'on parle des investissements nécessaires, le Wall Street Journal a publié un article dans lequel on nous dit qu'il faudra investir 45 milliards de dollars US pour rénover la voie maritime. Est-ce que ça correspond au montant que vous envisagez d'y consacrer?
M. Ranger: Non. Il s'agit là d'un projet très différent. Des investissements de cette ampleur seraient nécessaires si l'on voulait approfondir et élargir la voie maritime. Ce n'est pas ce que nous envisageons. Nous avons défini les sommes nécessaires à l'exploitation dans de bonnes conditions de cet ouvrage.
M. Collenette: En politique, on apprend à ne jamais croire tout ce qu'on lit dans les journaux. Il faut vous demander pour quelle raison on fait paraître des articles de ce genre. Il y a en réalité des secteurs qui tireraient parti d'un déclin de la voie maritime, principalement les chemins de fer et, dans certains cas, les transporteurs routiers.
Ces différents groupes d'intérêt s'efforcent de faire reprendre leurs thèses par les différentes revues professionnelles. Il ne faut pas considérer un seul article mais tenir compte de l'ensemble.
Le sénateur Bryden: Il y a aussi des ports des Maritimes qui bénéficieraient d'un déclin de la voie maritime, notamment Halifax et Saint-Jean, et de l'amélioration de nos trains rapides.
Des investissements de cette ampleur sont nécessaires parce que les nouveaux navires qui sont construits ne peuvent pas passer par la voie maritime.
M. Collenette: Il y a évidemment une limite imposée à la taille des navires. Dans certains cas, les armateurs sont prêts à construire de nouveaux navires pour pouvoir passer par les écluses étroites de la voie maritime. L'année dernière, une grosse compagnie maritime organisatrice de croisières a construit expressément un navire de croisière pour pouvoir passer par ces écluses. Il a fait escale à Toronto et dans d'autres villes des Grands Lacs pour aller jusqu'à Chicago. On continue à vouloir utiliser l'ouvrage existant. Il n'est pas nécessaire de construire un tout nouvel ouvrage, contrairement à ce qu'allègue le Wall Street Journal.
M. André Pageot, directeur général, Politique maritime, Transports Canada: J'aimerais ajouter une ou deux choses au sujet de la voie maritime. La voie maritime ne concurrence pas les ports. Il faut la considérer comme s'il s'agissait de la route transcanadienne qui relie Toronto à Montréal. La Transcanadienne ne concurrence pas la ville de Montréal, ni les entreprises de Toronto. La voie maritime est une artère qui dirige la circulation. C'est aussi un ouvrage complexe qui produit de l'électricité pour l'État de New York et la province de l'Ontario. Il a des conséquences pour Hydro-Québec. À l'heure actuelle, nous discutons des questions de niveau de l'eau et d'importance du trafic dans la voie maritime en raison des inondations et d'autres mesures de contrôle s'ajoutant à la sécurité de la navigation.
La voie maritime n'est pas en concurrence avec les ports. Elle est aussi empruntée par les Américains, qui représentent environ 40 p. 100 du trafic. Les principes sont différents et ce n'est pas parce que nous voulons lui accorder un traitement spécial. Nous avons pour principe de faire intervenir les usagers. Si 40 p. 100 des usagers sont Américains, nous ne voulons pas que les entreprises canadiennes subventionnent les entreprises et les aciéries de Chicago. Voilà ce qui explique la différence.
Pour ce qui est des petits ports, nous n'abandonnons pas nos objectifs de développement régional. Le sénateur De Bané comprend mieux que quiconque la question du développement régional.
Le sénateur Bryden: C'est une déclaration très générale. Il se trouve que j'habite dans une de ces localités.
M. Pageot: L'objectif est d'impliquer les usagers. Si on implique les usagers, on ne va pas le faire au moyen d'un plan directeur concocté à Ottawa. Nous avons d'excellents immeubles administratifs ici, mais il est difficile de bien voir ce qui se passe dans les ports de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick à partir d'une tour à bureaux.
Une étude des Nations Unies, antérieure à notre politique, nous indique que la meilleure façon pour nos ports de bien s'en sortir est de rester en contact étroit avec leurs usagers, ce qui revient à les écouter, à discuter avec eux, à les aider et à leur donner satisfaction. Voilà ce que nous essayons de faire dans ce projet de loi.
Le sénateur Bryden: Est-ce que la voie maritime englobe les ports qui sont situés tout au long?
M. Collenette: Non. Les ports ont leur autonomie. Ainsi, les ports de Montréal et de Thunder Bay sont des ports de la voie maritime qui relèvent des dispositions sur les ports. Ils ne relèvent pas de celles qui s'appliquent à la voie maritime. Les dispositions s'appliquant à la voie maritime portent sur les écluses, surtout entre Kingston et Montréal, le canal Welland et les écluses de Sault Ste. Marie.
Le sénateur Bryden: Est-ce que le port de Trois-Rivières se situe sur la voie maritime? Est-il considéré comme un port de la voie maritime?
M. Collenette: Il est sur le Saint-Laurent, mais la voie maritime comment à Montréal.
Le sénateur Bryden: Je tiens à ce que ce soit absolument clair. Vous nous dites que la voie maritime, en tant qu'organisme -- et j'ai beaucoup d'information ici -- peut demander l'aide du Trésor, sous forme de subventions et de garanties, mais que cette forme d'aide n'est pas mise à la disposition des ports ou des administrations portuaires le long de la voie maritime. Vous nous dites en outre que les administrations portuaires le long du Saint-Laurent et dans la voie maritime, petites ou grandes, doivent être concurrentielles et autonomes financièrement, comme cela est exigé pour Port Hawkesbury?
M. Collenette: Elles n'ont pas à l'être, elles le sont déjà.
Le sénateur Bryden: Toutes?
M. Collenette: Oui, si je ne me trompe.
Le sénateur Bryden: Je tiens absolument à ce que cela soit consigné dans notre procès-verbal parce que ça répond en grande partie à mes préoccupations. Si un port ne réussit pas à y parvenir et s'il achemine, par exemple, de l'amiante, et que son principal expéditeur fait faillite ou subit un véritablement retournement de conjoncture, ce port va perdre de l'argent et continuer à en perdre pendant deux ou trois ans. Pour se maintenir à flot, il lui faudra trouver des crédits auprès des banques sans aucune garantie du gouvernement fédéral et sans aucune aide du ministère des Transports?
M. Collenette: Ils ne reçoivent aucune aide. Mes fonctionnaires me corrigeront si je me trompe, mais si nous en faisons des APC, c'est pour qu'ils soient constitués en société. Il n'est pas inhabituel qu'une société encoure des pertes et les récupère par la suite. En les rendant indépendant, nous leur permettons d'aller chercher de l'argent et de financer leur exploitation.
Vous avez soulevé la question du port de Vancouver. Il est tout à fait possible que son trafic baisse en raison de la situation asiatique. Il est évident que le port de Vancouver doit s'adapter. Il suffit d'apporter des correctifs à la main-d'oeuvre pour faire baisser les autres coûts. Toutefois, si ce port se met à perdre de l'argent, il aura les moyens de se rembourser les années suivantes. Les récessions ne sont pas éternelles.
Le sénateur Bryden: Y a-t-il des ports le long de la voie maritime qui ne sont pas des APC?
M. Collenette: Tous les grands ports seront des APC et autonomes financièrement.
Le sénateur Bryden: Le sont-ils à l'heure actuelle?
M. Ranger: Il y a un port, Oshawa, qui ne répond pas aux critères et qui sera traité différemment, mais tous les grands ports de la voie maritime sont autonomes financièrement.
Le conseil d'administration de la société qui va gérer la voie maritime aura en son sein des gens qui s'intéressent véritablement à la viabilité des ports. Nous parlons des gros utilisateurs. Nous nous référons aux gros armateurs et aux gros expéditeurs comme Stelco et Dofasco, et aux gros transporteurs comme FedNav et Upper Lakes. Ces gens ont véritablement intérêt à s'assurer de la viabilité des ports.
Le sénateur Bryden: J'en ai donc bien l'assurance, aucun port situé le long de la voie maritime du Saint-Laurent ne peut faire appel à l'aide du ministère fédéral des Transports, que ce soit sous la forme de crédits d'équipement, d'entretien ou d'exploitation? Je ne parle pas de tous les ports. Je m'intéresse aux petits ports. Les grands ports peuvent se débrouiller tout seuls. Ils ont leurs propres groupes de pression et autres, mais les petits ports ne sont pas dans la même situation.
Quelle est la position adoptée éventuellement par les petits ports, le long du Saint-Laurent?
M. Randy Morriss, directeur général, Programmes et cessions portuaires, Transports Canada: Il y a certains ports comme Goderich et Sarnia qui relèvent de la catégorie des ports régionaux et locaux et qui seront cédés dans le cadre du programme d'aliénation et auront accès au fonds de 125 millions de dollars dont a parlé le ministre. Il y a des ports appartenant aux deux catégories le long de la voie maritime, et les grands ports, qualifiés de financièrement viables, sont des APC.
Le sénateur Bryden: Ainsi, Sarnia sera traité exactement comme le port de Hawkesbury?
M. Morriss: En effet.
Le sénateur Bryden: Et il ne peut pas faire appel d'une autre manière aux services du Trésor de notre pays?
M. Morriss: La seule possibilité de faire appel aux services du Trésor de notre pays est de se prévaloir du fonds de 125 millions de dollars mis à la disposition de tous les petits ports. Cela se fera au vu de chaque dossier en fonction des résultats précis des négociations.
Le sénateur Bryden: Pour ce qui est des objectifs et des finalités de la voie maritime, il y a une disposition intéressante à l'alinéa 78c) qui fixe les différents objectifs. On y parle de protéger les droits et les intérêts des collectivités voisines de la voie maritime. Qu'entend-on par là?
M. Pageot: Les collectivités voisines de la voie maritime ont certaines particularités comme dans le cas des terrains réservés aux Indiens près de Cornwall, de Montréal ou du pont. Il y a une autre disposition qui se réfère par exemple à l'obligation fiduciaire du gouvernement fédéral vis-à-vis de certaines bandes indiennes.
Selon l'esprit de cette disposition, il s'agit avant tout de faire en sorte de ne pas renoncer à l'une quelconque de nos obligations vis-à-vis des gens qui habitent le long du canal. Il ne s'agit pas d'une intervention spéciale.
M. Ranger: Je voudrais aussi comprendre l'étendue des obligations que conserve le gouvernement en ce qui a trait aux conséquences écologiques, aux déversements, et cetera. Le gouvernement continue à être le propriétaire de tous ces équipements et il en est donc responsable s'il y a un déversement de pétrole ou toute autre catastrophe écologique touchant les collectivités.
De manière générale, il y aura au sein du conseil d'administration de cette société à but non lucratif un représentant de la province de l'Ontario, un autre de la province du Québec ainsi qu'une certaine représentation du gouvernement fédéral, précisément pour représenter ces intérêts plus larges de la collectivité.
M. Collenette: Je peux comprendre, sénateur Bryden, les raisons pour lesquelles vous semblez en arriver à la conclusion que les collectivités situées le long de la voie maritime sont éventuellement favorisées parce que l'on donne l'impression de leur accorder en quelque sorte une protection commerciale mais, comme nous vous l'avons expliqué, il n'en est rien.
Le sénateur Bryden: Pourquoi n'existe-t-il pas une disposition semblable pour les autres ports?
M. Collenette: Les villes siègent au sein du conseil d'administration. Les provinces aussi. Les intérêts locaux y sont représentés afin que les intérêts de la ville ne soient pas négligés.
Le sénateur Bryden: Là encore, je me penche sur des ports comme Summerside dans l'Île-du-Prince-Édouard, qui risque finalement d'avoir un propriétaire privé. Toutefois, si cela ne se produit pas -- et vous aurez peut-être dépensé 5 millions de dollars sur l'île -- les ports devront peut-être être fermés parce qu'ils ne pourront pas rester financièrement viables. Nous savons tous qu'il y a quatre ports dans cette île.
Dans ce cas, il m'apparaît qu'avant de décider de fermer ou de céder ce port, qu'il s'agisse de Summerside, de port Hawkesbury ou de Placentia, il vous faudrait tenir compte des intérêts des collectivités environnantes.
Je prendrai le cas de l'Île-du-Prince-Édouard même si ce n'est pas un exemple particulièrement bon. Cette île expédie de grandes quantités de pommes de terre. D'autres ports expédient en priorité des produits forestiers, ainsi à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick et dans d'autres localités. Si le pire se produit, l'effet de la cession de l'un de ces ports sera catastrophique, non seulement pour la petite localité de Bathurst, ou pour toute autre localité touchée par la fermeture de cette installation, mais aussi pour l'ensemble de la collectivité, les travailleurs forestiers, les transporteurs routiers, et cetera. Pour être juste, il conviendrait d'inclure à la partie II ainsi que dans la partie correspondant à la voie maritime une disposition tenant compte des répercussions sur les localités environnantes.
M. Collenette: Vous semblez partir du principe que «cession» signifie «échec». Je ne suis pas d'accord. M. Morriss vous a parlé de Goderich en Ontario. Je travaille activement sur ce dossier en compagnie du député du coin. Il y a un seul expéditeur, Sifto Salt, sur lequel s'appuie le port. Tant qu'il y a du sel, tant que Sifto Salt poursuit son exploitation, il est évident que le port reste viable. Toutefois, si le sel vient à manquer, on ne peut pas blâmer la structure de l'administration du port. C'est le produit acheminé qui a disparu. On peut faire le même raisonnement avec les pommes de terre, même s'il y aura toujours des pommes de terre expédiées par l'Île-du-Prince-Édouard. Quelle que soit la structure du port, c'est l'industrie qui détermine sa viabilité.
Nous avons essayé de faire le maximum pour l'Île-du-Prince-Édouard dans le cadre de ce programme étant donné qu'elle semblait devoir être la seule province côtière sans APC. C'est pourquoi, avant Noël, j'ai annoncé une aide financière à Summerside. Nous mettons sur pied un groupe devant s'efforcer d'organiser l'APC parce que nous pensons qu'un projet de regroupement de quatre ports au sein d'une APC peut fonctionner. Dans l'intervalle, nous avons accordé une aide devant permettre de maintenir les ports en bon état de fonctionnement en attendant d'avoir statué sur la question de l'APC.
Le sénateur Bryden: Je ne dis pas que tous ceux qui vont être cédés vont échouer, mais je ne crois pas non plus un instant qu'ils vont tous réussir.
À l'heure actuelle, je crois savoir que le ministère des Transports dépense 40 millions de dollars par an pour entretenir et aider les petits ports et les ports régionaux. On propose un fonds d'adaptation de 125 millions de dollars répartis sur une période de cinq ou six ans. Cela représente 20 millions de dollars par an pendant six ans.
Alors que nous dépensons actuellement 40 millions de dollars par an -- c'est parfois 37 millions de dollars, parfois un peu plus -- et que nous ne réussissons pas à maintenir nos ports à flot, j'ai du mal à comprendre qu'en dépensant 20 millions de dollars par an pendant cinq ans nous allons maintenant réussir à les transférer au secteur privé. Vous nous dites que pour la moitié de la somme, ces ports vont avoir du succès. Si ce n'est pas le cas, je crois comprendre qu'ils fermeront et qu'ils seront vendus.
M. Collenette: Je n'aime devoir l'avouer publiquement, mais le secteur privé a fait la preuve que dans nombre de cas, il était mieux en mesure que le gouvernement d'exploiter ces équipements. Je m'excuse auprès de mes collègues qui représentent le gouvernement autour de cette table, mais il est vrai que la propriété publique entraîne un certain manque d'efficacité.
Les aéroports ont obtenu de bien meilleurs résultats une fois privatisés -- et je ne parle pas simplement des grands aéroports comme ceux de Toronto, de Vancouver et de Montréal -- je parle des petits aéroports du pays. Ils se sont bien mieux débrouillés. Ils font preuve de suffisamment de souplesse pour attirer le trafic, bien gérer leurs coûts et recourir à la sous-traitance de manière à être bien plus rentables.
Je dois reconnaître que tant qu'ils appartenaient au secteur public, oui, nous devions leur consacrer une forte somme chaque année, mais nous ne pensons pas que ces coûts vont subsister une fois que l'on aura mis en oeuvre les dispositions de ce projet de loi s'appliquant à la commercialisation. C'est une chose qui a été corroborée par nos conseillers financiers.
M. Pageot: En ce qui a trait à leur nature, je conviens avec vous que ces petits ports sont très importants. Ils font partie du tissu social du Canada. Nous n'avons absolument pas l'intention de privilégier les grands ports au détriment des petits. Il vous faut toutefois comprendre notre rôle. Les fonctionnaires n'exploitent pas des aérogares. Les fonctionnaires ne construisent pas des hangars. Vous devez considérer un port comme un parc industriel au sein de votre ville. Il n'appartient pas à l'hôtel de ville ou au maire de la ville d'exploiter un parc industriel. À partir du moment où on prévoit des services, une bonne fiscalité, des routes d'accès et un bon environnement, les dirigeants d'entreprises au sein de la collectivité vont se charger de construire les aérogares et les usines dans la ville. C'est ce que nous essayons de faire ici. Nous essayons d'aménager une meilleure voie d'accès par chemin de fer aux Maritimes et de construire de meilleures voies de communication avec le Midwest, et de bonnes infrastructures nous aideraient à y parvenir. Une infrastructure a une durée de vie de 25 ans, de 50 ans et parfois plus, ce qui nous donne amplement le temps de revoir dans quatre ans le fonds que mon collègue administre pour déterminer s'il est désormais suffisant, car il nous reste beaucoup de crédits qui n'ont pas encore été engagés.
Vous devez considérer les locataires des ports comme l'élément dynamique de ces ports. Les localités se sont portées plus résolument à la défense de leur petit bureau de poste que ne l'ont fait les responsables d'Ottawa. Tous ces éléments figureront dans notre projet de loi. Il ne s'agit pas d'un désengagement.
Le sénateur Bryden: C'est ce que je m'efforce de faire pour les petits ports.
M. Collenette: M. Morriss pourrait peut-être vous parler du fonds de 125 millions de dollars.
Le sénateur Bryden: Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre de 125 millions de dollars?
M. Morriss: Ce fonds de 125 millions de dollars résulte des économies que nous allons tirer des autres secteurs du programme. Il a été conçu comme un fonds de démarrage susceptible de faire l'objet de discussions avec les différents ports.
Il sera plus facile d'expliquer la différence entre ce que nous dépensons en tant que société fédérale et ce qui est disponible ici si je vous explique le mécanisme de nos discussions avec les différents ports.
Lorsque nous allons discuter avec les responsables locaux de la cession d'un port, nous fournissons tous les renseignements dont dispose la société fédérale au sujet des installations. Cela englobe tous les aspects techniques, environnementaux et financiers. Nous disposons aussi de 125 millions de dollars pour aider à financer les études de faisabilité des différentes collectivités. Grâce à ce financement, des plans d'exploitation sont mis en place pour examiner la viabilité des ports. Nous déterminons alors les montants d'argent requis.
Nous établissons une prévision sur 25 ans de ce qu'aurait dépensé la société fédérale en crédits d'équipement et d'exploitation accordés au port. Nous en déduisons la valeur nette actuelle, qui représente le montant raisonnable et équitable du fonds de transition devant être accordé au port, somme qui peut englober des crédits d'aménagement du port.
Nous essayons de faire en sorte que les ports ne puissent y perdre. Nous excluons toute possibilité d'échec. Notre objectif est de donner suffisamment d'argent aux ports pour qu'ils puissent être bien gérés, comme des entreprises, les fonds disponibles permettant d'effectuer les travaux supplémentaires qui s'imposent.
Le sénateur Bryden: L'un des témoins a déclaré au cours d'une autre audience que ces 125 millions de dollars correspondaient à un montant forfaitaire. Est-il exact que ce fonds ne va pas être renouvelé?
M. Morriss: Ce n'est pas un fonds renouvelable en ce sens qu'il n'y a pas une subvention qui va être versée en permanence. Toutefois, il est faux de dire que 125 millions de dollars, c'est le montant définitif. Je ne peux pas pour l'instant aller demander davantage d'argent au Conseil du Trésor. Il nous reste 110 millions de dollars à dépenser.
Le sénateur Bryden: À quel poste ou à quels crédits correspond ce fonds?
M. Morriss: Il relève des crédits accordés au ministère.
Le sénateur Bryden: Il est séparé du reste?
M. Morriss: C'est un fonds spécialement affecté au ministère.
Mme Margaret Bloodworth, sous-ministre, Transports Canada: C'est un fonds qui nous est spécialement affecté et que nous ne pouvons consacrer qu'à des dépenses correspondant aux critères fixés.
Le sénateur Bryden: Est-ce que c'est défini par le Conseil du Trésor?
Mme Bloodworth: Oui, c'est fixé par le Conseil du Trésor.
M. Collenette: Comme l'a indiqué M. Morriss, la plus grosse part de ce fonds est mise à la disposition des installations portuaires les plus en difficulté et dont la survie est la plus menacée. Ce sont les dernières à être cédées. Il est important de ne pas l'oublier.
Le sénateur Roberge: En supposant que notre comité s'aperçoive que ce projet de loi rencontre une énorme opposition de la part des petits ports et qu'il souhaite approfondir la question, êtes-vous prêt à retirer une partie des dispositions du texte de loi soumis à la sanction royale ou à scinder le projet de loi?
Vous n'ignorez pas que dans le cas de la loi sur le RPC, le ministre des Finances a retiré certains articles du texte proposé à la sanction royale pour que le comité des banques étudie ces questions plus attentivement.
M. Collenette: De manière générale, je ne suis pas prêt à le faire. Il faudrait toutefois que vous m'indiquiez précisément quelles sont les dispositions auxquelles vous pensez.
Le sénateur Roberge: Je parle des dispositions qui ont trait aux petits ports.
M. Collenette: Vous référez-vous à la partie II?
Le sénateur Roberge: Oui.
M. Collenette: Non. Cela fait partie intégrante du projet de loi. C'est une politique du gouvernement. Elle reflète les mesures de réduction des dépenses et de réexamen des programmes qui ont été mises en oeuvre depuis quatre ou cinq ans. Cela fait partie du programme financier du gouvernement.
Ce projet de loi a été représenté tel qu'il a été adopté par la Chambre l'année dernière et il a été jugé prioritaire par le premier ministre et le Cabinet, c'est pourquoi il est primordial de l'adopter pour les raisons que j'ai données dans mon exposé.
Le sénateur Angus: Je me félicite que vous ayez reconnu publiquement l'efficacité du secteur privé dans la gestion des entreprises.
Les milieux maritimes font entendre leur voix et on se rend compte qu'il est urgent que ce projet de loi soit adopté. Je ne manque pas de comprendre de mon côté cette urgence, mais il n'en reste pas moins que si le premier ministre juge la chose tellement prioritaire, il est difficile de comprendre pourquoi il n'a pas attendu un ou deux jours de plus en avril dernier avant de déclencher l'élection.
Il est évident que le temps fini par laisser des marques. Vous êtes le troisième ministre des Transports à vous occuper de ce projet de loi, c'est bien ça?
M. Collenette: Oui.
Le sénateur Angus: Pouvez-vous nous dire s'il y a eu un changement de politique du gouvernement au sujet de ce projet de loi?
M. Collenette: Non. Des modifications ont été apportées lors du passage devant les comités afin de tenir compte d'un certain nombre de préoccupations qui ont été soulevées, mais les principes fondamentaux restent les mêmes.
Vous me demandez pourquoi, si ce projet de loi était si important, l'élection n'a pas été retardée. L'argument n'a rien à voir. Il appartient aux premiers ministres de déterminer quand ils vont se présenter devant le peuple. À l'époque, nous avions le sentiment que l'on avait largement délibéré de ce projet de loi. Des audiences publiques avaient été organisées à l'échelle du pays. De nombreux témoins sont venus, de nombreux amendements ont été recueillis, et ce projet de loi aurait dû être adopté. Je comprends le point de vue du Sénat, qui a estimé n'avoir pas eu suffisamment de temps, et c'est une chose que l'on peut accepter. Oui, je suis le troisième ministre à piloter ce projet de loi. La troisième fois sera peut-être la bonne.
Le sénateur Angus: J'espère que vous réussirez. D'un autre côté, il vous faut accepter les conséquences des impératifs liés au déclenchement des élections que vous venez de mentionner. Il est évident que nous devons faire notre devoir pour nous assurer que ce projet de loi est acceptable.
J'ai évoqué un changement de politique parce qu'en écoutant les exposés, notamment en ce qui a trait à la voie maritime, j'ai eu l'impression que vous aviez peut-être un point de vue différent de celui de vos prédécesseurs. Si ce n'est pas le cas, c'est parfait. J'aimerais que ce soit précisé.
M. Collenette: Il s'agit ici du projet de loi adopté à la Chambre des communes. David Anderson était le ministre à l'époque. J'étais le ministre qui s'est chargé de faire passer les amendements à la Chambre. Je viens de prononcer un discours pour appuyer ce projet de loi. Je n'ai pas un point de vue différent à son sujet. Il s'agit là de la politique du gouvernement.
Le sénateur Angus: C'est très bien. Il n'y a eu aucun changement entre le moment où la politique maritime nationale a été annoncée en décembre 1995 et ce matin.
Est-ce que la politique, telle qu'elle est exposée dans ce document, reçoit l'entière approbation du gouvernement?
M. Collenette: Oui. Je suis ici en qualité de ministre du gouvernement. C'est un projet de loi prioritaire qui a été soumis à une procédure accélérée devant la Chambre après l'élection. Nous l'appuyons tous.
Le sénateur Angus: Bien. Je voulais simplement m'assurer que c'était bien le cas.
Je déduis de la réponse que vous avez faite au sénateur Roberge que vous êtes pour l'essentiel opposé à toute modification au stade où nous en sommes. C'est bien ça? Êtes-vous prêt à accepter des amendements venant de notre comité?
M. Collenette: Je dois faire preuve de prudence dans ma réponse. Vous êtes un organisme législatif et vous avez vos propres compétences et responsabilités sur le plan constitutionnel. Toutefois, voilà trois ans que ce projet de loi est ballotté d'un côté et d'autre. Tout le monde a été consulté. De nombreux compromis ont été faits. Tous les gens n'ont pas eu tout ce qu'ils voulaient. Si le Canada est un grand pays, c'est parce que nous réussissons à laisser de côté nos divergences et à nous mettre d'accord sur certaines solutions de compromis lorsque l'objectif en vaut le peine et le justifie.
Il est indispensable que ce projet de loi soit adopté par le Sénat à la suite de vos délibérations. Nous sommes venus ici vous convaincre de la nécessité d'adopter ce projet de loi en l'état et vous expliquer que les compromis ont déjà été faits, que de nombreux intervenants estiment que c'est la meilleure solution possible et que ce projet de loi va être bénéfique pour le pays.
Vous aurez à nouveau la possibilité de revoir cette législation dans quatre ans. Elle n'est pas éternelle. Tout le monde pourra alors décider dans quelle mesure ce projet de loi a donné des résultats. Nous estimons que ce sera le cas.
Le sénateur Angus: C'est rassurant.
Pour ce qui est de la voie maritime, je m'intéresse plus particulièrement à l'expression «commercialisation» que l'on retrouve dans le document de politique, dans le préambule du projet de loi lui-même et dans votre exposé.
Pourriez-vous nous dire, pour que cela soit clair dans l'esprit des sénateurs et pour que cela soit consigné dans notre procès-verbal, quelle est, à votre avis ou aux yeux du gouvernement, la différence entre «commercialisation» et «privatisation»?
M. Collenette: On parle de «commercialisation» lorsque tous les avantages de l'entreprise privée sont réunis alors que les bénéfices qui découlent de la gestion sont réinvestis dans l'institution.
Vous avez participé aux débats qui ont eu lieu au sujet de l'aéroport Pearson entre ceux qui voulaient qu'il soit exploité par le secteur privé et ceux qui estimaient qu'il convenait de recourir à une administration aéroportuaire. Bien évidemment, notre gouvernement estimait que la deuxième solution était la bonne. En l'occurrence, qu'il s'agisse de l'aéroport Pearson, de Vancouver ou de l'une quelconque de ces APC, les bénéfices sont réinvestis dans les ports eux-mêmes pour que les dividendes aillent aux intervenants -- soit à tous ceux qui ont des intérêts dans le port -- de la même manière qu'on le fait pour les aéroports. C'est la principale différence. Il n'y a aucun actionnaire du secteur privé qui va toucher un dividende parce que ces ports ont été mieux gérés.
Le sénateur Angus: Par contre, s'il y a des pertes, elles seront assumées par les contribuables, n'est-ce pas?
M. Collenette: Je vous ai expliqué la chose lorsque j'ai répondu au sénateur Bryden. Nous considérons qu'il s'agit là d'institutions commerciales qui doivent être commercialement viables à court, à moyen et à long terme. Si, par conséquent, il y a une baisse du trafic et un manque à gagner, elles pourront être gérées comme on le fait pour une entreprise quelconque. Elles ont tous les attributs d'une entreprise à l'exception du fait que ce sont des sociétés sans actions et que les bénéfices vont à celui qui reste propriétaire de ces ports, à savoir le peuple canadien.
Le sénateur Angus: C'est exact, avec toutes les responsabilités qui s'y rattachent, tel que je le comprends. Il n'y a pas de piège dans cette question. Lorsqu'on démarre avec une organisation à but non lucratif qui va se charger de la gestion et de l'exploitation quotidiennes, j'imagine qu'il faut que vous ayez déjà quelque chose en place et que vous avez besoin de cette loi d'habilitation. C'est parfait, mais les responsabilités financières, qu'il s'agisse des rénovations à faire, du réaménagement du canal Welland ou de tout autre équipement nécessaire, continuent à incomber au gouvernement. C'est bien ça?
M. Collenette: Oui. Je crois qu'ici nous mélangeons les choses. Nous avons réglé la question de la voie maritime pour les raisons que vous ont données les fonctionnaires. La voie maritime n'est pas un port, c'est une voie d'eau. C'est une importante voie de communication pour les marchandises de notre pays. C'est pour cela qu'elle est traitée différemment.
Mme Bloodworth: La grande différence, en ce qui a trait à la commercialisation, c'est qu'elle va comporter des mécanismes incitatifs intrinsèques. Autrement dit, il ne s'agira pas qu'une société à but non lucratif se charge de la gestion et que, les mauvaises années, le Trésor se charge de couvrir les pertes. Ce n'est pas le genre de projet que nous envisageons. Il y aura des mécanismes incitatifs, par exemple, sous la forme de droits de péage qui devront s'adapter en conséquence.
Si des besoins majeurs se font sentir, le gouvernement interviendra, mais il ne s'impliquera pas dans l'exploitation quotidienne. L'accord devra clairement remettre l'exploitation entre les mains de la société.
Le sénateur Angus: Pensez-vous qu'il n'y aura pas de pertes?
Mme Bloodworth: Il est clair que nous menons l'opération de manière à ce qu'il n'y ait pas de pertes. En ce qui concerne toutefois la voie maritime, étant donné sa nature et celle des équipements dont nous parlons, nous voulons bien reconnaître qu'il ne nous est pas possible de rester les bras croisés et de dire: «Non, il n'y en aura jamais.» Ce n'est pas en raison des pertes d'exploitation mais du fait des besoins d'équipement.
La situation de la voie maritime se complique encore du fait qu'il s'agit d'un ouvrage que nous partageons jusqu'à un certain point avec les Américains et que les solutions apportées doivent tenir compte de nos relations avec eux. Il est certain que nous ne montons pas cette opération en envisageant la possibilité d'encourir des pertes.
Le sénateur Angus: Non. C'est ce que pensent tous ceux qui lancent une nouvelle entreprise mais, malheureusement, lorsqu'on constate le nombre de faillites et de déclarations d'insolvabilité que l'on a enregistrées ces dernières années, ça ne se passe pas toujours ainsi.
Vous venez d'évoquer notre partenariat avec les Américains pour ce qui est de la voie maritime. La plupart d'entre nous se souviennent à quel point le projet de construction en commun de cette voie d'eau a été magnifique et du fait qu'il a parfaitement fonctionné tant que l'infrastructure est restée en bon état et que les échanges commerciaux -- entre l'Est et l'Ouest en particulier -- sont restés les mêmes que par le passé. La situation peut changer, mais ce fut un bon partenariat.
Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, nous procédons à cette commercialisation à un moment où nos partenaires -- et là encore je vous donne ici la possibilité de vous justifier -- se sentent mal à l'aise face à notre action. Ils étaient peut-être davantage satisfaits en décembre 1995, mais je crois savoir qu'ils souhaiteraient aujourd'hui que nous ne procédions pas de la façon dont nous l'envisageons. Ce n'est pas une bonne politique et pas très intelligent de faire un affront à notre partenaire dans cette aventure -- notre riche partenaire qui a tellement d'argent et qui assure la majorité du trafic.
M. Collenette: Là où vous avez raison, c'est qu'il y a bien le sentiment aux États-Unis qu'il serait préférable de créer un organisme binational avant de passer à l'étape de commercialisation. Quatre-vingt pour cent environ des équipements sont entre les mains des Canadiens et se trouvent au Canada. Nous estimons avoir parfaitement le droit de passer à la commercialisation étant donné que nous sommes les principaux partenaires.
Vous devez vous demander d'où vient la pression exercée par les États-Unis. Provient-elle du gouvernement des États-Unis? Du Congrès? Dans l'affirmative, qui en est le principal moteur? En examinant certaines de ces questions, il vous faut comprendre pourquoi il y a un certain sentiment et une certaine réponse aux pressions exercées aux États-Unis, et certains malaises de la part de certains travailleurs syndiqués des États-Unis concernant la voie à suivre. Des pressions sont exercées sur certains membres du Congrès de la région des Grands Lacs sur ce point en particulier, et ils se font l'écho de ces opinions.
Je le répète, l'administration des États-Unis n'accorde pas une grande priorité à la question de la voie maritime. Lorsque des membres du Congrès s'élèvent contre ce projet aux États-Unis, on est obligé de les écouter parce que l'administration a besoin de faire adopter d'autres projets de loi par le Congrès. Il y a là une composante de la politique intérieure des États-Unis qui n'a rien à voir avec des raisons commerciales et législatives justifiant cette opposition.
Le sénateur Angus: Je tiens à m'assurer que vous-même, vos fonctionnaires et vos collègues au sein du gouvernement n'allez pas cracher dans la soupe et vous rendre ridicules vis-à-vis de nos partenaires américains. Cette entreprise a parfaitement réussi jusqu'à présent. Je sais ce qui s'est passé avec Oberstar, le membre du Congrès, et j'ai bien aimé la façon dont vous lui avez répondu, mais je crois néanmoins qu'il y a eu des négociations suivies avec nos amis américains dans le but de remédier à ces divergences. Où en sont ces pourparlers?
M. Collenette: J'ai rencontré l'année dernière à Denver le secrétaire Slater et je lui ai fait comprendre l'importance de cette question. Il n'était pas très informé parce qu'il ne pensait pas qu'il y avait là un problème. Les responsables savent maintenant que le péage pose un problème. Il sait maintenant que la question de la commercialisation est fondamentale dans la politique de notre gouvernement.
J'ai l'impression que les responsables américains comprennent mieux notre position. On en revient à la vieille question de savoir qui va tirer en premier. Nous leur avons dit carrément que nous allions prendre les devants et augmenter les droits de péage mais que nous nous engageons à respecter notre objectif, soit à négocier avec le gouvernement des États-Unis et à envisager la création d'un organisme binational. Ce n'est pas parce que certains intérêts aux États-Unis -- et ce n'est pas nécessairement le fait de l'administration -- se sentent un peu mal à l'aise, que toute la procédure législative du gouvernement canadien doit s'arrêter net.
Le sénateur Angus: Non. Je suis d'accord avec vous, du moins tant que les choses sont claires et que cela ne fait pas de vague chez nous. Je crois savoir qu'un témoin va venir nous dire plus tard que l'industrie est prête à courir le risque et à se lancer dans le projet. Les intervenants ont besoin de ce projet, je le comprends bien.
J'ai le sentiment que la situation a changé depuis 1995. Je n'aimerais pas que l'excellente collaboration entre le Canada et les États-Unis soit remise en cause par une décision précipitée à ce sujet.
Mme Bloodworth: Je suis d'accord avec vous. Nous avons bien l'intention de collaborer avec les Américains. En 1988 comme en 1994, les Américains ont agi unilatéralement et, pourrait-on dire, contrairement aux clauses de l'accord que nous avions passé avec eux lorsqu'ils ont décidé que sur les 13 p. 100 de l'ouvrage qu'ils possédaient, ils n'appliqueraient pas un péage mais auraient recours à un autre mécanisme. Nous nous y sommes opposés en 1988, mais cela ne nous a pas empêchés de continuer à collaborer avec eux. Nous avons fait d'importants efforts depuis un an et demi ou deux ans pour coordonner les inspections de la garde côtière et d'autres mesures de ce genre. Nous avons l'intention de continuer.
Nous nous sentons une responsabilité vis-à-vis de la population canadienne parce que 87 p. 100 de la voie maritime est la propriété du Canada et a été payée par notre pays. Tout organisme binational qui sera créé devra en tenir compte. On ne nous a proposé aucun modèle qui reflète cette réalité. Nous voulons bien essayer de trouver de meilleurs moyens de réaliser ce projet, mais nous nous rendons compte que ça ne se réalise pas en un jour. Nous pensons qu'il ne faut pas attendre. Nous avons fait baisser nos coûts. Nos coûts par écluse sont plus bas que les leurs et cela va continuer. Nos expéditeurs comme les leurs en profitent.
Certains des principaux utilisateurs sont des expéditeurs maritimes américains. Nous considérons qu'il s'agit là d'un équipement dont bénéficient en commun tous les expéditeurs des Grands Lacs et de la voie maritime et nous voulons que cela continue.
Le sénateur Angus: Je suis heureux de l'entendre.
D'un point de vue administratif, je constate à l'article 203 que ce projet de loi entraîne l'abrogation de la Loi sur l'administration de la Voie maritime du Saint-Laurent et de toute la réglementation qui s'y rattache.
Je connais bien cette loi et cette réglementation, mais je constate dans le projet de loi C-9, et dans le projet de loi C-44 qui l'a précédé, qu'il y a dans la partie IV de nombreuses dispositions traitant de l'application de la loi. Ainsi, on prévoit la rétention et la mise sous séquestre des navires, leur vente et la saisie du produit de la vente. À première vue, ces dispositions semblent être très différentes de celles de la Loi sur l'administration de la Voie maritime du Saint-Laurent. Pouvez-vous nous donner des garanties sur ce point et nous exposer la procédure?
Mme Bloodworth: Si ce que vous voulez savoir, c'est si nous disposons de tous les pouvoirs dont nous avons besoin, je peux vous en assurer. M. Bowie peut vous donner quelques précisions.
M. Bruce Bowie, directeur exécutif, Réforme de la politique maritime, Transports Canada: Un certain nombre d'initiatives sont en cours à l'heure actuelle dans le secteur maritime. L'une d'entre elles porte sur les modifications devant être apportées à la Loi sur la marine marchande du Canada. On a fait beaucoup d'efforts pour s'assurer que les dispositions qui figurent dans cette loi soient conformes à la politique devant être mise en oeuvre par la Loi sur la marine marchande du Canada.
Le sénateur Angus: Ai-je raison de dire cependant que ces dispositions qui ont trait à la Cour fédérale, à la rétention et à la mise sous séquestre des navires pour non-paiement des droits de péage et à la saisie à l'aide de pouvoirs quasi judiciaires à l'intérieur de nos frontières et de notre voie maritime, sont très différentes de celles qui existent actuellement dans la Loi sur l'administration de la Voie maritime du Saint-Laurent?
M. Bowie: Je ne vois pas la chose de cette façon. L'administration de la voie maritime est une société d'État. Les pouvoirs qui lui sont conférés ici sont conformes à ce qui se fait par l'intermédiaire des sociétés d'État dans d'autres domaines.
Lorsqu'on est responsable de la navigation dans un secteur précis, on doit avoir les moyens de garantir la sécurité et de s'assurer que l'on va pouvoir prendre en charge, par exemple, un navire pris dans un chenal. On doit disposer des outils et des pouvoirs réglementaires permettant de régler ces questions et de garantir la sécurité et le fonctionnement des chenaux de circulation de la voie maritime, comme nous le faisons dans les ports.
Le sénateur Angus: Les différentes lois risquent ici d'entrer en conflit. Vous vous êtes lancés dans un programme englobant le projet de loi C-15 et les modifications apportées à la Loi sur la marine marchande du Canada. Toute la législation maritime canadienne est en cours de révision. J'imagine que tout se passe très bien au sein de votre ministère. Toutefois j'ai bien peur que si cette loi entre en vigueur nous aurons dans l'intervalle deux mécanismes différents de mise sous séquestre, de saisie et de ventes des navires.
Si vous pensez qu'il n'en est rien, j'aimerais bien que vous nous rassuriez.
M. Bowie: Autant que nous puissions le savoir, il y a une grande cohérence entre les deux projets.
Le sénateur Angus: Cette législation entraîne aussi une modification substantielle ou une abrogation de la Loi sur la protection des eaux navigables et des dispositions de cette loi qui déclenchent la protection de l'environnement.
Je ne prétends pas être un expert en questions d'environnement, mais je pense que le gouvernement fédéral va perdre un outil très puissant de protection de l'environnement en abrogeant la Loi sur la protection des eaux navigables. Qu'en pensez-vous?
M. Bowie: Oui. Cette question s'est posée à la suite du projet de loi C-44, lorsque le projet de loi C-9 a été examiné antérieurement par la Chambre. On s'est beaucoup inquiété de la possibilité, aux termes de la législation antérieure, de faire relever cette compétence de la Loi sur la protection des eaux navigables. C'est pourquoi des changements ont été apportés au projet de loi C-9 au cours de la procédure de révision pour établir une nouvelle disposition réglementaire. Autrement dit, la Loi sur la protection des eaux navigables ne peut pas être réinsérée dans cette législation tant qu'une réglementation n'aura pas été mise en place pour autoriser cette possibilité. Un autre mécanisme réglementaire devra être appliqué d'abord.
La réglementation a pour but de s'assurer que des mécanismes appropriés sont mis en place dans les ports et dans la voie maritime pour remplacer les mesures de protection qui figurent dans la Loi sur la protection des eaux navigables.
Le sénateur Angus: Je déduis de votre commentaire, monsieur le ministre, que l'un des objectifs à la base de ce projet est de faire en sorte que notre système de transport intégré respecte les impératifs d'un environnement durable. J'accorde au terme «environnement» un sens précis. Je ne suis pas sûr, en écoutant votre réponse, que les préoccupations exprimées sont valides. Si nous adoptons ce projet de loi, il y aura un hiatus qui fera que pendant un certain temps nos moyens de protection de l'environnement seront diminués. Ai-je raison de dire cela ou pouvez-vous me garantir qu'il n'en est rien?
M. Bowie: Je peux vous garantir qu'il n'en est rien. La Loi sur la protection des eaux navigables entraîne le déclenchement d'une procédure d'évaluation dans le cas des ouvrages qui ont des effets sur la navigation. Cette procédure continuera à être mise en oeuvre en attendant qu'une réglementation nous garantisse que les ports ont mis en place des mécanismes évitant toute répercussion sur l'environnement.
Il vous faut replacer tout cela dans le cadre des changements apportés par ailleurs à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il est exigé aux termes de la nouvelle législation que tous les organismes qui en dépendent soient visés par les dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui est la Loi d'habilitation de tous les projets et qui exige que tous ces organismes procèdent à une évaluation environnementale. La procédure déclenchée actuellement par la LPEN sera désormais remplacée par la nouvelle réglementation découlant de la Loi sur l'évaluation environnementale.
Le sénateur De Bané: Est-ce que les nouveaux organismes seront visés?
M. Bowie: Oui. Ces organismes seront soumis à la réglementation aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. La boucle sera bouclée sur ce point.
Le sénateur Angus: Vous avez un groupe interministériel qui se penche sur la question et qui est prêt à passer à l'action une fois que cette loi d'habilitation sera en place?
M. Bowie: Oui. C'est actuellement à l'ordre du jour du comité consultatif sur la LCEA.
Mme Bloodworth: Pour que cela soit clair, cette loi nous garantira en attendant que les mécanismes qui se déclenchent à l'heure actuelle restent en place.
Le sénateur Angus: Je suis très heureux de l'apprendre.
Le sénateur Adams: Nous avons quelque 46 ports dans les territoires. Vous nous avez dit que vous vous étiez déplacé dans d'autres localités. Nous n'avons pas de grands ports dans l'Arctique. Ils ne sont ouverts que deux ou trois mois par an. La plupart des navires ne peuvent pas accéder à ces ports. Ils prennent un mouillage en mer et se servent d'allèges pour décharger le navire.
Vous avez évoqué la privatisation de tous les ports. C'est très difficile lorsqu'il y a 45 localités sur un territoire et pas beaucoup de trafic. Est-ce que c'est la municipalité qui va se charger de l'entretien et de la logistique?
M. Collenette: Dans les territoires, étant donné l'éloignement et les problèmes que vous venez d'évoquer, nous avons jusqu'à présent cédé 45 de ces 46 ports au ministère des Pêches, qui va se charger de les maintenir en exploitation. Le gouvernement restera responsable de ces ports, mais c'est le ministère des Pêches et des Océans qui va en confier l'exploitation à la Garde côtière.
Le sénateur Adams: Y a-t-il une société privée qui va venir faire payer des frais? Comment tout cela va-t-il fonctionner?
M. Collenette: Je ne pense pas qu'il y ait des intérêts commerciaux dans ces ports.
M. Morriss: Au tout début du programme, la Garde côtière a accepté que nous lui cédions tous les ports situés au nord du 60e parallèle qui sont placés sous le responsabilité des Transports. Elle continuera à en assurer l'exploitation comme elle l'a fait par le passé. Vous savez, ce sont bien souvent de simples mouillages où le navire jette l'ancre, laisse les marchandises sur la plage et repart. On va continuer comme cela.
Le sénateur Adams: Que vont devenir des entreprises d'exploitation comme la STNC, dont le siège est à Churchill et qui en hiver met ses navires en cale sèche dans le sud des territoires, à Hay River ou dans le delta du Mackenzie, par exemple? Que va-t-il advenir de la STNL si elle veut quitter Churchill et se rendre à Rankin Inlet, par exemple? Où va-t-elle trouver les crédits pour construire des entrepôts, des réservoirs et toutes sortes d'équipements lui permettant de bien approvisionner les diverses localités? Est-ce que le ministère des Pêches et des Océans va lui fournir les crédits?
M. Morriss: Si un problème d'infrastructure portuaire venait à se poser dans un port qui est la propriété du ministère des Pêches, c'est ce ministère qui se chargerait de rénover ces installations.
Le sénateur Atkins: Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. Il est toujours rassurant de voir une loi qui comporte une clause de révision. Il semble toutefois qu'aux termes de ce projet de loi, à partir du moment où une décision est prise, il est bien difficile de la modifier. Où voyez-vous la possibilité de procéder à une révision dans ce projet de loi?
M. Collenette: Tout dépend des circonstances et des questions qui vont se poser au moment considéré. Si cette clause de révision figure ici, c'est pour rassurer la population et lui faire comprendre que toutes les questions pourront être revues. Le fait est que tout comme le Parlement peut adopter cette loi, le Parlement peut aussi la modifier ou l'abroger dans sa totalité. On ne le fera que si cela s'avère absolument nécessaire et s'il y a un consensus en ce sens au cas où quelque chose ne se produirait pas comme prévu ou aurait besoin d'être modifiée d'une manière ou d'une autre.
Je ne suis pas d'accord pour dire qu'une fois adopté ce projet de loi ne pourra plus être changé. C'est le Parlement qui en décidera.
Le sénateur Atkins: Je me réfère à certaines dispositions du projet de loi. Une fois que vous aurez proclamé l'abandon des ports publics, par exemple, les chances d'un retour en arrière sont bien minces.
M. Morriss: La désaffectation des ports publics est une mesure réglementaire qui découle des dispositions de la Loi sur les ports et installations portuaires publics. La nouvelle loi n'y rajoute rien. Ce pouvoir légal existe déjà à l'heure actuelle. Nous allons adopter cette mesure lorsque le ministre n'aura plus besoin d'avoir un pouvoir réglementaire sur les eaux dont nous parlons. C'est une opération distincte et indépendante de celle qui a trait à la cession des ports.
Le sénateur Atkins: Comment allez-vous décider quels ports vont être désaffectés?
M. Morriss: La recommandation sera prise par voie de règlement. Lorsqu'il ne sera plus nécessaire que l'État fédéral continue à exercer par l'entremise du ministère des Transports son pouvoir de réglementation sur certaines eaux -- en l'occurrence, si nous n'avons plus d'installations sur la berge -- il sera logique de prononcer une désaffectation. Le ministre a évoqué tout à l'heure les 199 désaffectations. Elles concernent essentiellement des ports qui ne nous sont plus d'aucune utilité et dont on n'a pas utilisé les installations depuis cinq ans. Bien souvent, ce sont de simples étendues d'eau qui, au cours de notre histoire, ont été proclamées ports publics fédéraux, mais où ne s'exerce plus aucune activité.
Comme nous n'exploitons plus les installations à terre, les quais, et cetera, il est logique de nous dessaisir de tout pouvoir de réglementation que nous pourrions avoir sur ces étendues d'eau. Cela ne veut pas dire, cependant, que les autres lois fédérales ne continueront pas à s'appliquer car, bien évidemment, les dispositions portant sur l'environnement, par exemple, seront maintenues.
Le sénateur Atkins: Entendez-vous par là que ces 199 ports n'étaient pas utilisés, même par de petits exploitants?
M. Morriss: C'est exact. Ils ont pu accueillir quelques petits bateaux de plaisance, mais pas des utilisateurs commerciaux sur lesquels le ministre a besoin d'exercer un pouvoir de réglementation.
M. Collenette: Il faut bien avouer que par le passé les gouvernements ont eu tendance à se prononcer à la légère en proclamant l'existence de certains ports publics. Aujourd'hui, on ne peut plus se payer ce luxe. Nous devons faire face aux réalités.
Le sénateur Atkins: Je connais bien des membres de la côte est qui seront d'accord avec vous. Je suis désolé pour certains de ces petits exploitants dans les petits ports de notre province du Nouveau-Brunswick.
Pourquoi traite-t-on différemment le port d'Oshawa?
M. Bowie: Lorsque nous avons élaboré à l'origine la liste des administrations portuaires canadiennes potentielles, une étude de grande envergure portant sur les candidats potentiels a été effectuée par un conseiller en investissement. Cette étude a porté sur la situation financière de tous les ports et des perspectives de développement à l'avenir des candidats potentiels. Il s'agissait là d'une partie de l'analyse des quatre critères devant déterminer dans quelle mesure un port pouvait prétendre à devenir une administration portuaire canadienne. On a considéré les possibilités d'autonomie financière.
Il est exigé en outre que les ports génèrent des activités importantes et significatives dans la zone et la région qu'ils desservent. Il faut qu'ils soient desservis par une route ou une voie de chemin de fer importantes et que les activités du port soient nombreuses et variées.
Après avoir analysé les possibilités d'autonomie financière et les autres critères prévus, les responsables de cette étude ont conclu que les activités d'Oshawa ne répondaient pas à ces critères et, par conséquent, on ne l'a pas fait figurer dans la liste.
Le sénateur Atkins: Hamilton y figure ou non?
M. Collenette: Hamilton est une APC. Il restait quelques questions locales à régler et nous avons pu y parvenir.
Le sénateur Atkins: Votre collègue est donc content désormais?
M. Collenette: Le gouvernement est solidaire pour appuyer ce projet de loi.
Le sénateur Johnstone: Monsieur le ministre, nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de faire connaître nos préoccupations. Je me préoccupe des petits ports. Je relève que l'on a engagé quelque 5,6 millions de dollars pour effectuer des réparations essentielles à Charlottetown et à Summerside. Je crois comprendre que c'est un montant forfaitaire versé à court terme. Summerside a des problèmes particuliers tels que le dragage. Il n'est pas jugé viable pour le moment si on le laisse se débrouiller seul.
Dois-je comprendre que rien n'est prévu pour assurer le maintien de Summerside s'il ne réussit pas à être viable, quelles que soient les répercussions sur la collectivité, les secteurs économiques -- tout particulièrement sur le secteur de la pomme de terre -- et sur les conserveries?
M. Collenette: C'est pourquoi il est primordial d'oeuvrer à la création des APC. Nous estimons qu'une fois réunis, ces quatre ports percevront suffisamment de recettes pour assurer la viabilité d'une administration portuaire canadienne.
Pour qu'ils puissent en arriver à cette situation, nous avons prévu ce montant de crédits afin de procéder à un certain nombre de réparations essentielles à Charlottetown comme à Summerside et, dans le cas de Summerside, d'effectuer non seulement un dragage le long des quais, mais un dragage du chenal pour que le port reste en bon état en attendant que l'on règle la question de l'APC. Voilà ce que nous avons fait et, sans aller jusqu'à dire que nous avons tourné la réglementation, il faut quand même bien voir que nous avons fait preuve d'un maximum de souplesse en appliquant les règles existantes parce que nous étions déterminés à faire en sorte qu'il n'y ait pas une seule province côtière qui ne possède pas d'APC. Essayez de ne pas considérer isolément le cas de Summerside mais de le replacer dans le cadre des quatre ports.
Le sénateur Johnstone: Vous nous dites en fait que nous n'avons pas à nous inquiéter, que tout va bien se passer?
M. Collenette: C'est ce que nous pensons. Je me suis entretenu hier pendant une heure avec George Proud et Joe McGuire. Si eux sont rassurés et sont heureux, tout devrait bien se passer. Je pense que la population de Summerside est prête à faire un acte de foi et à croire à l'avenir d'une administration portuaire de l'Île-du-Prince-Édouard, et elle estime pouvoir réussir.
Le sénateur Johnstone: Je vous remercie. Je me sens bien mieux.
Le sénateur Callbeck: Merci, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui.
Je ne suis pas membre de ce comité, mais je m'intéresse de près aux quatre ports de l'Île-du-Prince-Édouard. Je tiens à vous remercier de la considération dont vous avez fait preuve jusqu'à présent envers notre province en dégageant les 5,6 millions de dollars de crédits dont vous avez parlé ce matin. Cela prouve que vous vous rendez compte de l'importance du réseau portuaire dans notre économie.
Comme vous le savez, nous sommes une petite province entourée d'eau. Nous avons beaucoup travaillé pour devenir autonome financièrement. Nous faisons d'immenses progrès et nous voulons poursuivre dans cette voie. Pour y parvenir, à mon avis, il nous faut un réseau portuaire viable. Vous n'ignorez pas que nous n'avons pas de raccordement ferroviaire, ce qui renforce encore l'importance de notre réseau portuaire. Ce qui m'inquiète dans ce projet de loi, c'est que je n'y vois aucun engagement à long terme en faveur de l'exploitation des ports de la province.
Vous avez mentionné une étude -- elle est certainement la bienvenue -- devant nous permettre de savoir s'il est possible de désigner une administration portuaire. Je crois comprendre qu'il faudra dans ce cadre élaborer un plan d'exploitation prouvant que nous pouvons être financièrement autonomes. Le sénateur Johnstone vient de l'évoquer et vous lui avez répondu que c'est à votre avis cette étude qui déterminera dans quelle mesure nous pouvons être financièrement autonomes.
J'espère que vous avez raison, monsieur le ministre, mais cette étude, effectuée par Portability International, pour démontrer que nous pouvons être financièrement autonomes, m'inquiète beaucoup. C'est pourquoi je suis ici ce matin.
Si cette étude qui, d'après ce que je crois savoir, va se faire sur deux ans environ, conclut qu'il n'est pas possible d'avoir une administration financièrement autonome à l'Île-du-Prince-Édouard, que va-t-il se passer?
M. Collenette: Là encore, madame le sénateur, je préfère considérer que le verre est à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Je pense que cette étude va démontrer qu'il y a une administration portuaire viable. Le gouvernement s'est engagé à assurer la viabilité du réseau portuaire de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous considérons que l'Île-du-Prince-Édouard, qui est une province côtière, doit avoir un réseau portuaire. Je pense que cela peut supposer le maintien en activité des quatre ports. Comme vous le savez, Georgetown gagne en fait de l'argent. Summerside a de bonnes recettes et peut gagner de l'argent. Je crois que l'étude que vous avez mentionnée ne portait que sur Summerside et ne considérait pas ces ports comme un tout.
Le sénateur Callbeck: Ils en font tous partie.
M. Collenette: Oui. Bien entendu, Souris ne peut être remis en cause en raison des obligations constitutionnelles portant sur les traversiers. Pour un certain nombre de raisons, nous considérons que Charlottetown est viable à long terme. Tout bien considéré, nous estimons que les avantages l'emportent sur les inconvénients.
Supposons que le verre soit à moitié vide. Je suis sûr que vous reviendrez nous voir dans quatre ans et que vous le ferez savoir au gouvernement. Vous serez alors en mesure de nous dire: «Ça n'a pas marché». La véritable garantie, c'est que ce projet de loi sera revu. Les crédits que nous injectons nous permettrons d'entrer pleinement dans le XXIe siècle pour assurer la viabilité des installations grâce aux réparations et au dragage. Dans l'intervalle, la structure de l'APC sera mise en place, et je pense qu'elle donnera des résultats.
Le sénateur Callbeck: Merci, monsieur le ministre. J'espère bien que vous aurez raison. Moi aussi, je préfère considérer que le verre est à moitié plein.
Vous nous dites que vous vous êtes engagés à assurer la viabilité du réseau portuaire dans l'Île-du-Prince-Édouard. Puis-je en déduire que si cette étude révèle que nous ne pouvons pas être financièrement autonomes, des crédits seront versés par le gouvernement fédéral pour maintenir la viabilité de nos ports? Selon cette étude portant sur les quatre ports, une cinquantaine de millions de dollars doivent être versés au cours des 10 prochaines années au titre du dragage, de l'entretien, des rénovations, et cetera. Le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard ne dispose pas d'un tel montant d'argent et, bien évidemment, les collectivités non plus. C'est pourquoi je suis particulièrement inquiète. Je sais que dans quatre ans on réexaminera la loi, et je m'en félicite. Je souhaite que les résultats de cette étude soient ceux que vous espérez.
M. Collenette: Sans vouloir accabler le gouvernement ou critiquer ses frais généraux, je dois vous dire que, depuis cette annonce, tout indique que le coût du dragage sera inférieur à ce qui était prévu au cas où le gouvernement s'en serait chargé.
Vous parlez d'une cinquantaine de millions de dollars. Je ne sais pas si ce chiffre est exact, mais il faut bien voir que le port percevra des recettes. En tant qu'APC, le port pourra donner en garantie ses équipements et engager ses recettes pour procéder aux réparations, et il le fera de la façon la plus efficace possible. Il le fera de façon à renforcer ses activités commerciales.
Néanmoins, si tout le reste échoue, il reste le paragraphe 72(8), inséré à la demande de M. Byrne, un député de Terre-Neuve, qui dispose que les ports qui n'auront pas été transférés à la fin du programme resteront à la charge du gouvernement. C'est la garantie absolue qu'en cas de nécessité politique absolue, notre gouvernement devra maintenir ces ports en activités. Je le répète, notre gouvernement s'engage à assurer la viabilité du réseau portuaire de l'Île-du-Prince-Édouard. Cela s'applique non seulement aux ports de l'I.-P.-E., mais aussi aux autres ports. C'est en quelque sorte un filet de sécurité.
Certains vous diront que cela signifie uniquement que le ministre peut décider de se prononcer pour ou contre un port. Tout gouvernement qui prendra une décision négative devra justifier son action et en payer le prix politique.
Le sénateur Callbeck: Je ne sais pas si ces chiffres sont exacts ou non. Si l'on en croit l'étude, ce sont des chiffres qui ont été fournis par Transports Canada. Ils vont peut-être baisser. Je l'espère sincèrement. Je suis très rassuré de vous entendre dire que vous vous engagez à assurer la viabilité des ports et je vous en remercie.
[Français]
Le sénateur Poulin: Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre excellente présentation. Nous apprécions énormément votre disponibilité, les informations que vous nous offrez ainsi que la discussion qu'elles entraînent.
[Traduction]
Si j'ai bien compris l'exposé et d'après ce que j'ai lu, le nouveau modèle de gestion semble comporter trois volets: la voie maritime, les grands ports et les petits ports.
M. Collenette: Oui, ce sont là pour l'essentiel les trois catégories.
Le sénateur Poulin: Combien de temps devrait durer selon vous la période de transition qui doit nous mener du modèle de gestion actuel au modèle futur?
M. Collenette: Nous allons assez vite. Nous avons cédé 114 ports jusqu'à présent. Dans 109 cas, des déclarations d'intention ont été signées. Nous avançons aussi vite que possible.
Nous sommes par ailleurs limités par la révision des programmes du gouvernement, qui exige certaines compressions de dépenses de la part du gouvernement.
Le sénateur Poulin: Est-ce que cette période de transition va durer deux ou trois ans, selon vous?
M. Collenette: Dans l'idéal, tout doit être terminé en 2002.
Le sénateur Poulin: Vous nous avez dit que la rentabilité était l'objectif. Quelles sont les économies que va réaliser Transports Canada?
M. Morriss: L'État fédéral va économiser quelque 40 millions de dollars par an pour ce qui est des petits ports.
Mme Bloodworth: Il faut bien voir que ce sera à long terme puisqu'avec les économies réalisées, le gouvernement a créé un fonds de 125 millions de dollars. C'est l'un des trois volets; les deux autres comportent des conditions légèrement différentes.
Nous proposons de mettre en application le régime d'administration de la voie maritime une fois ce projet de loi adopté et au cours de la saison de navigation maritime actuelle. Nous envisageons un délai d'un an après la sanction royale, et nous envisageons de mettre en place les administrations portuaires canadiennes très tôt au cours de l'année prochaine, sinon au tout début. Il y a trois échéanciers différents parce que les trois projets ne sont pas du tout de même nature. Je dirais que c'est pour les petits ports que l'échéancier est le plus long parce que nous avons jusqu'en 2002.
Le sénateur Poulin: Je me préoccupe des petits ports. L'un des principes fondamentaux adoptés par le Canada a été de rééquilibrer notre pays en faisant en sorte que les régions riches aident les plus pauvres et celles qui sont les plus éloignées des grands centres.
Je viens de Sudbury. Lorsqu'on a envisagé il y a quelques années la privatisation du réseau de chemin de fer, le projet paraissait excellent. Il nous semblait qu'il était parfaitement justifié. Aujourd'hui, il n'y a plus de train qui fait le trajet entre Sudbury et Ottawa ou Toronto. La région y a énormément perdu. Nous savons que les communications -- qu'il s'agisse des transports, des télécommunications ou de la radiodiffusion -- sont la clé du succès de tous les Canadiens, quel que soit l'endroit où ils habitent.
Il y a un petit port à Sault Ste. Marie. Quelles vont être les conséquences de ce projet pour la population de Sault Ste. Marie? Quelles vont être ses conséquences pour la population des autres petites localités de notre pays?
M. Collenette: Je vais vous parler des grands principes et M. Morriss évoquera éventuellement la situation propre à Sault Ste. Marie.
Je partage votre façon de voir notre pays. Nous avons réussi à bâtir un pays qui fait l'envie du monde entier parce que nous avons accepté de partager. Ceux d'entre nous qui proviennent des régions les plus riches du pays, de Toronto et des autres grandes villes, par exemple, sont tout à fait convaincus que ce qui se passe dans le nord de l'Ontario ou dans un petit port du Nouveau-Brunswick ou de Terre-Neuve a aussi son importance. Nous voulons que notre pays reste viable. Nous ne voulons pas que toute la population de Terre-Neuve aille à Toronto, non pas parce que nous souhaitons la repousser, mais parce que nous n'avons pas l'impression que tous ces gens souhaitent se déplacer. Ils sont fiers de pouvoir travailler et vivre dans leur province. Je suis d'accord avec le principe que vous avancez.
Le gouvernement a évidemment essayé de concilier ce principe fondamental avec les réalités budgétaires auxquelles il a fait face ces dernières années. D'aucuns diront que nous avons trop cédé de ports. D'autres, qu'il aurait fallu le faire plus rapidement, mais nous continuerons à surveiller de près cette question et c'est pourquoi nous avons prévu une disposition de révision dans les quatre ans de ce projet de loi.
Pour ce qui est du service ferroviaire, j'ai d'excellents arguments pour justifier les politiques qui ont