Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 16 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 5 mai 1998
Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, à qui a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi favorisant la compétitivité du Réseau portuaire canadien par une rationalisation de gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritimes, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence, se réunit à 10 h 05 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Nous reprenons ce matin l'étude du projet de loi C-9, la Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de sa gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports...
[Traduction]
... régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritimes, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence.
Honorables sénateurs, nous entendrons d'abord nos témoins de Prince Rupert.
M. Jeff Burghardt, directeur général, Prince Rupert Grain Ltd.: Je vous remercie de nous permettre de témoigner aujourd'hui. Nous espérons que vous jugerez utiles notre exposé et nos propositions d'amendements.
Pourquoi sommes-nous là ce matin et qu'est-ce qui amène la Prince Rupert Grain à donner son opinion sur le projet de loi C-9? Le projet de loi prévoit en effet une plus grande autonomie des autorités locales, une centralisation moins importante et l'établissement d'activités portuaires basées sur des pratiques et des objectifs de nature commerciale. Je dois dire que la Prince Rupert Grain appuie fortement ces principes. Cependant, selon nous, il faudrait étendre la période transitoire, ce qui permettrait d'atteindre beaucoup plus rapidement les objectifs de ce projet de loi.
À notre avis, le problème du projet de loi est qu'il prévoit la création d'un régime d'exploitation des ports sur une base commerciale et concurrentielle. Les liens entre utilisateurs et autorités portuaires continueront d'être régis par des ententes conclues dans le cadre de l'ancien régime réglementé. Ces liens devraient être revus pour répondre aux objectifs concurrentiels, mais rien ne permet de le faire.
Il faut dire que l'on avait prévu et examiné ce genre de situation au moment de l'établissement des frais portuaires, mais que rien de tel n'a été prévu dans les modalités des baux. C'est la question que nous voulons soulever ici.
Mais tout d'abord, quelques renseignements sur la Prince Rupert Grain. Nous sommes bien loin d'Ottawa et il est important de vous situer Prince Rupert et ses moteurs économiques actuels.
Prince Rupert est situé sur la côte au nord de la Colombie-Britannique, à environ 800 km de Vancouver. En réalité, nous ne sommes qu'à 50 km du point le plus méridional de l'Alaska. Et en dépit de notre situation septentrionale, notre port est libre de glaces. Nous jouissons d'un climat très modéré et doux toute l'année.
Le port de Prince Rupert est desservi par le CN, son transporteur ferroviaire exclusif. En partant d'Edmonton, la ligne va plein ouest, traverse Jasper et plus loin, sur embranchement, permet soit de poursuivre plein ouest jusqu'à Prince Rupert, soit d'emprunter le corridor sud pour atteindre le port de Vancouver.
Le principal atout du port de Prince Rupert est que les navires prennent moins de temps pour atteindre les ports de l'Asie et du Pacifique, de l'ordre d'un jour et demi. Si l'on ajoute à ces économies de temps des délais de chargement et de déchargement moins longs et une efficacité accrue, nous sommes certainement mieux en mesure de servir ces clients.
Toutefois, nous sommes 300 km plus loin des principaux points de chargement des Prairies que le port de Vancouver. Nous vous en expliquerons l'importance lorsque nous discuterons de certaines modifications apportées au règlement depuis quatre ou cinq ans.
Si l'on a développé Prince Rupert, c'est que dans les années 70, l'industrie et le gouvernement ont craint des problèmes de congestion éventuels si la ligne continuait à ne desservir ou appuyer que la vallée du bas Fraser et le port de Vancouver. On a voulu éviter une congestion, et un choix forcé entre l'urbanisation et le transport des produits en vrac. On a donc cru bon d'établir un deuxième port viable sur la côte ouest à destination des marchés de l'Asie et du Pacifique.
En ce qui concerne la Prince Rupert Grain, le gouvernement canadien appuyait notre projet en tous points. Il s'agissait à l'époque d'un mégaprojet, du projet de construction le plus important au Canada au début des années 80. À un moment, il y avait 1 200 travailleurs temporaires à Prince Rupert qui s'affairaient à l'aménagement du site, au déblaiement, à la construction des installations, etc.
Le gouvernement canadien a également appuyé le projet en imposant la parité des tarifs de transport ferroviaire vers tous les ports, ce qui permettait des frais de transport égaux, que le producteur expédie son produit au port de Vancouver ou à celui de Prince Rupert. Cette mesure a été adoptée afin de permettre au port de croître et de prospérer. On ne voulait pas nuire à son expansion par des coûts de transport plus élevés.
En ce qui concerne le bail de la Prince Rupert Grain, il a été négocié dans le cadre du régime de réglementation. Il s'agissait d'un bail de 60 ans basé sur le débit des marchandises à des taux qui, aujourd'hui, dépassent de beaucoup ceux pratiqués par nos concurrents des autres ports.
Passons maintenant aux changements apportés à la politique du gouvernement canadien. Ils ont un impact sur nos activités et touchent aussi l'acheminement des céréales dans les Prairies lorsqu'elles sont destinées à l'exportation.
Le changement le plus important auquel nous ayons dû nous adapter est l'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest il y a plusieurs années. Lorsqu'elle a été abrogée, nous avons perdu la parité des ports, ce qui a augmenté d'environ 5 dollars le coût du transport par tonne de toutes les céréales transitant par le port de Prince Rupert. Pire encore, toutes les subventions au transport de céréales ont été supprimées. Tout le monde a entendu parler de l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau.
Cela entraîne un changement fondamental dans la commercialisation des céréales dans les Prairies aujourd'hui. Les Canadiens consomment de plus en plus de céréales. Par ailleurs, des possibilités de valeur ajoutée se créent dans les Prairies. La production du bétail elle aussi augmente; en outre, le transport de céréales du nord au sud est en hausse, les producteurs cherchant à desservir les meuniers américains en leur vendant du blé et du blé dur.
La Commission canadienne du blé fait également l'objet d'un examen. Les céréaliculteurs seront davantage consultés, comme cela le devrait probablement en matière d'exportation des céréales. Tout cela pour dire que le potentiel de croissance des exportations de céréales par la côte Ouest n'est pas illimité. Le transit des céréales se fera par les régions qui offrent les corridors de desserte les plus concurrentiels. Il n'est pas évident que les installations de la Prince Rupert Grain, ou le corridor nord de la Colombie-Britannique, vont continuer d'accueillir plus de céréales. Nous devons être concurrentiels pour assurer l'utilisation du corridor.
Le projet de loi C-9 modifiera encore la structure qui régit nos activités. Le propriétaire de nos installations au port sera maintenant un organisme local dont le mandat sera d'assurer l'autonomie financière. Sous l'ancien régime, le propriétaire était un organisme national, d'abord la Société canadienne des ports, puis Ports Canada qui devait répondre aux objectifs maritimes nationaux. Dorénavant, il s'agira d'un groupe beaucoup plus local, qui privilégiera peut-être davantage son autonomie financière que des objectifs nationaux.
En outre, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour que l'administration portuaire locale prépare l'avenir et atteigne l'autonomie financière. L'hiver dernier, le gouvernement fédéral a radié une dette de 5 millions de dollars du port de Prince Rupert en préparation du nouveau régime que l'on est en train de mettre en place.
Voilà des changements très importants survenus ces dernières années. Une seule chose manque: on n'a pas cherché à modifier les baux à long terme ou les modalités des baux de l'ancien régime. On n'essaie pas de voir s'ils cadrent avec le nouveau régime.
Nous avons signé notre bail il y a 20 ans, alors que les règles étaient très différentes. Les modalités du bail importaient peu à l'époque. Cependant, les changements dont je viens de parler font que les coûts de location y sont pour beaucoup dans notre compétitivité.
Notre principal concurrent est le port de Vancouver. Nos coûts de location sont trois fois ceux d'une installation semblable au port de Vancouver. Cette année, d'après les volumes de céréales transitées chez nous, nos coûts de location atteindront près de 1,8 million de dollars pour le port de Prince Rupert.
Je crois qu'aucun facteur commercial ou économique ne justifie des frais si élevés. Des terminaux céréaliers à Burrard Inlet, construits sur des terrains parmi les plus chers en Amérique du Nord, ont des coûts de location trois fois moins élevés que les nôtres. Rien ne semble justifier les coûts que nous payons au port de Prince Rupert, tant sur le plan commercial qu'économique.
Nous ne croyons pas que le port ait besoin de l'argent qu'il nous demande. Le rapport annuel de cet organisme de réglementation, publié la semaine dernière, indique que le port a réalisé un profit net de 12,7 millions de dollars au cours du dernier exercice. Il possède des réserves de plus de 18 millions de dollars. Pourquoi doit-il imposer des coûts de location aussi élevés?
En ce qui concerne les services, nous sommes dans ce port depuis maintenant 13 ans. Nous sommes une entreprise établie là depuis longtemps. Nous ne recevons aucun service du port, nous ne recevons rien en contrepartie des 1,8 million de dollars qu'on nous demande.
À long terme, vu ce genre d'anomalie, le port ne saura accroître son volume de marchandises et attirer des volumes plus élevés par le corridor nord de la Colombie-Britannique, à moins d'y remédier. Compte tenu de notre emplacement, de notre caractère rural et de nos densités de population comparativement à Vancouver, nous devrions pouvoir soutenir que les véritables avantages concurrentiels de la Prince Rupert Grain dépendent du coût inférieur de nos terrains, de notre secteur non congestionné et que notre port est tout indiqué pour le transport des produits en vrac. Cependant, le régime prévu forcera les expéditeurs à acheminer leurs produits par le canyon du Fraser, la vallée du bas Fraser et à ajouter d'autres types de marchandises aux produits en vrac qui transitent par un secteur très urbanisé.
Une position concurrentielle est certainement très importante pour la Prince Rupert Grain et nous croyons que c'est un des objectifs du projet de loi. Toutefois, il n'y aura pas de concurrence si l'on ne supprime pas des conditions si onéreuses et que les installations portuaires ne peuvent se livrer concurrence d'un port à l'autre sur un pied d'égalité.
Nous tenons à vous dire précisément pourquoi, selon nous, ces amendements sont nécessaires et comment nous en entrevoyons l'application. Comme nous l'avons dit, nous croyons que les modifications apportées à la politique gouvernementale ont créé cette situation. Le gouvernement canadien a supprimé les subventions; il demeure le propriétaire foncier mais il n'a pas modifié les ententes conclues en vertu de l'ancienne réglementation.
Le projet de loi ne renferme aucune disposition prévoyant la révision des ententes en vigueur pour qu'elles se conforment aux politiques visées.
La Loi actuelle sur la Société canadienne des ports renferme bel et bien une disposition permettant soit à la Société, soit au ministre, de donner des directives à une administration portuaire locale. Ainsi donc, le ministre ou la Société peut exiger que le port respecte les objectifs nationaux de la loi, qui sont essentiels pour nous, et qui prônent le traitement juste et équitable, des coûts raisonnables pour les utilisateurs du port, tant sur les lieux mêmes, que d'un port à l'autre.
Le libellé actuel du projet de loi C-9 n'aborde pas le problème. Aucune disposition n'assure la primauté des objectifs nationaux plutôt que locaux. Nous craignons fort que, l'accent étant mis sur l'autonomie locale, les autorités portuaires soient plus portées à préserver leur autofinancement, peut-être même au détriment de la compétitivité et des objectifs commerciaux du Canada. On a pourtant gardé les termes «compétitivité et objectifs commerciaux du Canada» au paragraphe 4a).
Notre entreprise essaie depuis cinq ans d'amener la société portuaire à examiner la question de notre bail. Comme nous n'avons pas réussi à nous entendre, nous ne croyons pas pouvoir compter sur sa bonne volonté pour renégocier un bail selon les conditions actuelles. Nous croyons qu'il faut prévoir un dispositif pour que, dès le début, nos rapports avec les nouvelles autorités portuaires se fassent sur une base commerciale satisfaisante.
Le projet de loi renferme déjà un mécanisme portant sur les frais portuaires. Les frais portuaires sont sans aucun doute un élément important de la structure du revenu annuel de toute société portuaire. En général, ces frais sont revus avec les expéditeurs, les exploitants et les utilisateurs du port, après quoi ils sont publiés. Les coûts de location et les considérations relatives au bail ne sont pas tellement différents.
Le projet de loi C-9 reconnaît la nécessité de procéder à un examen de tous les frais portuaires et frais d'utilisateur actuels. À l'article 49, il est très clair que l'on devra procéder à un examen au cours de ce qu'on appelle la période transitoire. On propose donc que dans les 6 mois suivant l'entrée en vigueur de la loi, les sociétés portuaires fassent rapport sur leurs barèmes de frais portuaires et de frais d'utilisation. Au cours de ladite période, on peut procéder à des consultations et à des examens. Si les utilisateurs et les administrateurs portuaires ne peuvent s'entendre sur ces frais, la question peut être renvoyée à l'Office canadien des transports pour résoudre l'impasse. Nous croyons qu'il faudrait procéder de la même façon pour examiner les baux actuels.
Ce processus permettrait d'examiner les dispositions immobilières et de corriger des situations désuètes ou qui sont contraires à la concurrence et à l'efficacité dans le transport des marchandises. Ainsi, compétitivité et efficacité seraient assurées dès le début, chez nous comme dans les autres ports.
Voilà où nous en sommes: si l'on ne réussit pas à régler nos différends au sujet du bail, la Prince Rupert Grain et le port de Prince Rupert auront peut-être à attendre 40 ans pour rectifier une situation qui n'est pas conforme au nouveau régime ni aux objectifs de la Loi maritime du Canada.
Ce que nous proposons est raisonnable, en ce que les amendements ne s'appliqueraient qu'à la transition. Nous ne demandons pas de l'aide dans ce domaine pour toujours; nous vous demandons de nous laisser trouver une façon de régler rapidement cet exercice frustrant qui dure depuis cinq ans. Ainsi, le nouveau régime partirait du bon pied et les objectifs de la concurrence et de l'uniformité de traitement seraient tout de suite atteints. Cette demande est conforme au projet de loi car elle ne vaudrait que pour la transition. Les objectifs primordiaux d'autonomie des sociétés portuaires, de traitement équitable et raisonnable des utilisateurs, l'emporteront en fin de compte.
Je tiens à répéter que nous sommes en faveur de la concurrence. Nous avons de très belles installations à Prince Rupert, l'installation céréalière la plus moderne du pays et de toute l'Amérique du Nord. Elle convient au transit efficace des marchandises et nous pouvons très bien nous accommoder d'une autonomie portuaire locale. Les accords portuaires actuels ont été conclus sous un régime de réglementation très différent, cependant, et son maintien nuira à notre compétitivité. Cela perturbera l'acheminement naturel des marchandises par le corridor nord et créera sans aucun doute des tensions entre les administrations portuaires locales et les utilisateurs. Nous aurions davantage intérêt à nous concentrer sur l'accroissement du volume des marchandises dans le corridor nord en l'exploitant davantage qu'il ne l'est aujourd'hui.
La concurrence nous empêchera de relever les défis que pose le port de Vancouver. Nous verrons le transport des marchandises dévier vers le sud et transiter par les ports de Seattle, de Portland, même ceux du Golfe et du Mississippi.
Le bail a été négocié dans un milieu réglementé qui a changé de façon draconienne. Nous croyons que les baux ne devraient pas être oubliés dans la transition. Nous demandons seulement un dispositif transitoire, qui corrigera les inégalités commerciales.
Je parle avec coeur de notre installation à Prince Rupert et nous sommes très fiers d'avoir la chance de l'exploiter. Nous servons au maximum les intérêts du port. Nous faisons de notre mieux pour favoriser le développement économique du corridor nord, pour nous assurer que la région de la rivière de la Paix jusqu'à la côte Ouest jouit d'une économie plus florissante. Nous participons très activement au nouvel organisme créé par le gouvernement fédéral, la société de développement du corridor de transport nord-ouest. Nous travaillons très fort en Colombie-Britannique avec le groupe de travail du premier ministre sur les emplois et le développement dans le Nord. De concert avec les quatre provinces de l'Ouest, nous avons examiné de façon active tous les problèmes de transport afin que ce corridor puisse prendre de l'expansion. Nous appuyons fortement notre collectivité. Je suis convaincu que nous faisons notre part, et tout pour que ce corridor serve à transporter aussi autre chose que des céréales.
Nous croyons à notre port, et nous envisageons avec optimisme l'avenir de notre entreprise. Nous vous demandons de ne pas nous lier à l'ancien régime, mais de nous permettre d'aller de l'avant, et de consacrer nos efforts à l'augmentation des exportations transitant par la côte Ouest.
Le sénateur Spivak: Je viens du Manitoba, et voilà une bonne illustration des effets qu'un détail d'une politique peut avoir sur l'ensemble d'une économie. Je sais, par exemple, que des navires gardés à l'ancre ont coûté de 60 à 70 millions de dollars l'an dernier aux agriculteurs.
Vous dites que vos frais de location sont trois fois plus élevés. Je ne comprends pas vraiment pourquoi. Ce n'était pas le cas dans l'ancien système de réglementation. Pouvez-vous nous expliquer plus en détail pourquoi il en est ainsi?
M. Burghardt: Notre bail tel qu'établi au début des années 80 était en fonction du roulement des stocks. D'après notre bail, que l'on manutentionne une ou cinq millions de tonnes de céréales, nous payons le même prix à la tonne. Pour chaque tonne, nous versons tant au port, et cette somme augmente avec le tonnage. Si, une année, nous devions manutentionner 3,5 millions de tonnes, nos frais s'élèveraient à 1,2 million de dollars, par exemple. Pour 1,5 million de tonnes de plus, ils s'élèveraient à 1,8 million de dollars.
Nos concurrents du port de Vancouver se voient tous imposer des frais selon la valeur des terrains commerciaux. On fait une évaluation des terrains sur lesquels sont construits les terminaux céréaliers, et des frais de location annuels sont exigés selon un pourcentage de la valeur des terrains. Voilà ce qui explique la différence dans les frais imposés.
Dans notre bail initial, on prévoyait qu'au fur et à mesure que les tarifs augmenteraient sur la côte Ouest, les frais de roulement des stocks ou les tarifs de location augmenteraient également. Nous avons subi cette augmentation au cours des années, nos coûts de location continuent d'augmenter, alors que nos concurrents paient un coût fixe basé sur la valeur des terrains commerciaux.
Le sénateur Spivak: Quel volume de céréales peut être acheminé?
Comme vous l'avez dit, il faut parcourir 300 km de plus pour atteindre votre port, si bien que le coût pour l'agriculteur ou le transporteur est de toute évidence plus élevé qu'il ne le serait s'ils choisissaient le port de Vancouver, même si Vancouver est parfois fort encombré, alors que vous ne l'êtes pas. Les ententes sur les frais de location prévues dans le projet de loi uniformiseront-elles les règles du jeu?
De toute évidence, si un port est sous-utilisé et qu'un autre l'est trop, il est bon de diriger le trafic vers celui qui l'est moins. C'est une politique nationale qui est dans l'intérêt de l'économie. C'est peut-être faire une entorse aux règles de la concurrence, même si votre bail vous désavantage. Que pensez-vous de tout cela?
Au Manitoba, les coûts de transport ont augmenté de 139 p. 100. C'est ridicule. Pour deux wagons de céréales expédiés de Swan River, par exemple, l'un ne servira qu'à couvrir les frais de transport. Qu'est-ce que cela implique pour l'avenir? Combien d'intermédiaires faut-il nourrir? On continue d'avoir besoin de céréales en Asie. Je ne comprends pas. Je pense que c'est la preuve que nous n'avons pas de politique globale de transport.
Je reviens à ma première question: cela mis à part, comment pouvons-nous nous assurer que les ports sont utilisés lorsqu'ils devraient l'être?
M. Burghardt: Je vais donner suite à ce que vous avez dit au sujet du Manitoba. Avant les modifications apportées aux subventions et au coût du transport ferroviaire, de 6 à 7 p. 100 de nos stocks provenaient du Manitoba. Cette année, la proportion sera probablement d'environ 1,5 p. 100. Voilà les effets que ces modifications ont eus pour nous.
Quand vous parlez de capacité, je sais que mon brillant ami le capitaine Stark, qui comparaîtra tout à l'heure, a aussi son opinion là-dessus. Permettez-moi de dire ceci: lorsque je regarde le corridor nord, je vois un chemin de fer extraordinaire, dans lequel le CN a fait d'énormes investissements de capitaux au cours des années, et qui emprunte certaines des meilleures voies de toute l'Amérique du Nord. C'est le chemin de fer à la plus faible pente en provenance des Prairies. Il fonctionne avec une rotation réduite des équipages, et offre une grande capacité d'exploitation supplémentaire.
Aujourd'hui, environ sept ou huit trains par jour amènent du grain et du charbon au port de Prince Rupert. Dans la vallée du bas Fraser, par le corridor sud, le CN utilise 27 ou 28 trains à sens unique par jour. Et cela n'inclut même pas toute la marchandise qui entre au pays, transite par le port de Vancouver et est réexpédiée par le corridor.
Le corridor nord offre toutes sortes de possibilités et n'attend qu'à être utilisé. Aujourd'hui notre installation est exploitée aux deux tiers de sa capacité. Nous avons deux quarts de travail, sept jours sur sept. Le tiers, ou presque, de notre capacité ne sert à rien mais servirait si les volumes de grain à transporter étaient plus importants.
Nous sommes très préoccupés par les écarts dans les tarifs de transport en place. Nous entretenons de bonnes relations professionnelles avec le Canadien National, et avec la Commission canadienne du blé, qui est toujours l'expéditeur désigné pour la plus grande partie des grains qui transitent par nos installations. Outre le fait qu'on a dû établir les bonnes conditions concurrentielles dans un bail, nous avons dû conclure une entente tripartite en vue de compenser la différence dans le taux de transport de 5 dollars entre le port de Vancouver et le port de Prince Rupert. Aujourd'hui, la situation financière de notre entreprise n'est pas aussi bonne qu'elle l'était avant cet écart des tarifs. Si nous ne cherchons pas ou ne trouvons pas une façon de compenser cet écart, notre tonnage se réduira à néant.
Nous savons que toute mesure d'allégement que nous obtiendrons dans le cadre du bail sera assurément mise au profit des producteurs pour les aider à abaisser leur coût de transport des marchandises à destination de la côte ouest.
Le sénateur Spivak: Avez-vous témoigné devant les membres de la commission Estey?
M. Burghardt: Oui, nous leur avons expliqué la situation en détail. En fait, l'honorable juge Estey est venu à Prince Rupert et nous lui avons montré tout ce que nous pouvons faire.
Le sénateur Roberge: Avez-vous tenté de renégocier le bail?
M. Burghardt: Oui. Depuis cinq ans, nous discutons sans relâche avec les autorités portuaires. Parfois, nous avons eu l'impression d'être sur le point de conclure une entente, mais nous n'avons jamais réussi à finaliser quoi que ce soit. Certes, les discussions se poursuivent. J'ai rencontré les autorités portuaires la semaine dernière; je les rencontrerai à nouveau la semaine prochaine ou peut-être plus tard cette semaine. Pour l'instant, nous n'avons pas pu conclure d'entente en vertu de laquelle les conditions du bail seraient davantage axées sur la valeur commerciale des terrains plutôt que sur des frais fixes par tonne de marchandise.
Le sénateur Roberge: Vous venez de dire que votre situation financière s'est détériorée depuis l'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Pourriez-vous nous donner quelques détails à ce sujet?
M. Burghardt: Je vais vous donner le contexte: il y a deux ans, les approvisionnements de grain étaient bas, comme ça pourrait se reproduire cet été, et nous n'avions pas de quantités illimitées à faire transiter. Nous avons entièrement fermé nos installations pendant quatre mois et demi, de juin à octobre 1996 en raison du faible volume de grain à expédier. Tout était dévié vers le port de Vancouver pour éviter des coûts de transport plus élevés. Nous avons dû mettre à pied 110 de nos employés et certains travailleurs ferroviaires le long du corridor nord ont subi le même sort.
Nous sommes la propriété de six grandes compagnies de grain des Prairies: les trois syndicats, la United Grain Growers, Cargill Limited et James Richardson International. Pour les propriétaires-investisseurs, d'autres choix s'offrent à eux lorsque le roulement de stocks est limité. Les propriétaires comprennent d'emblée qu'il est plus économique de faire transiter le grain par des installations qui ne sont pas aux prises avec des barèmes plus élevés, les coûts de location, par exemple.
Le sénateur Roberge: Avez-vous fait des projections pour savoir quel est l'avenir de votre entreprise et du port si le redressement que vous demandez ne vous est pas accordé?
M. Burghardt: Oui. La question que l'on se pose est la suivante: nos exportations de grain sur la côte ouest augmenteront-elles ou continuerons-nous de songer à d'autres façons d'utiliser le grain dans les Prairies?
Dans la mesure où les exportations de grain ne dépassent pas 15 ou 16 millions de tonnes, nos installations continueront à servir à écouler l'excédent du port de Vancouver. À court terme, nous ne prévoyons pas d'augmentation importante du tonnage.
Ce qu'il nous faut maintenant, ce sont de meilleures connaissances de la génétique du blé pour augmenter nos exportations sur le marché mondial. Alors, même si la consommation augmente au pays, il restera plus de grain pour les marchés de l'Asie et du Pacifique. Cet horizon est encore assez lointain. Il faudra probablement compter cinq à sept ans encore avant de voir du blé génétiquement amélioré, à rendement plus élevé.
Le sénateur Roberge: Pourriez-vous présenter ces prévisions au comité?
M. Burghardt: Oui, c'est possible. Je ne les ai pas sous la main ce matin, mais bien sûr, je peux vous les faire parvenir.
La présidente: Envoyez-les au greffier qui les distribuera aux membres du comité.
Le sénateur Forrestall: Le projet de loi ne vise pas les baux et ne corrige pas les anomalies, ce qui vous cause beaucoup d'ennuis. Nous comprenons tous la nature de vos problèmes.
Vous parlez de concurrence entre les ports. S'agit-il de concurrence pour la vente du grain où vous seriez défavorisés si cet écart dans les prix du transport était maintenu?
M. Burghardt: Par «concurrence», est-ce que vous entendez les ventes à l'étranger?
Le sénateur Forrestall: Oui.
M. Burghardt: Certains éléments auront sûrement une incidence sur le prix final qu'obtiendront les producteurs.
En ce qui concerne les exportations de blé et d'orge, qui constituent 80 p. 100 du total des exportations, les fonds sont mis en commun et versés aux producteurs à la fin de l'année commerciale.
Si nous continuons d'expédier un produit par un circuit ferroviaire plus congestionné, les frais de surestarie augmenteront, tout comme les frais de service des producteurs; les versements aux producteurs à la fin de l'année baisseront.
Chez nous, loin d'imposer des frais de surestarie, on ne fait pas attendre les producteurs. Nos opérations de chargement sont efficaces et beaucoup plus rapides qu'à Vancouver. Sans compter que nous n'avons qu'un seul poste d'amarrage, autrement dit on fournit une cargaison complète au navire qui n'a pas à se rendre à trois ou quatre installations pour se remplir. De telles manoeuvres entraînent des coûts supplémentaires. Si vous continuez à faire expédier la marchandise par ce corridor par opposition à l'autre, il vous en coûtera quelque chose. Cet argent-là sera empoché par les transporteurs plutôt que par les producteurs qui, pourtant, sont à l'origine du produit que nous commercialisons.
Le sénateur Forrestall: Certains d'entre nous sont choqués à l'idée de voir que le port de Prince Rupert ne pourra trouver personne pour garantir ses prêts ou être bailleur de fonds pour procéder à une expansion de l'immobilisation.
Y a-t-il autre chose à signaler dans ce projet de loi catastrophique?
Le sénateur Perrault: Voyons, voyons!
Le sénateur Forrestall: Madame la présidente, voulez-vous entendre la litanie de critiques que nous avons entendues hier soir à 22 heures? J'ai quatre pages remplies de critiques du projet de loi, formulées par des gens sérieux.
La présidente: Je les ai entendues.
Le sénateur Forrestall: Moi aussi. Voulez-vous que je vous les répète? Ce projet de loi est un fouillis total.
La présidente: Nous ne travaillons pas de cette façon ici. Nous écoutons les gens et nous prenons des décisions.
Le sénateur Forrestall: Prenez la vôtre, je prendrai la mienne.
La présidente: À vous de faire, sénateur.
Le sénateur Forrestall: D'autres dispositions du projet de loi vous tracassent-elles? Je vous pose simplement la question.
Si vous ne voulez pas que je le fasse, madame la présidente, vous pouvez m'interrompre quand vous voulez.
La présidente: Ce n'est pas notre façon de faire, sénateur.
Le sénateur Forrestall: Alors, interrompez-moi.
La présidente: Non.
Le sénateur Forrestall: Pourquoi pas?
La présidente: Posez votre question au témoin. Donnons une meilleure image du Sénat que celle que nous projetons maintenant.
Le sénateur Forrestall: Y a-t-il d'autres questions qui vous irritent?
J'ai commencé à dire que l'on couperait les vivres aux ports. Ils devront trouver les capitaux eux-mêmes. Ils ne peuvent offrir en garantie des terrains fédéraux à la banque.
De fait, les ports n'ont aucune sécurité financière. Par exemple, en tant qu'utilisateur principal, vous n'avez pas le droit de siéger au conseil d'administration de la nouvelle structure portuaire. Est-ce que cela vous dérange beaucoup?
M. Burghardt: Notre principale préoccupation provient des contrats de location. Les critères considérés pour permettre à un utilisateur de siéger au conseil d'administration ne nous faciliteront pas la tâche. Il sera difficile d'assurer la présence d'une personne compétente dans le domaine du transport au conseil. Nous craignons que les choses ne soient pas aussi simples que ce que laissent entendre les représentants de Transports Canada.
Le sénateur Forrestall: En l'an 2000, étant donné l'époque de transparence et des communications, on ne peut guère croire que des représentants des principaux utilisateurs ou leurs administrateurs puissent siéger au conseil d'administration. J'y vois un conflit d'intérêts possible. Cela s'est peut-être fait depuis 60 ou 70 ans, mais je ne crois pas que ce soit possible aujourd'hui. Ce qui est dans l'intérêt du port est forcément dans l'intérêt de ses utilisateurs, et, donc, bon pour la municipalité. C'est une idée, une proposition, mais je pense qu'elle a été formulée pour les mauvaises raisons.
M. Burghardt: En ce qui concerne les petits ports, je suis d'accord avec vous. Le port de Prince Rupert sera un port CPA. Dans le corridor nord, peu peuplé, il sera peut-être difficile de trouver des gens motivés qui veuillent encourager son expansion et proposer des mesures en ce sens en siégeant comme administrateurs à un conseil local tel que celui du port de Prince Rupert. Il sera difficile de trouver des gens de cette étoffe. Si le mandat d'un administrateur est trop restreint, il risque d'écarter beaucoup de bons candidats.
Le sénateur Perrault: M. Burghardt et le capitaine Norman Stark sont très estimés sur la côte ouest, et l'on devrait faire grand cas de leurs opinions.
J'aimerais poser une question sur la concurrence. Dans son mémoire, la Prince Rupert Grain signale qu'elle appuie de façon générale le projet de loi, mais que pour atteindre ses objectifs dès le début, il faut modifier la transition. La Société dit par ailleurs qu'on risque de faire face à la concurrence des autres ports de la côte ouest, et que le producteur a maintenant la possibilité de faire transporter sa récolte où et comme il le veut.
Est-il vraiment possible que le grain canadien soit exporté par les ports de Portland, de Tacoma ou de Seattle, par exemple? A-t-on des preuves que le secteur agricole canadien délaisse les ports de la Colombie-Britannique?
M. Burghardt: Lors de la dernière campagne agricole, certains agriculteurs ont fait l'essai de l'Illinois Central et du golfe du Mississippi en transitant par la Nouvelle-Orléans. On cherche activement, surtout à Portland, à attirer les producteurs canadiens.
Le sénateur Perrault: En général, ces expériences ont-elles été concluantes? L'expéditeur est-il satisfait de la façon dont les Américains ont procédé?
M. Burghardt: Les avis sont partagés. Je ne crois pas que tout le monde ait été d'accord.
Le sénateur Perrault: Bien sûr, nous voulons protéger au mieux les emplois sur la côte Ouest du Canada, n'est-ce pas?
M. Burghardt: Absolument.
Le sénateur Perrault: Je crois savoir que certains producteurs expédient du grain par le Mississippi. Cet itinéraire doit bénéficier d'une subvention quelque part.
M. Burghardt: C'est difficile à dire exactement. A priori, je ne pense pas qu'on puisse mettre au jour une subvention précise.
Le sénateur Perrault: Les Américains le nieraient, bien sûr.
M. Burghardt: C'est certain.
Le sénateur Perrault: Les ports américains s'intéressent fort à certaines de nos expéditions de grain, cependant. Quelle est la façon la plus efficace de contrer ce problème? Selon vous, compte tenu de la bien plus forte valeur des terrains à Vancouver, rien, sur le plan commercial ou économique, ne justifie que les tarifs soient si élevés. Donc, si les prix étaient réalistes, le problème ne se poserait pas, je suppose.
M. Burghardt: Nous le souhaitons. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous devons déjà tâcher de compenser des coûts de transport plus élevés. Nous voulons avant tout offrir nos services au meilleur prix, que ce soit les frais portuaires de Prince Rupert, les taxes foncières de la ville, ou encore les coûts du transport ferroviaire dans le corridor. Nous nous proposons de refléter toute réduction dans nos tarifs et nos frais de roulement. Nous sommes au courant de la concurrence qui viendra des États-Unis et que le transit du grain par les installations portuaires et les élévateurs américains coûte moins cher qu'au Canada.
Le sénateur Perrault: Même avec le taux de change?
M. Burghardt: Mais oui. Nous savons qu'il nous faut des tarifs concurrentiels. Les producteurs et les fonctionnaires provinciaux des transports nous ont dit très clairement qu'ils cherchaient à découvrir quels corridors nord-sud conviendraient. Ils n'ont pas encore toutes les données, mais ils étudient sérieusement la question.
Habituellement, on nettoyait et conditionnait le grain au point d'exportation. On fait moins de conditionnement de nos jours. En raison des coûts de transport plus élevés, le nettoyage du grain se fait le plus près possible de la source, et à raison, car on expédie un meilleur produit. Cela a entraîné une baisse de nos revenus.
On va encore nous dire que nos frais doivent être plus bas. Mais ils ne peuvent pas être plus bas à moins que certains associés nous aident à pratiquer des prix concurrentiels pour les services très limités qu'ils nous fournissent.
Le sénateur Perrault: Pour être plus compétitifs, vous préféreriez louer les terrains selon leur valeur établie comme c'est le cas à Vancouver?
M. Burghardt: Tout à fait.
Le sénateur Bryden: Si vos frais de location étaient établis en fonction de cette valeur, savez-vous à combien se louerait une installation comparable à Vancouver?
M. Burghardt: Il y a cinq installations pour la manutention du grain à Vancouver. À ce que je sache, leurs baux leur coûtent en moyenne entre 300 et 500 000 dollars par an.
Le sénateur Bryden: Vous avez signé votre contrat il y a 20 ans, il est encore valable pour 40 ans. Il est un peu étrange que vous demandiez au Parlement de renégocier le contrat parce que vous le trouvez onéreux aujourd'hui, ce qui équivaut pourtant à cela.
Vous avez dit que vous cherchiez à renégocier le bail, sans succès. Demandez-vous une réduction trop importante ou l'autre partie est-elle tout simplement réfractaire à l'idée? Les parties contractantes résolvent habituellement ainsi leurs problèmes. Si elles ont conclu une mauvaise affaire, avant de poursuivre l'avocat qui les a conseillées, elles essaient de s'entendre et de passer à l'acte.
Défendez-vous des positions trop éloignées dans ces négociations?
M. Burghardt: Je crois que nous sommes encore pas mal loin l'un de l'autre. Je comprends vos préoccupations. Dans des affaires strictement commerciales, deux parties devraient pourvoir régler leurs différends. Les conditions sont radicalement différentes de ce qu'elles étaient en 1980. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il s'agissait d'un mégaprojet. On avait décidé d'ouvrir un deuxième port. Les sociétés céréalières ont toutes été invitées tant par la province de l'Alberta que par le gouvernement fédéral à s'associer à ce projet et à financer la construction de cette installation. Ainsi, les six principales sociétés céréalières sont toujours parties prenantes aujourd'hui. Je pense qu'elles ne regrettent pas de l'être.
Toutefois, notre port local dispose d'un éventail restreint de revenus. Notre objectif précis est de faire transiter par Prince Rupert d'autres marchandises en plus du grain et du charbon. Les responsables considèrent nos ressources financières comme principal garant de leur autonomie et de leurs besoins financiers futurs.
Pour ce qui est de l'exportation des céréales, avant d'y arriver, le processus a été extrêmement compliqué. Nombre des problèmes ont été éliminés, mais nous avons besoin d'aide pour résoudre les autres.
Il y a trois ans, lorsqu'on envisageait ce projet de loi, on nous a demandé si nous étions d'accord. Nous avons répondu que oui, que selon nous, c'était un pas dans la bonne direction et que peut-être le port de Prince Rupert connaîtrait la prospérité. Trois ans plus tard, toutefois, nous sommes toujours frustrés et encore plus inquiets du peu de progrès accompli dans des négociations qui auraient dû aboutir facilement.
Le président de la société portuaire demeure à trois portes de chez moi. On pourrait croire que si l'on se salue tous les matins en allant au travail, on en arriverait un jour à s'entendre, mais on ne semble pas y arriver.
Vous demandez si nous voulons une réduction trop importante. La location de terrains en fonction de leur valeur commerciale peut certainement servir de référence. Notre administration portuaire locale doit au moins reconnaître que c'est là une façon de déterminer la valeur équitable d'un montant de location. Nous ne réussissons même pas à lui faire entendre raison là-dessus. Nous vous demandons de créer au moins un cadre qui nous permette de faire aboutir ces discussions. Si on ne règle pas la question, je crains que la société portuaire trouvera toujours un prétexte pour reporter les choses. On nous présente toujours la carotte ou le bâton; on croit être sur le point de conclure une entente; on nous dit qu'elle est imminente, mais pendant tout ce temps, les coûts élevés de location continuent de s'appliquer. Il faut qu'on nous accorde une clause de révision.
Vous dites qu'il est inhabituel de demander au Parlement de s'intéresser à la situation, mais nous ne demandons l'intervention du Parlement qu'au cours de la transition, c'est-à-dire pendant six mois. Il faudrait imposer une date limite, et saisir de la question quelqu'un qui tranchera le problème en arbitre. Ensuite, les parties retourneront à leurs occupations.
Le sénateur Bryden: Il faudrait peut-être six mois pour régler le problème, mais l'espoir serait que la solution tienne pendant les 40 prochaines années.
M. Burghardt: Espérons-le.
Le sénateur Bryden: Il faut habituellement être deux pour conclure une entente. D'après mon expérience, ce n'est jamais qu'une seule des parties qui manque de souplesse.
Certains prétendront peut-être que dans le cadre de l'ancien régime de réglementation, les subventions et certaines autres concessions accordées à Prince Rupert lui conféraient une sorte d'avantage sur d'autres ports céréaliers. Je dis cela parce que vous avez déjà indiqué que, par bateau, vous êtes plus près du marché de l'est que Vancouver. Vous avez construit un bon lien ferroviaire. Le port de Vancouver est rempli de trains et de wagons, vous avez donc un avantage énorme. Jusqu'à maintenant, vous receviez une subvention de 4,25 dollars la tonne ou par wagon que ne recevait pas Vancouver. Certains pourraient dire que ce qui vous arrive maintenant, c'est qu'on vous ramène à la réalité.
M. Burghardt: Nous pourrions discuter interminablement sur le nom de subvention que vous donnez à ce versement de 4,25 dollars. Cela nous amène directement à la question des tarifs basés sur la distance et si c'est la façon appropriée pour les chemins de fer d'établir leurs tarifs. Dans le cas des secteurs non réglementés -- produits forestiers, produits du charbon et pétrochimiques -- les sociétés ferroviaires réussissent à pratiquer les mêmes tarifs pour deux ports de la côte Ouest. L'écart n'existe que pour le grain. À mon avis, cela n'est pas une subvention mais plutôt le moyen d'accroître les exportations de la côte Ouest et d'assurer des profits plus élevés qu'auparavant aux producteurs.
Vous parlez d'autres avantages -- nous savons qu'il en existe peut-être. Nous savons aussi à quel point il nous est difficile de toujours assurer cet avantage d'une journée et demie de transport de moins. La Commission canadienne du blé a des points répertoriés sur la côte Ouest plutôt que des points de vente situés dans les ports. Elle procède ainsi parce qu'elle n'a pas confiance au système de transport du grain, et qu'elle doute que la marchandise soit livrée au port voulu au jour dit.
Dans ces conditions, il est difficile de soutenir qu'on est avantagé tant par le chargement plus rapide dans le domaine de l'expédition que par une traversée pour courte qui se traduit par une économie pour les producteurs.
Ces faits vous paraissent sans doute être des avantages naturels. Il n'en est pas toujours ainsi, surtout vu la façon dont on commercialise le grain de nos jours.
Le sénateur Bryden: Je cherchais la citation. Si j'ai utilisé le mot «subvention», c'est parce qu'il apparaît à quelques reprises dans votre mémoire.
Le sénateur Spivak: Qu'en est-il des autres produits? Vous avez dit que l'écart n'existe que pour le transport du grain?
Au chapitre de la concurrence, le gouvernement du Canada a une responsabilité, qu'il a toujours assumée, en matière de développement économique, et de développement des régions nordiques du pays. Le transport est essentiel à notre pays parce que les ressources sont tellement éloignées des ports.
Les Américains subventionnent leurs ports, alors, qu'entrevoyez-vous à l'avenir en ce qui a trait à votre avantage particulier, qui est d'une journée et demie? Comment les avantages financiers qui en résultent vont-ils se comparer aux subventions constantes des États-Unis et à la transformation que subira l'économie occidentale? Croyez-vous que cet avantage augmentera compte tenu des besoins des pays asiatiques?
M. Burghardt: À long terme, nous sommes confiants. J'aime bien me projeter à 25 ans d'ici et imaginer ce que devraient être les ports de la côte Ouest. Dans 25 ans, notre concurrence ne viendra pas seulement du côté de Vancouver, mais de toute la côte ouest et des ports américains. Nos deux ports de Vancouver et de Prince Rupert ne devraient pas avoir de mal à prendre de l'expansion et à devenir florissants.
Je me concentre principalement sur l'exportation du grain non préparé, mais le véritable potentiel à long terme pour le port de Prince Rupert est d'offrir un service d'acheminement des produits à double sens afin que les importations soient aussi importantes que les exportations dans 25 ans. Je veux voir des produits agricoles à valeur ajoutée expédiés des Prairies par conteneurs. À long terme, il y aura toujours des exportations de produits en vrac, mais il y a de véritables débouchés pour le poulet, le porc et le boeuf frais, prêts à la vente, et cetera.
Ces produits peuvent être expédiés frais au port de Prince Rupert, après quoi nous pouvons les envoyer à Kobe, au Japon. Nous pourrions avoir un avantage de trois jours sur les cycles d'expédition -- cela pourrait se réduire à deux jours par rapport à Vancouver, mais trois jours par rapport aux ports de San Francisco ou de Los Angeles -- et nous aurons un énorme avantage. Ces produits ont une conservabilité à l'étalage de 30 jours, et nous pouvons ajouter trois jours à leur utilisation au point de vente, ce qui représente un gros avantage.
Nous voulons concentrer nos efforts sur l'infrastructure et les installations portuaires qui conviendront et assureront au pays l'expansion des produits en demande. Nous ne voulons pas perdre notre temps à discuter des modalités du bail découlant d'un ancien régime de réglementation. Nous vous demandons de nous aider à en finir avec cette question.
La présidente: Nous vous remercions tous les deux.
Nos prochains témoins représentent la Société du port de Vancouver. Soyez les bienvenus, nous vous cédons la parole.
Le capitaine Norman Stark, président-directeur général, Société du port de Vancouver: La Société du port de Vancouver est heureuse de pouvoir vous faire connaître son opinion sur le projet de loi concernant la Loi maritime du Canada.
Nous appuyons le projet de loi C-9. À notre avis, cette mesure législative nous rendra plus aptes à affronter la concurrence sur les marchés mondiaux, ce qui est essentiel à notre rentabilité à venir. Je tiens à remercier le ministre et les fonctionnaires de Transports Canada du travail qu'ils ont accompli dans l'ébauche des règlements sur l'exploitation, le modèle et les lettres patentes.
Les lettres patentes nous aideront à mener nos activités, en nous permettant de négocier des baux plus longs, à définir les activités essentielles et secondaires d'un port et à préciser notre modèle hiérarchique.
Comme vous le savez, Vancouver est le port le plus important du Canada et le plus diversifié de l'Amérique du nord. L'an dernier, notre volume de marchandises a atteint un record et nous avons accueilli un nombre record de passagers de croisière pour l'Alaska, soit 73 millions de tonnes et 815 000 voyageurs. Pour répondre à mon ami de Prince Rupert, je tiens à dire que notre port n'est pas congestionné.
Nous nous intéressons au charbon, au grain, aux produits chimiques, aux conteneurs et aux croisières. Nos produits sont en provenance et à destination de plus de 90 pays. Quelque 60 p. 100 de nos produits d'exportation viennent des provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan qui n'ont pas de débouché sur la mer. Nous sommes le port de Saskatoon et de Grande Prairie tout autant que celui de Vancouver. Nous sommes également le port de conteneurs de l'Ouest canadien pour les provinces de l'Ontario et du Québec.
Pour évaluer cette mesure législative, notre tâche première est de déterminer quels effets elle a sur notre compétitivité face aux performances de nos rivaux subventionnés des ports du nord-ouest du Pacifique aux États-Unis, Seattle, Tacoma, Portland et Longview. Se montrer à la hauteur des ports américains n'est pas une mince affaire. Mais il faut y arriver, et nous le ferons avec énergie et combativité.
Des défis semblables proviennent d'autres économies commerçantes, l'Australie par exemple, qui peut vendre son charbon et son grain à moindre prix grâce à sa proximité des marchés asiatiques, ou de nouveaux fournisseurs et de nouveaux pays comme l'Indonésie qui offre du charbon, la Russie de la potasse et des produits forestiers. Nous devons être en mesure de les concurrencer pour protéger les industries et les emplois canadiens.
Les initiatives des ports ne suffisent pas; il nous faut aussi une politique intégrée qui fasse de la compétitivité de nos ports nationaux une priorité nationale afin que notre rôle de moteurs de l'économie s'en trouve amélioré, et non diminué. Le port de Vancouver crée 10 800 emplois par an, avec une feuille de paie de plus de 710 millions de dollars et verse 500 millions de dollars en taxes, tous paliers de gouvernement confondus.
À notre avis, le projet de loi C-9 comporte de nombreux avantages. Nous apprécions particulièrement l'attribution de pouvoirs plus grands au conseil d'administration, la rationalisation des processus décisionnels, l'élimination de certains contrôles et l'abolition de la Société canadienne des ports.
Les utilisateurs du port fournissent la marchandise, de nombreuses installations et l'infrastructure. Le nouveau modèle hiérarchique leur permet une participation au choix du conseil d'administration et à la prise de décisions.
Il est essentiel que la Loi maritime du Canada permette aux ports nationaux de livrer une concurrence efficace et novatrice, la bureaucratie étant allégée, et accorde plus d'autonomie aux autorités locales. Le projet de loi C-9 permet tout cela. Les ports nationaux font partie de l'infrastructure du Canada et constituent un élément essentiel pour l'atteinte de nos objectifs commerciaux à l'échelle internationale. En outre, les ports nationaux devraient relever et continueront de relever du gouvernement fédéral en vertu du projet de loi C-9. Ils continueront d'être des fiduciaires du gouvernement fédéral pour l'administration des terrains portuaires.
Nos concurrents américains profitent de nombreux avantages que nous n'avons pas, comme des obligations exemptes d'impôt pour des projets d'immobilisation et la capacité de tirer des taxes des propriétaires fonciers locaux. Cela confère aux ports américains un avantage considérable par rapport aux nôtres. L'an dernier, par exemple, le port de Seattle a perçu plus de 35 millions de dollars US en taxes des résidents locaux. En moyenne, 300 dollars perçus en taxes foncières d'un foyer de Seattle sont versés au port.
Nous avons appris récemment que dans le cadre du programme IST, le gouvernement fédéral des États-Unis utilisera plus de 100 millions de dollars pour améliorer le port de Seattle. Par conséquent, les quelques avantages dont nous disposons au Canada, comme le statut d'agent fédéral, devraient être préservés dans le projet de loi C-9, et le seront.
Nous sommes réalistes et nous ne comptons pas sur le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités pour nous accorder les mêmes avantages que ceux dont jouissent les ports américains et d'autres ports internationaux. Il est donc essentiel que les autorités portuaires canadiennes ne perdent pas les avantages qu'elles possèdent déjà. Le projet de loi C-9 devrait protéger ces avantages concurrentiels.
Il est compréhensible que le gouvernement fédéral souhaite empêcher les autorités portuaires de créer des obligations et des responsabilités -- directes ou indirectes -- pour le Trésor fédéral. Nous acceptons cette contrainte, et nous croyons que le gouvernement est aussi protégé grâce aux examens spéciaux, aux réunions annuelles générales et aux autres vérifications de responsabilité que prévoit le projet de loi C-9.
Si le Parlement veut que les grands ports canadiens soient concurrentiels et qu'ils soient investis de larges pouvoirs délégués, il doit accorder aux ports nationaux la marge de manoeuvre nécessaire à l'innovation et à l'initiative. Il doit faire confiance aux administrateurs qui agiront de façon responsable dans le cadre de leur mandat et qui devront justifier leurs actions. Le projet de loi C-9 le prévoit.
Nous ne demandons pas carte blanche. Dans les zones grises, le projet de loi C-9 devrait permettre au ministre de modifier les lettres patentes de chaque port à l'occasion, et il le fera, et d'accorder des pouvoirs supplémentaires au besoin afin que le port puisse s'adapter à des circonstances imprévues et exceptionnelles.
Une bonne loi, tout comme un plan à long terme, doit être solide et souple; elle ne doit pas être rigide ou inadaptable dans des circonstances changeantes et imprévues. Là encore, nous croyons que le projet de loi C-9 le prévoit.
Comme vous le savez, dans le cours normal des choses, il n'est ni facile ni rapide de modifier une loi. Par conséquent, il est important que le projet de loi offre au ministre ou au Cabinet suffisamment de pouvoirs discrétionnaires pour permettre aux ports de s'acquitter de leur mandat de moteur économique de façon responsable et progressiste. Là encore, nous croyons que le projet de loi C-9 le prévoit.
En conclusion, nous recommandons que le comité incite le Sénat à adopter le projet de loi. On discute d'une nouvelle politique pour les ports canadiens depuis trois ans maintenant. Tout autre retard ne servira qu'à éroder la compétitivité du Canada par rapport aux États-Unis et aux autres économies.
La présidente: Certains responsables des ports, surtout des provinces de l'Est, se sont dits inquiets de ne pas avoir accès à des crédits du gouvernement si la loi est adoptée. Qu'en pensez-vous?
M. Stark: Nous réalisons nos projets sur une base commerciale. Nous sommes convaincus que, si les banques ou les établissements prêteurs ne consentent pas à nous prêter d'argent, on ne doit pas réaliser un projet. Nous ne croyons pas que le gouvernement doive financer nos projets. Nous ne sommes pas en faveur de financement ou de subventions publiques quel que soit le projet. Nos projets sont réalisés selon des critères commerciaux. Si nous ne pouvons pas obtenir de prêt d'une banque, selon le projet de loi, alors le projet devrait être abandonné.
Le sénateur Bryden: Quelle est l'envergure des projets dont vous parlez, et pendant combien de temps avez-vous accès au financement du secteur privé?
M. Stark: L'an dernier, nous avons terminé la construction d'un nouveau terminal à conteneurs à un coût total de 230 millions de dollars. La Société du port de Vancouver a investi 180 millions, les 50 autres millions l'ont été par l'exploitant du terminal, le secteur privé, le Canadien Pacifique et le Canadien National. Nous avons emprunté 139 millions de dollars à la Société pour l'expansion des exportations à 7,75 p. 100.
Depuis cet emprunt, notre prêt a été ramené à ce jour à 127 millions de dollars. Nous avons également établi un fonds d'amortissement de dette de 45 millions de dollars. Nous espérons toujours pouvoir renégocier ce niveau de dette et verser des acomptes de remboursement parce que les taux d'intérêt actuels sont plus faibles.
Le sénateur Bryden: Quel genre de garantie le prêteur demandait-il, s'il en demandait?
M. Stark: Ce prêt ne comportait aucune garantie autre que celle donnée par la Société du port du Vancouver. Nous avons fait affaire avec la SEE. À ce moment-là, il y avait en quelque sorte une garantie implicite à titre de société d'État. En vertu de la nouvelle loi, il n'y aurait aucune garantie, mais tout cela serait fonction des rentrées de trésorerie. Nous avons discuté avec les banques et nous savons que nous pourrions obtenir un refinancement si nous en avions besoin.
Le sénateur Bryden: Vous devez avoir un important historique de trésorerie qu'un prêteur pourrait étudier, à partir duquel vous pouvez faire des projections?
M. Stark: C'est juste.
Le sénateur Bryden: Pourriez-vous nous en donner un aperçu? Je ne parle pas des postes discrétionnaires.
M. Stark: Pour ce qui est des mouvements de trésorerie, nous avons déjà eu un revenu net qui pouvait atteindre 30 millions de dollars. Toutefois, nous avons remboursé plusieurs tranches de prêts entre 1985 et 1991-1992. Nous avons remboursé 150 millions de dollars au gouvernement fédéral, mais notre revenu net est habituellement de 20 à 30 millions de dollars.
Notre revenu net est plus bas aujourd'hui, parce que nous versons quelque 12 millions de dollars en intérêts. L'année dernière, nos encaissements se sont élevés à 23 millions de dollars avant l'amortissement de 17 millions.
Le sénateur Bryden: Est-ce qu'il s'agit d'encaissements réguliers pour le port de Vancouver?
M. Stark: Oui.
Le sénateur Bryden: Vous êtes donc presque assurés d'encaissements d'environ 125 millions?
M. Stark: Tout dépend de nos activités. Nous avons certains contrats de location à coût fixe, mais dans d'autres cas, le montant peut varier. Par exemple, les navires de croisière nous rapportent un montant donné pour chaque passager. Chaque conteneur nous rapporte un certain montant. Il y a des garanties de paiement minimum. Les montants varient suivant le type d'activité.
Le sénateur Bryden: Pourriez-vous nous donner un montant raisonnable, une plage de montants qu'un prêteur pourrait considérer comme raisonnable? Pouvez-vous dire que vos encaissements ne seront ni inférieurs à un montant X, ni supérieurs à un montant Y?
M. Stark: Les banques étudient les encaissements avant de décider d'accorder un prêt, et elles veulent des prévisions. Nous préparons pour tous nos ports des plans quinquennaux et des plans à long terme, sur 20 ans. À partir des plans quinquennaux, nous pouvons évaluer nos mouvements de trésorerie et nos prévisions pour les marchandises.
Le sénateur Bryden: La moyenne serait donc aux alentours de 25 millions de dollars.
M. Stark: Avant amortissement.
Le sénateur Spivak: J'aimerais parler des articles 47, 73 et 101 du projet de loi C-9 qui permettent aux ports d'échapper aux évaluations environnementales de leurs activités.
Je veux vous demander pourquoi vous estimez que les ports devraient faire l'objet d'une exemption à cet égard alors qu'aucune autre industrie n'y échappe. C'est une loi fédérale. Le gouvernement fédéral a des responsabilités. Il ne me semble pas logique qu'une personne assume la surveillance de ses propres activités. Il ne s'agit pas uniquement de la protection de l'environnement. Nous avons vu, partout dans le monde, le prix que paient les entreprises pour l'autosurveillance. Je pense ici à ce qui s'est produit récemment en Espagne.
Sur quoi vous appuyez-vous pour dire que vous devriez vous-mêmes procéder à vos évaluations environnementales? Nous savons que vous devriez être l'un des responsables en matière de gérance environnementale. Il ne fait pas de doute que vous devez jouer ce rôle, mais je veux vous poser des questions sur l'évaluation.
M. Stark: Sénateur, nous vous avons remis de la documentation additionnelle.
Le sénateur Spivak: Je l'ai lue.
M. Stark: Comme vous pouvez le voir, l'une de nos valeurs fondamentales est notre environnement.
Le sénateur Spivak: Tout à fait. Je comprends cela.
M. Stark: Nous vous recommandons d'étudier notre histoire, de voir la façon dont nous avons agi dans le port. L'un des membres de notre personnel est titulaire d'un doctorat en océanographie, un autre est biologiste et nous avons aussi un chimiste. Nous sommes membres d'une organisation appelée Burrard Inlet Environmental Action Program dont sont aussi membres le MPO (ministère des Pêches et des Océans), Environnement Canada, le ministère provincial et le Greater Vancouver Regional District.
Pour ce qui est de nos procédures, nous croyons que nous avons mis en place des mécanismes très crédibles qui ont fait leurs preuves à de nombreuses reprises au cours de la réalisation du projet de Delta. Pour ce projet, nous avions un groupe d'experts indépendants, certains nommés par le gouvernement provincial, d'autres par la municipalité de Delta. Évidemment, comme ces personnes étaient impliquées dans le processus que nous suivions, elles l'ont trouvé très crédible.
Le sénateur Spivak: Je devrais peut-être formuler ma question autrement. Je ne vous demande pas si vous faites preuve de responsabilité en matière de gérance environnementale. Je suis sûre que c'est le cas. Je suis sûre que le port a un dossier reluisant. Là n'est pas la question. La question est de savoir pourquoi les ports devraient être exemptés d'une loi fédérale qui s'applique à toutes les industries?
Quelle est la raison qui motive cette exemption? Si vous faites preuve de responsabilité en matière de gérance environnementale, vous ne devriez craindre aucune des dispositions de la loi fédérale. C'est sur ce point précis que je pose ma question. Je ne doute pas que le port de Vancouver a conscience de ses grandes responsabilités environnementales et qu'il est une entreprise responsable.
M. Stark: Le temps est un facteur déterminant. Le processus en place à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale exige en moyenne 440 jours. C'est très long pour une entreprise qui est en concurrence avec d'autres pour obtenir un contrat. Le terminal à conteneurs est en concurrence avec Seattle-Tacoma. Quand on parle de compétitivité, un délai de 440 jours est inacceptable.
M. Warren McCrimmon, secrétaire, Société du port de Vancouver: J'ajouterai simplement que la question de temps est très importante pour nos clients. À l'heure actuelle, nous participons à ce qu'il est convenu d'appeler un programme d'harmonisation visant le First Narrows Bridge de Vancouver. Ce programme serait soumis au processus de l'ACEE et, dans le cadre de l'harmonisation, l'évaluation serait faite par la Colombie-Britannique. Le processus prendra, suivant les estimations les plus optimistes, de 18 à 24 mois. Nous parvenons à faire la même chose en quatre à six mois. C'est une différence énorme pour ce qui est du temps requis.
J'ai lu le témoignage qui vous a été présenté par le groupe environnementaliste. Il semblait se plaindre du fait qu'en vertu du projet de loi C-9, la Loi sur la protection des eaux navigables ne s'appliquerait pas, et qu'à l'heure actuelle, les ports ne sont pas réglementés. Pour ces gens-là, cela semblait poser problème. Toutefois, actuellement, la Loi sur la protection des eaux navigables ne s'applique pas aux sociétés portuaires. Elle s'applique uniquement aux utilisateurs du port. Même la loi sur l'ACEE ne s'applique pas à toutes les industries. Elle s'applique uniquement aux industries qui exercent des activités sur les terres fédérales.
Dans le moment, la Loi sur la protection des eaux navigables est efficacement appliquée par les autorités portuaires. À Vancouver, nous étions autrefois chargés de l'application de cette loi, ou de la loi qui l'a précédée. Aujourd'hui, nous procédons à un examen interne en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables. Demander à la Garde côtière de faire ce travail serait un dédoublement, et n'ajouterait aucun avantage.
Tous les ports potentiels ont mis en place des politiques et des procédures environnementales. Il n'y a dans les ports aucun problème environnemental connu qui exigerait l'adoption d'un règlement. La politique du gouvernement dit que les règlements ne doivent pas être le premier recours; essentiellement, ils doivent être le dernier recours. Nous devrions considérer les autres solutions efficaces en termes de coûts et les adopter. Nous avons déjà une politique et une procédure efficaces pour ce qui est des coûts, non seulement à Vancouver, mais dans toutes les sociétés portuaires locales qui relèvent de Ports Canada. Les commissions portuaires, qui sont les éventuelles autorités portuaires, ont elles aussi de telles politiques et procédures.
Le processus est des plus transparents; le public est impliqué dans le processus, et il s'agit d'un processus réalisable, ce qui est l'autre question qui a semblé être soulevée devant vous.
Le sénateur Spivak: En toute déférence, si tout fonctionne si bien, pourquoi voulez-vous que ces dispositions disparaissent? Je sais qu'il y a eu une certaine élaboration des responsabilités en matière d'harmonisation, et cetera. Toutefois, l'abrogation de ces dispositions est un principe législatif important.
Je comprends que le temps représente pour vous un coût qui influe sur votre compétitivité, mais les tribunaux ne tiennent compte ni du temps ni des coûts lorsqu'ils évaluent les mesures pertinentes et légales qui doivent être prises.
Si vous êtes satisfaits de la façon dont les choses fonctionnent, je ne comprends pas pourquoi vous pensez maintenant qu'il est nécessaire de faire disparaître ces dispositions de la loi.
M. McCrimmon: Il y a malentendu. Nous n'avons pas demandé que ces dispositions soient abrogées. Nous les avons appuyées.
Le sénateur Spivak: Vous les avez appuyées?
M. McCrimmon: Oui. De plus, la Cour fédérale a récemment passé nos procédures en revue et elle a décidé qu'elles étaient adéquates.
Le sénateur Spivak: Vous avez appuyé ma cause, merci.
M. Stark: Je m'excuse de la confusion. Nous n'avons pas demandé que les dispositions soient abrogées. Nous sommes satisfaits du projet de loi, dans sa forme actuelle.
Le sénateur Roberge: Vous avez dit que le port n'est pas congestionné. De combien d'acres disposez-vous encore pour des agrandissements, et quel pourcentage de la superficie totale du port cela représente-t-il?
M. Stark: Il reste présentement très peu de terrain dont le port pourrait se servir pour des agrandissements sans remplissage supplémentaire. Côté environnement, cela représente toujours un défi.
L'un de nos principaux objectifs est d'en arriver à une meilleure utilisation des actifs que nous possédons. Par exemple, le terminal pour conteneurs de Delta, qui a été achevé très récemment, a une capacité de 600 000 U.E.C. Un terminal semblable à Hong Kong occupe environ deux fois la superficie du terminal de Delta, et on y manutentionne 6 millions d'U.E.C.
Plutôt que d'ajouter continuellement des infrastructures, notre but est de mieux utiliser nos actifs, d'atteindre une meilleure productivité et d'avoir de meilleurs équipements.
La réponse à votre question est qu'il ne reste pas beaucoup de bons terrains. Il faudrait procéder à du remplissage. Cependant, lorsque je parle de congestion, je parle de choses telles les infrastructures ferroviaires et routières. Nous ne croyons pas que le port soit congestionné. Nous manutentionnons l'équivalent de plus de 22 500 kilomètres de wagons chaque année, mais nous le faisons de façon efficace.
Le sénateur Roberge: Dans votre plan quinquennal ou décennal, avez-vous planifié une utilisation pour ces terrains?
M. Stark: Oui. Toutefois, nous avons doublé notre actif au cours des cinq dernières années. Notre actif est passé de 250 à 540 millions de dollars. Nous venons de terminer un important programme d'infrastructure. Nous ne prévoyons pas devoir ajouter des terminaux au cours des cinq prochaines années. Toutefois, nous sommes toujours disposés à collaborer avec de nouveaux clients lorsqu'ils se présentent. Notre philosophie a été de ne pas immobiliser tout notre argent dans les actifs; nous nous engageons avec des partenaires. Nous avons un projet de 20 millions de dollars qui est presque achevé -- la moitié des fonds ont été fournis par le secteur privé, l'autre moitié par l'autorité portuaire.
Le sénateur Roberge: Je vois que vous êtes très favorable à l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle. Toutefois, si le comité, dans sa sagesse, fait certaines recommandations ayant trait à des amendements, y a-t-il des recommandations que vous feriez pour améliorer le projet de loi?
M. Stark: Je pense que nous avons répondu à toutes les questions qui ont été soulevées plus tôt. Nous pensons que le projet de loi est un bon projet, et nous aimerions recommander que le Sénat l'approuve. Nos clients de Vancouver sont satisfaits du projet de loi, et nous aimerions qu'il soit adopté tel quel. A posteriori, chacun peut dire qu'il avait raison, mais nous sommes contents de ce que nous avons, et nous voudrions nous consacrer à notre entreprise.
Le sénateur Perrault: Le maire de Hamilton nous a rendu visite il y a quelques jours. Il a exprimé quelques plaintes. Il croyait que Vancouver avait eu une influence indue sur les opinions exprimées par le gouvernement sur ce projet de loi. Vous avez pu vous exprimer. Vous accomplissez une tâche formidable pour ce qui est du port de Vancouver, mais c'est l'opinion qu'il a exprimée.
M. Stark: Nous avons exprimé notre opinion sur le projet de loi, les lettres patentes et les règlements. Tous les autres ports ont pu faire la même chose.
Le sénateur Perrault: Je partage votre point de vue.
En ce qui a trait à la concurrence, vous dites que nos voisins du sud trouvent des façons d'attirer des entreprises canadiennes. Est-ce qu'ils réduisent les taxes ou les droits? Comment s'y prennent-ils?
M. Stark: Le port de Seattle est une autorité taxatrice, et 4,5 p. 100 des taxes sont versées au port. Les autorités ont recueilli 35 millions de dollars US uniquement pour leurs frais d'exploitation, sans compter l'infrastructure. Mais la plus forte concurrence avec Seattle est dans le domaine des conteneurs. Il y a un certain temps, 150 000 conteneurs à destination du Canada -- soit environ 45 p. 100 -- passaient par Seattle. Au cours des dernières années, parce que nous sommes devenus plus concurrentiels grâce à des tarifs plus avantageux et moins élevés, nous avons ramené cette proportion à 20 p. 100. Moins de 20 p. 100 des conteneurs canadiens passent par Seattle. Nous faisons constamment des gains, et nous sommes compétitifs.
Le nouveau terminal pour conteneurs de Delta manutentionne en moyenne 27 ou 28 conteneurs à l'heure, ce qui est mieux que Seattle. Il nous est même arrivé de manutentionner plus de 30 conteneurs à l'heure. Pour l'instant, nous faisons concurrence à Seattle.
Le sénateur Perrault: Dans votre mémoire, vous mentionnez que la Société du port de Vancouver a l'intention de faire du port de Vancouver le port le plus recherché de la côte ouest de l'Amérique du Nord, surmontant ainsi le défi international que représentent les ports des deux Amériques, du Pacifique Sud et de l'Orient. C'est tout un défi.
M. Stark: Nous sommes convaincus que nous en sommes capables. La main-d'oeuvre dont nous disposons et la gestion des terminaux sont des actifs de grande valeur.
Le sénateur Perrault: Vos relations avec les débardeurs et les manutentionnaires céréaliers sont-elles bonnes?
M. Stark: L'impression s'est répandue, par le passé, qu'il y avait des conflits entre les travailleurs et la direction. Aujourd'hui, la direction et les travailleurs comprennent les enjeux, et ils travaillent ensemble à trouver des solutions. Les négociations sont toujours difficiles, mais c'est normal.
Nous demandons un taux horaire de 37 $ canadiens pour la main-d'oeuvre. À Seattle, le taux horaire de la main-d'oeuvre est l'équivalent de 65 $ canadiens. Avec les années, les augmentations ont été considérables. Lorsque les gens étudient la compétitivité, ils constatent que nos taux de main-d'oeuvre sont concurrentiels. Seattle jouit de certains avantages en ce qui a trait à l'autorité taxatrice. Le port de Vancouver verse 40 millions de dollars en taxes aux diverses municipalités. Mais tout compte fait, nous demandons moins que le port de Seattle pour un conteneur.
Le sénateur Perrault: Il a été question l'année dernière d'une tentative de Washington de modifier ou d'abroger la Jones Act. Si cela se produisait, ce port pourrait attirer plus de navires de croisière. Quelle est notre situation à cet égard? Sommes-nous en train de gagner la bataille? Subsiste-t-il une menace de voir certains de ces clients se déplacer vers le sud?
M. Stark: Il s'agit de la Passenger Act; la Jones Act porte sur les marchandises.
Nous concentrons nos efforts sur la loi canadienne et nous devenons plus compétitifs. Nous ne pouvons pas faire grand-chose en ce qui a trait à la loi américaine. Nous voulons continuer à nous concentrer sur notre objectif -- servir nos clients et leur offrir des services de la plus haute qualité. Si la loi est adoptée, nous ne perdrons pas de clients.
Le sénateur Perrault: La Jones Acte porte sur les marchandises. Mais il y a actuellement certaines incitations pour attirer les navires de croisière à Vancouver.
M. Stark: Oui. C'est à cause de la Passenger Act américaine que nous avons obtenu cette clientèle. Comme nous sommes plus près de l'Alaska que Seattle, il faut un jour de moins pour s'y rendre. Il est difficile d'organiser une croisière de sept jours à partir de Seattle, mais on peut le faire à partir de Vancouver, cependant.
Le sénateur Perrault: Nous avons donc là certains avantages naturels.
M. Stark: Les gens aiment bien commencer leurs vacances à Vancouver. Nous offrons à nos clients un bon service à prix concurrentiel.
Le sénateur Perrault: Vous dites que le projet de loi a peut-être quelques défauts qui pourraient être corrigés avec le temps, mais dans l'ensemble, vous l'appuyez.
M. Stark: Nous appuyons pleinement le projet de loi. Une révision est prévue dans cinq ans, et je crois que nous pourrons traiter de toutes les questions à ce moment-là.
Le sénateur Forrestall: Je voudrais en revenir à l'environnement. Diverses lois fédérales contiennent des articles qui déclenchent l'application des dispositions sur l'environnement ainsi que des évaluations environnementales. Vous avancez qu'il faut conserver les trois articles du projet de loi prévoyant que la Loi sur la protection des eaux navigables ne s'appliquera pas. Les environnementalistes prétendent que si ces articles sont conservés dans la loi, c'est un important élément déclencheur qui disparaît, et que lorsque des problèmes environnementaux surgiront, c'est le port qui décidera seul de la solution.
C'est bien pour ce qui est du port de Vancouver. C'est peut-être bien, à un degré moindre, pour le port de Montréal et à un degré encore moindre pour le port de Halifax. Par contre, certains des autres ports n'ont pas les moyens de préparer des plans de protection de l'environnement. Il ne suffit pas d'adopter des principes et de les appliquer à Port Alberni ou à Sheet Harbour, parce que ces ports sont fort différents des autres. Si le sénateur Spivak devait prétendre qu'il faut conserver les déclencheurs, il faudrait faire disparaître ces trois articles.
Vous avez dit des choses qui m'ont beaucoup plu, entre autres que le ministre doit toujours avoir l'autorité suffisante pour intervenir et prendre les décisions qui, selon lui, s'imposent. Le ministre doit toujours avoir cette autorité en ce qui a trait à l'étendue des terres fédérales sur lesquelles les ports sont situés. De même, au pays, la bataille pour la protection de l'environnement se poursuit depuis quelque 50 ans, et ce n'est que maintenant que nous commençons à y voir un peu clair. Tout à coup, nous ouvrons une énorme brèche de vulnérabilité dans les installations portuaires canadiennes.
Le sénateur Spivak: Ce que je comprenais, c'est que vous ne préconisiez pas la disparition des déclencheurs, mais que vous estimiez tout à fait correct que ces articles soient effacés de la loi et d'y laisser les déclencheurs qui visent les eaux navigables. C'est ce que j'ai conclu de votre réponse. C'est bien cela?
M. McCrimmon: Non, ce n'est pas ce que nous avons dit. J'ai dit que nous ne désirions aucun changement au projet de loi.
Par contre, en ce qui a trait aux déclencheurs, je crois que les environnementalistes vous ont donné un point de vue très restreint. Il existe bon nombre de déclencheurs, dont la majorité ne sont pas dans la Loi sur la protection des eaux navigables, mais sous la responsabilité d'autres organisations telles Environnement Canada qui doit donner son approbation, par exemple, pour l'immersion des déchets en mer. Il y a aussi les déclencheurs du ministère des Pêches et des Océans; chaque fois que l'on fait quoi que ce soit dans l'eau, l'habitat en est touché et il existe un déclencheur pour cette situation. À notre connaissance, les déclencheurs véritables appartiennent au ministère des Pêches et des Océans, et ces déclencheurs ne disparaissent pas.
Le sénateur Spivak: Ma question avait trait au principe. Le principe veut que le gouvernement fédéral conserve toutes ses responsabilités actuelles, sans enlever quoi que ce soit. Il est impensable que les gens exercent l'autosurveillance. Je croyais que vous en aviez convenu, mais il semble que je me sois trompée. C'était l'objectif de ma question.
Le sénateur Forrestall: Je souligne encore une fois les capacités du port de Vancouver. Vous êtes probablement de loin les personnes les plus qualifiées pour assumer vos propres responsabilités environnementales, mais le port de Saint John n'a peut-être pas les moyens financiers pour le faire. Il n'y existe vraisemblablement pas de programme d'examen et d'évaluation environnementaux qui a été administré par la province, par les autorités fédérales ou, en particulier, de programme que les autorités ont les moyens d'appliquer. Le dragage de la rivière Fraser peut avoir des répercussions sur la fraie des saumons, à 160 kilomètres en amont. En ce sens, il s'agit de la pêche. Il n'existe pas, dans la Loi sur les pêches, de déclencheur visant le port de Halifax.
On se trouve donc en face d'une dichotomie impressionnante. D'un côté, vous avez les ressources qu'il faut, mais de l'autre, certains ports ne les ont pas, parce qu'ils n'ont pas les mêmes revenus. Les autres ports ne comptent pas tous un environnementaliste au sein de leurs effectifs, et ils n'ont pas d'ingénieur dont le rôle est de faire les choses dans le respect de l'environnement. Je connais l'histoire du port de Vancouver et le chemin qu'il a parcouru, et j'en suis fier.
M. McCrimmon: L'ACEE elle-même a affirmé qu'elle ne dispose pas des effectifs nécessaires pour surveiller le programme qu'elle propose. Dans un document traitant de sa proposition, elle a reconnu que cette proposition va nuire à notre compétitivité.
Le sénateur Spivak: De quel document s'agit-il?
M. McCrimmon: L'ACEE a présenté à son comité consultatif sur la réglementation un document dans lequel elle explique le processus de réglementation proposé. Nous pouvons vous en fournir un exemplaire.
Le sénateur Bryden: Je pense que vous avez dit qu'à l'heure actuelle, la Loi sur la protection des eaux navigables ne s'applique pas à votre port. Est-ce exact?
M. McCrimmon: Elle ne s'applique pas à l'autorité portuaire. Dans le port, elle s'applique aux tiers locateurs, etc. Si nous construisons dans le port, la Loi sur la protection des eaux navigables ne s'applique pas à nous. Nous procédons nous-mêmes à une évaluation en vertu de cette loi. Cela fait partie des fonctions du maître du port.
Le sénateur Bryden: En vertu du projet de loi, est-ce que la situation serait différente pour les utilisateurs des installations?
M. McCrimmon: Dans l'état actuel du projet de loi, non. Le seul changement surviendrait si la réglementation était modifiée d'une façon ou d'une autre.
Le sénateur Bryden: À votre avis, la Loi sur la protection des eaux navigables qui s'applique aux utilisateurs dans le moment continuerait-elle de s'appliquer à eux après l'adoption du projet de loi?
M. McCrimmon: Oui.
Le sénateur Bryden: Un représentant de Canso nous a dit que le port de Vancouver est le seul port canadien véritablement prêt à affronter le trafic maritime du XXIe siècle. C'est tout un compliment.
Certains d'entre nous, dont moi, avions des inquiétudes relativement à certains aspects du projet de loi. Cela ne vient pas en contradiction avec ce que vous avez dit. Pour vous, il s'agit d'un bon projet de loi. Vous avez dit que vous avez eu de nombreuses discussions -- non seulement sur la formulation du projet de loi, mais sur le projet de lettres patentes, etc. Pour vous, il est très satisfaisant, et il est aussi très satisfaisant pour la Voie maritime du Saint-Laurent. L'une des raisons pour lesquelles vous en êtes satisfaits est que le port de Vancouver et la Voie maritime sont deux grandes organisations. Si le projet de loi ne convient pas au port de Vancouver et à la Voie maritime du Saint-Laurent, ce n'est pas un bon projet de loi.
Il était très important pour mon gouvernement de s'assurer de présenter un projet de loi qui vous conviendrait. Les préoccupations de certains membres du comité viennent peut-être du fait que les mêmes considérations et les mêmes soins n'ont pas été accordés à des ports de moindre importance qui sont dans une situation différente de la vôtre.
Je voulais vous poser des questions sur la compétitivité des taux de main-d'oeuvre. Vous avez dit que vous demandez 35 $ canadiens l'heure contre 65 $ canadiens. Votre calcul comprend-il les coûts liés aux avantages sociaux, par exemple, les cotisations pour l'indemnisation des travailleurs et les primes d'assurance-maladie?
M. Stark: C'est le montant total. Les débardeurs ne reçoivent pas 37 dollars l'heure, même si je suis sûr qu'ils le voudraient bien. Il s'agit du montant global qui comprend aussi une marge bénéficiaire pour les exploitants des terminaux.
Le sénateur Bryden: Si vous considérez le montant payé, nous sommes peut-être sur un pied d'égalité, ou peut-être même un peu désavantagés. Quand on ajoute les coûts accessoires, cotisations pour l'indemnisation des accidentés du travail et assurance-maladie qui doivent être payés aux États-Unis, le Canada est alors beaucoup plus compétitif.
M. Stark: Sur une base globale, comparer les coûts au Canada et les coûts aux États-Unis, c'est comparer des pommes et des oranges.
La présidente: Merci, capitaine Stark et monsieur McCrimmon, pour votre témoignage et vos réponses.
La séance est levée.