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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 16 février 2000

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a, se réunit ce jour à 17 h 45 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum. J'avais l'intention, depuis le début, de quitter la présidence de ce comité quand nous aurions terminé notre étude de l'autonomie gouvernementale des autochtones. Nous avons fait du bon travail au cours des deux dernières années. J'en suis reconnaissant envers tous les sénateurs qui y ont participé. Le comité directeur a joué un rôle très utile en identifiant les témoins et les sujets que nous devions aborder.

Je suis reconnaissant pour l'aide que j'ai reçue de chaque sénateur, en particulier les sénateurs Austin, Chalifoux, Gill, Pearson, Christensen, Sibbeston et DeWare. Le sénateur Wilson a également participé de temps à autres aux travaux du comité. Chaque fois qu'elle a soulevé une question, celle-ci était pertinente.

Je ne vais pas disparaître. Je resterai membre du comité. Je présente mes voeux de succès au sénateur Austin pour l'étude du projet de loi sur les Nisga'a. J'essaierai de continuer à être utile.

Le sénateur Austin: Sénateur Watt, avant que vous ne quittiez la présidence, je tiens à vous remercier pour le rôle que vous avez joué pendant longtemps comme président de ce comité. Vous êtes parvenu à déterminer l'orientation à donner aux travaux du comité et à faire réellement avancer les choses. Vous avez présenté hier au Sénat un rapport sur notre travail au sujet de l'autonomie gouvernementale. C'est un excellent rapport. L'énergie dont vous avez fait preuve pour nous amener jusque-là était absolument nécessaire.

En mon nom et en celui de tous mes collègues, je voudrais vous exprimer notre reconnaissance pour le travail que vous avez fait et la façon dont vous avez dirigé ce comité. Il est regrettable, pour le comité, que vous quittiez la présidence, mais c'est ce que vous avez décidé. Vous nous avez avertis il y a longtemps que vous vouliez vous retirer après avoir déposé le rapport. Nous vous remercions pour ce que vous avez réalisé à cette occasion.

Le président: Je vous remercie de vos commentaires, sénateur Austin, d'autant plus que je vous connais depuis plus de 30 ans. J'étais pratiquement adolescent quand je vous ai rencontré pour la première fois.

Le sénateur DeWare: Au nom du comité, j'aimerais moi aussi exprimer mes remerciements au président, le sénateur Watt, pour le temps qu'il a passé à s'occuper des affaires des autochtones et du comité.

Le sénateur St. Germain: Charlie -- je vais vous appeler Charlie bien que vous soyez président --, je tiens aussi à vous remercier. Nous avons eu une excellente relation de travail. J'espère qu'une partie de notre travail s'avérera utile pour les autochtones du pays. Vous êtes quelqu'un de crédible et de direct. Je vous souhaite bonne chance, et merci.

Le président: Sénateurs, c'est un sentiment agréable que d'avoir terminé nos travaux sur l'autonomie gouvernementale des autochtones et d'avoir déposé notre rapport au Sénat. Jusqu'à présent, je ne m'étais pas rendu compte qu'un tel poids pesait sur mes épaules. Aujourd'hui, je me sens léger.

Sous la direction du nouveau président du comité, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien comparaît maintenant devant vous. Avant de quitter la présidence, je remettrai directement au ministre un exemplaire de notre rapport.

Le sénateur Charlie Watt (président) quitte le fauteuil.

[Français]

Mme Jill Ann Joseph, greffière du comité: Honorables sénateurs, en tant que greffière de votre comité, il est de mon devoir de présider à l'élection d'un nouveau président.

[Traduction]

Je suis prête à accepter les mises en candidature.

Le sénateur Pearson: Je propose la candidature du sénateur Austin à la présidence.

Le sénateur St. Germain: J'appuie cette motion.

Mme Joseph: Sénateurs, vous êtes saisis d'une motion proposant l'élection du sénateur Austin comme nouveau président du comité. Êtes-vous prêts, honorables sénateurs, à adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

Mme Joseph: Adoptée.

Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.

Le président: Honorables sénateurs, je vous remercie beaucoup de m'avoir élu à la présidence. La greffière me signale qu'aucune réserve ne doit être exprimée dans la résolution, mais je pense et je désire, et c'est ce que pense le comité, que, quand nous aurons terminé notre étude du projet de loi C-9 au sujet de l'Accord définitif nisga'a, je me retirerai et un autre sénateur prendra ma place.

J'ai été choisi parce que je suis sénateur de la Colombie-Britannique, et, bien entendu, j'appuie le gouvernement. Mes collègues, le sénateur Perrault et le sénateur Fitzpatrick, n'étaient pas dans la salle quand les propositions de candidature ont été reçues. J'apporterai la couleur locale que je suis censé avoir à propos de cette question puisque le projet de loi concerne la Colombie-Britannique.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le président, le sénateur Johnson s'est acquittée de ses fonctions pendant la réalisation du rapport; elle va maintenant se retirer. Je voudrais proposer la candidature du sénateur St. Germain à la vice-présidence.

Le sénateur Pearson: J'appuie cette motion.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Adoptée.

Nous avons une autre question à régler. La présidence est prête à recevoir une motion relativement à l'adoption de notre budget pour l'exercice financier qui prend fin le 31 mars 2000; la somme est de 1 800 $.

Le sénateur Chalifoux: J'en fais la proposition.

Le sénateur St. Germain: J'appuie la motion.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Watt: Cela paiera-t-il le repas de ce soir?

Le président: Cela paiera le repas de ce soir, même si j'espérais faire passer cela sous une autre rubrique.

Le sénateur Watt: Comme vous pouvez le voir, tout le monde a fait la grève de la faim quand j'étais président.

Le président: Nous allons maintenant entendre l'honorable Robert Nault, c.p., député, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui est accompagné de représentants du ministère, M. Andrew Beynon, le conseiller juridique principal qui a été pleinement associé à la négociation de cet accord, et M. Tom Molloy, le négociateur fédéral en chef.

Monsieur Nault, nous vous souhaitons la bienvenue ici et nous serons heureux d'entendre votre déposition et celle de vos hauts fonctionnaires. Nous savons que ce projet de loi est très important pour le gouvernement. Je peux vous dire à l'avance quelque chose qui ne vous surprendra aucunement: plusieurs sénateurs ont plusieurs questions à poser. Je vous invite à commencer.

L'honorable Robert Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien: Monsieur le président, je vous félicite pour votre nomination.

Honorables sénateurs, c'est pour moi un honneur et un plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-9, la Loi sur l'Accord définitif nisga'a. Ce projet de loi et le traité qu'il mettra en oeuvre constituent un jalon historique dans la relation entre le Canada et le peuple des Nisga'a et d'ailleurs, avec tous les peuples autochtones du Canada. Je suis très heureux de cette réalisation, tout comme le gouvernement. Le traité des Nisga'a symbolise la réconciliation que l'on peut obtenir lorsqu'on négocie patiemment dans un esprit de coopération, de dévouement et de partenariat. Une telle réconciliation est essentielle si l'on veut progresser dans l'établissement d'une relation moderne avec les autochtones du Canada.

Le traité des Nisga'a symbolise également la promesse de l'avenir, un avenir rempli de grandes possibilités économiques, politiques et sociales. En effet, il est aussi important de méditer sur le legs du passé que d'envisager l'avenir. Le traité des Nisga'a se trouve à l'intersection du passé et du futur, dans une structure dynamique et moderne d'exercice des pouvoirs. En ce qui concerne les Nisga'a, cela donne une idée assez juste de ce que l'avenir nous réserve.

Un des éléments les plus importants du traité est qu'il ne correspond pas à une tentative unilatérale du gouvernement d'imposer des solutions à la population autochtone. Ces jours sont révolus. Le peuple des Nisga'a a été et continuera à être un partenaire actif de cette relation renouvelée. Non seulement les Nisga'a continueront-ils à jouir de la pleine citoyenneté canadienne et de tous les avantages qui s'y rattachent, mais le traité aura pour effet d'accroître leur participation aux activités sociales, politiques et économiques de notre pays.

Les Nisga'a ne seront plus relégués à des réserves appartenant à la Couronne. Ils posséderont leurs terres en fief simple et pourront les utiliser pour assurer la prospérité de leur peuple. Ils pourront créer des porte-feuilles immobiliers privés, ce qui est actuellement impossible dans leurs réserves indiennes. Ils pourront bénéficier des investissements dans l'exploitation des ressources naturelles qu'ils possèdent.

Désormais, la vie quotidienne des Nisga'a ne sera plus régie par la Loi sur les Indiens. Les lois fédérales et provinciales continueront de s'appliquer à eux, mais le traité remplacera la Loi sur les Indiens, un traité négocié auquel les Nisga'a ont participé et contribué.

Honorables sénateurs, voilà l'essence même de l'autonomie gouvernementale, un sujet que le Sénat a attentivement étudié ces dernières années et qui, selon moi, constitue la meilleure voie pour assurer la prospérité à long terme des peuples autochtones du Canada.

Je suis conscient du rôle considérable que joue le Sénat dans les initiatives législatives du Canada. Le traité a essuyé bien des critiques et beaucoup de Canadiennes et Canadiens, particulièrement en Colombie-Britannique, aimeraient bien comprendre ses répercussions afin de déterminer s'il mérite leur appui.

Si j'ai un sujet d'inquiétude sérieux à propos du débat public qui a entouré le traité jusqu'à présent, c'est la quantité de désinformation qui existe. Comme vous le savez, les arrangements entourant le traité sont complexes, et certains critiques ont délibérément déformé les faits lorsqu'ils en ont examiné les conséquences.

Honorables sénateurs, au moment où vous entreprenez votre étude et où vous accordez toute votre attention à ce projet de loi, je vous offre à nouveau le plein soutien et les ressources de l'équipe fédérale de négociation, afin que vous puissiez vous assurer de la teneur du traité. Cependant, en commençant vos délibérations, vous verrez, j'en suis persuadé, que les parties ont efficacement équilibré tous les intérêts en jeu dans la rédaction soignée du traité.

Honorables sénateurs, le traité avec les Nisga'a a été négocié dans le cadre légal et constitutionnel du Canada. Aussi s'inscrit-il dans le cadre juridique et constitutionnel de notre pays. La Constitution est la loi suprême du Canada, comme le stipule expressément le préambule du projet de loi C-9. L'article 8 des dispositions générales du traité confirme également de manière explicite que le traité ne modifie en rien la Constitution du Canada et précise à l'article 9 que le gouvernement nisga'a est soumis aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés.

Je sais que le sénateur Beaudoin a déclaré qu'à son avis, ce projet de loi ne constituait pas une modification à la Loi constitutionnelle. Comme il l'a souligné, le traité soulève d'importantes questions légales et, encore une fois, je suis confiant que vous serez satisfaits de la façon dont ces délicates questions sont abordées dans le traité et le projet de loi.

Honorables sénateurs, le traité avec les Nisga'a instaurera des certitudes dans la vallée de la rivière Nass en Colombie-Britannique, et ces certitudes sont la clef de voûte de tout traité. Dans le cas présent, nous avons élaboré une technique innovatrice pour atteindre les certitudes voulues au sujet des droits ancestraux et des titres autochtones des Nisga'a sans avoir à recourir à l'ancien modèle d'extinction des droits. La technique des droits modifiés qu'ont élaboré les trois parties, a été passée au peigne fin par le gouvernement et des tierces parties, et est généralement reconnue comme une technique de remplacement solide et efficace pour répondre aux besoins de toutes les parties intéressées. Les certitudes ainsi obtenues permettront à des tierces parties d'investir en toute confiance dans le secteur des ressources naturelles de la vallée de la rivière Nass. Les certitudes permettront aux Nisga'a de conclure des partenariats d'affaires et d'exploiter les ressources sur leurs terres.

Honorables sénateurs, les certitudes instaurent un climat de confiance au sein du secteur privé; cette confiance mène à des investissements; et les investissements créent des emplois et assurent la prospérité de l'économie locale. Voilà une considération de la plus haute importance pour toute la population de la Colombie-Britannique, et c'est pourquoi j'accorde tant d'importance à la négociation de nouveaux traités dans cette province.

En vertu du traité, le gouvernement des Nisga'a se doit d'être ouvert, démocratique et responsable devant ses commettants. C'est d'ailleurs ce qu'ont voulu les Nisga'a, et je les félicite de leur vision. Certains critiques soutiennent que le traité établira une ségrégation entre les Nisga'a et les autres Canadiens, une ségrégation et une enclave fondées sur la race. Permettez-moi d'exprimer mon profond désaccord avec ce point de vue. Au contraire, le traité mettra fin à l'application de la Loi sur les Indiens et aux réserves des Nisga'a, fera en sorte que les Nisga'a paieront des taxes et des impôts comme les autres Canadiens et s'assurera que toutes les lois canadiennes et provinciales seront appliquées dans le territoire visé par l'accord.

De plus, le traité permettra la propriété des terres en fief simple et protégera les droits des propriétaires fonciers individuels dans ce territoire, qu'ils soient nisga'a ou non. Cet accord et les dispositions d'autonomie gouvernementale ont été conçus pour répondre aux besoins des personnes qu'ils visent. La majeure partie des pouvoirs législatifs des Nisga'a ne touchera que les Nisga'a, leurs terres, leurs biens, leur langue et leur culture. Voilà ce que sont l'autonomie gouvernementale et une forme de gouvernement local parfaitement adapté aux circonstances.

Dans les rares cas où les mesures prises par le gouvernement nisga'a toucheront d'autres personnes sur leurs terres, le traité exige que les intérêts de ces personnes soient protégés équitablement. De plus, ces personnes conserveront leurs droits de participer pleinement aux gouvernements locaux, provinciaux et fédéral. D'ailleurs, les dispositions sur le gouvernement nisga'a ne retirent aucun droit à quiconque. La Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés continueront de s'appliquer aux Nisga'a.

Il en ira de même du code criminel et des autres lois provinciales et fédérales. Les propriétés privées ne seront pas touchées, et les autres intérêts fonciers seront remplacés par des intérêts égaux ou supérieurs ou leurs détenteurs seront équitablement indemnisés.

Monsieur le président, une question qui est très importante pour moi est celle des droits des femmes. Ces droits sont non seulement pleinement protégés par cet accord, ils sont même améliorés si on compare les droits reconnus en vertu de ce traité à ceux qui le sont en vertu de la Loi sur les Indiens et si on tient compte de l'absence de dispositions à ce sujet dans la Loi sur les Indiens sous sa forme actuelle.

Je sais, honorables sénateurs, que vous voudrez être rassurés du fait que le traité ne portera pas préjudice aux droits ancestraux et aux droits issus des traités des autres groupes autochtones. La question du chevauchement en est une que nous essayons de régler en Colombie-Britannique et ailleurs dans le reste du pays. De fait, le traité comporte des dispositions visant à assurer que les droits ancestraux et les droits issus de traités des Premières nations voisines ne sont pas touchés.

Comme je viens de l'expliquer, les représentants du gouvernement fédéral, de la Colombie-Britannique et des Nisga'a ont fait preuve de bonne volonté en trouvant des solutions satisfaisantes pour les préoccupations et les intérêts clés de chaque partie. Sans cette bonne volonté commune, on n'aurait pas pu trouver de solution. Et sans ces solutions soigneusement négociées, il n'y aurait pas eu d'entente possible.

En un mot, le traité des Nisga'a procure aux Nisga'a un moyen de se gouverner eux-mêmes démocratiquement et de gérer leurs propres droits découlant du traité. À mon sens, c'est exactement ce qui convient aux circonstances.

Au cours des années, les Nisga'a se sont distingués de bien des façons. Ils ont montré leur esprit d'initiative et leur détermination en choisissant de négocier un traité avec la Colombie-Britannique et le Canada de manière pacifique et coopérative. Ils ont démontré leur respect des principaux légaux canadiens et ont joué un rôle important dans la résolution de la question des droits ancestraux. De plus, les Nisga'a se sont révélés fort habiles dans la façon dont ils administrent le district scolaire no 92 et le conseil de santé de la vallée nisga'a.

Monsieur le président, j'ai pleinement confiance que les Nisga'a continueront à se distinguer et que leur gouvernement administrera les dispositions du traité de manière efficace dans l'intérêt de ses bénéficiaires.

Des voisins des Nisga'a et des politiciens locaux sont venus affirmer leur appui au traité. Ils ont souligné que les Nisga'a étaient de bons voisins, des voisins responsables et affirmé qu'ils croyaient que cette bonne relation se poursuivrait. Ils ont aussi souligné que le traité favoriserait les investissements, ce qui ne manquerait pas de rehausser l'économie locale.

Des dirigeants du secteur privé ont mentionné la nécessité de renouveler les partenariats avec les autochtones et indiqué qu'ils croyaient que les certitudes apportées par le traité créeraient un meilleur environnement pour les affaires dans la vallée de la rivière Nass. Ils ont affirmé espérer une augmentation des investissements menant à une économie plus prospère. Des dirigeants syndicaux éminents ont appuyé ce point de vue et indiqué que leurs membres approuvaient le traité presque unanimement. Après tout, une économie forte bénéficie à tout le monde.

D'éminents chercheurs et universitaires du domaine du droit ont également témoigné en faveur du traité en affirmant qu'il avait été négocié dans le cadre légal et constitutionnel du Canada. Ils ont soutenu avec conviction que cet accord négocié est la façon la plus appropriée et juste de résoudre la question des droits ancestraux et des titres autochtones des Nisga'a.

Honorables sénateurs, je crois que le traité des Nisga'a leur sera bénéfique et que les intérêts des Nisga'a et de leurs voisins ont tous été soigneusement soupesés. Nous avons réglé nos différends en négociant de bonne foi et en invitant les parties directement touchées à participer aux négociations. Voilà pourquoi les parties ont organisé près de 500 séances de consultation et d'information publiques au cours de ces négociations. J'ajouterai, monsieur le président, qu'on n'avait jamais procédé ainsi lors de l'élaboration des traités conclus de nos jours avec les autochtones. Comme je l'ai déjà mentionné, les trois parties ont travaillé longtemps avec acharnement pour négocier une solution aux différents problèmes.

L'examen des faits touchant le projet de loi C-9 et le traité des Nisga'a qu'effectuera votre comité reflète bien le rôle important que joue le Sénat canadien dans notre tradition démocratique du Canada. Je sais que chacun d'entre vous prend ce rôle très au sérieux et j'espère que vos délibérations seront fructueuses.

Je terminerai en faisant un survol des réalisations du traité des Nisga'a et vous expliquerai pourquoi je suis si fier de vous présenter ce projet de loi. Ce traité symbolise la réconciliation et le renouveau. Il met un terme à une quête vieille d'un siècle de la part des Nisga'a qui désiraient occuper la place qui leur revient au sein du Canada.

Le traité des Nisga'a s'inscrit dans un processus continu pour renforcer nos relations avec les autochtones. Il démontre notre maturité en tant que nation puisque nous respectons les premiers peuples de cet immense pays et collaborons avec eux à la paix. Ce traité représente une magnifique occasion de croître en tant que Canadiennes et Canadiens, d'apprendre du passé et d'édifier la voie de l'avenir.

La coopération, la décence et le respect des autres sont des traits marquants du caractère canadien. Le traité des Nisga'a est conforme aux valeurs dont les Canadiennes et les Canadiens se font une fierté.

Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous parler et d'accorder toute votre attention à cette question cruciale. Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions. Comme vous le savez, je suis accompagné de notre négociateur en chef et de notre conseiller juridique, qui pourront répondre aux questions techniques qui pourraient être posées. J'ai constaté, en particulier, que M. Molloy est capable de dire dans tous les détails ce qui s'est exactement passé pendant les négociations. Nous ferons de notre mieux pour répondre aux questions de ce genre.

Monsieur le président, si vous souhaitez que les hauts fonctionnaires, à tout le moins, et moi-même, si nécessaire, revenions à la fin des audiences, nous serons tout à fait prêts à le faire. Ce projet de loi est si important pour la Colombie-Britannique et pour le Canada que je serais prêt à faire à peu près n'importe quoi pour que les faits soient exposés clairement afin que, comme sénateurs, vous puissiez prendre les bonnes décisions.

Le président: Nous allons maintenant passer aux questions, et nous commencerons par le vice-président, le sénateur St. Germain.

Le sénateur St. Germain: Avant de commencer, je voudrais féliciter le sénateur Austin pour son accession à la présidence. Nous sommes tous deux de la Colombie-Britannique, et je sais que nous chercherons à défendre au mieux les intérêts de tous les habitants de cette province, en particulier les Nisga'a, pour qui ce projet de loi et cet accord sont si importants.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu. Ce n'est pas le projet de loi le plus facile qu'on ait à étudier dans un comité. Je voudrais vous poser quelques questions. J'ai rencontré vos hauts fonctionnaires par le passé. Je connais très bien M. Molloy. Il a fait un excellent travail pour ce qui est de nous fournir des renseignements.

Je suis sûr que le discours que j'ai fait au Sénat lors du débat sur la deuxième lecture de ce projet de loi a été lu par vous-même ou quelqu'un de votre ministère. Dans ce discours, j'ai essayé de donner une liste de ce que j'avais entendu dire en Colombie-Britannique. Il ne reflétait pas nécessairement mes opinions ou n'indiquait pas que j'avais des idées préconçues à propos de quoi que ce soit, mais énumérait simplement ce que m'avaient dit divers habitants de la Colombie-Britannique, dont certains sont en faveur de l'accord, alors que d'autres s'y opposent. C'est dans cet esprit que nous procédons. J'espère que nous pourrons régler cette question aussi rapidement que possible, parce qu'à ma connaissance, le retard concernant la ratification entraîne tous les jours des frais pour les Nisga'a.

C'est une question tellement importante pour les habitants de la Colombie-Britannique, monsieur le ministre, que nous devons poser ces questions pour les rendre publiques et pour que les gens de ma province sachent que nous ne nous contentons pas d'adopter automatiquement ce projet de loi. Cette perspective inquiète beaucoup de gens, surtout étant donné qu'il est pratiquement impossible d'amender ce document parce qu'il s'agit d'un accord déjà négocié. C'est une question à propos de laquelle j'aurai peut-être des questions à vous poser tout à l'heure.

L'Accord définitif nisga'a est différent de tout autre accord que nous avons vu au Parlement. Les accords conclus avec les Gwitchin, les habitants du Sahtu et les Sechelt ont été traités de façon différente. Pourquoi la procédure a-t-elle été modifiée dans ce cas particulier? Pourquoi n'avons-nous pas suivi la procédure qui ne suscitait aucune controverse et qui, je crois, répondait aux besoins des Sechelt, des Gwitchin, des habitants du Sahtu et d'autres bandes?

M. Nault: Monsieur le président, je ne suis pas censé entamer un débat. Je voudrais toutefois demander au sénateur ce qu'il entend par «controverse». Parlez-vous du fait que cela fait maintenant partie de notre paysage constitutionnel alors que ce n'était pas le cas de la procédure que nous avons utilisée dans le passé?

Le sénateur St. Germain: C'est exact, monsieur.

M. Nault: Les gens des Premières nations ont dit, eux-mêmes, qu'ils voulaient s'assurer que les droits dont ils jouissent en vertu de la Constitution seraient renforcés et qu'ils ne pourraient pas être modifiés à la guise des gouvernements. C'est une des principales raisons pour lesquelles les dirigeants des Premières nations de tout le pays nous ont dit que ce serait une façon plus appropriée de procéder.

Si on examine de façon générale les traités modernes, pas seulement en Colombie-Britannique mais également à d'autres endroits comme le Québec, par exemple, on constatera que les Premières nations seront intéressées à s'assurer que ces traités ne soient pas simplement des accords administratifs, mais reflètent davantage les liens uniques qui nous unissent aux termes du paragraphe 35(1). Nous avons adopté une nouvelle approche pour obtenir cette certitude. Si la Constitution reconnaît des droits aux Premières nations, rien ne devrait nous empêcher de reconnaître cela dans un traité ou un projet de loi donné.

Je ne trouve pas que ce projet de loi suscite la controverse -- certains le pensent peut-être -- parce que cela figure déjà dans la Constitution. Nous reflétons simplement la réalité. Pour moi, ce n'est pas sujet à controverse, mais représente plutôt une étape de l'évolution constante de nos rapports au fil du temps.

Je vais vous en donner un exemple, sénateur. Comme vous le savez, il y a d'autres traités modernes. En fait, un de nos premiers traités modernes était l'accord avec les Cris et les Naskapis, adopté il y a plusieurs années. Nous sommes maintenant en train de le réexaminer à cause de certaines questions qui restent à régler. Par exemple, vous constaterez que, dans cet accord, il y a une procédure d'exécution. Une des premières choses que nous avons remarquées dans l'accord avec les Cris et les Naskapis est qu'il n'incluait aucune disposition d'exécution. Nous avons donc commis des erreurs dans le passé, et nous essayons de les corriger. C'est un des éléments qui, à notre avis, nous simplifieront beaucoup les choses.

Je pourrais demander à M. Molloy de vous donner la raison technique, juridique de cela. Toutefois, c'est la réalité politique telle que je la vois. C'est en procédant ainsi que nous pourrons conclure ces accords, sinon, nous aurons plus de mal à le faire.

Vous connaissez bien l'accord avec les Sechelt et vous l'appuyez. À l'heure actuelle, nous négocions avec eux. Ils nous ont demandé de ne pas placer leur accord dans le contexte de la Constitution. C'est un choix qu'ils ont fait. Ils vivent sous le régime de cet accord depuis environ 13 ans. De façon générale, ils ont l'habitude de se gouverner en vertu de cette loi qui a été adoptée par le Parlement, mais qui ne prévoit pas une protection constitutionnelle comme l'accord dont vous êtes saisis.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le ministre, vous dites que ce projet de loi ne suscite pas la controverse. Or, aucun des accords mis en place à l'époque moderne n'a suscité autant de controverse que celui-ci. Je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet. J'ai vu ce qui s'est passé pour les Sechelt. Je faisais partie du gouvernement à ce moment-là. J'ai également observé la situation quand des accords ont été conclus avec les Gwitchin, les habitants du Sahtu et les autres, et ils n'ont sûrement pas donné lieu aux mêmes controverses.

Je pense, comme d'autres, que le processus dans lequel nous nous sommes engagés pourrait poser des problèmes plus tard.

Je voudrais aussi vous poser une question à propos du chevauchement. À mon avis, c'est le principal problème. Le fait est que les Gitanyows et les Gitksans sont tout à fait inquiets. Ils ont demandé si leurs représentants pouvaient comparaître devant le comité, monsieur le ministre, parce qu'ils ont l'impression que leur situation ne sera pas réglée d'une manière qu'ils jugent acceptables. L'argument qu'ils vont avancer est que cet accord contient des dispositions aux termes desquelles, en cas de différend, les Nisga'a seront indemnisés d'une autre façon si une décision leur porte préjudice.

Ce qui se passe, en particulier dans le cas des Gitanyows, est qu'ils ont l'impression qu'ils pourraient négocier pendant 122 ans, en fait comme les Nisga'a, pour régler leur situation. Cela créerait une grande incertitude dans une collectivité qui a besoin de beaucoup d'assistance et de développement économique. Les Gitksans ne sont pas touchés aussi directement que les Gitanyows parce que, d'après ces derniers, 80 p. 100 de leurs revendications territoriales seraient aussi couvertes par l'accord nisga'a.

Quand j'ai rencontré pour la première fois M. Robertson, le président de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, j'ai reçu un document qui stipulait qu'absolument aucun accord ne serait conclu ou signé tant qu'il existerait des chevauchements et des différends entre des bandes autochtones voisines. À un moment donné, les critères ont changé. J'ai entendu dire qu'il est prévu de revenir aux anciens critères à l'avenir. Je ne sais pas pourquoi, mais je peux tirer mes propres conclusions.

En Colombie-Britannique, monsieur le ministre, il y a 50 autres règlements dont il faut s'occuper. Vous rendez-vous compte des répercussions que cela pourrait avoir si nous maintenons une politique dans le cadre de laquelle on signe des accords et qui permet que des chevauchements de cette nature continuent à exister? J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, monsieur.

M. Nault: Pour que cela soit bien clair, c'est la politique de la province qui a été modifiée, pas celle du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a toujours suivi la même politique. Nous nous attendons à ce que les Premières nations règlent elles-mêmes la question du chevauchement.

Comme vous le savez -- et je ne vais pas vous citer cela verbatim -- dans les dispositions générales de l'accord, à l'article 33, nous disons clairement qu'un accord conclu avec une Première nation n'aura aucune incidence sur les droits d'une autre Première nation.

Nous sommes même allés plus loin. L'accord final exige qu'un tribunal annule toute disposition de celui-ci qui s'avérerait porter atteinte aux droits ancestraux d'une autre Première nation. Si la conclusion du prochain accord prend 122 ans, et j'espère que ce ne sera pas le cas, les tribunaux peuvent revenir en arrière et annuler l'accord s'il a des répercussions sur une autre Première nation. Nous avons pris une mesure supplémentaire pour protéger les Premières nations sans empêcher complètement de parvenir à des règlements, afin de pouvoir mener à bien le travail que nous voulons effectuer. Comme vous l'avez dit, sénateur, les gens peuvent avoir de nombreuses raisons de ne pas vouloir régler les questions de chevauchement qui les concernent, par exemple des raisons politiques et territoriales, ainsi que leurs propres négociations avec d'autres paliers de gouvernement. Nous avons essayé d'inclure ces dispositions pour garantir aux Premières nations qui ne sont pas parties à cet accord que leurs droits ne seront pas compromis.

Le sénateur St. Germain: Le gouvernement fédéral était-il représenté au sein de la Commission des traités de la Colombie-Britannique?

M. Nault: Oui. Nous avions notre propre représentant.

Le sénateur St. Germain: Est-il juste de dire que toute décision prise par la Commission des traités de la Colombie-Britannique aurait eu l'aval du gouvernement fédéral, puisque celui-ci était représenté au sein de celle-ci?

M. Nault: N'oubliez pas que l'accord nisga'a ne relève pas de cette commission.

Le sénateur St. Germain: Je sais qu'il ne fait pas partie de son mandat. Toutefois, à ma connaissance, les politiques établies devaient être appliquées à toutes les négociations en cours.

M. Nault: M. Molloy voudra peut-être clarifier cela à votre intention, sénateur.

M. Tom Molloy, négociateur en chef fédéral, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Ce n'est pas exact. Chaque gouvernement s'appuie sur ses propres politiques dans les négociations. La Commission des traités définit la procédure à suivre pour les négociations, mais le gouvernement fédéral et celui de la province les abordent en ayant chacun leur propre mandat, souvent très différent. Le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique désiraient aborder la question du chevauchement de façons différentes. J'ai l'impression que le document que vous avez vu au sujet des chevauchements était celui que la province avait rédigé.

Le sénateur St. Germain: Pour ce qui est plus précisément de la question autochtone et de la situation en matière de chevauchement, même si je sais que cela ne plaît pas à beaucoup de gens, la logique veut que d'autres négociations prennent cet accord comme référence.

Monsieur le ministre, si vous avez pour politique de signer des accords avec différentes bandes autochtones quand il existe des chevauchements, nous finirons par avoir des confrontations entre les groupes autochtones eux-mêmes. C'est l'aspect le plus important de tout ce processus que nous devons régler.

M. Nault: Je vais vous emmener un petit peu plus au nord pour vous donner un exemple. Nous négocions avec plusieurs Premières nations des Territoires du Nord-Ouest, et, jusqu'à présent, elles ont pu régler elles-mêmes la plupart de ces chevauchements. Plusieurs autres sont en train de régler les chevauchements qui restent.

Ce qui s'est passé est donc le contraire de ce que vous avez laissé entendre. Dans la majorité des cas, vous constaterez que les Premières nations règlent elles-mêmes ces problèmes. Il est faux de supposer que, parce qu'une ou deux communautés ont des difficultés dans ce cas-ci, la même chose va se produire dans toute la province. Ce n'est pas le cas dans le Yukon ni dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons très bien réussi à régler les questions de chevauchement jusqu'à maintenant. Je serais étonné que votre prédiction se réalise en Colombie-Britannique, parce que cela n'a pas été le cas jusqu'à présent.

Le sénateur Beaudoin: Ce n'est pas un amendement à la Constitution, parce que, comme nous le savons tous, si c'en était un, la formule s'appliquerait, et elle est très différente de celle qui préside à la création d'un statut législatif. Cela ne me pose pas de problème. Le fait que la Constitution, la Charte et le Code criminel s'appliqueront tous est un très bon début.

J'ai deux problèmes, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Le premier concerne la question de la double citoyenneté et de la préséance du pouvoir actuel. Dans notre pays, il y a seulement une citoyenneté et un seul pouvoir qui peut légiférer dans ce domaine: le Parlement. Que signifie «l'autre citoyenneté»? Concerne-t-elle seulement les droits communautaires?

Il ne s'agit pas du tout ici de droits individuels, mais de droits collectifs. Notre Constitution inclut peu de droits de cette nature. Nous avons les droits prévus à l'article 93, les droits ancestraux, et, maintenant, la Cour suprême a ajouté les droits linguistiques dans le système scolaire. Il est évident que, quand nous parlons de droits issus de traité, de droits ancestraux, nous nous intéressons aux droits collectifs, pas aux droits individuels, ce n'est donc pas exactement la même chose qu'un citoyen ordinaire qui a une double citoyenneté. Beaucoup de gens ont une double citoyenneté, mais, dans ce cas-ci, il s'agit d'un groupe.

Si, d'après cet accord, ces droits sont seulement ceux d'une communauté, cela ne me pose aucun problème parce que, de toute évidence, en cas de conflit, la Cour suprême statuera que la citoyenneté canadienne a préséance.

Deuxièmement, ce sont des droits concurrents et, le plus souvent, le pouvoir fédéral a préséance. Toutefois, dans certains cas, les droits ancestraux ont préséance, comme le stipule le traité nisga'a. Cela peut causer un problème. La seule raison pour laquelle la Constitution est respectée est qu'il n'y a pas de pouvoir exclusif. Si ces pouvoirs étaient exclusifs, ils seraient évidemment invalides, parce que cela irait à l'encontre de la Constitution.

Toutefois, il y a des droits concurrents, et cela veut dire que les Nisga'a et le Parlement peuvent légiférer; les Nisga'a, en vertu de leurs droits collectifs, leurs droits issus de traités, conformément à l'article 35, et le Parlement en vertu de l'article 91.24. C'est très clair.

Toutefois, il y a une préséance. Bien entendu, ce n'est pas un pouvoir exclusif. Cela veut dire que si, en pratique, il y a un conflit, il sera soumis aux tribunaux. On ne peut pas l'éviter. La Cour suprême s'occupe de nombreuses affaires concernant les autochtones, et cela va continuer parce que c'est une situation complexe et qu'ils ont un statut très particulier du fait de l'article 35, qui porte sur les droits collectifs.

Pensez-vous que c'est une question qui doit être interprétée par les tribunaux?

M. Nault: Je vais commencer par la question de la citoyenneté. Mes propres collègues m'ont interrogé à ce sujet au Cabinet quand nous nous sommes présentés devant lui pour la première fois pour demander l'autorisation d'aller de l'avant avec cet accord. La question de la citoyenneté a été soulevée par plusieurs de mes collègues du Cabinet et d'autres collègues du caucus.

Je vous demanderais d'examiner cela d'un point de vue pratique. Premièrement, les Nisga'a sont d'avis qu'ils ont une double citoyenneté: ils sont citoyens du Canada et citoyens de leur communauté. C'est une façon recherchée de dire qu'ils sont membres d'une bande. Aux termes de la Loi sur les Indiens, comme vous le savez, les gens sont classés comme membres d'une bande.

L'une des objections soulevées par les Nisga'a pendant les négociations étaient qu'ils ne voulaient pas continuer à utiliser l'expression qui figure dans la Loi sur les Indiens, «membres d'une bande». Ils préféraient utiliser «citoyens de la nation nisga'a».

C'est très semblable au fait d'être résident de l'Ontario et citoyen du Canada. J'ai certains droits en Ontario que je n'ai pas au Québec, notamment des impôts moins élevés, ce dont, bien entendu, nous sommes contents.

Il ne faudrait pas considérer cela comme la création d'une nouvelle citoyenneté en dehors de la Constitution de la famille canadienne. C'est pour déterminer qui fait partie d'une communauté, comme nous le faisons aujourd'hui aux termes de la Loi sur les Indiens. Il y a plus de 600 Premières nations dont nous nous occupons qui ont toutes une liste des membres des bandes. On aurait ici une liste des citoyens.

Le sénateur Beaudoin: Ce sont des droits communautaires.

M. Nault: S'ils font partie de la nation nisga'a, ce sont alors des droits communautaires.

Toutefois, si une personne a la citoyenneté nisga'a, cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas citoyenne canadienne. Ce n'est pas ce qu'on vise ici. S'il en était ainsi, la Constitution ou la Charte ne s'appliqueraient pas à ces gens-là, et ils ne pourraient pas demander aux tribunaux de protéger leurs droits individuellement à titre de citoyens nisga'a, comme peuvent le faire à titre individuel les gens qui sont dans cette salle.

Je demanderai à M. Molloy de vous expliquer les aspects techniques de cette question du pouvoir concurrent, sénateur, parce que ces renseignements vous seront utiles. Nous en avons débattu assez longuement avec l'opposition officielle, selon laquelle les Nisga'a auront des pouvoirs non assujettis aux pouvoirs du gouvernement fédéral et des provinces. D'après elles, les Nisga'a auraient des pouvoirs uniques que la société canadienne ne peut pas accepter.

Je demanderai à M. Molloy de vous expliquer pourquoi cette question a été traitée de cette façon durant les négociations entre les trois paliers de gouvernement.

M. Molloy: Il ne s'agit pas d'un pouvoir exclusif qui serait accordé d'une façon quelconque aux Nisga'a. C'est simplement un droit concurrent de légiférer seulement dans les domaines définis par le traité. Il y a souvent des cas où plusieurs paliers de gouvernement peuvent adopter des lois dans le même domaine. Nous constatons que les provinces, le gouvernement fédéral et même les municipalités ont la possibilité d'adopter des lois dans le même domaine. Il y a parfois un conflit entre ces lois. Les tribunaux ont établi une série de critères pour déterminer quelle loi a préséance en cas de conflit ou d'incompatibilité.

Nous ne voulions pas nous en remettre aux tribunaux ou à la jurisprudence à venir pour déterminer comment résoudre un tel conflit. Nous avons pris chacun des droits de légiférer que possèdent les Nisga'a et qui pourraient exister concurremment à ceux du gouvernement fédéral ou de la province, et nous avons inclus dans l'accord le critère à appliquer pour déterminer quelle loi a préséance.

Nous avons spécifié que, en cas de conflit -- et on dit ici qu'il y a «conflit» quand on ne peut pas obéir à une loi sans contrevenir à une autre -- et d'incompatibilité, dans certains domaines déterminés, la loi nisga'a aura préséance. Toutefois, elle a seulement préséance pour ce qui a trait à ce conflit ou cette incompatibilité. Si ce problème se posait à propos d'un article particulier d'une loi, c'est cet article qui ne s'appliquerait pas. Les autres parties de la loi fédérale ou provinciale resteraient en vigueur. La loi nisga'a s'applique seulement dans les cas étroitement limités de conflit ou d'incompatibilité.

Pour que les lois nisga'a soient valides, les pouvoirs accordés ne sont pas comme ceux qui le sont au gouvernement fédéral et aux provinces en vertu des articles 91 et 22. Ils sont spécifiques et définis dans l'accord. Par exemple, en ce qui concerne la question de la citoyenneté qui a été soulevée tout à l'heure, l'accord stipule que les Nisga'a ne sont pas habilités à légiférer au sujet de l'immigration, de la citoyenneté canadienne, du statut des immigrants reçus, et cetera. Il y a toute une liste de domaines à propos desquels nous voulions qu'il soit bien clair qu'ils n'étaient pas habilités à légiférer.

Il y a deux catégories de lois où leur pouvoir aurait préséance. La première porte sur les domaines concernant l'administration du gouvernement nisga'a. L'article concernant la structure de leur gouvernement et ce que leur constitution doit stipuler contient toute une liste d'obligations dont ils doivent s'acquitter. Pour ce qui est de leur administration interne, leurs lois auraient préséance.

Pour ce qui est de leurs terres et des biens qui leur sont concédés en vertu du traité, là encore, leurs lois ont préséance. Pour ce qui est de leur citoyenneté, de leur culture et de leur langue, leurs lois ont préséance.

Ils ne sont aucunement habilités à légiférer en ce qui concerne les langues officielles du Canada, ni à imposer des obligations au Canada ou à la Colombie-Britannique. Leur pouvoir de légiférer est circonscrit à leurs terres.

Dans cette catégorie, leurs lois ont préséance. La deuxième catégorie concerne les domaines où leurs lois doivent répondre à des critères égaux ou supérieurs à ceux des lois ou des normes fédérales ou provinciales. Ces domaines incluent des choses comme l'éducation, les services pour l'enfance et la famille, l'adoption, la pêche, les récoltes et la foresterie. Là encore, le pouvoir de légiférer leur est accordé pour que leurs lois soient valides. Toutefois, si elles sont valides et qu'il y a un conflit ou une incompatibilité, leurs lois ont préséance, mais elles doivent répondre à des critères égaux ou supérieurs à ceux des normes fédérales ou provinciales.

Le reste de leur pouvoir de légiférer est défini également. Toutefois, dans le troisième domaine où ils peuvent légiférer, les lois fédérales ou provinciales ont préséance.

Une autre chose importante à propos de leur pouvoir de légiférer est qu'ils ne le détiennent que pour ce qui est spécifiquement stipulé dans l'accord. Ils ne peuvent pas légiférer sur ce qui ne figure pas dans l'accord ou n'y est pas défini. L'accord ne contient rien qui concerne le droit international, la défense et les choses de ce genre.

Nous avons examiné chaque pouvoir de légiférer que les Nisga'a cherchaient à obtenir et, de concert avec la province et les Nisga'a, nous avons défini expressément chaque domaine juridique. Nous étions conscients que des conflits pourraient survenir dans certains domaines, et nous avons donc alors défini, pour chacun d'eux, les éléments permettant d'aider les tribunaux à interpréter l'accord afin de réduire l'incertitude plutôt que de permettre une évolution de la jurisprudence s'appliquant dans certains de ces domaines.

Le sénateur Beaudoin: Nous avons, par exemple, le même système dans les cinq domaines de pouvoir concurrent existant dans notre constitution. Toutefois, en cas de conflit, il peut encore incomber aux tribunaux de déterminer la portée de ce conflit. Rien ne dit que la préséance s'appliquerait seulement dans les cas directement reliés à leurs droits issus de traités. C'est l'impression que j'ai. C'est ce que diront de toute façon les tribunaux. C'est une chose pour laquelle on s'en remettra aux tribunaux en dernière analyse.

M. Molloy: On s'en remettra aux tribunaux pour déterminer s'il y a ou non un conflit ou une incompatibilité et quelle en est la portée.

Nous avons ensuite pris des dispositions en prévision de ce qui se passerait si un tribunal statuait qu'il y a conflit ou incompatibilité. Toutefois, vous avez raison, en fin de compte, ce sont les tribunaux qui définissent en quoi consiste l'incompatibilité, si les parties ne peuvent pas s'entendre.

Le sénateur Comeau: Je voudrais soulever une question que j'ai posée à notre président quand il s'occupait de la présentation de ce projet de loi à la Chambre il y a quelques semaines. Il m'a conseillé de venir au comité pour vous la poser. Je vous remercie de comparaître devant nous.

Je ferai un bref préambule, puis je vous poserai quelques questions qui en découlent.

Ma question concerne l'allocation de poisson. À ma connaissance, le traité réserve aux citoyens nisga'a une allocation permanente d'approximativement 17 p. 100 du total des prises admissibles. Je sais que vous me répondrez peut-être qu'une certaine partie est couverte par l'entente sur les récoltes et une autre partie, par le traité. À ma connaissance, sans entrer dans le détail des chiffres, cette proportion de 17 p. 100 est accordée en vertu du traité.

Cela dit, je voudrais citer l'ancien juge en chef du Canada, Antonio Lamer, qui déclarait, dans l'arrêt Gladstone en 1996:

Il est établi sans contexte en droit depuis la Grande Charte qu'aucune nouvelle pêcherie exclusive ne peut être créée par concession royale dans les eaux à marée et qu'aucun droit du public de pêcher dans de telles eaux, existant alors, ne peut être retiré sans texte législatif constitutionnel.

Cette citation souligne que le poisson est un bien public et que le droit de pêcher ne peut être retiré au public que par un texte législatif. Je pense que vous conviendrez avec moi que l'allocation du saumon de la rivière Nass crée une nouvelle pêcherie exclusive au sens juridique défini par Gladstone. Cela se fait par voie législative, si bien que je suppose que nous nous conformons à la définition donnée par le juge en chef Lamer dans le sens où nous procédons à une expropriation et créons une nouvelle pêcherie exclusive.

Il en découle toutefois que la loi portant mise en vigueur du traité nisga'a, une fois adoptée, ne peut pas être amendée par le Parlement. Elle soustrait de façon permanente les 17 p. 100 du stock de saumon de la rivière Nass à la compétence du Parlement et transfère ce pouvoir au Cabinet. Le Cabinet assumera alors le pouvoir législatif fédéral d'apporter des amendements au traité. En d'autres termes, le projet de loi retire complètement ce pouvoir aux parlementaires et le transfère au Cabinet.

J'ai plusieurs questions à vous poser. Premièrement, pouvez-vous citer des précédents concernant des cas où des parlementaires ont renoncé de façon permanente à l'exercice d'une telle responsabilité parlementaire?

Deuxièmement, étant donné que le Parlement renonce de façon permanente à tous pouvoir et responsabilité d'ordre législatif concernant le stock de saumon au profit du Cabinet, est-ce que cela ne devrait pas faire l'objet d'un amendement à la Constitution? À ma connaissance, les parlements ont tous les pouvoirs du monde, sauf celui de se démettre de leurs responsabilités.

Troisièmement, ce traité ne constitutionnalise-t-il pas cette allocation de 17 p. 100 en la plaçant sous la protection de l'article 35?

Quatrièmement, y a-t-il des précédents concernant des cas où le gouvernement a demandé le consentement du Parlement pour accorder des allocations exclusives de poisson à des groupes de gens? Dans l'affirmative, ces allocations relèvent-elles de la compétence du Parlement? Je n'ai trouvé aucun exemple de pêcherie exclusive dans mes recherches. Je suis tout à fait certain que vous avez dû en trouver.

Voilà mes questions.

M. Nault: Nous étions tout à fait prêts pour ces questions, car elles intéressent bon nombre de gens. M. Beynon a préparé une réponse très complète à vos questions.

M. Andrew Beynon, avocat-conseil principal, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Il est important de commencer par certains des commentaires figurant dans l'arrêt Gladstone de 1996 auxquels vous avez fait référence. Il est bon d'ajouter certains éléments supplémentaires concernant ce qui est également stipulé dans cet arrêt. Après avoir déclaré que la Grande Charte a protégé un droit de pêche du public, le tribunal ajoute:

Même si le fait d'élever des droits ancestraux fondés sur la common law au rang de garanties constitutionnelles a manifestement une incidence sur les droits qu'a le public, en vertu de la common law, de pêcher dans les eaux à marées on n'entend sûrement pas, par l'édiction du par. 35(1), que ces droits reconnus au public par la common law soient éteints dans les cas où il existe un droit ancestral de pêcher commercialement [...] En tant que droit reconnu par la common law mais non par la Constitution, le droit d'accès du public à une pêcherie doit clairement céder la priorité aux droits ancestraux. Cependant, la reconnaissance de droits ancestraux ne doit pas être interprétée comme ayant pour effet d'éteindre le droit d'accès du public.

Ces déclarations figurent dans l'arrêt Gladstone. Toutefois, dans ce cas particulier, le tribunal ne se prononçait pas sur des droits issus de traités. Ces commentaires s'appliquent apparemment de la même façon dans le cas des droits issus de traités. Là encore, on pourrait interpréter cela comme signifiant que les droits issus de traité ne devraient pas être interprétés comme entraînant l'extinction du droit d'accès du public à la pêcherie.

C'est un peu la même chose que ce dont parlait M. Molloy dans sa réponse au sénateur Beaudoin au sujet du pouvoir de légiférer. Au lieu d'interpréter cela comme une pêcherie exclusive dans ce sens juridique, nous ferions remarquer que la pêcherie reste ouverte pour la pêche récréative et la pêche commerciale.

De toute évidence, le traité nisga'a traite de l'allocation des droits de pêche conférés aux Nisga'a par un traité, et ces droits ne s'appliquent qu'aux Nisga'a. À notre avis, le fait qu'ils s'appliquent seulement aux Nisga'a ne correspondrait pas, en droit, à la création d'une pêcherie exclusive, parce que cela n'interdit pas aussi au public d'avoir accès à la pêcherie.

Le sénateur Comeau: Voulez-vous dire que la création d'une allocation exclusive de 17 p. 100 ne crée pas une pêcherie exclusive? Je veux simplement être absolument sûr de ce que vous dites.

M. Beynon: C'est exact. Les activités de pêche réalisées par des personnes qui ne sont pas des citoyens nisga'a ne font pas partie de la pêche des Nisga'a, et leurs droits continueraient d'être couverts par le droit ordinaire. Qu'il y ait d'autres groupes pratiquant la pêche en vertu de leurs droits ancestraux ou de leurs droits issus de traités ou des non-autochtones pratiquant la pêche commerciale ou récréative, l'exclusivité accordée aux citoyens nisga'a n'entraîne pas l'élimination de ces autres pêches.

Aucune des dispositions du traité nisga'a n'oblige le ministère des Pêches et des Océans à fermer les pêches de la Nass ou à empêcher d'autres membres du public de continuer à bénéficier de droits publics de navigation dans cette rivière.

Du point de vue juridique, ce n'est pas une pêche exclusive parce que les Nisga'a n'auraient pas le droit de fermer une partie quelconque de la pêche dans la rivière Nass ou d'empêcher n'importe quel autre groupe de pêcher dans cette rivière. C'est-à-dire qu'ils n'auraient aucun droit de propriété sur cette pêche.

Le sénateur Comeau: Ce n'est pas possible puisque les droits de propriété relèvent de la compétence de la province.

M. Beynon: C'est vrai, mais ce traité a été négocié avec la participation de la province. Mais il n'y a pas eu de découpage d'une partie de la rivière pour l'interdire à d'autres utilisateurs.

Je voudrais ajouter quelques commentaires à propos des autres questions que vous avez soulevées. Vous avez demandé si la création des droits de pêche des Nisga'a retirerait au Parlement de façon permanente tout pouvoir sur cette pêche. Si vous regardez les dispositions du chapitre sur les pêches, vous verrez que oui, nous spécifions certains droits concernant la pêche pour les Nisga'a, mais, en même temps, nous établissons très clairement que la Couronne -- et, en particulier, le ministère des Pêches et des Océans -- est en mesure d'exiger le respect des lois fédérales sur les pêches par les Nisga'a.

Le sénateur Comeau: Je n'ai jamais mis cela en doute.

M. Beynon: Très bien.

Mon seul autre commentaire porterait alors sur l'existence éventuelle de précédents pour la création d'une pêche exclusive par le Parlement. À notre avis, nous ne créons pas là une pêche exclusive.

Le sénateur Comeau: L'allocation de 17 p. 100 du saumon n'est donc pas réservée pour les citoyens nisga'a, n'est-ce pas? Vous dites qu'une allocation de 17 p. 100 n'est pas réservée aux Nisga'a.

M. Beynon: Je ne serais pas d'accord pour définir cela de cette façon.

Le sénateur Comeau: Si un animal marche comme un canard et fait couac comme un canard, ce n'est pas un éléphant ou quelque chose d'autre. Est-ce une allocation de poisson ou non? Si on leur attribue un telle allocation, c'est une allocation.

M. Beynon: Je conviens avec vous qu'une allocation est attribuée aux Nisga'a et qu'ils obtiennent des droits issus de traités concernant la pêche. Toutefois, je ne serais pas d'accord pour définir cela juridiquement comme une pêche exclusive allant à l'encontre de la Grande Charte.

Le sénateur Comeau: Le juge Lamer est un expert reconnu en la matière. Avez-vous des avis juridiques autres que le vôtre à ce sujet ou avez-vous demandé l'avis d'experts en droit constitutionnel à propos de ce qu'a dit le juge Lamer? Dans l'affirmative, pourriez-vous déposer ces avis?

M. Beynon: Je ne sais pas si je suis autorisé à faire référence à ce qui peut faire l'objet d'une relation privilégiée entre un avocat et son client.

Le sénateur Comeau: Ce serait très utile si vous pouviez le faire.

Le président: Vous pouvez certainement nous dire si vous avez consulté d'autres avocats à propos de ces questions. Vous n'avez toutefois pas à les nommer.

Le sénateur Comeau: Ne dites pas: «Faites-moi confiance.»

M. Nault: Je ne dirai jamais: «Faites-moi confiance», les autochtones n'apprécient guère cela.

Je peux dire que nous avons demandé des avis juridiques et que nous avons reçu également un grand nombre de la part de spécialistes du droit constitutionnel tout au long de ce processus. Le sénateur Beaudoin, qu'on inclurait probablement dans cette catégorie, nous a également donné des avis.

Avons-nous engagé expressément quelqu'un d'extérieur au ministère de la Justice? À ma connaissance, non.

Le sénateur Comeau: Je veux dire une dernière chose. Je ne veux pas insister trop lourdement sur cela. Nous avons un avis juridique du ministère de la Justice, selon lequel ceci ne crée pas une pêche exclusive. D'après tout ce que j'ai lu, et je me suis occupé de ce genre de questions au fil des ans, chaque fois qu'on attribue une certaine quantité de poisson à un groupe au Canada, on dit qu'il s'agit d'une sorte de pêche exclusive si on interdit à d'autres de pêcher cette allocation de poisson. À mon avis, cela ressemble certainement à une allocation et, donc, à une pêche exclusive. Traditionnellement, ce sont les parlementaires, et non pas le Cabinet, à qui revient la prérogative d'apporter des amendements dans ce domaine.

Vous laissez entendre que ce n'est pas une allocation de poisson ou une pêche exclusive. Il nous faudra accepter votre version des choses. Je ne suis toujours pas convaincu. J'aimerais pouvoir, au bout du compte, être sûr que nous allons donner notre aval à un projet de loi qui résistera aux épreuves auxquelles il sera confronté, d'autant plus que la Cour suprême de la Colombie-Britannique est actuellement saisie d'une affaire qui va complètement à l'encontre de ce que vous venez de dire il y a quelques minutes. Le jugement est suspendu dans l'attente de l'adoption de ce projet de loi. Il existe des avis juridiques d'après lesquels vous avez tort. J'aimerais que nous puissions être sûrs que c'est exact et que nous devrions adopter le projet de loi, mais ce n'est pas l'impression que j'ai. Je m'en irai ce soir en n'ayant guère plus de certitudes que quand je suis arrivé.

Si vous avez un avis juridique quelconque émis par des experts en droit constitutionnel qui ont dit que les parlementaires n'abdiquent pas leur responsabilité et que ce qui est proposé est très bien, j'en serais content.

Le président: Puis-je dire, sénateur Comeau, que nous ne considérerons pas cette question comme réglée ce soir?

Le sénateur Comeau: Elle ne l'est certainement pas, à mon avis.

Le président: Nous y reviendrons quand nous aurons entendu d'autres témoins. Les fonctionnaires examineront vos commentaires, et je suis sûr qu'ils comparaîtront à nouveau devant nous. Deux questions ont été soulevées: le fait historique consistant à réserver à certains une pêche publique et la délégation de pouvoir à l'exécutif.

Le sénateur St. Germain: Je n'ai aucun doute que les Gitanyows vont demander à pouvoir pêcher dans la rivière Nass, tout comme les Gitksans. Quelles répercussions cela aura-t-il sur les autres pêcheurs, les pêcheurs non autochtones? Recevront-ils une partie de ces 17 p. 100 ou leur accordera-t-on une allocation supplémentaire? En théorie, on pourra en attribuer 100 p. 100. Quelle est alors la situation dans laquelle se retrouvent les autres pêcheurs suite à vos négociations?

M. Molloy: Premièrement, les autres groupes autochtones auxquels vous faites référence peuvent déjà pêcher une certaine quantité de poisson en vertu de leurs droits ancestraux. Le pourcentage dont nous sommes convenus dans les négociations avec les Nisga'a de concert avec le ministère des Pêches et des Océans a été établi en tenant compte des utilisateurs autochtones qui sont installés sur la rivière Nass. Il n'y en a pas beaucoup, et ce ne sont pas de gros utilisateurs. Nous avons tenu compte de la pêche commerciale qui existe dans cette rivière, ainsi que de la pêche récréative. C'est la même formule que celle qui a été utilisée en ce qui concerne la province relativement à l'attribution de droits sur la faune. On a pris cela en considération pour garantir le maintien de l'existence de ces pêches dans cette rivière.

En pourcentage, bien entendu, le nombre de captures peut augmenter ou diminuer. Il n'y a pas un nombre fixe de poissons. Il s'agit de 17 p. 100 des quantités disponibles pour la pêche. Leur droit éventuel de vendre du poisson est tributaire de l'existence d'une autre pêche commerciale et récréative. Si les stocks de poisson connaissent une très forte augmentation, le nombre total de poissons qu'ils peuvent prendre est plafonné.

Le sénateur Comeau: Je pense que le ministre des Pêches et des Océans, quand il lira ce qui a été dit ici ce soir, apprendra peut-être que, d'après un fonctionnaire du ministère de la Justice, l'attribution d'un quota à un groupe n'est pas considérée comme une pêche exclusive. Le ministère est peut-être maintenant, en fait, en mesure de faire ce qu'il essaie de faire depuis bien des années. Je ne parle pas spécialement du ministre actuel. De nombreux ministres des Pêches ont voulu attribuer des stocks de poisson à certains groupes et, jusqu'à présent, nous avons pu les en empêcher. Ceci ouvrira peut-être toutes grandes les portes. Je pense que vos fonctionnaires du ministère de la Justice devraient faire très attention à ce qu'ils disent au ministre des Pêches, qui, soit dit en passant, a toute discrétion pour accorder ou retirer une licence à qui il veut. Si vous donnez maintenant au ministre le droit de créer des pêches exclusives ou d'attribuer des quotas de pêche, vous devez faire très attention.

M. Beynon: Je peux peut-être simplement ajouter que j'ai fait ces commentaires au sujet de l'affaire Gladstone, en particulier dans le contexte des droits de pêche ancestraux et issus de traités et de la façon dont ils sont énoncés dans ce traité. Je ne présente pas de commentaires généraux sur les pêches commerciales et le fait de retirer des droits ou de les transférer.

Le sénateur St. Germain a posé une question à propos des autres pêches et des droits de pêche ancestraux. Là encore, je suis d'accord avec ce que M. Molloy a dit, mais je voudrais également vous signaler les dispositions générales. Là encore, l'article 33 stipule que rien dans cet accord n'a de répercussion sur les droits ancestraux d'autres groupes. Vous devez tenir compte de cette disposition quand vous examinez le chapitre sur les pêches qui inclut toutes les allocations de poisson.

Le président: Il ne fait aucun doute que nous nous pencherons à nouveau sur ce sujet avant de terminer nos travaux.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le ministre, dans sa question, le sénateur St. Germain abordait le fait que la forme même de gouvernement est incluse dans le traité. Je pense que vous avez expliqué qu'ils voulaient que cela soit protégé. Je pense que c'est ce qui inquiète beaucoup d'entre nous, tout au moins d'après ce que j'ai pu déduire des discours présentés au Sénat. Cela représente une importante modification des idées du gouvernement fédéral parce que tous les autres règlements antérieurs reposaient sur une délégation de pouvoir autorisée par le Parlement plutôt que sur la stipulation des pouvoirs dans le traité, ce qui, à mon avis, tombe alors sous le coup de l'article 35.

Vous ne souhaitez peut-être pas vous exprimer au nom de la Colombie-Britannique, à moins que vous ne connaissiez la position de cette province, mais pourquoi le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Colombie-Britannique accepteraient-ils d'être liés par un accord portant sur l'exercice de pouvoirs relevant de leur compétence qui ne peuvent pas être modifiés autrement qu'à l'unanimité? Pourquoi le gouvernement fédéral ferait-il cela?

De même, quelle différence y a-t-il en pratique entre le type de gouvernement constitué ici et un troisième palier de gouvernement qui aurait été institué si l'Accord de Charlottetown avait été mis en oeuvre?

M. Nault: Je ne suis pas sûr de vouloir parler de l'Accord de Charlottetown puisqu'il n'est pas allé très loin.

Le sénateur Lawson: Vous pouvez demander l'aide de deux personnes, comme à la télévision.

Le sénateur Comeau: Est-ce votre réponse finale?

Le sénateur Lawson: Quand vous faites appel à un ami, appelez-vous un autre ministre?

M. Nault: Je ne suis pas sûr de comprendre les préoccupations des membres du comité. Si nous acceptons le fait que les gens des Premières nations ont des droits qui figurent déjà dans la Constitution, pourquoi certains seraient-ils inquiets d'apprendre que nous reconnaissons un droit que nous ne faisons que confirmer? Je ne sais pas exactement pourquoi cela semble poser des problèmes à certains. Nous ne faisons que refléter la réalité actuelle dans le contexte de ce que nous avons créé, c'est-à-dire l'Accord définitif nisga'a et le traité lui-même. Nous définissons les droits qui existent en vertu de l'article 35. S'il n'est pas acceptable de les définir, de supprimer toute ambiguïté à propos des questions qu'il faut régler, comment pouvons-nous alors obtenir le résultat que souhaitent, à mon avis, le monde des affaires et les Canadiens moyens? Ce résultat consiste à éliminer toute ambiguïté quant au fait de savoir si nos rapports passent de ce qu'établit l'arrêt Delgamuukw avec des titres et d'autres choses à l'absence totale de traité, en empêchant des rapports de s'établir dans un contexte moderne avec une société moderne, comme le prévoit cet accord.

La jurisprudence qui a été établie depuis les gouvernements précédents -- dont l'arrêt Delgamuukw -- nous a certainement incités à essayer d'éliminer les ambiguïtés. Une des meilleures façons de le faire est de définir ce droit comme un droit constitutionnel.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez répondu par une question.

M. Nault: C'est comme cela que font les Juifs, soit dit en passant. J'ai un ami, un ancien maire de Kenora, qui disait: «Répondez toujours à une question par une question et vous verrez quel genre de réponse vous obtiendrez.»

Le sénateur Tkachuk: Examinons cela une fois encore. Ce qui me préoccupe est le fait que certains droits ancestraux sont énoncés dans de nombreux traités conclus dans l'ensemble du pays; or, dans ce traité-ci, il ne s'agit pas simplement de droits ancestraux, mais de l'autonomie gouvernementale des autochtones. J'ai fait référence à l'Accord de Charlottetown parce que les gens ont rejeté ce concept quand le gouvernement fédéral l'a proposé.

La question était: «Quelles sont les différences dans la pratique?» Je ne pense pas que vous les ayez expliquées. Deux questions ont été soulevées: celle de la citoyenneté et celle des pêches. Les réponses données à ces deux questions m'ont laissé aussi perplexe que quand nous avons commencé. Je suis sûr que nous nous demandons tous ici quelles sont les réponses à ces questions. Il y a donc un problème.

Permettez-moi de revenir une fois de plus là-dessus. Quelles différences y a-t-il en pratique entre ce que les gens ont rejeté dans l'Accord de Charlottetown et ce qui figure dans cet accord, ou n'y a-t-il absolument aucune différence? Ce serait bien si vous répondiez à cette question de cette façon. Pourquoi céderiez-vous un pouvoir dans un accord, un pouvoir que vous ne pourrez jamais récupérer et qui, d'après la Constitution, relève de la compétence du gouvernement fédéral?

M. Nault: À ma connaissance, dans l'Accord de Charlottetown -- et je ne peux pas parler au nom des millions de Canadiens qui ont voté contre lui --, il y avait une définition très générale d'«autonomie gouvernementale». Nous avons ici un projet de loi précis contenant une grande quantité de détails compliqués sur la façon de définir nos rapports. C'est la première chose. Je ne pense pas qu'on puisse comparer ce qui s'est passé pour l'Accord de Charlottetown avec ce que nous faisons ici ce soir au sujet de ce projet de loi. Ce serait très injuste envers tout le travail qui a été effectué ces dernières années.

Comme je l'ai dit au début de mon intervention, je ne peux pas vous parler des raisons pour lesquelles les gens ont décidé de voter contre l'Accord de Charlottetown, mais je suis d'avis qu'ils n'ont pas voté contre une définition des droits ancestraux. Ce que nous essayons de faire ici -- que nous considérions ou non que c'est sujet à controverse -- consiste à définir nos rapports en nous fondant sur les droits ancestraux, le titre autochtone. Nous essayons de définir, dans un contexte moderne, la forme que pourraient prendre des rapports fondés sur l'autonomie gouvernementale. C'est ce sur quoi porte cet accord.

Je peux essayer de parler de la citoyenneté, mais je pense que j'ai expliqué les choses assez clairement. Le terme «citoyen» est une façon recherchée de dire «membre d'une bande». Nous traitons de cette question depuis plus de 100 ans en vertu de la Loi sur les Indiens. Il y a probablement plusieurs membres de bandes indiennes dans cette salle qui peuvent vous montrer la carte qui fait foi de leur statut. C'est exactement la même chose. Comme l'a signalé M. Molloy, je ne vois là aucun changement particulier qui pourrait vous inquiéter au sujet des exigences en matière de citoyenneté.

Le sénateur Tkachuk: En ce qui concerne la juridiction, l'accord cède apparemment aux Nisga'a des pouvoirs qui relèvent aussi bien du gouvernement de la province que du gouvernement fédéral. Où la Loi constitutionnelle de 1867 indique-t-elle que le gouvernement fédéral peut renoncer à un pouvoir au profit d'un autre gouvernement, ce pouvoir ne pouvant pas être récupéré unilatéralement par le gouvernement fédéral?

M. Molloy: Sans vouloir vous offenser, je ne vois pas très bien comment vous pouvez dire que le gouvernement fédéral a cédé ou abandonné des pouvoirs au profit des Nisga'a. J'ai essayé d'expliquer au début, quand je parlais de cette question, qu'il s'agit d'un pouvoir concurrent de légiférer. Le seul cas où il faut déterminer quelle loi a préséance est quand il y a conflit ou incompatibilité, ce qui est une chose que les tribunaux doivent faire chaque fois que deux ou trois institutions habilitées à légiférer adoptent, au Canada, des lois dont certaines dispositions se contredisent. Les provinces, le gouvernement fédéral et les municipalités adoptent souvent des lois à propos desquelles ce problème ce pose, et les tribunaux ont établi des critères permettant de déterminer quelle loi a préséance. Au lieu de nous en remettre aux tribunaux pour déterminer quelle loi a préséance, nous avons défini dans certains cas les conditions dans lesquelles la loi nisga'a aurait préséance. Il ne s'agit pas de céder, d'abdiquer ou d'abandonner un pouvoir quelconque. Le pouvoir reste fondamentalement entre les mains du Canada et de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Tkachuk: Je terminerai simplement en disant les deux choses suivantes. La première concerne l'importance de la culture et de la langue et la mesure dans laquelle la préséance accordée dans ce domaine législatif entraîne une préséance dans d'autres domaines, par exemple la scolarisation. Deuxièmement, quand vous parlez de l'application de la Charte dans le traité, vous ajoutez les termes «eu égard». Pourquoi ne dites-vous pas simplement que la Charte s'applique? Pourquoi ajouter «eu égard»? Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Molloy: En ce qui concerne la Charte, ce libellé est le même que celui qui s'applique à d'autres gouvernements au Canada. Fondamentalement, il reprend les obligations imposées au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux en vertu de la Charte. Il prévoit, comme celui de la Charte, un critère que les tribunaux utiliseront pour déterminer si la Charte a été respectée ou non. En d'autres termes, ce sont des mesures que les tribunaux doivent prendre en considération pour appliquer la Charte à toute circonstance donnée.

Le sénateur Tkachuk: Cela s'applique-t-il à la culture et à la langue?

M. Molloy: Vous avez posé votre question à propos de l'éducation. À cet égard, il y a toute une série d'exigences que les Nisga'a doivent respecter dans leur législation. Les enseignants doivent être jugés acceptables par les organisations professionnelles, respecter les mêmes normes et posséder la même formation. Le programme d'études doit être établi de façon à permettre aux élèves d'avoir librement accès à d'autres écoles en Colombie-Britannique ainsi qu'à l'éducation postsecondaire, et cetera. J'ai du mal à voir le rapport entre cet exemple et le traité.

Le sénateur Tkachuk: Vous parlez de la façon dont la question de l'éducation est traitée presque comme si elle ne relevait pas de la compétence de la province, alors que, bien entendu, c'est le cas.

M. Molloy: Sans vouloir vous offenser, monsieur le président, l'accord énonce spécifiquement les exigences qui doivent être satisfaites en vertu de la législation provinciale, et, une fois que les Nisga'a se seront acquittés de toutes ces exigences, ils seront alors habilités à légiférer. Donc, ils peuvent adopter une loi concernant l'accréditation des enseignants pour l'enseignement de la langue nisga'a ou de la culture nisga'a dans le système scolaire, mais, comme je l'ai dit, c'est une exception. À tous les autres égards, les enseignants doivent satisfaire les exigences de la province de la Colombie-Britannique.

Les Nisga'a gèrent, en fait, leur propre commission scolaire, et celle-ci fait partie du système d'éducation de la Colombie-Britannique aux termes de la Loi sur l'éducation, et ils le font depuis plus de 20 ans.

Le sénateur Andreychuk: Je voudrais revenir à ce qu'a dit le sénateur St. Germain à propos des chevauchements.

Pouvez-vous me dire si, dans cet accord, vous avez traité cette question autrement que vous l'avez fait dans l'accord sur le Nunavut, où il y avait des chevauchements entre certaines revendications, et dans l'accord-cadre sur le Yukon, où des différends existent encore à propos de cas de chevauchement?

M. Nault: Sénateur, vous avez de la chance ce soir parce que, bien entendu, M. Molloy était aussi négociateur en chef pour l'accord sur le Nunavut, il peut donc vous dire exactement ce que nous avons fait dans les deux cas.

M. Molloy: En ce qui concerne l'accord sur le Nunavut, à toutes fins pratiques, nous avons suivi la même politique que pour le traité nisga'a. Il y a de légères différences dans le libellé, mais nous sommes d'avis que, du point de vue juridique, les dispositions de cet accord ont, globalement, le même effet que celles de l'accord sur le Nunavut. Comme je l'ai dit, nous avons adopté la même approche en ce qui concerne le chevauchement.

Si je me souviens bien, il y a de légères différences dans la façon d'aborder cette question dans l'accord sur le Yukon. Celui-ci exige que la question des chevauchements soit réglée jusqu'à un certain point avant que les Premières nations puissent choisir des terres à l'intérieur des zones qui se chevauchent, et il ne faut pas oublier que toutes les Premières nations concernées sont parties à l'accord-cadre du Yukon. Ce n'est donc pas comme si nous avions traité avec des groupes individuels comme nous l'avons fait au Nunavut et en Colombie-Britannique.

À propos du chevauchement, si vous me le permettez, j'ajouterai qu'il n'y a pas seulement ce qui concerne les Gitanyows et les Gitksans. Il y a un grand chevauchement avec la nation Tsimshian ainsi qu'avec les Tahltans, et les Nisga'a ont conclu des accords avec ces deux Premières nations au sujet de ces questions.

Le sénateur Andreychuk: D'après le souvenir que j'ai de l'étude de l'accord sur le Yukon par le Sénat, les nations qui le contestaient représentaient des minorités au sein de certains groupes. Ici, vous ne vous êtes pas entendus avec certains groupes «totaux», si je peux les appeler ainsi.

M. Molloy: La différence est qu'au Yukon, il s'agissait d'un accord couvrant, je crois, 14 Premières nations qui étaient toutes parties à un accord global énonçant les règles générales devant présider à la poursuite de leurs négociations. On a donc adopté là une approche différence de celle qui a été utilisée pour l'accord sur le Nunavut et pour l'accord nisga'a.

Le sénateur Andreychuk: On pourrait peut-être examiner cela, parce qu'il y avait aussi des groupes de Colombie-Britannique qui n'étaient pas couverts par l'accord-cadre du Yukon. Il serait bon de comparer la façon dont ces chevauchements et ces revendications concurrentes ont été traitées pour déterminer s'il y a quoi que ce soit d'unique ou de différent dans cet accord ou si la méthode est la même. J'aimerais avoir un avis à ce sujet.

M. Nault: Dans les jours qui viennent, nous pourrions vous dire en détail comment nous procédons dans différentes parties du pays.

Si vous me le permettez, ce serait une bonne occasion de revenir sur une des déclarations du sénateur St. Germain, qui donne à entendre que c'est une sorte de modèle. Vous répondez pratiquement à cette question à notre place en disant qu'en fait, il n'y a pas de modèle. Nous examinons ces questions en fonction des Premières nations elles-mêmes, de l'histoire de leurs rapport avec la Couronne, et nous faisons alors le nécessaire.

Je veux aussi vous dire quelque chose d'autre parce que c'est important. Au Québec, nous sommes sur le point d'entamer avec les Algonquins un processus qui sera lui aussi différent. Il s'agit globalement de définir les droits qui, à notre avis, existent. Nous disons qu'il existe un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, mais notre objectif est de négocier la forme qu'il prendra dans le contexte moderne.

Elle différera d'un endroit à l'autre. Elle différera même dans différents endroits de la Colombie-Britannique parce que, comme on pouvait l'imaginer, nous ne négocierons pas de la même façon avec une Première nation du centre-ville de Vancouver. Ce sera probablement la première chose évidente à prendre en considération quand nous commencerons à traiter avec des Premières nations installées dans des zones urbaines dans l'ensemble du pays.

Il faudra que nous tenions compte des besoins des non-autochtones. Nous avons certainement une politique d'après laquelle le gouvernement ne pourra pas retirer les droits des non-autochtones, et nous sommes enclins à dire que tout le monde y gagnera. Nous ne demanderons pas aux gens de quitter les terres faisant l'objet d'un différend, ni rien de ce genre. Donc, il y a plusieurs initiatives en cours, et nous avons différentes façons de procéder.

Je suis content que vous ayez posé cette question, parce que cela nous donne la possibilité de dire très clairement que l'accord nisga'a ne constitue pas un modèle pour un autre accord quelconque. Si vous le leur demandez, les Premières nations de la Colombie-Britannique vous diront: «Nous appuyons le traité nisga'a, mais nous ne pensons pas qu'il reflète notre point de vue, parce que nous abordons cette question de façon très différente.», et nous examinons donc la situation en cherchant à définir nos rapports en fonction des besoins culturels et historiques.

Le sénateur Andreychuk: Je veux revenir à la question de la citoyenneté. Quand nous l'avons étudiée au sujet de l'accord-cadre global sur le Yukon, le comité des peuples autochtones s'est efforcé de déterminer ce qu'on entendait par «citoyen». Si ma mémoire est bonne, on nous a dit que c'était la première fois qu'on utilisait ce terme. Quand nous avons insisté, les représentants du ministère ont simplement dit que, dans la langue autochtone, il y avait un mot signifiant «membre d'une bande» ou «droit communautaire» qui pouvait se traduire par «citoyen de cette nation ou de ce groupe», et qu'ils ont donc utilisé le terme équivalent, «citoyen». À ce moment-là, nous avons dit que cela semait gravement la confusion et mécontenterait les Canadiens, parce que ce terme donne l'impression que les autochtones quittent le pays ou qu'ils ont, d'une façon ou d'une autre, des droits différents ou spéciaux pouvant avoir préséance sur les droits des autres Canadiens.

Je me demande à nouveau pourquoi vous avez utilisé le terme «citoyen» et parlé de «citoyenneté» au lieu d'emprunter simplement le terme nisga'a, d'utiliser le mot de la tribu, de la même façon qu'on emprunte des mots à toutes sortes de langues quand on ne peut pas vraiment les traduire. Vous auriez alors pu définir sa signification aux fins de l'accord.

Nous avons maintenant le deuxième exemple -- il y en a peut-être d'autres, mais j'en connais seulement deux -- d'utilisation du mot «citoyenneté». Je trouve cela absurde. Nous devrions utiliser le mot historique autochtone, que nous adopterions, comme nous avons adopté beaucoup d'autres mots. Êtes-vous prêt à faire des commentaires, monsieur le ministre?

M. Nault: Je ne sais pas si, d'après le règlement du Parlement, nous sommes autorisés à utiliser des mots des Premières nations dans un texte de loi plutôt que des mots français ou anglais. Je vérifierai la chose. L'objectif est d'utiliser ce mot dans le même contexte que «membre d'une bande». C'est ce que nous continuons à dire parce qu'en quelque sorte, cela n'accorde aucun droit spécial. Nous avons depuis toujours un rapport unique. Si ce n'était pas le cas, ce ne serait pas prévu par la Constitution.

Il faut que je revienne en arrière pour vous donner une réponse plus complète afin de vous rassurer. Je ne vois aucune raison de m'inquiéter quand quelqu'un dit: «Je suis citoyen du peuple nisga'a et je suis citoyen du Canada.» C'est la même chose que dire: «Je suis citoyen de l'Ontario et citoyen du Canada.» Je ne suis pas indigné quand quelqu'un de la Colombie-Britannique dit: «Je suis citoyen de la Colombie-Britannique.» Je ne vois pas vraiment quelle différence il y a entre les deux.

Le sénateur Andreychuk: Je suppose que mon cheminement est légèrement différent du vôtre. Beaucoup de gens dans tout le Canada essaient de trouver des éléments pour unifier le pays. Nous nous rassemblons autour de symboles de la citoyenneté. C'est donc, bien entendu, la comparaison qu'il faut faire. Comme je l'ai dit, je comprends que votre intention est de définir quels sont les gens qui font partie de certains groupes et d'énoncer les droits dont ils jouissent en conséquence. Toutefois, l'utilisation du mot «citoyenneté» a suscité un débat.

M. Nault: Sénateur, vous faites probablement référence à la page 19 de l'accord où il est stipulé, à l'article 15:

Les citoyens nisga'a qui sont citoyens canadiens ou résidents permanents du Canada continuent d'avoir droit a tous les droits et avantages des autres citoyens canadiens ou résidents permanents du Canada qui sont applicables de temps a autre a ces autres citoyens canadiens ou résidents permanents du Canada.

Vous pourriez poser cette question aux Nisga'a quand ils comparaîtront devant vous. C'est la deuxième fois, ces derniers mois, qu'on a signalé que cela pouvait poser un problème pour les parlementaires. Je ne sais pas exactement pourquoi, alors que ce terme est censé inclure la notion de «citoyen canadien».

Nous ne pensons pas que cela nous causera des problèmes dans un contexte juridique. Toutefois, du point de vue de la terminologie, nous pourrions peut-être modifier notre façon de procéder, comme nous l'avons fait pour supprimer les ambiguïtés. Nous pourrions essayer de combiner les intérêts de tous les Canadiens, si c'est une source de préoccupation, et de régler cette question quand nous passerons à d'autres accords.

Comme vous l'avez dit, vous avez vu cela dans deux accords. Nous sommes en train d'en négocier plusieurs autres. Si cette question continue à être soulevée, je suppose que, dans une certaine mesure, j'aimerais avoir une meilleure justification. Quelqu'un est-il en train de dire: «Vous avez maintenant créé des citoyens différents parmi les citoyens du Canada»?

Le sénateur Andreychuk: Oui.

M. Nault: C'est plus une impression qu'un problème juridique.

Le sénateur Andreychuk: Le sentiment que les gens expriment est: «Nous voulons être égaux. Nous voulons être traités de façon équitable et juste dans notre pays.» On a l'impression que «citoyen» fait penser à des droits spéciaux d'une façon qui diminue les autres en ce qui concerne la citoyenneté.

S'ils sont citoyens de la nation nisga'a, sont-ils encore citoyens du Canada? Voilà ce qu'on me demande. Je ne sais pas la question est de sensibiliser la population. Cela crée toutefois un important malaise.

Vous pourriez repenser à l'époque où un certain premier ministre voulait éliminer la double citoyenneté. Vous comprendrez alors pourquoi le terme «citoyenneté» a tant de connotations. Les juristes l'envisagent peut-être d'une certaine façon, alors que nous l'envisageons autrement. Les Canadiens moyens accordent beaucoup d'importance au terme «citoyenneté». Ceux qui viennent d'un autre pays sont fiers de devenir citoyens. D'autres sont fiers d'être nés sur notre sol.

Peut-être leur malaise est-il injustifié, mais l'utilisation de ce terme les met mal à l'aise.

M. Nault: Dans ma vie antérieure, avant de devenir député, j'étais conseiller municipal. Nous appelions régulièrement les gens de la ville de Kenora des citoyens de Kenora, ce qui n'a pas entraîné une levée de boucliers un peu partout. Je me demande donc pourquoi on peut dire que, dans la ville non-autochtone de Kenora, nous sommes tous des citoyens de cette communauté, alors qu'il n'est pas acceptable de dire que les gens qui vivent dans la vallée de la rivière Nass sont des citoyens de la communauté nisga'a.

Le sénateur St. Germain: Le terme correct est la «nation nisga'a».

Le sénateur Andreychuk: Si vous étiez conseiller municipal aujourd'hui et si vous disiez qu'à votre avis, une loi spéciale devrait être adoptée pour les citoyens de Kenora et que leurs droits y seraient énoncés, je peux vous parier qu'un grand nombre de gens réagiraient et en prendraient note.

M. Nault: Il y a une loi, la Loi sur les municipalités, qui s'applique à la ville de Kenora. Les citoyens de Kenora se gouvernent en fonction d'elle. Il y a aussi une grande quantité d'arrêtés municipaux. Ce n'est pas très différent de ce dont nous parlons ce soir.

Le sénateur Andreychuk: Je dis cela pour essayer de faciliter l'adoption de ce projet de loi. Je pense que c'est soit un malentendu soit une question affective qu'il faut régler. Nous devrions prendre cela en considération.

Cette loi éliminera-t-elle toutes les responsabilités fiduciaires qu'ont envers les Nisga'a ceux d'entre nous qui, au Parlement, accordent beaucoup d'importance à notre responsabilité fiduciaire envers les autochtones?

M. Beynon: La Cour suprême du Canada a expliqué à diverses reprises la nature de la relation fiduciaire entre le Canada et ses autochtones. Ce principe juridique restera en vigueur puisque les Nisga'a seront encore des autochtones du Canada.

La Cour suprême du Canada a établi l'existence d'une vaste relation fiduciaire entre la Couronne et les autochtones. Dans certains cas particulier, comme l'affaire Guerin, elle a aussi énoncé des obligations fiduciaires. Il est important de faire une distinction entre les deux. Ce tribunal s'est prononcé sur la nature exacte des obligations fiduciaires qui découlent des disposition de la Loi sur les Indiens.

Le traité nisga'a apportera des changements importants. Un des principes est l'élimination des réserves et l'élimination virtuelle de l'application de la Loi sur les Indiens. Les obligations fiduciaires imposées à la Couronne par la Loi sur les Indiens disparaîtront donc. Par exemple, l'affaire Guerin portait sur le bail d'un club de golf qui avait été mal géré par le gouvernement fédéral. Le Canada ne s'occupera plus de la location des terres des Nisga'a. Cette situation particulière et cette obligation fiduciaire ne s'appliqueront pas.

En résumé, la relation fiduciaire avec les autochtones existe encore. La nature des obligations fiduciaires précises découlant des lois, et cetera. changera évidemment.

Le président: Rien ne retire les pouvoirs accordés par l'AANB au gouvernement fédéral en ce qui concerne les autochtones.

Le sénateur Sparrow: Vous parliez des «citoyens» de Kenora, une expression usuelle, d'après vous. La Loi sur les Indiens contient une définition de «membre d'une bande». Il n'y est pas question de citoyenneté «indienne» en tant que tel. L'accord stipule clairement qu'un citoyen nisga'a est un citoyen de la nation nisga'a aux termes des dispositions législatives des Nisga'a. Cela veut dire qu'ils ont le pouvoir de déterminer ce qu'est un citoyen nisga'a. Il n'y a aucune disposition relative à des modifications de cette citoyenneté nisga'a une fois ce projet de loi entré en vigueur. Je vous demanderai plus d'explications à ce sujet.

Si vous êtes citoyen nisga'a, devez-vous alors être citoyen du Canada ou immigrant reçu ou entrer dans une catégorie quelconque au Canada? Quelqu'un peut-il devenir membre de cette nation nisga'a sans être canadien?

M. Molloy: Je vais essayer de répondre à cette question. Je commencerai par la première, qui porte sur le droit qu'ont les Nisga'a de légiférer pour déterminer qui est citoyen nisga'a. Ils sont assujettis aux exigences énoncées dans le traité relativement à leur constitution. Ils sont également assujettis à la Charte des droits et libertés pour ce qui est de l'établissement du code déterminant qui sont les membres de la bande.

Pour ce qui est du type de statut que cela leur donne, les seuls droits que possède un citoyen nisga'a sont ceux qui sont énoncés dans le traité et aucun autre. Rien dans le traité ne leur donne le moindre pouvoir en matière de droit international, d'affaires extérieures ou de citoyenneté canadienne. En fait, il y a une disposition qui stipule expressément qu'ils n'ont aucun pouvoir de légiférer en ce qui concerne la citoyenneté canadienne, le statut d'immigrant reçu et les choses de ce genre. Si quelqu'un devient citoyen, cela ne l'autorise pas à venir au Canada, sauf en conformité avec les exigences du droit canadien.

Le sénateur Sparrow: Si quelqu'un n'est pas citoyen du Canada et n'a pas le statut d'immigrant reçu, il est alors visiteur au Canada. Que se passerait-il si cette personne se rendait dans les terres des Nisga'a et si ces derniers décidaient de lui accorder la citoyenneté nisga'a, pour quelque raison que ce soit?

M. Molloy: Aux termes du traité, toutes les lois fédérales et provinciales s'appliquent, sauf indication contraire. Si quelqu'un vient légalement au Canada, se rend dans les terres des Nisga'a et obtient la citoyenneté, cette personne reste régie par les dispositions du droit canadien, quelles qu'elles soient, concernant la possibilité qu'elle a de rester au Canada. Il n'en découle pour cette personne aucun droit particulier relativement à la citoyenneté canadienne. En d'autres termes, si vous venez ici et que vous êtes seulement autorisée à rester pendant une période déterminée de temps en vertu de la loi, vous êtes assujettie à cette loi. La citoyenneté des Nisga'a concerne leurs terres, leurs biens et le fait de vivre dans leur territoire.

Des gens ont demandé pourquoi nous utilisons le terme «citoyen». Cette question a été discutée pendant les négociations durant de longues années. Toutefois, nous avons pu accepter cela finalement à cause de la définition qui en est donnée dans le traité et du fait que tous les droits qu'une personne en retire sont énoncés expressément dans le traité et que rien n'existe en dehors de celui-ci. En fait, une des dispositions visant à éliminer les ambiguïtés stipule que, si des droits quelconques qui peuvent exister en ce qui concerne les droits ancestraux relatifs aux terres, aux eaux et à l'autonomie gouvernementale ne sont pas mentionnés dans le traité, ils sont nuls et non avenus.

Le président: À ma connaissance, les Nisga'a n'ont aucun droit de conférer à qui que ce soit un statut lui permettant d'entrer au Canada ou d'y rester. La citoyenneté nisga'a a une portée exclusivement limitée à la nation nisga'a, qui est elle-même définie comme la collectivité des autochtones qui partagent la langue, la culture et les lois des Indiens nisga'a de la région du Nass et de leurs descendants.

Le sénateur Sibbeston: Monsieur le président, quand j'écoute ici cette discussion, le fait que nous soyons saisis du projet de loi sur les Nisga'a me remplit d'enthousiasme et de joie. Le meilleur moment que j'ai passé à Ottawa a été quand j'ai assisté à l'adoption de ce projet de loi à la Chambre des communes en décembre. En tant que Canadien, j'étais tellement fier de voir que quelque chose comme le traité nisga'a pouvait se faire au Canada.

Toutefois, je ressens aussi de la colère. Je veux m'en prendre à quiconque conteste ce projet de loi. L'article 35 de notre constitution reconnaît et confirme les droits ancestraux existants. Je suis sûr que toutes les personnes ici présentes conviendront que nous avons traité nos autochtones d'une façon épouvantable. J'ai entendu mes collègues du Sénat dire que nous n'avons aucun motif de fierté à cet égard.

Nous nous occupons ici des droits des autochtones. Nous sommes tous conscients que le statu quo ne marche pas alors, en tant que Canadiens, à quoi nous attendons-nous maintenant que les autochtones de notre pays, en l'an 2000, sont associés de façon très constructive à la définition de leurs droits ancestraux et à essayer de se donner les moyens de vivre par eux-mêmes dans notre pays? Nous attendons-nous à ce qu'ils se contentent simplement du statu quo? Nous attendons-nous à ce qu'ils ne cherchent pas à obtenir des droits spéciaux?

Quand nous nous penchons sur ce projet de loi et constatons qu'il prévoit la reconnaissance de certains droits, pourquoi chipotons-nous? Pourquoi trouvons-nous soudainement toute cette question de la citoyenneté si inquiétante? En toute sincérité, cela ne veut dire rien de plus que ce qu'a dit le ministre.

Au cours des 100 dernières années, le gouvernement fédéral a déterminé qui est un Indien. Maintenant, les Nisga'a pourront définir eux-mêmes qui est Nisga'a. N'est-ce pas merveilleux? N'en soyez pas alarmés. Ne vous inquiétez pas. Ce sont des sujets de préoccupation négligeables.

Tout le monde veut être comme les autres. Certains disent qu'ils appuient les autochtones, mais dès que ceux-ci ont des droits que ne possèdent pas les autres Canadiens, ils s'alarment et disent que ce n'est pas canadien.

Prenez l'exemple du Québec. J'appuie la reconnaissance du Québec comme nation distincte. Je veux que les Québécois restent au Canada, et j'espère qu'ils le feront. De même, les autochtones veulent qu'on reconnaisse l'existence de leurs nations. Il n'y a rien d'effrayant à se décrire comme un groupe, comme une nation. C'est une question de fierté. Ils ne constituent pas seulement des conseils de bande, mais des nations qui existaient avant l'arrivée des Blancs dans ce pays.

Je suis intimement convaincu que le projet de loi nisga'a est la solution et qu'un jour, les autochtones de notre pays seront heureux, pourront gagner leur vie et seront économiquement indépendants. Alors, en tant que Canadiens, nous pourrons dire: «Nous avons fait ce qu'il était bon et juste de faire.» Nous pourrons dire que ce traité a constitué un tournant, au moment où notre pays s'est engagé sur cette voie nouvelle, où nous avons dépassé les réserves et le statu quo. C'est ce que signifie ce traité. Il signifie un nouvel espoir, un nouveau système pour les autochtones. Il ne fait aucun doute pour moi que ces règlements de l'ère moderne sont la solution et qu'ils permettront finalement aux autochtones d'être heureux, économiquement viables et de contribuer à la vie de la société canadienne.

J'ai entendu des sénateurs se demander si ce processus entraînera la destruction des autochtones. J'ai entendu des sénateurs demander si le traité nisga'a rendrait finalement les gens plus pauvres -- les mettrait en plus mauvaise posture que maintenant.

D'après ce que j'ai pu constater, ce n'est pas ce qui s'est produit dans le cas des autres traités. Dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a eu plusieurs traités modernes. Il y a les Inuvialuit, les habitants du Sahtu, les Gwitchin et les Dogrib. Chaque Première nation est en meilleure posture. Cela leur a donné une vie nouvelle, un nouvel espoir et une nouvelle détermination. Voilà ce que cela signifie.

Je serais prêt à voter en faveur de ce projet de loi ce soir, tel qu'il est, pour appuyer les Nisga'a. Il faudrait que la Chambre des communes et le Sénat soient saisis de 100 autres traités comme celui-ci et que nous adoptions tous les projets de loi correspondants. Nous n'avons pas traité nos autochtones comme nous aurions dû le faire. Tout le monde le reconnaît. Adoptons ce projet de loi et cessons de chipoter à propos de tous ces petits détails qui ne représentent rien.

Le gouvernement fédéral n'a jamais fait de cadeaux aux autochtones. Il n'a pas pour habitude de compromettre ses propres intérêts. Fiez-vous au ministre. Fiez-vous au gouvernement, il a veillé aux intérêts fédéraux.

Le président: Sénateur Grafstein, dans le même esprit, je suis sûr que vous avez des questions à poser.

Le sénateur Grafstein: Je suis aussi passionné que le sénateur Sibbeston et aussi désireux de remédier à cette situation. Toutefois, je veux le faire d'une façon qui soit constitutionnellement appropriée et politiquement acceptable, non seulement pour les autochtones, mais également pour l'ensemble des Canadiens.

Il y aura toujours des voix discordantes; je ne le conteste pas. J'essaie simplement de mon côté de m'adresser aux Canadiens moyens qui pensent qu'il faut remédier aussi rapidement que possible aux injustices commises envers les autochtones.

Dans mes commentaires, j'ai essayé d'être aussi délicat que possible, de ne pas exagérer ni chipoter au sujet de certaines des questions fondamentales.

Je ne suis pas membre de ce comité et je suis plutôt jaloux parce que j'ai tiré de nombreux enseignements de ce que j'ai entendu et lu -- et je me suis documenté de façon exhaustive à ce sujet au cours des six dernières semaines. Je préférerais presque ne pas avoir commencé à le faire, parce qu'on ne peut pas se mettre à faire cela et être juste envers les Nisga'a, les autochtones, à moins de passer en revue toute la liturgie des 30 dernières années. Il y en a une quantité énorme. J'ai essayé d'en passer en revue la plus grande partie assez rapidement.

J'éprouve un certain ressentiment parce que je sais que les Nisga'a, dans le cadre d'une importante négociation conduite de façon indépendante, ont abandonné des revendications substantielles. Ils ont considéré que laisser tomber certaines revendications faisait partie des négociations.

Ils s'adressent à nous en nous disant: «Nous avons renoncé à cela pendant les négociations pour obtenir ceci en contrepartie, comment pouvez-vous modifier cette entente?» Malheureusement, ce n'est pas notre responsabilité constitutionnelle.

En tant que deuxième chambre, nous sommes ici pour examiner ce document et, en toute franchise, je ne veux pas chipoter à son sujet. J'aimerais moi aussi l'approuver ce soir, mais mes précédents et mon attitude à ce sujet, qui remonte à l'intérêt que je porte à la situation constitutionnelle de notre pays depuis le début des années 60, m'empêchent de le faire. Ce serait facile. Je ne veux pas rester ici jusqu'à minuit. Je ne suis même pas membre du comité.

J'ai fait parvenir un message au président pour lui demander de ne pas faire appel à moi à moins que tous les membres du comité n'aient eu la possibilité de s'exprimer pleinement et équitablement sur cette question. Je veux être sûr que les membres du comité qui ont le droit de vote disent tout ce qu'ils ont à dire.

Je dis au ministre et à ses négociateurs qu'ils ont fait un travail extraordinaire. Je ne veux pas non plus contester la bonne foi des Nisga'a qui ont fait un travail magnifique. Toutefois, il y a des problèmes, et ils en sont conscients. Ils ont soigneusement choisi certains mots, monsieur le ministre, qui pourraient apporter une certaine connotation différente. Nous devons tenir compte de ces différences.

Dans votre déclaration, monsieur le ministre, vous avez dit que ce traité n'est pas un modèle. J'en prends acte, parce que je pense que chaque négociation est différente. Il y a des différences entre chaque tribu, chaque ensemble de droits, chaque ensemble de notions, d'un bout à l'autre du pays. Vous avez toutefois dit que:

Ce projet de loi et le traité qu'il mettra en oeuvre constituent un jalon historique dans la relation entre le Canada et le peuple des Nisga'a et, d'ailleurs, avec tous les peuples autochtones du Canada.

Je crois que c'était l'élément clé des commentaires du sénateur Sibbeston. Nous sommes ici pour examiner le modèle que ce traité représente, que cela nous plaise ou non. Nous sommes ici pour déterminer quels principes seront ou non acceptables.

Je veux revenir à la citoyenneté, si vous me le permettez, monsieur le président. Je ne suis pas intervenu tout à l'heure pour poser une question supplémentaire. Monsieur le ministre, pour moi, la citoyenneté n'est pas un mot recherché. Ce n'est pas un mot recherché pour désigner un membre d'une bande. Ça l'est peut-être pour mon collègue d'en face qui vient de parler, mais pour moi, la citoyenneté est le plus grand honneur que notre pays peut rendre à un résident de notre pays. Il n'y a rien de plus élevé. Le Conseil privé, les députés, l'Ordre du Canada, tout cela est impressionnant, mais la citoyenneté est l'honneur le plus grand. Il y a une longue histoire derrière cela. J'éprouve autant de passion pour le Canada que mon ami d'en face. La citoyenneté est un si grand honneur, on ne peut rien y redire. Quand nous prenons ce terme et que nous l'utilisons d'une certaine façon, en lui donnant un double sens, cela me gêne.

Pour moi, un citoyen est une personne, sans aucune réserve. S'il répond à une norme objective, il a le droit de voter. En tant que citoyen de la province de l'Ontario, j'ai le droit de voter aux niveaux fédéral, provincial et municipal si je réponds à des normes objectives. Voilà ce qu'est la citoyenneté.

Il y a eu un cas intéressant, celui d'un de nos anciens collègues, le sénateur Twinn, si je me souviens bien, qui a refusé de divulguer la liste des membres d'une bande. Il refusait de dire comment on définissait l'appartenance à la bande. Le tribunal a dit que non, elle devait être ouverte, transparente. Cela est inclus ici.

Les Nisga'a ont une constitution. Ils doivent énoncer ouvertement quels principes doivent être respectés pour devenir citoyen. Comme l'a dit M. Molloy, cela n'a pas à être conforme à la Charte. Il faut respecter certains principes contenus dans la Charte, mais pas nécessairement se conformer à elle. Certaines exclusions peuvent être prévues, et, en fait, ce sera probablement le cas.

Je fais cette déclaration parce que je demanderai aux Nisga'a de nous en parler. Je ne connais pas leurs pratiques. Je ne connais pas leur histoire. Je ne sais pas ce qui est exigé pour être reconnu comme un membre de la bande. Je ne sais pas comment quelqu'un peut être adopté à titre de membre de la bande.

Pour moi, le mot «citoyenneté» signifie une égalité de traitement sur une base de transparence et d'ouverture qui permet à n'importe qui, qu'il soit ou non résident des terres nisga'a, de pouvoir devenir citoyen.

Il fallait que je mette autant d'émotion que mon collègue afin qu'il comprenne que, s'il est passionné d'équité, je suis aussi passionné d'équité pour les Canadiens. Nous sommes ici pour rendre la justice et être équitables.

Permettez-moi de poser la question suivante: les autorités locales nisga'a décident comment on définit qui est citoyen nisga'a. Si on a, sur les terres des Nisga'a, un citoyen nisga'a et un résident non nisga'a qui n'est pas citoyen nisga'a, ce dernier a-t-il le droit de voter?

M. Nault: Avant tout, sénateur, il faudrait définir «résident nisga'a». Il n'y a rien de tel dans le traité.

Le sénateur Grafstein: Il y a des Nisga'a qui vivent sur les terres nisga'a.

M. Nault: Il y a des gens qui vivent dans la vallée de la rivière Nass.

Le sénateur Grafstein: Il y a des gens qui résident sur le territoire de la municipalité, qui résident dans le territoire nisga'a, dans les terres nisga'a. Les Nisga'a peuvent voter. Ils décident comment ils seront gouvernés. Ce résident a-t-il le droit de voter sur des questions comme les impôts? Les Nisga'a peuvent-ils lui faire payer des impôts ou des taxes de quelque nature que ce soit?

M. Molloy: Pas en vertu du traité.

M. Nault: Pas en vertu du traité.

M. Beynon: Non.

Le sénateur Grafstein: Si je vis sur ces terres, si j'ai une maison ou une ferme et que je l'utilise, n'y a-t-il pas des impôts que je dois payer au gouvernement nisga'a?

M. Molloy: La seule disposition du traité qui accorde aux Nisga'a le pouvoir de collecter des impôts concerne les citoyens nisga'a qui vivent sur les terres nisga'a et personne d'autre.

Le sénateur Sparrow: On est exempté d'impôt.

Le sénateur Grafstein: Non, on n'est pas exempté d'impôt.

Permettez-moi de passer à la question suivante. Cela me fait du bien, car cela atténue une de mes préoccupations dans une large mesure.

Ce résident non nisga'a des enfants qui vont à l'école locale. Ce parent peut-il être membre de la commission scolaire?

M. Molloy: Il y a une disposition du traité qui stipule qu'ils peuvent être candidats à un poste et voter ou se voir accorder un statut équivalent. Les Nisga'a ont une commission scolaire depuis 20 ans, et il y a des non-Nisga'a qui en sont membres.

Le sénateur Grafstein: Comment sont-ils élus?

M. Molloy: Ils sont élus par les résidents du district scolaire.

Le sénateur Grafstein: Les Nisga'a participent-ils à leur élection, ou seulement les non-Nisga'a?

M. Molloy: Tous les gens qui sont dans le district scolaire participent à l'élection, sénateur.

Le sénateur Grafstein: Tous les gens qui sont dans le district de la commission scolaire sont égaux, n'est-ce pas?

M. Nault: Aux termes du traité, certains sièges sont garantis.

M. Beynon: Aux termes du traité, en ce qui concerne les institutions publiques nisga'a comme les commissions de santé et les commissions scolaires, il y a des moyens prévus pour assurer la participation des résidents non-nisga'a, y compris des sièges garantis ou des droits de vote.

Le sénateur Grafstein: Le sénateur Andreychuk a soulevé cette question, et les témoins nisga'a pourront peut-être nous donner des éclaircissements à ce sujet. Comment dit-on citoyen en nisga'a et quelle est la traduction exacte de ce mot? Je ne veux pas la réponse maintenant, mais si elle pouvait être fournie au greffier du comité, cela serait utile.

J'accepte tout à fait que les Nisga'a désirent s'affranchir de la Loi sur les Indiens. Nous convenons tous que cette loi est rétrograde. La «nation nisga'a» est toutefois définie comme «la collectivité des autochtones qui partagent la langue, la culture et les lois des Indiens nisga'a de la région du Nass et de leurs descendants.»

Le mot «Indiens» est écrit avec une majuscule, mais il n'est pas défini dans cet accord.

M. Beynon: La disposition relative à la citoyenneté qui autorise les Nisga'a à légiférer en matière de citoyenneté ne peut pas être appliquée à la citoyenneté canadienne, et ils n'ont aucun pouvoir non plus relativement au droit d'être inscrit comme Indien en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens. Les lois nisga'a ne s'appliqueraient donc pas à cela. Le droit à être enregistré comme Indien reste assujetti à la Loi sur les Indiens. Tout au long de ce document, quand nous faisons référence à un «Indien», c'est une question qui est déterminée par les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l'enregistrement.

Le sénateur Grafstein: Cela y figure encore?

M. Beynon: Cela y figure encore.

Le sénateur Grafstein: Les Nisga'a ne sont pas parvenus à faire retirer cet élément lors des négociations.

M. Beynon: C'est la seule partie de la Loi sur les Indiens qui continuera à s'appliquer à l'avenir.

Le sénateur Grafstein: Est-ce salutaire, monsieur le ministre?

M. Nault: C'est quelque chose que nous examinons parce que c'est une pomme de discorde avec les autochtones de l'ensemble du pays, qui jugent inacceptable que des non-autochtones définissent ce que devrait être un autochtone ou un membre des Premières nations.

Nous cherchons actuellement des solutions, des façons de permettre aux gens des Premières nations de définir leurs propres citoyens. Ceux d'entre nous qui avons l'esprit libéral sommes d'avis que ce serait une solution bien meilleure que d'avoir une loi définissant ce concept en fonction des liens du sang.

Par exemple, avec ce traité, quelqu'un comme vous peut devenir citoyen de la nation nisga'a.

Le sénateur Grafstein: Je le sais.

M. Nault: Cela pourrait arriver, et à juste titre. Cela ne serait toutefois pas possible en vertu de la Loi sur les Indiens, comme vous le savez.

Le sénateur Grafstein: Pour moi, l'accession à la citoyenneté nisga'a serait à la discrétion du gouvernement nisga'a, n'est-ce pas?

M. Beynon: J'ai relevé le terme «discrétion». Les Nisga'a pourront s'exprimer à ce sujet, mais le texte ne dit pas que le gouvernement nisga'a a toute discrétion pour décider qui est citoyen; il doit plutôt légiférer.

Le traité nisga'a stipule que les lois doivent être publiées, inscrites dans un registre et accessibles au public. Elles doivent être rédigées en anglais, et cetera. C'est une obligation juridique. Les dispositions de cette loi stipuleront comment on obtient la citoyenneté; cela ne sera laissé à la discrétion de personne.

J'ajouterai, parce que cela intéressera peut-être les sénateurs, qu'il y a, dans le traité, un chapitre sur l'admissibilité et l'inscription qui explique qui peut être inscrit en vertu des dispositions de l'Accord définitif nisga'a. C'est assez compliqué, mais le critère est principalement l'ascendance nisga'a -- les personnes qui ont des ancêtres nisga'a.

Le traité stipule que toutes les personnes admissibles à être inscrites en vertu de ce traité du fait de leur ascendance nisga'a ont automatiquement droit à la citoyenneté nisga'a. L'organe législatif nisga'a a une certaine discrétion en la matière. Il pourrait décider si quelqu'un peut ou non devenir citoyen nisga'a. Le traité ne confère toutefois pas aux Nisga'a le droit de retirer tout simplement la citoyenneté nisga'a à des personnes d'ascendance nisga'a, ce qui est régi par le traité.

Le sénateur Grafstein: Ils peuvent ajouter, mais pas soustraire.

M. Beynon: C'est exact.

Le sénateur Lawson: Quand le sénateur Comeau a posé des questions à propos des avis constitutionnels, et cetera, quelqu'un a fait référence à la relation privilégiée entre un avocat et son client. Puis-je demander qui est le client en l'occurrence?

M. Nault: Le client est le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien.

Le sénateur Lawson: L'avocat travaille pour le compte du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien et du ministre.

M. Nault: Pour les besoins de la discussion, je signale que je reçois régulièrement une facture du ministère de la Justice.

Le sénateur Lawson: Il travaille pour votre compte et celui du gouvernement. Pour le compte de qui travaillez-vous?

M. Nault: De la population du Canada.

Le sénateur Lawson: Nous pourrions donc très bien être les clients; donc, quelles que soient les opinions que vous avez, nous avons le droit de les connaître.

M. Nault: Non. Les tribunaux se sont déjà prononcés sur cette question; il n'y aurait donc pas du tout de relation privilégiée. Si je devais divulguer tous les détails, il faudrait que je trouve quelqu'un d'autre pour me donner un avis.

Le sénateur Lawson: Vous dites que les droits des femmes sont tout à fait protégés par cet accord et sont même renforcés.

Au cours d'audiences antérieures, nous avons entendu des représentants du Conseil des femmes autochtones, qui nous ont raconté des histoires horribles à propos du fait qu'elles ne pouvaient pas posséder de terres. Elles nous ont dit qu'à la dissolution d'un mariage, le conjoint conserve la maison et les enfants et que certains ont forcé leur conjointe autochtone à quitter leurs terres en les menaçant avec une arme à feu -- probablement une arme non enregistrée, mais c'est un détail accessoire. Êtes-vous en train de nous dire qu'aux termes de cet accord, les femmes peuvent posséder des terres et qu'en cas de dissolution d'un mariage, leurs droits de propriété sont protégés? Si vous pouvez répondre par l'affirmative, c'est un changement radical par rapport à ce dont on nous a parlé auparavant.

M. Nault: Oui. Aux termes du traité, la Loi sur les relations familiales de la Colombie-Britannique déterminera la division des biens matrimoniaux en vertu du droit nisga'a.

Le sénateur Lawson: Très bien.

M. Nault: C'est un important pas en avant par rapport à la Loi sur les Indiens, qui ne dit rien au sujet des droits des femmes des Premières nations. C'est une question qui est importante non seulement pour vous, mais également pour le ministre que je suis, et j'examine actuellement tout cet aspect de la loi. Cette question est actuellement devant les tribunaux. J'espère qu'avec l'approbation des membres des Premières nations qui veulent continuer à relever de la Loi sur les Indiens, je pourrai apporter d'importants changements à cette loi avant que les tribunaux ne décident à notre place. C'est une partie de la question de notre relation avec les autochtones à laquelle certains sénateurs ont fait allusion ce soir.

Quand nous parlons de «construire une relation», il s'agit d'une relation entre nos gouvernements et les membres des Premières nations. C'est, dans une certaine mesure, une relation politique. Toutefois, si nous continuons à laisser les tribunaux -- en particulier la Cour suprême -- définir la nature de cette relation, le résultat ne sera peut-être pas de notre goût. On ne demande pas aux tribunaux de définir une relation en se basant sur ce qui, d'après le sénateur Grafstein, est acceptable pour tous les Canadiens. On leur demande de se prononcer sur un point de droit. Ce n'est peut-être pas si facile à mettre en oeuvre en se basant sur cette théorie. L'objectif, en se basant sur ces règlements négociés, est de satisfaire au critère de l'assentiment de tous les Canadiens. Voilà pourquoi nous le faisons au lieu de laisser la Cour suprême continuer à définir la nature de notre relation.

Je peux vous envoyer toutes les différentes parties de la Loi sur les Indiens qui sont actuellement devant les tribunaux. Je ne peux pas vous donner un avis juridique à propos de ce qui va se passer, mais je pense que vous pouvez le deviner en vous basant sur le fait que cette loi n'a pas été modifiée de façon importante depuis 1951 et sur ce que cela veut dire dans le contexte actuel. Voilà pourquoi nous faisons de gros efforts pour trouver des solutions adaptées à l'époque moderne en cherchant à modifier la Loi sur les Indiens. En fait, j'ai participé cet après-midi à une réunion où je parlais d'amendements à apporter à cette loi.

Le sénateur Lawson: C'est un gigantesque pas en avant. Vous avez illuminé toute ma journée.

Ma dernière préoccupation a été soulevée par le sénateur St. Germain. Je conviens avec lui que la question importante qui reste à régler est celle du chevauchement. Je partage sa préoccupation.

Je suis ravi de ce que vous avez dit à propos de la protection des droits des femmes.

Le sénateur St. Germain a également dit qu'il était en colère. Je suis également en colère, mais pour une raison différente. Vous êtes pressé de faire adopter cet accord nisga'a en Colombie-Britannique et ici, à Ottawa. Il est bon que cela puisse se faire, mais ma colère découle du fait que vous piétinez les droits des Gitksans et des Gitanyows. Je ne trouve pas rassurant de dire: «Le ministre nous a dit que des progrès avaient été réalisés à propos du chevauchement dans les Territoires du Nord-Ouest.» Je sais qu'on me demandera: «En quoi cela nous aide-t-il?»

Au cours des dernières minutes, vous avez montré à quel point vous êtes un ministre progressiste. Ne serait-il pas logique d'avoir une autre équipe de négociation qui s'assurerait que nous ne piétinons pas les droits de ces deux autres tribus autochtones? Pourquoi ne pas avoir un comité de négociation chargé d'agir rapidement pour préserver et protéger ces droits afin que votre prochaine déclaration puisse être: «En tant que ministre responsable de cette question, je veux recevoir un rapport établissant que nous avons réglé le problème du chevauchement avec les Gitksans et les Gitanyows.» Ne serait-il pas logique de le faire?

M. Nault: La politique du gouvernement du Canada en ce qui concerne le chevauchement est la bonne. Nous préférerions beaucoup que les Premières nations règlent elles-mêmes ce problème. C'est par respect pour leur histoire et leurs traditions. Cela peut se faire. À mon avis, dans la grande majorité des cas, c'est ce qui se passe. Cela se passe en ce moment même.

Nous avons protégé juridiquement les droits des autres Premières nations dans le traité lui-même et nous avons autorisé les tribunaux à annuler cela, si nécessaire, à l'avenir. Nous avons accordé à ces autres Premières nations toute la protection que nous pouvons légalement leur accorder dans le cadre du traité pour faire en sorte que celui-ci ne porte pas atteinte à leurs droits. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire d'autre, sinon ce que nous faisions par le passé, c'est-à-dire imposer la décision dictatoriale d'un non-autochtone et décréter quelle doit être la solution du problème du chevauchement. Si je m'engage sur cette voie -- ce qui est, à ma connaissance, la seule façon d'agir rapidement --, il faudra qu'un certain nombre de gens négocient pour arriver à trouver une solution. Il ne nous paraît pas équitable d'empêcher les autres Premières nations et le pays de progresser simplement pour clarifier les choses, en particulier, en Colombie-Britannique.

Dans ma vie antérieure, j'étais très actif dans le secteur des mines et des forêts. J'ai parlé aux grands acteurs de ces secteurs. En Colombie-Britannique, ils me disent qu'ils veulent que ces traités soient conclus parce que, tant qu'ils n'existent pas, leurs investissements et leur capacité à faire des affaires en pâtissent.

Nous pouvons émettre des décrets, comme nous l'avons fait dans le passé, et commettre toutes sortes d'erreurs, ou nous pouvons protéger leurs droits et leur permettre de prendre peu à peu eux-mêmes les décisions sur le chevauchement. Nous sommes convaincus que les Gitanyows et d'autres rencontreront les Nisga'a dans des circonstances différentes et régleront ce problème.

Le sénateur Lawson: Pourquoi pas une troisième option, c'est-à-dire encourager la médiation pour rapprocher les gens et accélérer ce processus?

M. Nault: Nous faisons cela en partie. Je laisserai à M. Molloy le soin de vous dire ce que nous faisons en matière de négociation.

M. Molloy: Il est peut-être bon de prendre un peu de recul et d'examiner la politique relative à la conclusion de traités quand il existe un accord sur les chevauchement. Il est peut-être bon de savoir que ce n'est pas quelque chose qui s'est fait sans prêter attention aux droits des autres Premières nations. Nous l'avons fait, en premier lieu, pour ce qui est de l'accord et de l'inclusion de ces dispositions. Nous avons adopté une politique différente en 1992-93, parce que, d'après la précédente, nous ne pouvions pas conclure un traité si des accords n'avaient pas été conclus au sujet des chevauchements. Cela donnait à un groupe un moyen de pression sur l'autre. Par exemple, si un groupe n'est pas intéressé par l'obtention d'un traité, il pourrait donc retarder le processus. La politique du gouvernement a été modifiée. Lorsque les deux groupes ont tenté, de bonne foi, de régler le problème du chevauchement ou de négocier cette question mais n'y sont pas parvenus malgré tout leurs efforts -- et le traité stipule expressément que les droits ne sont pas remis en cause --, le traité peut alors aller de l'avant.

Du point de vue du Canada, dans le cas des Nisga'a et des Gitanyows -- et je pense que les Nisga'a vous expliqueront dans tous les détails ce qui s'est passé au fil des ans --, nous avons amené les parties à se rencontrer à plusieurs reprises, et nous avons assisté à des réunions où nous avons essayé de les encourager à régler eux-mêmes leurs différends. Nous savons qu'ils se sont rencontrés sans nous à plusieurs reprises. Nous leur avons proposé de mettre en place une procédure de médiation avant même la conclusion du traité. Nous avons aussi proposé de couvrir les frais nécessaires pour que les parties se réunissent. Nous n'avons pas du tout négligé les Gitanyows. Nous avons essayé de résoudre le problème.

En outre, il y a des négociations en cours avec les Gitanyows et la province, et le Canada leur a soumis une offre qu'ils sont en train d'étudier.

Il y a des négociations avec les Gitanyows depuis que la Commission des traités de la Colombie-Britannique a entamé ce processus en 1993-94.

Le sénateur St. Germain: Que répondez-vous, monsieur Molloy, quand on dit que le ministère des Affaires indiennes et le gouvernement fédéral contrôlent le financement et que les Premières nations ne reçoivent pas l'argent nécessaire pour s'occuper correctement de leurs revendications?

D'une certaine façon, cela les empêche de négocier correctement. Ils disent que c'est ce qui se passe, que le gouvernement fédéral ne leur fournit pas les fonds, qu'ils ne reçoivent pas un financement approprié à cause de la taille de leurs bandes et d'autres questions relatives à leur capacité à négocier de bonne foi.

M. Molloy: Dans le cadre de la négociation des traités de la Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral et celui de la province fournissent une certaine somme à la Commission des traités de la Colombie-Britannique, qui la répartit ensuite en fonction du nombre de Premières nations qui participent à ces négociations et d'autres facteurs. Les fonds que les Premières nations ont reçu de cette commission -- et les Nisga'a en ont reçu avant cela parce qu'ils ont entamé ce processus avant la négociation sur les traités -- sont des prêts. Donc, dans le cas des Nisga'a, le traité leur fait obligation de rembourser cette somme. Les autres bandes qui participent à ce processus en Colombie-Britannique empruntent l'argent à la commission, qui le répartit conformément aux critères qu'elle a établis.

Le sénateur St. Germain: D'après ces bandes, ce sont ces critères qui compromettent leurs efforts de négociation. Je ne fais que répéter ce qu'on m'a dit, monsieur le ministre. Je n'essaie pas d'inventer quoi que ce soit. Je fais peut-être erreur, mais c'est ce que je déduis des explications que m'ont données ces autres bandes.

M. Nault: D'après ce que je sais à titre de participant aux réunions sommet qu'organise la commission, le processus qu'elle a mis en place reflète un accord intervenu entre toutes les parties. Je suis surpris d'entendre cela. J'aimerais bien savoir en détail pourquoi ce commentaire a pu être fait, simplement parce que la raison en est qu'ils sont obligés de négocier. Il s'agit de prêts, ce n'est donc pas comme si nous leur donnions de l'argent. Nous ne leur donnons pas d'argent. S'ils veulent contracter un emprunt, ils doivent répondre à certains critères. Nous sommes tout à fait prêts à leur consentir ce prêt. Une des principales plaintes que nous recevons est que ce sont des prêts. Les Premières nations sont d'avis qu'elles ne devraient pas avoir à demander un prêt au gouvernement du Canada pour négocier -- en fait, ce devrait être une sorte de subvention. C'est un gros problème pour plusieurs Premières nations, surtout les petites, quand la négociation prend trop longtemps, parce que cela coûte très cher.

Je serais heureux de recevoir ces renseignements et de vérifier de quoi il retourne à votre intention parce que je suis surpris d'entendre cela. J'ai entendu bien des plaintes à propos de notre Commission des traités de la Colombie-Britannique, mais pas celle-là. C'est la première fois que j'entends cela.

Le sénateur Sparrow: Vous dites que la Charte des droits s'applique à l'accord nisga'a, parce que dernier le stipule. La Charte des droits s'applique toutefois aussi au Parlement du Canada et aux provinces, n'est-ce pas?

M. Nault: C'est exact.

Le sénateur Sparrow: Aux termes des dispositions générales de la loi constitutionnelle, le fait que la Charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés -- ancestraux, issus de traités ou autres -- des peuples autochtones du Canada, notamment aux droits ou libertés qui existent maintenant en vertu des accords intervenus sur des revendications territoriales ou qui peuvent être acquis de cette façon. Cet accord confère de tels droits.

Il me semble qu'il y a un conflit quant à la façon dont la Charte des droits est appliquée. Même si l'accord dit qu'elle s'applique, ce n'est pas nécessairement le cas aux termes de la Constitution.

M. Molloy: Le traité prévoit que la Charte des droits et libertés s'applique. Vous pouvez alors consulter la Charte des droits et libertés pour examiner toutes ses dispositions précises. Elle inclut à la fois des droits individuels et des droits collectifs. Pour l'interpréter, il est évident que les tribunaux doivent voir comment l'article 35 s'applique dans un cas donné. Plusieurs autres articles mentionnent un droit collectif ou disent qu'il faut en tenir compte quand les droits individuels sont invoqués. Il y a des dispositions concernant le français, les écoles séparées et diverses autres questions.

Le sénateur Beaudoin: Il ne fait aucun doute que la Charte des droits et libertés s'applique. Les droits issus de traités mentionnés à l'article 35 s'appliqueraient toutefois également. Il n'y a pas de contradiction. En d'autres termes, ils ont les mêmes droits que tout autre citoyen, mais, en outre, du fait qu'ils sont autochtones, ils ont des droits issus de traités en vertu de l'article 35.

Le sénateur Christensen: Je connais très bien l'accord-cadre définitif du Yukon, mais je ne suis certainement pas experte en la matière. Certaines des questions soulevées aujourd'hui, comme le chevauchement et l'inscription, y étaient traitées, par exemple la détermination de l'appartenance aux bandes afin que les membres puissent ratifier les différents accords. C'est quelque chose qui n'est pas nouveau et qui n'est pas simplement traité ici.

On présente cet accord comme établissant un précédent, un modèle, en quelque sorte, et je ne le considère pourtant pas comme cela. Comme vous l'avez signalé, chaque accord est négocié en fonction d'une situation précise pour essayer de répondre aux besoins d'une bande donnée. De nombreuses choses sont semblables, mais il y a différentes parties de ces accords qui concernent très spécifiquement une bande déterminée et ses besoins.

Pour moi, c'est peut-être un modèle pour la Colombie-Britannique, parce que c'est le premier qu'on présente. Seriez-vous d'accord pour dire que c'est cela qu'ils prennent en considération? Quand ils disent que c'est un modèle pour tout le reste, ce n'est pas réellement le cas. Il fait suite à d'autres accords qui sont intervenus dans d'autres secteurs.

M. Nault: Sénateur, une des questions auxquelles nous sommes confrontés tous les jours en tant que gouvernement et que Canadiens est que nous continuons à recevoir des opinions supplémentaires des tribunaux quand ils définissent à notre place certaines questions juridiques concernant les autochtones. Les choses ont changé dans une certaine mesure. Je pense qu'il est juste d'en faire état publiquement.

Certains principes sont communs à toutes les négociations dans l'ensemble du pays. Bien entendu, le gouvernement du Canada a des politiques sur la base desquelles il s'efforce d'établir les mandats de ses négociateurs. Comme vous le savez, en tant que ministre, je dois obtenir un mandat du Cabinet chaque fois que nous voulons engager des discussions sur un accord. Je ne peux pas m'aventurer à prendre des décisions par moi-même en fonction de mes désirs personnels. Certains principes doivent être respectés. Donc, vous constaterez qu'il y a des éléments communs dans tout le pays. Que ce soit dans les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon ou la Colombie-Britannique, ou n'importe où ailleurs, vous constaterez l'existence de certains de ces éléments communs.

Cela ne veut pas dire que nous cherchons un modèle. Évidemment, certaines initiatives politiques donnent à penser, par exemple, que nous insistons sur l'application de la Charte. Quelqu'un prétendra-t-il que c'est un modèle? Je suppose qu'on pourrait dire, si on le voulait, que c'en est un, parce que j'insiste sur l'application de la Charte parce que, sinon, nous nous retrouverons devant un tribunal et nous ne serons pas plus avancés qu'auparavant. C'est un des principes sur lesquels le gouvernement insiste lors des négociations. Je peux vous en dresser toute une liste. J'avancerai même que, je suppose, cela encourage l'opposition à laisser entendre que c'est ce qu'on aura dans toute la Colombie-Britannique.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, M. Molloy est aussi négociateur pour les Sechelt et il peut vous dire qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Première nation sechelte d'appartenir à la famille constitutionnelle dans les mêmes conditions que celles de ce traité. Cela nous convient tout à fait parce que les principes que nous avons énoncés sont encore respectés -- que la Charte s'appliquera, de même que certaines lois qui sont importantes pour le Canada.

Le sénateur Christensen: Cet accord concède-t-il aux Nisga'a des droits constitutionnels plus étendus que d'autres accords négociés récemment?

M. Nault: Je dirais que la réponse à cette question est «non».

Le sénateur Christensen: Est-il possible d'apporter maintenant des amendements à ce projet de loi?

M. Nault: Si vous amendiez le projet de loi, nous annulerions l'accord. En fait, il nous faudrait reprendre les négociations parce que les trois participants se sont tous entendus sur ce traité de bonne foi. Il faut accepter cet accord, et c'est la même chose que quand M. Clinton signe un traité avec un pays étranger ou quand nous avons signé l'Accord de libre-échange. La proposition était, fondamentalement, à prendre ou à laisser, et il en va exactement de même dans ce cas-ci.

Donc, c'est à vous de décider si nous avons fait un bon travail ou non. Si vous rejetez l'accord, il faut alors que je reprenne les négociations parce que j'ai deux autres partenaires qui voudraient avoir leur mot à dire à propos des raisons pour lesquelles le Sénat a décidé de modifier le traité unilatéralement. Je n'ai ni le droit ni la possibilité de le faire.

Le sénateur Gill: Certains ont dit que la citoyenneté est une question importante. Dans cette salle, il y a des sénateurs autochtones et des non-autochtones. Qui a décidé que les Nisga'a étaient différents? Je pense que vous le savez depuis le début. Nous essayons de vivre ensemble depuis 500 ans. Aujourd'hui, j'ai encore mon certificat de statut d'Indien. Voulez-vous connaître mon numéro? Il y a un numéro sur ce certificat. Le sénateur Watt a peut-être perdu sa carte, mais il en avait une.

Le sénateur Watt: Je l'ai encore.

Le sénateur Gill: Le sénateur Watt avait une carte qui pendait à son cou. Qui prenait les décisions à cet égard?

La question de la citoyenneté est une question sérieuse. Dans notre pays, qui a le droit de décider qui nous sommes ou qui nous aimerions être? Je suis sûr que les non-autochtones l'ont décidé par eux-mêmes, et leurs parents aussi. Nous, non. Les Nisga'a, non plus. Quelqu'un d'autre définissait notre statut et notre citoyenneté. Si nous voulons parler sérieusement de la citoyenneté, nous devons examiner la situation actuelle.

Je ne veux pas me laisser guider par mes émotions, mais c'est très difficile quand nous parlons de cela, mes amis.

Les Nisga'a demandent à définir eux-mêmes leur propre statut. N'est-ce pas normal? N'est-ce pas le minimum que nous pouvons demander dans notre pays? Il est grand temps que nous définissions notre statut. Donnez-nous un peu d'espace pour cela et faites-nous confiance. Je ne pense pas que les autochtones aient des capacités inférieures aux autres. Nous pouvons être des citoyens très sérieux de notre pays. Nous aimerions construire notre pays avec vous. Nous aimerions être vos partenaires. Vous avez refusé de nous accepter depuis le début. Nous avons essayé de construire ce pays et nous avons amené la paix dans ce pays. Il est grand temps que vous nous donniez un peu d'espace. Les Nisga'a demandent un peu d'espace. Ne pensez-vous pas qu'il est grand temps de faire quelque chose? Nous devons ouvrir nos esprit et nos coeurs.

Nous parlons de valeurs différentes. Je trouve que les avocats sont très intelligents et très utiles, mais il est parfois difficile de traiter avec eux. Toutefois, dans notre société, nous avons besoin d'avocats. Je vous demanderais de donner un peu d'espace aux Nisga'a.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le président, je voudrais commenter les propos du ministre à propos du fait que l'opposition aurait avancé le mot «modèle». Nous ne sommes pas l'opposition.

M. Nault: Je ne parlais pas de vous, sénateur.

Le sénateur St. Germain: Vous avez fait référence au fait que toute personne qui avance cela dans ce contexte constitue l'opposition. Je veux que vous sachiez, clairement et sans équivoque, que nous ne sommes pas l'opposition. C'est le juge en chef de notre pays qui a dit: «Nous sommes tous ici pour y rester.» Nous sommes débordés.

Je pense que mon ascendance autochtone est aussi importante que celle du sénateur Gill et du sénateur Watt. Je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet parce que je suis ici pour trouver une façon de résoudre le problème de l'accord avec les Nisga'a que puissent accepter tous les habitants de la Colombie-Britannique.

Je vais vous dire ce qui va se passer. Il y aura un jour un changement de gouvernement en Colombie-Britannique. Si nous n'obtenons pas ce droit, à l'avenir, les bandes ne pourront pas négocier les règlements, parce que c'est un processus tripartite auquel il faut que la province, le gouvernement fédéral et les autochtones soient associés.

L'accord nisga'a est une chose, et il est aussi important que n'importe quoi d'autre. Toutefois, si vous voulez éliminer toute ambiguïté lors de futures négociations en Colombie-Britannique, nous devons négocier avec toutes les Premières nations. Si, pour je ne sais quelle raison, nous créons une situation contraire à l'esprit des négociations et si le gouvernement provincial adopte une attitude de cette nature, cela nuit au 49 autres accords dont vous devrez vous occuper, vous-même ou un autre ministre.

Voilà pourquoi nous contestons cela. En Colombie-Britannique, les non-autochtones disent: «Très bien, nous allons avoir un accord. Sera-t-il définitif? Une imputabilité est-elle prévue afin que tous les autochtones en bénéficient, pas simplement les chefs ou ceux qui sont en haut de l'échelle?» Voilà les questions qu'on nous pose. Nous avons le droit et nous avons l'obligation de poser des questions à propos de tous les aspects de cet accord parce qu'il sera historique.

Vous avez fait référence aux municipalités. Les négociateurs Nisga'a ont fait référence au fait que les municipalités reçoivent des versements de transfert. Il ne s'agit pas là d'une municipalité. S'il y avait délégation de pouvoir, il n'y aurait pas à en discuter. C'est différent. C'est un autre pas en avant. Je ne dis cependant pas que nous ne devrions pas le faire.

Le sénateur Gill: C'est un pas en avant positif.

Le sénateur St. Germain: Je ne dis pas le contraire. Tout ce que je dis c'est que j'espère que, dans la province, les autres seront traités équitablement et d'une façon qui mettra fin aux ambiguïtés, ce qui est nécessaire pour la bonne marche de l'économie.

M. Nault: Permettez-moi d'établir clairement quelque chose. J'ai abondamment répété que ce n'est pas un modèle. Je vous présente mes excuses pour l'emploi du mot «opposition». Je ne considère pas qu'il y a une opposition au Sénat et j'ai toujours eu l'impression que les sénateurs, qui examinent sereinement les questions qui leur sont soumises, sont au-dessus de cela. Je parlais du Parti réformiste quand j'ai dit «opposition». Ses membres disent constamment à la population de la Colombie-Britannique que c'est un modèle pour l'avenir; je n'ai jamais fait un tel commentaire, et je ne le ferais pas, parce que ce n'est pas le cas. Si je le faisais, cela bloquerait les négociations des autres accords dans l'ensemble du pays. Les Premières nations ont des besoins particuliers et je ne veux pas qu'il soit établi que j'ai dit que, pour le gouvernement, cet accord est un modèle, parce que ce n'est pas vrai.

Le sénateur Lawson: L'ancien premier ministre de la Colombie-Britannique, Glen Clark, l'a brandi en disant: «C'est le modèle de tous les futurs accords.»

M. Nault: Il n'est plus là, vous savez donc ce qui arrive aux gens qui ne comprennent pas ce qui se passe. J'essaie de prendre mes distances par rapport à certaines personnes de la Colombie-Britannique, comme vous pouvez l'imaginer, et aucune d'entre elles n'est ici dans cette salle.

Je souhaite dire, monsieur le président, que j'ai essayé de rester à votre comité plus longtemps que la plupart des gens le feraient parce que c'est une question très importante pour le gouvernement du Canada et pour la population du Canada. Je crois que nous entrons maintenant dans une ère nouvelle dans nos relations avec les Premières nations.

Oui, nous allons là où nous ne sommes jamais allés auparavant, et nous insistons pour le faire. Ce que nous faisons n'a jamais été fait et, à notre avis, comme les sénateurs l'ont dit ce soir, nous pensons qu'il faut permettre aux gens des Premières nations de décider eux-mêmes de la forme que prendront leurs relations. Il faut que vous continuiez à examiner notre travail, parce que c'est quelque chose de nouveau, et nous devons faire en sorte de ne pas nous tromper.

Je n'ai pas peur de m'engager dans un débat, même dans un contexte juridique. Comme certains sénateurs, je pense qu'il n'est pas toujours bon qu'il y ait trop d'avocats à la table de négociation. En tant que négociateur syndical, j'ai tendance à penser que nous pouvons obtenir de bien meilleurs résultats si nous laissons les avocats chez eux. Toutefois, c'est un autre sujet à discuter une autre fois, et je ne veux pas créer de frustration chez nos avocats ce soir.

Je pense que la stratégie et la position adoptées par le gouvernement du Canada -- pas seulement par notre gouvernement, mais aussi par les gouvernements précédents --, qui consiste à préférer la négociation au litige, est réellement la bonne solution.

Si je dois vous laisser un message ce soir, c'est qu'à notre avis, c'est un très bon compromis. C'est, dans une large mesure, un accord équilibré. Les Nisga'a ont renoncé à beaucoup de choses. Croyez-moi, si vous aviez siégé à certaines des tables de négociation ou si vous aviez été au courant de certaines des choses qui se sont passées, vous conviendriez probablement que c'est un très bon accord pour toutes les parties. Nous pensons qu'il mérite que vous lui accordiez votre attention, et nous espérons que vous l'adopterez, non seulement pour le gouvernement du Canada, mais, bien entendu, pour les Nisga'a eux-mêmes.

Je tiens à vous remercier de m'avoir permis de venir, pour la toute première fois, au Sénat. J'espère que je comparaîtrai souvent devant vous à propos d'autres accords et d'autres traités, afin que nous puissions reprendre cette discussion à de nombreuses reprises.

Comme je l'ai dit à mes collègues, je suis le seul ministre de ces dernières années qui ait cherché à obtenir ce poste. Je suis peut-être un peu différent, mais je pense que c'est un merveilleux endroit où travailler et je suis enthousiaste à l'idée de travailler à la mise en place de nos relations pour le nouveau millénaire. Je suis toujours content d'avoir l'occasion de parler des autochtones et de leur place au Canada.

Si vous voulez que je revienne, je le ferai, mais je ne pourrai pas rester aussi tard la prochaine fois parce que j'ai un enfant de trois ans qui pleure si je ne rentre pas à la maison. Il pleure depuis une heure et demie, je dois donc m'en aller.

Le sénateur Tkachuk: Je suis conscient de la frustration qu'éprouvent les sénateurs Gill et Sibbeston à ce sujet, mais, monsieur le président, je vous dirai maintenant que je couperai les cheveux en quatre à propos de ce projet de loi. Ceux d'entre nous qui viennent de l'Ouest ont vu ce qui se passe quand on empêche tout débat, comme cela s'est produit en Colombie-Britannique, et que les gens ont peur de parler de ce qui figure dans l'accord.

Je n'ai pas à m'excuser auprès de qui que ce soit pour ma détermination à régler définitivement ce problème. Cela fait cinq ans que j'expose mes idées sur cette question. Je pense que notre président et notre vice-président ont eu raison d'accepter un échéancier de, je crois, huit semaines.

Le président: Nous ne nous sommes pas entendus sur un échéancier précis.

Le sénateur Tkachuk: J'ai vu la liste des témoins, je pense donc que nous examinerons ce projet de loi en profondeur. Nous montrerons ce qu'il est, c'est-à-dire, je pense, un accord raisonnable. Il présente peut-être certains problèmes, mais ils seront exposés publiquement. C'est le travail que nous devons faire. C'est l'engagement que nous devons prendre, et ce n'est pas pour autre chose que pour nous assurer que la population canadienne ait la possibilité de voir ce que contient cet accord. Agir de façon précipitée entraînerait des problèmes du même genre que ceux qui se sont produits en Colombie-Britannique, et je ne pense pas que nous voulions voir cela dans d'autres parties du Canada. De mon point de vue et de celui des gens de mon parti, nous sommes déterminés à examiner ce projet de loi de façon exhaustive. Il ne s'agit de rien d'autre que d'examiner ce projet de loi, ce qui est notre travail de sénateurs.

Le président: J'ai l'intention de présider à un examen approfondi et attentif de ce projet de loi. Il sera historique, en particulier en Colombie-Britannique. Il est clair que je suis en faveur de ce projet de loi. Je m'occupe des questions sur lesquelles il porte depuis de longues années, je n'ai donc pas un retard à combler à toute vitesse. Je suis toutefois conscient qu'un grand nombre de personnes ici présentes devront prendre une décision et qu'il leur faut du temps pour examiner et comprendre les questions dont est saisi notre comité. Je sais que le ministre le comprend et l'accepte.

Monsieur le ministre, au nom du comité, permettez-moi de vous dire que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir passé trois heures avec nous ce soir. Je tiens à vous dire qu'un jour, votre enfant de trois ans appréciera réellement le temps que vous avez passé ici avec vos collègues pour étudier ces questions avec nous. Je crois que nous voyons plus clairement les choses. Je ne pense pas que vous ayez vu se manifester dans notre comité un esprit partisan comme vous le voyez dans votre Chambre. Je pense que nous aborderons ce projet de loi de façon sereine, sérieuse et positive.

Je tiens à signaler publiquement que 18 sénateurs étaient présents ici ce soir et sont restés avec vous jusqu'à la fin pour entendre ce que vos collègues et vous-même aviez à dire.

M. Nault: Avant de m'en aller, je veux vous rappeler que, si vous avez besoin de renseignements supplémentaires, nous vous les fournirons. Comme le sénateur Tkachuk, je pense qu'il est nécessaire d'avoir une discussion approfondie et de couper les cheveux en quatre. Nous espérons qu'il en sera ainsi, parce qu'à l'autre endroit, nous avons eu beaucoup de mal à examiner concrètement le traité. Nous avons été très irrités par le fait qu'à l'autre endroit, nous n'avons pas pu parler en détail des dispositions des chapitres de l'accord et de leur signification. Je pense que c'était un mauvais service envers la population du Canada et de la Colombie-Britannique. S'il y a quelque chose que nous pouvons faire, les fonctionnaires sont à votre disposition. Nous sommes prêts à vous présenter tout ce que vous voulez, sauf notre avis juridique.

La séance est levée.


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