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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 4 mai 2000

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'agriculture au Canada et examiner certaines questions relatives au revenu agricole.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, avant d'entendre nos témoins de ce matin, je tiens à mentionner que la conférence du Conseil international des céréales aura lieu à Regina du 14 au 16 juin. Nous allons garder cela à l'esprit. J'aimerais bien y assister, tout comme le sénateur Wiebe et d'autres sans doute. Ce sera sans aucun doute une conférence importante.

M. Blair Armitage, greffier du comité: J'enverrai une note de service à tous les membres pour savoir si cette conférence les intéresse et je ferai rapport au comité directeur.

Le sénateur Wiebe: Devons-nous faire savoir que nous y assisterons? Quel est le protocole?

Le président: Il est bon d'être informé.

M. Armitage: J'enverrai une note de service. Essentiellement, le comité assumera les frais d'inscription à la conférence ainsi que les coûts d'hébergement et les autres coûts connexes.

Le président: Je souhaite la bienvenue au comité au sénateur Wiebe, de la Saskatchewan. Il apportera un soutien considérable au secteur agricole. Sa connaissance du monde agricole sera un véritable atout pour le comité.

Bienvenue, Jack Wiebe. Vous vous retrouverez peut-être du mauvais côté de la clôture.

Le sénateur Wiebe: Je suis impatient de commencer.

Le président: Ce matin, nous sommes heureux d'accueillir les représentants de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities. Vous avez la parole.

M. Sinclair Harrison, président, Saskatchewan Association of Rural Municipalities: Je suis accompagné ce matin par Arita Paul, gestionnaire des Services agricoles de la SARM. Nous vous remercions de votre invitation à comparaître devant vous ce matin. Il semble que ce soit l'introduction officielle de M. Wiebe au comité. Le sénateur Wiebe et la SARM ont entretenu de bonnes relations pendant son mandat de lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan. L'année de son entrée en fonction, il a créé un prix qui a été présenté au congrès de la SARM tous les ans. Cette tradition s'est poursuivie pendant les six années au cours desquelles il a occupé le poste de lieutenant-gouverneur et maintenant, le nouveau lieutenant-gouverneur, Lynda Haverstock, poursuit cette tradition.

Le président: Je croyais que les lieutenants-gouverneurs étaient toujours neutres.

M. Harrison: C'est exact. Nous l'avons toujours trouvé neutre.

Nous nous excusons de ne pas vous avoir envoyé notre mémoire au préalable pour le faire traduire. Rien n'excuse cette négligence, mais à tout le moins vous n'avez pas eu à le lire tard hier soir. Vous trouverez un sommaire au début de notre mémoire.

La Saskatchewan compte 297 municipalités rurales représentant le gouvernement local rural. La SARM est une association bénévole et la totalité des municipalités rurales en sont membres. Notre objectif est de promouvoir les intérêts du monde rural de la Saskatchewan. Étant donné que la Saskatchewan ne compte pas d'organisations agricoles ayant de larges assises comme la Fédération de l'agriculture de l'Ontario ou la Keystone Agricultural Producers du Manitoba, nos membres ont choisi d'exprimer leur opinion par le biais des résolutions adoptées à notre congrès, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous comparaissons devant le Comité de l'agriculture. Chose certaine, nous nous intéressons vivement au gouvernement local et à l'ensemble du contexte rural en Saskatchewan.

Récemment, depuis six semaines, notre organisation a été entièrement accaparée par des discussions avec les autorités provinciales au sujet de la fusion de municipalités. Nous savons qu'au Québec, on vit la même situation. Nous pensons qu'il existe en Saskatchewan un cadre qui nous permet désormais de discuter de l'avenir non seulement des régions rurales, mais de l'ensemble de la Saskatchewan. Au départ, nous avons cru que les dirigeants provinciaux adopteraient en avril de cette année une loi forçant la fusion. Nous sommes convaincus qu'il n'est pas de mise de forcer quiconque à coopérer. La coopération devrait se faire en fonction de ses mérites.

Si l'industrie bovine se porte bien et si, heureusement, le secteur du porc a relevé la tête depuis quelques mois, les producteurs agricoles des Prairies traversent néanmoins une période difficile, en particulier dans le secteur des céréales et des oléagineux. Cette situation s'explique par des catastrophes naturelles causées par la sécheresse et les inondations, la hausse des coûts et la faiblesse des cours des denrées, en partie attribuable aux subventions accordés par d'autres pays. Le revenu agricole net réalisé en Saskatchewan en 1999 a été estimé à 96 millions de dollars, soit une baisse de 87 p. 100 par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. La Saskatchewan est la seule province qui affiche des revenus agricoles négatifs pour la période allant de 2001 à 2003. Les faillites recensées dans la province ont augmenté de 8 p. 100 en 1999 alors que la moyenne nationale a diminué de 1 p. 100.

Nous, de la Saskatchewan, estimons que les deux prochaines années sont cruciales pour l'avenir de l'agriculture de la province, en particulier pour la céréaliculture.

Le transport est un élément clé du secteur des céréales de l'Ouest, puisqu'il est fondé sur l'exportation. En ce moment, nous attendons les recommandations du gouvernement à l'égard de la réforme du transport. Cette réflexion se poursuit depuis un certain temps déjà, ayant commencé sous la direction de M. Estey et ensuite de M. Kroeger. Ces derniers mois, nous avons tous consenti un intense effort de lobbying et si rien ne se produit d'ici une semaine ou deux, nous savons que le créneau permettant un changement aura disparu pour cette année. Cela signifie que nous devrons consacrer une autre année à traiter avec le gouvernement de l'heure, à exercer des pressions pour essayer de susciter les changements qui s'imposent dans le secteur du transport des céréales.

L'objectif que nous visons grâce à ces réformes est un taux de transport des marchandises plus bas moyennant une réduction du tarif et une véritable concurrence. Une réduction du tarif d'au moins 5 $ la tonne est réaliste et permettrait aux producteurs de la Saskatchewan d'épargner quelque 100 millions de dollars par année. Les agriculteurs devraient devenir propriétaires des 13 000 wagons-trémies du gouvernement, ce qui leur donnerait la possibilité de réaliser des économies et de réduire leurs coûts.

La question des wagons-trémies a été abordée dans le cadre d'un processus parallèle, et non du processus Kroeger. Ce n'est pas que les agriculteurs de l'Ouest veuillent jouer au chemin de fer. Ils veulent occuper une place importante à la table des transports et tant qu'ils ne posséderont aucun actif dans ce domaine, ils seront traités comme un groupe insignifiant dans cet exercice. S'ils étaient propriétaires de la moitié du matériel roulant qui transporte les céréales, ils auraient assurément une place plus significative à la table. C'est donc une question que nous souhaitons régler dans le contexte de la réforme du transport des céréales.

Qui plus est, le réseau routier a fait l'objet de la majeure partie des changements de politique du gouvernement fédéral qui ont causé une consolidation rapide des systèmes de manutention et de transport des céréales et modifié les pratiques d'acheminement des céréales. À elle seule, la Saskatchewan a besoin de 65 millions de dollars pour réparer les dommages croissants infligés à son infrastructure routière en raison du transport des céréales par camion. Le gouvernement fédéral devrait réinvestir un pourcentage beaucoup plus élevé du revenu tiré de la taxe sur le carburant dans l'infrastructure routière de la province.

Quiconque s'est rendu dans l'Ouest, et en particulier en Saskatchewan au cours des dernières années, n'a pas manqué de constater la consolidation du système de manutention des céréales. De gros élévateurs en béton ont remplacé les structures en bois. Notre réseau routier n'a pas suivi le rythme du changement. Cela exigera un investissement substantiel de la part des trois paliers de gouvernement -- fédéral, provincial et local. Aucun d'entre eux ne s'est attelé à la tâche de restaurer l'infrastructure routière. Cela a des répercussions sur la sécurité étant donné que nos ambulances et nos autobus scolaires doivent couvrir de plus grandes distances. En outre, l'achalandage routier augmente et la surface des routes n'est pas ce qu'elle devrait être.

L'infrastructure est une condition du développement. Si le gouvernement fédéral veut véritablement assurer le développement et la pérennité du secteur rural, il devrait adhérer à un plan quinquennal d'investissement dans l'infrastructure. Parmi les programmes gouvernementaux qui revêtent beaucoup d'importance pour l'économie agricole, citons le Fonds d'innovations agroalimentaires, le Programme de consultation agricole et le Service de médiation en matière d'endettement agricole.

Même si nous sommes encouragés par le rendement vigoureux de l'industrie bovine, il est nécessaire de saisir les occasions qui existent d'élargir le secteur de l'élevage en Saskatchewan. On calcule que la Saskatchewan pourrait augmenter d'environ 60 p. 100 ses troupeaux bovins sans devoir pour autant accroître les superficies consacrées au pâturage. La création d'usines de conditionnement et d'autres retombées économiques connexes ne manqueraient pas de suivre.

Un filet protecteur complet, y compris un programme à long terme assurant le soutien du revenu ou le recouvrement du coût de production, constituera un volet important de l'avenir de l'agriculture. Le financement consacré au système protecteur servira d'appoint et fournira le capital nécessaire dont ont besoin les agriculteurs en période de faible revenu. Ainsi, ils seront en mesure d'investir dans des pratiques de conditionnement à valeur ajoutée à l'avenir. À l'heure actuelle, le filet protecteur national comprend trois aspects: des programmes nationaux comme le CSRN et les avances au comptant, l'assurance-récolte et des programmes connexes. Des programmes liés à des catastrophes, comme l'ACRA, ne relèvent pas de l'enveloppe du filet protecteur ordinaire. Ces programmes répondent à certains besoins mais ils comportent des lacunes. Par exemple, le CSRN a été conçu pour aider les producteurs victimes de fluctuations des prix et non pas d'une baisse des prix à long terme et partant, est d'une utilité limitée aux agriculteurs débutants.

Enfin, le traitement inéquitable des provinces de l'Ouest, en particulier de la Saskatchewan et du Manitoba, doit cesser. Entre autres exemples de cette iniquité, mentionnons le refus de désigner zones sinistrées les régions victimes de sécheresse et d'inondation de ces provinces, les changements à la formule d'allocation des fonds consacrés au filet de protection national, formule qui accorde à toutes les autres provinces une augmentation de leur financement tout en maintenant au même niveau le Manitoba et la Saskatchewan; une réduction du financement de l'an 2000 pour les catastrophes naturelles à un moment où les producteurs de ces provinces en ont le plus besoin; et le fait que l'on assimile à un revenu les paiements de rajustement pour le transport, ce qui réduira les versements de crédits liés aux catastrophes dans ces provinces.

Le rôle du gouvernement devrait être d'offrir une vision claire pour l'avenir et d'éliminer les obstacles à sa réalisation. Le filet protecteur national sera un volet important des efforts du gouvernement pour assurer un avenir prospère dans le domaine agricole.

Nous avons un certain nombre de recommandations, à propos desquelles vous voudrez sans doute poser des questions plus tard au cours de la séance. Ce sont les suivantes: premièrement, instaurer un programme de transport qui se traduira par un abaissement du taux de fret. De plus, nous ne souhaitons pas que soit mise en oeuvre la hausse de 4,5 p. 100 du taux de fret proposée par l'OTC, l'Office des transports du Canada. Deuxièmement, appuyer des initiatives de développement économique destinées aux producteurs en éliminant les obstacles à leur participation. D'ailleurs, le gouvernement devrait également assortir ces initiatives d'incitatifs. Troisièmement, conserver des programmes comme le Fonds d'innovation agroalimentaire afin de maintenir sur la bonne voie les efforts de diversification de la Saskatchewan. Quatrièmement, réinvestir les revenus tirés de la taxe fédérale sur le carburant dans l'infrastructure des transports de la province, point d'origine de ces fonds. Cinquièmement, supprimer la taxe d'accise fédérale sur le diesel et le carburant agricole, qui représente approximativement 47 millions de dollars pour les agriculteurs de la Saskatchewan. Cette mesure devrait être appliquée à l'échelle nationale, la rendant ainsi juste et équitable pour tous les agriculteurs du Canada.

Sixièmement, s'engager à financer l'infrastructure rurale et périagricole. Septièmement, accroître le développement des ressources humaines pour former des travailleurs devant servir les usines de transformation à valeur ajoutée. Lorsqu'on considère le profil démographique de la Saskatchewan, on constate que le secteur de la population qui y connaît la croissance la plus rapide est celui des Premières nations. D'ici 20 ans, les membres des Premières nations formeront la majeure partie de la population active. Il faut impérativement collaborer étroitement avec la communauté des Premières nations dans le domaine de la formation pour intégrer ses membres à la main-d'oeuvre de l'avenir. Huitièmement, désigner zones sinistrées les régions victimes de sécheresse et d'inondation et fournir l'aide financière correspondant à une telle désignation. Neuvièmement, revoir l'allocation de fonds puisés dans le filet de sécurité pour la Saskatchewan et le Manitoba. En effet, ce sont les deux provinces qui ont été le plus durement touchées par la faiblesse des prix mondiaux. Si des provinces devaient bénéficier d'une augmentation de leur financement à cet égard, ce devraient être ces deux-là. Dixièmement, compléter le filet protecteur en y ajoutant un élément à long terme qui permettrait d'offrir un soutien au cours de périodes prolongées de faible revenu. Le programme devrait comporter un volet offrant une assurance-revenu ou couvrant les coûts de production.

Le sénateur Chalifoux: Je vous remercie de ce résumé riche en informations. La semaine dernière, j'ai rencontré en Alberta une délégation au sujet de la nouvelle réglementation s'appliquant aux petites usines de transformation de la viande. Tout le monde s'intéresse à la sécurité alimentaire, mais d'après les porte-parole des petites entreprises de transformation, la réglementation est tellement stricte qu'elle provoque leur mise en faillite. En effet, ces petites entreprises sont forcées de fermer leurs portes. Soixante-cinq personnes travaillent à l'usine de transformation dont les dirigeants m'ont rencontré. Il s'agit d'une entreprise agricole modeste implantée dans une petite collectivité. Constatez-vous le même problème? D'après mes interlocuteurs, la seule compagnie capable de respecter la réglementation applicable aux usines de transformation est Cargill. Avez-vous rencontré le même problème dans vos municipalités?

M. Harrison: Cela semble un phénomène mondial: tout doit être énorme. En ce qui a trait à la fusion de municipalités, l'opinion dominante semble être que plus c'est gros, mieux c'est. Nous estimons qu'il existe des marchés de créneaux, particulièrement pour le bison et l'orignal. À notre avis, il arrive parfois que l'on impose des règlements sans réfléchir au fardeau financier qu'ils ajoutent aux petites entreprises de conditionnement ou à d'autres intervenants spécialisés. J'estime que ces observations étaient tout à fait fondées. Chose certaine, des préoccupations analogues ont été exprimées dans nos municipalités.

Dans nos discussions au sujet de la fusion, le développement économique a été à l'avant-scène. Notre gouvernement provincial semble penser que notre structure municipale faisait obstacle au développement économique. Nous lui avons prouvé, sans l'ombre d'un doute, que là n'est pas le problème. Aucun d'entre nous n'aime être blâmé pour quoi que ce soit. Nous pensons que c'est la réglementation fédérale et provinciale qui entrave l'expansion économique dans la région des Prairies, et non nos structures municipales.

Le sénateur Chalifoux: Savez-vous qu'il existe au sein des Premières nations et des Métis des sociétés et des organisations agricoles qui travaillent d'arrache-pied pour s'intégrer à ce secteur et qui se heurtent à d'énormes difficultés car on suppose que tout ce qui les concerne relève du ministère des Affaires indiennes? Ce n'est pas le cas. Avez-vous eu des contacts avec l'une ou l'autre de ces organisations?

M. Harrison: Il existe un forum appelé la Table ronde sur le gouvernement local, affilié à la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan. Il n'a assurément pas été aussi actif qu'il aurait pu l'être. Cela dit, en raison de l'exercice des droits fonciers issus des traités, certaines terres sont achetées dans les Prairies et particulièrement en Saskatchewan. Dans la foulée de revendications spécifiques, des réserves de demi-sections et de quarts de sections sont disséminées dans toute la province, et elles relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. En termes d'absence de compatibilité des arrêts municipaux, cela crée des problèmes considérables. D'une façon ou d'une autre, à l'échelle fédérale, provinciale et locale, il faudra améliorer la situation actuelle car elle provoque des ressentiments. D'un côté de la clôture la juridiction fédérale s'applique, et de l'autre, la juridiction provinciale. La loi provinciale ne s'applique pas. Dans les réserves traditionnelles telles que nous les connaissions, il y avait des blocs de terre considérables. Ils ont pris de l'ampleur en parallèle avec le système des municipalités rurales et les choses fonctionnaient bien. Cependant, à l'heure actuelle, on trouve ces petites poches de terre de réserve. Cette situation envenime les relations de voisinage, et nous devons éliminer ce problème.

Le sénateur Chalifoux: Qu'en est-il des Métis? Il existe d'importantes collectivités métisses à Batoche, à Prince Albert et dans les régions septentrionales. Êtes-vous en contact avec ces gens? Collaborent-ils avec vous pour régler les problèmes auxquels nous sommes tous confrontés en Saskatchewan et en Alberta?

M. Harrison: À l'heure actuelle, notre association n'a pas de table de travail avec la communauté métisse. C'est un autre domaine sur lequel nous devrions nous pencher.

Le sénateur Wiebe: Je vous remercie de votre exposé. Votre mémoire reflète l'opinion de l'agriculteur type de la Saskatchewan. Les échevins qui siègent aux conseils locaux des 270 municipalités qui adhèrent à la SARM participent directement à l'industrie agricole. Ils connaissent le secteur agricole parce qu'ils y vivent quotidiennement. Ces personnes représentent toute la gamme de l'échiquier politique de la Saskatchewan. En outre, ils représentent tous les domaines agricoles. Sénateurs, si vous voulez avoir une bonne idée des problèmes et des préoccupations dans la province de la Saskatchewan, vous l'avez ici même. C'est rafraîchissant.

Le pire problème dans le domaine agricole, c'est que nous savons tous quel est le problème mais qu'il est difficile d'obtenir des diverses organisations agricoles qu'elles adoptent une solution unique. La SARM fait de l'excellent travail pour tenter d'y arriver.

Ma première question porte sur le premier point de vos recommandations: le transport. Je crois savoir qu'en raison de la concurrence et de la volonté qu'ont manifestée les élévateurs de s'accaparer rapidement une part du marché ces dernières années, on consolide un nombre substantiel d'élévateurs dans la province. Ceux-ci déménagent dans les grandes villes et construisent d'imposants silos terminus à l'intérieur des terres. À tel point que maintenant, la province a une capacité de stockage bien supérieure à sa production céréalière. Les différents élévateurs se livreront donc une vive concurrence pour la production céréalière des agriculteurs, ce qui se traduira par le transport du grain sur de longues distances à même l'infrastructure existante, ce qui risque de rehausser encore davantage le coût de l'entretien et de la réfection de ces routes. Est-ce votre avis?

M. Harrison: Certainement. À ce stade-ci, nous estimons qu'il faut arrêter de bâtir des élévateurs en béton. Avec l'expansion de l'industrie porcine et, espérons-le, celle de l'industrie de l'engraissage de bovins, nous calculons qu'à long terme, la production céréalière augmentera sans doute mais que l'exportation diminuera. Nous ne savons pas trop sur quelles données se fondent les exploitants de silos-élévateurs, ni d'où viendront les volumes supplémentaires de céréales qui permettront de payer ces installations.

Comme le sénateur l'a fait remarquer, il y aura une concurrence féroce pour remplir ces élévateurs. Nous ne sommes pas contre la concurrence. Cependant, cette concurrence passera par des incitatifs à l'acheminement des céréales par camion sur de longues distances pour remplir un élévateur. Or, cela se fera aux dépens du système de transport, du réseau routier. Les deux enjeux sont en conflit. Nous aimons la concurrence, mais elle se fait aux dépens de ceux qui sont responsables du réseau routier: le gouvernement provincial et le gouvernement local. Notre réseau routier se détériore plus rapidement que nous ne pouvons le remplacer à l'heure actuelle, et nous estimons que la diminution du nombre d'élévateurs en bois et l'augmentation des élévateurs en béton sera préjudiciable au secteur rural de la Saskatchewan.

Cela dit, nous avons eu un signe encourageant au cours des quelques derniers mois. Il y a un an, on démantelait ou on brûlait les anciens élévateurs en bois. Il était impossible d'en faire l'acquisition. S'il y avait un embranchement, les propriétaires d'entreprises de stockage refusaient de vendre ces élévateurs en bois aux agriculteurs qui auraient pu ainsi établir une voie rapide, charger les wagons et faire ce qu'il convenait de faire pour leur communauté. Nous avons constaté un changement radical, particulièrement au sein du Saskatchewan Wheat Pool qui accepte maintenant de vendre ses élévateurs en bois aux collectivités. Nous aimons croire que nous avons quelque peu influencé cette décision. Nous avons en effet traîné toutes les entreprises de stockage devant le Bureau de la concurrence. Ce dernier a fait enquête. Il n'a pas encore rendu de décision finale, mais nous pensons que le simple fait qu'il procède à une enquête a amené le Saskatchewan Wheat Pool à changer son fusil d'épaule. Nous espérons que les autres entreprises de stockage de la Saskatchewan et de la région des Prairies vont envisager de vendre leurs élévateurs en bois aux collectivités.

À l'heure actuelle, on semble penser qu'il serait plus intelligent d'avoir un chemin de fer régional qui rassemblerait toutes les lignes secondaires ensemble au lieu d'avoir 40 ou 50 petites entreprises de lignes sur courte distance. C'est une bonne idée que d'avoir une ligne sur courte distance pour la collectivité, mais s'il était possible de faire appel à l'interfinancement pour financer le concept d'un chemin de fer régional, cela serait bon. C'est une idée qu'explorent à l'heure actuelle les acteurs fédéraux, provinciaux et locaux.

Le président: Le transport représente probablement le coût le plus important et la plus grande perte pour les agriculteurs quant au montant que vous recevez pour vos céréales. Par exemple, dans ma propre exploitation agricole, j'ai expédié un train double de type B qui m'a rapporté 3 600 $. Après avoir déduit tous les coûts, cette cargaison de blé m'a rapporté 1 400 $.

Les compagnies de camionnage disent ne plus pouvoir transporter des céréales par camion pour le même prix. Elles doivent faire payer plus cher. C'est ce qu'on entend maintenant. Les agriculteurs sont plus éloignés que jamais du jour où ils pourront transporter leurs céréales à l'aide de leurs propres camions. Je pense qu'à quelques exceptions près, toute l'industrie sera commercialisée. Quelle pression cela exercera-t-il sur les agriculteurs? Vous avez mentionné les compagnies de chemin de fer sur courte distance. À votre avis, représentent-elles seulement un outil de transition ou bien quelque chose de stable?

M. Harrison: Nous savons tous qu'une ligne secondaire qui est démantelée ne sera jamais reconstruite. Nous ne savons pas quelles lignes secondaires sont rentables et lesquelles ne le sont pas. L'aspect réconfortant pour quiconque achète une ligne secondaire, c'est qu'il y a une certaine valeur à la récupération. Nous avons des objections à une décision rendue récemment par l'OTC, mais mettons cela de côté pour un instant. Si l'on peut acheter une ligne secondaire pour le prix de la valeur de récupération nette, on ne risque rien, sauf l'intérêt sur l'investissement.

Récemment, nous avons fait des démarches auprès des autorités provinciales pour nous enquérir au sujet du concept de chemin de fer régional et nous leur avons dit que quelqu'un, par exemple le groupe On the Tracks qui a racheté la ligne de Churchill, devrait peut-être prendre l'initiative d'acheter toutes les lignes secondaires, à supposer que les compagnies de chemin de fer veuillent les vendre. Nous garderions celles qui sont rentables, en collaboration avec les collectivités, et celles qui ne sont pas avantageuses pour la région des Prairies seraient abandonnées et l'on en tirerait la valeur de récupération. C'est une approche raisonnable, si l'on procède au cas par cas.

Par contre, la situation à laquelle nous sommes confrontés maintenant et à laquelle nous nous opposons est la segmentation. La compagnie de chemin de fer décide de fermer un tronçon de 25 milles d'une ligne de 100 milles; elle ferme un tronçon de 25 milles et ensuite les 25 milles suivants. Si l'on peut racheter les 100 milles, c'est une opération rentable. Il faut mettre fin à la segmentation des lignes secondaires. Nous estimons que les compagnies de chemin de fer, en collaboration avec la région des Prairies, devraient, si elles ne sont pas disposées à exploiter les lignes secondaires, déclarer qu'elles vont se charger de transporter des céréales jusqu'au port sur leur ligne principale, tandis que quelqu'un d'autre pourrait se charger des lignes d'appoint. Cette option sera explorée assez activement au cours des prochains mois.

Le président: Au sujet des wagons-trémies, les compagnies ferroviaires n'aiment pas s'arrêter pour ramasser 12 wagons chargés par l'élévateur local. Comment peut-on s'attendre à ce qu'elles prennent en charge deux wagons seulement qui auraient été chargés par un producteur ou un agriculteur?

M. Harrison: Les compagnies de chemin de fer aiment ramasser 100 wagons d'un seul coup, quand elles le peuvent, alors si l'on peut obtenir qu'un exploitant de courte ligne ou une compagnie régionale rassemble 100 wagons sur une ligne secondaire et les amène jusqu'à l'interconnexion, il ne devrait pas y avoir de différence pour le CP ou le CN, par rapport à un arrêt à un silo terminal de l'intérieur. Le temps est une source de préoccupations et il est certain qu'il faudra beaucoup de coopération relativement à cette ligne secondaire, mais nous pensons qu'elle pourrait fonctionner. C'est quelque chose que nous devrions explorer.

Le sénateur Rossiter: Je vous remercie de cet exposé très clair.

M. Harrison: Pourrais-je demander aux sénateurs de préciser quelle région ils représentent?

Le sénateur Rossiter: Je suis de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous n'avons pas les mêmes problèmes que vous.

Dans votre exposé, vous avez dit que le traitement inéquitable des provinces de l'Ouest comprend notamment le fait que l'on refuse de désigner zones sinistrées les régions victimes de sécheresses ou d'inondations en Saskatchewan et au Manitoba. Je suis renversée d'entendre cela. Qu'aurait-il donc fallu pour que ces secteurs soient désignés zones sinistrées? La situation était déjà épouvantable.

M. Harrison: C'était aussi notre avis. Je suppose que cela n'avait pas l'aspect spectaculaire de la tempête de verglas. Nous avons assurément sympathisé avec les victimes du verglas et nous estimons que le gouvernement fédéral a fait ce qu'il fallait en l'occurrence. Il est certain que les inondations au Manitoba ont elles aussi été catastrophiques. Par contre, quand une sécheresse sévit pendant un certain nombre d'années, cela n'a pas le même impact à la télévision, on ne voit pas les gens abandonner leurs terres et la destruction des familles qui s'ensuit. Il faut beaucoup de démarches au nom de la région des Prairies pour que le gouvernement fédéral en vienne à prendre conscience qu'il est en présence d'une catastrophe. Nous sommes reconnaissants de l'aide qui a été accordée, mais elle n'a pas été aussi immédiate qu'au moment du verglas ou des inondations.

Le sénateur Rossiter: Vous avez dit également que le paiement de rajustement pour le transport est traité comme un revenu.

M. Harrison: C'est l'un des facteurs qui frappent la Saskatchewan de plein fouet. Nous avons dit prévoir un revenu agricole négatif pour la période de 2001 à 2003. Ce n'est pas parce que nos agriculteurs de la Saskatchewan sont plus pauvres que ceux de l'Alberta et du Manitoba. C'est parce que les coûts de transport y sont beaucoup plus élevés. Nous exportons 80 p. 100 de nos céréales, tandis que l'Alberta utilise une bonne partie de sa récolte comme provende. Le Manitoba est plus proche de Thunder Bay. Les frais de transport, comme le sénateur Gustafson l'a signalé, ont un impact majeur sur nos producteurs.

Le sénateur Chalifoux: Je trouve intéressant de vous entendre signaler ce point. Je suis allée à Grande Prairie, dans le nord de l'Alberta, et on m'a transmis le même message. C'est le coût du transport qui cause tous les problèmes. C'est la quatrième année de sécheresse dans le nord de la Colombie-Britannique et de l'Alberta et c'est également un problème. De plus, le ministre de l'Agriculture a conclu une entente avec la Saskatchewan et le Manitoba et a laissé l'Alberta de côté. Les agriculteurs de l'Alberta sont également très en colère.

M. Harrison: Nous avons demandé aux gens de l'Alberta de venir à Ottawa avec nous en octobre dernier, quand deux premiers ministres provinciaux s'y sont rendus. Ils ont choisis de ne pas le faire. Après que l'aide a été accordée au Manitoba et à la Saskatchewan, ils ont certainement eu l'impression d'avoir été traités injustement, mais par contre, ce sont eux qui ont choisi de rester chez eux alors qu'ils auraient dû venir à Ottawa.

Le sénateur Chalifoux: Je parle seulement des agriculteurs.

Le sénateur Fairbairn: Quand vous parlez de la compagnie de chemin de fer régionale, qui, à votre avis, devrait prendre l'initiative de mettre sur pied une telle entité? Je comprends que l'on veut amener les compagnies de chemin de fer à adopter une position sur les compagnies secondaires, sur les lignes secondaires et tout le reste. Vers qui vous tourneriez-vous comme investisseur? Cela semble une très bonne idée. Le seul problème, c'est qu'en lisant votre mémoire, je me suis demandée qui investirait dans un tel projet. Qui prendrait l'initiative de le réaliser?

M. Harrison: Nous n'en sommes pas encore là, mais nous sommes ouverts aux propositions. Il y a un certain nombre de compagnies aux États-Unis, même si nous n'aimons pas toujours nous tourner vers nos voisins du Sud.

Le sénateur Fairbairn: Quand vous dites «nous», voulez-vous dire votre organisation ou bien une coalition d'organisations agricoles?

M. Harrison: Collectivement, nous espérons rencontrer tous les intervenants intéressés au cours des deux ou trois prochaines semaines. Il y a un groupe appelé Western Rail Coalition, qui comprend des collectivités intéressées du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. L'industrie forestière s'intéresse aussi à ce concept. Nous espérons nous réunir tous ensemble pour voir si une compagnie de chemin de fer régionale est une idée qui tient debout. Si c'est le cas, aux yeux des parties intéressées et des gouvernements fédéral et provinciaux, alors l'étape suivante consisterait à lancer une demande de propositions. Ce n'est pas parce que c'est une bonne idée que quelqu'un sera nécessairement intéressé à mettre de l'argent sur la table. J'ai suggéré le groupe On the Tracks, non pas parce qu'il serait préférable à tout autre intervenant, mais parce qu'il a une présence en Saskatchewan et au Manitoba, et il est certain que pour sa part, il fait la promotion de cette idée parce que c'est dans son propre intérêt. Même s'il a lancé l'idée, cela ne veut pas dire que l'affaire est dans le sac. Tout serait ouvert. Les provinces pourraient acheter les lignes secondaires si elles le voulaient, même si nous leur avons déjà demandé de le faire dans le passé, alors qu'elles ont choisi de ne pas accéder à notre demande. En faisant une demande de propositions, peut-être que de nouvelles idées seront lancées. Il y aurait peut-être deux ou trois compagnies. Rien n'est encore décidé. Mais comme je l'ai dit, une fois que ces lignes secondaires auront été démantelées, elles ne seront jamais remplacées. La plupart des voies ferrées du Dakota du Nord ont été démantelées et cela n'a pas été à l'avantage des régions rurales.

Le sénateur Fairbairn: Tenez-nous au courant, car c'est une idée neuve dans un dossier énormément difficile. Je suis certaine que le comité voudra être informé.

M. Harrison: Avant de changer de sujet, il y a un autre élément pour lequel nous sommes probablement à l'avant-garde: l'environnement et les gaz à effet de serre. Nous savons tous qu'il faut plus de carburant et d'énergie pour transporter les céréales par camion que par train. C'est toute une nouvelle dynamique qui est maintenant envisagée. Plus nous pourrons transporter les céréales par train, mieux ce sera pour nos routes et pour notre environnement.

Le sénateur Fairbairn: Continuez de faire pression sur Ralph Goodale à ce sujet. Il aura peut-être une bonne idée.

Je viens de l'Alberta. Vous ai-je bien entendu dire que ce serait une très bonne idée d'étendre l'industrie de l'élevage du bétail dans certains secteurs de la Saskatchewan? Il est certain que dans le sud-ouest de l'Alberta, l'exploitation de parcs à fourrage et l'élevage du bétail sont très populaires. Est-ce la réglementation qui vous empêche de le faire, ou bien y a-t-il d'autres raisons qui empêchent les gens de votre province de se lancer dans ce secteur? Est-ce la réglementation ou bien y a-t-il autre chose?

M. Harrison: C'est plutôt un état d'esprit. Traditionnellement, nous avons expédié vers l'Alberta à la fois notre bétail, notre orge et nos chevreaux.

Le sénateur Fairbairn: Vous voulez rapatrier le tout.

M. Harrison: En partie. Je ne défends pas la décision du gouvernement fédéral de changer la subvention pour le transport du grain, mais c'est une raison pour laquelle il semble très logique pour nous de garder chez nous, en Saskatchewan, nos veaux, notre orge et nos chevreaux.

Le président: Il vous faudrait une usine de transformation de la viande.

M. Harrison: Oui. Beaucoup de pressions sont exercées en Alberta. J'ignore si vous avez atteint la limite pour l'exploitation de parcs à fourrage, mais quand on atteint une certaine concentration dans une région donnée pour l'élevage du porc ou du bétail, le grand public commence à manifester une certaine résistance. En Saskatchewan, nous ne manquons pas de grands espaces. C'est assez paradoxal: on dit que les gens s'en vont et qu'il n'y a presque plus personne dans la Saskatchewan rurale, mais il n'y a nulle part où l'on peut s'installer pour faire l'élevage du porc, à cause de la résistance du public. Il y a beaucoup d'espace pour des parcs d'engraissement et je pense que nous en verrons beaucoup à l'avenir en Saskatchewan. Nos producteurs de la Saskatchewan nourrissent votre bétail; nous pouvons certainement faire la même chose chez nous. C'est peut-être une raison qui incite à construire un plus grand nombre de silos en béton; si nous en construisons suffisamment, nous pourrons nourrir plus de bétail et de porcs. Chose certaine, la nouvelle technologie nous permettra de produire plus de céréales, mais je ne pense pas que la technologie dépassera ce que nous engraissons en Saskatchewan.

Le sénateur Fairbairn: C'est évidemment un plan intéressant pour la collectivité agricole de la Saskatchewan. Par ailleurs, vous avez absolument raison au sujet de l'environnement. C'est bien sûr devenu un problème en Alberta. Par contre, on a mis au point des technologies, dans notre province et ailleurs, qui permettent d'atténuer les conséquences négatives de cette forme de développement, et il vaut donc certainement la peine de s'y essayer -- non pas que nous ne voulions pas que vous veniez en Alberta.

M. Harrison: Nous verrons peut-être à l'avenir des changements dans la façon dont nous traitons la propriété agricole en Saskatchewan. À l'heure actuelle, une personne qui n'est pas de la Saskatchewan ne peut pas posséder plus de 320 acres. Nous traitons presque comme des étrangers les gens qui ne sont pas de la Saskatchewan. Cela ne nous a peut-être pas bien servis sur le plan économique ces dernières années. Quant aux étrangers, ils peuvent seulement posséder dix acres, aux termes de règlements provinciaux qui sont toutefois à l'étude.

Le président: Je voudrais examiner cette question. Si un quart de section de terre juste au nord de ma ferme se vend 35 000 $ canadiens, cela veut dire qu'un Américain pourrait venir et acheter un quart de section de terre au Canada et qu'il lui en coûterait environ 22 000 $. Cela va soulever beaucoup de discussions. Depuis que mon grand-père s'est installé là-bas, nous avons renvoyé les Américains chez eux à trois reprises. C'est ce qui arrive au Manitoba. Il y a là-bas d'importants investissements allemands, surtout dans le secteur de la pomme de terre, mais ce sera certainement une question de souveraineté. Il n'y a pas de doute que la question s'est posée en Saskatchewan.

M. Harrison: Tout dépend si vous êtes vendeur ou acheteur de terres. Celui qui a des terres à vendre veut le plus d'acheteurs possible.

Le sénateur Robichaud: Au sujet de l'élevage du bétail, fait-on de la promotion pour encourager les gens à se lancer dans cette activité? Cela semble positif. Je le mentionne parce qu'on entend beaucoup de choses négatives au sujet de l'agriculture, au point que certains pourraient croire qu'il n'y a plus rien à y gagner.

Dans l'Atlantique, nous avons vécu cette expérience au moment de l'effondrement de la pêche au poisson de fond, à la morue du Nord, et cetera. Les gens croyaient que la pêche, c'était du passé. La réalité est que c'est un secteur très actif et prospère pour le homard, les crevettes, les pétoncles, le crabe des neiges et d'autres espèces. Mais à cause des sentiments négatifs que l'on a répandus, les gens ont commencé à croire que c'était une mauvaise affaire et qu'il ne servait à rien de s'orienter dans ce secteur.

Il y a des éléments positifs, mais y travaille-t-on vraiment? Vous dites que c'est une question de mentalité. Il faut du temps pour changer les mentalités. Dans quelle mesure travaillez-vous à amener les gens à croire qu'il y a des éléments positifs et que l'avenir s'annonce brillant?

M. Harrison: Il est certain qu'il faut changer les mentalités. L'âge moyen des agriculteurs en Saskatchewan se situe aux alentours de 56 ou 57 ans. Je suis dans cette catégorie. Je suis encore un très jeune homme. Cependant, quand il s'agit de changer de mentalité ou de se lancer dans le secteur de l'engraissement à l'âge de 57 ou 58 ans, peut-être que l'on n'a tout simplement pas assez d'énergie pour se diriger vers pareille entreprise. Il faut du sang neuf, des jeunes gens.

J'ai eu l'occasion de prendre la parole la semaine dernière à la remise des diplômes à l'École d'agriculture de Saskatoon. Il y avait là des gens très brillants et j'ai essayé de les encourager à rester en Saskatchewan en leur peignant un tableau prometteur, en leur parlant notamment de l'exploitation de parcs à fourrage et de l'élevage du porc, et il est certain que le secteur des céréales doit y contribuer.

Je connais assez bien ce qui se passe dans les Maritimes. Notre président de la Fédération des municipalités canadiennes vient de Terre-Neuve et il nous tient au courant de ce qui se passe là-bas. Il est certain qu'il faut avoir la bonne mentalité. Il faut bien faire ses calculs. Si l'on ne peut pas faire d'argent et élever une famille à la ferme, cela ne marchera pas. Il faut encourager nos jeunes à rester chez nous. Je crois que les trois niveaux de gouvernement n'ont pas fait de bon travail pour ce qui est de contribuer à faire changer cette mentalité.

Le sénateur Robichaud: Il n'est certainement pas facile d'encourager les jeunes à rester à la ferme alors qu'ils traversent cette période tellement difficile. Je ne dis pas que ce sera facile, mais je persiste à dire que l'effort en vaut la peine.

Votre septième recommandation est de renforcer le développement des ressources humaines pour former des travailleurs dans les établissements de transformation à valeur ajoutée. J'aime bien cette idée. Il y a des programmes et l'on peut présenter une demande et être admissible. Le programme de Développement des ressources humaines Canada offre beaucoup de souplesse, mais il y a des gens qui sont en train de le torpiller. On en arrivera au point où c'est le règlement qui s'appliquera. Ce sera tellement difficile d'y avoir accès si l'opposition ne cesse pas de s'acharner sur quelques rares mauvais projets qui ont été approuvés. On en arrivera au point où l'on ne pourra plus aider les associations qui voudront y avoir accès pour faire du très bon travail. Il existe d'excellents programmes.

M. Harrison: Un élément positif au cours de la dernière année est que la province vient d'adopter une loi sur les coopératives de nouvelle génération. Il y a eu de bonnes coopératives de nouvelle génération ailleurs en Amérique du Nord. C'est un aspect positif. Les gouvernements doivent toutefois faire ce que les gens ne peuvent faire eux-mêmes. Malheureusement, on voit des gouvernements se mêler de choses que les gens peuvent faire eux-mêmes. Nous perdons parfois cela de vue. Ils devraient probablement se retirer de certains secteurs et s'intéresser par contre à d'autres où ils sont absents.

Le sénateur Rossiter: Que voulez-vous dire par coopératives de nouvelle génération?

M. Harrison: C'est un investissement consenti par les producteurs eux-mêmes. Les coopératives de nouvelle génération sont dirigées par les producteurs eux-mêmes et offrent certains avantages.

Mme Arita Paul, gestionnaire, Services agricoles, Saskatchewan Association of Rural Municipalities: Les coopératives sont différentes. Leur structure est semblable à celle d'une coopérative traditionnelle, mais il y a certaines différences clés et c'est pourquoi on les appelle des coopératives de «nouvelle génération». C'est une coopérative fermée où l'agriculteur doit acheter une part et verser une certaine partie de sa production à la structure. Il y a de petites différences, mais cela ressemble à l'ancienne structure.

Le président: C'est chapeauté par ce programme?

Mme Paul: Oui.

Le président: L'un des problèmes a été de conclure une entente avec la Commission canadienne du blé pour que celle-ci achète le blé à un prix raisonnable pour qu'il puisse être transformé.

M. Harrison: Nous avons travaillé avec la Commission canadienne du blé, comme l'a fait la firme Keystone Agriculture Producers. À notre congrès de mars, nous avons adopté une résolution demandant à la Commission canadienne du blé d'accorder une exemption aux coopératives de nouvelle génération pour que les agriculteurs puissent transformer leurs propres denrées dans le cadre d'une coopérative de nouvelle génération. Nous considérons la commission canadienne du blé comme essentielle pour le marché de l'exportation, mais elle ne devrait pas faire obstacle au progrès en empêchant les agriculteurs de transformer leurs propres produits.

Le président: D'après ce que j'ai lu dernièrement, il semble que tout le processus pourrait s'effondrer.

M. Harrison: Il y a trois groupes, un à Swift Current et deux dans la région de Weyburn, qui examinent l'industrie des pâtes. Je crois savoir qu'il y a actuellement des discussions entre les trois pour voir s'il y aurait moyen de faire quelque chose collectivement. Je ne sais pas trop où en sont leurs discussions à l'heure actuelle.

Le sénateur Robichaud: Si je comprends bien, les coopératives de nouvelle génération sont des coopératives de production. Il a fallu longtemps pour que les gens se rendent compte que cela ne pouvait tout simplement pas marcher. Le problème dans ma région est que c'était toujours quelqu'un d'autre qui assumait la responsabilité d'une tâche donnée. Chacun s'en déchargeait sur quelqu'un d'autre. Je suis membre de notre coopérative de vente au détail, qui a beaucoup de succès, mais il y a eu des problèmes du côté de la production.

Mme Paul: Il n'y en a que quelques-unes en Saskatchewan qui correspondent à la structure de nouvelle génération. Il y en a aux États-Unis et, d'après ce que j'en sais, elles ont beaucoup de succès. Cela a peut-être à voir avec le fait que les producteurs sont directement intéressés puisqu'ils contribuent leur part, ce qui les encourage à veiller au succès de l'entreprise.

Le sénateur Robichaud: Dans quelle mesure les coopératives de nouvelle génération sont-elles différentes des anciennes?

M. Harrison: Si je comprends bien, dans le cas de l'industrie des pâtes, l'agriculteur doit être un producteur de durum et il doit s'engager à un certain nombre de boisseaux par année afin qu'il y ait un approvisionnement garanti. Un agriculteur de l'Île-du- Prince-Édouard ne serait pas admissible parce que l'on ne produit pas de durum là-bas. La Commission canadienne du blé, dans un effort pour faciliter la création de coopératives de nouvelle génération, fait des échanges comptables de stocks. Je veux dire par là que si un agriculteur de l'Alberta veut devenir membre de l'usine de pâtes de Weyburn, il peut le faire et la Commission du blé fait un échange de stocks. Elle utilise le durum de la Saskatchewan pour remplir l'engagement. C'est une transaction légale, sur papier, et ça permet à n'importe qui dans la région des Prairies de devenir membre d'une coopérative de nouvelle génération. C'est certainement un avantage.

Le sénateur Wiebe: Je crois savoir par ailleurs qu'il faut beaucoup de capitaux pour créer ces coopératives de nouvelle génération et que celles-ci sont donc établies selon une structure coopérative, c'est-à-dire qu'il y a un vote par part. Il y a une certaine latitude quant à la valeur de chaque part. Par exemple, une personne peut être autorisée à mettre dix fois plus qu'une autre. C'est un effort pour amasser les capitaux nécessaires pour le lancement de la coopérative.

M. Harrison: C'est exact.

Le sénateur Oliver: Je veux comprendre l'analyse de rentabilisation relativement à votre suggestion sur les wagons- trémies. Dans votre mémoire, vous dites:

Les agriculteurs devraient devenir propriétaires des 13 000 wagons-trémies du gouvernement, ce qui leur donnerait la possibilité de réaliser des économies et de réduire leurs coûts.

Envisagez-vous que les agriculteurs paieraient la juste valeur marchande de ces wagons-trémies? Dans l'affirmative, quel serait à votre avis le coût d'entretien de ces wagons usagés? Quel est l'avantage financier pour les agriculteurs? C'est bien beau de posséder de l'équipement, mais si l'on ne peut pas se permettre de l'entretenir, quelle est la justification économique de cette acquisition?

M. Harrison: Nous n'avions aucune objection à ce que le gouvernement fédéral en soit propriétaire et les fournisse gratuitement à l'industrie céréalière. La décision a été prise il y a quelques années de vendre ces wagons. Ce matériel roulant est actuellement entretenu dans les ateliers du CP et du CN. Nous n'avons aucune objection à cette façon de faire. Cependant, les agriculteurs paient aux alentours de 4 500 $ par wagon pour entretenir les 13 000 wagons-trémies fédéraux. La moyenne de l'industrie pour l'entretien d'un wagon-trémie se situe aux alentours de 1 500 $ l'unité. Si nous étions propriétaires de ces wagons et les faisions entretenir dans des ateliers quelconques, il y aurait donc là une économie de 80 millions de dollars.

Le sénateur Oliver: À qui allez-vous confier l'entretien à 1 500 $ au lieu de 4 500 $?

M. Harrison: Partout dans les provinces des Prairies, il y a des ateliers privés qui ont une capacité excédentaire d'entretien de wagons. Il y a des ateliers à Regina, à Saskatoon et à Moose Jaw. Sultran est un associé de la Farmer Rail Car Coalition. Cette coalition a été créée pour acheter les wagons et elle a une capacité excédentaire à Calgary. Il n'y aurait donc aucun problème à trouver quelqu'un qui puisse faire l'entretien des wagons.

Le sénateur Oliver: Ont-ils une capacité suffisante pour entretenir 13 000 wagons?

M. Harrison: Il se fait actuellement beaucoup d'entretien sur place. Nous ne croyons pas que l'entretien sera un problème. Si la capacité est insuffisante, nous construirons une usine en Saskatchewan. L'entretien d'un wagon-trémie n'est pas difficile. Les gens du CN et du CP essaient de faire croire que c'est très compliqué. Mais nous avons visité les usines de Hamilton et de la Nouvelle-Écosse. Les agriculteurs font déjà l'entretien de moissonneuses-batteuses informatisées, de tracteurs et de matériel compliqué. Si l'on compare l'entretien de ces machines à ce qu'il faut pour entretenir un wagon de chemin de fer, on s'aperçoit que l'entretien d'un wagon n'est rien de bien compliqué.

Le sénateur Oliver: Pourquoi alors coûte-t-il 4 500 $ au CP et au CN?

Le sénateur Sparrow: C'est le prix qu'ils exigent, mais il ne leur en coûte pas autant.

M. Harrison: Nous nous posons aussi cette question. Nous payons la note, mais leurs livres sont fermés. C'est la facture que nous payons chaque année et nous n'y pouvons rien. Si nous étions propriétaires de l'équipement, ce serait à nous de décider qui en assure l'entretien.

Le sénateur Oliver: Comment les agriculteurs financeront-ils l'achat de ces 13 000 wagons? Vont-ils emprunter l'argent et rembourser ce prêt par paiements périodiques? Peuvent-ils se permettre d'assumer le coût du financement de l'achat de ces wagons-trémies?

M. Harrison: Les petits détails n'ont pas encore été arrêtés. On peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il y ait un prélèvement par tonne de grain qui serait consacré à l'achat des wagons. De cette manière, le producteur qui expédie le plus de céréales contribuerait le plus au paiement des wagons. Ceux-ci deviendraient un actif des agriculteurs de l'Ouest du Canada. Nous avons établi une coopérative à but non lucratif qui en serait propriétaire, si jamais nous avons l'occasion de les acheter.

À l'heure actuelle, le principal obstacle à l'achat est le droit de premier refus du CP et du CN sur ces wagons. Le gouvernement fédéral a donné avis il y a deux ans de son intention de vendre les wagons. C'est une entente de cinq ans et il reste trois ans à courir. Nous avons dit au gouvernement fédéral d'aller de l'avant, de vendre les wagons, et s'il veut les vendre aux enchères, nous serons présents. Ce n'est pas l'option que nous préférons. Nous estimons que s'il les vend aux enchères, un étranger pourrait les acheter et ils ne seraient pas alors consacrés au transport du grain de l'Ouest comme ils doivent l'être. Le gouvernement fédéral a acheté ces wagons dans les années 70 parce qu'à cette époque, il disait avoir besoin de matériel roulant. Le CP et le CN ont dit qu'ils n'avaient pas les ressources voulues et le gouvernement fédéral est donc intervenu et a acheté des wagons. Si nous les vendons aux États-Unis, nous nous retrouverons exactement dans la même situation et nous n'aurons plus de quoi transporter notre grain. Nous disons au gouvernement fédéral que, peu importe qui les achète, les wagons doivent être consacrés au transport du grain de l'Ouest.

Le sénateur Oliver: Ma question vise à déterminer si vous avez fait une analyse de rentabilisation pour vous assurer de ne pas faire un achat que vous n'avez pas les moyens de faire. À votre avis, parce que vous pouvez faire l'entretien à 75 p. 100 de ce que vous payez maintenant, si vous en étiez propriétaire et si vous les utilisiez pour vos besoins, ce serait une bonne affaire pour les agriculteurs.

M. Harrison: Cela ferait de nous des interlocuteurs du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial, du CP et du CN.

Le sénateur Sparrow: Je veux vous remercier d'être venu aujourd'hui. Je veux aussi vous féliciter publiquement, vous et votre organisation, des efforts que vous avez consacrés au programme ACRA pour essayer d'en faire un meilleur programme pour l'agriculteur. Je sais que vos efforts n'ont peut-être pas été entièrement couronnés de succès, mais au moins ils ont été valables et je vous en suis reconnaissant.

Au sujet des wagons céréaliers, quand et pourquoi avons-nous accordé aux compagnies ferroviaires le droit de premier refus? Les commissions du blé elles-mêmes ont-elles des wagons? Le gouvernement de la Saskatchewan possède des wagons, ainsi que le gouvernement de l'Alberta. Qu'arrive-t-il de tous ces wagons dans le réseau?

M. Harrison: Le droit de premier refus, à notre connaissance, a été accordé par le gouvernement fédéral précédent en 1991, en 1990 ou même plus tôt encore. Personne ne semble vouloir assumer la paternité de ce cadeau. Ce droit a été négocié, mais il n'était certainement pas dans le meilleur intérêt du gouvernement fédéral ni des producteurs de l'Ouest du Canada. Il est prévu dans l'entente et il s'agit d'une entente confidentielle. Nos avocats qui travaillent au nom de la Farmer Rail Car Coalition ont vu le document et cette disposition. Le gouvernement fédéral a donné avis de ce droit de premier refus et les compagnies de chemin de fer ne veulent pas y renoncer. Je suppose que ce serait négociable et j'ignore ce qu'elles voudraient obtenir en retour. Quoi qu'il en soit, le droit de premier refus est considéré comme la pierre d'achoppement à l'heure actuelle.

La Commission du blé possédait environ 2 500 wagons; le gouvernement de la Saskatchewan en possédait environ 1 000, de même que l'Alberta. La province de la Saskatchewan a dit à la Farmer Rail Car Coalition qu'elle était disposée à vendre ses wagons à la coalition, pourvu que celle-ci reçoive les wagons fédéraux. L'Alberta ne nous a pas donné d'indice qu'elle a l'intention de vendre ses wagons. Voilà donc qui est propriétaire du matériel roulant au Canada actuellement. Les années de forte production, le CP et le CN louent des wagons sur le marché libre pour combler l'écart.

Le sénateur Sparrow: Le gouvernement fédéral a acheté les wagons et les a mis gratuitement à la disposition des intervenants dans le système, y compris les compagnies de chemin de fer. Les compagnies de chemin de fer en ont grandement bénéficié, ainsi que la collectivité agricole. Envisage-t-on maintenant de donner ces wagons au secteur agricole, puisqu'ils ont été donnés il y a longtemps à l'industrie qui en a conservé la propriété? Envisage-t-on de le faire?

M. Harrison: Nous avons invoqué cet argument dès le départ. C'est à l'avantage de l'ensemble du Canada de faire transporter le grain jusqu'au port d'embarquement au moindre coût possible. M. Martin a dit qu'il voulait tirer de l'argent de la vente de ces wagons qui, chaque année, se déprécient. Ils en sont à peu près à la moitié de leur vie utile. Ils pourraient être rénovés pour transporter de plus lourdes charges. Les wagons que l'on fabrique aujourd'hui sont d'une conception différente de celle des wagons-trémies qui appartiennent au fédéral et les compagnies de chemin de fer veulent faire croire que le matériel roulant fédéral est désuet ou qu'il est très peu utile dans le réseau de transport. Nous croyons toutefois qu'il reste une longue vie utile à ces 13 000 wagons.

Le sénateur Robichaud: Les compagnies ferroviaires en veulent-elles encore?

M. Harrison: Absolument. Quand le gouvernement fédéral a dit qu'il allait les vendre, les compagnies pensaient pouvoir les obtenir et croyaient qu'il n'y aurait pas d'autre soumissionnaire. Les cadres supérieurs ont recommandé que les wagons soient vendus aux compagnies de chemin de fer pour la somme de 100 millions de dollars et que nous payions la note. Les agriculteurs de l'Ouest du Canada ont très mal pris la chose. C'est ce qui a débouché sur la création de la coalition, qui a au moins réussi à empêcher les compagnies ferroviaires de faire main basse sur les wagons. Le fait que le gouvernement fédéral en est demeuré propriétaire signifie que ces wagons représentent un actif de 20 à 25 millions de dollars pour les producteurs de l'Ouest du Canada.

Le sénateur Sparrow: Vous pourriez peut-être nous donner de plus amples détails sur le droit de premier refus relativement à ces wagons. Vous avez dit qu'il était enchâssé dans un document confidentiel. Peut-être pourrions-nous en savoir plus long là-dessus, monsieur le président.

Le président: Oui.

Le sénateur Sparrow: Dans l'industrie agricole, une mentalité est en train de se créer assez rapidement: faisons en sorte que l'agriculteur demeure pauvre, ou bien sortons-le de l'agriculture. Voilà vers quoi on se dirige. Nous ne sommes pas plus avancés que nous ne l'avons jamais été pour ce qui est d'établir un système pour le coût de production.

Les fusions de municipalités en Saskatchewan, autant les petites localités rurales que les petites villes, ne sont pas vraiment du ressort fédéral. Nous pourrions toutefois aborder la question dans les recommandations car cela touche l'agriculteur de la Saskatchewan. Je comprends la position que votre association et vous avez adoptée pour ce qui est de la fusion des municipalités. Vous négociez avec le gouvernement. Ce serait toutefois catastrophique pour les localités rurales et tout le secteur rural de notre pays si nous éliminions d'un trait de plume 1 000 gouvernements municipaux, ou peu importe quel en est le nombre, et si nous en réduisions le nombre à, disons, une centaine ou bien à 17. Si cela se produisait, votre organisation n'existerait plus faute de représentation. Cela détruirait rapidement le tissu des collectivités rurales et ouvrirait la porte à l'intégration totale, en ce sens que les grandes entreprises viendraient acheter toute la terre. C'est une question vraiment cruciale. En étudiant la question, nous devrions au moins toucher un mot de ce qui se passerait dans le monde rural si cela devait arriver.

Je vous remercie d'avoir adopté cette position. Je vous prie de continuer la lutte dans ce dossier. Il n'y a rien de mal à la fusion volontaire des municipalités.

M. Harrison: Plus de la moitié des municipalités rurales de la province ont tenu un référendum le 1er mai. Résultat: 98 p. 100 des électeurs appuient la position de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities sur les fusions forcées. Il y a des facteurs de dissuasion pour les fusions volontaires. Si elles revenaient au statut de hameau, ce qui est une régression naturelle, les petites localités perdraient le financement du gouvernement provincial. Elles perdraient aussi leurs subventions provenant des revenus de la potasse. Depuis un certain nombre d'années, nous disons à la province que si l'on aplanit le terrain, beaucoup de fusions auront lieu. Il y a des questions de responsabilité civile dans les petites localités, par exemple en ce qui concerne des cuves à déjection qui fuient ou des réservoirs de carburant souterrains. Si, pour quelque raison que ce soit, une administration s'est rendue coupable de quelque méfait et si la question est soulevée après la fusion, qui est responsable? Nous espérons que le cadre que nous avons maintenant établi avec la province permettra d'éliminer ces facteurs de dissuasion et qu'une évolution naturelle aura lieu, qu'il y aura une grande fusion entre municipalités urbaines et entre municipalités rurales.

Le sénateur Sparrow: Je ne dis pas que cela ne devrait pas arriver. Nous demandons constamment que l'on corrige les injustices du système, que ce soit dans les transports ou quoi que ce soit d'autre. Il n'y a rien de mal à cela. Nous, au comité, devons nous pencher sur la question et établir un plan à long terme. Voulons-nous une industrie agricole canadienne dirigée par les agriculteurs? Dans l'affirmative, nous devons établir une mentalité correspondant à l'objectif. Il semble que nous soyons en train de camoufler le véritable objectif, qui est de bâtir un solide secteur agricole. C'est important pour la sécurité de la nation. C'est important pour la santé et le bien-être de notre nation. Voulons-nous atteindre cet objectif? Pouvons-nous y arriver sans les agriculteurs que nous avons aujourd'hui?

Ce qui va se passer en Saskatchewan va se répéter ensuite partout au Canada. On a tendance à l'oublier et à dire que c'est un problème propre à la Saskatchewan. Or, il a une portée plus vaste. Il faut suivre de près ce qui se passe en Saskatchewan afin d'éviter que la désintégration gangrène tout le pays. Peut-être qu'ensemble, nous pourrions au moins faire un pas dans la bonne direction.

M. Harrison: Au sujet de cet objectif à long terme, le gouvernement fédéral a annoncé un programme quinquennal d'infrastructures fédérales-provinciales-municipales qui débute cette année. Nous nous en félicitons. Malheureusement, l'argent est réparti au prorata de la population et la Saskatchewan est une fois de plus mal lotie. Si l'on réfléchissait seulement aux kilomètres de route que nous devons entretenir, en comparaison du reste du pays, cela aurait peut-être un certain bon sens. Si l'on tenait compte du nombre d'acres de terres cultivées que nous avons en comparaison du reste du pays, le programme serait logique. Certes, il faut tenir compte de la population, mais j'affirme que c'est plus valable en milieu urbain que dans la Saskatchewan rurale. Beaucoup de programmes fédéraux reposent sur la population. Même notre propre gouvernement provincial fonde beaucoup de programmes provinciaux sur la population. Le dépeuplement de la Saskatchewan rurale nous fait du tort, alors même que le coût des infrastructures augmente.

Le sénateur Sparrow: Vous avez mentionné les Premières nations et les problèmes des réserves. C'est un problème qui couve en Saskatchewan, et qui va éclater au grand jour si ce n'est déjà fait. La question est cruciale pour toutes les collectivités. On se dirige vers la création de réserves urbaines et je crois que c'est un changement majeur qui aura de graves répercussions. Les localités rurales en souffrent parce qu'il n'y a pas de structure fiscale permettant de percevoir des impôts dans les réserves rurales. Celles-ci paient un paiement anticipé représentant 17 fois les impôts annuels. Un certain nombre de municipalités ont conclu des ententes de ce type. Maintenant, à perpétuité, aucun impôt foncier ne sera versé aux municipalités. La même situation s'applique en milieu urbain.

Récemment, un document qui a fait l'objet d'une fuite révélait que le ministère des Affaires indiennes s'attend à augmenter de 50 p. 100 la superficie des réserves. Mes préoccupations sont d'ordre non seulement économique, mais aussi racial. Le racisme commence à faire surface. C'est aussi un problème agricole. La population autochtone a des encouragements, la capacité financière de progresser et d'investir, mais cela ne doit pas se faire en enfonçant davantage les Autochtones dans les réserves. Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?

M. Harrison: Aux termes des droits fonciers issus des traités, il y a deux catégories de terres. Les droits fonciers issus des traités s'appliquent aux terres auxquelles les Autochtones avaient droit au moment de la signature des traités, mais qu'ils n'ont jamais reçues. Le chiffre était de 22,5 fois le montant des taxes de l'année précédente. Le fonds de compensation des pertes fiscales sert à payer les terres visées par les droits fonciers issus des traités. C'est une entente signée en 1991 entre le gouvernement fédéral et la province. On considérait que c'était une indemnité suffisante pour permettre aux municipalités rurales d'assurer l'entretien des routes.

Des revendications spécifiques ont été formulées à l'égard des terres accordées aux Indiens aux termes des droits fonciers issus des traités mais qui ont été enlevées frauduleusement aux Indiens par des agents fédéraux. Cela s'est passé durant les années 20 et 30. Les bandes indiennes ont fait valoir leur cause et on leur a accordé une somme globale. Elles peuvent acheter des terres, des immeubles ou des casinos. Elles peuvent faire ce qu'elles veulent de cet argent.

Ce qui nous préoccupe, ce sont ces revendications territoriales précises, et notre association négocie avec le gouvernement fédéral depuis 1997 au sujet de ces terres. Ce qui nous préoccupe, c'est aussi l'indemnisation pour la perte fiscale associée à ces terres. Le gouvernement fédéral nous a promis en 1986, en 1987 et en 1988 que, peu importe ce qui nous reviendrait en fin de compte en termes de droits fonciers issus des traités, nous recevrions aussi une indemnité pour les revendications spécifiques. Après la signature de l'entente, le gouvernement fédéral est revenu sur sa promesse. Nous avons un document signé par un ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord. Nous avons intenté des poursuites contre le gouvernement fédéral dans ce dossier. L'affaire a traîné pendant deux ou trois ans. Elle aurait abouti à la Cour suprême du Canada dans 10 ou 15 ans. Dans ce contexte, le gouvernement fédéral et notre province, au nom de la SARM, ont négocié une entente pour la perte de recettes fiscales relativement aux revendications spécifiques. C'est considérablement moins que les DFIT, ce qui est un irritant pour notre association et nos membres. Pourtant, il ne semblait pas productif non plus de traîner le gouvernement fédéral devant les tribunaux pendant une dizaine d'années et l'entente a donc été signée. Il y aura une cérémonie de signature officielle à Regina le 27 mai. Cela tourne autour de 15 fois, au lieu des 22,5 fois prévues dans les droits fonciers issus des traités.

Si une municipalité possède un quart de section visé par une revendication foncière particulière et un autre quart de section visé par les droits fonciers issus des traités de l'autre côté de la route, elle devrait recevoir la même indemnité pour les deux. Malheureusement, tel n'a pas toujours été le cas. Les deux parcelles sont traitées différemment. C'est une décision qui a été prise par nous-mêmes et nos membres. Au moins, nous ne traînons plus le gouvernement fédéral devant les tribunaux, ce qui causait des frictions dans d'autres domaines. L'entente a été signée et nous pouvons maintenant passer à autre chose.

[Français]

Le sénateur Gill: Je serais porté à revenir sur la dernière question mais je vais passer outre. Je veux vérifier une perception que j'ai de l'agriculture en général.

Je viens du Québec où la situation est sans doute assez différente dans le domaine de l'agriculture, de l'élevage, et cetera.

Ma perception est que les fermes étaient des entreprises familiales avec plusieurs enfants. Règle générale, les enfants prenaient la relève et l'entreprise se poursuivait. Aujourd'hui, les familles sont moins grosses et les jeunes ne restent pas nécessairement à la ferme et ne prennent pas la relève des parents.

Votre document indique un nombre important de faillites et en fait, le nombre va en grandissant. J'en déduis qu'il y a de moins en moins de propriétaires. Conséquemment, les terres appartiennent à moins de propriétaires. Est-ce bien le cas?

On exporte beaucoup. En fait, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'étudier en profondeur ce qui se passe dans ce domaine? Est-ce rentable de continuer ce qui se fait actuellement?

Vous disiez tantôt qu'il faudrait changer et procéder à des fusions. Ces fusions diminueraient le nombre de propriétaires. L'impact des fusions fera en sorte que de moins en moins de gens vivront de l'agriculture parce que les propriétés seront plus grandes. Si on produit davantage, on va exporter davantage à l'extérieur. Quel est l'impact au pays? Est-ce qu'on va générer davantage pour le pays ou pour l'étranger? Je comprends qu'il faut partager. Qu'est-ce qu'il faut faire avec cela?

[Traduction]

M. Harrison: Les familles deviennent plus petites, mais la SARM n'a pas droit de regard là-dessus. Les fermes deviennent plus grandes. C'est naturel. Quand j'ai commencé à cultiver la terre il y a 30 ans, les machines agricoles étaient beaucoup plus petites qu'aujourd'hui. Je peux maintenant cultiver dix fois plus de terres que je ne le pouvais il y a 10 ou 30 ans. On peut raisonnablement supposer que les fermes familiales deviennent plus grandes. Nous avons d'immenses fermes familiales. Un type qui a trois ou quatre fils et gendres peut cultiver une grande étendue de terre.

Avec toute la technologie qui existe maintenant, on verra une augmentation du rendement à l'acre.

Quant à la place qu'occuperont les fermes constituées en sociétés commerciales, c'est une question compliquée parce que certaines de ces fermes appartiennent à des familles. Elles peuvent posséder deux ou trois entreprises. Elles peuvent avoir un élevage de bétail, une ferme céréalière et une autre d'élevage du porc, toutes les trois regroupées sous une raison sociale. Quand on dit qu'on est contre les grandes entreprises agricoles, cela revient à dire que l'on s'oppose aux fermes familiales, parce qu'une entreprise appartient à une famille et non pas à une multinationale. Il faut donc faire attention au sens que nous donnons à l'expression «ferme constituée en société».

La mentalité, l'état d'esprit sont importants quand il s'agit d'établir où nous en serons dans cinq ou dix ans et qui sera propriétaire de la terre. Si nous n'attirons pas des jeunes dans l'agriculture et si la terre est vendue aux enchères, un étranger pourra venir l'acheter. Ailleurs dans le monde, il y a des pressions qui s'exercent sur les terres agricoles. Nous n'avons rien contre le fait de faire venir des gens d'autres parties du monde. Si nous ne pouvons pas assurer nous-mêmes le remplacement des agriculteurs, d'excellents cultivateurs viendront des îles britanniques et de l'Europe. Ils n'ont plus de terres à cultiver là-bas. Peut-être qu'on devrait ramener un plus grand nombre de familles dans les Prairies. Nos ancêtres sont venus s'installer dans les Prairies pour cultiver la terre. Il y avait des terres en abondance. Nous devons injecter du sang neuf et si nous ne pouvons pas le faire en comptant sur nos propres forces vives, il faut envisager de faire appel à l'étranger.

Le président: Le temps est venu pour le Canada, notre nation, nos compatriotes, nos gouvernements de tous les niveaux, de reconnaître les avantages et les retombées de l'agriculture. L'agriculture crée beaucoup d'emplois et de richesses au Canada. Pouvons-nous nous permettre de perdre cette industrie? J'habite près de la frontière américaine. Ma ferme se trouve à 15 milles de la frontière du Dakota du Nord, à vol d'oiseau. La situation là-bas n'est pas tellement différente de celle que vous venez de décrire. Je viens de lire dans le New York Times que le Congrès a approuvé tout récemment des dépenses supplémentaires de 7 milliards de dollars pour l'agriculture. C'était le 14 avril. À en juger d'après les montants d'argent que les agriculteurs reçoivent en subventions pour faire tourner l'agriculture des États-Unis, si nous ne faisons rien au Canada, les Américains vont nous engloutir.

La plupart des silos terminaux construits par ADM par l'entremise de la United Grain Growers et des autres compagnies que vous avez mentionnées sont construits avec de l'argent américain et international. Le Saskatchewan Wheat Pool doit se poser la question: allons-nous survivre? En tant que pays, nous devons avoir une vision à long terme. Notre filet de sécurité nous aidera-t-il à surmonter cette crise?

M. Harrison: Près de 50 p. 100 de nos céréales sont cultivées en Saskatchewan. Par contre, seulement 2 p. 100 de nos céréales subissent une transformation à valeur ajoutée. Il y a beaucoup de place pour une amélioration. Non seulement les gouvernements fédéral et provinciaux doivent y réfléchir, mais les gouvernements locaux et les producteurs doivent aussi se réunir et changer de mentalité et encourager la participation des jeunes. La Saskatchewan a beaucoup à offrir: il y a beaucoup d'air pur et beaucoup de matières premières, mais nous n'avons pas réussi à tirer parti de tous ces éléments et à créer une économie florissante.

Le président: Avec une baisse des revenus de 85 p. 100, pendant combien de temps pouvons-nous survivre?

M. Harrison: On ne peut rien faire sans argent. On a beau avoir plein de bonnes idées, si l'on n'a pas d'argent, on ne peut pas faire grand-chose.

Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir témoigné devant notre comité ce matin. Vous avez peint un tableau général de ce qui se passe en Saskatchewan. Je vous félicite pour la position que vous adoptez. À cause du stress qui s'exerce sur les agriculteurs, vous avez subi certaines attaques. Je crois toutefois que la SARM doit jouer un rôle important en aidant les divers niveaux de gouvernement à résoudre ces très graves problèmes.

Vous avez proposé des solutions aux problèmes et nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu devant le comité. Je suis certain que le gouvernement est toujours content d'entendre des solutions qui sont suggérées par la base et vous représentez toutes les facettes de l'agriculture.

La plus grande partie de nos impôts fonciers sont consacrés à l'éducation. Cet argent ne va pas à la municipalité. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

M. Harrison: Je crois que les deux tiers vont à l'éducation et qu'un tiers sert à administrer la municipalité rurale. Malheureusement, tout au long de l'hiver, nous avons été témoins d'une série de réunions suscitées par la révolte fiscale. Les producteurs locaux sont frustrés par le système. Ils semblent incapables d'attirer l'attention des gouvernements fédéral et provinciaux et ils ont donc choisi de se défouler au niveau local. À ces réunions, ils reconnaissent que leur problème n'a rien à voir avec le conseil local, mais tout à voir avec le fardeau de la taxe d'éducation dont leur terre est frappée.

Après 30 ans, la province a tenté tout au moins de corriger la situation de façon limitée. On a annoncé il y a un mois dans le budget provincial une remise de 25 p. 100 de la taxe d'éducation sur les terres agricoles au cours de l'année prochaine. C'est du moins un début. C'est un problème provincial, mais en ce qui nous concerne, on compte beaucoup trop sur les impôts agricoles pour financer l'éducation. Peu importe combien nous payons d'impôt pour l'éducation, nos terres ne deviennent pas plus intelligentes.

Le sénateur Robichaud: Il faudra trouver de l'argent ailleurs. Ce sont toujours les contribuables qui paient.

M. Harrison: Nous avons des suggestions quant aux sources de revenu possibles.

Je vous invite tous à assister à la conférence internationale sur les céréales qui aura lieu à Regina. Quatre ou cinq des membres de notre conseil y seront présents. Cela nous serait utile si le plus grand nombre possible de membres de ce groupe pouvaient assister à la conférence. Des gens du monde entier y discuteront de l'industrie céréalière. C'est l'occasion de se renseigner sur ce qui se passe ailleurs dans le monde.

Le président: Je vous remercie d'avoir été présents et de nous avoir fait part de vos suggestions quant à d'éventuelles solutions aux problèmes dont nous avons discuté.

La séance est levée.


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