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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 1 - Témoignages pour le 25 novembre 1999


OTTAWA, le jeudi 25 novembre 1999

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, en votre nom, je tiens à souhaiter la bienvenue au professeur Jack Mintz, titulaire de la chaire de fiscalité Arthur Andersen à l'École de gestion Joseph L. Rotman de l'Université de Toronto. M. Mintz est président-directeur général de l'Institut C.D. Howe, dont la réputation n'est plus à faire, depuis le 6 septembre 1999. Il est également chercheur invité au Fonds monétaire international à Washington, économiste invité au ministère des Finances à Ottawa; il a été président du comité technique de la fiscalité des entreprises au gouvernement du Canada de 1966 à 1967, rédacteur en chef du International Tax and Public Finance et auteur de nombreuses publications sur la politique fiscale, l'impôt des sociétés et le régime fiscal comparatif. M. Mintz a probablement une opinion diamétralement opposée à celle du témoin d'hier.

Monsieur Mintz, soyez le bienvenu. Vous avez la parole.

M. Jack Mintz, président-directeur général, Institut C.D. Howe: Monsieur le président, je vous remercie de m'accueillir à nouveau à votre comité. J'ai beaucoup aimé ma dernière visite et je suis impatient de reprendre les discussions aujourd'hui. À vrai dire, j'avais promis à l'ancien président du comité que je reviendrais parler du régime fiscal des entreprises à un moment donné. Je tiens tout simplement à vous dire, monsieur le président, que mon engagement tient toujours. Si vous abordez un jour la question de la fiscalité des entreprises, je me ferai un plaisir de venir vous rencontrer pour en discuter.

Aujourd'hui, cependant, je vais vous parler de l'imposition des gains en capital au Canada. Je ferai des recommandations quant à l'orientation que le Canada devrait prendre à cet égard. L'imposition des gains en capital est probablement l'un des volets les plus ardus de la politique fiscale, au Canada et ailleurs. Pourquoi en est-il ainsi? Permettez-moi de vous faire part des motifs qui ont été invoqués en faveur et à l'encontre de l'imposition des gains en capital.

Je vais aborder certains problèmes pratiques que comporte l'imposition des gains en capital, puis j'évoquerai le manque d'uniformité que l'on constate dans tous les pays du monde lorsqu'il s'agit d'imposer les gains en capital. Enfin, je vous donnerai mon opinion sur l'orientation que devrait prendre le Canada envers certaines des questions soulevées.

Voyons d'abord les arguments normatifs concernant l'imposition des gains en capital. Les défenseurs de cette mesure préconisent le respect de principes bien connus en matière d'impôt sur le revenu, principes qui reposent sur la notion de résultat global incluant toutes les sources de revenus, dont les gains en capital. C'est la théorie qu'a proposée Simons aux États-Unis au début du XXe siècle. Il s'agit d'un important principe de l'impôt sur le revenu qui a été adopté dans le rapport Carter au Canada lorsqu'on a recommandé l'imposition des gains en capital dans les années 60.

Les tenants de l'impôt sur le revenu soutiennent non seulement que les gains en capital devraient être imposés, mais qu'ils devraient l'être selon ce que l'on appelle la comptabilité d'exercice, et non le gain réalisé. Autrement dit, lorsque la valeur de l'actif change d'une période à une autre, on soutient que cela confère un pouvoir économique aux particuliers qui peuvent acheter des biens et des services et donc, que cette valeur devrait entrer dans le revenu de base et être totalement imposée.

C'est une opinion, mais qui est contestée depuis quelques années. Deux types de défis sont importants, du moins en ce qui concerne la discussion normative sur l'imposition des gains en capital.

Le premier, qui propose un argument très différent, est invoqué par ceux qui préconisent la taxe à la consommation. Certaines personnes, et j'en suis, soutiennent, ou à tout le moins reconnaissent, que l'imposition du rendement sur les épargnes constitue une double imposition des revenus des particuliers. En d'autres termes, lorsque les personnes gagnent un revenu, elles paient de l'impôt sur leur salaire. Si elles utilisent leur revenu immédiatement à des fins de consommation, elles ne paient pas d'autre impôt sur le revenu. Mais si elles placent leur argent dans un compte bancaire ou qu'elles achètent des actions, et qu'elles en tirent un revenu, soit un gain en capital, un revenu d'intérêt ou des dividendes, elles paient de l'impôt sur ce revenu. Donc, elles paient un impôt additionnel sur leurs épargnes. Les épargnants sont donc défavorisés comparativement aux consommateurs face à l'impôt sur le revenu.

Ceux qui sont en faveur de la taxe à la consommation soutiendront alors que l'on devrait éliminer la double imposition des épargnes, c'est-à-dire ne pas simplement éliminer l'impôt sur les gains en capital, mais l'impôt sur les dividendes et les autres formes d'épargne. L'assiette de l'impôt de remplacement, c'est-à-dire la méthode que nous utilisons actuellement dans le régime fiscal canadien, vise à permettre aux gens de déduire leurs épargnes de leur revenu de base. Ils tirent des revenus selon un régime qui n'est pas imposé; ensuite, lorsqu'ils retirent l'argent de ce régime, ils sont imposables. C'est par exemple ce qui se fait dans le cadre du régime de retraite et de régime enregistré d'épargne-retraite au Canada. C'est une forme de taxe à la consommation intégrée dans notre régime fiscal actuel. L'un des arguments à l'encontre de l'imposition des gains en capital repose donc sur des principes régissant la taxe à la consommation.

Le deuxième argument est probablement de nature historique, il s'agit du fruit et de l'arbre: veut-on taxer le fruit ou l'arbre, c'est-à-dire un argument juridique au sujet de l'imposition des gains en capital. Le concept qui sous-tend cet argument est que les gains en capital reflètent le revenu qui est tiré d'actifs. Si ce revenu est imposable, et s'il y a augmentation réelle ou éventuelle du revenu, les gains en capital sont aussi imposés en même temps puisque ce revenu l'est déjà.

On laisse entendre ici que les gains en capital ne devraient absolument pas être imposables, dans la mesure où l'on impose toutes les autres sources de revenus. Sinon, on a une double taxation sur les gains tirés d'actifs.

En principe, c'est ce que reconnaît le régime fiscal canadien en intégrant l'impôt personnel et l'impôt sur le revenu des sociétés; cela n'est pas reconnu complètement, mais en partie. Au Canada, nous avons un impôt sur le revenu des sociétés qui s'applique au revenu que gagnent les entreprises. Supposons qu'il y aurait imposition des revenus immobiliers. Cependant, au niveau de la petite entreprise, le taux d'imposition sur le revenu des sociétés est d'environ 20 p. 100, c'est le taux moyen pour l'impôt fédéral et provincial.

Lorsque les gens réinvestissent leurs profits, les valeurs des actions augmentent en proportion de la valeur des profits après impôt réalisés par la société. Ces actions pourraient être frappées d'un impôt personnel. Cependant, nous avons établi le taux d'exclusion des gains en capital afin qu'en principe, une personne soit assujettie à l'impôt sur le revenu des sociétés et à l'impôt sur les gains en capital. Le taux combiné serait équivalent au taux d'imposition personnelle maximum lorsque viendrait le temps d'imposer le revenu des petites entreprises.

L'approche en matière d'intégration est assez générale. Nous procédons de la même façon avec les dividendes en accordant un crédit d'impôt sur les dividendes pour compenser l'impôt sur les revenus des sociétés que paient les entreprises. Donc, si vous prenez l'impôt total sur le revenu des sociétés, et l'impôt total personnel sur les dividendes, cela équivaut à peu près au taux d'imposition personnelle maximal d'autres sources de revenus. Par conséquent, le taux d'exclusion des gains en capital et le taux de crédit d'impôt pour dividendes visent à permettre une intégration générale au niveau de la petite entreprise.

Le problème, c'est que de nombreuses entreprises sont imposées à des taux plus élevés. Les revenus supérieurs à 200 000 dollars dans une société privée sous contrôle canadien pourraient être imposés à un taux plus élevé. Les mécanismes d'intégration en vigueur, qui sont le crédit d'impôt pour dividendes et l'exclusion des gains en capital du revenu, ne sont donc pas assez importants comparativement aux taux d'imposition sur le revenu des sociétés qui sont plus élevés. Je reviendrai à cette question un peu plus tard.

Permettez-moi maintenant d'aborder les problèmes pratiques de l'imposition des gains en capital, à tout le moins la méthode de la comptabilité d'exercice que proposent les défenseurs de l'impôt sur le revenu. Nous devons en premier lieu reconnaître qu'aucun pays au monde n'impose les gains en capital selon la comptabilité d'exercice pour tous les contribuables et pour toutes les sources de gains en capital. Cela existe en partie pour les institutions financières et les compagnies d'assurance. Nous utilisons cette méthode au Canada, et quelques autres pays font de même. En général, cependant, nous imposons les gains en capital qui sont réalisés, autrement dit, seulement lorsque les actifs sont vendus.

Pourquoi procédons-nous ainsi? Si l'on veut imposer les gens selon la comptabilité d'exercice, ils seront peut-être forcés de vendre leurs actifs afin de payer leurs impôts. Par exemple, disons que je possède des actions de Bell Canada. La valeur de ces actions augmentera au cours de l'année, et j'obtiendrai un gain en capital accumulé. Mais je ne veux pas vendre les actifs tout de suite. Si je dois payer de l'impôt sur la valeur accumulée des gains en capital, et que je n'ai pas assez de revenus pour le faire, je devrai peut-être vendre des actions de Bell Canada juste pour payer mes impôts, ce qui pourrait certainement être un problème pour les petites entreprises et les agriculteurs, question d'actifs.

C'est la raison pour laquelle aucun pays n'a adopté l'imposition des gains en capital accumulés. Ajoutons qu'il est très difficile d'établir la valeur marchande de tous les actifs d'une période à une autre pour les fins de l'imposition des gains en capital accumulés, surtout quand il s'agit notamment d'actions d'entreprises privées ou de biens immobiliers. L'évaluation est très subjective, et nous n'avons pas de valeur marchande d'échelle. Ces problèmes d'évaluation nous contraignent à ne jamais imposer les gains en capital accumulés.

On impose les gains en capital qui sont effectivement réalisés. En réalité, cela a deux répercussions importantes qui doivent être comprises. Premièrement, parce que les gens ne sont imposés que lorsqu'ils vendent effectivement les actifs, ils sont incités à ne pas le faire, c'est-à-dire qu'ils reportent l'impôt sur les gains en capital qu'ils détiennent afin d'éviter de payer de l'impôt sur ce revenu. C'est ce que l'on appelle l'effet de gel. Il en résulte que les gens gardent parfois des portefeuilles qui rapportent moins afin d'éviter de payer l'impôt sur les gains en capital sur certains actifs dont ils pourraient autrement se départir afin d'en acheter d'autres, mesure qui peut avoir des effets sur la rentabilité des portefeuilles.

Au Canada, il y a un autre aspect qui vient atténuer une partie de cet effet de gel. Nous avons ce que l'on appelle la réalisation réputée de gains en capital au décès, plutôt que d'avoir un impôt successoral. En réalité, tous les pays de l'OCDE ont l'un ou l'autre, ou la réalisation réputée de gains en capital au décès, ou l'impôt successoral.

Les États-Unis n'ont pas de réalisation réputée de gains en capital au décès, mais un impôt successoral, qui s'applique à un plus petit groupe de contribuables que s'ils avaient adopté la réalisation réputée de gains en capital au décès. C'est pourquoi l'expérience des États-Unis, de même que les études sur les répercussions des gains en capital sur les recettes gouvernementales et l'économie, ne peuvent être utilisées facilement au Canada. Nous devons assumer que le régime fiscal canadien est légèrement différent du régime américain. Par exemple, la réduction des taux d'impôt sur les gains en capital au Canada n'aurait pas les mêmes conséquences qu'aux États-Unis, parce que nous avons la réalisation réputée de gains en capital au décès.

Or, je ne veux pas sous-estimer l'importance du problème de l'effet de gel. Je crois que nous devrons éventuellement trouver des solutions.

Autre problème que pose l'imposition des gains en capital: le traitement des pertes. La plupart des pays ne permettent pas le remboursement total des pertes. Autrement dit, on ne peut déduire les pertes en capital d'autres sources de revenus. La plupart des pays vont habituellement opposer ces pertes à d'autres gains en capital. Comme nous n'imposons les gains en capital qu'une fois réalisés, les gens peuvent échelonner leurs pertes et leurs gains afin de minimiser l'impôt à payer. En réalité, si l'on pouvait obtenir le remboursement complet des pertes en les déduisant d'autres sources de revenus, les gens pourraient peut-être essayer d'échelonner la vente de leurs actifs afin de créer des pertes, ce qui pourrait alors mettre d'autres formes de revenus à l'abri de l'impôt.

C'est la raison pour laquelle il n'y a pas remboursement. Une fois cela admis, il se crée un problème dans le système, sous la forme d'une certaine discrimination contre les investissements risqués et l'esprit d'entreprise, selon le régime de l'impôt sur les gains en capital. Le gouvernement partage assez volontiers les revenus ou les gains qu'une personne peut réaliser après avoir vendu un bien en capital. Mais il n'est pas prêt à absorber toutes les pertes. Le gouvernement peut permettre de radier les pertes sur une certaine période, mais à la condition que vous réalisiez des gains à l'avenir. Il y a perte de valeur associée à l'incapacité de radier complètement ses pertes immédiatement. Ainsi, l'impôt sur les gains en capital a en réalité un effet discriminatoire contre ceux qui prennent des risques et qui ont l'esprit d'entreprise. C'est là une des raisons pour lesquelles il est important d'avoir un plus faible taux d'imposition sur les gains en capital.

La dernière question importante est l'inflation. Il faut se rappeler que même si notre taux d'inflation est relativement bas, on impose le gain en capital en fonction de l'inflation. Si vous avez acheté un bien ne serait-ce qu'il y a 20 ans, le gain réel, une fois que l'on enlève l'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat de votre argent, est considérablement réduit. Cela augmente le taux réel d'imposition sur les gains en capital. Le problème est partiellement corrigé, ou peut-être même complètement, pour les contribuables qui peuvent emprunter de l'argent pour acheter des biens assujettis à l'impôt en capital. Lorsque vous empruntez de l'argent, vous pouvez déduire vos frais d'intérêt sans tenir compte des ajustements pour l'inflation. Cet intérêt reflète également le paiement de compensation aux prêteurs contre l'érosion du pouvoir d'achat des fonds empruntés par suite de l'inflation. Il y a donc un abri partiel contre les répercussions de l'inflation sur l'imposition des gains en capital. Ainsi, la plupart des pays n'indexent pas les gains en capital en fonction de l'inflation ou, s'ils le font, ils se demandent quoi faire dans le cas des achats de biens à crédit.

Voilà quatre difficultés que je tente d'expliquer. Il y a des problèmes importants qu'il faut régler dans le système d'impôt sur les gains en capital. Ces problèmes créent des difficultés quand vient le temps d'élaborer la politique fiscale. Il n'y a pas de solution simple. Quand on regarde ce qui se fait dans d'autres pays, on constate l'absence d'uniformité en ce qui concerne la politique fiscale. Je vais vous donner des exemples. Certains pays ont, aujourd'hui ou dans le passé, indexé totalement les gains en capital. Le Royaume-Uni impose toujours complètement les gains en capital qu'il considère comme faisant partie du revenu. On envisage actuellement des propositions visant à réduire le taux d'imposition des gains en capital au Royaume-Uni. Fait intéressant à noter, le Royaume-Uni impose les dividendes à un taux inférieur aux gains en capital. Ainsi, on pourrait soutenir fermement que le Royaume-Uni devrait baisser son taux d'imposition sur les gains en capital, et même l'abandonner complètement pour mieux intégrer l'impôt sur les sociétés et l'impôt personnel.

Les États-Unis ont adopté l'imposition complète des gains en capital en 1986 dans le cadre de la réforme de leur fiscalité. Il faut se rappeler que dans le système américain, il n'y a pas d'intégration de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur les revenus personnels, si bien que les dividendes sont imposés en totalité. Lorsque les États-Unis ont décidé d'imposer complètement les gains en capital, ils tentaient par là d'éliminer les différences entre l'impôt sur les dividendes et l'impôt sur les gains en capital. Cette mesure était nécessaire afin de contrer la forte incitation à transférer des revenus de dividendes en gains en capital, pour ainsi réduire l'impôt à payer.

Les États-Unis ont conservé ce système jusqu'au début des années 90, lorsqu'ils ont élevé le taux d'imposition des revenus personnels. Cependant, ils n'ont pas augmenté le taux d'imposition des gains en capital, qui est demeuré à 28 p. 100. En 1997, mesure qui devait être appliquée en 1998, les États-Unis sont revenus au système de taux d'imposition différents d'avant 1986, qui était basé sur la durée de détention d'un actif.

En réalité, certains pays imposent une pénalité fiscale sur la période de détention d'un actif. Plus on détient un actif longtemps, plus la pénalité fiscale est élevée ou plus le taux d'imposition est élevé sur ce bien. Ce système est en vigueur au Japon et en Corée en ce qui concerne les biens fonciers. On utilise ce système pour saisir l'avantage virtuel que comporte le maintien de biens plus longtemps au chapitre des gains en capital. Autrement dit, on tente d'adopter le concept d'imposition des gains en capital selon la comptabilité d'exercice, mais comme ces pays ne peuvent pas utiliser la méthode, ils ont plutôt décidé d'imposer les actifs détenus plus longtemps à un taux plus élevé.

Dans certains systèmes, il y a indexation pour l'inflation. Le Royaume-Uni et l'Australie en sont des exemples. Le Royaume-Uni a abandonné l'indexation en fonction de l'inflation pour les gains en capital il y a quelques années. L'Australie, plus récemment, a également éliminé l'indexation en fonction du coût de la vie.

Certains pays imposent les gains à un taux inférieur à d'autres formes de revenus. Le Canada en est un exemple. Nous avons notre exclusion pour les gains en capital. Certains pays ont un taux d'imposition qui varie selon la période de détention du bien. J'ai parlé des États-Unis, où il y a imposition complète des gains si les biens dont on se défait sont détenus pendant moins d'un an. Le taux d'imposition est de 28 p. 100 si la personne détient les biens depuis 12 à 18 mois. Le taux de 20 p. 100 sera changé aussi, je crois, pour 18 p. 100 l'année suivante pour les biens qui sont détenus depuis plus de 18 mois.

Le président: La période passe de 18 mois à un an et le taux de 20 à 15 p. 100. C'est ce qui est proposé.

M. Mintz: La France et l'Italie ont aussi des taux variables selon la durée de détention des biens. Cependant, ce système peut causer des problèmes.

Les taux d'imposition qui varient selon la période de détention d'un bien font le bonheur des vendeurs de produits financiers dérivés. C'est ce qui se passait aux États-Unis avant 1986. J'ai l'impression que leur nouveau régime favorise une surenchère de produits dérivés frivoles aux États-Unis. On vend ces produits dérivés parce que l'on peut échelonner les pertes et les gains de façon à profiter de la radiation complète des pertes eu égard à la moitié de l'imposition des gains en capital, selon la durée de détention du bien. Ainsi, il est possible de diminuer ou d'éliminer complètement l'impôt sur les gains en capital.

En 1986, les États-Unis étaient tellement préoccupés par cette question qu'ils ont décidé de décréter l'imposition complète des gains en capital. Aujourd'hui, ils sont revenus à un système dans lequel ils imposent des restrictions sur les pertes, les pertes ne pouvant être radiées que contre les gains qui sont complètement imposés. Par conséquent, les États-Unis protègent l'impôt sur les gains en capital en restreignant les déductions de pertes admissibles des gains. C'est là un changement intéressant parce que c'est assez différent de ce qui existait avant 1986.

Nous pourrons parler de ce système plus tard, mais c'est un système beaucoup plus complexe et qui amène beaucoup plus de complexité dans le régime fiscal lorsqu'il y a des taux d'imposition différents qui sont fonction de la durée de détention des biens.

Un autre aspect du système d'impôt sur les gains en capital est la disposition de roulement. La plupart des pays ont au moins une forme quelconque de roulement qui permet à un contribuable de reporter le paiement d'impôt sur les gains en capital. C'est le cas, par exemple, des échanges d'actions, des regroupements d'entreprises et de certaines fusions.

L'Allemagne a un système très intéressant. Elle impose les gains en capital. Bien que je ne connaisse pas tous les détails de son système, je sais qu'elle accorde une certaine disposition de roulement qui vous permet, en un an, d'acheter un autre type de biens et de reporter les gains en capital sur le bien plutôt que de payer l'impôt au complet. Dans le système canadien, et dans la plupart des systèmes, si je détiens, par exemple, des actions de la Banque Toronto Dominion, et que je les vends pour acheter des actions de la Banque Royale, je vais payer mon impôt sur les gains en capital sur les actions de la Banque Toronto Dominion, même si je les ai échangées pour une autre forme d'actions bancaires. En Allemagne, vous auriez le droit de faire cela et de reporter l'impôt sur les gains en capital. Dans mon exemple, les actions de la Banque Toronto Dominion seraient utilisées comme prix nominal pour déterminer l'impôt sur les gains en capital à payer un jour sur les actions de la Banque Royale, si elles étaient utilisées pour des fins de consommation.

C'est un système intéressant. Je n'en ai pas examiné toutes les implications sur la planification fiscale, mais c'est un système auquel on devrait peut-être songer.

Quand on regarde ce qui se passe dans d'autres pays, on constate le manque total d'uniformité en ce qui concerne l'impôt sur les gains en capital. Règle générale, il faut examiner la question de l'impôt sur les gains en capital, voir la meilleure façon de préserver l'efficacité et l'équité du régime fiscal, et faire en sorte que les coûts reliés au maintien et à l'administration du système n'augmentent pas à cause de toutes les mesures que l'on doit prendre pour protéger le régime fiscal ou en accroître l'équité.

Avant 1972, le Canada n'avait pas d'impôt sur les gains en capital et le système était saturé de règlements et de tracasseries. Les gens essayaient de transformer des dividendes en gains en capital qui n'étaient pas imposés. C'est ce que l'on appelait le dépouillement des surplus. Si le Canada a décidé d'imposer les gains en capital en 1972, c'était surtout pour créer un certain équilibre et rendre le système efficace, et pour réduire au minimum les coûts de maintien et d'administration qu'implique l'utilisation d'un système comportant des taux d'imposition différents sur le revenu et sur les gains en capital.

L'autre principe important au Canada, c'est que nous essayons d'intégrer l'impôt sur les sociétés et l'impôt personnel, comme je l'ai déjà dit.

En conclusion, j'aimerais présenter quatre ou cinq propositions qui devraient être actuellement examinées au Canada. Premièrement, je propose que dans le prochain budget, nous passions immédiatement à un taux d'inclusion aux deux tiers des gains en capital. La raison en est que l'an prochain, en Ontario, le taux maximal sera de 48 p. 100. Le taux d'imposition des dividendes sera de quelque 32 p. 100. Avec un taux d'inclusion des gains en capital aux trois quarts, le taux d'imposition des gains en capital sera de 36 p. 100, ce qui est plus élevé que le taux d'imposition des dividendes. Si l'on adopte un taux d'inclusion aux deux tiers, on obtiendra à peu près la parité, à tout le moins en Ontario, entre les taux d'imposition des dividendes et des gains en capital. Je reconnais que ces chiffres varient selon le régime fiscal des provinces. Cependant, compte tenu de la taille de l'Ontario et du fait que beaucoup d'autres provinces se retrouvent dans des situations semblables, sauf quelques exceptions dont le Québec, les gens préfèrent de beaucoup que l'on adopte le taux d'inclusion des gains en capital aux deux tiers l'an prochain.

Deuxièmement, nous devons adopter une approche exhaustive à l'égard de toute la question de l'imposition des gains en capital, des revenus personnels et des revenus des sociétés. Dans un premier temps, nous devrions baisser le taux d'imposition des revenus personnels au Canada. Je crois que dans quelques années, nous aurons des taux se situant entre 40 et 45 p. 100. Dans deux ans, l'Alberta aura un taux maximal d'environ 42 p. 100, en supposant bien entendu qu'aucune mesure ne sera prise par le gouvernement fédéral.

Je crois cependant que nous assisterons à certains changements au niveau fédéral au cours des deux prochaines années. Il n'est donc pas inconcevable de penser que l'on pourrait avoir un taux maximal de 40 p. 100 d'impôt sur le revenu au Canada. Si tel est le cas, la question suivante se pose: pouvons-nous nous permettre une autre exclusion des revenus des gains en capital? Cela dépend en partie du crédit d'impôt pour dividendes. Si nous conservons ce crédit à sa valeur actuelle, ce qui permet une intégration approximative pour les petites entreprises mais une sous-intégration des revenus des grandes sociétés, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour ce qui est du taux d'exclusion des gains en capital, à moins de créer un grave déséquilibre entre le taux d'imposition des gains en capital et le taux d'imposition des dividendes.

Toutefois, si on examine sérieusement le régime de taxation des entreprises et que nous baissons les taux d'imposition des revenus des sociétés en général, et que l'on songe, peut-être, à augmenter le taux d'imposition des petites entreprises et à avoir un seul taux d'imposition des revenus des sociétés au Canada qui serait de 25 p. 100, et que l'on augmente le crédit d'impôt pour dividendes afin de tenir compte de cette augmentation de 25 p. 100, nous pourrions avoir un taux d'exclusion des gains en capital du revenu de moitié.

En d'autres termes, nous pourrions adopter une très bonne réforme en vertu de laquelle il y aurait un seul taux d'imposition de revenu des sociétés dans le régime fiscal, comme c'est le cas actuellement dans de nombreux pays, et avoir des impôts personnels beaucoup moins élevés, ce qui, je pense, ferait l'affaire de bien des petites entreprises. Un jour, nous pourrions avoir un taux d'inclusion de moitié et un taux d'imposition des gains en capital d'environ 20 p. 100 au Canada. C'est une réforme qui, à mon avis, est tout à fait possible au cours des prochaines années. Je crois que nous devrions examiner cette réforme en tenant compte de l'équilibre que l'on veut apporter à tout le régime fiscal.

Ma troisième proposition consiste à envisager des mesures incitatives spéciales pour les gains en capital. L'exemption à vie de l'impôt sur les gains en capital n'est pas efficace. Dans certains cas, les gens en abusent. Elle a été créée pour les petites entreprises, mais elle s'applique à toutes les sociétés privées sous contrôle canadien. De nombreuses entreprises qui étaient des entreprises publiques sont devenues des entreprises privées en partie pour profiter de l'exemption à vie de l'impôt sur les gains en capital et de la déduction pour petite entreprise. Essentiellement, le système ne favorise pas la croissance des entreprises.

Si vous regardez ce qui se passe aux États-Unis, vous constaterez que le système encourage effectivement une telle croissance. Ils ont un impôt partiel sur les gains en capital pour les placements initiaux de titres. La moitié du taux d'imposition des gains en capital s'appliquera aux placements initiaux de titres. Soit dit en passant, une petite entreprise est une entreprise qui détient à peu près 55 à 58 millions de dollars d'actifs. Au Canada, nous définissons la petite entreprise comme une entreprise qui détient 15 millions de dollars d'actifs.

Nous devrions essayer de changer le système de fonds de capital de risque de travailleurs. Le système n'a pas très bien réussi. De nombreuses données indiquent que le rendement de ces fonds est inadéquat, sauf quelques-uns. À vrai dire, il se situe en deçà de la valeur du marché et ce, en partie, parce que le crédit a favorisé des investissements trop importants dans des aventures de risque rapportant très peu. À mon avis, il serait préférable d'améliorer notre système de REER en créant un nouveau fonds qui n'aurait pas de répercussions sur les limites de cotisations aux REER. Cela donnerait une autre possibilité aux gens d'avoir des épargnes à l'abri de l'impôt. Ils pourraient investir dans des fonds de capital de risque. Et si des changements étaient apportés à ces fonds, ils ne seraient pas assujettis à l'impôt. Tant que l'argent demeurerait dans le fonds, il n'y aurait pas d'impôt sur les gains en capital à cette fin. Cela donnerait également une nouvelle forme d'épargne-retraite pour les particuliers. Il pourrait aussi y avoir une limite sur le montant qu'on pourrait y verser.

Ma dernière recommandation concerne les options d'achat d'actions. L'an dernier, j'ai témoigné devant votre comité à ce sujet. Je propose que l'on adopte le système des États-Unis et qu'on élimine la pénalité fiscale actuelle contre les options d'achat d'actions. Pour l'instant, cette option est moins privilégiée comparativement aux remises en espèces versées aux travailleurs.

Le sénateur Hervieux-Payette: Monsieur le président, comme nous devrons faire beaucoup de comparaisons, nous devrions avoir toutes les données sur les principaux intervenants du marché.

Monsieur Mintz, on nous a remis l'un de vos documents sur la taxation des entreprises. Nous aurons besoin de l'ensemble de vos documents afin de poursuivre notre étude, et plutôt maintenant que plus tard si possible. Je ne sais pas si ces documents nous seront envoyés par vos soins, mais nous apprécierions. Ce sont des renseignements essentiels.

Le régime de retraite ne verse pas de gains en capital. Il serait intéressant de voir les statistiques sur la portion des gains en capital qui n'est pas imposable parce que l'argent est placé dans des caisses de retraite, comparativement aux épargnes des particuliers qui paient des impôts personnels sur ce qui leur reste dans leurs poches pour investir. Cette somme diminue constamment. C'est peut-être 20 p. 100. Est-ce que vous avez une réponse à cette question?

M. Mintz: Ces chiffres peuvent être téléchargés du site Web du ministère des Finances. Certains documents ont été rédigés par Tom Wilson, Steve Murphy, Michael Smart et Jim Pesando du comité technique de la fiscalité des entreprises. Ils portent sur les fonds de titres à revenu fixe mais renferment certaines données sur les actions qui sont dans des régimes de retraite en fiducie -- et dans des RER, c'est-à-dire la même chose -- par opposition aux actions qui sont imposables. Malheureusement, je n'ai pas les chiffres en mémoire. Je suis certain que vous pouvez obtenir des données plus à jour de Tom Wilson ou du ministère des Finances.

Vous avez raison de dire qu'on a assisté à une croissance des actifs sous forme de régimes de retraite et de régimes enregistrés d'épargne-retraite. Ainsi donc, les gains en capital tirés de ces régimes, en principe, ne sont pas imposables, à tout le moins pas selon la formule de la comptabilité d'exercice. Le seul moment où l'augmentation de la valeur de ces actifs est imposable, c'est lorsque les fonds sont retirés du régime. Ces données existent.

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous devons savoir exactement combien d'impôt est payé. Nous avons toujours l'impression que le pauvre ministre des Finances va faire faillite.

Le projet qui me tient à coeur est le programme d'actionnariat ouvrier. Il existe des liens, et cela a été prouvé, entre la productivité, la participation et la transparence de l'information technique qui est donnée aux employés. Vous avez aussi parlé des options d'actions. Dans ce cas-là, l'entreprise est imposée, sur ce qu'elle peut déduire, ainsi que les employés. La jeune génération d'entrepreneurs qui travaillent dans des entreprises de technologie de pointe pourrait peut-être résister à ce que l'on appelle l'exode des cerveaux si les gens pouvaient rester ici et participer à la croissance de leurs entreprises.

À votre avis, est-ce que nous avons un cadre concurrentiel permettant de faciliter les choses au Canada à cet égard, comparativement aux États-Unis? Chez eux, la répartition des actions à leurs employés est beaucoup plus importante. Est-ce à cause de leur culture, ou si le régime d'imposition exerce une influence?

M. Mintz: Je n'ai pas examiné le pourcentage de Canadiens et d'Américains qui participent à un programme d'actionnariat ouvrier, pas plus que je me suis intéressé aux facteurs qui peuvent expliquer les différences entre les deux. Je ne peux pas faire d'observations précises à ce sujet.

Dans le régime fiscal canadien, l'option d'actions n'est pas déductible des revenus de la société, comme vous l'avez dit. Elle est effectivement assujettie à l'impôt sur les gains en capital au niveau individuel. Aux États-Unis, une option d'actions qui est accordée n'est pas déductible ou imposable lorsqu'elle est entre les mains d'un particulier; il en va de même au Canada, devrais-je dire.

Le gain tiré sur le revenu, qui est la différence entre la valeur de l'option accordée et le prix vendu, est traité de deux façons aux États-Unis. Premièrement, la différence entre le prix vendu et le prix accordé est totalement déductible pour l'entreprise. Elle est entièrement imposable pour le particulier. Le deuxième traitement est ce que l'on appelle un régime d'actionnariat incitatif où la différence entre le prix vendu et le prix accordé n'est pas déductible pour l'entreprise ni imposable pour le particulier.

Lorsque vous faites les calculs au Canada pour les petites entreprises, ce n'est pas un problème, parce que le taux d'impôt sur le revenu des sociétés et le taux d'impôt sur les gains en capital sont à peu près les mêmes. Au taux de la petite entreprise, en fait, vous avez le droit de faire un report. Vous n'avez pas à payer l'impôt au moment où l'option est exercée. Vous avez le droit de le reporter au niveau de la petite entreprise.

Pour les grandes entreprises, c'est un problème, parce que le taux d'imposition des grandes sociétés, bien sûr, est beaucoup plus élevé que celui des petites entreprises. Au Canada, rien n'incite les grandes sociétés contribuables à émettre des options d'actions, du moins pour fins d'impôt. Cela ne veut pas dire qu'elles ne le feront pas. Elles le feront peut-être pour d'autres raisons. Cependant, sur le plan fiscal, elles ne sont pas incitées à le faire.

Le sénateur Hervieux-Payette: Donc notre régime fiscal ne favorise pas tellement les Nortel de ce monde. Des entreprises de cette taille n'ont pas de véritables stimulants qui les incitent à entreprendre ce genre de programme?

M. Mintz: Ces entreprises en réalité ne paient pas beaucoup d'impôt sur le revenu des sociétés à cause du crédit d'impôt à la recherche et au développement. Si l'entreprise ne paie pas d'impôt, cela l'incite à émettre des options d'actions plutôt qu'à payer des salaires ou à verser des rétributions en espèces aux employés.

Le sénateur Angus: Monsieur Mintz, vous avez confirmé qu'il n'y avait pas d'impôt sur les gains en capital au Canada avant 1972. Cet impôt a été établi à la suite de l'étude Carter. Le Canada semblait bien tirer son épingle du jeu avant que nous ayons un impôt sur les gains en capital. Il semblait y avoir plus de stimulants pour la création d'entreprises et l'esprit d'entreprise ainsi que pour le développement industriel.

J'ai lu vos documents. Vous ne semblez pas en faveur de l'abolition de cet impôt. Peut-être pourriez-vous préciser au compte rendu pourquoi il en est ainsi. Pourquoi ne pas revenir à ce que je considérais comme un climat très favorable à notre économie avant 1972?

M. Mintz: Avant de comparer la situation d'avant 1972 et d'aujourd'hui, il faut tenir compte de nombreux facteurs, pas seulement de l'impôt sur les gains en capital. Il y avait d'autres facteurs qui étaient favorables à l'économie canadienne à l'époque, comme le prix des ressources naturelles, qui était constamment à la hausse durant les années 50. Je dirais que nous avons encore des leçons à tirer de cette époque.

Mon principal problème, en ce qui concerne l'élimination de l'impôt sur les gains en capital, c'est que cela va créer des difficultés en matière de planification fiscale. Comment transformer un revenu en gains en capital s'il est libre d'impôt? Cela nous ramène à 1972 et aux raisons pour lesquelles l'impôt sur les gains en capital a été institué alors. Nous voulions en général qu'il y ait parité entre l'impôt sur les dividendes et les gains en capital. La restructuration d'entreprises, la planification successorale et toute une gamme d'autres questions fiscales pourraient devenir très compliquées si on établit une différence marquée entre l'impôt sur les dividendes et l'impôt sur les gains en capital.

Je ne préconise pas un impôt plus élevé sur les gains en capital que sur les dividendes; cependant, dès que l'écart s'élargira entre les deux, nous nous exposerons à d'importants problèmes en matière de planification fiscale. Alors, le gouvernement devra corriger la situation en adoptant une loi fiscale très compliquée. Cela pourrait aussi provoquer une érosion non souhaitable de l'assiette fiscale.

Pour régler nos problèmes au Canada, nous ne devrions pas simplement éliminer l'impôt sur les gains en capital. Oui, je suis inquiet de voir que le taux d'impôt sur les gains en capital est trop élevé maintenant comparativement aux dividendes. Je m'inquiète également de voir que les taux d'imposition sont trop élevés. Ces taux doivent baisser au Canada. La diminution des taux d'imposition et la réalisation d'une réforme très sérieuse de la fiscalité des entreprises pourraient provoquer une réduction importante du taux d'impôt sur les gains en capital au Canada. Je ne prétends pas que l'impôt ne devrait pas être éliminé, mais nous pourrions avoir un bien meilleur système avec des impôts sur les gains en capital beaucoup moindres, et qui se rapprocheraient de ceux qui ont cours aux États-Unis.

Au fait, les gens parlent toujours du taux d'imposition de 15 ou de 20 p. 100 aux États-Unis, mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi des impôts d'État qui sont prélevés sur les gains en capital là-bas. Je ne sais pas combien de plus on demande, mais il faut majorer ce chiffre.

Le sénateur Angus: De façon générale, est-il exact de conclure qu'éliminer l'impôt sur les gains en capital de façon isolée, sans tenir compte de ces mesures très compliquées, provoquerait des abus de la part de gens qui convertiraient des revenus réguliers en gains en capital afin de contourner le système? Vous avez utilisé l'expression plus civilisée «planification fiscale». Donc vous êtes d'accord pour dire que l'abolition générale de l'impôt sur les gains en capital viendrait réduire l'assiette fiscale?

M. Mintz: C'est exact. Il n'y a pas encore d'étude valable qui a été faite au Canada. Tom Wilson et moi-même sommes en train, à tout le moins, d'en réaliser une qui, nous l'espérons, sera terminée très bientôt.

Regardons ce qui se fait aux États-Unis. On n'y tient pas toujours complètement compte des problèmes que comporte la transformation des revenus en gains en capital comme faisant partie des pertes de revenus, pertes qui pourraient se produire si le taux d'impôt sur les gains en capital est inférieur au taux d'impôt sur les dividendes. C'est ce qui s'est passé aux États-Unis. C'est un problème. Peut-être serait-il bon de vérifier auprès de gens des États-Unis qui ont travaillé beaucoup sur le sujet et de leur poser des questions sur les calculs réels.

Le sénateur Angus: Ce serait utile.

Autre point. Vous avez dit que la façon dont on traite la réalisation réputée au moment du décès fait partie intégrante de l'approche canadienne. Autrement dit, ce n'est pas nécessairement bon ou mauvais, mais ça fait partie d'un ensemble de mesures qui ont été intégrées à notre réforme fiscale de 1971. Il me semble qu'une réalisation réputée est injuste, compte tenu de la façon dont les familles sont structurées. Un accident de la circulation ou un événement malheureux, dans ce pays, peut éliminer des capitaux qui ont été durement acquis. J'ai toujours dit que le concept de réalisation réputée de gains en capital est une mauvaise politique gouvernementale. En fait, je pense qu'elle est très mauvaise. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Mintz: Manifestement, je ne suis pas d'accord avec vous dans le mesure où l'on essaie de préserver le régime d'impôt sur le revenu. C'est pourquoi j'aime les systèmes basés sur la consommation. D'une certaine façon, j'admets que le système est défaillant si vous gagnez un revenu, que vous épargnez, et que vous faites fructifier votre argent. Vous serez alors imposé à nouveau, tandis que si vous consommez votre argent tout de suite, vous n'êtes pas assujetti à l'impôt la deuxième fois.

Mais cela étant dit, tant qu'il y aura une assiette fiscale au Canada, je crois que nous devons prévoir un recours au moment du décès. Tous les pays de l'OCDE ont soit la notion de réalisation réputée de gains en capital au décès, soit un impôt successoral. Au Canada, avant 1972, il n'y avait pas de réalisation réputée de gains en capital au décès, mais nous avions effectivement un impôt successoral. Cet impôt successoral a été aboli au niveau fédéral au moment où la réalisation réputée est entrée en vigueur.

Il serait injuste d'avoir les deux au décès, parce que cela aboutit à une double imposition à ce moment-là. Je crois qu'il y a seulement deux pays qui ont les deux. L'Espagne en est un. La plupart des pays ont adopté l'un ou l'autre.

Le sénateur Angus: Est-ce que les États-Unis ont adopté la réalisation réputée?

M. Mintz: Non, ils ont effectivement un impôt successoral qui frappe un groupe beaucoup plus restreint de personnes.

Le sénateur Meighen: J'aimerais savoir ce que vous préférez, soit ce que l'on appelle un taux fixe d'impôt sur les gains en capital, soit un taux variable. Par exemple, pour poursuivre le raisonnement du sénateur Angus, est-ce qu'il y aurait un avantage précis, à votre avis, à avoir un taux de réalisation réputée de gains en capital inférieur au moment du décès, taux inférieur, dis-je bien, différent du taux habituel?

Comme vous le savez, le ministre des Finances a déjà commencé à adopter des taux différents quand, à mon avis, et dans toute sa sagesse, il a baissé le taux d'imposition sur les gains en capital tirés de dons d'actions à des organismes caritatifs au Canada. J'aimerais seulement qu'il se rende à l'évidence des preuves anecdotiques -- vous, vous avez peut-être des preuves empiriques -- que cette formule a généré beaucoup d'argent pour les hôpitaux, les universités et les organismes caritatifs.

Au Canada, nous imposons 75 p. 100 du gain à un taux relativement élevé alors que les autres pays imposent 100 p. 100 du gain. Que pensez-vous de l'imposition de 100 p. 100 du gain à un taux inférieur? Ou préférez-vous 75, 50 p. 100 à un taux supérieur?

M. Mintz: Le problème avec les taux différents, ce sont les possibilités de planification fiscale que cela comporte. Avant 1986, les gens pouvaient, par exemple, établir une opération de couverture. Ils avaient deux biens, l'un détenu pendant plus d'un an, l'autre moins d'un an. Certaines pertes réalisées sont incluses en totalité dans le revenu, et la moitié des gains en capital sont assujettis à l'impôt sur un bien détenu pendant plus d'un an. On a élaboré un produit financier dérivé simple qui venait éliminer tout l'impôt sur les gains en capital. C'était une bonne chose pour les gens qui voulaient se soustraire à l'impôt sur les gains en capital.

Le sénateur Meighen: Ces dérivés semblent permettre d'atteindre cet objectif, et dans d'autres domaines également. Nous avons entendu des témoignages renversants, à savoir que dans le domaine du contenu étranger, qui est restreint, comme vous le savez à 20 p. 100 de propriété de régime de retraite au Canada, les produits dérivés permettent maintenant de contourner cette exigence. Les sociétés de fonds communs de placement vendent ce mécanisme à tout le monde.

M. Mintz: Dans notre système, il n'y a pas tellement d'incitatifs pour créer des produits dérivés permettant de transformer des revenus en gains en capital ou de supprimer l'impôt sur les gains en capital. Ce n'est pas aussi facile que vous croyez chez nous.

Il faudrait réfléchir au problème concernant les possibilités de planification fiscale que cela crée. Je ne crois pas que l'on devrait faire des recommandations sans réfléchir à l'érosion possible de l'impôt sur les gains en capital dans son intégralité, à moins que ce soit véritablement l'objectif que l'on vise d'abord et avant tout.

Le deuxième point concerne le taux de 75 p. 100 par opposition au taux de 100 p. 100. À mon avis, le taux d'exclusion devrait être implanté en essayant d'obtenir une parité assez équivalente entre le taux d'impôt sur les dividendes et le taux d'impôt sur les gains en capital. Il n'y a rien de sacré dans ce taux de 75 p. 100.

La réduction du taux d'imposition des revenus personnels, qui a été effectuée en Ontario récemment, permet en réalité d'augmenter le taux d'exclusion pour les gains en capital. En Ontario, lorsque les taux d'impôt personnel ont été réduits, le taux d'impôt sur les dividendes a baissé plus vite que le taux d'impôt sur les gains en capital. Par conséquent, il faut augmenter le taux d'exclusion pour arriver à cette fin.

J'aimerais revenir à ce que je disais tout à l'heure. Nous avons implanté notre taux d'impôt sur les gains en capital en nous basant sur le taux d'impôt sur les dividendes, dans lequel le crédit d'impôt pour dividendes joue un rôle important. Si nous essayons de maintenir un faible taux d'imposition des petites entreprises et un faible crédit d'impôt pour dividendes, ça ne nous laisse alors pas tellement de jeu pour le taux d'exclusion des gains en capital. Cependant, je préconiserais un système beaucoup plus sensé qui exigerait un taux d'imposition plus élevé sur le revenu des sociétés pour les petites entreprises, et un taux d'imposition plus élevé sur les dividendes. En outre, je présenterai une recommandation au comité technique en vue de tirer un impôt sur les dividendes versés par les sociétés. Il serait alors possible d'avoir un crédit d'impôt plus élevé pour dividendes et un taux d'exclusion plus élevé pour les gains en capital. Nous aurions alors une politique fiscale sensée et efficace.

Le président: Nous nous informons actuellement sur les gains en capital et sur les effets bénéfiques que l'impôt peut avoir. Je me demande si nos questions ne sont pas devenues un peu trop techniques. J'ai peut-être tort. Je comprends que c'est un domaine technique.

Le sénateur Kroft: J'avais une question simple à poser avant que le président ne fasse ses observations. Il faut comprendre mon indépendance. Nous avons parlé des aspects techniques de l'impôt. Quelles conclusions avez-vous tirées de votre étude sur les liens entre, d'une part, les niveaux d'impôt sur les gains en capital et l'efficacité des investissements et, d'autre part, la prise de risques? Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Mintz: Premièrement, les études antérieures n'ont pas fait ressortir d'importantes répercussions sur l'effet des impôts sur le gain en capital sur les investissements en général. C'est parce que la plupart des investissements sont effectués par les grandes sociétés publiques qui évoluent dans les marchés mondiaux et financent leurs investissements non seulement à partir des épargnes des Canadiens, mais des épargnes de l'étranger également. Changer le taux d'imposition sur les gains en capital a un impact sur les épargnes au pays et les fait augmenter, ce qui ne se traduit pas nécessairement par un accroissement des investissements au Canada. Cela peut inciter plus d'entreprises canadiennes à faire des investissements et à se procurer des biens, tout en faisant fuir les investisseurs étrangers, mais cela n'amène pas nécessairement plus d'investissements, parce que les investissements sont déterminés par le taux d'intérêt sur les marchés mondiaux ou par le rendement sur les marchés mondiaux plutôt que sur les marchés intérieurs. C'est seulement pour les entreprises publiques.

Le problème le plus important concerne l'esprit d'entreprise. Ça, c'est une question importante. Il existe trop peu d'études qui ont été produites à intervalles trop longs pour que l'on comprenne la situation. Il faut faire d'autres études, particulièrement dans le cas du Canada, pour comprendre l'impact de l'impôt sur les gains en capital sur des choses comme le capital de risque, notamment. Quelques études ont été réalisées sur le capital de risque et sur les répercussions des déductions pour la recherche et le développement et pour la petite entreprise. Une étude a été réalisée pour le comité technique, que vous pouvez également télécharger du site Web du ministère des Finances, qui portait sur la croissance des petites entreprises et sur la déduction au titre de la petite entreprise. Cependant, personne n'a vraiment examiné en détail le taux d'imposition des gains en capital dans ce cas en particulier. C'est une question qui pourrait faire l'objet d'autres études.

Le président: Qui pourrions-nous inviter ici pour nous en parler?

M. Mintz: Tom Wilson et moi-même sommes en train de rédiger une étude à l'aide du modèle de l'Institute of Policy Analysis. Nous étudions l'impact des réductions d'impôt sur les gains en capital sur les recettes gouvernementales, l'emploi, l'investissement, etc., en tenant compte de certains de ces impacts. Cependant, quand on regarde l'économie dans son ensemble, on constate que les répercussions sont en général atténuées à cause du problème des grandes sociétés publiques et de la différence entre leur comportement et celui des plus petits entrepreneurs; mais nous allons faire de notre mieux pour en tenir compte.

Le sénateur Kroft: Quand prévoyez-vous terminer l'étude?

M. Mintz: Nous avons presque terminé.

Le président: Pourriez-vous communiquer avec nous dès que vous aurez fini?

M. Mintz: Oui, je le ferai.

Le sénateur Tkachuk: Si l'on réduisait de façon considérable l'impôt sur les gains en capital, est-ce que cela aurait un effet sur le dollar canadien?

M. Mintz: Je vais y réfléchir un peu. Premièrement, si l'on réduit le taux d'imposition sur les gains en capital et que l'on favorise davantage les capitaux propres et la propriété de biens au Canada, il y aura moins d'épargne étrangère qui entrera au pays, ou nous subirons une plus forte sortie de l'épargne des étrangers. Ce phénomène aura un certain impact sur le dollar canadien, en ce sens qu'il réduira la demande de dollars canadiens. Cela pourrait causer une certaine dévaluation, mais nous permettrait d'exporter davantage et d'importer moins.

Le sénateur Tkachuk: Je vous ai perdu à la fin.

M. Mintz: Ce que je veux dire, c'est que s'il y a plus d'épargne au pays, il y aura moins de capitaux qui viendront de l'étranger. Cela ferait baisser un peu le dollar canadien, mais permettrait aux sociétés d'exporter davantage, ce qui améliorerait la balance commerciale.

Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, une diminution de l'impôt sur les gains en capital ferait baisser notre dollar?

M. Mintz: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Maintenant, il y a deux économistes qui ne sont pas d'accord là-dessus. C'est intéressant.

M. Mintz: J'utilise simplement le modèle fondamental d'équilibre macrocommercial.

Le président: L'un de nos problèmes, pour atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé, c'est de savoir comment vendre la marchandise. C'est le gros problème pour les gens qui doivent être élus.

Le sénateur Kelleher: Comment vendre quoi?

Le président: Comment faire accepter ce que nous espérons atteindre comme objectif.

M. Mintz: Est-ce que vous parlez de l'augmentation ou de la diminution de l'impôt sur les gains en capital?

Le président: De la diminution. Y a-t-il des études qui montrent qu'une diminution de l'impôt sur les gains en capital profite non seulement aux gens riches, mais aux gens à revenus moyens et même aux gens ayant des revenus moindres?

M. Mintz: La plupart des gains en capital profitent aux groupes de revenus supérieurs dans l'économie.

Le président: Qu'est-ce que vous entendez par «groupe de revenus supérieurs»?

M. Mintz: Je parle ici des gens qui gagnent 100 000 dollars ou plus.

Le président: On nous a dit que 85 p. 100 des gens qui paient de l'impôt sur les gains en capital gagnent moins de 100 000 dollars par année.

M. Mintz: C'est exact, mais je parle ici de l'ensemble des gains en capital. Certes, il y a des gens qui ont des revenus inférieurs qui tirent des gains en capital. Il y a beaucoup de pertes de capitaux dans l'économie, ce qui veut dire que l'impact sur la prise de risques, dont j'ai parlé tout à l'heure, est très important.

À mon avis, réduire le taux d'imposition sur les gains en capital favoriserait davantage l'esprit d'entreprise et la prise de risques, et je crois que cela aurait des répercussions positives sur l'économie.

Le président: Quelle étude pourrions-nous consulter qui vient corroborer vos dires?

M. Mintz: Je ne fais qu'appliquer en gros la théorie. Il faut regarder les répercussions dans leur ensemble. Je reconnais qu'il n'y a pas d'étude empirique qui renferme des données là-dessus. C'est simplement les répercussions que je prévois.

Le président: Le ministère des Finances dit que si l'on réduisait les gains en capital au niveau de ce qu'ils sont aux États-Unis, la première année, il y aurait des retombées à cause des profits qui seraient débloqués, et cela se produirait pendant environ trois ans. On dit que la quatrième année, on devrait absorber des coûts de un milliard de dollars. Cependant, je ne sais pas sur quoi on s'appuie. Qu'est-ce qui advient de tout l'argent qui sera engendré par suite des réinvestissements? Je ne sais même pas si je peux obtenir un tel chiffre.

Il me semble que ce genre d'études est destiné à mourir parce qu'elles ne tiennent pas compte de l'ensemble des répercussions.

M. Mintz: Jusqu'à maintenant, les études sur la réalisation des profits qui ont été faites aux États-Unis laissent entendre qu'il y a plus de réinvestissements, et les gens sont d'accord, mais cela ne compense pas nécessairement la perte potentielle totale que l'on subit en augmentant les réalisations dès le début et en subissant des diminutions plus tard.

Le président: N'est-il pas question de création d'emplois?

M. Mintz: Je dis seulement que ce sont des études qui ont été faites aux États-Unis. Dans l'étude que nous faisons actuellement par l'intermédiaire de l'Institute of Policy Analysis, nous serons en mesure de tenir compte des répercussions globales sur les investissements et l'emploi en ce qui a trait aux recettes gouvernementales, ce qui veut dire que nous récupérerons une partie de la perte en impôt sur les gains en capital à l'avenir en investissant davantage dans l'économie.

Le sénateur Meighen: Une étude réalisée en 1994, à ce qu'on me dit, préconisait qu'après cinq ans, on assisterait aux États-Unis à une augmentation de 300 milliards de dollars du PIB et qu'il se créerait quelque 877 000 emplois de plus. Même en appliquant un facteur de 5 p. 100, c'est encore quand même bon.

M. Mintz: Je vous conseille de trouver une étude qui a été faite sur toutes les études réalisées aux États-Unis. Nous venons tout juste de terminer une enquête et avons constaté que les auteurs de ces études sont un peu à côté de la plaque. Cependant, en général vous constaterez qu'il y a augmentation des investissements qui peuvent se mesurer et qui peuvent être pris en compte dans les réalisations et les recettes qu'obtiennent les gouvernements. La plupart des études aux États-Unis indiquent que, si vous ne tenez pas compte des répercussions sur les comportements, vous aurez une certaine perte à long terme dans les recettes tirées de l'impôt sur les gains en capital en réduisant le taux. Il y aura peut-être une brève reprise mais, à long terme ce sont des pertes sur les gains en capital. Et ça, c'est sans tenir compte des comportements.

Le sénateur Meighen: Ce n'est pas seulement une question de gains en capital. Vous ne parlez pas d'autres formes d'imposition.

M. Mintz: Je parle des autres taxes aussi. Je dis «sans tenir compte des comportements». Une fois que vous en tenez compte, vous constaterez qu'il y a une augmentation des recettes fiscales, même si ce n'est pas une augmentation complète. Je peux vous donner cette enquête tout de suite parce que nous l'avons faite.

Le président: Est-ce que cela aurait le même effet si on réduisait simplement les gains en capital et qu'on oubliait l'intégration dont vous parlez?

M. Mintz: Le même effet que quoi?

Le président: Une augmentation des investissements, la création d'entreprises, la création d'emplois.

M. Mintz: Cela dépend. Si vous effectuez certaines des réformes dont j'ai parlé, comme la baisse du taux d'impôt, et l'amélioration du régime fiscal, l'impact sera beaucoup plus grand sur l'économie comparativement à l'impact que vous auriez si vous n'adoptiez qu'une seule mesure.

Le président: Eh bien, nous ne prendrons aucune mesure sur les gains en capital si l'on ne fait rien à propos de tout le reste.

M. Mintz: Je suis d'accord.

Le sénateur Tkachuk: Je voulais faire une intervention à propos de votre observation, monsieur le président, au sujet des répercussions qu'aurait l'élimination d'une partie des gains en capital, et des répercussions que cela aurait sur le travailleur ordinaire au Canada. Je ne crois pas que ce soit exagéré. Actuellement, notre impôt sur les gains en capital est élevé parce qu'il est lié au revenu. Si l'on prend 75 p. 100 d'un taux d'imposition de 50 p. 100, ça nous amène à un taux élevé de 37 ou 38 p. 100 dans ma province.

Le contribuable ordinaire ne paie pas d'impôt sur les gains en capital réalisé sur ses économies pour la vieillesse. Il place ses économies dans un REER et elles sont protégées de l'impôt. Certes, il ne veut pas que ces économies-là soient imposées. Les rentes de retraite, comme l'a signalé le sénateur Hervieux-Payette, ne sont pas imposées, mais personne ne dit que cette importante accumulation de capitaux n'a pas eu un effet en profondeur sur l'économie canadienne. Nombre de nos entreprises canadiennes n'existent effectivement que grâce à une vaste accumulation de capitaux.

En ce qui concerne les gains en capital, nous voulons les étaler afin de favoriser la création d'entreprises. Réduire l'impôt sur les gains en capital, nous l'espérons, gratifie la personne qui risque son capital, plutôt que de l'économiser ou de simplement tirer des revenus en travaillant pour gagner sa vie. Tout argent supplémentaire, croyons-nous, sera affecté à la création d'entreprises et à la prise de risques pour obtenir les mêmes avantages que si l'on épargnait et qu'on mettait cet argent dans un abri fiscal. On peut prétendre, avec forces et gestes, que la réduction des gains en capital favorise la création d'emplois, les possibilités de création d'entreprises et que l'on paie toujours un impôt même si l'on soutient qu'il est plus faible. Une personne qui ne veut pas de risques peut ne pas payer d'impôt sur les gains en capital en épargnant dans un REER et, espérons-le, en payant un taux moindre lorsqu'elle dépensera ces fonds après l'âge de 65 ans.

M. Mintz: Je suis d'accord avec vous au sujet des taux d'imposition sur les gains en capital et j'y inclus les questions d'intégration. Si vous essayez d'imposer les gains en capital comme une autre source de revenus, vous découragez la prise de risques, parce que nous n'avons pas et nous n'aurons jamais de pertes en capital qui seront complètement déduites des autres sources de revenus. C'est pénaliser très lourdement les personnes qui prennent des risques à même leurs impôts. Il faudrait un taux d'imposition inférieur sur les gains en capital comparativement à d'autres sources de revenus, parce qu'on veut au moins éviter la pénalité fiscale pour ceux qui prennent des risques. Là-dessus, je suis d'accord avec vous.

Je sais que mes recommandations sont motivées par une question technique, c'est-à-dire la conversion de revenus en gains en capital, mais je suis très ouvert à l'idée que nous devrions tenter de réduire les taux d'impôt sur les gains en capital. Cependant, je propose qu'on le fasse en ayant recours à une saine politique fiscale. Une politique fiscale saine consisterait à réduire dès maintenant le taux d'impôt sur les gains en capital en vue d'établir la parité entre les dividendes et les gains en capital, et en ajoutant ensuite d'autres réformes pour «tirer le meilleur de notre argent», comme vous le dites.

Le président: Merci, monsieur Mintz. S'il vous plaît, faites-nous parvenir les renseignements supplémentaires que vous avez et nous vous inviterons à revenir plus tard en discuter.

La séance se poursuit à huis clos.


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