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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 3 - Témoignages du 8 décembre 1999


OTTAWA, le mercredi 8 décembre 1999

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 15 h 40 pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international. (L'impôt sur les gains en capital).

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous avons le quorum. Nous avons le grand plaisir de recevoir aujourd'hui le professeur Vern Krishna. Il est conseillé fiscal. Il est titulaire d'un baccalauréat en commerce de l'Université de Manchester, d'un M.B.A. et d'un baccalauréat en droit de l'Université de l'Alberta ainsi que d'une maîtrise en droit de la Faculté de droit de Harvard. Il est également diplômé en droit comparatif de l'Université de Cambridge. Il enseigne le droit commercial et fiscal à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Il est le directeur du Centre de recherches fiscales de la CGA. Il est commissaire à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et l'auteur de plusieurs ouvrages importants sur la fiscalité, y compris Fundamentals of Canadian Income Tax. Il est le rédacteur en chef de Canada's Tax Treaties et le directeur-rédacteur en chef de Canadian Current Tax, une publication mensuelle spécialisée dans les questions fiscales. Il a déjà occupé le poste de chef de la Politique et de la législation fiscale au ministère des Finances. Bonjour professeur, la parole est à vous.

M. Vern Krishna, c.r., professeur, Faculté de droit, Université d'Ottawa: Je suis ravi de cette occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. J'ai distribué un document qui représente un amalgame de plusieurs de mes travaux et qui contient également quelques données nouvelles et quelques nouveaux chiffres. J'ai pensé qu'il vaudrait mieux que je parle du contenu de ce document et vous laisser annexer mon mémoire aux procès-verbaux.

La question dont vous êtes saisis ne date pas d'hier. Je voudrais parler de la nature du problème et de certaines considérations politiques qui entrent en ligne de compte. Je voudrais faire valoir pourquoi il faudrait accorder un traitement préférentiel aux gains en capital et quels en sont les avantages et les inconvénients, aborder certaines questions internationales et considérations concernant la concurrence et offrir ensuite quelques solutions à envisager.

Notre législation fiscale a toujours accordé un traitement préférentiel aux gains en capital. Par exemple, les gains en capital sont imposés à un taux plus bas que les autres formes de revenu. Au début de notre régime fiscal, nous n'imposions pas du tout les gains en capital, et ils étaient donc exemptés à 100 p. 100. Après l'étude de la Commission Carter, en 1970 ou 1971, en fait le 1er janvier 1972, nous sommes passés à un taux d'inclusion de 50 p. 100. Nous avons ensuite relevé ce taux aux deux tiers, en 1988-1989, puis, en 1990, au niveau actuel de 75 p. 100.

Il n'y a pas d'impôt idéal sur les gains en capital. Il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais. Dans 100 ans, la Chambre débattra encore de ce qui constitue l'impôt idéal sur les gains en capital. Il n'y a pas d'impôt sur le revenu idéal étant donné que toutes les lois fiscales représentent un compromis entre des valeurs concurrentes. Ces valeurs concurrentes n'ont pas le même poids auprès des divers membres de la population et des législateurs de même qu'à des moments différents de notre histoire.

Il n'y a que cinq grandes valeurs concurrentes dans tout régime fiscal. D'abord et avant tout, un régime fiscal a pour but de générer des recettes pour financer les dépenses publiques et la génération des revenus est donc une considération importante de même que l'inverse, c'est-à-dire la perte de revenus.

Deuxièmement, il y a la question de l'équité, quelle que soit la façon dont on la conçoit. La plupart des gens conviendront qu'un régime fiscal doit être équitable. Chacun a sa propre notion de l'équité, mais la plupart des gens conviendront que la fiscalité doit être équitable. Au cours de ma vie professionnelle ou universitaire, depuis plus de 20 ans, je n'ai jamais entendu personne dire qu'un régime fiscal devrait être injuste. J'ai toutefois entendu toutes sortes d'opinions divergentes quant à ce qui constitue cette équité.

Troisièmement, un régime fiscal devrait être neutre et ne pas créer de distorsions en amenant à prendre des décisions économiques uniquement pour des considérations fiscales.

Quatrièmement, un régime fiscal doit tenir compte des facteurs économiques et, dans le contexte de notre discussion d'aujourd'hui, il doit particulièrement tenir compte de la concurrence et des modèles fiscaux internationaux. C'est une chose qui a pris de plus en plus d'importance au cours des années. Ce n'était pas important lorsque le régime fiscal a été conçu au départ, lors de la Première Guerre mondiale. Ce n'était même pas très important lorsque la Commission Carter a présenté son rapport dans les années 60 et que le nouveau régime fiscal est entré en vigueur, en 1972. C'est absolument essentiel aujourd'hui parce que le monde s'est rétréci, le commerce est devenu plus mobile et plus mondial tandis que le capital se déplace très rapidement dans l'une ou l'autre direction et peut-être transféré en un instant grâce aux systèmes électroniques.

La dernière considération dont il faut tenir compte est la complexité administrative ainsi que le temps, l'argent et l'énergie que le gouvernement et les contribuables doivent consacrer à l'administration de la fiscalité. Il faut établir un juste équilibre entre ces cinq considérations. Dans toute salle où sont réunis des gens, chacun accordera une importance différente à ces cinq considérations. Je ne prétends pas avoir à vous proposer un régime fiscal idéal pour l'impôt sur les gains en capital ou tout autre impôt, mais je vais essayer de vous suggérer un système optimal, qui sera plus efficace, qui ne sera peut-être pas le meilleur, mais qui conciliera ces divers impératifs de façon optimale.

Je vais maintenant aborder les théories du revenu, car je sais, d'après les témoignages antérieurs, qu'on vous en a parlé. Le mot «revenu» a un sens différent pour les diverses branches de la finance. Ce qui nous intéresse ici aujourd'hui dans le cadre du régime fiscal existant est la définition juridique du revenu par opposition à sa définition économique. Il y a une importante différence entre les deux. Un économiste considère le revenu comme une accumulation de richesse. Un avocat y voit la réalisation de la richesse. En fait, pour placer les choses dans un contexte plus vaste, au Canada ou dans les autres pays, il n'y a pas de loi de l'impôt sur le revenu au pur sens du terme. Ce que nous appelons la Loi de l'impôt sur le revenu est en fait une loi qui régit l'impôt sur les transactions. Autrement dit, nous ne reconnaissons le revenu que lorsqu'il est réalisé et qu'il y a une transaction. Jusqu'à ce moment-là, il n'y a pas d'impôt sur l'accumulation de richesse alors que c'est ce qu'un économiste appellerait un revenu et que c'en était un également pour Haig et Simons, les célèbres économistes qui ont été les premiers à penser en ces termes.

À la page 4 de mon document, vous trouverez un tableau. Nous partons du principe que le revenu est une mesure de la capacité de payer. Ce n'est pas la meilleure façon de la mesurer, mais simplement une mesure subrogative de la capacité de payer. Si nous examinons qui paie l'impôt sur les gains en capital au Canada, on peut voir que des gains en capital sont réalisés à tous les niveaux de revenu, du contribuable qui ne déclare aucun revenu à celui qui déclare un revenu de plus de 250 000 $. Les gains en capital se répartissent à tous les niveaux.

Environ 83 p. 100 des gens qui déclarent des gains en capital ont un niveau de revenu inférieur à 70 000 $. Dans la colonne des revenus de 60 000 $ à 70 000 $, 83,2 p. 100 des gens ont déclaré des gains en capital. La répartition des gains en capital se fait en grande partie au bas de l'échelle des revenus, jusqu'à 70 000 $. Cependant, on peut également observer qu'à la dernière ligne, 37 p. 100 de la valeur des gains en capital se rattache à des personnes dont le niveau de revenu dépasse 250 000 $.

Même si tout le monde réalise certains gains en capital, ce sont surtout les gens dont le revenu dépasse 250 000 $ qui en accumulent la majeure partie. Ce n'est ni étonnant, ni nouveau. Les gens qui ont un capital réalisent généralement des gains en capital et il faut avoir un capital pour obtenir un gain en capital et investir pour obtenir un revenu. Néanmoins, c'est une question qui ne touche pas seulement un certain groupe de la société ou les riches. Cela se répercute sur tous les niveaux de revenu, bien que les effets soient différents.

Bien entendu, inversement, on perdra des revenus si l'on réduit l'impôt sur les gains en capital. Il se peut toutefois que les recettes augmentent sous l'effet du déblocage des gains en capital. J'y reviendrai dans un instant.

La question suivante que je voudrais aborder -- je ne suis aucun ordre particulier -- est celle de la complexité administrative. Les États-Unis ont déclaré qu'à leur avis -- et nous n'avons pas d'estimations comparables ici, si bien que je ne peux pas citer de chiffres canadiens -- l'impôt en capital absorbe davantage de temps et d'énergie que toute autre disposition du code de l'administration fiscale. Nous n'avons aucune raison de croire que la situation serait très différente chez nous. C'est la source d'énormément de complexité dans le régime fiscal. Inévitablement, dès que vous tracez une ligne de démarcation entre deux formes de revenu, dont l'une est imposée à un taux plus élevé que l'autre, cette ligne de démarcation est attaquée. Des gens veulent la traverser pour passer du revenu plus élevé au revenu plus bas. C'est inévitable dans une certaine mesure.

Sénateurs, je crois que la question est avant tout de savoir si nous voulons accorder un traitement préférentiel aux gains en capital. Quelle serait l'autre solution? Elle consisterait à imposer des gains en capital à 100 p. 100 et à les traiter comme n'importe quelle autre forme de revenu, sans traitement préférentiel. Une autre solution est de leur accorder un traitement préférentiel, ce que nous faisons maintenant; nous imposons les gains en capital à 75 p. 100. En troisième lieu, il faut se demander quelle devrait être l'importance de l'avantage accordé. Soixante-quinze pour cent représentent-ils un bon chiffre? Ou faudrait-il choisir 50 p. 100, la direction dans laquelle l'Australie s'oriente? Ou s'agit-il de 20 ou 15 p. 100, le chiffre vers lequel se dirigent les États-Unis? Le meilleur chiffre serait peut-être celui où nous avons commencé, c'est-à-dire zéro.

Les gains en capital posent trois problèmes par rapport aux autres formes de revenu. Avant de parler des problèmes, je dirais d'abord qu'aux yeux de certaines personnes les gains en capital ne constituent pas vraiment un revenu. Je vous en ai parlé. C'est une attitude que l'on avait au début du régime fiscal, mais sur laquelle je ne veux pas m'étendre trop longuement. Les gains en capital constituent une forme de richesse. Ils résultent de l'appréciation du capital et c'est maintenant un principe assez bien accepté. Par conséquent, ce qu'il faut vraiment se demander c'est s'il faut leur accorder un traitement préférentiel?

Le premier problème que posent les gains en capital, et que je décris à la page 6, est l'effet de groupement. Je veux dire par là que si vous achetez des actions la première année pour 20 $ et que vous les vendez la cinquième année pour 120 $, votre gain de 100 $ reflète la plus-value non réalisée sur cinq ans. C'est lorsque vous vendez les actions que vous réalisez le gain en capital. Jusque-là, le gain se contente de s'accumuler et n'a aucune conséquence négative pour le contribuable.

Cela peut être injuste pour certains contribuables et surtout ceux qui ont un bas revenu étant donné que l'effet de groupement les fait passer d'une tranche d'imposition à une tranche supérieure. Nous avons vu d'après les chiffres que tout le monde réalise des gains en capital, même ceux qui ne déclarent aucun revenu. L'effet de groupement peut vous faire passer de la tranche d'imposition de 17 p. 100 jusqu'à celle 26 p. 100 ou de la tranche d'imposition fédérale de 26 p. 100 à celle de 29 p. 100, simplement parce que votre revenu n'est pas étalé et qu'il est réalisé au même moment. Cela pose un sérieux problème. Je vais vous décrire tout à l'heure comment certains pays y remédient et quelles sont les solutions possibles. C'est un problème identifiable et caractéristique de l'impôt sur les gains en capital, contrairement aux autres formes de revenu qui sont généralement plus égales et qui n'ont pas cet effet de groupement.

Le deuxième problème que posent les gains en capital est l'effet de blocage. Si vous avez accumulé un gain en capital, vous n'êtes vraiment pas incité à vendre et à utiliser votre capital à d'autres fins. Par exemple, un contribuable qui a un gain non réalisé de 100 $ ou de 100 000 $, ou peu importe le montant, devrait payer un impôt d'environ 40 p. 100, en Ontario, à l'heure actuelle, s'il vendait ses titres. Cela veut dire que pour justifier cette décision économique, vous devez payer l'impôt et réinvestir 60 $ pour récupérer votre 100 $ afin de vous retrouver au même point qu'avant. À moins d'avoir un placement qui va prendre rapidement de la valeur, vous songerez très sérieusement à bloquer vos titres et à ne pas les vendre.

En fait, c'est la raison pour laquelle quelqu'un comme Warren Buffet, à qui l'on demandait quel est le meilleur moment pour vendre un titre, a répondu: «Jamais». Notre système permet de le faire dans une certaine mesure. Il y a un gain en capital sur la dette. Il y a une réalisation supposée sur la dette, mais nous avons prévu une exception et nous permettons que l'actif soit transféré au conjoint jusqu'au décès de celui-ci. La réalisation est alors différée jusqu'au décès du deuxième conjoint, à moins qu'il ne se remarie et ne laisse le bien à son nouveau conjoint, auquel cas vous avez une deuxième génération.

Le président: Pourriez-vous redonner cet exemple? J'ai du mal à comprendre.

M. Krishna: Supposez que vous ayez acheté une action 1 $ et qu'elle vaut maintenant 101 $, ce qui vous donne une gain de 100 $. Si vous vendez cette action et réalisez ce gain de 100 $, vous devez payer immédiatement un impôt sur les gains en capital d'environ 40 $. Si vous payez 40 $ immédiatement, cela veut dire qu'il ne vous reste que 61 $ à réinvestir étant donné que vous avez déboursé 40 $.

Le président: Oui, mais c'est 60 $ de plus que ce que vous aviez avant.

M. Krishna: Oui, c'est 60 $ de plus que le montant en espèces que vous possédiez avant, mais ce ne correspond pas à votre richesse d'avant.

Le président: Ce n'est pas vraiment une richesse si elle doit être imposée à un moment donné.

M. Krishna: C'est là que se situe le noeud du problème. Vu que vous avez donné 40 $ au gouvernement et qu'il vous reste seulement 60 $, les premiers 40 $ que vous récupérez grâce à la plus-value vous ramènent seulement là où vous étiez avant de vendre à 101 $. Le problème, et la raison pour laquelle cela a un effet de blocage, c'est que vous hésiterez beaucoup à vendre ce titre à moins d'avoir la garantie que votre plus-value subséquente augmentera à un rythme beaucoup plus rapide; autrement, vous ne serez pas plus avancé si vous revenez seulement au niveau de 100 $.

Le sénateur Kenny: Cela suppose que toutes vos décisions seront prises en fonction de l'impôt.

M. Krishna: Je n'irais pas jusqu'à dire que toutes vos décisions seront prises en fonction de l'impôt, mais pour la plupart des décisions commerciales concernant la propriété d'actions, les conséquences fiscales seront l'un des principaux facteurs à considérer.

Cet effet de blocage est généralement considéré comme étant inefficace, car il ne permet pas au capital de se déplacer suffisamment pour pouvoir être utilisé de la façon la plus productive.

Le troisième problème que posent les gains en capital vient du fait ces gains sont en partie illusoires. Cela vient de l'effet de groupement et du facteur temps. Si vous avez acheté une action pour 1 $ en 1972, lorsque le régime est entré en vigueur, et si vous la posséder encore -- supposons que le gain et l'action valent 100 $ si bien que la valeur de l'action s'est multipliée par 100 -- votre gain cumulatif est de 99 $. Vous serez imposé sur ces 99 $ ou du moins les trois quarts de ce montant. Toutefois, votre gain n'est pas de 99 $ étant donné que le pouvoir d'achat de 99 $ au moment où vous réalisez votre gain n'a rien à voir avec ce qu'était le pouvoir d'achat du dollar en 1972, lorsque vous avez acheté l'action; le gain que vous réalisez au moment de vendre l'action et payer des impôts englobe l'inflation. Le problème est que vous imposez un gain illusoire.

Divers pays ont adopté différentes méthodes pour résoudre ce problème. Ils continuent à le faire. Il y a trois grandes façons de résoudre la question. Chaque variation de ces trois solutions a déjà existé au Canada et ailleurs. Premièrement, vous pouvez permettre de faire la moyenne des gains. Par exemple, le régime fiscal qui est actuellement en vigueur en Australie permet de faire la moyenne des gains sur une période de cinq ans. Le but de cette règle est d'éliminer l'effet de groupement et de le répartir sur cinq ans.

Deuxièmement, vous pouvez autoriser l'indexation des gains en capital. Si vous achetez une action 1 $ en 1972 et que vous la vendez 100 $ en 1999, vous pouvez indexer le coût de 1 $ en tenant compte de l'inflation jusqu'à aujourd'hui et n'imposer que le gain réel. Par exemple, si nous supposons que 1 $ a le même pouvoir d'achat que 30 $, votre gain réel n'est que de 70 $ et non pas 99 $. C'est purement approximatif; je n'ai pas fait le calcul.

L'Australie se sert actuellement d'un système d'indexation. À la fin des années 70 et au début des années 80, le Canada avait une forme d'indexation pour les gains en capital étant donné qu'à l'époque le taux d'inflation était très élevé. Il atteignait 12 p. 100, 14 p. 100 ou 15 p. 100. Le problème était donc exacerbé. Bien entendu, il n'est pas aussi grave aujourd'hui vu que l'inflation est assez modérée. Néanmoins, l'effet cumulatif de l'inflation est assez important, même s'il est assez limité chaque année.

Il existe une autre façon de remédier à tous ces problèmes et c'est celle que nous utilisons maintenant. Appliquant une forme de justice rudimentaire, nous disons simplement que nous allons régler la question du regroupement, de l'indexation et de la mobilité du capital en imposant un montant moindre du gain, si bien que nous avons choisi un chiffre. Ce chiffre n'a rien de magique. Il était de 50 p. 100 en 1972. Il est passé aux deux tiers en 1988. Il s'élève maintenant aux trois quarts. C'est une forme de justice rudimentaire. Vous dites: «Très bien, nous savons qu'il a une part d'inflation. Nous savons qu'il y a un effet de regroupement. Pour simplifier les choses, imposons une partie moindre de ce gain».

L'Australie se penche actuellement sur un projet de loi qui propose de supprimer la moyenne, de supprimer l'indexation et d'en revenir à l'inclusion de 50 p. 100 des gains. Ce projet de loi a été adopté par la Chambre basse, mais j'ai entendu dire qu'il avait eu quelque difficulté au Sénat australien. On cherche à négocier une solution.

Notre situation est plus difficile et plus grave étant donné qu'à part tous les problèmes dont nous avons parlé, il y a un autre impératif bien réel dont nous devons tenir compte. Il s'agit de notre compétitivité internationale. Lorsqu'on parle de la compétitivité internationale, nous nous tournons vers l'Australie, la Grande-Bretagne, la Suède et tous les autres pays qui ont des problèmes semblables, mais en réalité, c'est notre voisin du Sud qui est notre principal partenaire commercial. C'est avec nous qu'il a le plus d'échanges commerciaux. La mobilité des capitaux et des ressources humaines de part et d'autre de la frontière est énorme et très fluide. Par conséquent, nous ne pouvons pas ne tenir aucun compte de ce qui se passe aux États-Unis dans ce domaine.

Permettez-moi de vous lire un courriel que j'ai reçu de Vancouver et qui est daté du mardi 7 décembre. Il y est dit: «Vern, voici ce que -- le nom de la personne -- et moi voulons réaliser avec une fiducie à l'étranger. Nous voulons mettre à l'abri les actions qui seront émises en notre nom en janvier. Nous voulons les faire attribuer au départ à une fiducie plutôt qu'à nous. Même si les nouvelles dispositions fiscales fédérales proposées entrent en jeu, nous aurions quand même quelques avantages sur le plan fiscal. Ma situation est telle que je ne possède rien au Canada et que je ne vois aucune objection à n'avoir aucun lien avec le Canada». Cette dernière phrase a une importance cruciale.

Ce jeune homme, âgé de 28 ou 29 ans, est le fils d'une personne qui réside en Ontario. Il est né au Canada, ses parents et ses grands-parents ont vécu dans ce pays et lui-même y a vécu toute sa vie. Pourtant, il est prêt à déménager à l'étranger. Pourquoi? Parce que, dit-il: «Je vais recevoir 2 942 500 actions en janvier 2000. Voilà pourquoi je dois savoir quelles sont les possibilités.» Il a peur que s'il vend ses actions alors qu'il a des liens avec le Canada, il sera imposé sur 75 p. 100 des gains en capital, à 40 p. 100 environ. Mon rôle consiste à le sortir de cette situation et c'est ce que je vais faire d'ici janvier.

Il déménage aux États-Unis. Les États-Unis ont un taux très accommodant de 20 p. 100 environ pour les gains en capital. Il est question de le ramener à 15 p. 100. Cette réalité exerce de fortes pressions sur la fiscalité canadienne en ce qui concerne les gains en capital.

C'est une question dont on a beaucoup parlé et qui a fait couler beaucoup d'encre. Le président de Nortel et d'autres éminentes personnalités du secteur de la haute technologie estime qu'il faudrait accorder un traitement préférentiel à leur secteur. Je ne suis pas d'accord. Je ne pense pas que vous puissiez avoir un régime fiscal préférentiel pour un secteur ou un autre, parce que cela créerait de très sérieux problèmes. C'est difficile à cibler et vous ne pourriez jamais laisser le secteur définir lui-même ce qui constitue la haute technologie, car cela évolue constamment.

Il serait préférable, selon moi, que le Canada ait un régime d'imposition des gains en capital plus concurrentiel à l'égard des actions, quel que soit le secteur. Si nous réduisions le taux d'inclusion à 50 p. 100, au niveau d'où est partie la Commission Carter en 1972, cela nous alignerait avec l'Australie, mais pas avec les États-Unis. La réduction du taux d'inclusion à 20 p. 100 aurait des répercussions beaucoup plus importantes. Bien entendu, elle entraînerait une perte de recettes fiscales, mais les économistes nous disent que l'on peut également accroître les revenus en libérant et en débloquant les gains en capital. L'expérience américaine a certainement permis de constater que, lorsque le président Reagan a réduit les taux aux États-Unis, cela n'a pas entraîné de grosses pertes de recettes. En fait, certains diront qu'il y a eu une croissance appréciable des recettes fiscales.

La réduction du taux d'inclusion à 50 p. 100 ou à 20 p. 100 -- il s'agit de choisir un chiffre en tenant compte, en partie, des revenus -- consiste à établir un juste équilibre entre les considérations se rattachant à la concurrence et celles qui se rattachent aux recettes fiscales. Vous perdez un peu sur le plan de l'équité étant donné que plus le taux est bas, moins le régime est équitable vis-à-vis des contribuables à revenu élevé. Cela ne fait aucun doute. Cependant, notre fiscalité accorde déjà un certain traitement préférentiel aux gains en capital sur les actions.

À l'heure actuelle, nous exemptons de l'impôt les actions des petites sociétés, jusqu'à concurrence de 500 000 $. Grâce à une bonne planification, une famille peut se prévaloir de cet avantage et porter assez facilement cette exemption de 500 000 $ par contribuable à 2 millions ou 2,5 millions pour une famille moyenne comptant deux conjoints et deux enfants.

L'exemption des gains en capital est un principe déjà intégré dans le système. Nous exemptons certaines formes de gain en capital et l'exemple le plus connu est l'exemption pour la résidence principale. Nous pouvons dire que c'est un bien sur lequel le gain en capital est entièrement exonéré. Nous exemptons également les gains en capital sur les entreprises agricoles familiales, jusqu'à concurrence de 500 000 $. Par conséquent, l'exemption des gains en capital n'est pas un principe qui nous est étranger. Il s'agit seulement de définir les limites exactes et les paramètres de cette exemption.

Une conciliation optimale de ces cinq considérations permettrait au Canada d'accroître sa compétitivité et de conserver ses gens de talent -- peut-être sans répercussions sur ses recettes fiscale, bien que je ne sois pas dogmatique à ce sujet; cela dépend du niveau -- sans accroître la complexité administrative, qui restera la même moyennant, il faut le reconnaître, certaines concessions mineures sur le plan de l'équité étant donné que certains groupes de revenus en bénéficieront plus que d'autres.

Il serait difficile de mettre au point un système parfait; selon moi, c'est une tâche impossible. Le mieux que nous puissions faire est trouver une solution optimale qui réponde aux besoins actuels du pays.

Le sénateur Tkachuk: Ma première question concerne vos statistiques sur les catégories de revenu qui réalisent des gains en capital. Je me reporte au tableau de la page 4 de votre mémoire. Vous dites que les contribuables dont le revenu dépasse 250 000 $ ont accumulé 37 p. 100 de la valeur des gains en capital. Le fait que les gains en capital sont rattachés à l'exercice ne fausse-t-il pas ces chiffres?

Autrement dit, lorsque des jeunes se lancent en affaires ou commencent à accumuler des actions ou des placements, leur niveau de revenu est faible, mais ils font quand même des investissements. Plus tard, lorsque leur entreprise sera prospère, ils réaliseront un gain en capital. Les chiffres de votre tableau représentent les gens qui font une déclaration d'impôt et qui ont des revenus. Cela ne tient pas compte d'un tas de gens à faible revenu, qui sont dans la trentaine et la fin de la vingtaine, qui ont une entreprise et qui économisent en achetant des actions ou en accumulant des options, qu'ils ne sont pas obligés de vendre compte tenu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ces personnes vont, bien entendu, vendre leurs actions lorsqu'elles seront prêtes à prendre leur retraite ou lorsqu'elles voudront faire d'autres investissements dans une entreprise. Autrement dit, ce ne sont pas seulement les riches qui ont des placements. Ces personnes se trouvent à avoir un revenu élevé lorsqu'elles réalisent leurs gains en capital. Cela ne fausse-t-il pas les chiffres?

M. Krishna: C'est la bonne façon d'examiner ces chiffres. Vous avez parfaitement raison. Cela nous ramène aux deux problèmes dont je vous ai parlé à propos des gains en capital. Le premier est la réalisation: vous ne faites le gain que lorsque vous le réalisez. Le deuxième problème est que l'investissement étant non étalé, il est entièrement réalisé l'année de la vente. C'est vrai dans le cas du propriétaire d'une petite entreprise qui commence à un jeune âge, dont l'entreprise prend de l'expansion et qui vend son commerce à 65 ans. Le gain est entièrement réalisé cette année-là. Dans l'intervalle, l'entreprise est devenue prospère et ce gain place son propriétaire dans la tranche de revenu supérieure à 250 000 $. Par exemple, si vous avez réalisé au cours de votre vie un gain de 3 millions de dollars en vendant votre entreprise ou un autre investissement, vous vous retrouvez automatiquement dans cette catégorie et vous semblez être plus riches que vous ne l'êtes vraiment, étant donné que vous avez accumulé ce gain sur une période de 30 ans. C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Je crois que les gains en capital sont trop imposés. À part cela, il y a deux choses qui m'ennuient sur le plan de l'équité. Je voudrais savoir ce que vous en pensez et ce que vous recommandez au comité. Il y a d'abord la question des options. La plupart des membres du comité savent quel est le traitement réservé aux options, mais je vais le rappeler brièvement. L'option représente un moyen de rémunérer vos employés ou votre conseil d'administration ou encore votre haute direction. Vous voulez que ces personnes fassent partie intégrante de l'entreprise, néanmoins, lorsqu'elles lèvent une option, elles doivent vendre leurs actions au lieu de les conserver parce que cela leur cause un problème fiscal.

On pouvait lire dans le journal aujourd'hui qu'il y a eu une vente importante d'options chez Nortel. C'est inévitable étant donné que si vous levez vos options lorsque le cours des actions grimpe, et c'est le moment où vous le faites, vous êtes automatiquement imposé et vous êtes donc obligé de vendre pour payer l'impôt.

Le sénateur Meighen: Parlez-vous de vendre plutôt que de lever l'option?

Le sénateur Tkachuk: Si l'action vaut 20 $ et que vous avez une option de 20 $, vous allez vouloir lever votre option et vous devez donc la vendre pour conserver l'action.

Le sénateur Furey: Vous commencez par lever vos options et, à cause des impôts à payer, vous êtes forcé de passer à l'étape suivante.

Le sénateur Tkachuk: Je ne me suis peut-être pas très bien exprimé, mais je vous remercie. Voilà pour ma première question. La deuxième concerne le traitement des gains en capital. Vous dites que 25 p. 100 de ces gains servent à compenser les risques ou d'autres facteurs et que nous considérons les 75 p. 100 restant comme un revenu. Par exemple, si le sénateur Oliver réalise un gain en capital de 1 000 $, une fois que vous avez soustrait les 25 p. 100, à son taux d'imposition, il paierait 50 p. 100 de 750 $. Toutefois, s'il perd cet argent, il ne peut pas le traiter de la même façon. Autrement dit, si au lieu de gagner, il avait perdu 1 000 $, il ne pourrait pas déduire ces 750 $ de son revenu, n'est-ce pas?

M. Krishna: C'est vrai.

Le sénateur Tkachuk: Il pourrait les déduire uniquement de ses gains futurs. Conseillez-vous de modifier ces dispositions? Cela changerait-il beaucoup les recettes fiscales du pays? Ce sont des petites mesures que nous pourrions sans doute prendre très rapidement si le ministre ne veut pas se lancer dans des grandes mesures.

M. Krishna: J'ai tenté d'aborder cette question au bas de la page 8 et en haut de la page 9 en donnant un petit exemple. Cela nous ramène à l'événement déclencheur, la réalisation. Le phénomène que vous avez mis en lumière est tout à fait exact. La situation chez Nortel est excellente pour les intéressés. Les employés de Nortel vont avoir un très joyeux Noël. Néanmoins, lorsqu'ils lèvent leurs options, non seulement elles sont imposables, mais elles le sont en tant que revenu d'emploi et non pas comme gain en capital. Ils sont très pénalisés pour la raison que vous avez mentionnée. Ils ont accepté une rémunération sous la forme d'options à un moment où ils couraient des risques. Ils ne savaient pas à quel point ils s'enrichiraient, mais a posteriori, nous savons ce que Nortel a réalisé en six mois à peine. C'est un facteur dont il faut tenir compte par souci de justice.

À la dernière page de mon document je dis que: «Il est injuste de traiter de la même façon des gens qui se trouvent dans une situation complètement différente. Les considérations reliées à la concurrence justifient des règles différentes si les facteurs économiques l'exigent». Je fais allusion au traitement égal des employés qui ont un revenu d'emploi de source ordinaire. Par exemple, si vous travaillez ici en ville pour le gouvernement où votre régime de pension est indexé, vous n'êtes pas dans la même situation que si vous travaillez dans le secteur de la haute technologie.

Mais il ne faudrait pas uniquement citer l'exemple de Nortel, car c'est un exemple de succès. Dans ce secteur, il y a de nombreux employés qui n'ont pas la chance de ceux de Nortel et un grand nombre de ceux qui courent des risques n'auront peut-être pas l'occasion de réaliser la valeur de leurs options. Par exemple, nous savons qu'il y a environ deux ans à peine, Corel a dû réduire le prix de levée de ses options parce que le cours de ses actions était tombé si bas que personne ne pouvait lever son option et en tirer de l'argent. Des gens qui avaient sacrifié leur salaire en échange d'options se trouvent maintenant doublement pénalisés.

Je reconnais avec vous que c'est une question d'équité. Je suggère de reporter l'impôt jusqu'à la vente des actions au lieu de le faire payer lorsque l'option est levée. Cette mesure remédierait en partie au problème. Ensuite, il ne faudrait pas traiter ce revenu comme un revenu d'emploi, qui est entièrement imposable, mais comme un gain en capital au taux que vous déciderez de recommander pour les gains en capital. Cela réglerait en grande partie le problème.

Le sénateur Tkachuk: Et la deuxième question concernant la perte?

M. Krishna: Le problème de la perte est très grave en raison de l'ensemble de notre fiscalité. Il dépasse largement le cadre des gains en capital et se pose dans de nombreux autres domaines du droit fiscal. Au Canada, contrairement aux États-Unis, nous compartimentons les revenus et les pertes de telle façon que nous pouvons seulement appliquer les pertes en capital aux gains en capital. C'est un problème endémique et systémique. Cela cause énormément de tort.

Par exemple, un contribuable qui a fait un placement, perd un demi-million de dollars, fait faillite, a une perte en capital et va exercer un emploi. Le régime fiscal l'autorise à se servir de sa perte de 500 000 $, mais seulement en la déduisant de ses gains en capital. Le contribuable n'a plus un sou. Il n'a même pas 5 $ en banque. Il vit uniquement de son revenu d'emploi. Néanmoins, à cause de la compartimentation, il peut seulement déduire ses pertes de ses gains. Il va payer la totalité de l'impôt sur son revenu d'emploi. Telle est notre loi fiscale. Le problème outrepasse le cadre des gains en capital. Le revenu est compartimenté selon sa source et c'est un véritable problème.

Le sénateur Kenny: Vous avez démontré clairement dans votre tableau que la plupart des membres de la société paient l'impôt sur les gains en capital. Ce n'est mentionné nulle part dans votre document, mais je voudrais savoir si vous pourriez nous indiquer des études qui précisent quel pourcentage des Canadiens qui gagnent 30 000 $ à 35 000 $ ou moins, par exemple, savent qu'ils paient l'impôt sur les gains en capital.

M. Krishna: Je suppose que 30 ou 35 p. 100 des Canadiens ne comprennent pas le genre d'impôt qu'ils paient sous toutes sortes de formes différentes, que ce soit l'impôt sur le revenu, l'impôt à l'emploi, le RPC, etc. En fin de compte, on peut dire que même les Canadiens les plus instruits et les mieux informés ne comprennent pas toute la mesure de l'impôt qu'ils paient. Je ne connais aucune étude qui indiquerait ce pourcentage, mais il doit être assez élevé.

Le sénateur Kenny: Je veux dire que la plupart des gens considèrent les gains en capital comme un problème pour les riches. Je me demandais si vous pourriez nous indiquer des études sur le degré de sensibilisation aux gains en capital ou établissant si le Canadien moyen comprend qu'il paie l'impôt sur les gains en capital.

M. Krishna: Je n'ai pas d'étude que je pourrais vous citer. Je remarque que la plupart des Canadiens paient cet impôt sans le savoir et que c'est généralement par l'entremise de leurs fonds mutuels. Le Canadien moyen achète un fonds mutuel ou a un abonnement mensuel à un fonds mutuel. Tous ces gens doivent payer chaque année l'impôt sur leurs gains en capital et ils reçoivent un bordereau de déclaration. Certains d'entre eux sont assez étonnés, surtout les années où leurs fonds ont obtenu de très bons résultats, de constater que ces gains sont imposables. Malheureusement, je ne connais aucune étude qui fournisse les chiffres exacts.

Le sénateur Kenny: La réponse à cette question aurait d'importantes répercussions sur la dynamique politique en ce qui concerne le traitement de ces gains.

Vous nous avez fait valoir, pour reprendre vos propres paroles, qu'un traitement plus avantageux des gains en capital serait un progrès appréciable. Vous pensez que cela n'entraînerait pas de perte de recettes fiscales et en fait vous croyez que le gouvernement pourrait même accroître ses recettes. Un témoin précédent nous a dit que si l'on touchait à l'impôt sur les gains en capital que ce soit pour l'augmenter, le diminuer ou le déplacer, cela aurait des effets négatifs en ce sens qu'on fait tellement de planification fiscale au Canada à l'heure actuelle que vous ne pouvez pas traiter l'impôt sur les gains en capital séparément du reste. La seule façon d'y remédier est d'entreprendre une réforme complète de la fiscalité. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Krishna: Chacun de nous va connaître trois réformes de la fiscalité au cours de sa vie. J'en ai déjà traversé deux, celle de la commission Carter, en 1972, quand j'étais un très jeune homme, puis au milieu des années 80, lorsqu'il y a eu une nouvelle réforme fiscale. J'en attends une troisième. La réforme de toute la fiscalité qui consiste à réviser entièrement la loi, comme nous l'avons fait en 1971, est une tâche tellement énorme que je serais étonné qu'un gouvernement veuille l'entreprendre de sitôt. Il est plus réaliste de faire quelques changements ponctuels.

Je ne suis pas d'accord pour dire que la réduction du taux d'inclusion des gains en capital, de 75 p. 100 à 50 p. 100, par exemple, causerait plus de bouleversements que la réduction du taux d'imposition normal, à laquelle nous avons assisté en Ontario depuis trois ou quatre ans. Ce n'est qu'une réduction effective du taux d'imposition. Si votre taux d'imposition tombe d'un taux normal de 40 p. 100 dans le cas des gains en capital, à 35 p. 100, cela n'aura aucun effet négatif.

Il est toutefois un domaine dans lequel il faudra apporter un ajustement si vous révisez le taux d'inclusion des gains en capital. Notre système est conçu de telle façon que nous essayons de maintenir le taux d'imposition des revenus de dividendes et des gains en capital à peu près au même niveau, en haut de l'échelle. Il y a actuellement une différence d'environ 3 p. 100 entre les deux. En Ontario, en 1999, le revenu ordinaire est imposable à 48,75 p. 100. Le revenu de dividendes est imposable à 32,92 p. 100 tandis que les gains en capital sont imposables à 36,57 p. 100. Cela donne une différence d'environ 3,5 points de pourcentage entre les dividendes et les gains en capital. Ce n'est pas une différence très importante, mais je ne pense pas que vous voudriez l'augmenter. Il faudrait donc ajuster l'inclusion des dividendes et le taux d'imposition.

Le sénateur Meighen: D'après vos recherches, avez-vous une idée du pourcentage du total des revenus et des gains en capital qui provient de la vente d'actions cotées en bourse, autrement dit, de la vente de biens, d'oeuvres d'art ou de n'importe quoi? Pourriez-vous me dire si cela représente une proportion importante ou faible?

M. Krishna: Non, monsieur, je ne peux pas vous le dire. Selon notre système de déclaration, les contribuables déclarent les actions qui sont vendues sur un formulaire, mais Revenu Canada ne publie pas ces statistiques. Il n'y a aucun moyen d'obtenir ce renseignement.

Le sénateur Meighen: Que penseriez-vous d'imposer les gains en capital à un taux différent selon la durée de détention de l'actif? Certains pays comme les États-Unis appliquent un taux plus bas si l'actif a été détenu pendant une plus longue période.

M. Krishna: L'Australie s'oriente dans cette direction. Elle est en train de passer à ce taux d'inclusion réduit de 50 p. 100 à la condition que l'actif soit détenu pendant un an. C'est assez normal. Le principe est que vous voulez que ce soit un gain en capital et non pas un gain en revenu. Vous ne voudriez pas que les spéculateurs à très court terme et les spéculateurs habituels obtiennent tous ces avantages. Ce ne sont pas ceux vers qui ces dispositions sont ciblées. Une période d'un an me paraît raisonnable et, bien entendu, vous pouvez aller plus loin en disant que plus l'actif sera conservé longtemps, plus le taux baissera. Il s'agit de parvenir à un compromis satisfaisant entre la complexité et la compétitivité. À mon avis, l'expérience de l'Australie et des États-Unis, où l'actif doit être conservé un an, n'est pas plus mauvaise qu'une autre.

Le sénateur Meighen: Cela ne va pas beaucoup compliquer les choses?

M. Krishna: Pas pour un an.

Le sénateur Meighen: Cela pourrait contribuer à faire croire que le spéculateur à très court terme -- une activité légale, mais répréhensible aux yeux de certaines personnes -- devrait être récompensé pour avoir risqué son argent pendant une période de temps très brève. Je ne porterai pas de jugement, mais la plupart des gens estiment qu'il ne devrait pas conserver tous ses gains.

Ma question suivante concerne toute la question du blocage du capital et du transfert libre d'impôt. À propos du discours que M. Roth a fait l'autre jour, vous avez dit qu'à votre avis il ne fallait pas favoriser un secteur par rapport à un autre en ce qui concerne les gains en capital. Au cours d'une de nos études, des témoins nous ont dit qu'aux États-Unis vous pouviez faire un transfert libre d'impôt à la condition de rester dans la même catégorie d'actif. Si vous lancez une entreprise de haute technologie qui est une grande réussite et que vous la vendez, si vous réinvestissez cet argent dans le secteur de la haute technologie, vous ne serez pas imposé ou du moins vous serez imposé à un taux inférieur sur vos gains en capital. Certains sont tout à fait pour ce genre de disposition, surtout dans les domaines comme celui de la haute technologie afin, comme l'a mentionné M. Roth, d'inciter les gens à rester au Canada. Qu'en pensez-vous?

M. Krishna: Pour tenir compte des divers facteurs à considérer, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons de nombreux transferts libres d'impôt dans le régime fiscal actuel. La Loi de l'impôt sur le revenu est pleine de dispositions de roulement qui permettent d'éviter de payer l'impôt sur les gains en capital sur de nombreuses transactions.

Le sénateur Meighen: Par exemple?

M. Krishna: Le transfert d'une propriété individuelle vers une société canadienne imposable. Ce transfert est libre d'impôt. Les actions peuvent être échangées sans impôt. Les fusions. Les liquidations. Nous passons 90 p. 100 de notre vie professionnelle à organiser les transactions de façon à éviter l'impôt sur les gains en capital. Je vous parle contre mes propres intérêts, cet après-midi. La loi est constellée de ces transferts libres d'impôt: sur l'achat d'un bien de remplacement, pour le transfert d'un bien à un conjoint, pour le transfert d'une dette à un conjoint.

Le sénateur Meighen: Y a-t-il déjà trop de dispositions de ce genre ou est-ce qu'une de plus ne changerait pas grand-chose?

M. Krishna: Non. Je veux dire que ce concept n'a rien de nouveau. Les États-Unis l'ont fait pour la résidence principale. Vous ne pouvez vous prévaloir de cette exemption que si vous réinvestissez dans une autre résidence et seulement jusqu'à concurrence du montant que vous réinvestissez. Cela ne s'applique donc pas à la différence que vous mettez dans vos poches.

Je ne vois aucune objection au principe du transfert libre d'impôt. Il présente certains avantages. Le problème est qu'il faut définir les limites de ce que l'on appelle couramment le secteur de la haute technologie. Je m'intéresse à cette loi depuis suffisamment longtemps pour savoir que, si vous essayez de définir un secteur particulier, cela va engendrer une complexité administrative excessive qui va entraîner des litiges et de l'incertitude. C'est la seule chose qui m'inquiète. Je ne suis pas contre le principe. Mais je pense qu'une disposition qui s'appliquerait à tous donnerait les mêmes résultats avec moins d'inconvénients.

Le sénateur Meighen: Pour ce qui est d'augmenter ou de réduire les recettes fiscales, personnellement, j'ai constaté que depuis que le ministre des Finances a eu la grande sagesse de réduire le taux d'imposition des gains en capital sur les dons d'actions cotées en bourse à des organismes de bienfaisance, cela a produit un excellent effet de déblocage. Pour ce qui est des oeuvres de bienfaisance que je connais, cela les a aidées énormément étant donné que le gouvernement leur a retiré son appui et qu'elles se tournent vers le secteur privé pour remplacer son financement. Plus vite nous pourrons obtenir des données précises à ce sujet et élargir cette mesure afin qu'il n'y ait pas d'impôt sur les gains en capital sur ce genre de transfert, mieux ce sera. Qu'en pensez-vous?

M. Krishna: Je crois que c'est une excellente proposition. À l'Université d'Ottawa et à la Faculté de droit -- et c'est également une observation personnelle -- nous avons bénéficié de ce genre de transfert d'actions de la part de chefs d'entreprises qui ont réussi. Certains de nos diplômés ont obtenu d'excellents résultats dans divers secteurs -- les marchés ont été très solides ces cinq dernières années -- et ils nous ont fait don d'actions qui ont pris de la valeur. Je suis d'accord. Sans nous lancer dans une étude scientifique minutieuse, je crois que nous avons suffisamment la preuve des effets bénéfiques de ce genre de disposition.

Le président: Mais ce n'est pas aussi positif qu'aux États-Unis?

M. Krishna: Non. Néanmoins, nos règles ne sont pas aussi généreuses que celles des États-Unis, et c'est une des raisons. L'autre raison est que les États-Unis ont une très longue tradition derrière eux en ce qui concerne les dons, particulièrement aux institutions éducatives et artistiques.

Le président: Lorsque notre ministère des Finances a cité cet exemple pour montrer combien notre système est meilleur que celui des États-Unis, n'a-t-il pas faussé les chiffres dans la mesures où il partait du principe que les Canadiens qui donnent aux établissements éducatifs et médicaux ont un coût de base moyen de 40 p. 100 de l'action qu'ils donnent alors qu'en fait cela ne coûte rien aux plus gros donateurs? Nous n'avons pas examiné cette question de plus près et nous allons devoir y revenir.

Le sénateur Fitzpatrick: Au Canada, une grande partie des investissements ont été bloqués pendant très longtemps. Je suppose qu'ils ont pris beaucoup de valeur. Avez-vous fait des recherches ou avez-vous une opinion quant aux effets que pourrait produire le déblocage de ces fonds au moyen d'une réduction d'impôt sur les gains en capital ou d'une élimination de cet impôt? Le déblocage de ces fonds permettrait aux gens de réaliser un gain et d'investir sur le marché boursier afin de mettre de nouveaux capitaux à la disposition des Canadiens. Quels effets cela pourrait-il avoir sur notre économie?

M. Krishna: Il y a eu des études à ce sujet, surtout aux États-Unis, car les Américains sont passés par là du temps de Reagan et on a constaté que les gains en capital réalisés lorsqu'il y a eu le déblocage ont été assez importants. Rien ne permet de croire que notre comportement serait très différent.

L'effet de blocage ne présente aucun avantage pour la société. Le déblocage a deux effets: il déclenche l'imposition des gains, mais à un taux inférieur alors qu'autrement cet impôt aurait été différé et il dirige le capital vers une utilisation plus efficace. Comme les deux sont avantageux, je pourrais difficilement trouver des arguments contre le déblocage des gains.

Le sénateur Fitzpatrick: Je crois qu'il serait logique d'avoir deux niveaux d'imposition de façon à ce que les investissements soient détenus pendant un certain temps au lieu qu'il y ait un roulement continu, de façon à ce qu'on puisse laisser son actif prendre de la valeur.

M. Krishna: Oui, je crois que ce serait préférable. Il faudrait avoir l'un ou l'autre. Si le bien doit être conservé pendant un an, comme l'a suggéré tout à l'heure le sénateur Meighen, vous n'aurez pas le transfert exempt d'impôt, car ce serait accorder un double avantage; vous accorderiez le taux d'imposition plus bas au bout d'un ans et l'impôt serait ensuite différé en étant transféré dans un nouvel actif. À ce compte-là, autant ne pas l'imposer du tout.

Le président: Pour revenir sur la question du sénateur Meighen concernant les gens qui achètent et revendent les actions très rapidement, n'est-il pas vrai que si vous le faites souvent, vous êtes catalogué comme un spéculateur habituel et que vous allez devoir payer l'impôt ordinaire, quoi que vous fassiez?

M. Krishna: C'est probablement vrai. J'ai publié des écrits sur ce sujet. La loi est assez claire. Néanmoins, les spéculateurs à très court terme ne lisent pas la loi; ils achètent et vendent derrière leur ordinateur. Le Wall Street Journal d'hier contient un merveilleux article qu'il vaut la peine de lire sur la vie d'un spéculateur à très court terme. Ce ne sont pas des investisseurs; ils ne sont pas admissibles au taux d'imposition des gains en capital. Ce sont des spéculateurs habituels. Leur revenu est un revenu ordinaire. L'ennui c'est qu'il faut déployer tellement d'efforts administratifs pour faire la distinction entre ces deux catégories et passer tellement de temps devant nos tribunaux pour résoudre les litiges que c'est une façon très inefficace de résoudre le problème. Cela coûte très cher à la société.

Le sénateur Angus: Avez-vous eu l'occasion de lire la transcription des audiences que nous avons tenues jusqu'ici?

M. Krishna: J'en ai lu deux.

Le sénateur Angus: La première?

M. Krishna: J'ai lu la comparution de Jack Mintz et du professeur Brenner.

Le sénateur Angus: Lorsque le professeur Brenner est venu, nous avons discuté de ce que le sénateur Kenny a qualifié de dynamique politique, ce qui est à la clé de ce que nous faisons ici. Pourriez-vous nous suggérer un plan, un nouveau libellé ou des mots qui pourraient servir à décrire la réduction ou l'élimination de l'impôt sur les gains en capital de façon à ce que ce soit acceptable pour la majorité des gens? Comme vous le savez sans doute mieux que la plupart des gens, la perception représente 99 p. 100 de la réalité.

Au cours de l'une de ces audiences, l'autre jour, j'ai dit que ce n'était pas sorcier. Je suis convaincu que la libération de tout ce capital, qui serait possible sans cet impôt, serait bénéfique pour tous les Canadiens, à tous les niveaux de la société. Cela augmenterait l'emploi, favoriserait l'investissement dans les nouvelles industries, etc., surtout dans la nouvelle économie. Cela contribuerait à ce que certains appellent une nouvelle prospérité pour tous les Canadiens. C'est sans doute souhaitable. Pourtant, quand nous en parlons, la réaction instinctive des gens est que cela avantage les riches et que ce n'est bon que pour 2 p. 100 ou moins des Canadiens; alors pourquoi même y songer? Dans une telle atmosphère, les politiciens, même les moins habiles, préfèrent éviter le sujet. Pourriez-vous nous aider? Nous pourrions apporter quelques preuves dans notre étude. J'espère que nous pourrons démontrer que ce n'est pas une mesure rétrograde. Mais comment convaincre le public? Comment présenter les choses ou les expliquer?

M. Krishna: Vous m'attirez dans votre domaine, sénateur. Je ne suis pas un expert et j'hésite beaucoup à y pénétrer. Vous avez raison; c'est un problème de perception et de fausse impression. Pour pouvoir faire quelque chose sur ce plan, il faut éduquer la presse, les médias, qui ne comprennent pas ou qui n'abordent pas le sujet en toute connaissance de cause. C'est un sujet vaste et complexe et même mes étudiants de l'université ne l'abordent qu'avec répugnance. Ce n'est pas un sujet qu'ils aiment. C'est difficile. Ils préfèrent l'éviter. Ils ne comprennent pas et c'est vrai pour l'ensemble de la société.

Il faut également se garder d'employer une mauvaise terminologie. C'est en partie de la faute du gouvernement, surtout à l'époque où il a augmenté les impôts, il y a quelques années. Chaque fois qu'il voulait rehausser les impôts, il disait: «Nous imposons seulement les riches et les très riches» et il imposait une surtaxe. Il imposait ensuite une surtaxe sur la surtaxe. L'Ontario l'a fait, le gouvernement fédéral également, de même que tous les autres gouvernements. La population et les médias se disaient: «C'est très bien parce que le gouvernement n'impose que les riches. Il ne s'en prend pas à moi».

En réalité, ce que le gouvernement appelle les riches sont des gens qui gagnent 65 000 $ et plus. Aujourd'hui, en Ontario, c'est à compter de 65 000 $ que vous payez 48,75 p. 100 d'impôt. À partir de ce montant, vous avez deux surtaxes. Je ne qualifierais pas de riches les gens qui ont ce niveau de revenu. Ce sont des gens assez ordinaires.

Le sénateur Angus: Voilà pourquoi les sénateurs touchent 64 000 $. Nous sommes des gens ordinaires. Nous voulons nous identifier à tous les Canadiens.

M. Krishna: Vous évitez tout juste la surtaxe.

Le sénateur Angus: Vous avez raison. Tout est dans la terminologie utilisée. En fait, je voulais savoir si vous auriez des mots à nous suggérer pour nous aider. Je pourrais peut-être suggérer un mot qui semble efficace en politique publique, c'est le mot «équité». Nous devrions commencer à utiliser le mot «équité» à l'envers et à démontrer, de façon dialectique, que l'impôt dont nous parlons n'est pas équitable. La réalisation supposée, par exemple, est extrêmement injuste pour un tas de gens qui sont touchés directement ou indirectement, par exemple, par un accident d'automobile. Du jour au lendemain, l'entreprise est détruite alors qu'elle emploie des travailleurs. Ce n'est pas juste. Notre comité a besoin d'aide pour la terminologie que nous utilisons.

M. Krishna: Je peux y réfléchir et je vous dirai ce que j'en pense. À première vue, nous avons fait croire à la population que ceux qui gagnaient 65 000 $ étaient très riches. Même le gouvernement Harris, qui a réduit les impôts ces dernières années, a seulement ramené de 54 p. 100 à 48,75 p. 100 l'impôt sur les riches, mais le public pense que la réduction est de 30 p. 100. Ce n'est pas 30 p. 100, parce qu'en fait, il a abaissé le taux d'imposition, abaissé le seuil, mais relevé les surtaxes. Le taux effectif net n'a donc diminué que d'environ 5 points de pourcentage -- ce qui est une bonne chose, et je ne le critique pas -- mais ce n'est pas une réduction aussi énorme que le croit le public. Là encore, il y un écart entre la réalité et la perception.

La prise de risques, l'esprit d'entreprise, sont des valeurs que la société apprécie énormément et sur lesquelles notre pays a été bâti. C'est une chose que le Canadien moyen accepte, car il veut avoir la possibilité de courir des risques et d'en tirer profit sous la forme d'une récompense financière. C'est une idée qui plaît au Canadien moyen et non pas simplement à une élite. Je serais enclin à promouvoir ce genre de choses.

Le sénateur Angus: C'est exact. Je suis à la recherche de nouveaux slogans. Une expression qui me vient à l'esprit est «niveau de vie». Si nous pouvions établir le lien direct entre la diminution générale de notre niveau de vie et ce genre de taxe, si nous pouvions amener les gens, quel que soit leur niveau de revenu, à comprendre que le revenu disponible a diminué et que le pouvoir d'achat relatif de ce revenu en diminution est réduit par ce genre de taxe ou, à l'inverse, qu'il serait augmenté si nous supprimions la taxe, nous pourrions faire quelque chose, mais aujourd'hui personne ne veut aborder le sujet précisément pour ces raisons.

M. Krishna: C'est une question délicate. Vous êtes plus expérimenté que moi dans ce domaine. Je pense au niveau de vie qui était le mien avec un revenu modeste de 18 000 $, lorsque j'ai commencé à enseigner à l'Université Dalhousie. Si je le compare avec le niveau de vie que j'ai actuellement avec un revenu légèrement supérieur, je ne suis pas certain qu'il y ait eu beaucoup de changement... Les chiffres ont changé, mais notre niveau de vie était peut-être même légèrement supérieur lorsque nous étions plus jeunes, à l'Université Dalhousie.

Le sénateur Angus: Un autre phénomène qu'entraîne la diminution du niveau de vie est l'exode des cerveaux. Les gens partent à cause de la fiscalité. Nous en avons la preuve. Quelqu'un doit trouver une solution et une bonne façon de la présenter.

Le sénateur Hervieux-Payette: Voici une chose dont il faudrait tenir compte pour trouver une façon de présenter les choses. J'ai l'impression qu'avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, le Fonds de solidarité de la FTQ et certaines autres institutions du Québec, le fait de posséder des actions et de réaliser des gains en capital est moins mal vu qu'ailleurs et a été soutenu par le mouvement syndical. Une exemption d'impôt a été accordée à ceux qui investissent dans le Fonds de solidarité et cela a créé un nouveau dynamisme qui a incité les simples travailleurs à investir dans l'économie de leur province. Comme le Québec, l'Alberta a des incitatifs fiscaux pour l'investissement dans les sociétés à petite capitalisation. Il y a peut-être une différence entre ces deux provinces et le reste du pays en ce qui concerne l'attitude des gens vis-à-vis des gains en capital. Si les gens comprennent mieux, ils sont plus portés à investir dans leur propre économie et, bien entendu, à réaliser des gains en capital.

Le sénateur Furey: Si j'ai bien compris ce que vous avez dit à propos du transfert exempt d'impôt, il s'agit en fait d'un report, non seulement de l'impôt, mais de tous les problèmes qui y sont associés, c'est-à-dire les gains illusoires et la non-indexation. Ce mécanisme serait-il suffisamment attrayant pour les investisseurs pour avoir d'importantes répercussions sur la mobilité?

M. Krishna: Je ne comprends pas votre question.

Le sénateur Furey: Quand vous parlez de la possibilité de faire un transfert exempt d'impôt du placement A vers le placement B sans payer immédiatement l'impôt, vous parlez de reporter l'impôt jusqu'à la vente de l'actif, n'est-ce pas? Ce n'est qu'un report, non seulement de l'impôt, mais également des problèmes associés à cet impôt soit les gains illusoires, la non-indexation et tout ce dont vous avez parlé. Serait-ce suffisamment attrayant pour les investisseurs pour avoir des répercussions positives importantes sur la mobilité?

M. Krishna: Selon moi, cela aurait des répercussions très importantes sur la mobilité. Environ 95 p. 100 du temps et de l'énergie que l'on consacre à la planification fiscale est absorbé par les reports d'impôt. Pour nous, le temps c'est de l'argent. Si je peux mettre au point un plan pour différer un impôt de cinq ans, c'est très utile. Si c'est de 10 ans, c'est encore plus utile. Si c'est de 30 ans, je l'aurai en fait éliminé. Nous ne voulons pas faire disparaître l'impôt. Tout ce que nous voulons, c'est le retarder tellement que lorsque vous devrez le payer, vous aurez gagné un revenu, la valeur temporelle de l'argent, la valeur temporelle du report et vous paierez avec des dollars qui auront subi les effets de l'inflation. Lorsque vous paierez vos impôts, dans 30 ans, le pouvoir d'achat de votre dollar sera comparativement modeste.

Le sénateur Furey: Il y a aussi l'effet compensateur dont vous avez parlé tout à l'heure, les gains illusoires, le fait qu'il n'y ait pas une indexation rapide, également tous ces autres problèmes.

M. Krishna: C'est exact si bien que les chiffres s'équilibrent. Pour conclure là où j'ai commencé, la solution qu'envisage actuellement l'Australie et qui consiste à retourner à un taux d'inclusion de 50 p. 100 ou moins, ce que nous avions en 1972, est sans doute la meilleure façon de résoudre une série de problèmes complexes.

Le président: Merci d'être venu aujourd'hui.

La séance est levée.


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