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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 3 - Témoignages du 9 décembre 1999


OTTAWA, le jeudi 9 décembre 1999

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures, pour examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international (L'impôt sur les gains en capital).

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Ce matin, nous accueillons M. Herb Grubel, professeur au Département d'économie de l'Université Simon Fraser. M. Grubel est agrégé supérieur de recherches au Fraser Institute, où il occupe la chaire David Somerville en fiscalité et finance.

Soyez le bienvenu, professeur Grubel. Nus sommes très heureux de vous accueillir de nouveau parmi nous. Vous avez la parole.

M. Herb Grubel, professeur, Département d'économie, université Simon Fraser: Merci de m'avoir invité de nouveau.

Si je veux influencer l'opinion de personnes qui exercent une certaine fonction, je dois me mettre à leur place pour comprendre pourquoi elles croient ce qu'elles croient. C'est la façon la plus efficace de regrouper les arguments et les renseignements pratiques nécessaires pour persuader ces personnes qu'elles se trompent. Je vais donc vous exposer les trois raisons exposées dans la documentation pertinente par ceux qui croient à la nécessité d'avoir un impôt élevé sur les gains en capital.

La première raison invoquée est que cela permet de générer des recettes. La dernière hausse du taux d'inclusion, qui a été porté à 75 p. 100, est survenue lors de la crise financière du début des années 90.

Le deuxième argument veut qu'une imposition lourde des gains en capital soit nécessaire pour assurer une répartition plus équitable ses revenus. On cite constamment, à titre d'exemple, les revenus de 200 000 $ et plus, qui sont assujettis à un taux d'imposition de plus de 50 p. 100 sur les gains en capital. À première vue, c'est un argument convaincant pour les personnes soucieuses d'une répartition équitable des revenus. L'argument qu'elles invoquent souvent à l'appui est que, somme toute, l'impôt sur les gains en capital est payé par des gens qui ont le moyens de le payer. Puisqu'ils ont l'argent, aussi bien le leur prendre pour mieux prévenir le genre d'inégalité qui est si répandue aux États-Unis.

Le troisième argument invoqué pour justifier l'impôt sur les gains en capital était au c<#0139>ur même de l'exposé que vous a fait M. Jack Mintz la semaine dernière. J'ai parcouru son témoignage et j 'ai remarqué en particulier le passage où il affirme, à la fin de son témoignage, que pratiquement toutes ses recommandations sont motivées par l'idée, une idée complexe d'ailleurs, qu'un régime d'impôt élevé sur le revenu sans impôt sur les gains ne capital inciterait les marchés financiers, les avocats et les comptables a transformer leur revenu gagné en gains en capital, profitant ainsi d'une échappatoire fiscale qui leur permettrait d'éviter complètement l'impôt sur le revenu.

Non seulement cette situation serait-elle injuste, mais le plus grave pour les économistes est qu'elle engendrerait une mauvaise répartition des ressources. L'un des principaux moyens dont disposent les compagnies pour faire passer un revenu comme un gain en capital plutôt qu'un revenu gagné consiste à réinvestir la totalité de leurs recettes. Il s'ensuit un réinvestissement de l'excédent de recettes, qui contribue à accroître la valeur capitalisée de l'entreprise. La compagnie vend ensuite des actions dont la valeur a augmenté et le tour est joué: elle échappe à l'impôt sur le revenu. Toutefois, les compagnies qui font le réinvestissement se retrouvent avec trop de capital en main. Bien qu'il s'agisse d'une question plutôt technique, les fonctionnaires du ministère des Finances et Jack Mintz, ce spécialiste des questions économiques et fiscales, y voient pour leur part un problème majeur.

Après vous avoir expliqué la raison d'être de l'impôt, je vais utiliser ces trois pierres angulaires pour critiquer chacun de ces arguments. Mon exposé compte plusieurs volets et on trouvera dans mon mémoire des tableaux qui expliquent tout en détail. Le premier tableau indique toutes les sources de revenu de tous les ordres de gouvernement en 1992.

Ma première critique concerne le revenu. Je dois tout d'abord souligner que nous avons passé en revue des publications du ministère des Finances et d'organisations internationales, mais nous n'avons trouvé aucun document canadien indiquant le montant des recettes de l'État sous forme d'impôt sur les gains en capital. Il est plutôt décourageant de constater que l'OCDE publie des statistiques à ce sujet sur 80 p. 100 des pays, mais que le Canada n'en tient aucune. Mon adjoint au Fraser Institute a appelé au ministère des Finances, mais de toute évidence il n'a pas joint la bonne personne. Elle lui a suggéré de faire ses propres calculs.

Nous avons obtenu une simulation de Revenu Canada et nous en avons fait une estimation. Nous avons constaté que, pour 1992, l'impôt sur les gains en capital avait rapporté 716 millions de dollars à l'État, soit 0,3 p. 100 de ses recettes totales fiscales, qui se chiffraient à 277,5 milliards. L'impôt sur le revenu des particuliers représentait 37 p. 100 des recettes de l'État, et tous les autres impôts réunis, 58 p. 100.

Depuis, Don Drummond, du ministère des Finances, un homme brillant, consciencieux et réfléchi que beaucoup d'entre vous connaissent peut-être, m'a communiqué les estimations de recettes du ministère. Les chiffres du ministère sont considérablement plus élevés. Supposons un montant trois ou quatre fois supérieur; il représenterait tout de même une part relativement faible des recettes totales.

La chose à retenir, c'est que les données provenant de partout dans le monde, et en particulier des États-Unis, montrent que si on réduit les taux d'impôt sur les gains en capital, ce même impôt rapportera davantage à court terme. Le ministère des Finances lui-même reconnaît qu'un abaissement du taux rapporterait, sur trois ou quatre ans, un excédent considérable de recettes fiscales non prévues. Aux États-Unis, on a constaté que, contrairement aux prévisions du gouvernement, une hausse du taux d'impôt n'entraîne pas d'augmentation des recettes fiscales, mais bien une diminution à court terme.

Et cela pour des raisons bien claires. Vous avez déjà entendu suffisamment de spécialistes pour savoir que l'impôt sur les gains en capital est un impôt volontaire. La plupart des gens n'ont pas à le payer. Le contribuable le paie quand il veut. Or, l'expérience démontre que les gens acceptent volontiers de le payer lorsque le taux est bas, et non pas lorsqu'il est élevé. C'est tout simple.

Selon de récentes prévisions budgétaires du ministère des Finances, une réduction du taux d'inclusion de 75 p. 100 à 70 p. 100, soit une baisse relativement faible, entraînerait un manque à gagner de 170 millions de dollars. Les fonctionnaires du ministère nous ont ensuite montré d'autres chiffres. Lorsque je leur ai demandé sur quelles hypothèses comportementales se fondaient leurs estimations, ils m'ont répondu qu'ils n'en avaient retenu aucune. Ils sont arrivés à la conclusion que l'augmentation à court terme des recettes fiscales se terminerait après deux, trois ou quatre ans, après quoi les recettes diminueraient en raison de la baisse des taux d'impôt.

Aux États-Unis, un débat fait actuellement rage à ce sujet. Les autorités possèdent suffisamment de données factuelles, puisque les taux ont constamment fluctué au cours des années, pour savoir si une baisse des taux entraîne, à long terme, une diminution des recettes. Tous les autres ont dit qu'il y aurait peut-être une diminution des recettes provenant de l'impôt sur les gains en capital, mais qu'en ce qui concerne la situation financière du Canada, une stimulation de la production et de la croissance économique engendrerait une augmentation des recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers, de l'impôt sur les sociétés et de la TPS. La grande majorité des économistes s'entendent donc pour affirmer qu'à long terme, il n'y aura pas de manque à gagner.

Voilà une affirmation surprenante. En fait, certains vont jusqu'à soutenir que l'élimination pure et simple de l'impôt sur les gains en capital stimulerait tellement l'activité économique que l'augmentation des recettes provenant de toutes les autres sources ferait plus que compenser les quelques milliards que rapporte actuellement l'impôt sur les gains en capital. On voit aisément où cela se produirait.

L'annexe de mon mémoire explique ce concept difficile à saisir. J'éprouve moi-même beaucoup de difficulté à l'expliquer aux autres et même à moi-même ou, pire encore, à l'expliquer en des termes que ma propre mère puisse comprendre. J'ai l'habitude de dire à mes étudiants que lorsqu'ils rédigent un document ils doivent toujours choisir des termes que leur propre mère comprendra.

Moins l'impôt sur les gains en capital sera élevé, plus les actions boursières prendront de la valeur. On a soutenu qu'aux États-Unis, l'impôt plus faible sur les gains en capital et la réduction du taux durant les années 90 expliquait la prise de valeur des titres sur le marché boursier. Vous savez quel effet multiplicateur cela a eu sur l'ensemble de l'économie. Se sentant plus riches, les gens ont jugé qu'ils n'avaient pas à épargner autant en prévision de leur retraite et ils ont commencé à acheter des biens de consommation, des maisons, et ainsi de suite. Ce genre de comportement a eu un effet multiplicateur qui s'est manifesté par une hausse des investissements et un boom économique à peu près sans précédent aux États-Unis.

Je crois qu'au Canada le boom économique a été considérablement moins fort à cause du taux élevé d'impôt sur les gains en capital. Dans ce cas, vous vous rendez compte des effets non seulement à court terme mais également cycliques des taux de cet impôt.

À mon avis, l'argument concernant les recettes ne tient plus, surtout au vu de l'excédent budgétaire actuel. Nous n'avons pas besoin de cette source de revenu. En supposant qu'il n'y aura aucune perte de revenu, à court ou à long terme, comment justifier l'impôt sur les gains en capital? Comment justifier qu'on ne l'élimine pas carrément ou, à tout le moins, qu'on ne le réduise pas considérablement? Un haut fonctionnaire du ministère des Finances à qui j'ai posé ces question m'a répondu que cela découlait du souci de maintenir un régime fiscal équitable. Que voulait-il dire par là? Que certaines personnes ne paient pas d'impôt? Que les riches ne paient pas d'impôt? Que vaut cet argument?

Le deuxième tableau porte sur les gains en capital imposables. M. Poddar, qui a traité l'information contenue dans ce tableau estime qu'en 1996, le gouvernement fédéral a levé 4,3 milliards de dollars en impôt sur les revenus de placement. Selon ses estimations, l'impôt sur les gains en capital a rapporté 903 millions, une estimation un peu plus élevée que la nôtre, mais qui s'explique par le fait que ses chiffres portaient sur 1997 alors que les nôtres concernaient 1992. On peut donc voir que les recettes provenant de l'impôt sur les gains en capital ne représentent que 21 p. 100 de l'ensemble des impôt sur les revenus de placement. Le gouvernement peut bien imposer ce type de revenu, mais il en retira peu.

Le tableau 3 appuie l'argument que j'ai fait valoir au sujet de l'effet à court terme des taux d'imposition sur les recettes. Aux États-Unis, durant les années 50, le taux maximum de l'impôt sur les gains en capital se situait à 27 p. 100. Il a connu une hausse dans les années 60 puis durant les années 70, avant de revenir à son niveau actuel, qui est de 28 p. 100 à peu près. En fait, je ne suis pas certain s'il est de 20 p. 100 ou de 28 p. 100. J'ai reçu ces renseignements des autorités américaines.

Le président: Tout dépend de qui provient l'information.

M. Grubel: En effet. Je dois signaler que contrairement à ce qui s'est passé lorsque j'ai demandé au ministère canadien des Finances de me communiquer de l'information sur les recettes de l'impôt sur les gains en capital, il m'a suffi d'un appel téléphonique au Département du Trésor américain pour obtenir par télécopieur, une heure plus tard, un tableau illustrant les recettes et l'information que j'ai ici.

Comme vous pouvez le voir, lorsque les taux ont augmenté dans le milieu des années 60, les recettes ont baissé. Les recettes sont indiquées en pourcentage du revenu national, afin de maintenir constants des facteurs pertinents comme l'inflation et d'autres. Lorsque le Congrès a adopté, en 1985 ou 1986, une loi annonçant une hausse des taux d'imposition un an plus tard, tout le monde a voulu en profiter et les recettes de l'impôt sur les gains en capital pour l'année précédente ont grimpé en flèche.

Les documents du tableau 4 concernent un phénomène proprement canadien. Les gens ne croient pas ce chiffre lorsqu'ils le voient, mais j'ai fait refaire les calculs plusieurs fois. Au Canada, en 1967, le taux marginal d'imposition du revenu des particuliers atteignait 80 p. 100. La tanche de 1 p. 100 des personnes ayant les revenus les plus élevés payaient alors 18 p. 100 de tous les impôts perçus par le gouvernement. Au cours des années qui ont suivi, le taux marginal d'imposition le plus élevé a été réduit, mais le pourcentage des impôts des particuliers payés par cette même tranche de 1 p. 100 n'a à peu près pas changé.

Comment est-ce possible? Il s'est produit exactement le même genre de substitution que celle qui, comme je l'ai dit, se produirait dans le cas de l'impôt sur les gains en capital. La même chose est vraie dans le cas de la tranche de 10 p. 100 des personnes ayant les revenus les plus élevés. Ces personnes sont assujetties à un taux d'imposition au moins aussi élevé et parfois même supérieur si on réduit le taux marginal le plus élevé de l'impôt des particuliers.

Je dois cependant défendre cela. En effet, il y avait une attrape. Chaque fois que le taux marginal d'imposition le plus élevé diminuait, les riches se voyaient privés d'échappatoires fiscales auxquelles ils avaient accès. Ils finissaient donc par payer autant d'impôt. Les gens sont cependant moins tentés de participer à l'économie souterraine ou à tricher en plaçant leur argent à l'étranger. Moins le taux d'impôt est élevé, moins les gens sont tentés de tricher. Voilà une donnée convaincante.

Lorsque j'ai porté ces chiffres à la connaissance des économistes professionnels avec qui je travaille à l'Université Simon Fraser, 90 p. 100 d'entre eux refusaient de croire que 1 p. 100 des contribuables payent 18 p. 100 de tous les impôts sur le revenu, et cela peu importe que le taux marginal d'imposition soit de 80 p. 100 ou de 50 p. 100. Quand on y pense, c'est stupéfiant.

Au sujet de l'équité du régime fiscal, nous avons dressé le tableau 5 par voie informatique et nous sommes arrivés au même pourcentage que celui dont je vous parlais, mais les chiffres étaient encore plus frappants. Les personnes qui gagnent plus de 100 000 $ par année paient 78 p. 100 de tous les impôts sur le revenu et impôts sur les gains en capital. Les politiciens et groupes d'intérêt qui sont préoccupés par la pauvreté ont raison de dire que le fardeau fiscal repose sur les épaules de ceux qui ont les moyens de payer.

Je voudrais maintenant vous exposer une idée que, je crois, nous devrions répandre partout dans le monde. Des gens se retrouvent dans ce groupe de personnes à revenus élevés parce que durant l'année où ils ont vendu leur entreprise ou réalisé une succession, ils ont eu un revenu élevé et ont même réalisé des gains en capital.

Les familles qui possèdent des restaurants ou de petits magasins travaillent très fort et disposent d'un revenu personnel très faible, parce qu'elles réinvestissent la majeure partie de leurs profits dans leur entreprise. Leur revenu annuel ne dépasse parfois pas les 30 000 $. Au moment de la retraite et de la vente de l'entreprise, leur revenu, y compris les gains en capital peut dépasser les 200 000 $ dollars. Sans ces gains en capital, leur revenu va en diminuant. Dans le cas d'une succession comportant une réalisation présumée, le revenu tombe à zéro. C'est une situation très trompeuse. Aussi, si vous soustrayez du revenu les gains en capital pour cette même année, qu'une personne ne touche qu'une seule fois dans sa vie, et que vous refaites le calcul sur la base du pourcentage des gains en capital payé par des personnes qui ont un revenu d'une autre source que des gains en capital, vous verrez que plus de 50 p. 100 des impôts sur les gains en capital sont payés par des personnes qui gagnent en général moins de 50 000 $ par année. C'est pourquoi l'argument qui veut que l'impôt sur les gains en capital soit nécessaire pour assurer une répartition plus juste des revenus est totalement faux, comme le montrent bien les chiffres que je vous ai communiqués.

Mon mémoire contient, à la page 28, la même information sur les États-Unis. Fait intéressant, chez notre voisin du sud les personnes qui gagnent moins de 30 000 $ par année paient 30 p. 100 de l'impôt sur les gains en capital.

Si vous avez déjà possédé des fonds mutuels, vous savez que vous obtenez chaque année un relevé indiquant le montant de l'impôt sur les gains en capital à payer, parce que les gestionnaires de ces fonds en ont vendu une partie. Ce n'est pas eux qui paient l'impôt, c'est vous.

Il demeure vrai que les personnes qui gagnent plus de 100 000 $ par année paient 46 p. 100 de tous les impôts sur les gains en capital, même en faisant abstraction des chiffres sur les gains en capital utilisés pour faire ce tableau. La question n'est pas moins digne d'intérêt pour autant. Aux États-Unis, les autorités possèdent des données qui permettent d'examiner la situation des personnes qui réalisent des gains en capital une fois dans leur vie, avant et après leur réalisation. Or, il se trouve que ces personnes se retrouvent en général avec un revenu beaucoup plus faible par la suite.

Le sénateur Meighen: Je voudrais avoir une éclaircissement au sujet de la différence entre le tableau 6 et les chiffres concernant les États-Unis. Les données sont-elles fondées sur les mêmes hypothèses dans les deux cas?

M. Grubel: Oui.

Le sénateur Meighen: Ai-je bien compris? Est-ce que, au Canada, les personnes qui gagnent 100 000 $ et plus paient 26,8 p. 100 de tous les impôts sur les gains en capital, alors qu'aux États-Unis, ce taux est de 45,5 p. 100?

M. Grubel: C'est exact.

Le sénateur Meighen: C'est un écart important.

M. Grubel: En effet.

Le sénateur Meighen: En connaît-on la raison?

M. Grubel: Je n'en ai aucune idée. Les spécialistes devraient se pencher sur la question, mais cela n'a pas encore été fait au Canada. Il s'agit d'un premier essai et j'espère que les résultats sont justes, mais vous savez comment les choses se passent. Nous faisons de notre mieux. Un de mes collègues au Fraser Institute se spécialise dans ce genre de travail. C'est un exercice hautement technique qui exige un ordinateur. Mon collègue consulte le ministère des Finances et Revenu Canada.

Les données américaines appuient fortement l'affirmation selon laquelle, en fait, cet impôt ne touche pas principalement les riches.

Parlons de l'équité de ce que nous faisons pour ceux qui ont des capitaux. Ils ont travaillé très dur pour gagner de l'argent. Ils ont payé de l'impôt là-dessus et ensuite, au lieu de le dépenser sans compter, ils ont décidé judicieusement de le mettre de côté pour leur retraite et leurs enfants. Le gouvernement leur dit ensuite: «N'est-ce pas intéressant? Vous avez un revenu supplémentaire.» D'un autre côté, la personne qui a gaspillé son argent n'a pas de revenu supplémentaire et n'a rien à payer. Elle se nourrit, elle jouit des vacances qu'elle prend dans les Caraïbes alors que les autres citoyens n'ont rien d'autre que leur revenu de dividendes.

Est-ce équitable? Est-il équitable d'imposer les sociétés et ensuite, d'exiger que les intéressés ajoutent à nouveau à leur revenu personnel des dividendes versés une fois les impôts sur le revenu payés? Au Canada, on peut profiter du crédit d'impôt pour dividendes, qui est d'une certaine utilité. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas très équitable.

Si vous êtes assez chanceux et si vous avez bien investi votre argent et vous obtenez ainsi un gain en capital, ce dernier est imposé à nouveau. Non seulement cela est injuste selon moi, mais cela décourage également les gens d'épargner et d'investir. Nous savons tous que plus le facteur de dimension est grand, moins le rendement sur l'investissement est élevé, moins il y aura d'investissements. Tous les économistes affirment que si nous voulons un niveau de vie plus élevé au Canada, nous devons investir davantage de capitaux, de meilleurs capitaux dans la technologie de pointe. Ainsi, il est insensé de pénaliser ceux qui font des sacrifices pour pouvoir investir.

Enfin, j'en arrive à ce que je trouve tout à fait incroyable. S'il y a 30 ans, vous aviez acheté des actions dans une entreprise moyenne représentative de la bourse de Toronto, la valeur de ces actions serait maintenant trois fois et demie plus importante. Je l'ai précisé dans mon mémoire, mais pour l'instant, je vais donner des chiffres approximatifs. Disons que cette valeur a triplé. Vous rendez-vous compte de ce qui est arrivé aux prix à la consommation au cours de la même période? Ils ont augmenté plus que la valeur de vos actions. En termes réels, la valeur de vos investissements a baissé à cause de l'inflation. Or, pour ajouter l'insulte à l'injure, si vous vendiez ces actions maintenant, vous devriez verser de l'impôt sur les gains en capital sur un montant deux fois supérieur à la valeur de votre investissement initial. Le gouvernement prélève 40 p. 100 là-dessus. On va ainsi confisquer votre richesse.

Lorsqu'on examine l'analyse Haig-Simons sur laquelle s'est basée la commission Carter, on s'aperçoit que l'intention n'a jamais été de confisquer la richesse. On se disait au départ que si une personne pouvait profiter d'un accroissement de ses ressources qu'elle pouvait utiliser aux fins de consommation ou pour faire des investissements, on devrait lui demander de partager cette richesse avec d'autres qui n'ont pas eu la chance de faire un investissement. C'est ce qu'on affirmait. Cependant, il n'a jamais été question d'imposer les gains en capital nominaux, des gains en capital qui ne font que permettre à l'investisseur de suivre l'inflation.

Tout comme les économistes sont tous en faveur du libre-échange, ils s'entendent tous pour dire que l'imposition de gains en capital fictifs est une injustice et qu'elle est extrêmement inefficace. Quoi qu'il en soit, il est si difficile d'insérer ces dispositions dans un code fiscal que pratiquement aucun pays du monde ne prévoit cela dans son code fiscal, même si on me dit que l'Angleterre avait des dispositions en ce sens. L'année prochaine, je veux organiser un symposium à l'Institut Fraser pour réunir des gens de divers pays afin de discuter avec eux de leurs expériences avec ce type d'indexation des gains en capital à l'inflation.

Permettez-moi de conclure avec mes observations sur l'argument défendu par Jack Mintz. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'avec tous les comptables et avocats brillants que nous avons, en l'absence de gains en capital, on trouverait toutes sortes d'astuces pour transformer le revenu de travail en revenu de capital afin d'éviter de payer des impôts. Je suis persuadé également que cela conduirait à une mauvaise répartition des ressources. Certains investissements ne seraient rentables que parce qu'ils offrent des avantages fiscaux et non pas parce qu'ils sont vraiment rentables sur le plan financier.

Cette façon de penser est encore très répandue parmi nos meilleurs universitaires, comme Jack Mintz. C'est également le dogme du ministère des Finances. Il faut lutter contre cela si nous voulons des changements, et je vais donner certaines façons d'y parvenir.

Chaque fois que le gouvernement adopte une loi pour remédier à une situation, il y a toujours des conséquences imprévues. En fait, certaines personnes affirment que l'économie est l'étude de la loi des conséquences imprévues.

Lorsque je siégeais au comité des finances, Jim Peterson était le président. Il me laissait toujours traiter avec les groupes d'intérêt qui réclamaient davantage d'argent pour eux. Il m'incombait -- et j'adorais ce travail -- de leur demander s'ils avaient songé aux conséquences de telle ou telle proposition. Jim Peterson m'a dit un jour, lorsque j'ai décidé de ne pas me représenter, que s'il avait appris quelque chose au cours des quatre années où nous avions siégé ensemble au comité des finances, c'était qu'on ne pouvait s'immiscer dans le fonctionnement de marché sans craindre des conséquences négatives.

Quelles sont-elles? Il y a l'effet de blocage, qui est un peu comme l'autre côté de la médaille. À la suite d'une suggestion d'un économiste très préoccupé par cette question, j'ai intitulé mon document «Le blocage des capitaux canadiens».

Je vous demande de faire preuve de patience à mon égard alors que nous abordons cette question technique, car si vous comprenez ce graphique, vous comprendrez la question. Au tableau 7, je prends pour hypothèse un investissement de 1 500 $ qui va vous rapporter 7 p. 100 par année à jamais à l'avenir. La ligne noire foncée sur le graphique vous indique sa valeur. Dans 10 ans, elle sera de 20 700 $. Supposons que vous envisagez de vendre cet investissement, mais qu'il y a un gain en capital de 500 $. Vous versez alors 40 p. 100 d'impôt sur ce montant; il ne vous reste donc plus que 1 300 $.

Le président: Vouliez-vous dire 2 700 $ et non 27 000 $?

M. Grubel: Oui, merci. Sur le graphique en pourcentages, prenez l'investissement le plus faible, 1 300 $, à 7,5 p. 100. Son taux de croissance est supérieur à l'investissement de 1 500 $ à 7 p. 100, mais il faut probablement 30 ans, même si je n'ai pas fait les calculs, pour que l'investissement à 7,5 p. 100 rattrape à moitié à peine celui à 7 p. 100. Si vous pouvez obtenir un rendement de 10 p. 100 et suivez la deuxième ligne à partir du haut, ce n'est que si vous conservez votre investissement pendant six ans qu'il sera plus avantageux de vendre votre bien, de payer l'impôt sur les gains en capital et de réinvestir à 10 p. 100. Si la période de détention est de six ans, il faut 3 p. 100 de différence pour qu'il soit rentable de vendre le bien dont le rendement est plus faible et d'investir dans un bien plus élevé et plus productif.

C'est tout ce dont parlent les gens pratiques. Ils se disent: «J'ai des chances extraordinaires de réaliser des profits, mais sur la période durant laquelle, selon moi, je dois conserver ces biens, il n'est pas payant pour moi de vendre le bien que j'ai maintenant et de payer l'impôt sur les gains en capital. Je ne rentrerai jamais dans mon argent.»

Ainsi, des possibilités d'investissement ne sont pas exploitées. C'est la raison pour laquelle les économies qui n'ont pas d'impôt sur les gains en capital sont plus efficaces que les économies qui ont des impôts élevés sur les gains en capital. Moins ces impôts sont élevés, plus la productivité est forte. Lorsqu'on comprend cela, même de façon intuitive, on s'aperçoit que c'est également la raison pour laquelle les rendements boursiers moyens au Canada augmenteraient si nous réduisions les taux d'imposition sur les gains en capital, ce qui nous apporterait tous les avantages dont je viens de parler.

Pour ma part, je crois que dans le cadre de l'argument sur l'efficacité défendu par le ministère des Finances, on devrait établir les pertes pour la société découlant des incitatifs à trop réinvestir les profits. J'ai demandé si des études avaient été effectuées pour mesurer ce coût. Il n'y en a pas. J'ai demandé si nous savions combien l'effet de blocage coûte à la société. La réponse est non. J'ai voulu savoir si nous avions une idée de ce qu'il en coûte d'administrer l'impôt sur les gains en capital appliqué à l'heure actuelle. La réponse est non.

Je peux me tromper, mais si ma mémoire est exacte, ce chiffre est incroyable. Lorsque je siégeais au comité des finances, un fonctionnaire de Revenu Canada ou du ministère des Finances a déclaré: «Plus de la moitié de notre code fiscal consiste en règlements appliqués et reliés à l'imposition des gains en capital. Ils portent sur des questions précises touchant l'évaluation des investissements et le moment où ils sont effectués. Pour être juste, nous avons toutes ces dispositions.» Vous pouvez imaginer combien de gens travaillent à circonvenir ces règles et à profiter de toutes les échappatoires avant que le ministère des Finances ne les élimine. Je devrais aborder ces revenus en fonction du coût total pour le gouvernement et du coût social.

Le président: Pouvons-nous passer aux questions maintenant?

M. Grubel: Oui.

Le sénateur Kenny: M. Grubel, pour parler au nom de votre mère un instant, je me demande si je pourrais vous poser quelques questions. Vous êtes le deuxième témoin d'affilée à montrer, graphiques à l'appui, que l'impôt sur les gains en capital ne touche pas les riches mais, en fait, vise tout l'éventail des revenus.

Vous vous êtes penché plus particulièrement sur deux exemples flagrants. Il y a le cas où des gens ayant souvent des moyens modestes ont investi dans les fonds mutuels et doivent payer de l'impôt sur les gains en capital avant de recevoir un revenu. Il y a ensuite le cas singulier où peut-être à l'approche de la mort des intéressés ou au moment où l'entreprise familiale est vendue, on assiste à une augmentation des paiements d'impôt sur les gains en capital. Avez-vous une solution à ces deux problèmes?

M. Grubel: Je n'ai pas encore dit en quoi consistaient mes recommandations. Si j'étais le ministre des Finances, j'éliminerais l'impôt sur les gains en capital afin de faire du Canada un paradis fiscal -- la Suisse de l'Amérique du Nord. Nous pourrions alors prospérer comme tous les autres pays qui ont des impôts moins élevés comme Hong Kong, la Suisse et l'Irlande. Voyez ce qui s'est produit en Irlande. Le cousin pauvre de l'Angleterre a maintenant un revenu par habitant supérieur à celui de l'Angleterre depuis qu'il a réduit les impôts. Nous pourrions faire exactement la même chose.

Le sénateur Kenny: J'en déduis donc que votre réponse n'est pas une solution précise mais plutôt une solution globale relativement aux gains en capital en général.

M. Grubel: Je n'ai pas de réponse facile. Toutefois, je pense que nous devrions nous occuper de ceux qui s'inquiètent des pertes découlant de la transformation des revenus de travail en revenus de capital -- toutes les astuces que les avocats peuvent trouver. L'Allemagne utilisait une mesure, même si j'ignore si elle l'a encore. Lorsque j'étais un stagiaire en gestion là-bas, l'Allemagne avait un taux d'imposition supérieur sur le revenu créé par une entreprise, mais non distribué sous forme de dividendes, et elle avait un taux d'imposition moindre sur les revenus distribués. On contrebalance alors l'incitatif qu'il y a à réinvestir sans cesse. Chaque fois que je mentionne cela aux gens qui connaissent la question, ils aiment beaucoup l'idée.

Pour répondre à votre question, il s'agit de s'attaquer au problème directement. Je ne pense pas que les coûts seraient aussi élevés qu'à l'heure actuelle avec un énorme effet de blocage.

Le sénateur Kenny: Étant donné les arguments économiques présentés hier et aujourd'hui, il me semble qu'une grande partie de la solution réside dans la façon dont les gens perçoivent l'impôt sur les gains en capital comme un impôt sur les riches. Des chefs de la direction nous en parlent sans cesse et votre discussion du tableau 7 porte sur le même problème. Lorsque certains affirment qu'une réduction de l'impôt sur les gains en capital entraînerait une augmentation de la productivité, le travailleur moyen n'embarque pas. Il croit qu'il va être licencié ou quelque chose du genre.

Avez-vous pris connaissance d'études que vous pourriez partager avec le comité montrant pourquoi les gens croient que les gains en capital ne touchent que les riches? Avez-vous des suggestions sur la façon pour le comité de montrer à la population que cette question touche les gens gagnant 15 000 $, 20 000 $ ou 30 000 $? Jusqu'à maintenant, le comité s'est surtout attaché aux arguments que nous pouvons présenter aux fonctionnaires du ministère des Finances. En toute franchise, le ministère des Finances répond aux électeurs. Certains d'entre nous dans cette salle sont assez vieux pour se rappeler de la campagne néo-démocrate au sujet des sociétés parasites. Cela a reçu un grand écho chez les électeurs. On s'est attardé à l'époque sur l'impôt sur les gains en capital et le fait que les gens plus nantis ne supportaient pas leur juste part du fardeau fiscal. Vous dites maintenant au comité que les intéressés doivent supporter une part disproportionnée du fardeau fiscal, il me semble que vous ne nous donnez pas les arguments voulus pour faire comprendre ce point de vue.

M. Grubel: Lorsque j'étais député du Parti réformiste, nous avions peut-être 15 recherchistes. Savez-vous combien d'économistes il y avait parmi eux? Un. Savez-vous combien étaient spécialisés en communications? Ils étaient 14. Ils sont censés pouvoir s'acquitter de cette tâche. Je ne sais pas quoi dire.

Le sénateur Kenny: Vous siégiez à la Chambre des communes. C'est trop.

M. Grubel: On me dit maintenant au ministère des Finances qu'on avait les renseignements que je viens de vous transmettre, mais qu'ils n'étaient pas du domaine public. Lorsque l'Institut Fraser publiera un document sur cette question, ce sera la première fois au Canada qu'un graphique montre cette information à la population. Il incombe maintenant à la classe politique et aux médias d'en faire bon usage.

Je ferai de mon mieux. Un article publié dans le numéro d'aujourd'hui du Financial Post défend tous ces points. Aux États-Unis, les chiffres sont également assez récents. Les gens n'avaient pas réfléchi à la question. Cela ne faisait pas partie du domaine public. Je présente certaines idées à la fin de mon document sur la façon d'amener le Canada à s'engager dans cette voie. Nous avons besoin d'un champion de cette cause. Votre comité va peut-être jouer ce rôle.

Le sénateur Kenny: Je vais simplement dire ceci: lorsque les arguments s'appuient sur des données économiques, cela ne reçoit pas beaucoup d'écho dans la population. À moins de trouver une façon de transmettre leurs arguments d'une façon que les gens qui ne lisent pas le Report on Business comprennent, les convertis se prêcheront à eux-mêmes.

Le président: À propos de cela, j'ai eu ce matin une réunion d'une heure pour essayer de faire aboutir quelque chose au niveau des communications, et hier soir, le sénateur Angus s'est mis en rapport avec notre autre témoin pour lui poser exactement les mêmes questions. C'est le principal problème.

Le sénateur Tkachuk: Je voudrais poser une question supplémentaire touchant le problème que vous avez au niveau des communications. Il semble y avoir un consensus général sur le fait qu'une diminution des taux d'imposition, notamment sur les gains en capital, serait bonne pour l'économie. Sur la scène politique, on n'aurait aucun problème avec les Conservateurs à ce sujet; on n'en aurait certes pas avec les Réformistes. Les Néo-démocrates pourraient cependant vous en poser. Ainsi, il me semble que le problème touche une partie de l'éventail politique et qu'il s'agit d'une bataille interne que vous devez mener.

Le sénateur Kenny: Bien essayé.

Le sénateur Tkachuk: C'est vrai en un sens.

Le président: Qui établit au départ les gains en capital?

Le sénateur Tkachuk: Vous seriez surpris, je pense, de voir que les agriculteurs et les chefs de petites entreprises comprennent le fonctionnement de tout ceci. Je crois que nous sous-estimons ce qui s'est produit au cours des 10 dernières années, en partie grâce au travail effectué par le ministre des Finances pour essayer de contrôler le déficit et d'obtenir un surplus qui nous donne en fait, la chance de parler d'une réduction des impôts. Je prétends que nous serions surpris de la réaction des Canadiens à cela. À l'exception de quelques groupes d'intérêt, je ne crois pas que cela poserait un grave problème politique à long terme.

Le sénateur Kenny: Si vous vous concentrez seulement sur les gains en capital?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Le président: Nous devons faire cela en tant que comité.

Le sénateur Tkachuk: C'est un point. Le sénateur Kenny a soulevé la question des communications, et je souhaiterais signaler que beaucoup de gens sont opposés à cela.

Le sénateur Fitzpatrick: Monsieur Grubel, je crois avoir compris que vous êtes en faveur d'une réduction ou de l'élimination de l'impôt sur les gains en capital.

M. Grubel: Vous êtes très observateur. Je suis heureux que vous ayez écouté.

Le sénateur Fitzpatrick: Vous avez déclaré que l'on ne paye l'impôt sur les gains en capital que lorsqu'on le veut, et je comprends ce que vous dites, mais on ne veut probablement pas cela à sa mort. Je crois que les Américains ont un impôt sur les successions que nous n'avons pas. Cela est remplacé par les gains en capital réputés. Comment traiteriez-vous la question si votre thèse était acceptée et si on y donnait suite?

M. Grubel: Je répondrai à deux titres. D'abord, en tant qu'économiste conservateur, je dirais que nous devons accumuler des richesses qui, avec le travail et la volonté d'économiser, seront transformées en investissements, ce qui accroîtra la productivité de la main-d'oeuvre. Ces investissements stimuleront aussi la volonté d'économiser des gens pour laisser autant que possible à leurs enfant, ce qui est bon pour eux. C'est ma réponse d'économiste conservateur. Milton Friedman a déclaré que l'impôt sur les successions nuit au bien-être général de la société.

Maintenant, voici ma réponse à titre de politicien. Si j'avais un conseil à donner à un chef de parti, je proposerais la création d'un impôt sur les successions semblable à celui des Américains, que personne ne paie. Les revenus qu'on en tire sont insignifiants, mais les politiciens peuvent dire à leurs électeurs qu'il existe un moyen d'aller chercher l'argent des riches. Les riches ne paient pas, ils investissement leur argent dans des fondations.

Les fondations sont une chose extraordinaire. Les fondations privées investissent leurs ressources dans les hôpitaux, l'éducation et l'aide directe aux gens dans le besoin. Les Américains ont un système fabuleux. Harvard jouit d'une fondation de 20 milliards de dollars. C'est énorme, comparativement à ce que possède l'Université de Toronto.

Le président: L'Université de Toronto a 1 million de dollars.

M. Grubel: Oui. Le comité des finances s'est penché là-dessus. Nous avons exercé de fortes pressions sur la Chambre des communes pour obtenir que les universités jouissent d'un meilleur traitement. Si vous désirez qu'un impôt sur les successions permette de régler ce problème, adoptez la mesure, mais à condition qu'elle soit conçue d'après le modèle d'impôt sur les successions américain.

Le président: J'ai entendu des économistes dire que l'une des véritables faiblesses dont souffrira le Canada dans les temps à venir sera l'insuffisance des fondations.

M. Grubel: Oui.

Le président: Avec le sous-financement de l'éducation, de la santé, et cetera, nous avons une véritable pénurie de fondations de bienfaisance dans notre pays. En fait, on me dit que le rapport par habitant entre le Canada et les États-Unis, en fait de fondations, est bien supérieur à 50 pour 1.

M. Grubel: Les décisions prises par ces fondations sont toutes beaucoup plus près des gens. Quand on décide des dépenses en matière d'éducation et de bien-être, on compte beaucoup sur l'argent d'Ottawa ou de la capitale provinciale, tandis que ces fondations prennent bien soin d'investir judicieusement leur argent et prennent d'autres précautions de ce genre. Je crois que nous sommes grandement désavantagés.

Aux États-Unis, les très riches peuvent échapper à l'impôt successoral. En passant, il semble qu'aucun d'eux ne désire que leurs enfants aient assez d'argent pour ne jamais avoir à travailler. Ils leur en laissent assez pour qu'ils soient à l'aise, mais ils savent qu'une trop grande abondance pécuniaire ne peut que nuire à leur développement humain. C'est pourquoi ils laissent de l'argent à ces fondations.

Le président: Ce qui nous amène à une autre question.

M. Grubel: C'est ce que j'ai entendu dire. C'est une motivation importante pour les gens. Il ne veulent pas que leurs enfants soient assez riches pour ne jamais avoir à travailler ou à s'inquiéter des questions financières parce qu'ils croient que ce n'est pas dans leur intérêt. Beaucoup de gens extrêmement riches ne permettent pas à leurs enfants d'avoir accès à leur héritage avant d'avoir atteint la trentaine.

Le président: Ce n'est pas si tranché.

Le sénateur Meighen: Je désire poursuivre sur la question soulevée par le sénateur Kenny concernant la communication, mais vue d'un autre angle. Nous sommes tous perplexes, ici, en ce qui a trait à la communication. Comment faire passer l'idée qui semble être tout à fait majoritaire qu'il serait préférable pour le pays de réduire les impôts en général et, en particulier, d'éliminer l'impôt sur les gains en capital, ou encore de réduire celui-ci?

Je suis peut-être injuste, mais il est évident que les ministres des Finances sont enclins à suivre les conseils des fonctionnaires de leur ministère, et pour de bonnes raisons -- mais ces fonctionnaires n'ont peut-être pas eu la chance de profiter de l'expérience acquise par certains d'entre nous dans le secteur privé, ou d'être tenu au courant de ce qui s'y passe. Ils semblent réticents à mettre en oeuvre quoi que ce soit qui ne puisse être fondé sur des calculs exacts. Je ne sais pas si c'est vrai, mais j'ai entendu dire qu'ils étaient terriblement réticents à appuyer la moindre réduction de l'impôt sur les gains en capital applicable aux dons de parts de sociétés ouvertes à des organismes de charité, qui est maintenant en vigueur depuis deux ou trois ans.

On m'a raconté que cette réduction a suscité un afflux considérable de dons aux organismes de bienfaisance tels les hôpitaux, les universités et les organismes voués au arts. Je puis en citer quelques exemples. Le gouvernement de l'Ontario a lancé un appel à ce genre de financement, ce qui a libéré des sommes plus grandes, parce que cet argent pouvait être donné à un taux inférieur à ces organismes, et des fondations comme celles auxquelles vous avez fait allusion sont maintenant en voie de création.

Dans quel délai pourrions-nous savoir, à partir des déclarations de revenus, si les dons ont augmenté? Le ministère des Finances, ou tout autre ministère, doit-il répondre aux demandes d'accès à l'information à cet égard? D'après votre expérience ou ce que vous savez, serait-il facile de déterminer ces sommes? Obtiendrons-nous les réponses à ces questions, si c'est possible?

M. Grubel: Je me vois déjà tracer le graphique des dons, suivant des intervalles de temps, selon un pourcentage, par exemple, du revenu national ou du total des impôts payés. Je ne serais pas surpris qu'on constate une forte augmentation après une telle libéralisation.

J'ai participé à l'examen de cette mesure au comité des finances de la Chambre des communes. J'ai beaucoup essayé, mais je ne comprends toujours pas comment ça fonctionne en détail ni pourquoi nous ne permettons pas simplement aux gens de donner ce qu'ils désirent et aux universités d'encaisser ces dons.

C'est une question d'importance des gains en capital et de la mesure dans laquelle ils peuvent être compensés par rapport à d'autres revenus, mais je suis sûr que nous obtiendrions un tel résultat. Je pensais que nous tentions d'arriver à autre chose, à une chose que j'ai remarquée. Quand les gens se font élire et deviennent ministres, ils obtiennent un portefeuille. Ce sont des gens très intelligents, ils ont l'intuition qu'il faut et ont beaucoup de relations. Ils savent ce que veulent les gens. Or, quand ils arrivent au poste, ils sont ni plus ni moins à la merci de la bureaucratie, n'est-ce pas? C'est un aspect de la chose.

Je sais aussi que les ministres puissants peuvent néanmoins passer à travers les mailles de la bureaucratie et faire dominer leurs convictions en disant: «Voici ce que je veux». Heureusement, M. Martin est là depuis assez longtemps pour avoir fait certaines de ces choses. C'est possible d'y arriver.

Pour le moment, je crois qu'on dit à M. Martin qu'un impôt sur les gains en capital faible ou inexistant aurait de terribles conséquences. S'il s'en faisait le défenseur, il pourrait faire taire les détracteurs et leur dire «Vous allez faire ce que je vous dis. Les coûts sociaux et économiques de l'effet de blocage sont probablement supérieurs aux coûts sociaux et économiques d'un réinvestissement excessif des dividendes ou de toute autre manière d'essayer d'obtenir que les revenus soient transformés en impôt sur les gains en capital.» Ils le feraient.

Toutefois, il faut trouver un défenseur de cette cause assez convaincu pour utiliser à bon escient les instruments de la persuasion, de la rationalisation et de la documentation disponible au ministère compétent. Avec vos relations et votre influence, sénateurs, vous êtes bien placés pour le faire, mais il faut tout d'abord vous convaincre vous-mêmes que c'est ce que vous voulez.

Le président: Nous l'avons prouvé en étant ici et en tenant ces audiences.

M. Grubel: Exactement. J'espère que les exposés qui vous ont été faits vont dans ce sens, même si ce n'est peut-être pas le cas de tous. À partir de là, vous ferez ce qu'il faut pour persuader les intéressés.

Le sénateur Meighen: Vous avez dit, de façon plus articulée et plus précise, ce que je pensais et que je n'ai pas dit parce que, malgré l'aide du sénateur Angus à laquelle j'ai eu droit à deux reprises, la population m'a clairement laissé savoir que je devais m'en tenir à la vie privée et ne pas me faire élire. Je n'ai donc pas eu l'occasion de voir les ministres évoluer comme vous avez pu le faire, mais vous avez probablement raison. Je crois qu'il y a d'autres facteurs en jeu -- les campagnes à la direction et des choses du genre -- qui interfèrent probablement avec la capacité de certains d'exiger d'obtenir ce qu'ils veulent en s'en tenant à des raisons rationnelles. Vous connaissez les raisons; vous les avez exprimées.

Vous avez dit que, si vous étiez ministre des Finances pour une journée et libre d'agir à votre guise, vous aboliriez les gains en capital et feriez du Canada le paradis fiscal de l'Amérique du Nord. Supposons que le jour s'achève avant que vous n'ayez pu accomplir tout cela, que vous ne réussissiez pas à le faire dans la journée qui vous est donnée. À votre avis, quelle réduction des gains en capital suffirait à faire une véritable différence? Combien de temps nous faudrait-il pour démontrer que cela a vraiment fait une différence? Deux ans, trois ans, cinq ans?

Pour revenir au changement dans le taux applicable aux dons de parts à valeur accrue, je pense qu'une limite de cinq ans a été appliquée. Je soupçonne que c'est sur les ordres des fonctionnaires du ministère des Finances, qui n'étaient pas convaincus que ce serait utile. Ils voulaient s'assurer qu'il ne se produirait rien de plus au cours de ces cinq années et qu'ils s'en débarrasseraient au bout de cinq ans. C'est un commentaire éditorial.

M. Grubel: J'ai l'impression que l'opinion publique et les gens qui comptent au ministère compétent acceptent l'idée qu'un taux d'inclusion de 75 p. 100 est trop élevé et qu'il devrait probablement être réduit à 60 ou 70 p. 100.

Le sénateur Meighen: Croyez-vous que cela ferait une différence?

M. Grubel: Bien sûr. Toutes les petites améliorations comptent. Cependant, je ne crois pas que ce serait suffisant.

Le président: Cela ne peut pas faire une grosse différence si nos voisins ont 27 p. 100 et nous, 35 p. 100.

M. Grubel: Exactement. Je n'en ai pas parlé dans mon bref exposé, mais c'est dans le mémoire. L'un des principaux inconvénients du système actuel, c'est que nous avons des entrepreneurs et des investisseurs qui vont aux États-Unis.

Nous avons eu une conférence sur l'exode des cerveaux au Fraser Institute. Nous avons entendu un jeune homme qui avait lancé une entreprise de produits électroniques il y a deux ans; ses ventes avaient doublé tous les deux ou trois mois, et il était passé de deux employés à 36. Il a dit: «Adieu, le mois prochain je déménage à Bellingham.» Quand il sera acheté par une des grandes entreprises, il encaissera un gain en capital. Quand il devra payer l'impôt sur ce gain en capital, il en paiera la moitié de ce qu'il paierait ici. Peut-on le blâmer?

Le président: Nous nous chargeons de présenter un rapport là-dessus, et il devra être aussi crédible que possible. J'ai passé un peu de temps avec des fonctionnaires du ministère des Finances, comme d'autres sénateurs ici présents. Je répète ce que vous dites, essentiellement. Ils disent que, s'ils le réduisent à 20 p. 100 ou quelque chose du genre, ce sera d'abord la manne, ensuite un déficit, mais ils ne tiennent compte que de l'achat et de la vente de valeurs.

M. Grubel: Exactement.

Le président: Ils ne disent rien des retombées, c'est-à-dire des emplois créés, des investissements et de la productivité -- de toutes ces choses dont on entend sans cesse parler. J'ai demandé pourquoi ils ne tiennent pas compte des retombées. Ils m'ont répondu qu'ils les ont chiffrées. Cela ne me semble pas une raison suffisante pour ne pas en tenir compte. Il y a sûrement moyen de faire des évaluations éclairées à partir de ce qui se passe en Irlande, aux États-Unis ou dans toute une série d'autres pays.

Fait-on quelque chose au Canada pour tenter de chiffrer toutes ces répercussions? Nous regardons la situation avec des oeillères.

M. Grubel: Il faut faire un acte de foi. L'économie est tellement complexe.

Le président: C'est difficile de faire un rapport sur un acte de foi.

M. Grubel: Je comprends. Toutefois, dans votre énoncé, il y a tous les éléments de ce que je dirais. Les preuves empiriques venant des États-Unis et d'autres pays sont si probantes que l'acte de foi présente peu de risques. C'est presque certain que le résultat serait le même que dans ces autres pays. Nous ne sommes pas différents de ces pays, surtout si l'on veut calmer l'inquiétude de ceux qui croient que la transformation du revenu en capital ajoutée à l'adoption en parallèle d'un règlement prévoyant que les gains réinvestis sont imposés à un taux plus élevé que ceux qui sont distribués entraînerait d'énormes pertes.

Le sénateur Furey: Vous êtes passé du graphique 5 au graphique 6. Les graphiques montrent le revenu total moins les gains en capital. Voulez-vous dire moins le gain en capital unique dont vous avez parlé tout à l'heure?

M. Grubel: La seule information disponible, dans cette base de données statistiques, c'est le revenu total tiré des gains en capital sur un an. Il y a aussi une rubrique «autres revenus», et ce sont ces autres revenus qui servent de base à la classification, en abscisse.

Le sénateur Furey: Ils ne se limitent pas aux contribuables gagnant 30 000 $ par année?

M. Grubel: On m'a dit que, d'ici l'an prochain, nous aurons une base de données que les Américains ont déjà, qui permet de suivre des individus dans le temps à partir de leur déclaration de revenus. Ce sont des données recueillies au moyen d'un échantillon, et la base est mise à jour en y retranchant chaque année 10 p. 100 des contribuables qui y figurent et en y ajoutant de nouveaux contribuables. C'est une base de données énorme, une vraie mine d'or, que les États-Unis tiennent à jour depuis un certain nombre d'années. Nous venons de commencer, et nous l'aurons l'an prochain.

Sans ces données, je ne peux pas vraiment répondre à la question. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que nous constaterons la même chose que les Américains, soit que ces gens retombent à leur ancien niveau. Même s'ils font un gain en capital, ils n'ont plus d'entreprise pour produire des revenus et consomment les dividendes de leur investissement.

Le sénateur Furey: C'est un changement énorme.

M. Grubel: Oui, mais c'est plein de bon sens, n'est-ce pas?

Le sénateur Furey: Oui.

M. Grubel: Je ne sais pas comment expliquer cela. Le critère de 50 000 $, c'est le revenu moyen au Canada. Nous ne parlons pas des gens qui gagnent 10 000 $ ou 20 000 $ par année, et je ne crois pas que nous devions élaborer nos politiques en nous basant sur la situation de ces contribuables.

Le sénateur Kroft: Plusieurs pays continuent de se buter à des obstacles. On parle de gains en capital comme si c'était tellement simple et clair. Je me dis toujours que, si c'est si bon, pourquoi ne pas réduire le taux à zéro? Cependant, il semble y avoir d'énormes restrictions pour empêcher cela, y compris aux États-Unis. À un niveau moyen, ça marche, mais passé un certain point, la validité du principe n'est plus la même pour d'autres raisons.

J'aimerais demander les conseils du comité. Étant donné que nous travaillons tous dans le même sens pour atteindre cet objectif, qu'y a-t-il de défendable dans notre argument? Y a-t-il une raison de nous arrêter au niveau que nous avons maintenant tandis que les Américains, à la suite de leur analyse ou en raison de leurs politiques ou que sais-je encore, ont atteint un niveau deux fois plus bas que le nôtre? Notre argument est-il assez fort et la logique plaide-t-elle en faveur d'une réduction totale?

Je pousse plus loin pour revenir à votre idée de paradis fiscal. S'il n'y a rien de fondamental qui permette de dire que nous devrions établir notre niveau à égalité avec celui des Américains, pourrions-nous faire mieux en faisant plus qu'ils ne font? J'essaie de comprendre s'il y a quelque chose dans le système qui fait que le principe cesse de fonctionner à mi-parcours.

M. Grubel: C'est une très bonne question. Quand j'ai commencé ce projet de recherche, même si j'étais économiste, j'en savais très peu dans ce domaine. Cependant, après avoir discuté une pleine journée, à l'Université Simon Fraser, avec 17 économistes des États-Unis et du Canada ainsi qu'avec des entrepreneurs, de la proposition d'avoir le même taux sur les gains en capital que les États-Unis, et après avoir lu les documents qu'on avait portés à mon attention, j'ai développé le point de vue que j'ai exposé dans le mémoire, c'est-à-dire que le mieux pour le Canada serait d'abaisser le taux à zéro.

Une autre solution serait d'adopter le taux américain et de le maintenir afin qu'on puisse garder au Canada quelques-uns des entrepreneurs et investisseurs qui s'en vont actuellement aux États-Unis, emportant avec eux beaucoup des retombées économiques possibles. Cette incitation sera réduite, et l'on en constatera certainement des effets.

Après le rapport de la commission Carter, en 1972, nous avons fixé le taux à 50 p. 100. Ensuite, en raison de la pression du déficit, nous l'avons haussé à 75 p. 100. C'est pourquoi ma troisième solution serait de dire que, si l'on se fie à tous les critères pertinents en 1976, il faut revenir à 50 p. 100.

Si vous me demandiez ce qui se passerait, je vous dirais qu'avec le crédit d'impôt pour dividendes, il est souhaitable d'avoir une neutralité et un taux égal afin qu'il n'y ait plus de distorsions. Le revers de la médaille, c'est qu'en éliminant cette distorsion, on en crée une autre, à savoir l'effet de blocage, qui empêche les gens de donner de l'argent aux organismes caritatifs et de vendre leurs actions pour en acheter d'autres plus rentables. Une grande partie du capital est bloquée à un faible rendement. Ce n'est dans l'intérêt de personne.

Si j'étais ministre des Finances, je ferais faire ces calculs à mes agents responsables. Le ministère a les ressources pour le faire et vous devriez insister pour que le ministre des Finances le fasse. M. Martin est un homme très intelligent. Il m'a dit un jour que, lorsqu'il s'est présenté aux élections en 1993, il ne savait aucunement à quel point le pays était proche de la faillite. Il a pensé qu'une légère amélioration de la gestion réglerait la situation, jusqu'à ce que les agents responsables du ministère des Finances lui montrent qu'il s'agissait d'un problème grave. Il a changé d'avis et s'est fait le champion d'un budget équilibré pour lequel il entrera dans l'histoire comme un personnage important au Canada.

Les agents responsables de M. Martin devraient estimer le coût de la transformation du revenu des gens en gains en capital avant cet impôt et le comparer au coût de l'effet de blocage, au coût de l'administration du ministère des Finances et de Revenu Canada, ainsi qu'au coût de tous les avocats qui travaillent sans relâche sur cette question. Puis ils devraient déterminer si c'est une bonne chose pour le Canada.

Une fois que nous aurons compris cela et que M. Martin en aura persuadé M. Chrétien, le gouvernement pourra utiliser ses énormes ressources pour en persuader le public. Ils les ont persuadés de toutes sortes d'autres questions, y compris, pas plus tard qu'en 1993, de ne pas s'inquiéter au sujet du déficit et de la dette.

Je me suis dirigé en politique parce que j'ai vu le pays mal tourner. J'étais très inquiet pour mes enfants et pour mes propres économies parce qu'aucun parti, excepté le Parti réformiste, ne disait «nous avons un problème de fiscalité». Quelques années plus tard, les autres ont dit «oui, nous avons un réel problème». Je pense que c'était simplement l'accumulation des preuves présentées par les gens. Ils ont eu un champion en Paul Martin, qui, avec l'appui de M. Chrétien, a fait ce qu'il fallait faire. Ils peuvent le refaire.

Le sénateur Kroft: Nous avons lu des choses sur le pouvoir des ordinateurs et sur l'analyse et la programmation informatiques. Une chose qui ne semble pas être très difficile est l'application d'un facteur d'inflation aux gains en capital. Si je vous ai bien compris, 80 p. 100 des pays de l'OCDE ne le font pas. Est-ce réellement un obstacle très important?

M. Grubel: En juin prochain, je vais tenir un colloque et faire venir des gens d'Angleterre. Il y avait en fait en Angleterre une règle selon laquelle les gains en capital nominal étaient exonérés et seuls les gains en capital réel étaient imposés. Ce qui est décevant, c'est qu'ils ont éliminé cette disposition il y a environ un an. Nous devons découvrir pourquoi. C'est encore une fois le genre de choses que devrait pouvoir faire pour vous le ministère des Finances, avec un budget important et de nombreux économistes et chercheurs. Ils pourraient déterminer quels pays ont cette disposition et quelles difficultés ont été rencontrées, s'il est difficile de l'appliquer, etc. Je m'oppose totalement au fait de payer des impôts sur le total cumulatif.

Le président: Vous faites cela lorsque vous allez dans une société de fonds mutuels.

M. Grubel: C'est juste, mais on ne le fait pas pour la totalité de l'économie. Bien que la Commission Carter l'ait recommandé, cela a été rejeté jusqu'ici, et nous devrions nous en tenir à cela.

Le sénateur Angus: Professeur Grubel, c'est très intéressant. Je suis certain que vous n'avez pas constaté de grande hostilité face à vos opinions ce matin. Il y a un thème qui revient dans toutes les questions quant à la manière de faire accepter vos théories et arguments et ceux d'autres personnes qui ont comparu devant le comité. J'ai eu une nouvelle idée.

La nuit dernière, des gens du monde réel sont venus voir les membres du comité. L'un d'eux a déclaré que le Canada était déjà, en décembre 1999, en retard de 18 mois sur les États-Unis en matière de commerce électronique et que l'écart va s'accroître. Cela va très vite, et nous avons manqué le coche. Cela va avoir des effets graves sur nos marchés financiers et sur notre économie en général. Êtes-vous au fait de cet argument?

M. Grubel: Non. Ce n'est pas quelque chose que j'ai suivi.

Le sénateur Angus: Il m'est apparu, en écoutant cela, que cela pourrait faire partie de notre régime fiscal très élevé, particulièrement les gains en capital et les facteurs de dissuasion soit pour bâtir de nouvelles entreprises dans la nouvelle économie soit pour réunir des fonds. Peut-être l'utilisation d'illustrations quotidiennes et du monde réel de ce qui se passe pourrait-elle constituer une approche différente que nous pourrions adopter. Hier, j'ai questionné le témoin sur la baisse de notre niveau de vie. En termes réels, cela se produit. C'est un fait. Ce n'est pas une théorie de professeur. Notre pouvoir d'achat baisse; pourtant, notre pays est censé être le pays où on vit le mieux au monde. Il faut dissiper ces mythes. Êtes-vous d'accord?

M. Grubel: Voyez comment les Nations Unies ont calculé l'indice. Elles l'ont calculé en accordant un certain poids au revenu par habitant mesuré dans le PIB afin que le résultat des pays en voie de développement ne soit pas trop mauvais. Le fait que les États-Unis aient un revenu par habitant plus élevé que le nôtre de 10 ou 15 p. 100 est un facteur arbitraire qui disparaît. Il devrait être pris en compte en termes de niveau de vie, car il a des conséquences sur le niveau de vie des gens qui se trouvent en bas de l'échelle.

Le sénateur Angus: J'hésite à englober tous mes collègues dans cette déclaration, mais, pour certains éléments du moins, vous prêchez ici des convertis. Cela fait des années que M. Dobson et d'autres disent que nous devons réaliser une étude. Maintenant que cette étude a lieu, M. Dobson montre une certaine répugnance à venir ici témoigner. Je pense qu'il devrait le faire. Ce n'est pas un professeur. C'est une personne qui connaît le sujet de façon pratique, qui a été confrontée aux réalités et qui connaît des centaines d'exemples. Je vous demande de l'exhorter, ainsi que l'Adam Smith Institute et autres de cet acabit qui disent à grand bruit à quel point notre gouvernement et notre système sont infects, à quitter leurs bureaux confortables, au loyer élevé, situés au 40e étage, à Montréal ou ailleurs, et à venir ici nous présenter les faits réels.

Cela convaincra n'importe quel politicien, de quelque parti qu'il soit. Franchement, à ce point-ci, si cela peut se vendre politiquement, tout le monde va le faire. Comme l'a dit le sénateur Tkachuk, les gens ne sont pas si bêtes que ça. Ceux qui veulent se lancer dans la nouvelle économie et dans l'industrie de pointe et tirer profit de ce qui se passe manquent le coche, et le Canada est pris à son propre piège. Convenez-vous qu'il serait productif pour nous de faire cela?

M. Grubel: Oui. Il faut toutefois faire attention. Nous avons constaté à l'université que les gens de pratique sont très bons dans le domaine étroit de leur compétence. Ils consacrent beaucoup de temps à leurs affaires. Il est clair qu'il est important que les gens comprennent ce sujet, mais ce n'est pas suffisant pas pour deux heures. Les professeurs ont cessé de faire intervenir des personnes du monde pratique, excepté peut-être de temps à autre pour donner une idée de ce que font les compagnies, etc. C'est un peu un risque.

L'autre risque politique que je vois est que, si vous faites intervenir des personnes qui tireraient personnellement profit de ces changements ou dont l'entreprise tirerait grandement profit de ces changements, vous accordez ainsi à la gauche, à l'opposition à ces idées, une solution de facilité. Ils disent: «Nous n'avons même pas besoin d'examiner cela, car nous savons d'où cela provient». Même le Fraser Institute souffre à un certain degré de cela. «Oh, vous êtes du Fraser Institute. Nous savons déjà ce que vous allez dire». C'est terrible.

Vous avez eu l'amabilité de me faire venir ici et mes commentaires vont maintenant être imprimés. Les gens concernés qui sont rationnels écouteront les preuves. M. Dobson et d'autres qui sont préoccupés par cette question devraient avoir l'occasion d'exprimer officiellement leurs opinions en espérant que d'autres gens les lisent.

Le sénateur Angus: Exactement. Je vous prie d'abandonner cette attitude défaitiste. Nous nous inquiétons à l'idée que ce ne soit que pour amadouer les riches. Vous nous avez prouvé cela, et de nombreux universitaires comme vous témoignent. Nous avons besoin de ces individus et ils ont des centaines de clients. Ils pourraient nous raconter de véritables histoires.

Ma question suivante a trait au professeur Mintz. Je sais que vous n'êtes pas d'accord avec lui sur certaines questions. J'ai déduit de ce qu'il a dit qu'en fin de compte, il se pourrait bien que ce soit une bonne chose d'abolir ou de réduire les impôts sur les gains en capital, mais vous ne pouvez pas le faire seuls en vase clos. Notre régime fiscal est complexe, et changer une simple virgule ou un simple mot a des conséquences incroyables. C'est un équilibre si fragile que, dès que vous déshabillez saint Pierre pour habiller saint Paul, le tout s'effondre.

Je ne suis pas d'accord avec cela et je crois que vous ne l'êtes pas non plus. Il est fondamental pour notre étude que nous ne présentions pas une recommandation qui n'a aucun sens. En d'autres mots, nous ne devons pas réduire à 20 p. 100 les gains en capital et détraquer tout le régime fiscal.

M. Grubel: Je suis entièrement d'accord avec vous. J'ai dit tout ce que j'avais à dire, mais, pour réitérer ce que vous avez dit, je vais citer le dernier paragraphe du témoignage de Jack Mintz:

Je sais que pour mes recommandations, je suis poussé par une question technique, qui est la conversion du revenu en gains en capital, mais je suis tout à fait d'accord avec l'argument selon lequel nous devrions essayer de réduire les taux d'imposition pour les gains en capital.

Je dirais qu'il a raison. Il y aurait de bonnes raisons de faire cela, mais il existe deux réponses à cette proposition. L'une consisterait à mettre en place un impôt qui établit une différence entre les bénéfices réinvestis et les bénéfices répartis. Il se peut que cela complique le code, mais ce dernier est déjà assez compliqué pour qu'une petite complication supplémentaire ne fasse pas une grande différence.

La seconde réponse consisterait à déterminer les coûts économiques du problème technique qu'il identifie en termes d'effet de blocage relativement aux bénéfices rapportés par la réduction de l'incitation. J'ai constaté qu'il examine maintenant certaines de ces questions. Il faut procéder à une analyse coûts-avantages. On ne peut pas simplement choisir une politique et dire «voilà les avantages».

J'ai toujours fait remarquer à mes étudiants un fait alarmant: les compagnies aériennes ont un monopole national et elles pourraient exploiter le public s'il n'y avait pas de règlements. Dans les années d'après-guerre, il y a eu une forte réglementation de l'industrie du transport aérien. Il se peut qu'elle ait remédié à un échec du marché, mais elle a introduit un énorme échec du gouvernement. À la fin, cela s'est manifesté par la découverte, dans les années 70, du fait que le vol entre Boston et Washington coûtait deux fois plus cher que le vol entre Los Angeles et San Francisco. Cela s'est produit parce que l'un était un vol d'un État à un autre, réglementé par la Federal Aviation Administration, et l'autre était un vol à l'intérieur d'un État, qui était déréglementé. Lorsqu'on a pris conscience du fait que c'était là le coût de la tentative de régler un échec du marché ou un problème technique, on a dit: «Oublions le problème technique et laissons le marché reprendre de nouveau le dessus». Vous connaissez les événements depuis ce moment-là dans l'industrie du transport aérien et son marché.

De même, nous avons un problème avec le changement de revenu en gains de capital. Nous devons le régler et c'est actuellement l'idée dominante. Ceux qui connaissent le système ont probablement suivi leur cours avec Jack Mintz ou moi parce que ça a été le sujet dominant par le passé. Maintenant, toutefois, nous en voyons les conséquences non intentionnelles, telles que les prix élevés des compagnies aériennes. Il faudrait se concentrer sur ces questions avec ces gens-là. En tant que personne qui s'intéresse aux questions politiques, et plus encore depuis que je suis ici, je crois que nous devons également nous pencher sur l'idée qu'il s'agit d'un moyen d'atteindre les riches qui ne paient pas leur juste part. Durant le processus, vous devez examiner nos chiffres ainsi que ceux des États-Unis. En fait, la plus grande partie du fardeau fiscal revient aux classes moyenne et inférieure. Il est très injuste d'imposer les gains nominaux.

Le sénateur Angus: La question des deux heures m'intrigue. Vous nous avez donné un rapport formidable avec de bons graphiques pour étayer vos arguments et cela a pris plus de deux heures. Puis, nous avons entendu votre témoignage pendant environ deux heures. Cette combinaison nous a été très profitable. Je propose que les gens avec lesquels vous êtes indirectement associé et avec lesquels vous êtes d'accord relativement à la structure des gains en capital viennent ici. On leur accordera plus de deux heures si leur présentation est comme la vôtre. Ces gens sont concernés. Je ne veux pas entendre parler de cette question lors d'occasions informelles. C'est une occasion et un forum qu'ont créés notre président et ce comité. Qu'ils viennent ou se taisent à jamais.

M. Grubel: Je pense que vous êtes trop dur envers eux. Ce sont d'excellents experts financiers. Ils ont passé leur vie à écouter les gens qui ont du flair, leurs amis et leurs associés afin de trouver de bonnes possibilités d'investissement. Le Formula Growth Fund est en tête de la liste des fonds avec les taux de rendement les plus élevés au cours des 25 ou 30 dernières années. C'est une réussite incroyable, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'une personne qui a ces aptitudes, aussi dignes d'éloges soient-elles, puisse préparer ces graphiques.

Le sénateur Angus: Non, mais vous avez fait les graphiques. Vous nous donnez les arguments intellectuels et les faits économiques ainsi que la théorie pour les justifier. Nous avons besoin du côté pratique. Je peux vous assurer que les détenteurs du Formula Growth Fund, dont certains se trouvent dans cette pièce, sont d'accord avec vous. Le peuple a son mot à dire.

M. Grubel: Essayez de l'obtenir.

Le sénateur Angus: Par exemple, j'ai une secrétaire qui a un revenu fixe et elle détient des unités. Elle investit dans le Formula Growth Fund chaque sou qu'elle peut depuis 38 ans qu'elle travaille pour moi. Maintenant, elle a besoin de l'argent, mais il y a la question de l'impôt sur les gains en capital. Il existe de nombreux exemples tels que celui-ci qui doivent être présentés par les gens qui les connaissent bien. Ces gens ont fait beaucoup de bruit en coulisse, se plaignant qu'on refusait de les écouter à Ottawa et de prendre des mesures. Nous allons les écouter, nous examinerons les résultats et nous prendrons des mesures si les faits le justifient et si nous obtenons les preuves nécessaires -- et je suis convaincu que ces preuves existent. Je ne suis pas hostile à leur égard. Nous voulons qu'ils viennent, mais M. Levy a été incapable de les faire venir.

Le président: Très juste. J'ai rencontré John Dobson, à sa demande, et il a présenté des statistiques extrêmement intéressantes qui indiquent à quel point les impôts sur les gains en capital sont élevés. C'était stupéfiant. J'appellerai M. Dobson et lui demanderai de comparaître devant le comité.

La séance est levée.


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