Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 4 - Témoignages du 15 décembre 1999
OTTAWA, le mercredi 15 décembre 1999
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 15 h 35, pour étudier l'état actuel du système financier canadien et international (Société pour l'expansion des exportations).
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nos témoins d'aujourd'hui représentent la société Gowling, Strathy & Henderson. M. Guy David est responsable du projet de l'Équipe chargée de l'examen. M. Gerald Shannon, M. Stan McRoberts et M. Maxime Faille l'accompagnent.
Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, avant que vous présentiez les témoins, je veux préciser que je suis avocat-conseil de Gowling, Strathy & Henderson; par conséquent, je serais en conflit d'intérêts si je participais aux travaux du comité. Je n'ai donc pas participé au projet et n'ai pas vu le rapport avant qu'il soit rendu public. Ayant déclaré cette situation de conflit, je désire faire savoir que je ne participerai pas aux délibérations. J'y assisterai en tant qu'observateur seulement.
Le président: Sénateur, je suis sûr que le fait que vous soyez avocat-conseil de cette entreprise n'influerait pas sur les points de vue que vous exprimeriez.
Le sénateur Kroft: Monsieur le président, même si le sénateur Kelleher a déclaré être en conflit d'intérêts, je serais heureux qu'il participe aux délibérations d'aujourd'hui.
Le président: Monsieur David, nous vous écoutons.
M. Guy David, associé, chef de projet, Équipe chargée de l'examen, Gowling, Strathy & Henderson: Merci de nous avoir invités à vous rencontrer aujourd'hui, au sujet l'examen de la Société pour l'expansion des exportations. Les membres de l'Équipe chargée de l'examen ont déjà été présentés par le président.
L'objectif premier de l'examen était d'évaluer le fonctionnement et le succès de la SEE dans la réalisation de son mandat, à la lumière de la révision de la loi de 1993. En vertu de ces modifications, la loi exige un examen après cinq ans. La SEE s'est vu confier un certain nombre de nouveaux pouvoirs lui permettant de réaliser son mandat élargi, notamment celui de faire des placements en actions et du crédit-bail, d'accorder du financement intérieur et d'offrir de l'assurance-crédit intérieure. Compte tenu de l'importance croissante des investissements par rapport au commerce -- investissements étrangers, tant reçus que fournis -- la SEE estime que son mandat élargi comporte également le soutien des investissements liés au commerce.
Les capacités de la SEE dans les domaines du commerce international et du financement de projets sont largement reconnues et respectées dans les milieux financiers canadiens et ailleurs dans le monde. Des institutions comme la Banque mondiale, la Société financière internationale, la SFI, et les banques de développement régionales comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, et la Banque interaméricaine de développement, la BID, reconnaissent toutes les capacités de la SEE, surtout dans les domaines de la gestion du risque, et reconnaissent également ses compétences et son savoir-faire dans le domaine financier en général.
La SEE est parvenue à combiner la culture commerciale et le dynamisme d'entreprise tout en maintenant le sens des responsabilités dont elle doit faire preuve en sa qualité de société d'État. Toutefois, l'examen a permis de constater que l'orientation commerciale de la SEE crée des tensions entre elle et ceux qui estiment qu'elle devrait observer les mêmes normes en matière de responsabilité que les autres organismes gouvernementaux. Aussi, nous avons constaté que sa vigoureuse éthique en matière de concurrence crée des tensions avec ses concurrents du secteur privé, qui croient que, en tant que société d'État, la SEE jouit d'avantages indus et qu'elle ne devrait pas pouvoir leur faire concurrence. Tant les banques que les compagnies d'assurance font valoir ce point.
L'enthousiasme et la rapidité avec lesquels la SEE a évolué pour exploiter de nouveaux secteurs d'activité commencent également à exercer des pressions sur les limites imposées naturellement à une société d'État, ce qui a créé des tensions avec les ministères. Ceux-ci préféreraient voir la SEE interpréter son mandat de façon moins dynamique. Nous avons constaté que la SEE présentait des différences fondamentales, cependant, par rapport aux institutions financières du secteur privé avec lesquelles elle entre en concurrence -- et coopère également, il faut le préciser. La SEE est motivée par son mandat public, qui est de soutenir et de développer le commerce extérieur et de développer les relations commerciales et la capacité du Canada de participer activement au commerce extérieur.
De leur côté, il est évident que les institutions financières du secteur privé ont pour objectif de générer des profits pour les actionnaires en fournissant les services financiers qui rapportent les plus hauts rendements possibles.
Bref, la SEE s'est taillé un créneau fructueux dans l'industrie des services financiers canadiens. C'est un service unique en son genre, qui jouit d'un soutien considérable et d'une grande loyauté de la part de ses clients, les exportateurs canadiens.
[Français]
Compte tenu du soutien considérable dont jouit la SEE auprès des exportateurs canadiens et du fait qu'il n'existe pas d'arguments solides en faveur d'une restriction des activités de la société, nous ne recommandons pas de lui enlever ses nouveaux pouvoirs.
Par contre, reconnaissant le rythme accéléré d'évolution de la SEE depuis 1993, dans le sens d'une plus grande orientation commerciale, nous recommandons que certaines de ses opérations soient fondées sur des considérations purement commerciales. Sauf en ce qui a trait aux prises de participation dans des projets, nous recommandons que la société ne soit habilitée à prendre des participations en capital-action d'entreprise que par l'entremise d'une filiale assujettie à l'impôt et qui fonctionnerait selon des principes commerciaux.
Nous avons fait une recommandation similaire au sujet du crédit-bail. Nous pensons que cela portera la SEE à adopter une approche plus stratégique au lieu d'appliquer ses pouvoirs en analysant les opérations cas par cas. Cette approche serait orientée vers un accroissement de sa capacité. Tout en étant impressionné par la performance de SEE et par le soutien exprimé par ses clients, nous éprouvons de sérieuses préoccupations au sujet de la lenteur avec laquelle s'accroît la capacité de financement du commerce canadien à l'extérieur de la société.
Au chapitre du bien-être économique du Canada, le Canada dépend trop du commerce extérieur pour confier une responsabilité excessive à une seule institution financière. Pour cette raison, un des objectifs fondamentaux du présent examen a été de recommander des modifications qui augmenteront et diversifieront la capacité de financement du commerce extérieur du Canada. Certaines de ces recommandations visent à encourager une plus grande participation des autres institutions financières alors que certaines autres viennent appuyer des propositions qui permettraient à la SEE de se lancer dans de nouvelles activités.
[Traduction]
Nous nous préoccupons particulièrement de la participation limitée des banques canadiennes au financement à moyen et à long termes du commerce extérieur et au financement de projets où la participation canadienne est prépondérante. Pour ces raisons, nous recommandons que le gouvernement crée un mécanisme de garantie pour appuyer une participation plus grande des banques aux transactions bénéficiant d'un soutien du gouvernement. Ce mécanisme devrait être géré par un petit organisme distinct de la SEE, de manière à ne pas compromettre son rôle actuel et son évolution future.
La Loi sur l'expansion des exportations a été modifiée en 1993 pour permettre à la SEE d'octroyer une assurance sur les créances intérieures et extérieures, parce que le marché intérieur n'était pas suffisamment bien servi. Les exportateurs, en particulier les PME, estimaient qu'il était très difficile de gérer leurs relations avec plus d'une compagnie d'assurance. Les opérations de la SEE sur le marché intérieur ont ainsi connu un véritable essor, mais les fournisseurs de services intérieurs, à la fois les compagnies d'assurance-crédit étrangères et le secteur d'affacturage canadien, ont vite fait de dénoncer une concurrence qu'ils jugeaient indue. Nous examinons cette question en profondeur dans le rapport.
Nous estimons qu'il est extrêmement important de préserver une concurrence et une capacité adéquates dans le domaine de l'assurance-crédit au Canada. Nous ne pensons pas qu'un retrait de la SEE du marché réglerait le problème. Ainsi, après avoir étudié la question en profondeur, nous ne recommandons pas que la SEE se retire de ce domaine. Toutefois, nous recommandons que la SEE se fixe comme objectif d'encourager une plus grande expansion de la capacité des institutions privées canadiennes. Une fois mise en place une capacité adéquate, la SEE devrait se retirer de ce domaine d'une manière qui ne nuirait en rien à la commodité que les mécanismes actuels offrent aux PME.
À la lumière des consultations que nous avons menées, il semble exister un consensus sur l'idée que la SEE devrait divulguer davantage de renseignements dans certains domaines. On reconnaît que cela ne devrait pas aller à l'encontre des droits des exportateurs à une protection des renseignements confidentiels sur le plan commercial et que la divulgation ne devrait pas nuire à la compétitivité des exportateurs.
Nous avons recommandé que la SEE adopte une politique de diffusion, sur une base régulière, de certains renseignements spécifiques, tels que les noms des emprunteurs, les pays, les noms des exportateurs, les montants et les types de transactions en jeu.
Nos recommandations sont énumérées intégralement au dernier chapitre de notre rapport. J'aimerais ici vous donner un bref résumé de l'orientation principale de nos recommandations ou, dans certains cas, faire part des conclusions sur lesquelles celles-ci reposent.
Tout d'abord, le mandat de la SEE devrait être reformulé pour refléter plus fidèlement ses opérations et son orientation stratégique actuelles.
La SEE ne devrait pas être entravée dans les mesures qu'elle prend pour se donner une orientation plus commerciale.
L'orientation commerciale de la SEE devrait être reconnue dans la structure administrative de sa relation avec le gouvernement du Canada. J'entends par là que la mention de la SEE devrait se trouver dans la partie II de l'annexe III de la Loi sur la gestion des finances publiques plutôt que dans la partie I de cette annexe. Parallèlement à ce changement, la SEE devrait être placée sous la surveillance d'un vérificateur du secteur privé plutôt que du vérificateur général du Canada.
Conformément à l'évolution commerciale de la SEE, les pouvoirs non traditionnels, tels la prise de participations et le crédit-bail, devraient être exercés par des filiales fonctionnant sur une base strictement commerciale.
Il ne faudrait pas interdire à la SEE de poursuivre son importante initiative de développement du marché de l'assurance-crédit intérieure tant que le secteur privé ne sera pas suffisamment développé. La SEE devrait intensifier les efforts qu'elle déploie pour réaliser cet objectif.
Nous recommandons que la SEE lance un certain nombre d'initiatives dans le but de renforcer la capacité canadienne de financement du commerce et des investissements intérieurs. Au nombre de ces initiatives figurent le rajustement de détails des programmes réalisés en coopération avec les banques, qui sont actuellement sous-utilisés, en vue de les rendre plus attrayants; le partage des évaluations des risques-pays; une utilisation accrue de la gestion des avoirs et de la titrisation pour démultiplier les éléments de son bilan et diversifier les risques; l'utilisation du réseau des succursales bancaires pour commercialiser les produits et services; enfin la mise en place d'une représentation directe sur les marchés étrangers, à la demande de la SEE, lorsque le volume d'activités le justifie.
Étant donné que la SEE entre en concurrence avec les institutions financières canadiennes, elle ne saurait octroyer de façon efficace un cadre de garantie au financement à moyen et à long termes du commerce extérieur par les banques, sauf si elle cesse d'octroyer des prêts directs, ce que nous ne recommandons pas. Néanmoins, nous sommes enclins à partager le point de vue selon lequel un tel arrangement pourrait présenter des avantages considérables. Aussi avons-nous recommandé que le gouvernement assume lui-même cette tâche sur une base de recouvrement des coûts.
En dépit de son orientation commerciale, la SEE demeure une institution gouvernementale, et le public canadien s'attend donc -- c'est ce qu'on nous a rapporté -- à ce qu'elle se conforme à des normes en matière de responsabilité publique et de transparence, de protection de l'environnement et de respect des droits de la personne plus élevées que celles qu'elle applique présentement. Nous exposons dans nos recommandations les normes qui nous paraissent appropriées dans ces domaines.
[Français]
Enfin, j'aimerais terminer en soulignant que la croissance qu'a connue la SEE depuis l'élargissement de son mandat et de ses pouvoirs en 1993 montre clairement que la société répond de façon satisfaisante aux besoins de ses clients.
Le taux de satisfaction des clients de la SEE, les résultats des recherches effectuées auprès des groupes d'intérêts, l'enquête réalisée dans le cadre du présent examen et les témoignages recueillis au cours des consultations menées d'un bout à l'autre du pays par notre équipe d'examen indiquent en général que les personnes ayant fait affaire avec la SEE sont très satisfaites de la manière dont elle s'acquitte de ses responsabilités.
Les membres de notre comité d'examen et moi, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président: Avant que nous passions aux questions, je veux signaler que les présentes audiences présentent une anomalie en ce sens que, même si vous formulez beaucoup de recommandations, nous ne saurons si elles ont été suivies ou mises en oeuvre que quand la nouvelle mesure sera présentée. De toute évidence, il nous faudra revenir là-dessus dans quatre ou cinq mois, ou quand la loi sera promulguée. Bien sûr, c'est un examen que nous faisons actuellement, et nous voulons obtenir autant d'information que possible, mais les véritables audiences devront se tenir quand la loi sera en vigueur.
En gardant cela à l'esprit, je donne la parole d'abord au sénateur Tkachuk, puis au sénateur Angus.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi a-t-on recommandé que le vérificateur général soit remplacé par quelqu'un du secteur privé en tant que vérificateur de la SEE, et qui nommerait ce vérificateur?
M. David: Pour répondre d'abord à la deuxième partie de votre question, je dirai que ce vérificateur serait nommé par le conseil d'administration de la SEE et que sa nomination serait approuvée par l'actionnaire, c'est-à-dire le ministre du Commerce international.
Quant à savoir pourquoi on a fait cette recommandation, c'est que nous avons remarqué que la SEE avait remporté le prix du vérificateur général pour trois des cinq dernières années. Au cours des dernières années, et peut-être même cette année, c'est l'examen quinquennal du vérificateur général prévu par la Loi sur la gestion des finances publiques qui a été fait. Nous avons pensé que, si la SEE était plutôt assujettie à cette réglementation moins stricte qu'est l'annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques, elle serait autorisée à prendre un vérificateur du secteur privé. Nous avons cru qu'il pourrait être avantageux pour la SEE d'être assujettie à la rigueur d'un vérificateur d'institutions financières du secteur privé plutôt qu'à une vérification d'institution gouvernementale.
Le sénateur Tkachuk: Donc, la recommandation serait faite par le conseil d'administration. C'est déjà la tendance au gouvernement. Nous avons eu la même discussion au sujet du Régime de pensions du Canada, dont les membres du conseil d'administration nommaient le vérificateur et exerçaient leur influence, de toute évidence. Dans votre cas particulier, vous recommandez que le conseil ait de l'influence sur le choix du vérificateur mais, théoriquement, celui-ci relèverait de l'actionnaire, c'est-à-dire le gouvernement du Canada, le ministre ou les parlementaires, pour ce qui est de rendre des comptes sur le rendement financier de la société. Cela semble toujours être un conflit d'intérêts quand le conseil a quoi que ce soit à voir avec la nomination d'un vérificateur général qui leur rende directement des comptes.
M. David: C'est un conflit inhérent aux bureaux de vérification. Je ne suis pas vérificateur moi-même, mais vous avez certainement une relation avec l'administration de l'entreprise. Vous avez des responsabilités législatives et professionnelles à l'endroit des actionnaires. Cette situation ne serait pas différente dans le cas de la SEE. La principale raison qui me pousserait à recommander que la nomination soit faite par le conseil d'administration de la société, c'est que je pense que celui-ci effectuerait une sélection selon un processus établi, suivant les règles d'un concours de beauté, par exemple, pour évaluer les soumissions de plusieurs bureaux, avant de prendre la décision qui s'impose. Ce serait mieux que les critères appliqués dans le cas d'une nomination strictement gouvernementale.
Le sénateur Tkachuk: Je ne suis pas d'accord avec vous concernant cette recommandation, mais nous pourrions en discuter plus à fond plus tard.
Concernant l'article 10, vous recommandez qu'on modifie la loi pour y supprimer les mots «directement ou indirectement» et pour y ajouter «investissement». Pourquoi recommandez-vous cela?
M. David: Je parlerai d'abord des investissements. Le mandat de la SEE ne prévoit pas précisément l'aide à l'investissement, dans son libellé actuel, mais c'est un élément très important de l'orientation stratégique de la SEE. C'est ainsi qu'elle interprète elle-même son mandat. Compte tenu de cela, nous croyons que cela devrait être expressément mentionné dans la définition de son mandat. Si c'est inscrit dans la loi, il peut y avoir un débat sur la portée qu'on devrait donner au mandat de la SEE, en matière d'aide à l'investissement, et sur l'endroit précis où il faudrait tracer la ligne là-dessus.
Pour ce qui est des mots «directement ou indirectement», c'est un peu la même chose. Nous avons remarqué que la SEE a des pouvoirs très précis en ce qui concerne un certain nombre de choses. Il nous est venu à l'esprit qu'il était très difficile d'imaginer qu'on puisse aller beaucoup plus loin pour ce qui est d'alléger vos pouvoirs, en raison des avantages indirects qu'en tirerait la SEE par rapport à ce qui se produirait si on lui conférait simplement les pouvoirs énoncés ayant des répercussions directes. Autrement dit, nous avons jugé que le mot «indirectement» élargissait exagérément la portée de ces pouvoirs, à un point où cela devient pratiquement impossible à interpréter, et que, si l'on omettait à tort de mentionner certains pouvoirs, on pourrait toujours les ajouter, mais qu'il ne devrait pas être justifié, dans cette partie de la loi, de permettre l'obtention d'avantages indirects. C'était une préoccupation de premier ordre quant à la portée des pouvoirs de la SEE dans le secteur financier intérieur.
Le sénateur Tkachuk: L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada ne s'est-elle pas opposée à cette recommandation?
M. David: L'AMEC s'y est opposée, et la SEE s'y oppose également. Elles ont des arguments très forts contre cette recommandation. C'est quelque chose qu'elles voulaient obtenir en 1993, et elles l'ont obtenu.
Le sénateur Tkachuk: L'alliance est son plus gros client, je dirais. Les gens qui représentent l'alliance seraient ceux qui feraient des affaires régulièrement avec la SEE, n'est-ce pas?
M. David: C'est juste. Nous avons cherché des indices que des transactions indirectes auraient pu ne pas être faites, sauf en invoquant les avantages ainsi obtenus ou une utilisation indirecte des pouvoirs. Nous n'avons trouvé aucune trace de ce type de transaction. Autrement dit, il semble que tout ce que la SEE a fait au cours des cinq dernières années a été fait directement.
Le sénateur Tkachuk: Le simple fait que cette possibilité ne soit pas utilisée suffit pour que nous la supprimions. C'est bien cela?
M. David: Oui, il faut la supprimer, parce que, à notre avis, elle élargit le mandat au point où nous avions de la difficulté à bien le cerner ou à en comprendre la portée.
Le sénateur Kroft: Le comité a toujours été et continue à être préoccupé par le financement et les possibilités de développement des petites et moyennes entreprises. Pourriez-vous nous dire ce qui, d'après vous, peut être attribué à la contribution de la SEE? Je vous demande de vous attarder particulièrement à cette question, à savoir si vous croyez qu'elle a fait quelque chose qui n'aurait pas été fait autrement si l'on avait laissé ce champ de compétence aux banques? Dans notre travail, nous soulevons continuellement la question de savoir si, oui ou non, dans d'autres domaines de services financiers, le soutien de la petite et moyenne entreprise est adéquat. Nous pourrions peut-être nous attarder un peu sur cette question.
M. David: Nous consacrons un chapitre complet du rapport à la petite et moyenne entreprise. La SEE a fait un excellent travail pour adapter ses services aux PME. C'est ce qu'elle a fait au cours des cinq dernières années, et elle a même fait de grands progrès à cet égard. Si vous lisez les rapports annuels de la SEE, comme nous l'avons fait au cours des cinq dernières années, vous verrez que les progrès sont manifestes quant au nombre de transactions appuyées, au nombre d'entreprises servies et ce genre de choses. La même chose est vraie pour le nombre de programmes coopératifs qui sont offerts ou mis à la disposition des PME par l'intermédiaire des banques.
Cela étant dit, nous avons aussi conclu -- et c'est un peu paradoxal -- que le marché de la PME est terriblement mal servi dans le domaine du financement du commerce extérieur. La SEE ne peut pas tout faire. On connaît très mal les possibilités de soutien financier disponibles, que ce soit par l'intermédiaire de la SEE ou de ses initiatives de coopération comme la North Star, créée en grande partie par la SEE ou avec l'aide de la SEE. Un sondage a été effectué. Je pourrais peut-être céder la parole à M. Faille à cet égard.
M. Maxime Faille, avocat, adjoint du projet, Équipe chargée de l'examen, Gowling, Strathy & Henderson: Ces PME qui ont eu le plaisir de faire affaire avec la SEE ont été très satisfaites au cours des dernières années. Le sondage que nous avons commandé montrait un taux d'approbation de près de 80 p. 100 parmi les PME clientes de la SEE. Malheureusement, le groupe d'usagers demeure restreint. Selon nos calculs, seulement 5 p. 100, environ, des PME exportatrices reçoivent de l'aide de la SEE. Il est vrai de dire que la raison pour cela, c'est le manque de visibilité de la SEE.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a réalisé, en 1996, une étude qui a révélé des chiffres étonnants. Par exemple, 27 p. 100 des entreprises comptant moins de 100 employés et qui exportent aux États-Unis n'ont jamais entendu parler de la SEE. Il y a d'autres données de cet ordre. Les chiffres sont cités à la page 106 de notre rapport.
La SEE a fait des pas de géant pour mettre ses services à la disposition des petites et moyennes entreprises et leur en faciliter l'utilisation, mais elle n'a pas pénétré le marché au point où elle l'aurait dû.
Le sénateur Kroft: Ne serait-ce pas un secteur d'activité attirant pour la SEE? Cela me frappe comme étant presque une entente idéale, puisque nous comptons tellement sur les petites et moyennes entreprises, dans notre économie. Le gouvernement recherche les possibilités d'exportation, et les entreprises les recherchent également. La SEE assure un service très apprécié. Pourtant, elle a un taux de pénétration de seulement 5 p. 100 des entreprises les moins bien placées pour avoir les capitaux nécessaires ou pour assumer certains des risques inhérents, si l'on pense aux services d'assurance. Il y a un manquement incroyable. J'ai de la difficulté à comprendre cela.
À la page 97 de votre rapport, on prend connaissance de quelques programmes de garantie du financement à l'exportation à moyen terme des petits exportateurs et de garantie de partage du risque. Ce sont des programmes mixtes. Vous avez parlé de North Star. C'est dans le même domaine. Ces programmes fonctionnent en collaboration avec les banques, dans le secteur privé. On laisse entendre qu'ils ne fonctionnent pas très bien. Il semble y avoir là une formidable occasion à saisir, quant aux besoins des petites et moyennes entreprises, qui ne sont comblés ni par la SEE ni par les programmes réalisés en collaboration par la SEE et le secteur commercial des banques.
M. David: Ce n'est pas faux. Dans la mesure où la SEE peut mettre au point un plus grand nombre de produits courants, des produits qui pourraient être mis en marché par l'intermédiaire des banques, elle pourra accroître ses services aux PME. La SEE a un assez large éventail de services et continue à tenter de rationaliser son fonctionnement. Nous parlons ici d'un accroissement de services extrêmement important qui nous a amenés à penser que la meilleure manière d'y arriver, c'est par l'intermédiaire du réseau des succursales, que ce soit par la commercialisation ou par le partage du risque, pour des programmes partagés. Jusqu'à maintenant, la participation à ces possibilités n'a pas été ce qu'elle aurait pu, soit parce que les banques ne font pas d'efforts pour les faire connaître, soit parce que chaque succursale a tellement de produits financiers à offrir et administrer qu'elle n'offre pas les produits de la SEE. Il y a un certain nombre de raisons pour cela.
Le sénateur Kroft: Beaucoup d'entreprises que nous aimerions voir se développer oeuvrent dans le domaine de la haute technologie. On peut en parler, au sens large, comme de l'industrie de l'information. La SEE a traditionnellement mis l'accent sur des produits plus concrets, sur l'exportation d'objets matériels. Pouvez-vous nous expliquer comment les choses se passent, d'une manière générale, pour l'industrie du savoir, puis appliquer vos explications plus précisément aux petites entreprises de haute technologie?
M. David: Ce n'est pas un domaine dans lequel nous avons obtenu des renseignements précis pour les industries du savoir. Nous nous sommes penchés un peu sur la question des services et nous avions une idée préconçue selon laquelle la SEE serait moins encline à financer l'exportation de services que l'exportation de produits. Les résultats de l'examen ont appuyé cette idée.
Pour ce qui est de l'industrie du savoir, nous ne nous y sommes pas arrêtés précisément, mais aucun des gros exportateurs que nous avons rencontrés au cours des consultations n'auraient pu être qualifiés d'industries du savoir. Cela étant dit, vous savez probablement que la BDC s'intéresse particulièrement à l'industrie du savoir, de même qu'Industrie Canada, et la BDC travaille à développer les programmes coopératifs avec la SEE qui permettraient d'amener ses clients à connaître la SEE et aideraient à mobiliser le soutien de la SEE pour l'industrie du savoir.
Le sénateur Kroft: Établiriez-vous un parallèle avec la manière dont les institutions financières voient la BDC et la SEE sur le marché, sur les plans de la juste concurrence ou autrement?
M. David: Nous n'avons pas fait d'enquête concernant la BDC. Aucune de nos recherches scientifiques ne s'est penchée sur la BDC. En fait, la BDC ne s'est pas présentée aux consultations, mis à part pour les consultations spécifiques de la BDC elle-même et d'autres ministères et organismes gouvernementaux. C'est pourquoi nous aimerions mieux ne pas commenter cette question.
Le sénateur Kroft: Vous n'auriez pas eu l'impression que, au sein des banques, on pensait qu'il existait un lien entre les deux institutions, et qu'elle avait un peu le rôle d'intervenir? Je ne cherche pas les problèmes; je suis juste curieux de voir si l'idée a été évoquée.
M. David: Je ne me rappelle pas. Un autre membre de l'équipe s'en souviendrait peut-être.
M. Stan McRoberts, économiste responsable des recherches, Équipe chargée de l'examen, Gowling, Strathy & Henderson: Pas la BDC, non.
Le sénateur Kroft: Cela me semble étrange, parce que beaucoup de petites entreprises clientes de la BDC seraient logiquement des utilisateurs des services de la SEE également, surtout pour ce qui est des activités d'exportation, maintenant que la SEE s'occupe du commerce intérieur, mais si cela n'entre pas en jeu dans votre esprit et que ce n'est pas dans le rapport, je ne veux pas créer un élément de problème qui n'existe pas.
M. David: C'est clair que la BDC assume surtout le risque concernant le commerce intérieur tandis que la SEE s'occupe d'abord du risque à l'étranger. C'est la grande différence entre les deux. La SEE commence peut-être à assumer plus de risques à l'échelle du pays que par le passé. Il y a peut-être un certain recoupement, maintenant, entre les rôles de la BDC et de la SEE. L'idéal serait que les deux travaillent en coopération et de façon homogène, sans qu'il y ait de recoupements entre les services qu'elles offrent.
Le président: Je veux être sûr de bien comprendre les éléments de base. Tout d'abord, c'est un fait que la SEE est capable d'emprunter sur les marchés, non pas aux taux commerciaux mais aux taux souverains?
M. David: Oui.
Le président: Elles ne paient pas l'impôt sur le revenu?
M. McRoberts: Exactement.
Le président: Autant que nous sachions, il n'y a pas, ou très peu, de règles de prudence ou de conduite obligatoires, et vous dites vous-même qu'il n'y a pas assez de transparence. Il ne semble pas y avoir d'obligation de fournir à l'actionnaire un taux de rendement positif. Si ce tableau de la situation vous semble exact, pourquoi une banque voudrait-elle entrer en concurrence avec elles?
M. McRoberts: Il faut voir la SEE comme une combinaison de deux banques, dont l'une serait commerciale. C'est vraiment deux banques en une. Ses opérations commerciales fournissent le soutien nécessaire à ses activités moins commerciales.
Quelqu'un a demandé si les banques commerciales pourraient vouloir participer. C'est une question très intéressante. Parmi tous les pays du G-7, le Canada est celui qui dépend le plus du commerce; pourtant, son secteur bancaire commercial est celui qui accuse la moins grande participation.
Le président: À cause de la concurrence gouvernementale.
M. McRoberts: Oui, c'est la raison fondamentale. D'autres pays soutiennent leurs secteurs financiers, leurs institutions bancaires, au moyen de ce qui est ni plus ni moins que des programmes de garantie de crédit. Leurs organismes de crédit à l'exportation offrent une garantie; ce ne sont pas les prêteurs directs.
Le président: Pourquoi ne faisons-nous pas la même chose au Canada -- disons privatiser la SEE?
M. McRoberts: Nous ne sommes pas allés aussi loin, et je ne crois pas que nous recommanderions une telle décision, parce que nos institutions financières ne sont pas si développées. La SEE est, de loin, la meilleure société de financement du commerce extérieur au Canada. Ce serait une erreur que de risquer de nuire à son efficacité. Cela étant dit, nous croyons que le fait que les banques commerciales ne participent pas davantage pose un problème réel.
Le président: Pourquoi ne participent-elles pas davantage?
M. McRoberts: Les banques affirment que la raison, c'est que le Canada appuie les prêteurs commerciaux d'une manière différente de ce qui se fait dans d'autres pays. Autrement dit, la SEE a un programme d'aide aux banques commerciales -- et nous ne parlons pas de financement des exportations à moyen terme ni à court terme et, dans une certaine mesure, de financement de projets -- mais nous n'appuyons pas les banques commerciales comme d'autres pays le font.
Prenons les États-Unis à titre d'exemple. L'Export-Import Bank, l'organisme de garantie de crédit des États-Unis, soutient les prêteurs commerciaux sur une base de prêt résiduel. Autrement dit, quand le risque est inacceptable du point de vue d'un prêteur commercial mais qu'il est quand même considéré comme étant dans l'intérêt de la nation, l'Ex-Im Bank donnera la garantie pour soutenir l'activité.
Au Canada, nous ne fonctionnons pas du tout de la même façon. La SEE est un prêteur direct. Dans un sens, elle fait directement concurrence aux prêteurs commerciaux. En fait, théoriquement, elle a un programme à la disposition des prêteurs commerciaux, leur permettant d'avoir une garantie quand c'est approprié, mais il est moins généreux que celui des autres pays. Si nous nivelons les règles du jeu de manière que le Canada soutienne les prêts commerciaux dans le secteur du financement du commerce extérieur de façon identique à ce que font ces autres pays, on ne peut que s'interroger à savoir si les banques emboîteront le pas. C'est ce que les banques nous ont dit. Elles ont dit que, si elles ne participent pas, c'est qu'il n'y a pas assez d'activité. Les clients de la SEE acceptent largement cette situation, et les banques elles-mêmes admettent que les prêteurs commerciaux ne sont pas suffisamment actifs dans ce domaine. Les banques le reconnaissent. Elles disent que, pour régler le problème, il faudrait établir un programme qui offrirait le même genre de soutien pour elles au Canada que ce qu'on trouve dans d'autres pays.
Il convient de faire remarquer -- et un tableau l'indique dans le rapport -- que les banques canadiennes sont actives dans ce domaine, mais il se trouve qu'elles le sont aux États-Unis, ce qui nous frappe comme étant un peu une anomalie. Cela s'explique en partie du fait que, de toute évidence, le centre financier le plus important est New York. C'est donc un avantage d'être un participant aux États-Unis, à cause de la proximité. Les banques font cependant remarquer que, aux États-Unis, elles ont aussi accès à l'aide de l'Ex-Im Bank.
Il faut prendre tout cela avec un grain de sel, parce que la SEE signale que la proportion des activités de crédit officiellement soutenues a chuté de quelque 70 p. 100 à environ 20 p. 100. Cette forme d'activité est donc beaucoup moins importante maintenant qu'elle l'était il y a même cinq ou dix ans. On peut se demander si les banques sont vraiment sérieuses quand elles disent qu'elles participeraient. La solution que nous proposons, c'est d'essayer de mettre le programme sur pied et d'y imposer pour condition qu'elles participent vraiment activement, puis de voir ce qu'il adviendra.
Le président: Bon, nous ferons venir les banques et nous leur expliquerons cela.
Le sénateur Meighen: Je me demande si vous pourriez expliquer plus en détail un raisonnement que vous tenez dans un paragraphe de la page 5 de votre allocution, où vous parlez de la situation de l'assurance-crédit au Canada. Votre douzième recommandation traite de la même question. J'ai de la difficulté à comprendre comment ça fonctionnerait. D'après ce que vous dites au deuxième paragraphe de la page 5, il existe actuellement une concurrence et une capacité adéquates dans le domaine de l'assurance-crédit au Canada. Le paragraphe commence par «Nous estimons qu'il est extrêmement important de préserver une concurrence et une capacité adéquates...» Je présume que vous constatez qu'il existe une concurrence adéquate à l'heure actuelle.
C'est le domaine que les banques considèrent vraiment comme leur champ de compétence, à tort ou à raison, et elles trouvent que la SEE ne devrait pas s'en mêler. Cependant, vous avez recommandé que la SEE ne soit pas tenue de se retirer de ce domaine, parce que vous ne croyez pas que cela permettrait de maintenir une concurrence adéquate si elle n'y était plus, du moins dans les circonstances actuelles. Par conséquent, vous dites que la SEE devrait tâcher de développer davantage sa capacité institutionnelle pour le commerce intérieur, d'après ce que je lis ici. Est-ce bien ce que vous recommandez, que la SEE agisse en bon père de famille et encourage ses concurrents, puis se retire de ce marché, de façon altruiste, une fois que ses concurrents seront devenus assez solides?
Pour moi, le raisonnement ne semble pas se tenir, mais je ne l'interprète peut-être pas de la bonne manière.
M. Faille: Je pense que la SEE a réagi favorablement à cette recommandation. C'est un nouveau pouvoir qui lui a été accordé en 1993 que celui de se lancer dans l'assurance-crédit au pays. On pourrait dire que c'est un peu en dehors de son champ de compétence premier, soit de soutenir les exportateurs, puisque nous parlons d'assurance non pas de crédit étranger, mais de crédit intérieur. Néanmoins, des intéressés ont fait valoir -- et un certain nombre d'exportateurs ont présenté des arguments en ce sens -- qu'il serait beaucoup plus facile pour eux de s'adresser à une organisation unique. Comme ils assurent leurs créances à l'étranger avec la SEE, il serait certainement beaucoup plus facile pour eux d'assurer également leur créances intérieures avec ce même organisme et de ne pas avoir à se préoccuper de deux politiques distinctes et d'autres différences.
On craignait vraiment, surtout chez les PME, que le service ne soit tout simplement pas disponible pour le volume d'activités découlant des PME. C'est ainsi qu'on a justifié la participation de la SEE, en 1993.
Depuis 1993, nous avons vu le marché de l'assurance-crédit intérieure se développer. Ce n'est pas un produit que les sociétés sont particulièrement heureuses d'offrir dans notre pays, pour des raisons historiques. Toutefois, depuis que la SEE offre ce service, nous avons noté une croissance notable dans le domaine, ce qui laisse prévoir que, un jour, la SEE pourra quitter ce marché parce qu'il y aura plus de fournisseurs. Nous craignons fort que nous n'en soyons pas encore à ce stade. Autrement dit, nous ne croyons pas que ce soit nécessairement un domaine dans lequel la SEE devrait être active, compte tenu que son mandat consiste à soutenir les exportations canadiennes auprès des exportateurs canadiens et qu'il s'agit-là de créances intérieures.
Cela étant dit, les arguments présentés en 1993 sont encore valides. Toutefois, avec le temps, nous croyons et nous espérons que ces arguments perdront de leur poids et que ce service pourra probablement être offert par le secteur privé. C'est délicat que de proposer qu'une société d'État offre certains services, en particulier aux petites et moyennes entreprises, là où le système présente des lacunes à leur endroit, tout en se demandant si cela crée ou non une concurrence indue avec le secteur privé. Évidemment, l'idéal serait que le secteur privé s'en occupe. Le problème, c'est que, pour le moment, le secteur privé n'a pas fait la preuve qu'il avait la capacité pour ce faire.
Je pense que la solution que nous préconisons serait de permettre que la SEE conserve sa part de ce marché pour le moment et aide à développer cette capacité intérieure. Juste pour terminer, à cet égard, quand on parle de «capacité intérieure», je précise que les intéressés à l'assurance-crédit, actuellement au Canada, sont détenus par des intérêts étrangers. Il n'existe pas de véritable capacité intérieure actuellement. C'est pourquoi nous trouvons que la SEE a un rôle à jouer à cet égard, et la SEE a répondu favorablement à cette idée.
Le sénateur Meighen: On peut présumer que, pour ce qui est du retrait de la SEE, si le scénario se déroule comme vous l'espérez, la SEE devra se retirer ou quelqu'un devra se charger de l'écarter de ce champ de compétence.
M. Faille: Cela se pourrait bien.
Le sénateur Meighen: Un projet de loi suivra et nous devrons nous assurer qu'il contienne une disposition permettant d'examiner cette situation.
M. David: Nous tentons également de faire comprendre à l'industrie canadienne qu'il faut avoir un participant canadien fort sur le marché, et cela non pas dans une perspective nationaliste. L'évaluation du risque et les décisions en matière de crédit relativement à cette assurance devraient être faites au Canada par une institution qui assumerait le risque canadien. À l'heure actuelle, les compagnies étrangères qui desservent le marché canadien ont un créneau pour les risques canadiens et autres. Elles assument également des risques dans leurs pays respectifs. Les transactions qu'elles font au Canada sont en grande partie effectuées par des gestionnaires du risque qui sont installés à l'extérieur du Canada.
Le rapport veut faire comprendre à l'industrie canadienne qu'à long terme si un participant canadien se lance sur ce marché, que ce soit les banques par le truchement de leurs filiales, les compagnies d'assurances par un élargissement de leurs activités ou d'autres intervenants constitués en compagnie canadienne, il y aurait de bonnes raisons pour que la SEE se retire du marché.
Le sénateur Meighen: À condition qu'il y ait toujours des participants étrangers?
M. David: Absolument. Leur présence est bénéfique et utile, mais il devrait aussi y avoir des participants canadiens.
Le sénateur Meighen: Est-ce que la SEE elle-même réassure sa protection d'assurance crédit initiale?
M. David: Je ne le crois pas.
M. McRoberts: Je ne le crois pas non plus. La SEE ne se réassure pas. Elle assume le risque.
Le sénateur Meighen: Si elle le faisait, je présume qu'elle le ferait à l'étranger.
M. David: Oui.
Le sénateur Meighen: Nécessairement, non?
M. David: Oui.
Le sénateur Meighen: Je voudrais poser une dernière question, au sujet de la recommandation no 32. Vous recommandez que l'obligation relative aux évaluations environnementales accompagne les décisions du conseil d'administration de la SEE. La SEE n'y est pas favorable parce qu'elle affirme ne pas jouer le rôle de promoteur de projet.
Que répondez-vous à cela? Si, comme nous en discutions, la SEE est autorisée à détenir une participation de 25 p. 100 dans des projets, ne pourriez-vous pas faire valoir qu'elle exerce un contrôle, qu'une participation de 25 p. 100 peut, dans certains cas, permettre de contrôler un projet et équivaloir à un rôle de promoteur?
M. David: Je vais laisser M. Shannon répondre à cette question. Il revient d'un séjour de plusieurs semaine à Seattle et connaît donc bien le sujet.
M. Gerald E. Shannon, président des audiences publiques, Équipe chargée de l'examen, Gowling, Strathy & Henderson: Je ne suis pas au courant de ce dont la SEE a pu vous faire part lors de sa récente comparution. Toutefois, si des entreprises sont présentes dans des secteurs où l'État doit intervenir, comme l'environnement ou les droits de la personne, il faut évidemment assurer un équilibrage.
Nous avons rencontré à plusieurs reprises les deux exportateurs, en particulier l'AMEC, la SEE ainsi que diverses organisations non gouvernementales qui avaient un intérêt pour cette question et qui avaient des préoccupations en matière d'environnement. Nous tentions d'aider à trouver un moyen pour faire en sorte que la société divulgue davantage d'information au sujet de ses projets, sans aller jusqu'à la soumettre aux exigences de la Loi sur l'accès à l'information, car nous estimions que ce ne serait pas nécessairement un pas dans la bonne direction.
Notre objectif était de répondre à certaines préoccupations justifiées. Par exemple, des organisations non gouvernementales ont exprimé des réserves au sujet des aspects environnementaux de certains projets auxquels la SEE pourrait participer. Nos recommandations visent justement à assurer un certain équilibre entre les intérêts opposés de la SEE, des exportateurs et des organisations non gouvernementales.
Le sénateur Oliver: Ma plus grande crainte en ce qui concerne votre rapport et la SEE a trait aux rapports avec les banques. J'ai entendu ce que vous avez répondu aux questions du président du comité et du sénateur Meighen. J'ai l'impression que le problème le plus sérieux, en ce qui concerne la SEE et les exportateurs présents sur le marché canadien, c'est que les banques canadiennes n'ont pas vraiment la possibilité de concurrencer la SEE car, comme le faisait remarquer le président, la SEE ne paie pas d'impôts, elle est une société d'État, elle est protégée, et ainsi de suite. Cela pose un problème majeur aux banques à charte canadiennes. Je crois que vous aviez une occasion en or de proposer une solution à ce problème dans votre rapport.
Comment peut-on modifier le rôle de la SEE, ou celui du secteur financier, de manière à accroître la participation des banques canadiennes au financement des exportations?
M. Shannon: Nous avons fait un effort particulier pour faire participer les banques à cet examen. Au départ, nous espérions les rencontrer collectivement afin d'examiner les problèmes selon leur point de vue, mais nous les avons finalement rencontrées une à une. Nous connaissons bien les arguments avancés au sujet de la non-imposition et de la possibilité d'emprunter au même taux que le gouvernement. Les banques, les compagnies d'assurances et d'autres ont fait valoir leurs préoccupations à cet égard. Ces conditions existent bel et bien; c'est une réalité avec laquelle il faut compter.
Nous espérions alors trouver une façon pour les banques et la SEE de trouver un terrain d'entente, étant donné la qualité de société d'État de la SEE et l'importance du rôle des banques dans l'économie, pour qu'elles soient le plus utiles possible aux exportateurs. C'est le lien qui les unit dans le cadre de cette étude. Le débat qui oppose les banques et la SEE dure depuis maintenant 15 ans. Nous avons fait de grands efforts pour rencontrer les banques et nous l'avons finalement fait.
Le sénateur Oliver: Qu'ont-elles dit? Ont-elles exprimé les préoccupations que nous avons si souvent entendues?
M. Shannon: Nous en avons discuté. Les services de garantie que nous avons proposés visaient justement à permettre aux banques de participer davantage au financement des exportations.
Le sénateur Oliver: Vous disiez plus tôt que les banques n'assument pas les risques plus élevés, mais que cela relevait de la Export-Import Bank. Cette banque exige-t-elle un prix pour le risque? Dans l'affirmative, quel taux applique-t-elle aux risques élevés? Est-ce de l'ordre de 5, 6, 7 p. 100?
M. McRoberts: Les prix pour les crédits officiels sont fixés par consensus au sein de l'OCDE. Le groupe d'organismes des pays industrialisés qui est responsable du crédit à l'exportation adopte un ensemble de taux -- ajustés selon les pays -- et les fixe de manière à assurer des conditions équitables pour tous. Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Oliver: Non.
M. David: Les prix étaient fondés sur les taux consensuels de l'OCDE applicables aux prêts consentis aux emprunteurs de chaque pays.
Le sénateur Oliver: Les banques à charte auraient-elles les moyens et l'autorisation de pratiquer les mêmes taux?
M. David: Ces taux suivent parfois les taux commerciaux. Le but ultime du consensus est de faire en sorte que tous les organismes de crédit officiels pratiquent des taux commerciaux, pour ne pas couper l'herbe sous le pied du secteur privé. Les taux des organismes officiels sont parfois plus élevés que ceux du secteur privé, mais il arrive aussi qu'ils soient inférieurs. Le groupe de l'OCDE chargé de fixer les taux n'est pas un organisme d'une grande souplesse. Il fonctionne et s'ajuste très lentement.
M. McRoberts: Pour obtenir de l'aide, les banques doivent appliquer les taux fixés par consensus.
Le sénateur Oliver: Je vois. Que fait-il faire pour permettre aux banques canadiennes de participer plus activement au financement des exportations?
M. McRoberts: Les banques disent qu'il leur faudrait un programme de garantie comparable à celui mis en place aux États-Unis par la Export-Import Bank et par d'autres organismes de crédit à l'exportation. Il est impossible de savoir si les banques interviendraient activement sur le marché si un tel programme était mis en place. Ce sont les banques qui nous ont dit que ce programme serait nécessaire.
Le sénateur Oliver: Les banques vous ont-elles dit également que nous ne croyons plus à l'utilité d'une société d'État dans ce secteur, que les banques canadiennes ont ce qu'il faut pour opérer sur les marchés internationaux et dans le financement des opérations commerciales et qu'elles ont suffisamment fait la preuve de leur compétence pour ne pas avoir à supporter la concurrence injuste d'une société d'État?
M. McRoberts: Elles ne sont pas allées jusque-là.
M. David: En fait, je crois qu'elles nous ont dit le contraire. Je dois souligner ce que disait M. Shannon. Nous avons dû déployer des efforts considérables pour amener les banques à participer à cette étude, car cela ne figurait pas sur leur liste de priorités.
Le président: Elles sont très désireuses de nous rencontrer.
M. David: Leur empressement s'est accru avec le temps.
Le sénateur Oliver: La question des fusions bancaires était-elle sur la table à l'époque?
M. David: Oui. L'Association des banquiers canadiens n'avait pas adopté de position sur la question. Il y avait une divergence de vues entre les banques de l'annexe I et celles de l'annexe II au sein de l'ABC et c'est pour cette raison que l'association n'avait pas adopté de position. Nous avons fini par rencontrer les banques individuellement après la fin des consultations officielles. Les rencontres ont eu lieu début février ou fin janvier de l'année dernière.
Le sénateur Oliver: Il est regrettable que vous n'ayez pas obtenu leur coopération, car je crois que vous auriez eu une occasion unique de proposer une solution à un problème majeur qui, comme le disait M. Shannon, dure depuis plus de 10 ans.
M. David: Nous avons abordé la question. Le problème le plus aigu depuis 10 ou 15 ans est l'absence de services de garantie. Nous avons reconnu que la SEE et un concurrent ne peuvent pas offrir ce service en même temps. Une banque propose un prêt direct au nom d'un client, mais la SEE oppose un refus. Le client s'adresse donc à la SEE, qui consent le prêt direct. Ça ne peut pas fonctionner.
Le sénateur Oliver: Les banques affirment que cette pratique a cours.
M. David: On a rapporté de nombreux cas de ce genre, mais leur existence est difficile à établir. Nous avons proposé de créer un organisme distinct, mais notre rapport contient également d'autres propositions qui sont passées inaperçues. On constate des différences structurelles dans le secteur financier canadien lorsqu'on le compare à ceux d'autres pays. Ces différences ont bien servi la concurrence intérieure et le développement du secteur financier, mais elles ont affaibli la position du Canada en ce qui a trait au financement des opérations commerciales, plus précisément en raison de l'absence de liens entre les sociétés commerciales et les sociétés de crédit au Canada.
Le sénateur Oliver: Comme c'est le cas en Europe et au Japon?
M. David: Oui.
Le sénateur Oliver: Avez-vous recommandé des changements allant dans le sens de ce que font l'Europe et le Japon?
M. David: Après deux ans d'étude, le groupe de travail MacKay a produit environ 12 volumes de recommandations. Nous n'avons donc pas osé faire de recommandation qui aurait pour effet de modifier la structure du système financier, mais nous avons cependant indiqué que le groupe de travail du ministère des Finances pourrait examiner la question dans l'optique du commerce.
En Europe et au Japon, et dans une certaine mesure aux États-Unis, une société industrielle amènera une banque vers un marché étranger, ou la banque elle-même conduira un de ses partenaires commerciaux vers ce marché, mais il existe entre elles une relation symbiotique.
Le sénateur Oliver: Est-ce une bonne chose, selon vous?
M. David: Oui, je crois que c'est une excellente chose, dont on ne trouve pas l'équivalent au Canada.
M. Shannon: L'exportateur est la raison d'être de la SEE. Nous voulons tous que les exportateurs canadiens, en particulier les PME mais également les grandes sociétés, soient concurrentielles sur les marchés étrangers et puissent vendre leurs produits et services. C'est le but que nous poursuivons. Vous avez raison, sénateur, de dire qu'il devra y avoir un débat au sujet des banques par opposition à la SEE. Il ne faudra cependant pas perdre de vue, dans ce débat, que ce sont les exportateurs qui utilisent ces services. Lorsque vous réorganiserez les choses, rappelez-vous que l'utilisateur final est la raison d'être de l'organisation.
Le président: Pourriez-vous, pour les fins du compte rendu, faire un survol du Compte du Canada et des processus décisionnels qui lui sont propres?
M. McRoberts: Le Compte du Canada est un mécanisme de financement prévu dans la Loi sur l'expansion des exportations. On y a recours lorsque la SEE conclut qu'une transaction comporte trop de risques pour qu'elle s'en occupe. Les prêts consentis en vertu de ce mécanisme peuvent être assortis de conditions libérales, mais ce n'est pas toujours le cas. Les prêts assortis de conditions libérales portent un taux d'intérêt faible, les autres étant essentiellement des prêts commerciaux.
Les transactions de ce genre sont traitées comme des transactions ordinaires jusqu'au niveau du conseil d'administration, où elles sont rejetées pour les fins du compte d'entreprise. Après, les transactions de moins de 50 millions de dollars sont traitées par le ministre des Finances ou par le ministre du Commerce international. Les transactions supérieures à 50 millions doivent être examinées par l'ensemble du Cabinet. Je signale que cette façon de procéder est moins fréquente qu'il y a 10 ou 15 ans.
Le président: Le gouvernement a-t-il recours au Compte du Canada lorsque la qualité d'une transaction soulève un doute?
M. McRoberts: Oui, quand ce n'est pas une transaction appropriée à la SEE. Par exemple, la répartition des transactions de la SEE doit demeurer équilibrée entre les pays. Lorsque les transactions atteignent le point de saturation dans un pays, la SEE ferme le guichet. Il peut arriver que le gouvernement veuille néanmoins effectuer certaines transactions, qu'il juge opportunes, souhaitables ou conforme à l'intérêt national et il aura alors recours au Compte du Canada pour les financer.
Le président: Le Compte du Canada est-il utilisé principalement à des fins politiques plutôt que commerciales?
M. Shannon: Le gouvernement peut avoir des raisons qui vont au-delà de celles sur lesquelles la SEE fonde habituellement ses décisions. Par exemple, le gouvernement peut devoir décider si la vente d'un réacteur à tel ou tel pays est une bonne chose. C'est le genre de transaction que la SEE ne souhaiterait vraisemblablement pas voir figurer dans ses livres. Le gouvernement doit décider s'il doit accorder son soutien au projet et sa décision peut être motivée par des raisons d'ordre politique ou industriel, ou encore pour des raisons de politique étrangère ou autres.
Le président: Je vous remercie beaucoup d'être venu. Je suis certain que nous vous inviterons de nouveau après l'adoption du projet de loi, pour voir combien de vos recommandations y auront été intégrées.
Honorables sénateurs, notre budget a été examiné par le comité de direction hier soir et soumis à titre d'ébauche au comité de la régie interne, durant la séance de ce matin à laquelle j'ai assisté. Nous devrions adopter ce budget avant qu'il ne soit renvoyé au comité de la régie interne demain. Le greffier vous en a distribué des exemplaires.
Notre comité se trouve dans une situation inusitée. En effet, notre exercice financier prend fin en mars et nous avons besoin d'argent pour fonctionner jusque-là. La Régie interne nous demande de lui montrer notre budget. Elle s'engage à nous verser maintenant la moitié de ce dont nous avons besoin pour tenir le coup jusqu'au milieu de février, après quoi elle réexaminera notre cas.
Le greffier et moi-même avons examiné la situation avec le sénateur Tkachuk et le sénateur Kroft, qui fait partie du Comité de la régie interne.
Quelqu'un a-t-il des questions? Certains articles du budget comportent des montants anticipés. Nous resterons encore cinq minutes pour discuter de déplacements possibles, mais il m'a paru opportun de prévoir quelque chose dans le budget, au cas où. J'ignore totalement à combien se chiffrera notre compte de communications.
Quelqu'un veut-il présenter la motion?
Le sénateur Oliver: Je propose que le budget soit adopté.
Le président: Comme il n'est pas nécessaire qu'il y ait un comotionnaire, est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté.
(La séance se poursuit à huis clos)