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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages du 9 février 2000


OTTAWA, le mercredi 9 février 2000

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 15 h 30 pour examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international (Société pour l'expansion des exportations).

Le sénateur Leo E. Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Aux fins du compte rendu, je présente les témoins: de la Banque de Montréal, M. Peter Wren, directeur général, Financement des opérations commerciales; de la Banque de la Nouvelle-Écosse, M. Tim Plumptre, vice-président principal, Financement des opérations commerciales et banques correspondantes; de la CIBC, M. David Robbie, vice-président, Division du financement des opérations commerciales; du Groupe financier Banque Royale, M. Bernard Queen, directeur général, Commerce mondial, RBC Dominion, Valeurs mobilières; de la Banque Toronto Dominion, M. John Leckie, directeur général, Institutions financières et Financement des opérations commerciales.

Je vais vous demander de faire vos déclarations liminaires, après lesquelles nous vous poserons des questions.

M. Peter Wren, directeur général, Financement des opérations commerciales, Banque de Montréal: Monsieur le président, honorables sénateurs, nous vous avons envoyé par écrit un texte de ma déclaration liminaire d'aujourd'hui. Comme le feront mes distingués collègues des autres banques, mes commentaires vont surtout porter sur la recommandation 14, contenue dans le rapport Gowlings.

Avant de passer à ce sujet précis, j'aimerais indiquer que nos rapports avec la SEE sont intéressants. Nous sommes clients et, dans certains domaines, concurrents. Les questions abordées ici ne sont pas des critiques de la SEE en soi, mais plutôt des observations sur des aspects de ses activités qui, à notre avis, limitent la libre concurrence et restreignent les choix offerts aux exportateurs.

Par ailleurs, si l'on examine certaines des nombreuses déclarations faites par la SEE au cours des derniers mois à propos des banques, on pourrait penser que nous ne sommes plus présents dans le secteur du financement du commerce extérieur. Il n'y a rien de plus éloigné de la vérité. En ce qui nous concerne, ces cinq dernières années, nous avons augmenté les ressources disponibles pour appuyer les exportateurs dans plusieurs pays du monde. Nous avons également ajouté de nouvelles ressources dans notre groupe de financement du commerce extérieur, lequel s'occupe essentiellement de transactions d'exportation à plus long terme.

Pourtant, c'est un secteur-créneau à la banque, comme la SEE le fait souvent remarquer, à l'instar des hypothèques, des opérations de change ou du commerce électronique pour certaines banques. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas important. Nous répondons aux demandes de la clientèle. La concurrence étant ce qu'elle est, ce serait un créneau non rentable si ce que nous offrons n'était pas concurrentiel. Nous sommes en concurrence non seulement avec les banques canadiennes, mais aussi avec celles du monde entier.

Selon nous, la mise sur pied d'un programme de garanties suivant l'approche proposée dans le rapport Gowlings contribuerait à créer, dans le secteur du financement à l'exportation à moyen et à long termes, un contexte de saine concurrence dont bénéficieraient les exportateurs.

Comme vous le savez, la SEE se distingue, dans son fonctionnement, de tout autre organisme de crédit à l'exportation (OCE) en ce sens qu'elle fournit du financement direct et n'offre pas, sauf en de rares cas, de garanties aux institutions financières qui, à leur tour, pourraient faire office de fournisseurs de financement. En général, les autres OCE ne sont pas autorisés à entrer en concurrence directe avec le secteur privé. La SEE bénéficie de plusieurs avantages: elle n'est assujettie ni à l'impôt, ni à la réglementation sur les banques et les réserves bancaires et tire profit du faible coût des fonds gouvernementaux. Son objectif est «l'autonomie», et non pas la création de valeur pour les actionnaires.

Grâce à ces divers avantages, la SEE est en mesure de s'écarter des pratiques du marché et, en distançant les autres institutions financières, de conclure des transactions qui, dans certains cas, comporteraient des risques acceptables pour les banques commerciales. En fait, une bonne portion du portefeuille de prêts en cours détenus par la SEE est constituée d'actifs de bonne qualité qui pourraient être acceptables pour le secteur bancaire, mais pas nécessairement aux mêmes conditions.

Pour atteindre son objectif d'autonomie financière, la SEE affirme devoir conclure des transactions correspondant à des placements ou à des risques bancaires attrayants, ou proches de cette qualité. Cet objectif d'autonomie ne semble pas pouvoir susciter autre chose que l'admiration; un examen plus poussé révèle cependant diverses lacunes. En premier lieu, il y a des coûts à assumer pour le contribuable lorsque la SEE finance des transactions où le secteur privé aurait pu jouer un rôle.

En deuxième lieu, le capital de plus de 1,7 milliard de dollars de la SEE -- chiffre à la fin de l'exercice 1998 -- pourrait sans doute être réduit si ce n'était de l'expansion prise par l'organisme dans des activités dont le secteur privé serait en mesure de se charger. Le capital excédentaire pourrait-il être utilisé de façon plus judicieuse et plus profitable pour les contribuables canadiens? Probablement.

Quoi qu'il en soit, la SEE a affirmé par le passé qu'elle perdrait de l'argent si elle fonctionnait comme les autres OCE. Cependant, pour comparer le rendement de la SEE à celui des autres OCE, il faut réintégrer dans son bilan les opérations au titre du Compte du Canada, qu'elles se soient soldées par des profits ou par des pertes, comme c'est le cas pour les autres OCE.

La SEE affirme en outre qu'offrir aux banques des garanties -- provenant de la SEE elle-même ou mises à leur disposition dans le cadre d'un nouveau programme suivant la recommandation du rapport Gowlings -- reviendrait à subventionner les banques. Or, pour dire les choses simplement, cela n'est pas vrai. En réalité, les garanties devraient être considérées comme des subventions procurées aux exportateurs, tout comme n'importe quel prêt consenti par la SEE selon le mécanisme actuel.

Les garanties fournies par les OCE sont conçues pour profiter à l'exportateur. À la différence de la SEE, les banques payent de l'impôt sur le revenu. Cet impôt contribue indirectement à annuler toute subvention inhérente.

Le modèle canadien constitue un autre problème car il met un frein important à la concurrence. Les exportateurs canadiens sont parfois désavantagés dans les transactions pour lesquelles ils se trouvent en concurrence avec des exportateurs établis dans des pays où les OCE offrent des garanties ou des assurances aux banques locales. En l'absence d'un programme efficace de garanties à moyen terme, l'exportateur canadien n'a souvent accès qu'à une seule offre de financement -- celle de la SEE --, alors que les exportateurs étrangers qui sont ses compétiteurs fonctionnent dans un environnement où les banques rivalisent entre elles pour faire l'offre de financement la plus attrayante.

Les banques et les autres pays, tout en profitant des garanties des OCE, personnalisent leur offre en la combinant à d'autres services bancaires -- ce qui contribue à son attrait et à sa plus-value et, dans bien des cas, dépouille de toute compétitivité la formule de financement proposée par l'exportateur canadien.

Dotée d'avantages déloyaux, la SEE se dirige peut-être progressivement vers une situation de monopole dans le secteur du financement à l'exportation à moyen et à long termes. Une telle orientation sera porteuse de dangers pour les exportateurs canadiens et les autres contribuables. Il est difficile de concevoir qu'une entité dont l'objectif financier est l'autonomie et qui ne fait face à aucune concurrence puisse continuer d'être une source d'avantages pour les exportateurs canadiens qui, eux, cherchent à accroître leur compétitivité internationale -- et cela, bien souvent, en misant sur leur stratégie au chapitre des prix et en s'attaquant à des marchés qui comportent des risques. Les exportateurs canadiens ne seraient-ils pas en mesure de se tailler des parts de marché plus importantes s'ils fonctionnaient dans un système au sein duquel la SEE ferait appel aux banques comme véhicules de financement? Selon nous, ils le seraient. Malheureusement, nous sommes dans l'impossibilité de fournir des données quantitatives sur les occasions d'affaires qu'ont raté les petites et moyennes entreprises.

Nous avons mentionné antérieurement qu'une garantie ou une garantie partielle de la part de la SEE nous aiderait à prendre pied plus rapidement sur un plus grand nombre de marchés étrangers. Si l'on procure un tel appui à toutes les banques en exploitation au Canada, qu'elles soient canadiennes ou étrangères, on verra s'accroître le montant total du financement auquel ont accès les exportateurs canadiens.

À l'heure actuelle, presque toutes les banques étrangères actives dans le secteur du financement à l'exportation ont quitté le Canada ou se sont retirées du secteur en question parce qu'elles étaient incapables d'y demeurer concurrentielles et ne pouvaient y atteindre un volume suffisant pour être viables en sol canadien. Elles ont préféré prendre appui sur la capacité de gérer le risque de leur pays d'origine pour y soutenir les exportations en provenance d'autres pays.

Bon nombre d'entre vous ont entendu parler de la société Northstar Financement du commerce international, société créée il y a plusieurs années avec l'appui de certaines des banques, dont la nôtre. Elle sert de très bon exemple de coopération entre la SEE et les banques. Northstar donne en fait un moyen efficace aux petites et moyennes entreprises, ce qui leur permet de soutenir la concurrence sur la scène internationale. À notre avis, c'est un modèle qui pourrait être utilisé ailleurs.

Selon nous, les raisons ne manquent pas pour laisser les banques montrer qu'elles veulent entrer en action et prendre en charge une quantité toujours plus grande de transactions dont, aux dires de la SEE, nous ne nous occuperons pas. Je peux vous donner plusieurs raisons à cet égard. Les contribuables canadiens en retireront un avantage clair, bien qu'indirect. Pour les exportateurs canadiens, une augmentation de la concurrence signifiera l'accès à des prix compétitifs et à des modèles financiers constituant une valeur ajoutée. On assistera à une expansion de la capacité de financement à l'exportation au Canada.

Nous vous prions instamment d'appuyer avec force la recommandation 14 du rapport Gowlings. L'ensemble du secteur canadien de l'exportation en bénéficiera.

Nous serions heureux de fournir notre appui au ministère des Finances en vue de définir et d'élaborer, de concert avec les autres banques du Canada, un programme de garanties à l'exportation en accord avec la formule proposée dans le rapport Gowlings.

Nous aimerions pouvoir rencontrer le comité encore une fois dans quelques mois pour rendre compte des progrès de ces délibérations.

M. John Leckie, directeur général, Institutions financières et Financement des opérations commerciales, Banque Toronto Dominion: Je tiens d'abord à vous remercier, au nom de la banque Toronto Dominion, de l'occasion qui nous est donnée de présenter notre point de vue au comité sénatorial aujourd'hui.

Toronto Dominion appuie, elle aussi, la recommandation 14 du cabinet Gowlings, ainsi que les recommandations 15 et 16 en vertu desquelles la SEE aurait le droit de vendre des actifs à des caisses de retraite, à condition que les mêmes règles s'appliquent aux banques.

Toronto Dominion ne suggère pas pour autant à la SEE d'abandonner ses activités de financement ou d'assurance. En fait, nous sommes un grand utilisateur des produits d'assurance de la SEE et nous entretenons de bons rapports avec les membres de son équipe, qui sont très compétents.

Nous appuyons la recommandation 14 parce qu'elle nous permettrait de rivaliser sur un pied d'égalité avec les banques des autres pays de l'OCDE qui peuvent financer des opérations appuyées par les organismes de crédit à l'exportation de leur propre pays. En deux mots, c'est une activité rentable à laquelle peuvent s'adonner nos concurrents internationaux. C'est ce désir d'être compétitifs qui nous amène à nous pencher sur le fond du problème.

La SEE a besoin de financement, contrairement à toute autre organisation de crédit à l'exportation au monde, pour réaliser son mandat d'organisme financièrement autonome. Le paradoxe vient du fait qu'autant pour la SEE que pour les banques canadiennes, il faut financer les grands exportateurs canadiens pour demeurer financièrement viables. Pour les banques, «viable» signifie rentable; pour la SEE, c'est synonyme d'autonomie financière.

Toutefois, en plus de vouloir accroître ces activités sur le marché des grandes entreprises, TD vise également par ses activités commerciales à soutenir les PME. Nous voulons agir sur le marché des grandes entreprises, mais aussi sur celui des PME. Ceci m'amène à faire une brève parenthèse sur l'équilibre entre ces deux marchés.

Sur le plan macroéconomique, il ne fait pas de doute que le Canada est une nation commerçante d'importance, puisque plus de 45 p. 100 de son PIB découle du commerce. N'oublions pas que, du fait de l'accord sur l'automobile et de l'ALENA, plus de 80 p. 100 des échanges commerciaux du pays se font avec les États-Unis. Les banques canadiennes desservent avec succès les grandes entreprises et les PME qui concluent des opérations à compte ouvert avec les États-Unis, où se réalisent la plus grande partie des opérations.

Sur le plan microéconomique, il y a 75 000 exportateurs de taille au Canada. La SEE traite avec environ 5 000 exportateurs canadiens, dont 3 600 seulement sont des PME, soit moins de 5 p. 100. Pour leur part, les banques canadiennes comptent parmi leurs clients pratiquement toutes les PME exportatrices. En chiffres, les activités de la SEE se sont élevées à environ 34,8 milliards de dollars l'année dernière, dont 5,8 milliards de dollars seulement proviennent des activités d'exportation de PME. Manifestement, le plus gros des activités de la SEE sont concentrées sur les grands exportateurs.

Toronto Dominion souhaite accroître ses activités dans le secteur des PME. Pour ce faire, nous devrons continuer d'investir dans de nouvelles technologies comme le commerce électronique interentreprises. Bien que cette technologie en soit encore à ses débuts, nous croyons qu'elle changera radicalement la façon de faire affaire des sociétés et des nations.

Il sera difficile pour tout le monde de ne pas se laisser dépasser par tous ces changements. Citons à titre d'exemple Commerce One, le fournisseur Internet de solutions interentreprises avec lequel Toronto Dominion s'est associée au Canada. Commerce One s'est notamment associée à GM aux États-Unis, à British Telcom au Royaume-Uni et à NTT au Japon.

William Thorsell, du Globe and Mail, disait récemment que:

Quand les dirigeants de la banque TD répondront à la question: Quel est votre secteur d'activité? ils devront dire qu'ils oeuvrent, dans une certaine mesure, dans le domaine du commerce de gros par l'entremise de la technologie de l'information. Une banque, autrefois un simple prêteur, tente de devenir le principal courtier entre les sociétés canadiennes, étant donné qu'elles vendent et achètent de tout.

Comme en témoigne cet énoncé, les entreprises canadiennes devront toutes être très rentables pour soutenir les placements considérables qui seront nécessaires pour rester à la hauteur des nouvelles technologies. Il serait donc sage de mettre autant que possible nos ressources en commun.

Autrement dit, les banques canadiennes seront davantage en mesure de livrer concurrence dans pareille conjoncture internationale si elles sont sur un pied d'égalité avec la SEE et nos homologues du secteur bancaire à l'échelle mondiale, à qui les organismes de crédit à l'exportation ne livrent pas une concurrence aussi directe.

Mes collègues et moi-même pourrions tous donner des exemples d'affaires profitables réalisées avec des sociétés américaines par l'entremise de la banque ExIm tandis que, dans le cadre d'opérations canadiennes comparables, la SEE traite directement avec les grandes entreprises, à part les banques. ExIm ou SEE? Quel est le meilleur modèle? Tout dépend du point de vue adopté.

Tout profit tiré du marché des grandes entreprises met toutefois les banques canadiennes en meilleure position pour effectuer les placements technologiques nécessaires au soutien des PME, qui représentent un marché de moindre envergure. Nous ne tirerions, par exemple, aucun profit de la mise en place, à l'échelle du pays, de plafonds de crédit rien que pour le marché relativement restreint des PME. Les grandes entreprises justifient, sur le plan économique, les plafonds fixés pour les pays.

Aussi, le développement de l'expertise en matière de commerce au sein du secteur bancaire nous permet d'offrir aux exportateurs les avantages d'un guichet unique qui répond à tous leurs besoins en matière de financement des exportations. Voilà qui élimine la nécessité d'appliquer des politiques et des procédures différentes dans différentes institutions financières, ce qui présenterait un avantage considérable pour les PME.

La recommandation 14 nous permettrait de faire tout cela et de trouver un juste équilibre entre les grandes entreprises et les PME exportatrices.

Toutes les parties intéressées seraient gagnantes si la SEE, les banques et les assureurs privés mettaient en commun leurs ressources et leur expertise et en arrivaient à un compromis qui assurerait le succès de la recommandation 14. Les vastes capacités de distribution à valeur ajoutée des banques, qui présentent un avantage particulier pour les PME, l'expertise de la SEE en matière de financement des opérations commerciales et la capacité des assureurs privés relativement aux risques sont autant d'éléments clés qui assurent le succès de la recommandation 14. Je le répète, les portefeuilles des grandes entreprises et des PME que détiennent la SEE et les banques s'en trouveraient probablement mieux équilibrés.

Nous croyons fermement qu'il a été démontré que la SEE a un rôle important à jouer, conjointement avec les banques et le secteur de l'assurance privée au Canada, mais que le marché de l'exportation du pays serait avantagé si un compromis était atteint et si un nouveau modèle était conçu. Les succès passés ne sont pas gage de succès futurs.

Le monde est en pleine évolution. Nous sommes tous aux prises avec l'incidence de l'évolution technologique rapide et les exigences accrues à l'égard de nos ressources. Toronto Dominion croit que la recommandation 14 constitue un bon point de départ pour la création d'un nouveau modèle que les banques, les assureurs et les SEE pourront adopter en vue de contribuer à combler les besoins de leurs clients mutuels du Canada, en matière d'exportation.

Ce nouveau modèle nous aiderait à accroître notre capacité et serait particulièrement utile aux PME. Cela nous permettrait de financer les placements considérables que nous serons tous appelés à faire prochainement dans la technologie. Pourquoi ne pas nous unir face à l'avenir? Je vous remercie.

M. Bernard Kruyne, directeur général, Commerce mondial, RBC Dominion, Valeurs mobilières: Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de nous fournir l'occasion de parler aujourd'hui de cet important sujet.

Je représente ici le Groupe financier Banque Royale. Tout d'abord, nous aimerions féliciter Gowlings pour son rapport exhaustif et équilibré sur un sujet complexe et important. Les 39 recommandations du rapport portent sur une grande variété de sujets. Dans le contexte de cette audience, j'aimerais faire quelques commentaires concordant avec nos déclarations à Gowlings, à propos des recommandations 12, 23 et 24.

La Banque Royale se prononce fermement en faveur de la recommandation 14. À notre avis, cette recommandation touche au coeur même du soutien financier à l'exportation tel que le pratiquent d'autres pays de l'OCDE. Elle représente l'essence même de ce qu'il faut au Canada pour mobiliser le soutien aux exportateurs canadiens dans leurs efforts pour être et rester concurrentiels à l'échelle internationale. Ces garanties bénéficieront le plus directement aux exportateurs canadiens.

Aujourd'hui, ces exportateurs ont peu de choix viables lorsqu'ils cherchent un soutien financier concurrentiel afin de vendre leurs produits et leurs services à l'étranger. Certes, ils peuvent se tourner vers la SEE. Dans bien des cas, la SEE assure un soutien précieux, particulièrement pour les exportations à destination des États-Unis, mais étant l'organisme de crédit à l'exportation officiel du Canada (OCE), la SEE est limitée par les règles du consensus de l'OCDE. Les exportateurs canadiens ont besoin de plus.

Ils doivent pouvoir accéder à des formules concurrentielles de financement des exportations soutenues par l'OCE, qui combine les atouts d'un OCE comme la SEE, avec les atouts considérables de banques commerciales orientées vers le marché international, dont la Banque Royale, et comprenant les banques de l'annexe II du Canada. Les formules de financement des exportations peuvent dépasser largement les limites fixées par les règles de l'OCDE.

Les exportateurs canadiens subissent une concurrence qui n'est pas seulement fondée sur la qualité de leurs produits et de leurs services. Sur les marchés émergents en particulier, les conditions de paiement et les formules de financement des exportations offertes à un importateur sont des facteurs essentiels dans la décision d'achat final. Les exportateurs canadiens sont très souvent en concurrence avec d'autres exportateurs des pays de l'OCDE qui peuvent offrir leurs produits avec de meilleures formules de financement. Des meilleures conditions de financement ne sont pas toujours moins chères. Parfois, un «meilleur» financement du point de vue d'un importateur à court de trésorerie, représente en fait «plus» de financement ou un financement assorti d'un calendrier de remboursement plus étalé. Un meilleur financement du point de vue de l'importateur peut être un financement du prix d'achat total, et pas seulement des 85 p. 100 de la valeur de l'exportation qu'un OCE peut offrir d'après les règles du consensus de l'OCDE.

Nous souhaitons un lien plus étroit -- au Canada -- entre l'aide gouvernementale à l'exportation d'une part et le financement provenant du secteur privé d'autre part. Cela placera les exportateurs canadiens sur un pied d'égalité avec leurs concurrents internationaux, particulièrement américains.

Quand la recommandation 14 sera mise en application, nous prévoyons qu'elle attirera les banques étrangères sur le marché canadien du financement des exportations. Elle constituera une incitation pour les grandes banques internationales à utiliser leurs ressources considérables pour soutenir les exportateurs canadiens par des formules de financement des exportations concurrentielles. Ces formules qui comprennent, directement ou indirectement, une garantie partielle de l'État canadien, sont intéressantes pour ces banques internationales. Par conséquent, celles-ci ne réserveront plus exclusivement leurs ressources à des exportateurs dans d'autres pays de l'OCDE disposant de programmes de soutien financier aux exportations plus avantageux. Les prêts garantis par l'État canadien sont intéressants pour les milieux bancaires internationaux. La concurrence qui s'exerce sur le marché garantira que cet intérêt se traduira par une baisse des prix, un rallongement des durées de prêt, une augmentation des montants ou d'autres avantages qu'apprécient les importateurs de produits et de services canadiens. Les règles du consensus de l'OCDE, auxquelles la SEE doit se soumettre, ne seront plus un frein pour les exportateurs canadiens, comme c'est le cas aujourd'hui.

Les arguments à l'appui de cette thèse ne manquent pas. On peut citer en exemple les États-Unis, d'où proviennent certains des concurrents les plus formidables des exportateurs canadiens sur de nombreux marchés émergents. Sur l'ensemble des financements des exportations garantis par l'ExIm Bank des États-Unis organisés par de grandes banques de 1995 à 1999, environ 40 p. 100 ont été montés et assurés par des banques étrangères. Je peux vous laisser des documents renfermant des statistiques plus précises pour les quatre dernières années et vous pourrez constater la contribution importante des banques étrangères aux États-Unis au succès des exportations de biens et de services américains. Au cours de chacune des quatre dernières années, au moins cinq des dix principaux prêteurs de fonds garantis par l'ExIm Bank des États-Unis, n'étaient pas d'appartenance américaine. Ces banques mettent leurs ressources et les limites de leur pays à la disposition de leurs clients américains par le financement des exportations. Les exportateurs canadiens ont besoin d'une plus grande part de ce soutien potentiel. Imaginez le soutien que la SEE pourra mobiliser si elle réussit à attirer un grand nombre de grands prêteurs de fonds pour l'exportation, qui oeuvrent à l'heure actuelle aux États-Unis, et à les inclure dans la structure de financement des exportations du Canada.

Quand la recommandation 14 sera mise en application, nous nous attendons à ce que le soutien aux exportateurs canadiens par le financement des exportations devienne à nouveau intéressant à la fois pour les banques étrangères de l'annexe II et pour les banques de l'annexe I au Canada. Cela aidera les exportateurs canadiens et, par conséquent, avantagera le Canada.

Pourquoi plaidons-nous pour plus de concurrence pour le financement des exportations sur notre marché intérieur? Simplement parce que c'est bon pour nos clients, les exportateurs canadiens. Nous espérons que nous serons en mesure de nous adjuger une partie du marché du financement des exportations canadiennes ou, au moins, que certains de nos concurrents de l'annexe 1 le seront. Que nous réussissions ou non à rivaliser avec succès, les exportateurs canadiens obtiendront un accès à des ressources financières qui les placeront davantage à égalité avec les concurrents étrangers de l'OCDE. C'est bon pour le Canada, et c'est bon pour nous tous.

Je parle de l'accès à des ressources qui dépassent ce que la SEE peut ou pourra offrir. Des ressources qui dépassent également ce que peuvent offrir les banques de l'annexe 1 du Canada. La SEE pourra faire valoir que cela réduit son revenu. À mon avis, la SEE devrait envisager de réduire son NIE. Aucun bureau étranger, moins de déplacements internationaux, laissez les banques se charger de cela. Nous disposons déjà à l'étranger d'une infrastructure qui est disponible si nous offrons les incitatifs qu'il faut.

Étant une des grandes institutions financières de ce pays, le Groupe Financier Banque Royale bénéficie et continuera de bénéficier de la vigueur de l'économie canadienne. Voilà pourquoi nous recherchons et soutenons des initiatives solides qui bénéficient aux exportateurs canadiens. Ils représentent un élément de plus en plus important de notre économie. Par conséquent, nous souhaitons davantage d'occasions de collaborer avec la SEE afin de soutenir les exportateurs canadiens. Nous voyons dans Northstar, que Peter Wren a déjà mentionné, un bon modèle pour amener les institutions canadiennes à collaborer afin de soutenir les PME exportatrices.

Nous adhérons pleinement à la recommandation 23 qui suggère que la SEE et le secteur privé coopèrent plus étroitement pour créer d'autres modèles économiques semblables. À part le Groupe Financier Banque Royale, trois autres banques commerciales participent maintenant comme actionnaires à Northstar. Le modèle économique de Northstar repose en partie sur l'excellent soutien qu'obtient l'institution de la SEE et sur la coopération des banques qui en sont les actionnaires. Résultat: Northstar est un modèle de succès de la coopération canadienne. Nous croyons que ce modèle devrait en fait inspirer d'autres formes de coopération entre la SEE et le secteur financier, conformément à la recommandation 23.

Le secteur des PME exportatrices, du fait de sa taille et de l'ampleur des opérations d'exportation individuelles, est difficile à servir. Nous croyons qu'une coopération efficace entre la SEE et les banques commerciales est cruciale pour offrir aux PME un soutien financier à l'exportation.

La coopération consiste à travailler ensemble à un but commun. Cela signifie qu'un des intervenants ne peut unilatéralement déterminer toutes les règles. La SEE a, autant que le secteur privé, ses avantages et ses faiblesses. Ce n'est qu'en trouvant un mode de coopération pour marier nos atouts respectifs que la SEE du secteur financier seront en mesure d'assurer un meilleur soutien à l'exportation canadienne, à tous les exportateurs canadiens, mais particulièrement aux PME. Les PME auront le plus besoin de ce soutien et ont -- du moins au départ --, le moins à offrir comme rétribution de l'aide assurée.

Le soutien et la coopération que nous envisageons entre la SEE et les banques pourraient bien s'étendre au secteur privé de l'assurance-crédit. Les assureurs privés semblent prêts à jouer un rôle pour assumer les risques inhérents au financement du commerce international. Par conséquent, leur participation pourrait améliorer le soutien mis à la disposition des exportateurs canadiens.

En conclusion, cette discussion est trop importante pour n'avoir lieu qu'une fois tous les 10 ans, quand la Loi sur l'expansion des exportations doit être révisée. Nous recommandons que le ministre du Commerce favorise la création d'un comité du financement du commerce extérieur pour débattre de sujets d'intérêt communs entre le secteur des services financiers et l'État. Ce comité devrait pour le moins être composé de membres du conseil consultatif du commerce extérieur de l'Association des banquiers canadiens et de cadres supérieurs de la SEE. Nous suggérons que ce comité se réunisse au moins une fois par trimestre et fasse rapport au ministre. Le rapport Growlings propose déjà une première liste d'enjeux productive. Avec une plus grande collaboration, beaucoup d'autres sujets apparaîtront sur lesquels les représentants de la SEE et des banques canadiennes devront se pencher.

Le président: Vous êtes-vous concertés pour coordonner vos déclarations? Je trouve qu'elles se répètent beaucoup. La parole est tout de même à vous si vous avez quelque chose d'autre à dire.

M. Tim Plumptre, vice-président principal, Financement des opérations commerciales et banques correspondantes, Banque de la Nouvelle-Écosse: Oui, nous nous sommes concertés pour les coordonner. Nous avons pensé traiter chacun des points particuliers que nous voulions faire ressortir.

Le président: Allez-y alors, je vous prie.

M. Plumptre: Mes commentaires porteront aussi essentiellement sur la recommandation 14. Le fait que nous nous penchions tous sur cette question montre que l'industrie est unanime à ce sujet.

Le comité de la Chambre des communes a recommandé une étude plus approfondie au sujet de la recommandation 14 du rapport Gowlings. C'est conforme au document d'orientation du gouvernement du mois de juin 1999. À la page 10 de ce document, on énonce ainsi l'un des quatre principes directeurs: «une concurrence active pour assurer l'essor d'un secteur privé dynamique et innovateur et pour que les particuliers et les entreprises puissent compter sur une gamme de choix aux prix les plus abordables qui soient». C'est tout à fait l'esprit de mon mémoire et de mon exposé. Cette recommandation est également appuyée par les banques, comme l'a souligné le président de l'ABC dans une lettre adressée à M. Pettigrew. C'est la recommandation qui se trouve à la page 69 du rapport Gowlings.

Comme beaucoup des sénateurs se rappellent peut-être, il y a de cela quatre ans et demi, nous sommes venus vous rencontrer accompagnés des représentants américains de deux grandes banques internationales -- l'une britannique et l'autre néerlandaise. Elles étaient chacune des chefs de file en matière d'échanges commerciaux structurés et de financement de projets, et chacune avait des filiales canadiennes désireuses de jouer un rôle plus important dans le domaine du financement à moyen terme destiné aux exportateurs canadiens de biens de production. C'est le secteur dont nous parlons maintenant; il s'agit du financement à moyen et long terme pour les exportations du genre de celles qui exigent ce financement -- c'est-à-dire le secteur des biens de production.

Aujourd'hui, l'une de ces deux banques a quitté le Canada et l'autre y a réduit ses activités bancaires, effectuant au besoin, comme d'autres, ses opérations au Canada à partir des États-Unis. Pourquoi cela? La réponse est simple. Ces banques n'ont rien à gagner au Canada. En effet, elles utilisent de manière bien plus profitable leurs ressources en finançant des exportateurs à l'étranger, comme M. Leckie l'a dit plus tôt, tout particulièrement aux États-Unis où, de toute façon, les banques en opération au Canada -- celles de l'annexe I ou de l'annexe II -- possèdent une clientèle grandes entreprises bien plus importante et où l'organisme de crédit à l'exportation ne peut, aux termes de sa charte, entrer en concurrence avec les banques. En réalité, il n'y a au Canada aucune banque qui se concentre sur cette activité. Encore une fois, je parle du marché du crédit-acheteur à moyen terme et non du financement des exportations en général, qui est assurément un domaine d'intérêt pour nous.

Dans tous les grands pays industrialisés, il s'agit d'une activité faisant l'objet d'une concurrence féroce entre les institutions bancaires les plus importantes et les plus internationales et les institutions nationales et régionales, celles-ci recherchant activement les occasions de financer les exportations de leurs clients. Mais peut-être vous demandez-vous si cela a de l'importance. En effet, la SEE semble accomplir un travail plutôt satisfaisant, et les exportateurs ne semblent pas s'en plaindre. Nous sommes d'avis que cela est bel et bien important, autant pour les exportateurs que pour les banques. Nous n'admettons pas que le statu quo soit toujours la meilleure solution. Nous croyons que, parfois, les exportateurs canadiens sont désavantagés par rapport à leurs concurrents. En fait, nous en sommes certains, car il arrive que nous puissions offrir du financement bien plus intéressant à nos clients à l'étranger. Nous obtenons de bons résultats lorsque nos clients font de même, et nous désirons que nos clients canadiens puissent compter sur un plus grand nombre d'avantages et de choix. C'est la raison pour laquelle nous appuyons la recommandation 14 du rapport Gowlings.

Vous vous demandez sûrement: qu'est-ce que les banques ont à offrir? Quels sont les avantages qui pourraient amener les exportateurs à préférer cette option? Après tout, c'est à eux que revient le choix. Les acheteurs étrangers obtiendront-ils un financement plus avantageux et nos exportations seront-elles plus attrayantes? Je vous propose d'y regarder de plus près.

D'abord, la SEE peut toujours offrir un financement plus avantageux. Le coût de son financement est plus faible que celui de toutes les banques commerciales, et elle a l'avantage, ce qui se répercute sur le coût du financement, de ne pas payer d'impôts, de ne pas avoir à verser de dividendes à des actionnaires et de ne pas avoir à maintenir de réserve destinée à couvrir d'éventuelles pertes au même titre que les banques commerciales. Vous vous demandez alors: Si ce n'est pas plus avantageux, pourquoi l'exportateur choisirait-il cette option? Il doit bien y avoir des raisons impérieuses. Autrement, comment le rapport Gowlings pourrait-il faire cette recommandation au terme d'une étude aussi approfondie?

Il y a beaucoup de raisons: d'abord, beaucoup d'exportateurs doivent financer la totalité ou même plus de leurs contrats d'exportation, c'est-à-dire les acomptes et d'autres frais, financement que la SEE n'est pas autorisée à offrir. Pour leur part, les concurrents sont en mesure d'offrir ce financement, par le truchement de leurs banques situées dans d'autres pays. Il est bien plus intéressant pour une banque de financer les acomptes et d'autres risques régionaux si elle peut également assurer le reste du financement de l'opération, habituellement 85 p. 100 de la valeur du contrat, et ce, avec la garantie d'un organisme de crédit à l'exportation.

Comme ce type de prêt ne requiert aucun soutien en capital, les revenus qui en découlent augmentent fortement le rendement global sur les autres prêts. Les banques, en fait toutes les banques, sont donc moins intéressées à fournir le reste du financement si la SEE en assure déjà 85 p. 100. De sorte que les exportateurs canadiens sont souvent pris avec le reste du financement. Il peut aussi arriver que l'exportateur soit l'un des fournisseurs aux termes d'un important contrat d'approvisionnement international, et que l'importateur requiert un financement par syndicat financier pour l'ensemble du contrat, et ce, à parts égales. Les problèmes apparaissent lorsque la portion canadienne du financement est accordée selon des conditions qui diffèrent du reste du contrat et en raison de l'impossibilité de la SEE de participer au financement des exportations autres que canadiennes; je veux dire par là obtenir la garantie d'organismes de crédit à l'exportation d'autres pays. On sait que pour cette raison des conseillers financiers engagés par ces importants projets ont recommandé, dès le départ, de ne pas faire affaire avec des fournisseurs canadiens afin d'éviter que de tels problèmes surviennent. Au surplus, les banques canadiennes trouvent plus difficile de jouer un tel rôle de conseiller, ce qui générerait des revenus imposables au Canada, en raison de la croyance qui veut qu'elles recommandent l'approvisionnement canadien, ce qui causerait des problèmes.

Il existe de nombreuses autres raisons pour lesquelles les exportateurs voudraient recourir au service de leur banque et ne pas être obligés d'obtenir le financement de la SEE. Ainsi, contrairement à ce que peut laisser entendre la presse, nos clients aiment faire affaire avec nous, et j'ajouterais que beaucoup préfèrent traiter avec nous plutôt qu'avec la SEE. La raison est peut-être d'ordre géographique, la SEE ayant beaucoup moins de bureaux. Il se peut aussi que les exportateurs ne connaissent pas la SEE. Certains exportateurs n'aiment pas non plus qu'on leur impose de faire affaire avec une société d'État à Ottawa. Ou encore, peut-être qu'une banque leur a offert un contrat, probablement par le biais d'une succursale à l'étranger dont les services continus sont requis. Les succursales à l'étranger des banques canadiennes ont un rôle à jouer à cet égard. Comme je l'ai dit, il existe bon nombre de raisons.

Ce que nous maintenons, c'est que les exportateurs devraient avoir le choix. Si la SEE, agissant pour son compte ou celui du gouvernement, a décidé qu'elle est prête à prendre le risque de soutenir un exportateur, disons pour un financement de 50 millions de dollars destiné à un emprunteur au Brésil, pour une période de huit ans et pour lequel un exportateur canadien se mesure à la concurrence internationale, pourquoi celui-ci n'aurait-il pas le droit de choisir qu'une banque assure le financement avec une garantie gouvernementale, et ce, comme ses concurrents peuvent le faire, plutôt que d'obtenir un financement sous la forme d'un prêt direct accordé par le gouvernement? D'ailleurs, c'est quelque chose que réprouvent quelques acheteurs étrangers. La SEE est en fait associée au gouvernement du Canada, et certains acheteurs n'aiment pas recevoir un prêt du gouvernement. Il s'agit là de ce qu'il est convenu d'appeler du financement concerté d'une envergure allant au-delà des visées commerciales normales, et ce, pour toutes les banques et pas seulement les banques canadiennes.

Nous ne voulons pas laisser entendre qu'une banque, peut importe son origine, puisse éprouver le même attrait pour le risque que les organismes de crédit à l'exportation. En fait, si c'était le cas, vous ne voudriez pas confier votre argent à une telle banque ou acheter ses actions. Comment l'exportateur canadien peut-il savoir qu'il obtient le meilleur coût de financement s'il n'y a aucune concurrence dans ce domaine? À l'étranger, le financement fait l'objet de soumissions, ce qui n'est pas le cas au Canada en vertu du système actuel.

Revenons un peu sur le coût du financement. J'ai dit tout à l'heure que le financement de la SEE est toujours le plus avantageux. Alors, quels sont les coûts que pourront imputer les banques et comment pourront-elles faire leurs frais? Le mois dernier, un nouveau record en matière de coûts garantis par un organisme de crédit à l'exportation pour un important financement à moyen terme d'aéronefs américains, le financement étant assorti d'une garantie de ExIm Bank, a été établi à 5 points de base. Ce qui représente un vingtième de 1 p. 100. C'est inhabituel, mais c'est également le cas de tout ce qui dépasse 25 points de base, c'est-à-dire un quart de 1 p. 100.

Comme je l'ai déjà mentionné, ce genre de financement ne requiert aucun soutien en capital. C'est la raison pour laquelle les banques s'y intéressent tellement, qu'elles sont en concurrence féroce à cet égard et qu'elles acceptent d'assurer le financement résiduel non garanti afin d'être plus attrayantes aux yeux de leurs clients. La garantie gouvernementale s'ajusterait ainsi au marché, et serait facilement déterminable comparativement aux coûts des autres organismes de crédit à l'exportation, qui sont de notoriété publique, contrairement aux coûts de la SEE, qui sont négociés selon la politique du cas par cas, de sorte que les exportateurs ne sont jamais en mesure de savoir d'avance quels seront ces coûts.

Les commissions de garantie couvriraient les coûts d'administration du financement, comme c'est le cas ailleurs, dont au Royaume-Uni où, comme dans la plupart des pays, le soutien au crédit à l'exportation à moyen terme de l'État se présente sous la forme de garanties plutôt que de prêts directs.

Maintenant, peut-être vous dites-vous que vous comprenez pourquoi les banques manifestent de l'intérêt à cet égard, mais vous vous demandez également pourquoi les exportateurs ne sont pas intéressés. Que dit le lobby des exportateurs, c'est-à-dire l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs canadiens, à ce sujet?

Comme vous le savez déjà par les arguments qu'elle a présentés, l'alliance par le biais de son comité sur le crédit à l'exportation et à l'assurance, lequel comité compte parmi ses rangs les plus grands bénéficiaires des ressources à moyen terme de la SEE, n'appuie pas la recommandation 14 du rapport Gowlings, pas plus qu'elle ne l'a fait dans le passé, les nombreuses fois que les banques ont proposé quelque chose de semblable.

Lorsque nous avons demandé à l'alliance pourquoi, elle a répondu qu'elle «s'inquiétait du fait que cela puisse affaiblir la SEE». C'est une réponse très intéressante. Rappelez-vous: la SEE peut toujours offrir le financement le plus avantageux, si elle le désire. Alors, dites-moi comment les banques pourraient affaiblir la SEE? Est-il possible, si les exportateurs avaient le choix et si la concurrence faisait partie du tableau, que la SEE ait à baisser le coût de son financement afin d'offrir aux exportateurs les prix les plus concurrentiels qui soient? Et cela n'entrerait-il pas en conflit avec ce qu'il est convenu d'appeler les exigences d'autonomie financière qui font en sorte que l'on facture tout ce que l'on veut quand on peut afin de couvrir les pertes inévitables qui sont inhérentes à un portefeuille à risque élevé? Peut-être qu'un exportateur pourrait vouloir utiliser les services de sa banque pour une autre raison -- mais l'alliance affirme qu'il ne doit pas avoir cette option, c'est-à-dire de recourir aux services d'une entreprise du secteur privé et payeuse d'impôts, de peur d'affaiblir une société d'État exemptée d'impôts.

Ce qui est le plus navrant, c'est que la plupart des exportateurs et des membres de l'alliance n'ont aucune idée de l'existence d'une option, ceux-ci ayant été martelés avec l'idée qu'il n'y avait point de salut hors de la SEE, et ce, depuis 1960, date à laquelle la SEE a été habilitée à consentir des prêts directs, alors qu'auparavant elle ne pouvait offrir qu'une garantie ou une assurance.

En fait, la plupart des exportateurs n'ont ni le temps ni les ressources pour s'intéresser suffisamment à ce sujet et s'en remettent à l'alliance pour faire la représentation de leurs intérêts. Les quelques exportateurs qui ont le temps et les ressources pour ce faire, qui dominent les exportations canadiennes de biens de production et qui parlent au nom de l'alliance sont bien positionnés pour obtenir de la SEE tout ce dont ils ont besoin et, en conséquence, sont moins enclins à rechercher une option et à faire des vagues.

Vous vous demandez également ce que la SEE dit à propos de cette autre option pour les exportateurs, proposée dans le rapport Gowlings -- et non pas par les banques -- et pour laquelle le comité permanent des affaires étrangères de la Chambre des communes recommande «une étude approfondie tenant compte du meilleur intérêt des exportateurs et du pays». Je souligne qu'on ne parle pas du meilleur intérêt des banques.

La SEE s'y est également opposée. La SEE a prétendu que l'un de ses rôles consistait à accroître les exportations. Et pourtant, elle s'oppose à cette option. En fait, nous sommes perplexes devant la façon dont elle tente de concilier ces positions, c'est-à-dire de vouloir augmenter le volume des exportations et de s'opposer, en même temps, à la participation des plus importantes institutions financières du monde comme la nôtre qui, incidemment, possède des bureaux dans plus de 50 pays.

Cela est-il conforme au document d'orientation qui souligne les nécessités de promouvoir une concurrence active pour assurer l'essor d'un secteur privé dynamique et innovateur, et pour que les consommateurs puissent compter sur une gamme de choix aux prix les plus abordables qui soient?

Nous avons laissé entendre que les exportateurs ne voudraient recourir aux services des banques que lorsqu'elles assurent une partie du financement à leur propre risque. La SEE a fait remarquer avec justesse que le goût des banques pour le risque fluctue en fonction des conditions changeantes du marché, comme c'est le cas pour toutes les banques ailleurs dans le monde. Mais il n'existe pas de précédent concernant les banques à l'étranger ayant refusé les prêts garantis par leur propre gouvernement, et ce, lors d'une crise financière du monde en développement.

En conséquence, les quelques fois où les banques refuseraient de prendre des risques, les exportateurs pourraient de toute façon choisir l'option des prêts directs de la SEE. En fait, les seuls perdants dans cette histoire seraient les banques, non pas la SEE ni les exportateurs. En résumé, si l'option de garantie des banques n'apporte rien aux exportateurs, ceux-ci s'en détourneront. Il ne s'agit pas de remplacer le mode de financement direct de la SEE, mais plutôt d'ajouter une option. Si les exportateurs boudent cette option, elle mourra dans l'oeuf. Par contre, s'ils la choisissent, c'est qu'ils croient qu'elle favorisera leurs exportations. Ne devrait-on pas leur accorder le droit de choisir?

En donnant notre appui à la recommandation du rapport Gowlings, nous regrettons l'apparence de conflit d'intérêts avec la SEE. En effet, nous coopérons avec la SEE dans de nombreux autres domaines, autant en ce qui concerne le financement commercial, le financement par syndicat financier et les activités de trésorerie, et nous recherchons de nouvelles initiatives afin d'augmenter notre collaboration pour le plus grand bénéfice de notre clientèle commune.

M. David Robbie, vice-président, Division du financement des opérations commerciales, CIBC: Honorables sénateurs, je n'ai pas encore pris la parole parce que, quand nous nous sommes concertés, nous nous sommes bien rendu compte que nos déclarations se répétaient. Cependant, j'aimerais dire que la CIBC approuve le point de vue des grandes banques au sujet de la recommandation 14. Nous croyons qu'elle permet d'accroître la capacité et la concurrence des exportateurs canadiens.

Le sénateur Meighen: Monsieur le président, on a répondu en bonne partie à mes questions, mais la situation me paraît assez curieuse. D'un côté, vous dites -- et je ne le conteste pas -- qu'une compétition accrue serait avantageuse pour les exportateurs canadiens, surtout les PME, ce qui me semble raisonnable.

Vous dites vouloir collaborer avec la SEE, mais vous voulez être autorisés à lui faire concurrence. Cette concurrence accrue va-t-elle favoriser la collaboration entre vous, à tout le moins tant que vos rôles respectifs ne sont pas séparés ou définis d'une façon quelconque? C'est ce qui m'amène à vous poser la question suivante: Dans le nouveau contexte que vous nous proposez, quel rôle entendez-vous jouer? Nous le savons, cependant.

Quel rôle attribuez-vous à la SEE? Elle dira que vous lui renvoyez uniquement les dossiers problématiques pour vous réserver les bonnes affaires. Je pense que c'est ce qu'elle prétendrait en gros.

Je suis avec vous, à propos, mais il faut dire -- et c'est ce qui est le plus étonnant -- que l'association professionnelle que vous voulez tant aider ne veut pas de vous. Du moins, il semble en être ainsi. C'est difficile pour nous de lui dire que nous savons ce qu'elle devrait faire, que les banques sont bonnes et qu'elles vont l'aider.

C'est comme quand on dit que le gouvernement est là pour vous aider. Personne n'y croit. Je suis aux prises avec ces contradictions. Vous pourriez peut-être me fournir des explications.

M. Plumptre: Vous avez abordé différents sujets.

M. Leckie: Il y a des paradoxes à propos de toute cette question.

La limite de crédit par pays est une ressource rare, que la SEE et nous devons vendre. C'est le produit de base, si vous voulez. Le capital est une autre ressource limitée. Nous connaissons une pénurie de capitaux, comme la SEE, parce que le gouvernement a limité les fonds de la SEE.

Le paradoxe est le suivant: selon le financement concerté, les pays se font concurrence et les contribuables, comme je l'ai appris dans mon cours d'économie 101, appliquent une politique du chacun pour soi. Ainsi, les contribuables de différents pays essaient, peut-être à leur insu, d'assumer moins que le risque commercial aux dépens des pays voisins.

Le sénateur Meighen: Vous dites qu'il y a une limite. Cette limite est-elle fixée par le gouvernement du Canada ou quelqu'un d'autre?

M. Leckie: Elle est fixée par notre groupe de gestion des risques. Chez nous, il y a des limites pour 71 pays, et je dois présenter des arguments devant le groupe de gestion des risques.

Le sénateur Meighen: Et dans le cas de la SEE?

M. Leckie: Elle a un comité de gestion des risques du même genre.

Le sénateur Meighen: On pourrait l'augmenter, n'est-ce pas?

M. Leckie: Elle peut décider d'augmenter ses limites de crédit, mais elle a un montant déterminé de capitaux. Elle dispose d'un milliard de dollars, plus 700 millions de dollars de bénéfices non répartis. Il y a une limite au risque-pays qu'elle peut assumer.

Le sénateur Meighen: Sans aucune autre injection de capital. Il y a une limite autant pour vous que pour elle?

M. Leckie: Oui. Dans le cas de ceux qui proposent l'exportation de services de transport aériens au Brésil, et on sait que le Canada concurrence Airbus en dehors de l'Europe, le prix du contrat ne sera pas établi sur une base commerciale, mais conformément à ce qu'il est convenu d'appeler un financement concerté. Nous n'offririons pas le financement seuls parce qu'il est inférieur au marché; donc, essentiellement, les contribuables de chaque pays subventionnent le secteur de l'exportation de leur pays en fonction d'un montant minimum fixé de façon concertée.

Dans cette mesure, la SEE est un organisme de crédit à l'exportation, comme d'autres sociétés ailleurs dans le monde, et elle exerce un monopole à cet égard. Nous ne voulons pas nous lancer dans ce genre d'activité parce que nous ne sommes pas financés par les contribuables. Nous sommes financés par nos actionnaires qui veulent un rendement supérieur à celui de la SEE qui est de 7 ou 8 p. 100.

Le sénateur Meighen: Je pensais que vous approuviez la recommandation 14, qui suppose une garantie du gouvernement du Canada.

M. Leckie: C'est formidable quand on obtient une garantie de ExIm Bank, comme mes collègues ont essayé de vous l'expliquer, ce qui est arrivé le mois dernier dans le cas du financement d'une société de Chicago qui expédie du matériel de télécommunications dans un pays du tiers monde, ce que beaucoup d'entreprises d'Ottawa essaient de faire avec l'aide de la SEE. Il s'agit d'un prêt de 13 ans assorti d'une garantie de ExIm Bank pour 85 p. 100 de la valeur du contrat. L'autre prêt de cinq ans assure le financement résiduel de 15 p. 100. Nous avons financé le contrat au complet, mais 85 p. 100 de sa valeur est garanti par ExIm Bank. Par conséquent, le financement ne requiert aucun soutien en capital. Le risque est assumé par l'État. C'est du gâteau, franchement. Nous pouvons prendre l'argent du contrat de 13 ans, l'ajouter au prêt de 15 p. 100 sur cinq ans consenti aux pays du tiers monde, ce qui finance essentiellement le contrat de cinq ans. Nous adorons ces contrats.

Le sénateur Meighen: Avez-vous dit que c'était une entreprise de Chicago?

M. Leckie: Oui, le client vient de Chicago.

Le sénateur Meighen: Le même genre de contrat pourrait-il être négocié ici?

M. Leckie: On en négocie. La SEE le fait souvent. Elle accomplit un excellent travail et offre aux clients ici au Canada tous les avantages d'un service complet. Elle travaille de façon professionnelle. Elle travaille aussi rapidement que la banque et c'est pourquoi l'alliance et les autres se posent la question suivante: Pourquoi changer les choses? C'est difficile de répondre à cette question. Nous pensons qu'on pourrait mieux influencer les capitaux, qui sont une ressource limitée, si nous pouvons tous participer, avec les compagnies d'assurance.

Le sénateur Oliver: Qui finance les 15 p. 100?

M. Leckie: Nous. Nous finançons le contrat au complet, mais nous avons besoin de capitaux pour 15 p. 100 de sa valeur. Nous n'avons pas à utiliser nos capitaux pour 85 p. 100 de la valeur du contrat, mais nous finançons le contrat au complet.

M. Plumptre: Pour répondre au sénateur Meighen qui a parlé de réserver les cas problématiques à la SEE, cela touche au coeur du problème, dans le sens où les organismes de crédit à l'exportation sont censés, non pas concurrencer le secteur privé, mais en être le complément. Le gouvernement du Canada a décidé que la SEE devra assurer son autonomie financière et ne pas jouer ce rôle. Nous avons déjà contesté cette approche et la question n'a pas été soulevée cette fois-ci.

Toutefois, nous persistons à croire que les exportateurs auraient avantage à faire appel à une banque s'ils le souhaitent, essentiellement pour couvrir les 15 p. 100 manquants. Dans son dernier exemple, M. Leckie précise que si cela avait été fait à l'étranger, nous n'aurions certainement pas été prêts à financer ces 15 p. 100 -- dans la mesure où le client voulait se faire financer à 100 p. 100 -- si nous ne financions pas également les 85 p. 100 du prêt garanti, en supposant qu'il s'agissait d'un pays à risque élevé.

Le sénateur Meighen: Pouvez-vous le faire ici?

M. Plumptre: Nous pouvons le faire, mais nous ne bénéficions pas de l'encouragement que représente la garantie. Cela arrive très rarement. Je ne dirais pas que cela n'arrive jamais, car des occasions se sont présentées et nous en recherchons constamment de nouvelles, mais en règle générale, la SEE préfère consentir des prêts directs plutôt que des garanties, car c'est plus profitable pour elle, ce qui revient à son mandat d'autonomie.

M. Leckie: D'où le paradoxe.

Le sénateur Meighen: Je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire, mais l'une des critiques formulées à l'égard des banques et de leur éventuelle accession à ce secteur, c'est que vous n'avez pas l'expertise que possède la SEE, surtout dans les petites localités, par opposition à de grands centres comme Montréal, Vancouver, Toronto, Calgary et Halifax. Si on vous donne accès à ce secteur d'activité, répondrez-vous que vous aurez plus de spécialistes qui seront à Moose Jaw, par exemple?

M. Wren: Tout d'abord, je ne pense pas que quiconque parmi nous ici accepte l'hypothèse selon laquelle nous n'avons pas les compétences et la capacité nécessaires. Le fait est que toutes les banques sont actives dans ce secteur, pas au Canada cependant. Il est faux de dire que nous n'avons pas l'expertise nécessaire.

Pour ce qui est des petites localités, je dirais que la SEE n'est pas plus implantée dans les petites localités que les banques. En fait, les banques sont beaucoup plus présentes dans les petites localités. Toute succursale bancaire dans n'importe quelle région du pays peut exploiter les ressources de la banque en l'espace d'un instant. Nous avons des spécialistes qui peuvent être directement envoyés dans ces régions.

Le sénateur Meighen: Je vous remercie de votre réponse, bien que nous n'ayons pas le même son de cloche de l'autre côté, comme vous pouvez vous en douter.

M. Wren: Dans notre cas précis, nous avons des spécialistes dans le domaine qui sont à l'oeuvre au Canada et à l'étranger. Les transactions que nous faisons au Canada se font en général sans l'appui de la SEE.

Le sénateur Meighen: Les sociétés canadiennes qui font affaire à l'étranger ont-elles accès aux banques appuyées par les OCE étrangers, ce qui leur permettrait ainsi d'exporter à partir de ces pays à destination de pays tiers?

M. Plumptre: Les sociétés canadiennes qui font affaire à l'étranger ont accès à l'organisme de crédit à l'exportation de ce pays. Elles ont également accès à la SEE au cas où l'organisme de crédit à l'exportation de ce pays ne voudrait pas prendre le risque.

Le sénateur Meighen: Utilisent-elles ces deux sources?

M. Plumptre: Énormément, à ma connaissance.

Le sénateur Kroft: Bienvenue, messieurs. Comme le sénateur Meighen, je recherche constamment la vérité. Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que nous vous posions ces questions dans un esprit de parti.

J'essaye souvent d'aborder un problème sans aucune idée préconçue. Si vous aviez été placés dans la situation sans en connaître aucun détail et si vous aviez parcouru la liste, comme le sénateur Meighen, il vous aurait été difficile de comprendre pourquoi nous sommes tous ici en train de débattre de ce point. Il y a ceux qui sont censés être désavantagés d'un côté, ou du côté de ceux qui pourraient les désavantager; c'est difficile.

J'aimerais prendre comme point de départ celui qui nous est imposé en tant que législateurs et qui consiste à examiner ce qui est dans l'intérêt des Canadiens. Nous pourrions alors poser la question suivante: Quels éléments pouvons-nous rassembler pour finalement développer le commerce canadien et rehausser et enrichir les activités du secteur bancaire et d'autres institutions financières dans notre pays? Nous n'aimons pas entendre dire que des transactions se font ailleurs alors qu'elles pourraient se faire ici; par ailleurs, si nous ne disposons pas ici de la structure qui convient, nous voulons tout faire pour que nos exportateurs bénéficient de toute l'aide possible pour faire leur travail. C'est le sens de mon intervention.

Pour commencer, j'ai besoin que l'on me précise certains faits. La recommandation 14 semble être axée sur le Compte du Canada. Nous parlons de prêts assujettis aux règles du consensus. Si je comprends bien, le Compte du Canada sert à un type particulier de transactions et permet de réaliser des transactions dont l'objet national est plus vaste, et non pas ce que l'on appellerait des transactions commerciales ordinaires. Je pense que M. Plumptre a indiqué que les transactions assujetties aux règles du consensus ne sont pas nécessairement des transactions commerciales ordinaires.

Pouvez-vous me dire dans quelle mesure nous parlons de prêts commerciaux ordinaires; nous pourrons alors nous débarrasser des autres appellations. J'aimerais comprendre les véritables enjeux du système bancaire commercial.

M. Plumptre: Nous parlons de transactions que les banques ne concluraient normalement pas sans garantie, des transactions qui dépassent le cadre du marché normal. Par conséquent, ces transactions sont décrites comme étant assujetties aux règles du consensus.

S'il est question du Compte du Canada, je crois que c'est parce qu'il en a été fait mention dans les recommandations de la Chambre des communes: les garanties seraient fournies de la même manière que l'on utilise le Compte du Canada pour des prêts pour lesquels la SEE elle-même ne veut pas prendre le risque et qu'elle ne veut pas financer.

Le sénateur Kroft: En tant que représentants du secteur bancaire, combien de transactions non assujetties aux règles du consensus ou non rattachées au Compte du Canada seriez-vous prêts à conclure?

M. Plumptre: Aucune.

Le sénateur Kroft: Vous vous occupez donc normalement de toutes les transactions dont le risque est normal?

M. Plumptre: Oui.

Le sénateur Kroft: Tout ce dont il est question ici équivaut donc à des transactions plus risquées et c'est la raison pour laquelle vous avez besoin d'un mécanisme particulier pour participer aux prêts.

M. Plumptre: C'est exact. Pour les transactions commerciales, nous assurons régulièrement le financement des exportateurs conjointement avec la SEE, en utilisant parfois l'assurance risque- politique de cette dernière. En général, en tant que sociétés de crédit commercial, nous assurons souvent le financement des exportateurs conjointement avec la SEE.

Ce dont nous parlons ici, ce sont des cas où le terme de financement prévu pour le pays en question dépasse ce que nous sommes prêts à accepter et pour lequel il nous faut une garantie pour participer et pour offrir un financement équivalent à celui offert dans d'autres pays.

Le sénateur Kroft: Voulez-vous parler des cas où l'assurance ne permet pas de couvrir ce risque?

M. Plumptre: L'assurance vise de plus en plus à couvrir le risque politique seulement. Dans certains cas, ce serait une garantie à la fois commerciale et politique et c'est à ce moment-là que nous aurions besoin de garanties.

Le sénateur Kroft: Sur le total des exportations, combien tomberaient dans la catégorie de risques conventionnels? S'agirait-il de 85 ou de 90 p. 100? Pour ce qui est des exportations dont nous parlons, combien tombent dans cette catégorie de traitement spécial?

Soit dit en passant, le rapport Gowlings présente à mon avis une lacune vu qu'il ne comporte pas d'index ni de données statistiques étayant les arguments présentés; à part cela, c'est un excellent rapport.

M. Plumptre: Seule la SEE peut répondre à cette question et je suis sûr que ses représentants le feront demain. Nous n'avons pas cette information.

Le sénateur Kroft: Il n'y a pas de statistiques publiques?

M. Plumptre: Je ne le crois pas, pas de statistiques annuelles. La majorité correspondrait à des termes fixés par le marché. Nous parlons d'une minorité assujettie aux règles du consensus.

Le sénateur Kroft: Nous parlons d'une minorité des transactions?

M. Plumptre: Je le crois bien.

Le sénateur Kroft: Parleriez-vous d'une faible minorité?

M. Plumptre: À mon avis, probablement pas plus que 25 p. 100 des prêts à moyen terme.

Le sénateur Kroft: L'assurance offerte par la SEE est-elle pertinente? Ses services sont ouverts à tous si bien que le fait qu'elle joue également ce rôle d'assurance ne lui donne aucun avantage dans ce domaine, n'est-ce pas? Vous avez parlé d'un loyer de l'argent plus bas et de la non-imposition. Je me demande si le fait qu'elle assure également beaucoup de ces comptes a une importance aujourd'hui?

M. Plumptre: Je ne pense pas qu'il y ait de rapport entre les deux. En fait, les banques sont les plus grandes utilisatrices de l'assurance de la SEE pour les transactions à court terme.

Le sénateur Kroft: Si l'on vous demandait dans quelle mesure les changements que vous recherchez contribueraient à développer le commerce du Canada, comment répondriez-vous? Peut-on prétendre qu'en permettant une participation plus concurrentielle, plus vaste, on pourrait en fait augmenter le total des transactions commerciales des sociétés canadiennes?

M. Kruyne: Permettez-moi de répondre à cette question, monsieur le sénateur.

À notre avis, les possibilités de transaction sont nombreuses lorsqu'un exportateur canadien rivalise avec une personne qui fabrique les mêmes gadgets au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux États-Unis et lorsque, du point de vue des importateurs, surtout des importateurs dans les marchés en développement, c'est le financement, et non seulement la qualité des produits, qui est important.

Si l'exportateur canadien peut uniquement offrir un prêt SEE -- et j'imagine que la SEE respecte les règles auxquelles elle est assujettie, les règles du consensus de l'OCDE qui stipulent que le prêt ne peut correspondre qu'à 85 p. 100 de la somme demandée, que l'on ne peut pas consentir un prêt à 100 p. 100 -- par définition alors, cet exportateur canadien se retrouve dans une position peu attrayante, puisqu'il ne peut pas offrir à l'importateur tout le financement qu'il souhaite.

Si l'on modifiait les règles, comme nous le proposons, nous créerions alors une situation où l'exportateur canadien serait en mesure de faire deux choses: premièrement, l'exportateur canadien pourrait s'adresser à une banque et obtenir un prêt à 100 p. 100, puisque la banque est prête à couvrir le mauvais risque de 15 p. 100, si vous voulez. Nous ne rivalisons pas ici avec la SEE; nous ne voulons pas rivaliser avec elle. Comme l'a dit M. Plumptre, la SEE n'a pas d'actionnaires qui recherchent un rendement de leur capital, et cetera.

Lorsque nous parlons de concurrence -- il s'agit de la deuxième option de l'exportateur canadien -- l'exportateur canadien peut s'adresser à nous tous, ainsi qu'à des banques de l'annexe II, et déclarer: «J'ai une garantie du gouvernement du Canada pour 85 p. 100 du prêt, toutefois je ne vous confierais la transaction que si vous me faites une offre intéressante pour les 15 p. 100 restants.» C'est là que la concurrence entrerait en jeu; en effet je ne voudrais pas, par exemple, que la Banque de la Nouvelle-Écosse remporte cette affaire. Pour simplement 15 p. 100, je peux obtenir les 85 p. 100. Peut-être pourrions-nous proposer 5 points de base de moins, comme l'a indiqué M. Plumptre -- mais il s'agissait d'un minimum record et ce n'est pas ce que nous voulons -- nous voulons simplement croire que notre offre est la meilleure.

La concurrence entre nous ne nous effraie pas, pas plus que celle avec les banques étrangères ou les banques de l'annexe II. Parfois nous perdons, parfois nous gagnons. À l'heure actuelle, nous remportons des transactions aux États-Unis alors que la concurrence est féroce. La Banque Royale a conclu la plus grosse entente qui soit grâce à une garantie de la Banque américaine EXIm pour le Venezuela. En même temps, nous ne pouvons pas offrir quoi que ce soit à un exportateur canadien.

Le sénateur Kroft: En plus de vous donner à vous-même un avantage concurrentiel, vous soutenez essentiellement que l'exportateur canadien peut se défendre beaucoup mieux contre un concurrent étranger.

Je n'ai pas trouvé que cet argument était aussi solide que je l'aurais cru. Au chapitre de l'intérêt national, peu nous importe qui réussit à conclure l'affaire. Ce qui compte pour nous, c'est que plus d'exportateurs canadiens aient la possibilité de conclure des transactions. C'est extrêmement important.

M. Kruyne: Si nous pouvions changer les règles, cela augmenterait le volume des transactions. Vous avez demandé initialement ce qui changerait en matière de volume. Le volume augmenterait, car grâce à nous, les exportateurs canadiens seraient plus compétitifs en ce qui concerne le financement. Aujourd'hui, ils souffrent d'un désavantage concurrentiel que ces nouvelles mesures permettraient d'éviter.

Je voudrais maintenant distribuer un graphique avec barres de couleurs. J'en ai laissé des exemplaires au greffier. Normalement, lorsque je m'adresse à des banquiers qui ont un permis de conduire, je leur dis: «C'est simple: vert signifie qu'on peut y aller à fond et rouge signifie qu'il faut mettre les freins, virage à droite uniquement».

Les deux barres du haut sont les options de la SEE. La première montre que la SEE, la colonne en blanc, consent tous les prêts et qu'il ne nous reste que la partie en rouge, ce qui ne nous intéresse guère. Par ailleurs, la SEE affirme: «Vous pouvez partager le risque avec nous.» C'est la deuxième option. Nous pouvons assumer 25 ou 40 p. 100 d'un prêt que la SEE était déjà disposée à accorder elle-même, et pour être honnête, cela représente un peu trop de risques, soit trop de rouge par rapport au vert. La solution de rechange que je propose serait d'utiliser la même limite de pays, en rouge, que les États-Unis, l'Australie et d'autres pays utilisent; à ce moment-là, il y a passablement plus de vert que de rouge.

Le sénateur Kraft: Que signifie le rouge?

M. Kruyne: Une mauvaise affaire.

Le sénateur Kroft: Cela ne représente-t-il pas également une occasion de livrer concurrence?

M. Kruyne: Absolument, mais nous ne prisons guère de livrer concurrence pour des affaires peu intéressantes; nous ne voulons pas livrer concurrence pour de mauvaises affaires; nous souhaitons livrer concurrence pour de bonnes affaires.

Sénateur Kroft: S'il n'y a pas de rouge, à ce moment-là il n'y a pas possibilité de concurrence.

M. Kruyne: C'est exact. Par conséquent, nous ne touchons pas à des affaires où il n'y a que du vert.

Comme M. Plumptre l'a dit tout à l'heure, les exportateurs américains qui peuvent tirer parti de ce programme peuvent facilement s'adresser en ces termes à leurs banquiers: «Parce que je vous offre 85 p. 100 de garantie de l'État, ne pouvez-vous pas assumer 15 p. 100 ou peut-être un peu plus?» Nous faisons cela. Cependant, il arrive parfois que notre comité du risque n'apprécie pas le prix et je dois laisser la Banque de la Nouvelle-Écosse conclure l'affaire.

Au sein de notre organisme, le secret consiste à trouver le bon mélange d'ingrédients. Comme quelqu'un l'a déjà dit, nous aimons tous la soupe aigre-douce, mais nous n'aimons pas le vinaigre. Si l'on compare le rouge au vinaigre, à ce moment-là, nous ne sommes certainement pas intéressés à ces marchés où une société de la Couronne du gouvernement assume déjà cette composante et tout ce qui nous reste, c'est la portion en rouge.

Le sénateur Angus: Ce que je comprends mal -- et je ne pense pas être le seul parmi mes collègues --, c'est qu'après avoir effectué ces recherches, Gowlings préconise la recommandation 14. Si cette dernière était mise en oeuvre selon les paramètres du rapport, vous en seriez tous ravis, n'est-ce pas?

M. Plumptre: Oui.

Le sénateur Angus: Cependant, l'alliance qui représente, si je ne m'abuse, certains de vos clients, s'est prononcée contre cette recommandation dans son mémoire. Je veux être sûr de bien comprendre. Je pense que c'était vous, monsieur Plumptre. Son opposition est plus apparente que réelle, est-ce l'explication? Les gens que nous avons entendus ne sont pas représentatifs du marché?

M. Plumptre: À mon avis, ils ne sont pas représentatifs des exportateurs en général. Je crois que cette opinion est partagée.

Le sénateur Angus: Selon votre exposé, qui va dans le même sens que les propos du sénateur Kroft, il serait dans l'intérêt des exportateurs canadiens en général, d'après votre propre expérience commerciale, que ce changement intervienne, et ils le souhaitent?

M. Plumptre: Ils veulent avoir le choix. Je ne dis pas qu'ils feraient appel à ce mécanisme en tout temps, mais ils souhaitent avoir le choix pour faciliter le financement total dont ils ont besoin et être en mesure de vérifier qu'ils obtiennent le meilleur prix possible.

Le sénateur Angus: Il ne reste donc que la quatrième partie, ce qui, en termes du processus d'examen, est la SEE. Compte tenu de vos entretiens avec ses représentants et de la lecture du témoignage qu'ils ont présenté la première fois -- je crois que vous savez qu'ils vont revenir --, diriez-vous qu'ils sont modérément ou fortement opposés à cela?

M. Plumptre: Dans leur propre synopsis, ils se disent soit «fortement opposés» ou «en faveur». À cet égard, ils ont simplement mis «opposés» plutôt que «fortement opposés».

Le sénateur Angus: En matière de garantie, d'après les règles auxquelles sont assujettis les Canadiens à l'heure actuelle, dans bien des cas, la SEE a toute discrétion. C'est elle qui décide si vous pouvez obtenir une garantie pour une portion du prêt. Est-ce exact?

M. Plumptre: Exact.

Le sénateur Angus: Les règles du jeu ne sont absolument pas équitables. C'est la SEE qui décide et qui choisit. Cela peut ne pas être opportun, sa limite peut être épuisée dans certains cas, mais ses dirigeants prennent les décisions et vous n'avez pas votre mot à dire. Est-ce exact?

M. Plumptre: C'est exact.

Le sénateur Angus: Je trouve renversant les chiffres du Groupe Financier Banque Royale. Je pense qu'il serait utile de les intégrer au compte rendu. Pas seulement les graphiques à barres en couleurs, mais les listes également.

M. Kruyne: Ces chiffres sont tirés de l'ExIm Bank des États-Unis.

Le sénateur Angus: Si vous nous les avez communiqués, c'est pour montrer de quelle façon cela ouvrirait le champ du financement des exportations au secteur privé au Canada, n'est-ce pas?

M. Kruyne: Je précise. Ce que j'essaie de faire comprendre, à l'aide de ces graphiques, c'est ce que j'ai essayé d'expliquer dans ma brève déclaration liminaire, c'est que si nous changions notre système, cela ne se traduira pas nécessairement par une manne pour les banques. Nous attirons des concurrents au Canada.

Ce que nous constatons aux États-Unis, c'est l'arrivée en scène d'un groupe de banques étrangères, y compris certaines banques canadiennes, qui mettent leurs ressources, leur maigre limite de crédit par pays, à la disposition des exportations et qui ensuite, font concurrence à leurs propres clients au Canada. C'est bizarre.

Pourquoi devrions-nous laisser venir ici les banques Barclay et Citibank? Si à nous cinq, nous ne pouvons rivaliser avec elles, tant pis, mais à tout le moins, les exportateurs canadiens seront avantagés, ce qui est bon pour le Canada. Peut-être allons-nous assumer uniquement la feuille de paye de ces sociétés, mais à tout le moins, c'est bon pour le Canada.

Le sénateur Angus: Pourriez-vous préciser encore une fois aux fins du compte rendu, puisque cela revient dans tous vos mémoires, la différence entre le régime en vigueur aux États-Unis et au Canada à l'heure actuelle?

M. Plumptre: Je dirais d'entrée de jeu que la différence fondamentale est que la ExIm Bank, en vertu de sa charte, n'a pas le droit de livrer concurrence au secteur privé. Elle peut uniquement intervenir dans un dossier où le secteur privé ne se sent pas à l'aise, où il y a carence.

Elle peut procéder soit à des prêts directs ou offrir des garanties. La grande majorité des affaires est conclue sur la base de garanties. Cette institution ne s'investit en tant que prêteur direct qu'en dernier recours, dans des circonstances spécifiques qu'elle doit justifier.

De nombreuses raisons expliquent cela, notamment sa base de financement, qui est fort différente de celle de la SEE. À cet égard, c'est une entité complètement différente.

Le sénateur Angus: L'un de vous a affirmé que nous avions déjà étudié ce sujet dans le passé et que ce n'est pas le moment d'y revenir aujourd'hui, qu'il convient plutôt de s'attacher à la recommandation 14.

À votre avis, cela serait-il un meilleur système pour les exportateurs canadiens ou notre marché est-il trop petit?

M. Plumptre: Cela pourrait fonctionner ici, tout comme cela fonctionne dans pratiquement tous les autres pays. Nulle part ailleurs voit-on une concurrence d'une telle envergure de la part d'une société de la Couronne assumant des fonctions qui pourraient l'être par le secteur privé.

Le sénateur Angus: Nous sommes uniques à cet égard.

M. Plumptre: Oui, nous le sommes.

Le président: Proposez-vous de supprimer la SEE?

Le sénateur Angus: À ma connaissance, l'uniformité est bien vue sur la scène internationale. Notre voisin du sud a de nombreuses banques, étrangères, nationales et autres, qui offrent du crédit aux exportateurs. L'institution gouvernementale existe uniquement pour les jours difficiles, les situations de crise; la loi lui interdit d'être un intervenant sur le marché. Au Canada, l'inverse semble le cas. C'est terrible.

M. Plumptre: Pour répondre à la question, nous avons reçu une réponse des dirigeants d'un autre organisme de crédit à l'exportation ailleurs dans le monde lorsque nous les avons interrogés à ce sujet. D'après eux, s'opposer à l'introduction de ce produit revient à affirmer qu'au Canada le marché, les exportateurs, les banques ou la SEE elle-même sont uniques et que le reste du monde a tort.

Le sénateur Angus: Y a-t-il un rapport entre ce que vous préconisez et les changements proposés aux règles en matière de capitaux? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous expliquer cela, je vous prie?

M. Robbie: Aux termes des règles Ball, les actifs garantis par les pays de l'OCDE et le calcul relatif à l'imputation sur les fonds propres devant correspondre à ce risque doivent être fondés sur une pondération nulle.

Le sénateur Angus: Si la garantie est en place. Si elle ne l'est pas, les banques doivent-elles avancer des capitaux considérables?

M. Robbie: Dans ce cas, il s'agit d'évaluer le risque que pose cette transaction et ce pays en particulier. Selon la pondération applicable aux termes de vos propres règles, le capital pourrait être assujetti à une pondération très négative. L'avantage, aux termes des règles Ball et de ces transactions, c'est que l'on obtient 85 p. 100, soit zéro. On peut obtenir 15 p. 100, soit une pondération de 100 p. 100 selon les règles Ball. Cependant, étant donné que cela représente un risque plus élevé, les mécanismes internes d'évaluation des risques de toutes les banques importantes sont susceptibles de juger que cela équivaut à 300 p. 100. Par conséquent, la moyenne de des deux précisera le niveau où vous pouvez être concurrentiel. Voilà où se situe l'avantage.

Le sénateur Angus: Ces règles sont sur le point d'être mises en oeuvre?

M. Robbie: Cette partie des règles demeurera la même.

Le sénateur Angus: D'autres parties changeront.

M. Robbie: Il y a des discussions à cet effet. Oui.

Le sénateur Angus: Aux fins de ma dernière question, je suppose que si la recommandation 14 du rapport Gowlings est appliquée et que les changements que l'on envisage d'apporter aux exigences relatives aux capitaux sont institués, des institutions financières comme la vôtre pourrons chercher agressivement à élargir leur clientèle. Je suppose que cela sera le cas et, en tant que sénateur conservateur, j'estime que c'est une bonne chose.

Si cela se produit, envisagez-vous qu'il y aura un effet de percolation et que d'autres entreprises canadiennes, pas nécessairement des banques, en tireront parti? Cela créera-t-il de nouveaux débouchés d'affaires pour d'autres entreprises privées au Canada?

M. Robbie: Le principal effet de percolation, c'est que les transactions d'envergure attireront énormément l'attention. Dans la foulée de ces transactions, on élargit les occasions d'affaires et on a tendance à progresser en aval. En fait, c'est là que les PME seront gagnantes car on mettra davantage l'accent sur les entreprises en aval. Une capacité plus grande est avantageuse pour les PME. Cela crée davantage de débouchés. Il y a plus de gens qui font des affaires et par conséquent, un soutien accru.

Le sénateur Angus: Qu'en est-il des produits de l'assurance, par exemple? Il y a un débat sur la question de savoir si la SEE devrait être autorisée à oeuvrer dans le secteur. D'après le rapport Growlings, après s'être à nouveau penché sur la question, on a décidé de laisser la SEE garder cette prérogative. Par ailleurs, j'ai entendu une rumeur selon laquelle elle se retirerait peut-être du secteur. J'ignore ce qu'il en est.

Ne serait-il pas logique que dans le contexte de ce nouveau régime, il y ait davantage d'occasions d'affaires pour les courtiers ou les sociétés d'assurance?

M. Robbie: Pas aux termes de la recommandation 14, qui porte principalement sur les interventions à moyen terme, qui ne relèvent pas du marché de l'assurance.

Le sénateur Grafstein: Je vous remercie de m'avoir permis de participer à cette discussion que je trouve très intéressante. Nous avons tous demandé à des banques des prêts pour l'étranger, pour des projets que nous avons à l'étranger, avec des résultats mitigés. Cela m'intéresse énormément.

J'aimerais envisager le problème dans la perspective des petites entreprises, les PME. Permettez-moi de vous expliquer certaines étapes afin que vous compreniez de quoi il retourne.

Tout d'abord, il ne s'agit pas du tout du commerce entre le Canada et les États-Unis, n'est-ce pas? Il n'en est pas question. Par conséquent, 80 p. 100 de nos échanges commerciaux sont exclus de ce débat. Nous ne parlons que des 20 p. 100 restant de nos échanges avec le reste du monde.

En réfléchissant bien à ces 20 p. 100, si nous adoptons le point de vue des PME, nous découvrons que seulement 5 p. 100 des 34 milliards que fait la SEE leur revient. En fait, il n'y a pas beaucoup de retombées pour les PME, en fait de pourcentage de l'ensemble des opérations réalisées, même celles de la SEE. Il s'agit ici d'une lutte pour la clientèle des grandes entreprises du calibre du Consensus, plutôt que de mettre le point de mire sur les PME outre-mer, dans les pays où existent divers risques. Est-ce que c'est bien à peu près la situation?

M. Plumptre: Oui.

Le sénateur Grafstein: Très bien. Cela ne donnerait pas grand-chose d'ouvrir la porte aux petites entreprises. Cela ne les aiderait pas tellement parce que, comme l'a dit assez justement l'un des témoins, on se battrait pour avoir les gros clients et il pourrait y avoir de petites retombées pour les plus petits clients, au bout du compte. Par conséquent, le petit client ne bénéficierait que des petits restes de l'activité. Je présume que c'est bien là la situation.

Ne m'interrompez pas là-dessus; j'en arrive à ce que je veux dire. Si le comité des banques se déclarait favorable à la concurrence -- et vous avez entendu des sénateurs des deux côtés dire qu'en principe, nous le sommes; plus il y a de concurrence, plus il y a de prêts, et cetera.

Si on vous permettait d'être vraiment compétitifs face à la SEE, quelle genre de croissance, à votre avis, cette catégorie d'activités connaîtrait-elle?

Ce secteur représente actuellement 34 milliards de dollars. C'est relativement peu comparativement à l'ensemble de nos activités commerciales. Quel serait le pourcentage d'augmentation des activités, pensez-vous, s'il y avait plus d'institutions dans ce secteur?

Le président: Est-ce que c'est vrai que les États-Unis ne sont pas compris dans ces chiffres?

Le sénateur Grafstein: Je présume que lorsque nous disons que 80 p. 100 de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis -- je dirais qu'une très grande part de ces transactions sont des transactions commerciales tout à fait naturelles et ordinaires -- le risque n'est pas grand.

Le président: Un témoin nous a dit il n'y a pas longtemps que la SEE finançait certaines petites compagnies aériennes pour l'achat d'appareils de Bombardier.

Le sénateur Grafstein: Je suppose que ce serait des montants minimes. La SEE nous en parlera.

M. Plumptre: Ce serait assujetti aux échanges commerciaux, et non pas à celles du Consensus.

M. Wren: Ils réalisent des transactions de financement à l'exportation par le biais des États-Unis. Ils financent largement des biens d'équipement, et nous ne pouvons tout simplement pas rivaliser avec eux. Souvoent, les propositions de la SEE visent à interdire aux banques de s'en mêler.

Pour ce qui est de votre autre question, il est très difficile de déterminer exactement ce que sont les retombées. Si vous prenez l'exemple de Northstar -- certains de mes collègues n'aiment pas que j'en parle -- cela me semble un excellent exemple d'une compagnie créée pour répondre à un besoin qui n'était pas comblé. Nous avions de plus petites entreprises qui n'arrivaient pas à faire financer leurs transactions d'exportation sur cinq ans, ce qu'elles auraient pu indiquer dans les soumissions visant les transactions en question. Il y a de nombreux exemples, à Northstar, de compagnies qui ont réussi grâce au financement obtenu. C'est la collaboration entre la SEE et les banques, et nous parlons à peu près de la même chose en ce moment. Vous avez ce qui revient presque à une garantie du gouvernement, et vous avez les banques qui s'occupent du financement et de la gestion, et de tout ce qui va avec. Cela a réussi aux exportateurs.

Nous en revenons à la question du sénateur Angus sur les exportateurs moyens. En ce moment, ils n'ont pas de choix entre plusieurs propositions de financement. On dit souvent que les plus petits exportateurs ne se plaignent pas. Avec tout le respect que je dois aux exportateurs, la question qui me vient à l'esprit c'est: comparativement à quoi? Leur seul point de comparaison est une proposition de la SEE. Ils n'ont pas accès à d'autres organismes de crédit à l'exportation, ni la possibilité de s'approvisionner en équipement auprès d'autres pays. Ils n'ont pas connu d'autres OCE, donc ils ne savent pas quel genre de financement est disponible et comment ce serait si cinq banques et la SEE faisaient une offre visant la même opération. Je crois en fait que les petits exportateurs auraient plus de chances d'être concurrentiels si plusieurs banques rivalisaient pour les financer.

Nous avons parlé de gestion dans ces situations. Vous prenez un risque dans un pays en concluant une affaire qui est garantie à 85 p. 100. Et au fur et à mesure que se règle le prêt, vous n'éliminez pas nécessairement cette capacité d'exportation ou ce débouché dans ce pays-là, parce que vous avez désormais d'autres capacités d'exportation ou débouchés qui peuvent vous servir dans d'autres opérations. Il me semble qu'il y aurait des retombées pour les plus petites et les moyennes entreprises aussi.

Le sénateur Grafstein: Permettez-moi de poser une autre question précise. Admettons que notre objectif, d'après ce que disait le sénateur Kroft, est de défendre les intérêts des exportateurs canadiens à l'étranger et au pays, qu'en penseriez-vous si le comité décidait de dire au gouvernement qu'il est d'accord avec vous que la recommandation 14 devrait être adoptée, mais à condition qu'il y ait un ratio entre les prêts aux PME et ceux aux plus grandes entreprises -- disons un ratio de 60-40, 60 aux petites entreprises comparativement à 40 aux grandes -- et alors nous argumenterions sur les définitions, puis nous nous déclarerions satisfaits d'avoir, en fait, soutenu les intérêts de tous les exportateurs canadiens, et non pas seulement ceux des grandes entreprises? Qu'en diriez-vous?

Le sénateur Angus: Ce n'est pas étonnant que vous ne siégiez pas à ce comité.

Le sénateur Grafstein: Je ne suis pas membre à part entière du comité. Peut-être après cela mes collègues veilleront-ils à m'empêcher de poser des questions.

M. Robbie: L'imposition de ratios comme ceux que vous proposez pose certaines difficultés, bien que ces ratios-là soient vraiment ce qu'il faudrait pour mieux pousser les PME sur le marché et leur donner la possibilité de s'y faire une place. Si vous imposiez cette condition dès le départ, cela ne servirait à rien parce que les PME n'auraient pas cette capacité d'exportation et que la demande, sur leur marché, serait insuffisante. Donc une telle condition ne serait qu'un obstacle aux transactions plus importantes. N'oubliez pas que ce sont les plus grosses transactions qui sont les plus rentables et où l'on investit le plus de ressources. C'est cela qui stimule l'entreprise. Ensuite, il est naturel d'aller plus bas sur l'échelle du marché, lorsqu'on a plus d'argent à investir.

Le sénateur Grafstein: Je terminerai, si vous le permettez, avec une dernière question. Dans l'évolution des choses, est-ce que le système bancaire canadien a dévoué une part de son expertise à certaines régions du monde? Je connais assez bien les affaires de la Banque de la Nouvelle-Écosse et celles de la Banque Royale à l'étranger, mais je ne connais pas les autres. Nous avons examiné la question, à un autre comité. Les banques canadiennes qui étaient en Allemagne y ont connu un succès phénoménal, et puis deux ou trois ans plus tard, elles sont rentrées au pays en traînant la patte parce qu'elles s'étaient fait taper dessus par la communauté bancaire allemande. Ça a été un coup dur pour la croissance des entreprises canadiennes sur ce marché-là. Quand on regarde la situation des échanges commerciaux entre le Canada et l'Allemagne, c'est plutôt triste -- pour bien des raisons, mais ceci pourrait en être une.

Existe-t-il une espèce d'évolution naturelle intrinsèque là où les banques se spécialisent? Par exemple, une banque peut-elle se spécialiser dans le marché de l'Amérique du Sud, l'autre dans celui de l'Afrique et l'autre dans celui de l'Asie? Ce serait beaucoup plus efficace pour nous, pour permettre la concurrence et, en même temps, pour créer une expertise au sein du marché, ce qui, au bout du compte, aurait des retombées pour les PME.

M. Kruyne: Je vais tenter de répondre à cette question. Je crois qu'il peut y avoir plus d'efficience dans la spécialisation. Une banque peut dire: «Mon point fort, c'est l'Amérique latine, où je suis établie depuis un ou deux siècles». Nous pourrions dire que cela fait une centaine d'années que nous sommes établis dans certaines parties de l'Amérique latine. Chacun de nous, lorsque nous parlons à nos clients, et même à nos employés, nous disons: «C'est là que nous concentrons nos activités». Nous nous concentrons là où nous avons une position concurrentielle. Je ne pense pas que vous puissiez réglementer cela. Nous sommes constamment en mouvement, à la recherche des meilleurs débouchés pour soutenir nos clients, et en les soutenant de façon pertinente et économique, nous appuyons nos actionnaires parce que c'est payant de bien faire notre travail.

Le monde évolue. Il y cinq ans, nous pensions que c'était absolument fantastique d'exporter encore plus vers l'Asie. Ça n'a duré que deux ans, et puis l'Asie s'est éffondrée d'un seul coup, mais maintenant elle recommence à s'épanouir. Chaque banque compose à sa manière avec ces choses-là.

Cette spécialisation, c'est en partie ce pour quoi tout le système de marché ouvert est conçu. Nous, de la Banque Royale, nous observons nos compétiteurs, les banques de l'annexe 1 et certaines de l'annexe 2 et nous nous posons la question: où en sont-ils? Comment pouvons-nous arriver à faire plus qu'eux pour consolider notre société? Je ne suis pas ici pour faire de la publicité, et ce sera bref, mais j'aimerais vous prévenir que très bientôt, la Banque Royale aura le plus grand réseau en Asie. Je doute que M. Plumptre dira: «Oui, mais ne venez-vous pas de fermer votre succursale en Corée?». C'est vrai, mais gardez l'oeil ouvert. Nous trouverons tout simplement une autre façon d'offrir plus efficacement nos services en Asie, parce que nous croyons qu'il y a là un potentiel énorme.

Les banques font ce genre de changements mais ce n'est pas quelque chose qu'on peut réglementer. Il faut être preste pour saisir les opportunités, et aussi se poser certaines questions: est-ce qu'il y a un moyen rentable de le faire? Pouvons-nous le faire nous-mêmes? Devrions-nous nous associer avec une autre banque? Devrions-nous conclure un partenariat ou prendre le contrôle? C'est le genre d'enjeux qu'il y a. C'est aussi pourquoi nous pouvons nous demander: pourquoi la SEE veut-elle ouvrir des bureaux alors que les banques vont déjà d'un endroit à l'autre en se demandant si elles peuvent justifier le coût de bureaux à Sao Paulo ou à Pékin? Pourquoi faire double emploi? On dirait qu'il y a une espèce d'inefficience structurelle. J'espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur Oliver: Je suis membre du comité. J'étais le premier arrivé et il m'a fallu attendre deux heures pour avoir la parole. Il va de soi que beaucoup de mes questions ont déjà reçu réponse, mais j'aimerais tout de même avoir certaines précisions.

Si vous avez lu les procès-verbaux, vous savez que je me préoccupe du fait que la SEE, avec son monopole, tenait les banques commerciales du Canada dans un étau et qu'elles sont injustement désavantagées. Je suis heureux de vous voir ici et de constater que vous partagez certaines de mes préoccupations.

Je suis conscient, cependant, que vous êtes surtout ici pour appuyer la recommandation 14, qui prévoit une garantie qui faciliterait la compétition pour vous. Ce que je ne sais pas, et qui n'a pas encore été tiré au clair aujourd'hui parce que vous avez décidé de parler surtout de la recommandation 14, c'est de quelle manière les banques ont été désavantagées. Comment vos affaires en ont-elles souffert? Comment pouvez-vous chiffrer cela? Je crois que notre compte rendu ne sera pas complet tant que vous ne nous éclairerez pas là-dessus. Que se passera-t-il si la recommandation 14 n'est pas mise à exécution? Où en êtes-vous vis-à-vis la SEE et qu'avez-vous à perdre? Quels effets cela aura-t-il sur votre croissance?

M. Leckie: Étant donné que je suis chef d'unité dans notre secteur, j'ai un certain contrôle sur nos activités. Une fois que je reçois les ressources qui me sont assignées pour diriger mes affaires, j'ai une assez bonne marge de manoeuvre pour décider de la répartition de ce capital, que ce soit les ressources financières ou les ressources humaines. J'en déplace une partie, comme le ferait n'importe qui dans les affaires, vers les centres d'activité. Par exemple, si je fais beaucoup de transactions avec ExIm de Chicago, c'est là que je placerai les ressources humaines et financières, et c'est là que je ferai des affaires. Voici pour la partie la plus claire de ma réponse.

Nous voulons collaborer avec la SEE. Le pays est trop petit pour eux et nous. Nous avons besoin de la SEE, et je crois qu'elle a besoin de nous. Il y a même des jours où nous sommes d'accord là-dessus. La SEE devrait aussi être autorisée à vendre ses éléments d'actif, à s'occuper de fonds de pensions et à mieux stimuler le maigre capital qu'il y a au Canada. Cependant, nous aimerions, nous aussi, pouvoir faire de même.

La solution c'est la syndication et la distribution de l'actif. En tant que banquiers, nous avons les compétences qu'il faut, tout comme la SEE, qui emploie des professionnels très compétents. Nous devrions tous être invités à participer au débat, et aussi le secteur de l'assurance privée. Nous devrions nous unir pour déterminer comment faire le succès de la recommandation 14, comment offrir des produits compétitifs, et comment les vendre au reste du monde. Notre propre fonds de pension, au Canada, pourrait y participer, surtout si le gouvernement rembourse ses dettes. Moins d'obligations sont offertes aux investisseurs, et il y a moyen de trouver des endroits où offrir ces produits et les vendre de manière à tirer meilleur parti du capital de la SEE et des banques, et cetera.

Tout cela a des retombées pour les PME, ne serait-ce que sous forme de connaissances. En fin de compte, nous vendons des connaissances et des conseils aux PME. Nous avons appris les ficelles de la câblodistribution, à la Banque TD, en traitant avec Ted Rogers. C'est lui qui nous a appris à faire des affaires dans ce secteur. En partant de là, nous pouvons creuser assez loin dans le domaine des communications. Nous pouvons faire la même chose avec les échanges commerciaux. Nous apprenons ce qu'il faut en traitant avec Nortel, Bombardier et les cadres supérieurs du secteur. Munis de ces connaissances, nos employés acquièrent de bonnes compétences et sont capables de les vendre à Smoky Lake, en Alberta, et cetera.

Le sénateur Oliver: J'aimerais que vous m'en disiez plus. Ce n'est pas vraiment la réponse que j'attendais. Je veux savoir en quoi vous avez pu être lésés. Si la recommandation 14 n'était pas mise à exécution, qu'est-ce que cela signifierait pour vous? Devrions-nous laisser les choses telles qu'elles sont? Dans quelle mesure cette recommandation est-elle importante? Qu'arrivera-t-il?

M. Leckie: Les ressources et le capital financier tendront à se déplacer vers d'autres régions du monde, où il y a plus d'activité.

Le sénateur Oliver: Ce n'est pas tellement un problème pour vous, alors.

M. Leckie: Mais c'en est un pour les PME et les grandes compagnies canadiennes, qui n'auront pas les avantages qu'offre le choix. Nous sortirons notre aiguille du jeu. M. Plumptre le disait, Citicorp n'est plus ici et beaucoup de compagnies sont parties. Les joueurs tireront tous leur aiguille du jeu.

Le sénateur Oliver: Ce n'est pas pour cela que Citicorp n'est pas ici, quand même.

M. Plumptre: Vous avez demandé en quoi nous sommes lésés. Je suis bien heureux de constater l'intérêt que vous nous portez. Cependant, je ne crois pas que la question soit de savoir si les banques sont désavantagées, mais plutôt si les exportateurs le sont.

Du point de vue d'une banque, si nous nous comparons à d'autres banques ailleurs dans le monde, nous sommes désavantagés parce que nos portefeuilles ne contiennent pas beaucoup de prêts garantis pour le crédit à l'exportation; c'est cela, le revenu qui nous permet de perfectionner les compétences dont nous avons parlé.

Le sénateur Oliver: L'inconvénient c'est qu'une fois la garantie, c'est-à-dire la recommandation 14, en place, les règles du jeu sont les mêmes pour tout le monde.

M. Plumptre: C'est exact. Nous acquérions de nouvelles compétences. Pour l'instant, nous sommes très peu motivés à le faire au Canada. Nous sommes nombreux à avoir ces compétences dans d'autres centres, et d'ailleurs les banques de ces autres centres sont devenues des leaders du marché parce qu'elles ont cette motivation sur les marchés locaux.

Le président: Est-ce que ce ne serait pas plus simple de dire que vous n'avez pas accès aux garanties du gouvernement en ce moment?

M. Plumptre: Oui, c'est exact.

Le président: C'est ce qui vous désavantage.

Le sénateur Oliver: Les États-Unis, comme vous l'avez expliqué en réponse à d'autres questions, appliquent sûrement le système de garantie. Vous nous avez dit à quel point il est efficace là-bas et combien il leur réussit. Au Canada, nous sommes un comité du Parlement, et nous cherchons toujours des nouvelles politiques publiques qui soient bonnes. À part cette garantie, quel autre rôle, à votre avis, le gouvernement du Canada devrait-il jouer auprès de ses sociétés d'État pour veiller à stimuler la capacité de nos exportateurs d'être concurrentiels sur le marché international?

M. Plumptre: Cela fait déjà de nombreuses années que nous faisons campagne en faveur d'un programme du genre de celui de garantie des fonds de roulement qu'offre la banque ExIm. Je crains bien que le terme «garantie» apparaisse invariablement parce que la raison d'être de ces organismes est d'agir comme un complément du secteur privé et d'y suppléer. Au cours des nombreux mois qu'a duré, il y a six ans, l'examen de la réglementation de la SEE -- auquel ont participé de nombreux comités et trois ministères -- nous avons examiné les besoins des PME. Plus que toute autre chose, nous avons cerné un besoin fondamental d'une garantie de crédit de préfinancement, avec un financement par fonds d'exploitation supérieur à ce que les banques étaient disposées à offrir. Le programme de garantie des fonds d'exploitation qu'offre la banque ExIm par le truchement du système bancaire, a connu un succès phénoménal. Je crois encore -- et je pense que mes collègues sont d'accord avec moi -- que le marché canadien ressent encore ce besoin. Les autres solutions, dont certaines ont été citées, sont loin de pouvoir combler de tels besoins et n'ont pas généré de crédits de préfinancement suffisants. Voilà donc un exemple précis que je tiens à citer.

Le sénateur Oliver: Y a-t-il la moindre preuve, en ce qui concerne les clients de votre banque qui font de l'exportation commerciale, que lorsque vous vous disposez à financer une opération pour l'un de vos clients, vous devez rivaliser avec la SEE? Est-ce que cela pose vraiment un problème?

M. Wren: Cela arrive tout le temps. En fait, les banques hésitent généralement à recommander à un client de consulter la SEE, par crainte d'être laissées de côté. La plupart des affaires que nous traitons directement avec les grands exportateurs et les grosses opérations sont celles où, en raison du type de transaction ou du choix de l'exportateur, la SEE ne peut intervenir. C'est quand les exportateurs pensent pouvoir s'en tirer rien qu'avec les banques et qu'ils préfèrent réserver le recours à la SEE pour les transactions plus difficiles.

Nous avons aussi des exemples d'opérations très commerciales et viables, pour lesquelles trois banques se faisaient concurrence. Nous avons obtenu le contrat, puis la SEE est intervenue et a fait une offre encore plus avantageuse. C'était pourtant une opération très réalisable rien qu'avec les banques.

Le sénateur Oliver: C'était une question de tarifs. Vous répondez maintenant à ma première question. Sur le plan des tarifs, alors, vous ne pouvez pas rivaliser avec la SEE?

M. Wren: Absolument pas. Même dans le secteur du court terme, si la SEE décide d'accroître sa part du marché dans un pays particulier, elle peut nous livrer une concurrence agressive du côté des prix. C'est généralement l'acheteur étranger qui en profite, et non pas l'exportateur canadien. L'exportateur ne paie pas ces frais, et la SEE prive les banques du Canada de certaines affaires.

Le sénateur Oliver: Est-ce que vous êtes tous d'accord avec cela?

M. Robbie: Oui.

M. Plumptre: Oui.

Le sénateur Oliver: C'était donc ma première question.

Le sénateur Kelleher: Je tiens à expliquer aux témoins qui sont ici que je n'interviens pas parce que je suis avocat-conseil pour Gowlings. Puisque nous nous concentrons sur la recommandation 14, j'ai pensé qu'il ne serait pas approprié que je participe à cette discussion.

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais qu'on en vienne au noeud du problème, parce que je n'arrive pas à voir où est ce problème. Si la recommandation 14 était adoptée, quels effets négatifs cela aurait-il sur les entreprises canadiennes? Y aurait-il seulement des effets négatifs?

M. Plumptre: Pas que je sache. Aucun exportateur ne l'appliquerait si elle n'offrait pas quelque avantage.

Le sénateur Tkachuk: J'ai un peu de difficulté à voir pourquoi les exportateurs s'objecteraient à cette disposition. Ce ne peut sûrement pas être seulement, comme vous l'avez dit, parce qu'ils se sont nourris de la SEE. Il me semble qu'avec cinq banques qui ont des bureaux dans tout le pays, il devrait être plus facile de se renseigner. À part le sevrage, est-ce qu'il y a d'autres raisons?

M. Plumptre: Les exportateurs qui font partie du groupe de pression, l'Alliance, sont représentés par quelques très gros exportateurs qui dépendent de la SEE pour leurs grosses transactions. En fait, ils dépendent lourdement de la SEE pour leurs contrats les plus prestigieux d'exportation à l'étranger. C'est pourquoi ces exportateurs arrivent à obtenir ce qu'il leur faut. Comme je l'ai dit, ils ne veulent pas risquer de faire chavirer le navire. Nous avons constaté, dans nos discussions avec d'autres exportateurs de tout le pays, qu'ils ne sont pas tous aussi à l'aise devant la perspective que la situation reste telle qu'elle est. Nous avons parlé à beaucoup d'exportateurs et nous leur avons demandé: vous arrive-t-il d'envisager de recourir à la SEE? Comme on le pensait, ils ont répondu «oui». Ce ne pourrait pas être une alternative à la SEE dans tous les cas -- mais au moins, il pourrait avoir le choix. Je ne vois pas comment cela pourrait être un inconvénient.

Le sénateur Tkachuk: Je ne suis pas exportateur et je ne comprends pas ce domaine. Il me semble que la raison pour cela est qu'ils sont tous en dette, d'une façon ou d'une autre, envers la SEE pour l'aide qu'elle leur a fournie. Est-ce que ce ne serait pas aussi un obstacle à la concurrence? Après tout, ce que nous essayons de favoriser dans notre pays, c'est plus de compétition, plus d'exportations, plus de productivité et des produits moins coûteux.

Par exemple, supposons que la SEE, ayant le monopole du domaine, finance un exportateur de motoneiges qui envoie ses machines en Suède. Admettons qu'il y ait en Colombie-Britannique un petit fabricant malin, qui construit une meilleure motoneige, plus rapide et à moindre prix. Comment peut-il faire affaire avec la SEE? Le contrat de la première compagnie n'en serait-il pas menacé?

M. Plumptre: Je suppose que vous parlez de conflit d'intérêts.

Le sénateur Tkachuk: C'est exact.

M. Plumptre: Je ne doute pas que la SEE, une société d'État, affirmerait être tout à fait impartiale. Elle ne donnerait pas de préférence à quiconque. Tout le monde a également accès à ses services. Je ne me fais pas généralement son porte-parole, mais je pense que c'est ce qu'elle dirait.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que je peux vous demander qui elle choisirait dans cette situation? Je pense qu'il y a un problème.

M. Plumptre: Elle offrirait les mêmes modalités à l'un et à l'autre. Il est arrivé que deux exportateurs canadiens fassent une soumission pour le même contrat d'exportation outre-mer. Je suis assez convaincu que la SEE leur offrirait à tous les deux les mêmes conditions. Je suis sûr qu'elle y est obligée, qu'elle n'a pas le droit d'offrir un traitement de faveur à l'un et pas à l'autre. C'est comme ça que je vois les choses.

Le sénateur Grafstein: Au Canada, la SEE réalise pour 34 milliards de dollars d'affaires. J'ai essayé de voir sur vos graphiques les chiffres de la banque ExIm. Quel est le volume total en pourcentage? Le Canada compte, grosso modo, pour 10 p. 100 du chiffre des activités américaines. À combien s'élèvent les revenus d'ExIm, que ce soit avec ses transactions directes ou celles qu'elle réalise avec les banques?

M. Robbie: Est-ce que vous voulez savoir ce qu'ils offriraient comme garanties?

Le sénateur Grafstein: Oui.

M. Robbie: Je ne sais pas.

M. Leckie: C'est beaucoup moins. Je ne sais pas combien exactement, mais cela ne correspond pas à la règle des 10 p. 100. C'est probablement parce que les compagnies américaines font leur financement indépendamment et n'ont pas autant besoin d'aide à cette étape de leur développement. Ce sont des multinationales. Elles sont déjà sur place. Peut-être même qu'elles font la fabrication sur place.

Le président: Merci, messieurs. Cette réunion a été très instructive.

La séance est levée.


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