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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages du 10 février 2000


OTTAWA, le jeudi 10 février 2000

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 11 heures, pour examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international (Société pour l'expansion des exportations).

Le sénateur Leo E. Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Ce matin, nous accueillons des porte-parole de la SEE. Vous savez probablement que nous avons eu une séance avec les banquiers hier qui a semblé, à prime abord, contredire certaines de vos affirmations. On vous questionnera à ce sujet. Si vous avez des commentaires à faire à cet égard dans votre déclaration, je crois que ce serait une bonne idée de le faire.

Je souhaite donc la bienvenue à MM. Gillespie, Siegel, Ross et Mme Landry. Vous avez la parole.

[Français]

M. A. Ian Gillespie, président et chef de la direction, Société pour l'expansion des exportations: Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à nouveau à ce comité.

[Traduction]

Lors de ma présentation en décembre dernier, je vous ai fait part d'observations détaillées et j'aimerais commencer aujourd'hui par répéter trois points essentiels. Tout d'abord, la SEE offre des services que le secteur privé des services financiers n'est pas prêt à offrir en l'absence de garanties ou d'indemnisation. Ensuite, la SEE offre une valeur extraordinaire aux contribuables. Nous réalisons des bénéfices, nous sommes financièrement autonomes et, depuis la création de la société, nous avons appuyé 300 milliards de dollars d'exportations, tandis que l'avoir de l'actionnaire est resté inférieur à un milliard de dollars, milliard qui continue d'être productif. Le rendement des capitaux propres produit par la SEE excède le coût des immobilisations du gouvernement; par conséquent, il n'y a pas de coût de renonciation à l'investissement dans la SEE. L'an dernier, nous avons appuyé 40 milliards de dollars d'exportations qui représentent tous un revenu imposable des exportateurs. Enfin, le modèle de la SEE fonctionne bien, comme l'a confirmé l'examen de la loi. Nous estimons avoir atteint un bon équilibre entre les valeurs commerciales et notre mandat public. Nous sommes tenus par la structure de la régie de la SEE, y compris par l'examen de la loi comme tel, de rendre des comptes complets.

Permettez-moi de préciser maintenant les raisons pour lesquelles la SEE a de l'importance. Vous connaissez les données statistiques aussi bien que moi. Le commerce international représente actuellement plus de 40 p. 100 du PIB national; or, le rapport MacKay n'a jamais évoqué le lien essentiel entre le commerce international et le secteur des services financiers. La SEE compte parce que les banques canadiennes cherchent à maximiser leur valeur pour leurs actionnaires. Le financement du commerce international, en raison de l'instabilité des rendements et des capitaux requis, n'est pas un secteur suffisamment rentable pour elles. Les banques n'ont pas un aussi grand appétit pour le risque que les organismes de crédit à l'exportation, en fait, que la SEE.

Quand on se spécialise dans le financement du commerce international, il faut penser en termes d'opérations et d'engagements mondiaux. Les exportateurs canadiens disposent donc de moins d'options de financement que leurs concurrents étrangers. Ajoutez le fait que, sur le marché mondial, les exportateurs canadiens sont de petits joueurs et que leurs moyens de financer leurs activités internationales sont limités par rapport à ceux de leurs concurrents étrangers.

Même une entreprise comme Nortel, de loin la plus importante compagnie canadienne -- et comme l'a fait remarquer John Roth lors de son témoignage devant le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international --, se trouve sans cesse face à des défis pour trouver le financement nécessaire à ses transactions internationales. Elle tient en haute estime l'investissement fait par la SEE dans ses employés. En termes plus généraux, comme l'a souvent fait remarquer l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, la SEE compte parce qu'elle joue un rôle essentiel dans la création de la capacité financière dont ont besoin les exportateurs canadiens pour soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.

[Français]

Permettez-moi, d'autre part, de souligner qu'en raison de son mandat public, la SEE se distingue des autres institutions financières. Nous appliquons à la fois les meilleures politiques gouvernementales et les meilleures méthodes commerciales. L'objectif de la SEE est de maximiser les exportations et les investissements, et non les profits.

[Traduction]

En témoignent les petits exportateurs canadiens, qui représentent près de 90 p. 100 de notre clientèle et qui considèrent les services spécialisés de la SEE comme essentiels à leur capacité de livrer concurrence. Souvent, les PME ne peuvent pas obtenir ces services du secteur privé. L'an dernier, les services que nous avons offerts aux PME ont représenté près de 6,1 milliards de dollars.

En témoigne aussi l'appétit pour le risque de la SEE, névralgique si l'on veut le Canada maintienne et accroisse sa part de marché à l'extérieur des États-Unis ou sur d'autres marchés de l'OCDE. La SEE n'hésite pas à porter des éléments d'actifs à long terme à son bilan, tandis que d'autres cherchent à les faire circuler le plus rapidement possible. La SEE est prête à prendre des risques sur 200 marchés, soit plus du double du secteur privé.

Étant donné que vous avez entendu hier un certain nombre de banquiers qui s'occupent de financement du commerce international, j'aimerais vous parler maintenant de la façon dont la SEE collabore avec l'industrie des services financiers pour créer une plus grande capacité pour les exportateurs et les investisseurs.

[Français]

Comme l'examen de la loi l'a souligné, pour que les exportateurs et les investisseurs canadiens puissent profiter d'une plus grande capacité de financement, le moyen le plus efficace est que la SEE collabore avec les institutions financières commerciales.

[Traduction]

Comme la SEE ne peut à elle seule créer la capacité financière de l'ensemble des exportateurs et des investisseurs canadiens, pour que ceux-ci puissent profiter d'une plus grande capacité de financement, elle crée des partenariats avec tous les intervenants de l'industrie canadienne des services financiers, notamment les banques, les institutions financières non bancaires, les assureurs, les sociétés d'affacturage, les courtiers, les coopératives de crédit, les fonds de pension et les investisseurs institutionnels.

Nos relations dynamiques et croissantes avec les banques canadiennes méritent tout particulièrement d'être mentionnées. L'an dernier, les transactions que nous avons faites avec les banques canadiennes des annexes I et II pour appuyer les exportateurs et les investisseurs canadiens ont atteint 15 milliards de dollars. Ces transactions sont liées à nos principaux secteurs d'activité, soit l'assurance et le financement. Elles comprennent l'assurance à court terme, le financement direct, le financement de projet et l'assurance-crédits documentaires.

En plus de travailler étroitement avec les banques dans les secteurs du financement du commerce international, du financement de projet, de l'appui aux fonds de roulement et d'autres types de financement, la SEE entretient avec elles des relations en matière de trésorerie qui représentent plusieurs fois la totalité de ses activités principales. Ce sont les activités liées à la gestion de notre papier commercial, de nos obligations de change, de nos investissements sur les marchés monétaires, de nos emprunts à moyen et à long terme, de nos instruments dérivés et de nos rachats. Ces opérations sont cruciales pour que nous puissions remplir notre mandat public et génèrent par la même occasion des honoraires et des commissions considérables pour les banques. Au total, les activités SEE-banques ont dépassé 100 milliards de dollars en 1999, selon notre évaluation du marché.

Vous avez entendu un certain nombre de porte-parole des banques travaillant dans le secteur du financement du commerce international. Bien que chacune des banques canadiennes aient ses propres stratégies, je soupçonne qu'elles ont fait valoir l'argument classique en faveur d'une garantie globale pour les banques, en se fondant sur le modèle du prêteur de dernier ressort en vigueur aux États-Unis et en Europe. Comme l'examen de la loi l'a démontré, les exportateurs canadiens ne veulent pas de programme de garantie bancaire. Ils savent qu'un pareil programme ne créerait pas de capacité supplémentaire pour eux-mêmes et pour les investisseurs, qu'il entraînerait plutôt des coûts supplémentaires et des délais -- ce qui n'aide pas à être plus concurrentiel.

Les banques canadiennes disposent d'un programme assorti d'une garantie totale auprès de l'ExIm Bank des États-Unis. Elles ont probablement prôné ce modèle, comme elles le font depuis plus de 15 à 20 ans. Or, en 1999, le montant total des activités des banques canadiennes de l'annexe I avec l'ExIm Bank a été de 250 millions de dollars, contre 15 milliards de dollars de transactions avec la SEE -- de plus, une partie de ces 250 millions de dollars est allée à Boeing Aircraft. De toute évidence, les garanties ne sont pas la panacée pour les banques canadiennes qui s'engagent dans le financement du commerce international. Leur rhétorique sonne un peu creux à cet égard.

Je pourrais peut-être ajouter également que l'ExIm Bank des États-Unis est loin de faire le bonheur des banques américaines et des exportateurs américains. De plus, dans d'autres pays de l'OCDE, ce sont les contribuables qui ont fait les frais des garanties, qui entraînent des pertes et des attributions de crédit se chiffrant en milliards de dollars. Je crois avoir déjà mentionné, en décembre dernier, que l'ExIm Bank des États-Unis obtient des crédits annuels dépassant le total versé en capital à la SEE pour soutenir moins de transactions.

Tous les feux sont braqués sur l'organisme correspondant au nôtre au Royaume-Uni, dans le cadre d'un examen de son mandat, pour cette même raison. Nous estimons que le modèle canadien est celui qui convient au Canada. Comme j'en ai déjà discuté avec les dirigeants des banques, il faut plutôt consacrer notre énergie à la création de liens encore plus forts qui créeront vraiment une plus grande capacité pour les exportateurs. L'idée n'est pas de travailler l'un contre l'autre, mais bien de travailler ensemble pour le bénéfice des exportateurs.

Avant de terminer, permettez-moi de faire brièvement quelques commentaires sur le rapport du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Le rapport Gowlings et celui du comité appuient fortement les principes commerciaux et l'orientation stratégique de la SEE. La SEE accueille favorablement quant à elle la plupart des recommandations du comité permanent. Cependant, un certain nombre de suggestions du comité permanent limiteraient la souplesse de la SEE et, en définitive, sa capacité de faire davantage.

Plus particulièrement, le comité permanent a mis en relief certaines questions touchant la société civile, ce qui est bien. Cependant, ce n'est pas en proposant plus de lois et de règlements que l'on résoudra les préoccupations de la société civile. La meilleure solution serait une structure plus solide de la régie d'entreprise, qui tiendrait compte de l'évolution des pratiques commerciales. L'enjeu principal est de déterminer la meilleure façon pour la SEE d'établir un équilibre entre la société civile et les besoins commerciaux et concurrentiels de ses clients. Des modifications précises à la loi pour tenir compte des préoccupations de la société civile en compliqueraient et en compromettraient l'interprétation. La SEE et ses clients se trouveraient exposés à des litiges qui pourraient paralyser les exportateurs canadiens ou les rendre non concurrentiels.

Nous croyons qu'une structure raffermie de la régie d'entreprise peut offrir l'orientation appropriée pour les opérations de la SEE. La régie d'entreprise de la SEE devrait comprendre un conseil d'administration solide et responsable, un plan de la société axé sur l'avenir et approuvé tous les ans par le gouvernement, des vérifications annuelles du vérificateur général, relevant directement du Parlement, et une vérification spéciale complète effectuée par le vérificateur général tous les cinq ans. L'examen de loi -- processus ouvert, complet et transparent -- est lui-même un élément clé de la régie d'entreprise, de la reddition de comptes et de la transparence.

En confirmant que la SEE est une société d'État commerciale aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques comme le recommande l'examen de la loi, on aiderait à renforcer la régie d'entreprise.

Nous cherchons continuellement à renforcer notre régie et nos pratiques de reddition de comptes. Depuis 1997, nous prenons des mesures concrètes sur de nombreux fronts pour faire en sorte de bien comprendre nos responsabilités. Nous avons élaboré et mis en place un cadre de référence pour l'examen des questions environnementales dont s'inspirent d'autres organismes de crédit à l'exportation. Nous avons également assumé le leadership dans les négociations environnementales internationales. Nous avons, en outre, adopté un code d'éthique et un code de conduite qui témoignent de notre engagement à l'égard de pratiques commerciales et éthiques. Nous sommes actuellement en train d'apporter des améliorations au cadre de divulgation qui entraîneront plus de transparence, tout en reconnaissant l'importance que nous devons accorder à la confidentialité des renseignements commerciaux sur nos clients.

On peut dire que la SEE joue un rôle plus important que tout autre organisme de crédit à l'exportation du monde industriel auprès de ses clients canadiens. Les exportateurs ont demandé -- et l'examen de la loi l'a confirmé -- que ne soient pas limitées les aptitudes de la SEE à créer la capacité financière pour les transactions internationales. Les entreprises canadiennes comptent sur l'expertise et l'efficacité de la SEE, et l'économie canadienne est tributaire du succès des exportateurs et des investisseurs canadiens sur les marchés mondiaux. Les principaux facteurs du succès de la SEE ne sont pas seulement les compétences de son personnel, mais aussi sa souplesse, sa capacité de répondre aux demandes de ses clients et sa capacité de générer du financement auprès d'autres institutions financières. Il est essentiel que nous conservions cet avantage concurrentiel et que nous l'accroissions.

Je terminerai en disant que la SEE et le secteur canadien des services financiers ont fait de grands progrès jusqu'ici pour créer une capacité supplémentaire pour les exportateurs et investisseurs canadiens. Toutefois, il ne faut pas se contenter du statu quo. Au cours de la dernière décennie, la SEE a vu ses activités décupler, et son volume d'affaires a franchi la barre des 40 milliards de dollars en 1999. Nous avons aujourd'hui plus de 5 000 clients, mais nous pouvons faire encore mieux, et nous nous y consacrons. Le plan de la société fixe un objectif de 10 000 clients en 2004. Nous avons pris l'engagement de mieux répondre aux besoins des PME, de faire preuve de plus d'efficacité à l'égard de nos clients en investissant davantage dans la technologie et de pénétrer davantage les secteurs émergents tels que les exportations culturelles et environnementales.

Nous devons par-dessus tout créer encore plus de capacité avec des partenaires du secteur privé, car c'est de cette capacité dont les exportateurs et investisseurs canadiens ont besoin pour soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. Exploitons ce potentiel -- dans notre intérêt réciproque mais, de manière encore plus importante, dans l'intérêt des exportateurs et des investisseurs canadiens qui doivent faire face à un marché mondial extrêmement concurrentiel.

Le sénateur Kroft: Monsieur Gillespie, je tiens à dire au départ que j'admire beaucoup la SEE; toutefois, cela ne signifie pas que je n'ai pas de questions légitimes à poser. Vous avez probablement suivi de près les audiences d'hier et vous transigez à l'amiable avec les banques depuis longtemps. D'une façon ou d'une autre, plusieurs d'entre nous ont de la difficulté à saisir l'enjeu.

Je dirai au départ, comme je l'ai fait hier, que je me préoccupe moins, en tant que législateur, de qui obtient quoi, des banques ou de la SEE, que de l'atteinte des objectifs définis dans la politique gouvernementale.

Deux aspects m'intéressent particulièrement. Tout d'abord, j'aimerais en savoir davantage sur votre clientèle. Que pouvez-vous me dire au sujet de cette alliance des exportateurs? Je sais que vous n'êtes pas leur porte-parole, mais leur appui contribue pour beaucoup à votre position. Font-ils partie du même groupe que l'association plus générale des exportateurs canadiens, font-ils partie du même groupe que les manufacturiers ou s'agit-il d'un groupe différent?

M. Gillespie: L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada est un amalgame de l'ex-Association des exportateurs canadiens et de l'Association des manufacturiers canadiens. Elles se sont regroupées il y a quelques années déjà. Je n'ai pas les chiffres à portée de la main, mais je crois que l'Alliance a affirmé, dans son mémoire, que ses membres représentaient entre 85 p. 100 et 90 p. 100 de toutes les exportations canadiennes.

Le sénateur Kroft: Il s'agit de savoir si ses membres, ou plutôt les participants actifs qui dirigent l'organisme, reflètent toutes les grandes, petites et moyennes entreprises d'exportation, ou s'ils n'expriment que les vues d'un groupe plus limité de grands exportateurs. Dans un cas comme dans l'autre, il n'y a rien de mal à cela. Toutefois, il importe de savoir qui l'organisme représente quand on pose des questions. Par exemple, les membres du conseil d'administration ou du comité exécutif ont-ils tendance à venir des très grandes entreprises ou peuvent-ils avoir des liens avec des petites entreprises lorsque vient le temps d'élaborer la politique?

M. Gillespie: Il vaudrait peut-être mieux que ce soit eux qui répondent à cette question, mais il est juste de dire que l'organisme compte toutes sortes de membres et qu'il est représentatif de l'ensemble des exportateurs canadiens. Les sociétés parmi les plus importantes au Canada en font partie, tout comme de petits exportateurs et des banques.

Le sénateur Kroft: Comment décririez-vous le portefeuille d'activités de la SEE par rapport à toutes les tailles d'entreprise au Canada? Il doit y avoir un processus de pondération ici, parce qu'une seule transaction de Bombardier ou d'une compagnie aérienne en occultera 50 autres. J'aimerais avoir l'assurance qu'en fait, vous êtes au service de tous les exportateurs. Je n'aborderai pas le volet assurance tout de suite. J'essaie de me concentrer sur le financement.

M. Gillespie: Sénateur, d'après les données de base, l'an dernier, nous avons aidé plus de 5 100 clients. Quatre-vingt-dix pour cent de ces clients étaient des petites et moyennes entreprises. La moitié était des exportateurs que nous qualifions d'exportateurs émergents, des exportateurs qui réalisent des ventes à l'exportation d'une valeur de moins de un million de dollars. Du volume des transactions de 40 milliards de dollars, 15 p. 100 avaient rapport avec l'activité de petites et moyennes entreprises, et les 85 p. 100 qui restent visaient les plus importants clients auxquels vous avez fait allusion comme Nortel et Bombardier.

M. Siegel vient justement de me signaler que cela se comparerait en réalité plus favorablement que la base réelle d'exportateurs sur le marché. Le portefeuille a connu une croissance tout à fait exceptionnelle en termes du nombre de clients que nous avons aidé au cours des cinq à dix dernières années, tant en nombre qu'en termes de dollars. Je crois que nous avons déjà fourni des tableaux à ce sujet.

Le sénateur Kroft: Voilà qui est intéressant et, en fait, rassurant. Les banques ont aussi fait valoir hier qu'à cause de la situation actuelle, les transactions se font simplement au sein d'autres juridictions. Il semble que, parce qu'il n'est pas possible aux banques de participer ici au financement, les exportateurs concluent leurs marchés ailleurs -- aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?

M. Gillespie: Oui, certes. Je pourrais peut-être demander à M. Siegel de vous parler de certaines des questions qui ont été soulevées hier. Il y a eu quelques inexactitudes, si je puis m'exprimer ainsi, dont nous aimerions vous parler et nous aimerions vous donner un aperçu plus général du paysage.

M. Eric Siegel, vice-président-directeur, Services financiers à moyen et à long terme, Société pour l'expansion des exportations: Sénateur, j'ai eu l'occasion d'entendre le témoignage des banques hier. De toute évidence, on a exprimé beaucoup d'opinions. Je ne m'arrêterai pas aux opinions particulières, car je crois que nous rétablirons les faits durant les questions. Par contre, certaines déclarations étaient trompeuses ou inexactes, et il serait utile selon moi d'apporter des corrections ou des explications pour que vous puissiez juger convenablement de la position des banques.

On a entre autres affirmé que la SEE est un organisme unique, en ce sens qu'elle a la capacité de prêter directement à l'exportateur. Ce n'est pas vrai. La SEE n'est pas la seule. D'autres organismes de crédit à l'exportation ont la même capacité. Ainsi, l'ExIm Bank des États-Unis a la même capacité. Elle préfère offrir des garanties, mais par le passé elle a consenti des prêts directs et elle en a toujours la capacité. On a aussi cité Epic d'Australie comme étant également un assureur, plutôt qu'un avaliseur. Pourtant, il peut consentir des prêts directs. De fait, KFW, que certains d'entre vous connaissent peut-être, un organisme allemand qui est actuellement la plus grande source de soutien des exportations allemandes à l'étranger, est une institution de prêts directs. Il ne s'agit ni d'un assureur ni d'un avaliseur.

On a aussi dit que les activités de la SEE étaient limitées par le «Consensus». Les sénateurs savent que les pays de l'OCDE ont une entente qui fixe les taux des primes et les modalités de soutien officiel au commerce extérieur offerts par les organismes de crédit à l'exportation. On a laissé entendre que la SEE ne pouvait pas offrir plus que ces modalités. En fait, on a affirmé que nous ne pouvions pas financer plus de 85 p. 100 de la transaction. C'est faux. Dans cette entente, des dispositions permettent de financer jusqu'à 100 p. 100 de la transaction. Tout organisme de crédit à l'exportation peut également déroger à ces modalités, à condition d'offrir des modalités qui soient vraiment fonction du marché. La SEE, de même que d'autres organismes, peut le faire et le fait effectivement.

Dans notre témoignage de décembre dernier, nous avons mentionné que nous soutenons l'exportation d'aéronefs. Ce soutien est offert dans des conditions commerciales, conditions qui déborderaient du cadre prévu par les arrangements consensuels précis.

Je le mentionne parce que le porte-parole d'une des banques a aussi affirmé que la SEE se servait de cette possibilité, en fait de ce qu'on a appelé le coût inférieur du financement, pour offrir des taux d'intérêt plus bas. Je crois qu'on a parlé de taux inférieur à celui des banques. J'affirme que c'est faux. Le recours par la SEE à cette possibilité -- et l'OMC a passé en revue la SEE récemment à cet égard -- se fonde sur le fait que la SEE offre des taux et des modalités tout à fait conformes à ce qu'offrent les institutions commerciales sur le marché.

Le meilleur exemple que je peux vous en donner est la vente d'aéronefs aux États-Unis. Nous sommes loin d'être les seuls prêteurs de Bombardier lorsqu'elle vend un avion à une ligne aérienne régionale des États-Unis. Elle fait constamment et régulièrement appel aux marchés commerciaux pour trouver le financement. Les modalités en vertu desquelles la SEE la soutient sont exactement les mêmes que celles des banques.

Dans certains cas, nous avons craint que le rendement associé à ce financement ne soit pas proportionnel au risque, et nous nous sommes donc retirés de la transaction, alors que la banque a décidé d'aller de l'avant.

Le sénateur Kroft: J'aimerais vous interrompre parce que vous avez abordé une autre question que j'allais vous poser. L'avantage du coût en capital est de toute évidence un des principaux facteurs préoccupants. L'absence d'imposition et le faible coût en capital sont les deux avantages les plus évidents qui ont été mentionnés.

Pourriez-vous nous en dire plus au sujet du point que vous êtes en train de faire valoir? Il serait très utile de comprendre quel genre de surveillance est exercée par l'OMC ou par d'autres instances de commerce international en vue d'assurer une certaine uniformité des taux.

Comme vous l'avez fait remarquer, on laisse entendre que vous pourriez utiliser ces avantages économiques. Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet du processus? Vos taux sont-ils constamment surveillés? Existe-t-il un barème d'écarts que permet l'OMC? Qu'est-ce qui vous oblige à demeurer concurrentiels?

M. Gilles Ross, premier vice-président du Contentieux et secrétaire, Société pour l'expansion des exportations: Sénateur, comme vous le savez, l'an dernier, le financement par la SEE dans le secteur des aéronefs régionaux a été contesté devant l'OMC, et il a fallu que la SEE convainque le groupe d'experts que le financement qu'elle offre est fait selon les conditions commerciales. En d'autres mots, elle n'offre pas à l'exportateur d'avantages qu'il ne pourrait pas obtenir sur le marché. Le groupe d'experts lui a donné raison. Selon lui, il n'y a pas de subventions dans les transactions effectuées sur le compte de la société. On a interjeté appel de cette décision, et l'instance d'appel l'a confirmé. Pour obtenir ces résultats, il a fallu que la société prouve au groupe d'experts et à l'organe d'appel qu'elle mène ses activités en fonction de principes commerciaux.

L'OMC ne présente pas de grille de taux d'intérêt ou de rendements. Cependant, elle ne sera satisfaite que si on peut démontrer qu'effectivement les principes du marché sont appliqués.

Le sénateur Angus: Nous avons discuté de l'analyse du rapport Gowlings. Certains d'entre vous ont assisté hier à la réunion au cours de laquelle nous avons entendu le témoignage de représentants des grandes banques.

La recommandation 14 du rapport Gowlings est la suivante:

Le gouvernement devrait mettre à la disposition des banques un programme rattaché au Compte du Canada qui offrirait des garanties à l'égard des prêts assujettis aux règles du Consensus. Le coût de l'établissement et de la mise oeuvre de ce programme serait imputé aux banques par l'entremise de frais de garanties en fonction du risque conformément au Consensus. Le programme ne serait établi que si un nombre suffisant de banques était prêt à y souscrire.

Après avoir entendu des témoignages et examiné tous les faits et les documents importants, le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes a conclu, au sujet de la recommandation 14, ce qui suit:

Le comité recommande au gouvernement d'étudier attentivement la question de la mise sur pied d'un nouveau programme de garantie des prêts à moyen terme assujettis au Consensus qui seraient consentis par les banques, et de prendre une décision en fonction des meilleurs intérêts des exportateurs canadiens et pour le bénéfice du Canada.

L'étude Gowlings faisait partie de l'examen de la loi. Le comité permanent de la Chambre des communes l'a approuvé. Toutes les grandes banques à charte du Canada, à l'exception de la Banque nationale du Canada, qui n'était pas représentée ici hier, ont comparu devant notre comité parlementaire; elles nous ont dit qu'elles appuyaient sans réserve ces recommandations, et elles nous ont conseillé fortement de recommander qu'elles soient mises en oeuvre. Cela dit, j'ai beaucoup de mal à comprendre les réticences assez fortes de la SEE à cet égard.

Quelles sont vos objections à ce sujet? Quel mal cela aura-t-il? Je comprends que comparer le Canada et les États-Unis, c'est comme comparer des pommes et des oranges, et nous pourrons peut-être en discuter plus tard. Il reste que le Canada est le seul à fonctionner de la sorte. Vous avez fait remarquer que c'est parce que la situation du Canada est complètement différente, et le reste, ce qui n'est pas nécessairement relié.

Je m'intéresse à la recommandation 14. La loi qui exige cet examen nous est connue de tous. L'examen a eu lieu et la recommandation 14 est unanime.

Vous vous opposez toujours. Je sais que vous êtes des gens sérieux. Comme le sénateur Kroft, j'ai beaucoup de respect pour ce que vous avez réussi à accomplir. Je suis heureux que vous existiez dans bien des cas. Cependant, j'aimerais bien que les institutions du secteur privé participent davantage au financement du commerce international.

Les banques reconnaissent elles-mêmes qu'elles ne peuvent spécialiser leur personnel dans le domaine du financement du commerce international parce que leurs activités ne sont tout simplement pas assez importantes dans ce domaine, en vertu du régime actuellement en vigueur. Cela me dérange beaucoup. Franchement, j'ai été vraiment troublé de voir, quand je me suis adressé à elles au nom de clients, qu'elles en connaissent bien peu sur le financement du commerce international. Elles veulent s'améliorer, comme vous voulez qu'elles s'améliorent sans doute. Vous ne voulez pas vous réserver tout le gâteau. Il doit bien y avoir une autre raison pour laquelle vous vous opposez à la recommandation 14.

M. Gillespie: Merci de me poser cette question. Elle est cruciale dans toute cette discussion. D'après nous, cela ne créerait pas une plus grande capacité, mais augmenterait les coûts pour les contribuables et les coûts pour les exportateurs. Bref, cela n'aide en rien la compétitivité du Canada.

Comme je l'ai indiqué, cette question est discutée depuis au moins le début des années 80. Elle a été au coeur d'un débat acrimonieux en 1986 quand nous avions des activités d'environ 3,5 milliards de dollars au total. À cette époque, le ministère des Finances, entre autres, a convenu que cela n'avait pas sens, que cela coûtait trop cher et que le Trésor devrait financer ce que les banques préconisaient.

Depuis 1986, nous avons versé une aide d'environ 250 milliards de dollars. Nous avons généré des revenus nets de centaines de millions...

Le sénateur Angus: Vous avez très bien réussi. Personne ne le conteste.

M. Gillespie: La question est revenue sur le tapis en 1994. Encore une fois, les banques ont fait valoir au gouvernement qu'elles avaient besoin de garanties. À l'époque, le gouvernement a dit que nous aurions une structure de garanties et que nous aurions trois principes. Je vais vous rappeler ces principes.

Premièrement, les intérêts des exportateurs canadiens sont primordiaux et, à cet égard, la participation des institutions financières devrait accroître le financement mis à la disposition des exportateurs, selon des conditions plus compétitives. Les banques n'ont pas encore pu montrer comment elles pourraient accroître la capacité et être plus concurrentielles. Deuxièmement, il ne faut pas accroître les coûts du Trésor. Troisièmement, il faudrait que le partage des risques soit plus grand entre les institutions financières et la SEE, de façon à refléter la réalité du marché.

C'est le cadre de garanties que les banques ont approuvé en 1994 et qui est toujours en vigueur aujourd'hui. Comme le représentant de la Banque de la Nouvelle-Écosse l'a indiqué dans son témoignage hier:

En résumé, si l'option de garantie des banques n'apporte rien aux exportateurs, ils s'en détourneront. Il ne s'agit pas de remplacer le mode de financement direct de la SEE, mais plutôt d'ajouter une option. Si les exportateurs boudent cette option, celle-ci mourra dans l'oeuf [...]

Les banques l'ont boudée. Elles ne sont pas intéressés au modèle de partage des risques et aux paramètres établis en 1994.

De plus, comme je l'ai indiqué, il est toujours question de la ExIm Bank des États-Unis. Une seule banque canadienne a engagé des activités de plus de 50 millions de dollars avec cette banque l'an dernier, une seule. La ExIm Banks des États-Unis est la panacée pour les exportateurs canadiens. Le montant total des activités de l'ensemble des banques canadiennes avec l'ExIm Bank a été de 250 millions de dollars, pour le financement de quelques avions Boeing et quelques autres transactions.

Comme je l'ai indiqué, nos activités avec les institutions financières canadiennes ont dépassé 100 milliards de dollars dans l'ensemble.

Vous entendez parler du financement du commerce international des banques, pas du financement des projets. Vous n'entendez pas parler des banquiers commerciaux, ni des activités en matière de trésorerie, ni des prêts de fonds de roulement qui dépendent beaucoup des programmes de la SEE.

Il y a quelques années, nous avons établi le Programme de garantie générale sur les créances, qui devait, selon nous, précisément aider les banques à accroître le fonds de roulement mis à la disposition des petites et moyennes entreprises exportatrices. Ce n'était pas une assurance, parce que les banques ont toujours dit qu'elles avaient beaucoup de difficulté avec les assurances. On peut toujours rejeter la responsabilité. Nous avons donc offert ce programme de garantie générale sur les créances. Malheureusement, pour diverses raisons, le programme n'a pas eu le succès escompté, notamment parce que les banques ne pouvaient pas relier toutes leurs succursales, d'un océan à l'autre, au réseau pour fournir le service par voie électronique. Nous voulions nous servir de la technologie pour offrir le produit, mais les banques ne pouvaient pas le faire.

Le deuxième grand problème, c'est que les directeurs de succursale offrent beaucoup de produits, et que la garantie de la SEE n'est qu'un produit parmi 20 ou 30 autres. Les banques préfèrent, quand elles peuvent, assumer le risque et prendre les profits, plutôt que d'assumer le risque et remettre une bonne partie de l'argent à la SEE en frais de garantie. Nous avons été très déçus. C'était un programme de garanties. Il est certain que les banques reviennent sur le sujet. Le rapport Gowlings leur a permis de le faire.

J'aimerais aussi souligner que les banques n'ont pas présenté de mémoire aux examinateurs de Gowlings. Les banques n'ont pas non plus présenté de mémoire, autant que je sache, au comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Le sénateur Angus: Je m'excuse de vous interrompre, monsieur, mais c'est fort à propos. Ne pensez-vous pas que les examinateurs de Gowlings ont formulé cette recommandation de leur propre initiative? Qu'ils n'avaient pas besoin des pressions et des représentations des banques?

M. Gillespie: Le cabinet Gowlings ne comprenait pas pourquoi les banques canadiennes n'offrent pas ce service.

Le sénateur Angus: Ne lui avez-vous pas présenté votre point de vue?

Désolé, poursuivez, j'ai touché une corde sensible.

M. Gillespie: Ce qui est intéressant, c'est que nos activités ont atteint 3,5 milliards de dollars en 1996 et 40 milliards de dollars l'an dernier. La collaboration avec les banques canadiennes n'a jamais été aussi grande. Nos relations sont plus étroites que jamais. C'est attribuable au rapport Gowlings. Il est certain qu'elles ne veulent pas payer, mais nous leur disons qu'il n'y a rien de gratuit.

Le sénateur Angus: Allez-vous payer quelque chose?

M. Gillespie: Les contribuables canadiens vont payer quelque chose.

Le sénateur Angus: Mais la SEE va-t-elle payer quelque chose?

M. Gillespie: Cela ne fera pas accroître la capacité.

Le sénateur Angus: Nous essayons, de bonne foi, de donner suite au rapport Gowlings conformément à l'examen que des législateurs avant nous ont eu la sagesse d'inscrire dans la loi. Nous trouvons que vous n'avez pas réussi à convaincre le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, ni les examinateurs du cabinet Gowlings, de ne pas donner suite à la recommandation 14. Nous sommes saisis de cette recommandation qui nous est livrée, en quelque sorte, avec des témoignages d'experts à l'appui. C'est très convaincant, et je crois, sauf erreur, parler au nom de tous mes collègues. Vous êtes les seuls à réfuter cette proposition. D'ici à ce que j'aie une meilleure idée de la situation ou, peut-être, qu'on me convainque du contraire, je dois dire que je crois que vous avez un parti pris. C'est pourquoi je vous demande ce que vous avez à perdre.

Disons que nous sommes persuadés qu'il faut mettre en oeuvre la recommandation 14, la vie va suivre son cours, et nous verrons bien ce qui se passe. Vous dites entre autres que cette option sera boudée. Mais la SEE va poursuivre ses activités. Les banques ne pourront plus faire valoir un argument qui vous dérange, si je comprends bien, elles pourront profiter de cette mesure -- comme elles nous l'ont expliqué de façon éloquente hier, même si vous semblez contester la plupart de leurs propos -- et arrêter de revendiquer. C'est ce qui me déplaît de la position de la SEE.

M. Gillespie: La SEE soutient simplement que notre mandat est de venir en aide aux exportateurs et aux investisseurs canadiens dans le monde. Leurs intérêts sont primordiaux. Oui, nous allons contester toute décision qui, selon nous, nuira à la compétitivité des exportateurs canadiens. Nous pensons que cela va retarder le règlement des transactions. Nous pensons que cela va augmenter les coûts pour les exportateurs et, par conséquent, réduire les activités commerciales.

Le sénateur Angus: Je comprends. Ce sont vos deux principaux arguments et je les ai notés.

M. Gillespie: Ce sont les contribuables qui en paieront la note. L'ABC est d'avis que la SEE remplirait mieux son mandat si elle perdait de l'argent. Je ne suis pas de cet avis.

Le sénateur Angus: Je crois, comme vous venez à peine de le reconnaître, du moins par votre langage corporel -- et j'ai le sentiment que vous étiez tous les quatre du même avis -- que vous n'êtes pas tout à fait objectif à ce sujet. Vous avez un parti pris.

M. Gillespie: Nous prenons le parti de faire croître la capacité des exportateurs canadiens et c'est la raison pour laquelle le montant de nos activités est passé de 3,5 milliards de dollars à 40 milliards de dollars.

Le sénateur Angus: Vous êtes les seuls à offrir le service.

M. Siegel: Sénateur, je me demande si je ne pourrais pas vous aider à rétablir les faits.

Sénateur Angus, vous avez parlé des activités assujetties aux règles du consensus par les banques. Pour vous donner une idée de la situation, il s'agit de 25 p. 100 des activités de prêt de la SEE, qui ont atteint 6,1 milliards de dollars l'an dernier. Ce n'est pas 25 p. 100 de 40 milliards de dollars, mais 25 p. 100 de 6,1 milliards de dollars. C'est la proportion des activités qui sont assujetties aux règles du consensus. Le reste répond aux conditions du marché.

Pour comprendre l'ampleur de la situation, il faut commencer par comparer cela à nos activités de financement de projets et à notre collaboration avec les banques. En fait, les banques nous demandent, non pas une garantie, mais de financer la transaction. Comme un représentant la Banque Toronto Dominion l'a dit hier, c'est une question de financement par syndicat et de distribution. Il ne s'agit pas de conserver l'argent dans leur propre compte. Elles veulent une garantie pour pouvoir vendre sur le marché. C'est ce qu'elles font avec la garantie de l'ExIm Bank des États-Unis.

Le sénateur Angus: C'est aussi en raison des règles Ball et parce qu'elles n'ont pas besoin d'investir tout le capital.

M. Siegel: Elles veulent une garantie du gouvernement du Canada. Elles peuvent financer par syndicat et vendre sur le marché.

Dans le cas du financement de projets, depuis 1997, la SEE -- et seulement avec les banques canadiennes sans compter les autres activités de financement de projets -- s'est occupée de structurer le financement de projets pour une valeur d'un peu moins de 13 milliards de dollars, tandis que les six grandes banques canadiennes -- seules ou ensemble -- s'occupent des arrangements à ce sujet. Seulement notre participation au financement atteint 1,2 milliard de dollars. Les banques nous demandent de financer des projets et de garder l'argent, et pas comme garantie, parce que nous faisons partie des institutions à qui on a confié le placement de la dette.

Le sénateur Angus: Je comprends, et vos résultats sont remarquables jusqu'à maintenant, mais je ne peux pas croire que six représentants sérieux de grandes institutions du secteur privé viendraient rencontrer un comité du Parlement, ce qu'ils ne font jamais sans inquiétude aujourd'hui, pour nous demander quelque chose sans raison valable.

Autre chose m'inquiète au sujet de l'assurance crédit. Durant son étude, le cabinet Gowlings s'est demandé si la SEE ne devrait pas abandonner ce domaine. Il a conclu que non, que vous remplissez un rôle utile, que le secteur privé offre une solution de rechange raisonnable, et le reste. Pourtant, récemment, j'ai entendu dire que la SEE a décidé, de sa propre initiative, de mettre une nouvelle mesure à l'essai. Je ne sais pas si c'est vrai, mais la SEE aurait choisi de déléguer ses activités d'assurance crédit à la London Guarantee Insurance Company ou de la faire participer à ses activités. Est-ce vrai? Dans l'affirmative, pourquoi avez-vous choisi la London Guarantee plutôt que Kelleher et Angus, par exemple, ou quelqu'un d'autre?

M. Gillespie: Nous ne savions pas qu'une autre compagnie d'assurance de ce nom était intéressée à ce marché.

Le sénateur Angus: Vous savez ce que je veux dire.

M. Gillespie: Oui. Nous nous sommes rendu compte, au sujet de l'assurance à court terme, que les exportateurs canadiens ont besoin d'une capacité plus grande pour les créances sur le marché national. La SEE est régie par certaines règles actuellement, et ce ne sera pas une bonne solution à long terme pour les exportateurs. Nous voulons accroître la capacité du marché intérieur.

Nous avons évalué toutes les compagnies d'assurance du Canada intéressées à offrir de l'assurance crédit et nous avons établi des critères pour décider qui conviendrait le mieux. La London Guarantee s'est clairement classée en tête de liste. Nous avons travaillé avec elle au cours des derniers mois pour déterminer comment établir un partenariat lui permettant d'accéder au marché et d'accroître la capacité sur le marché national.

Vous avez peut-être entendu parler d'une autre compagnie canadienne, la Guarantee Company of North America, qui est une société de cautionnement et qui avait déjà parlé de se lancer dans le domaine de l'assurance sur le marché national. M. Quenneville, qui a comparu devant le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, a dit bien clairement dans son témoignage qu'il n'avait absolument aucun intérêt à travailler avec le SEE. Je pense que son entreprise aurait pu être un autre candidat possible mais il est apparu bien clairement, au cours des derniers mois, que cette compagnie ne voulait pas travailler avec la SEE dans le domaine de l'assurance sur le marché national.

Le sénateur Angus: Votre réponse m'est très utile. Je trouve que c'est une réponse valable aux propos qu'on entend à l'extérieur sur la concurrence avec le secteur privé. J'espère que, dans le même esprit, vous voudrez bien réexaminer la recommandation 14.

Le sénateur Oliver: Ce que vous avez répondu au sénateur Angus au sujet de l'importante recommandation 14 m'a intéressé. Comme le sénateur Angus, je ne suis pas persuadé que les deux arguments que vous faites valoir sur les coûts additionnels et les délais prolongés sont des raisons suffisantes pour ne pas y donner suite. J'ai aussi des craintes au sujet de ce que j'appelle le pouvoir de monopole, c'est-à-dire quand une société de la Couronne protégée est avantagée sur le marché libre. Cependant, j'y reviendrai au deuxième tour de questions, s'il y en a un.

Il y a un sujet qui me préoccupe. Il en a été question devant le comité de la Chambre des communes et dans le rapport Gowlings, et vous en parlez aujourd'hui à la page 9 de votre mémoire. J'aimerais que vous apportiez des précisions sur ce que vous faites. Je parle de tout le concept de la régie d'entreprise, de la divulgation, de la protection des droits de la personne, de l'environnement et du commerce. À la page 9 de votre mémoire, vous dites:

Et nous sommes actuellement en train d'apporter des améliorations au cadre de divulgation qui entraîneront plus de transparence, tout en reconnaissant l'importance que nous devons accorder à la confidentialité envers nos clients sur le plan commercial.

Allez-vous consulter et, si oui, qui allez-vous consulter pour rédiger vos lignes directrices?

Pour ce qui est de l'évaluation environnementale, vous avez dit que vous avez déjà élaboré et mis en oeuvre un cadre d'examen environnemental, ce que n'a pas critiqué le comité de l'autre endroit. Le comité a dit que vos lignes directrices sur l'évaluation environnementale n'étaient pas assez précises et qu'il n'y avait pas de critères objectifs ou de points de référence. Pour reprendre les termes employés, on a dit que ce cadre «semble dépourvu de clarté aux niveaux de la substance et de la méthodologie». On a demandé de préciser dans la Loi sur l'expansion des exportations que la SEE «doit» chercher à promouvoir les meilleures pratiques commerciales possibles.

Au sujet de votre code d'éthique commerciale et de vos normes, vous pourriez peut-être nous donner un exemple de ce que vous faites quand vous assurez le financement du commerce international en Chine ou dans un régime où il y a violation des droits de la personne. Parlez-nous des principes d'ordre éthique que vous appliquez dans une situation semblable.

M. Gillespie: Je vais demander à Mme Landry de parler de la divulgation et à M. Siegel des aspects environnementaux.

Cependant, j'aimerais dire en guise d'introduction que le cadre de divulgation en est à l'étape de l'élaboration à l'interne actuellement. Nous allons en discuter avec le conseil d'administration à l'une de ses prochaines réunions avant d'aller plus loin.

Le sénateur Oliver: Si j'ai bien compris, vous envisagez de réviser votre code d'éthique en l'an 2000, n'est-ce-pas?

M. Gillespie: Nous examinons le code d'éthique tous les ans. Il a été élaboré il y a deux ans après des consultations avec des représentants de la Clarkson School de Toronto. Nous avons établi un cadre qui nous paraît rigoureux et exhaustif. Tous les employés, autant que les administrateurs, doivent le signer chaque année. Nous revoyons sa pertinence tous les ans. Je crois que c'est ce que vous voulez dire.

J'aimerais demander à Mme Landry de vous parler plus en détail de la divulgation, et à M. Siegel de l'environnement.

Mme Louise Landry, vice-présidente, Performance générale et communications, Société pour l'expansion des exportations: Sénateurs, j'aimerais vous donner une idée du processus de responsabilité de la SEE. Je vais ensuite vous parler des améliorations que nous songeons à apporter à la divulgation.

Comme vous l'avez appris en lisant la documentation, la SEE s'est dotée d'un processus de responsabilité complet. D'abord, elle a un conseil d'administration qui est axé principalement sur le secteur privé et qui participe étroitement à l'élaboration de la stratégie de l'organisation. Le conseil est aussi composé de représentants du gouvernement. Nous tenons donc compte de certaines des orientations du gouvernement pour établir nos plans d'action.

Nous soumettons également au Parlement et au gouvernement le plan de la société. Nos plans sont en fait assujettis à un examen et approuvés. Rien n'est secret en ce qui a trait aux plans de l'organisme notamment son orientation, ses activités et sa responsabilité.

Nous avons aussi un rapport annuel pour lequel nous assumons une très grande responsabilité. Nous le déposons également et il en revient à la population d'examiner les activités de la société.

Le vérificateur général procède à des vérifications annuelles ainsi qu'à une vérification spéciale complète tous les cinq ans.

Ce processus d'examen du mandat a consisté à examiner la SEE sous toutes ses coutures et de bien des manières et ce, par de nombreuses parties. L'information ne manque donc pas au sujet de ce que nous faisons, de la façon dont nous nous y prenons et de ceux qui en profitent.

Il est possible d'obtenir beaucoup de renseignements sur la société normalement par l'entremise du compte rendu de ses activités et de l'examen de son mandat auquel on vient tout juste de procéder.

Dans le contexte de cet examen, nous avons développé le goût pour partager avec le public, les actionnaires et les parties intéressés l'information au sujet des activités que nous exerçons.

Nous avons répondu à cet appel. Nous avons aussi entendu nos clients qui ont comparu devant l'autre comité dire qu'ils veulent que nous soyons prudents et que nous préservions un juste équilibre entre le besoin ou le désir de savoir et le besoin de livrer concurrence sur les marchés internationaux. Nous avons donc fait un pas en arrière. Il s'agit de renseignements qui ne nous sont pas étrangers. Nous sommes au fait du juste équilibre entre le besoin d'information et la confidentialité commerciale. Nous communiquons déjà beaucoup de renseignements. Que pouvons-nous faire de plus pour ce qui est de trouver le juste équilibre entre le besoin et le désir d'en divulguer davantage et une position commerciale? Nous sommes revenus en arrière et nous discuterons maintenant avec les membres du Conseil d'un certain nombre de nouvelles approches en matière de divulgation qui prendront en considération les renseignements sur les transactions.

Voici quelques-uns des domaines dont nous discutons. Quel programme pouvons-nous divulguer, en ce qui a trait aux transactions individuelles, au soutien à l'exportateur? Nous avons un programme d'assurance exhaustif mais nous ne croyons pas que nos clients aimeraient que l'on sache qu'ils se sont adressés à la SEE pour obtenir une assurance-cautionnement. Nous devons protéger cette confidentialité. Environ 70 p. 100 de nos activités tournent autour de ce programme. Nous devons procéder à l'examen par rapport à chaque programme.

Pour ce qui est de l'importance de la transaction, je vous signale que nous en des traitons des milliers. Présentons-nous un rapport à l'égard de chacune d'entre elles? Rassemblons-nous l'information de manière qu'elle reste pertinente tout en n'exigeant pas des pages et des pages de renseignements? Quand devrions-nous donner accès à l'information? Devrions-nous le faire lorsqu'on nous demande d'examiner la transaction, au moment de la négociation ou après la signature? Il s'agit de considérations importantes et il faut tenir compte de la confidentialité commerciale. Dans quelle mesure fournissons-nous de l'information? Dans quelle mesure entrons-nous dans les détails pour toute transaction donnée? Nous essayons de trouver les bonnes solutions à recommander à notre conseil d'administration et d'élaborer un plan d'action.

Le sénateur Oliver: Votre président nous a dit aujourd'hui que vous êtes en train de mettre au point un meilleur cadre de communication des renseignements. Vous semblez dire que vous avez repéré sur certains secteurs que vous examinez, que vous n'avez rien sur papier et que vous vous rencontrerez plus tard les membres de votre Conseil d'administration. Quand pensez-vous avoir quelque chose de concret à présenter en ce qui a trait à ce cadre?

Mme Landry: À la fin du premier trimestre, nous disposerons de l'information pour un communiqué, c'est-à-dire des renseignements que nous nous sentons à l'aise de communiquer. C'est la première étape et cela se passera en avril. L'activité a été fébrile à cet égard à la SEE. Cependant, nous disposons également de systèmes qui nous permettent de tenir les clients au courant de ce que nous faisons avec l'information et de décider si elle est confidentielle ou non. Ce n'est pas comme si nous pouvions décider nous-mêmes de modifier la façon de faire de la SEE. Les intervenants doivent nous aider à prendre la bonne décision. Il nous faudra un peu de temps pour y parvenir et je suppose qu'à la prochaine réunion du conseil, nous procéderons avec les membres à un examen exhaustif.

M. Gillespie: C'est de toute évidence une question qui continuera d'évoluer. Ce n'est pas une théorie de choc. Nous nous améliorerons en ce qui a trait à la communication des renseignements tout comme nous peaufinons le code de conduite tous les ans. Je pense que vous verrez la même chose en ce qui a trait à l'aspect environnemental. M. Siegel peut peut-être nous en parler.

M. Siegel: Nous avons remis des documents au comité en décembre. J'essaierai donc de ne pas tout répéter mais de faire ressortir les éléments essentiels.

J'aimerais vous parler du cadre que nous avons élaboré. Nous avons toujours procédé à des évaluations environnementales. Le cadre nous a simplement permis d'être tout à fait clairs et de faire mieux connaître au public l'approche de la SEE en matière d'évaluation environnementale pour les différents projets.

Le sénateur Oliver: Et la méthodologie?

M. Siegel: Et la méthodologie. La SEE n'a pas élaboré seule ce cadre mais a eu recours aux services d'un consultant de l'extérieur qui avait déjà mis au point des cadres similaires pour la Banque mondiale, pour des banques et d'autres institutions financières. Nous avons aussi procédé à d'autres consultations afin de voir si notre cadre était compatible avec la philosophie de l'évaluation environnementale de l'ACEE. Nous avons aussi procédé à des consultations exhaustives avec les groupes d'intérêts de toutes les régions du pays avant de formuler le cadre et de le communiquer.

Comme le dit M. Gillespie, nous ne nous arrêtons pas là. Il s'agit d'un processus en évolution. Le cadre est clair. Il établit les paramètres de l'évaluation du projet et fait aussi ressortir les genres de secteurs auxquels il s'appliquerait. Ainsi, les exportateurs savent d'avance quels projets et quelles industries en relèveront. On y précise que la SEE se réserve garde le droit de demander des informations complémentaires, par l'entremise de tiers de même que de ses propres sources. Il précise les responsabilités et informe les exportateurs qu'ils doivent s'occuper de les rassembler et de les soumettre. De toute évidence, nous voulons que les choses se fassent le plus efficacement possible afin d'éviter les coûts supplémentaires.

Il apparaît aussi très clairement que la SEE se réserve le droit de refuser un projet si elle considère, après examen des mesures d'atténuation des risques mises de l'avant, que le projet aura sur l'environnement des effets environnementaux néfastes importants qui rendent injustifiables les effets positifs.

Le sénateur Oliver: Est-ce qu'il en va de même pour les droits de la personne?

M. Siegel: Il s'agit d'un cadre de référence pour l'examen des questions environnementales. La question des droits de la personne est un domaine pour lequel la SEE consulte étroitement le gouvernement du Canada par l'entremise du ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur. Nous ne pouvons participer à une transaction pour laquelle le gouvernement n'est pas disposé à délivrer une licence d'exportation.

En ce qui concerne le cadre d'évaluation environnementale, les questions sociales sont incluses dans l'évaluation environnementale, y compris les questions de réimplantation de même que d'impacts économique et social. Cela fait partie de l'évaluation globale qui est effectuée.

La question qui a été soulevée de temps à autre -- et j'y ai fais allusion en décembre -- c'est de savoir si le cadre de la SEE devrait comporter ou non des normes précises. Certaines ONG ont laissé entendre que la SEE devrait par exemple adopter les normes de la Banque mondiale. Nous ne sommes pas d'accord sur ce point pour un certain nombre de raisons. Premièrement, la SEE a donné le ton en ce qui a trait à son cadre d'évaluation environnementale et a incité d'autres organismes de crédit à l'exportation à se doter d'instruments semblables. En imposant à la SEE des contraintes qui vont au-delà de ce qu'on s'attend du reste du marché, on risquerait de placer le Canada dans un environnement non compétitif. Qui plus est, la Banque mondiale a des normes qui lui sont propres. Il s'agit d'un organisme de développement. La SEE intervient dans une transaction non pas au début au moyen de discussions avec le pays d'accueil, mais une fois que celui-ci et l'acheteur ont décidé de donner suite au projet et s'adressent à nous pour obtenir un financement commercial pour mieux être en mesure d'acheter.

Nous n'ignorons certes pas l'aspect environnemental; nous effectuons une évaluation environnementale, mais nous utilisons les normes qui conviennent, que ce soit celles du Canada, de la Banque mondiale ou d'autres. Nous nous attendons, au strict minimum -- et le cadre d'évaluation le précise clairement -- à ce que les normes du pays d'accueil soient respectées. Cependant, c'est seulement un minimum, et nous nous réservons le droit d'appliquer les normes que nous croyons convenir au projet. Dans la plupart des cas, je dirais que la SEE s'occupe de projets qui respectent les normes de la Banque mondiale. Très souvent, nous travaillons avec des entités de la Banque mondiale. Nous appliquons les normes les plus sévères possible, en respectant le contexte commercial dans lequel l'acheteur a décidé de donner suite ou non à la transaction.

Enfin, pour ce qui est de la divulgation, nous encourageons les exportateurs, les parrains des projets, à communiquer tous les renseignements possible sur l'impact environnemental. Nous encourageons la consultation avec les ONG locales pour que les parties concernées soient mobilisées et en accord avec le projet, et c'est prévu dans l'évaluation environnementale. Évidemment, nous devons respecter le caractère confidentiel des informations commerciales. Ce sont des informations fournies à la SEE, que nous ne sommes pas libres de communiquer sans le consentement des parties.

Cela ne veut pas dire que nous allons agir de façon irresponsable ou ignorer les normes environnementales, mais cela imposerait à la SEE des contraintes auxquelles les autres organismes de crédit ne sont pas assujettis. Cela deviendrait difficile, sinon impossible, pour la SEE de recevoir des demandes de financement.

Le sénateur Grafstein: Je veux moi aussi vous féliciter de votre remarquable succès commercial. Vous êtes une société subventionnée par l'État qui est un modèle à suivre.

Vous avez un pouvoir de monopole. Étant donné que vous exercez ce pouvoir dans un marché libre, nous devons veiller à ce que le pouvoir de monopole serve bien l'intérêt public. Nous avons tous connu des périodes de réglementation et de déréglementation. Pour les membres du comité, il vaut mieux qu'il y ait moins de réglementation et que les forces du marché aient plus d'influence.

Vous fonctionnez à l'encontre des forces du marché dans le sens où vous exercez un monopole subventionné par l'État. J'aimerais savoir si les choix mis à la disposition des exportateurs canadiens sont nombreux, efficaces et opportuns, et s'ils ne nuisent d'aucune manière à la croissance des exportations à destination de pays peu enclins à courir des risques.

Pouvez-vous me dire quel est le pourcentage des prêts d'assurance que vous avez accordés à ces pays par rapport aux États-Unis. Vous avez parlé du peu de succès de la ExIm Bank. Pour comparer votre participation à celle de la ExIm Bank, indiquez-nous le pourcentage des exportations canadiennes et le pourcentage des activités de la ExIm Bank auprès des banques du secteur privé. Pouvez-vous nous donner ces chiffres? J'évalue normalement que le Canada représente environ 10 p. 100 du marché américain. Ce n'est pas toujours vrai, mais c'est une mesure valable.

M. Gillespie: La SEE a versé l'an dernier une aide de 40 milliards de dollars canadiens, dont le tiers environ était de l'assurance à court terme. Le reste était consacré aux services financiers à moyen terme, que ce soit pour l'assurance, les garanties, les cautions, le risque politique ou le financement. Autant que je me souvienne, la ExIm Bank a versé l'an dernier une aide d'environ 17 milliards de dollars US. La SEE a des activités beaucoup plus importantes que la ExIm Bank des États-Unis. J'ai dit dans ma déclaration qu'elle reçoit des crédits annuels de 750 millions de dollars US. Nous fonctionnons évidemment avec le capital d'apport, les bénéfices non répartis et les réserves que nous avons pour les risques assumés.

Nous avons aussi comparé nos activités à celles d'autres organismes de crédit à l'exportation dans le monde. Grosso modo, la SEE est le troisième plus important organisme de crédit à l'exportation, après celui du Japon et de la France, et cela pour une ou deux raisons. D'abord, comme nous avons essayé de le dire, il y a d'autres possibilités, d'autres banques mondiales dans le monde qui sont à la disposition d'autres exportateurs.

Nous disposons du plus important bassin de compétences du pays et nous essayons de les mettre à profit. Nous prenons très au sérieux vos préoccupations sur le pouvoir de monopole. Nous aimons croire que la SEE -- comme vous l'avez déjà signalé et je suis d'accord avec vous -- est une société d'État modèle, qui applique les meilleures méthodes du secteur public et les meilleures méthodes du secteur privé.

Nous vérifions de près si, de façon apparente ou réelle, nous offrons des services à des prix plus bas que ceux du secteur privé ou si nous nuisons à la participation du secteur privé. Il a été prouvé, dans le cas de l'assurance, et pas seulement par le Bureau d'assurance du Canada mais aussi par le plus important courtier indépendant, que la SEE n'offre pas de services à un prix inférieur au marché. La SEE ne se sert pas de sa position privilégiée, pour ainsi dire, pour accroître sa part de marché. Nous croyons plutôt offrir une concurrence fondée sur les compétences, la souplesse et le capital humain de notre entreprise. C'est ce qui explique la croissance très rapide des activités de partenariat et de collaboration de la SEE avec d'autres institutions du secteur privé.

C'est ce que montre bien l'étude de Environics que le cabinet Gowlings a fait faire auprès d'un certain nombre d'exportateurs -- et pas seulement nos clients -- qui ont tenu des propos favorables à l'égard de la SEE, et aussi notre sondage annuel sur la satisfaction des clients. L'an dernier, l'indice de satisfaction a atteint un sommet jamais égalé de 81,4 p. 100. Nous sommes concurrentiels non pas grâce au pouvoir de monopole dont vous parlez, mais parce que nous essayons d'accroître nos compétences et la capacité dans l'intérêt des exportateurs.

Le sénateur Grafstein: J'aimerais vous signaler une critique que j'ai entendu de la part des petites et moyennes entreprises. Je parle des petits prêts, des prêts de un million de dollars ou moins, et ne dépassant sûrement pas 2 millions de dollars. Nous avons constaté que cette catégorie de prêts représente 15 p. 100, ce qui est faible, de l'ensemble de vos activités, même si l'effet est considérable sur le plan individuel.

J'ai entendu dire que les démarches auprès de votre société sont longues et coûteuses par rapport au financement à obtenir. Autrement dit, pour obtenir un prêt d'un million de dollars, une petite entreprise en quête de ressources peut trouver contraignant d'avoir à consacrer du temps et de l'énergie à sa demande de subvention.

Que répondez-vous à cette critique? Est-elle fondée? S'agit-il de cas isolés? Pouvez-vous nous indiquer ce qu'il en coûte en temps, en énergie et en frais juridiques et de garanties proportionnellement au montant du prêt? Quel est le coût, en pourcentage, pour celui qui veut obtenir un crédit de 1 million de dollars auprès de votre société pour exporter à l'étranger?

M. Gillespie: Je vais essayer de préciser la situation. Premièrement, nous offrons aux petites et moyennes entreprises surtout des services d'assurance à court terme.

Deuxièmement, il est certain qu'il est difficile de répondre à leurs besoins. Je suis heureux de constater que le rapport Gowlings -- et je vous renvois aux pages 98 et 99 du rapport -- parle de la satisfaction des PME clientes de la SEE. Comme je l'ai signalé, la SEE effectue un sondage chaque année, et le taux d'approbation était de 79 p. 100 en 1998. Selon le sondage de Environics, le taux de satisfaction des clients de la SEE est plus élevé.

On retrouve des chiffres intéressants au milieu de la page 98. Dans le sondage, on a également demandé aux répondants de dire comment la SEE pourrait mieux soutenir les activités des petites et moyennes entreprises qui souhaitent pénétrer le marché des exportations. Il est intéressant de noter que 74 p. 100 ont dit qu'elles ne savaient pas comment la SEE pourrait améliorer les activités à cet égard. Les suggestions qui ont reçu une réponse favorable plus que marginale étaient les suivantes: réduire les coûts, faciliter et accroître l'accès au financement, 7 p. 100; fournir davantage de renseignements sur la SEE, faire plus de publicité et augmenter le nombre des séminaires, 6 p. 100; et fournir de l'information sur des questions comme la gestion du risque, 6 p. 100.

Il est clair que nous avons encore du travail à faire pour répondre aux besoins des petites et moyennes entreprises. Nous offrons des services différents aux nouveaux exportateurs, ceux dont les ventes à l'exportation sont inférieures à 1 million de dollars, pour être le plus efficaces possible. Nous mesurons le rendement des délais d'exécution et des approbations de crédit. J'en ai parlé au début de décembre. En 1988 environ, notre délai d'exécution moyen était de 11 jours. Grâce aux technologies que nous mettons actuellement à l'essai, les approbations de crédit seront effectuées en deux minutes, ce qui est assez intéressant. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, le nombre de nos clients va augmenter considérablement pour passer de 5 000 aujourd'hui à 10 000 en 2004.

Pour ce qui est des coûts, il est important de comprendre que c'est l'acheteur ou l'emprunteur étranger qui paie le coût du financement et pas la petite ou moyenne entreprise au Canada. Si l'assurance offre une protection pour les pertes éventuelles attribuables à des raisons commerciales ou politiques, les primes sont alors payées par l'entreprise canadienne mais, dans le cas du financement à moyen terme, c'est l'emprunteur étranger qui paie.

Compte tenu de la nature des contrats et des activités des petites et moyennes entreprises, il est certain que cela peut prendre du temps pour préparer les transactions, notamment parce que les entreprises canadiennes ne savent peut-être pas très bien jusqu'à quel point il est difficile de transiger dans les pays étrangers. Il y a des questions d'ordre juridique. Il peut arriver que nous devions évaluer la solvabilité de l'emprunteur étranger. Il peut y avoir des problèmes de sécurité dans différents pays. C'est un domaine exigeant du marché. Nous pensons avoir considérablement amélioré nos services, mais nous avons encore du travail à faire.

Le sénateur Grafstein: Si les choses vont aussi bien, pourquoi ne pas chercher à faire encore mieux en demandant au gouvernement de doubler votre capital de base pour que votre chiffre d'affaires soit, non pas de 40 millions de dollars, mais de 80 milliards de dollars? En bout de ligne, on pourrait accroître l'accès de 15 p. 100 des PME et doubler le montant des ressources mises à leur disposition.

M. Gillespie: C'est une excellente question. Actuellement, la SEE a la capacité de servir ses clients. Personne ne se voit refuser l'accès aux services parce que nous n'avons pas la capacité financière voulue.

Cela dit, il est certain que la SEE est un très petit organisme sur le plan mondial, avec un capital d'apport de 983 millions de dollars, des bénéfices non répartis qui font porter ce montant à environ 1,8 milliard de dollars, et des réserves pour les éventuelles pertes de crédit de 2,5 milliards de dollars à peu près. Ce n'est pas un capital très important par rapport à celui des géants de la scène internationale.

Je serais bien sûr favorable à ce que le capital de la SEE soit augmenté -- pas parce que nous en avons besoin pour nos activités aujourd'hui, mais pour assurer la compétitivité et parce que nous aurons besoin, dans l'avenir, d'accroître la capacité de risque. Je pense que si votre comité faisait une recommandation de ce genre, ce serait très utile.

Le sénateur Grafstein: Je le signale seulement parce que les journaux d'aujourd'hui indiquent que Nortel est plus importante que Lucent, son concurrent. C'est maintenant une des plus importantes entreprises dans le monde. Son capital dépasse les 180 milliards de dollars, ce qui correspond environ à 20 p. 100 de l'ensemble de vos activités. Nortel est un chef de file dans le monde et votre entreprise ne pourrait pas fournir, en présumant qu'elle ne s'occupe que de Nortel, même 25 p. 100 de son capital sur le marché, sans parler de ses ventes. Je le signale à titre d'exemple.

Le président: Quel est le rapport entre ce capital et la capacité de l'entreprise?

Le sénateur Grafstein: C'est une question de volume. Son chiffre d'affaires total est de 40 milliards de dollars par année.

M. Gillespie: Il est évident que Nortel est un de nos très gros clients et que c'est une entreprise très importante au Canada pour ce qui est de ses dépenses en R-D, qui correspondent à peu près au quart de l'ensemble des dépenses non gouvernementales, je pense. Je vous renvoie aux déclarations de John Roth faites devant le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Son succès a fait augmenter considérablement ses revenus et aussi le pourcentage qui doit être financé par quelqu'un dans le monde. Il a indiqué comment il est difficile de trouver la capacité. C'est la raison pour laquelle il a besoin de la SEE, qui doit se comparer à certaines des plus importantes banques du monde sur le plan des compétences -- pas seulement de la capacité, mais du capital humain -- pour faire les investissements et répondre aux besoins. C'est un aspect auquel nous devons être très attentifs.

Le sénateur Grafstein: Parfois, le gouvernement doit s'adapter au milieu des affaires.

Le président: Le sénateur Angus a soulevé une question dont nous devrons discuter ici, mais je n'ai pas très bien compris votre réponse. Pourriez-vous expliquer votre réponse en moins de cinq minutes? Si la recommandation 14 est mise en oeuvre, qu'allez-vous perdre? Vous dites essentiellement que cette mesure va coûter plus cher au consommateur.

Le sénateur Oliver: Et prolonger aussi les délais.

Le président: Je ne sais pas encore si c'est bien ou mal. Franchement, je ne le sais simplement pas, et nous allons en discuter plus tard. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi cela va coûter plus cher? Est-ce que cela pourrait finir par coûter moins cher?

M. Gillespie: Quelqu'un doit tenir compte des frais de garanties. Les banques ont indiqué dans leurs mémoires qu'elles ne peuvent déterminer le nombre d'occasions perdues. Elles prétendent qu'elles ne pourraient pas nécessairement offrir les mêmes services que la SEE dans les mêmes conditions et, pourtant, elles estiment que la SEE n'offre pas un service concurrentiel aux exportateurs. Quelqu'un doit payer ce qu'il en coûte aux banques et les frais de garanties doivent être facturés quelque part.

Le président: Je ne comprends pas. Ne voulons-nous pas uniformiser les règles du jeu?

M. Gillespie: Ce n'est pas ce qui va se passer.

Le sénateur Tkachuk: Ne peuvent-ils pas s'adresser à vous s'ils jugent que c'est trop cher?

M. Siegel: La question n'est pas qu'ils ne peuvent pas le faire.

Le président: Donnez-nous une bonne raison pour dire que la recommandation 14 est insensée.

M. Gillespie: Elle ne permet pas d'accroître la capacité, les activités.

Le président: Vous dites qu'elle ne permet pas d'accroître la capacité.

Le sénateur Oliver: Les banques disent que oui.

M. Gillespie: Mais elles ne l'ont pas prouvé.

Le président: On ne peut le savoir avant de l'avoir essayé, j'imagine.

M. Gillespie: Il existe un cadre de garanties dont j'ai parlé, et que les banques n'ont pas utilisé. Elles n'ont pas suivi le modèle de la ExIm Bank.

Le sénateur Oliver: Elles veulent la garantie.

M. Siegel: Les banques veulent la garantie pour pouvoir faire de l'interfinancement, pour utiliser les profits d'une activité pour financer des prêts directs. Elles ne sont pas prêtes à offrir des prêts pour l'ensemble des transactions. Elles veulent tous les avantages de la garantie.

Le sénateur Tkachuk: Je suis toujours perplexe. Le président a posé une question sur les aspects négatifs. Le client qui se rend compte que les services de la banque coûtent plus cher s'adressera à vous. Vous pourrez toujours le servir. Je ne comprends pas pourquoi cette mesure coûterait plus cher au consommateur ou au contribuable canadien, ce que vous soutenez. Pouvez-vous nous donner des précisions?

M. Gillespie: Vous demandez que les banques et les clients récoltent les profits et que la SEE assume tous les risques. On ne peut pas fonctionner de cette façon.

Le sénateur Tkachuk: Vous venez de dire que vous faites payer le risque. J'espère que les frais de garanties couvrent une partie des risques.

M. Gillespie: Ces frais font partie des revenus mais, pour tous les organismes de crédit à l'exportation, les résultats sont très clairs. Les pertes se chiffrent en milliards de dollars.

Les banques ne suivent pas le modèle de la ExIm Bank qu'elles préconisent. Leurs activités ne se comparent pas à celles de la SEE. Chaque année, la ExIm Bank continue d'obtenir des crédits qui sont supérieurs au capital d'apport de la SEE. On ne peut pas assujettir la SEE à un cadre de garantie. Les banques sont prêtes à accroître la capacité de 15 p. 100 si on leur permet de faire tant d'argent avec la garantie de la SEE.

Le sénateur Tkachuk: Voulez-vous vous vanter? Vous n'êtes pas obligé de signer la garantie. Si la banque fait une transaction, vous devez accepter d'y participer. Elle ne vous y oblige pas. C'est vous qui décidez. C'est vous qui, avec la banque, décidez s'il s'agit d'une transaction valable.

M. Siegel: Cependant, tôt ou tard, les banques disent que ce n'est pas rentable d'offrir du financement assorti d'une garantie si la SEE ne peut pas financer directement l'exportateur. On a proposé hier que la SEE décide si la garantie ou le financement suit la bonne voie.

Vous avez tout à fait raison, si c'est l'exportateur qui prend cette décision, et s'il décide de s'adresser directement à la SEE parce que ses services de financement sont plus rapides et plus complets, cela ne leur coûte pas plus cher.

Le sénateur Tkachuk: Ils s'adressent toujours à la SEE. C'est ce que je ne comprends pas. La recommandation 14 ne vous enlève rien, ne vous retire pas ces activités, n'est-ce pas?

Le sénateur Oliver: Non.

M. Siegel: Non.

Le président: Comprenez bien que nous ne sommes évidement pas ici pour vous rendre la vie difficile. Nous admirons vos réalisations. Pour répéter ce que le sénateur a dit, en tant que législateurs, nous sommes préoccupés avant tout par l'intérêt du Canada, celui des exportateurs et des contribuables.

Dans cet esprit de camaraderie, nous vous remercions de votre témoignage.

Je demanderais cependant aux membres du comité de rester.

La séance se poursuit à huis clos.


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