Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 10 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 13 avril 2000
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-19, modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner le projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Nous recevons aujourd'hui des représentants d'Industrie Canada.
Veuillez commencer, monsieur Dupont.
[Français]
M. Serge Dupont, directeur général, Direction générale de la régie d'entreprise, d'Industrie Canada: Je suis très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous fournir un contexte en vue de l'examen du projet de loi S-19, une Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois en conséquence.
Nous sommes accompagnés d'autres collègues d'Industrie Canada et du ministère de la Justice pour apporter des compléments d'information en réponse à vos questions.
Le projet de loi S-19 constitue une mise à jour et une amélioration importante de deux lois clés d'encadrement du marché. Ces lois régissent les sociétés et les coopératives constituées en vertu du régime fédéral.
Il existe 155 000 sociétés constituées en vertu de la Loi canadienne des sociétés par actions, 249 d'entre elles font partie des 500 compagnies les plus importantes selon le classement du Financial Post pour l'année 1999. Les autres comprennent des dizaines de milliers de petites et moyennes entreprises partout au pays. Quelques-unes des coopératives constituées en vertu du régime fédéral sont aussi au nombre des plus grandes entreprises du pays. De fait, neuf des 10 principaux exportateurs canadiens sont constitués soit sous le régime de la LCSA, Loi canadienne sur les sociétés par actions ou celui de la Loi canadienne sur les coopératives.
Inutile de préciser en cette enceinte que la réussite des sociétés et des coopératives est essentielle pour bâtir une économie dynamique, générer des investissements et créer des emplois. Pour atteindre ces objectifs, il est de la plus haute importance d'instaurer des règles judicieuses en matière de régie d'entreprise et de prise de décision.
Le projet de loi dont vous êtes saisi comporte plus de 300 modifications visant l'atteinte des objectifs suivants: élargir les droits des actionnaires, accroître la compétitivité à l'échelle mondiale, clarifier les responsabilités, éliminer le double emploi et réduire les coûts.
Le projet de loi est basé sur des constatations faites au cours d'un processus de consultation ouvert et transparent. À partir de 1994, mes collègues ont tenu des consultations partout au pays afin de déterminer les changements à apporter à la LCSA. Par la suite, des documents de consultation ont été distribués parmi 1 800 intervenants et déposés sur le site web d'Industrie Canada pour recueillir des commentaires. Des consultations ont eu lieu dans neuf villes canadiennes afin de développer un consensus. Bien entendu, ce comité a contribué grandement à ce travail. Il a consulté de nombreux investisseurs et cadres de niveau supérieur et en août 1996 a produit un rapport intitulé Régie d'entreprise, un rapport qui renferme 27 recommandations.
Deuxièmement, à la demande du ministre de l'Industrie, ce comité a examiné en détail la question de la responsabilité solidaire en matière de prestation de renseignements financiers et a produit plusieurs rapports dont le dernier a été publié en septembre 1998.
[Traduction]
Les rapports et recommandations de votre comité ont été un élément décisif lors de l'élaboration des politiques du processus de réforme de la LCSA. Huit des recommandations contenues dans le rapport sur la régie des sociétés ont été entièrement mises en oeuvre. Pour un certain nombre de raisons, d'autres recommandations ne se retrouvent pas dans le projet de loi actuel.
Certaines recommandations vont au-delà de la portée de la LCSA, notamment qu'on entreprenne une étude de la règle sur les biens étrangers en ce qui a trait aux marchés financiers canadiens. D'autres recommandations s'adressaient au secteur privé et n'avaient pas été faites pour être adoptées dans la loi. Enfin, d'autres recommandations n'ont pas été adoptées, ou encore ne l'ont été que partiellement, à la suite de consultations et d'un examen qui ont été faits après le rapport du comité.
Toutes les recommandations du comité ont été examinées soigneusement. Effectivement, toute orientation pertinente proposée a été évaluée par rapport aux recommandations et au contenu du rapport sur la régie des sociétés.
J'aimerais maintenant décrire brièvement certaines modifications spécifiques qui ont été apportées dans ce projet de loi conformément aux quatre objectifs que j'ai énumérés tout à l'heure, en commençant par les droits des actionnaires.
Le droit des sociétés établit le droit des actionnaires de participer aux principales décisions de leurs sociétés. Le libellé actuel de la LCSA a tendance à empêcher les actionnaires d'exercer ce droit. Le projet de loi S-19 réduit ce fardeau et encourage une plus grande participation des actionnaires à la prise de décisions.
Tout d'abord, le projet de loi à l'étude propose de permettre aux actionnaires non enregistrés de présenter des propositions. À l'heure actuelle, seuls les actionnaires enregistrés peuvent le faire. Deuxièmement, le projet de loi restreint les motifs pour refuser la proposition d'un actionnaire. Une proposition serait acceptée s'il est possible de démontrer qu'elle a un rapport important avec les affaires de la société. Cette disposition a été prise également pour répondre à une critique clé au sujet de la loi actuelle. Troisièmement, le projet de loi permet aux actionnaires de communiquer entre eux sans qu'il soit nécessaire de publier une circulaire sollicitant des procurations. Quatrièmement, on permettrait aux actionnaires de solliciter des procurations au moyen d'annonces dans les journaux, par exemple. Enfin, certaines dispositions du projet de loi permettraient aux sociétés de communiquer avec ces actionnaires par voie électronique, de tenir des assemblées générales d'actionnaires par voie électronique et de procéder à un vote électronique. Tous ces changements devraient permettre à un plus grand nombre d'actionnaires de participer à la prise de décisions.
Une autre série de modifications proposées dans le projet de loi à l'étude aideront à rendre les sociétés canadiennes plus compétitives à l'échelle mondiale. Deux changements importants ont été apportés. Le premier concerne les exigences relatives à la résidence des administrateurs, et le second, les responsabilités des administrateurs. Le projet de loi propose de réduire l'exigence relative à la résidence concernant les membres du conseil d'administration des sociétés visées par la LCSA d'une majorité à une proportion de 25 p. 100. Le projet de loi propose par ailleurs d'éliminer, comme votre comité l'a recommandé, l'exigence relative à la résidence des administrateurs pour les comités du conseil d'administration. Cette mesure donnera ici une plus grande souplesse aux sociétés canadiennes orientées vers un marché mondial. Elle encouragera par ailleurs les sociétés mondiales à se constituer en sociétés et à installer leur siège social au Canada. Cependant, l'exigence relative à la majorité continuera de s'appliquer pour les secteurs et les sociétés dont la participation et le contrôle sont assujettis à des restrictions.
Le projet de loi S-19 vise par ailleurs à encourager la prise de risques appropriés dans un environnement mondial concurrentiel en établissant une défense basée sur la diligence raisonnable pour les administrateurs. À l'heure actuelle, la loi ne prévoit une défense contre une responsabilité pour un administrateur que s'il s'appuie sur un rapport fourni par des experts, notamment un avocat, un comptable ou un ingénieur. C'est ce qu'on appelle la défense basée sur la bonne foi. Votre comité a examiné la question en 1996 et en est arrivé à la conclusion que les défenses actuelles prévues dans la LCSA étaient insuffisantes pour encourager la créativité et la prise de risques calculés. Dans des circonstances extrêmes, cela peut inciter les conseils d'administration à démissionner afin d'éviter une responsabilité éventuelle. Le comité a donc recommandé que la LCSA adopte une défense basée sur la diligence raisonnable. Cette défense permet aux tribunaux de déterminer que les administrateurs ne sont pas responsables s'ils exercent un certain degré de soin, de diligence et de compétence qu'une personne raisonnablement prudente exercerait dans des circonstances comparables. C'est la norme qui convient. C'est la défense qui convient. En effet, la défense basée sur la diligence raisonnable a été adoptée dans bon nombre d'autres lois, notamment dans la Loi de l'impôt sur le revenu.
[Français]
Un troisième élément du projet de loi permettra de clarifier les responsabilités, l'aspect principal étant le régime de responsabilité proportionnelle modifiée que ce comité a élaboré.
Actuellement, les administrateurs, dirigeants, vérificateurs et autres personnes participant à la préparation de renseignements financiers exigés par la LCSA sont assujettis à la responsabilité solidaire, dans le cas de pertes financières découlant d'une erreur, omission ou inexactitude dans les renseignements financiers.
En conséquence, toute personne peut être poursuivie et tenue responsable de la totalité de la perte, peu importe le degré de sa faute.
Ce comité a conclu que ce régime pouvait produire des effets négatifs sur la disponibilité de services financiers et le bon fonctionnement de marchés de capitaux. Les modifications soumises dans ce projet de loi tiennent compte du fait que la régie d'entreprise pourrait être améliorée en exigeant que la responsabilité soit proportionnelle au degré de la faute. Par conséquent, le projet de loi propose d'amender les deux lois dans le but d'y intégrer un régime de responsabilité proportionnelle modifiée comme l'a recommandé ce comité.
Enfin, le projet de loi éliminera le double emploi par rapport aux lois provinciales en matière de valeurs mobilières.
Certaines modifications servent à abroger l'obligation de rendre compte des transactions par les initiés et abrogent les dispositions concernant l'offre d'achat visant à la mainmise.
De plus, les modifications permettront de réduire les coûts et de clarifier le libellé de la loi en abrogeant les dispositions relatives à l'aide financière et en précisant que les opérations de fermeture sont permises. Enfin, tout un éventail de changements techniques servira à éliminer des ambiguïtés, des incohérences et des anachronismes.
[Traduction]
En conclusion, monsieur le président, le projet de loi aidera à s'assurer que les sociétés assujetties à la LCSA et les coopératives assujetties à la LCC demeureront au premier rang en matière de régie d'entreprise au Canada et à l'échelle mondiale. Le gouvernement a d'abord mis en place deux bonnes mesures législatives, la LCSA et la LCC. Ces propositions les amélioreront.
Vous avez devant vous, honorables sénateurs, un projet de loi qui stimulera la participation des actionnaires à la prise de décisions, qui dotera nos sociétés d'un cadre de régie qui leur permettra de concurrencer les meilleures du monde. C'est un projet de loi qui clarifiera les responsabilités, éliminera le double emploi et réduira les coûts. Enfin, le projet de loi à l'étude encouragera l'investissement, l'innovation, la prise de risques, la croissance économique et la création d'emplois au Canada.
Je tiens encore une fois à remercier tous les membres du comité de leur intérêt et des connaissances qu'ils ont apportées lors de l'élaboration de cette réforme. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Kelleher: On a préparé pour nous une comparaison des recommandations que le Sénat avait proposées dans son rapport et de la position d'Industrie Canada. J'aimerais poser mes questions à partir de ce document.
La première question que j'aimerais vous poser concerne notre recommandation selon laquelle la LCSA devrait être modifiée afin de prévoir l'abrogation de la loi dans un délai de 10 ans à moins qu'elle ne soit renouvelée et promulguée à nouveau par le Parlement. Industrie Canada dit que cela n'est pas nécessaire à son avis; que la compétitivité des sociétés assurera sans doute l'amélioration continue des lois régissant les sociétés et qu'il n'est pas vraiment nécessaire d'avoir une période d'examen établie pour en poursuivre la modernisation. J'ai moi-même eu une petite expérience avec le gouvernement. Je trouve cela difficile à accepter, franchement. Par exemple, le projet de loi sur la SEE nous est renvoyé tous les cinq ans, ou à peu près. Peu importe ce que vous dites, cela ne me rassure pas beaucoup de savoir que cette loi n'a pas été modifiée depuis 1975. Si je regarde la pratique passée et ce que vous dites, cela ne m'inspire pas beaucoup confiance.
Parfois, la seule façon de faire bouger le gouvernement, c'est d'inclure dans un projet de loi des dispositions qui l'obligent à bouger. Je me demande pourquoi on ne peut pas faire cela. J'ai du mal à accepter votre réponse.
M. Dupont: Permettez-moi d'abord d'éclaircir un point. Je crois que c'est en 1994 que la LCSA a été modifiée pour la dernière fois, bien que je puisse me tromper. Il s'agissait essentiellement de modifications de nature technique. Cependant, il y a eu des modifications il y a six ans et à plusieurs reprises entre 1975 et aujourd'hui. Cette fois-ci, la réforme porte davantage sur le fond du projet de loi à la suite d'une plus longue consultation.
Dans la recommandation, on demandait un examen après 10 ans. En tant que fonctionnaire, je ne puis certainement pas vous assurer que loi sera rouverte au cours de cette période. Il s'agit simplement d'un jugement. Étant donné l'importance de ces questions et le fait que le monde évolue très rapidement, 10 ans semble être une période assez raisonnable, étant donné les pratiques actuelles. Le processus actuel de consultation auprès des actionnaires se poursuivrait en fait.
En fin de compte, il faut décider si cela doit faire partie du projet de loi ou si cela est considéré comme une pratique à laquelle on doit s'attendre. Je ne peux de toute évidence pas me prononcer définitivement et dire si cela sera le cas, en l'absence d'une disposition à cet effet.
Le sénateur Kelleher: Je ne vais pas discuter avec vous. De toute évidence, nous sommes d'accord pour être en désaccord sur cette question.
Nous avons demandé qu'on entreprenne une étude des principes de la régie des sociétés dans le contexte des sociétés d'État. Notre comité estimait que les principes généraux de la régie des sociétés devaient s'appliquer aux sociétés d'État. Vous dites: «Cette question sort du cadre de la LCSA.» J'ai du mal à comprendre votre position ici également. Dans votre réponse, vous dites que les sociétés d'État sont différentes, que chacune est généralement créée en vertu d'une loi spécifique. Cependant, les sociétés d'État sont créées par l'État et par les gens qui dirigent ces ministères. À ma connaissance, ils n'ont jamais été trop démocratiques lors de l'établissement du régime selon lequel ces sociétés doivent fonctionner. Moins le processus est démocratique, plus heureux ils sont. Cela semble peut-être un peu dur, mais c'est l'expérience que j'ai eue dans mes rapports avec les sociétés d'État, et à un moment donné j'en avais plusieurs sous mon contrôle ministériel. Cela ne correspond certainement pas aux dispositions démocratiques de la LCSA. Aucune société d'État n'acceptera de se soumettre aux principes ou dispositions de la LCSA.
Pourquoi une étude nuirait-elle? Ne serait-il pas utile de voir si nous avons raison? Peut-être avons-nous tort. Si c'est le cas, je suis certain qu'une étude permettrait de le déterminer. Pourquoi dites-vous que cette question sort du cadre de la LCSA? Cela fait partie de votre ministère. Vous êtes prêt à moderniser la LCSA. Pourquoi ne pas examiner les sociétés d'État et voir s'il y a ou non un besoin? Je sais que cela ne fera pas plaisir aux gens des sociétés d'État, mais il faut s'y attendre. Pourquoi devraient-ils s'en réjouir? Pourquoi ne pouvez-vous pas faire une étude? Pourquoi est-ce que cela sort du cadre de votre ministère?
M. Dupont: En ce qui concerne les sociétés d'État, la compétence en matière de régie se retrouve à différents endroits au sein du gouvernement, selon le cas. La société d'État fait partie intégrante du ministère responsable. Comme vous le savez, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Conseil du Trésor ont une responsabilité globale vis-à-vis des sociétés d'État. Le régime des sociétés d'État est établi dans une mesure considérable dans la Loi sur la gestion des finances publiques. La partie X de cette loi renvoie en fait dans une certaine mesure à la LCSA. Par exemple, je viens tout juste d'expliquer l'incorporation de la défense basée sur la diligence raisonnable dans la LCSA. Cela est déjà prévu dans la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques. La partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques établit par ailleurs certaines des obligations des sociétés d'État -- notamment un examen spécial tous les cinq ans, et cetera.
Je ne dis pas qu'une étude ne servirait à rien; en fait, je crois comprendre que le Forum des politiques publiques s'est penché sur cette question. Je suis certain que le Secrétariat du Conseil du Trésor se penche continuellement sur cette question. Franchement, ce n'est pas une question sur laquelle Industrie Canada s'est penché en particulier, ni une question qui s'inscrit particulièrement dans le cadre de ce projet de loi. Cela ne veut pas dire cependant que ce ne soit pas un problème.
Le sénateur Kelleher: Je ne voudrais pas que vous pensiez que l'absence d'une réponse de ma part signifie que j'accepte la vôtre.
M. Dupont: Ce n'est pas ce que je pense.
Le sénateur Kelleher: Je veux que cela soit bien clair pour nous.
Examinons les paragraphes 10, 11 et 12 à la page 4 de la comparaison. Ces paragraphes portent sur les responsabilités des administrateurs.
Vous semblez aimer l'expression «cette question sort du cadre de la LCSA». Vous trouvez peut-être que cela se dit très bien, mais je ne suis pas de cet avis. Vous laissez la question de côté. L'une des raisons pour lesquelles nous avons recommandé des modifications à ces articles de la loi, c'est que nous avons été perturbés par la tendance au fil des ans à ce que tous et chacun imposent de nouvelles responsabilités aux administrateurs. Les environnementalistes disent: «Eh bien, faisons en sorte que les administrateurs soient responsables.» On dit la même chose aux termes de la Loi sur les pêches. Chaque ministère semble ajouter aux dispositions sur les responsabilités des administrateurs.
Je vous félicite d'avoir reconnu ce problème et de tenter d'y apporter une solution, mais je ne pense pas que vous alliez assez loin. Vous dites que cela sort du cadre de la LCSA et que vous ne pouvez pas toucher à ces autres ministères. Eh bien, vous pouvez le faire. Prenez par exemple le récent projet de loi du ministre Collenette sur les lignes aériennes qui modifiera de nombreuses autres lois afin qu'elles soient conformes à ce qu'il fera. Par conséquent, c'est quelque chose que vous pouvez faire également.
D'après mon expérience, je sais que vous devrez lutter avec les autres ministères. Personne n'aime renoncer à son pouvoir d'imposer des obligations.
Cela me dérange que dans certains cas nous aurons deux types de responsabilités qui nous seront imposées. Nous aurons dorénavant une responsabilité moindre parce que nous avons la diligence raisonnable, grâce à votre ministère. Pour ce qui est des autres ministères, nous aurons toujours une responsabilité beaucoup plus importante. Avez-vous eu des entretiens, par exemple, avec ces autres ministères? Avez-vous même examiné la question?
Je me rappelle avoir lu quelque part... et je ne sais plus exactement où; vous pouvez peut-être m'éclairer. Je croyais avoir lu quelque part qu'il y avait 120 ou 129 lois qui imposaient divers types de responsabilités aux administrateurs. Ce chiffre est-il exact?
M. Lee Gill, directeur, Direction de la politique des lois commerciales, Industrie Canada: Il y a de nombreuses lois au Canada qui imposent des responsabilités aux administrateurs. Au niveau fédéral, il y en a, je crois, une soixantaine. Bon nombre de ces lois sont reprises exactement sous diverses formes au niveau provincial.
Il y a plusieurs années, nous avons étudié la question de la responsabilité des administrateurs. En fait, j'ai présidé un groupe de travail sur la question à partir de 1994. Nous avons examiné la question en profondeur. Nous convenons qu'il y a de nombreux problèmes à cet égard. Il y avait des problèmes en ce qui a trait à la LCSA en particulier, et des changements ont été apportés à cet égard, avec l'adoption ou l'adoption proposée de la diligence raisonnable.
Certaines lois fédérales imposent une norme supérieure à ce moment-ci. Il y a entre autres le Code du travail. Ils ont une responsabilité absolue. Il en a été question au sein du groupe de travail de 1994-1995 dont j'ai parlé. DRHC, qui est maintenant le ministère responsable, n'était pas prêt à l'époque à modifier cette norme.
Le sénateur Oliver: DRHC n'aime pas les normes élevées.
Le sénateur Kelleher: Je ne pense pas que votre commentaire ait été apprécié.
M. Gill: En général, la plupart des ministères ont dit que la défense basée sur la diligence raisonnable qui est prévue dans la plupart des lois, notamment dans la Loi de l'impôt sur le revenu et dans la Loi sur la protection de l'environnement, est appropriée et généralement acceptée. Elle oblige les administrateurs à respecter une norme appropriée.
Elle prévoit un critère approprié, et leur donne une défense appropriée à laquelle ils peuvent recourir devant un tribunal pour montrer qu'ils ont fait ce qu'ils auraient dû faire d'une façon acceptable pour le tribunal et qui leur permet d'utiliser les tactiques appropriées pour se doter d'une défense adéquate lorsqu'ils s'acquittent de leurs responsabilités.
C'est pour cette raison que nous proposons cela dans le projet de loi à l'étude, en particulier.
Aller au-delà de cela dans le projet de loi à l'étude et tenter de changer toute cette soixantaine d'autres lois fédérales est une entreprise importante. Nous avons étudié cette possibilité. La plupart ne posent pas de problème. Ce n'est pas quelque chose que nous estimions être en mesure de faire en 1994 et en 1995 en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et, à la suite de cette proposition, dans le rapport sur la régie des sociétés. Lors d'entretiens que j'ai eus personnellement avec certains ministères, nous n'étions pas d'avis que nous pouvions modifier leur législation ou y suggérer des changements, sans que cela représente une entreprise majeure au niveau fédéral.
Le sénateur Kelleher: Je suppose que c'était votre problème. C'était en 1994 et en 1995, et je vous en félicite. Cependant, avez-vous essayé de nouveau, avant de présenter ces modifications, de voir si vous ne pouviez pas convaincre quelques autres ministères de se joindre à vous, pour avoir une norme commune, c'est-à-dire en matière de diligence raisonnable?
M. Gill: La plupart des lois prévoient une défense basée sur la diligence raisonnable. Ce n'est pas le cas cependant pour ce qui est du Code du travail. J'en ai parlé avec mes collègues là-bas, et ils ne tenaient pas tellement à changer cela, étant donné qu'en vertu de leur code ils doivent insister pour qu'il y ait une responsabilité absolue.
Le sénateur Oliver: Monsieur le président, ma question porte sur l'article 137. Je voudrais la poser à Mme Kirby. J'ai reçu beaucoup de correspondance de toutes sortes de groupes de citoyens, de groupes d'actionnaires et d'autres groupes au Canada sur la question. Bon nombre d'entre eux voulaient nous rencontrer avant le début de ces audiences, et certains voudraient même comparaître. Le dossier le plus actuel qui les préoccupe est ce qu'on appelle l'affaire Talisman-Sudan. Un des documents que j'ai reçus à mon bureau provenait d'un groupe qui s'appelle Démocratie en surveillance. Dans votre exposé aujourd'hui, vous avez dit que, par rapport à l'article 137, le projet de loi à l'étude limite les motifs pour refuser la proposition d'un actionnaire. J'ai lu la proposition et j'ai lu la loi existante. Mon problème, c'est qu'à mon avis le projet de loi à l'étude ne limite pas beaucoup les motifs de refus. Il ne va certainement pas aussi loin qu'il le devrait pour résoudre le problème en faveur des actionnaires.
Je suis au courant de l'affaire Varity Corporation and Jesuit Fathers et de ce que cette affaire comportait. Je sais que la Cour d'appel de l'Ontario a rejeté l'appel. Votre document d'information dit que la portée du rejet par la direction d'une société entre en jeu lorsqu'il y a un lien important avec les affaires de la société. Je suppose que c'est le mot «important» et le fait de donner le contrôle à la direction qui causent le problème. La haute direction peut dire: «Eh bien, nous avons examiné la question et nous ne pensons pas que cela correspond au nouveau critère, de sorte que nous allons rejeter la demande.» Essentiellement, cela n'accorde aucun droit aux actionnaires.
Pourquoi avez-vous limité cela autant? Pourquoi n'êtes-vous pas allés plus loin et n'avez-vous pas permis aux actionnaires d'exercer pleinement leurs droits?
Mme Coleen Kirby, gestionnaire, Planification et politiques, Direction de la conformité, Direction générale des corporations, Industrie Canada: Lorsque nous avons fait les consultations initiales, les actionnaires nous ont dit qu'ils voulaient qu'on limite le moins possible leur capacité de présenter des propositions. Par ailleurs, les sociétés nous ont dit qu'elles devaient être en mesure de contrôler le nombre de propositions qui étaient présentées. Il est assez coûteux pour une société d'avoir à ajouter des propositions à la circulaire et d'envoyer la circulaire par la poste. Si on envoie 5 000 ou 10 000 exemplaires d'un document, il peut être très coûteux d'avoir à ajouter quelques pages.
Le sénateur Oliver: Pas vraiment.
Mme Kirby: Avant de prendre une décision, nous avons tenté de trouver un compromis entre les deux, car il n'y avait pas de consensus clair d'un côté ou de l'autre. Dans l'affaire Talisman, la proposition avait été initialement rejetée en 1998 par Talisman, non pas parce qu'elle portait sur des affaires sociales, mais parce qu'elle avait été proposée par les propriétaires réels, et non pas par les actionnaires enregistrés. Cela a changé depuis. Nous avons changé le projet de loi afin de nous assurer que les propriétaires réels puissent présenter des propositions, et ils ont donc maintenant suffisamment d'appui de la part des actionnaires enregistrés, ce qui fait que la question est à l'ordre du jour pour l'assemblée générale de Talisman qui se tiendra en mai.
Nous avons tenté d'en arriver à un compromis entre toute proposition qui est présentée et la capacité de la société de tout rejeter. La question se résume à ceci: si une proposition particulière a un rapport avec les activités de la société, elle devrait être examinée à l'assemblée annuelle.
Si on regarde le libellé que l'on retrouve dans les lois ontariennes et américaines, nous avons adopté un libellé qui va dans le même sens, c'est-à-dire que la proposition doit avoir un rapport important avec l'activité de la société.
Le sénateur Oliver: Je suis un avocat plaidant, et l'une des choses dont je dois me préoccuper est le fardeau de la preuve. J'aimerais que vous me disiez ceci: afin de répondre à ce nouveau critère, quelle preuve devra fournir la personne faisant une proposition? Pouvez-vous nous donner des exemples?
Mme Kirby: Aux États-Unis, «important» est défini comme représentant 5 p. 100 du profit ou des actifs bruts de la société. Pour ce qui est de l'Ontario, je ne connais aucun cas spécifique qui ait été porté devant les tribunaux au sujet de l'interprétation stricte du mot «important».
À notre avis, il doit y avoir un rapport avec la façon dont les affaires sont menées. L'exemple que j'utilise, c'est que si quelqu'un veut discuter de coupe à blanc avec MacMillan Bloedel, cette question est de toute évidence liée à leurs activités. Si quelqu'un veut discuter de coupe à blanc avec BCE, il n'y a de toute évidence aucun rapport avec ses activités. Par conséquent, la décision doit avoir rapport avec le fait qu'il y a ou non un lien avec les activités de la société.
Le sénateur Oliver: Lorsque je lis tous les mémoires, le courrier électronique, les lettres et les documents que j'ai reçus des actionnaires qui se sentent lésés par la façon dont ces amendements ont été rédigés, il y a une chose qui ressort: comment votre nouvel amendement va-t-il réduire le cadre de rejet des propositions de la part de la direction?
Mme Kirby: Cela réduit l'étendue en ce sens qu'auparavant les sociétés pouvaient tout simplement dire: «Eh bien, c'est une question sociale, et par conséquent nous la rejetons; nous ne pouvons l'accepter pour notre assemblée annuelle.» Maintenant, s'il s'agit d'une question sociale, s'il y a un lien avec les activités de la société, il y a un lien, et la société doit accepter la proposition.
Dans l'affaire Talisman, cela ne fait aucun doute. Puisqu'une partie importante des activités de Talisman concerne ce qui se passe au Soudan, une proposition par rapport à Talisman ne peut être rejetée tout simplement parce qu'elle traite d'une question sociale ou religieuse ou parce qu'il y a un lien avec l'activité de la société comme telle.
Le sénateur Oliver: Dans l'affaire Talisman, il y avait un groupe d'actionnaires véritables à New York qui avaient un intérêt important. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'affaire a été entendue.
Mme Kirby: C'est ce qui est arrivé cette année. Ils ont fait intervenir les actionnaires enregistrés. Le problème lorsque la proposition a été rejetée l'an dernier pour l'assemblée annuelle de 1999, c'est que ce n'était que les propriétaires véritables qui présentaient la proposition. C'est pour cette raison qu'elle a été rejetée, et non pas parce qu'il s'agissait de questions sociales.
Le sénateur Oliver: J'ai une question au sujet des conseils d'administration et des limites que vous leur avez imposées. Ce que je ne comprends pas, c'est que si vous n'avez pas tellement de Canadiens membres de vos comités et tellement de Canadiens membres de vos conseils d'administration, quelle donnée existe pour indiquer qu'il y aura davantage de sociétés qui viendront faire des affaires au Canada? Je ne vois pas le rapport. Si le contrôle est imposé, comment allons-nous convaincre davantage d'entreprises américaines et européennes de venir s'installer au Canada? Quel est le lien entre les deux, et avez-vous des données à l'appui?
M. Dupont: Il n'existe pas de données sur la question. Nous ne pouvons que procéder par anticipation, et il est très difficile de déterminer que cela aurait été le cas si la loi avait été différente.
Nous disons tout simplement que la LCSA, dans sa forme actuelle, ne permet pas à une entreprise qui voudrait avoir un conseil d'administration avec une forte représentation internationale de se constituer en société. La LCSA ne le permet tout simplement pas à l'heure actuelle.
Supposons qu'une société de logiciel installée au Québec veuille fusionner avec une société française et avoir une représentation de 50-50 à son conseil d'administration, mais aussi avoir un représentant des États-Unis et de la Grande-Bretagne à son conseil d'administration. Ils se rendraient compte après avoir examiné la LCSA que cette dernière ne permet pas cette structure. Par conséquent, ils devraient regarder ailleurs pour pouvoir se constituer en société, peut-être en vertu d'une des lois provinciales, car un certain nombre de provinces et les trois territoires n'imposent aucune restriction au conseil d'administration; ou ils devraient peut-être envisager de se constituer en société dans un autre pays.
Cela permet tout simplement à la LCSA essentiellement de prévoir les situations où une société, qui veut se donner une portée mondiale en se dotant d'un conseil d'administration mondial, pourrait se constituer en société en vertu de notre loi fédérale.
Le sénateur Oliver: Trois administrateurs sur 12, ce n'est pas beaucoup.
M. Dupont: Encore une fois, il s'agit de permettre une certaine souplesse lorsqu'une société souhaite avoir accès à des marchés d'exportation, faire des investissements et créer des alliances avec des partenaires étrangers, ou tout simplement être à la recherche de compétences spécifiques. Un sondage effectué par Caldwell Partners auprès de grandes sociétés canadiennes a révélé qu'en moyenne 80 p. 100 des administrateurs des sociétés canadiennes résident au Canada. Par conséquent, la limite de 50 p. 100 n'est pas nécessairement une limite contraignante. La plupart des sociétés estiment qu'il est dans leur intérêt d'avoir une très forte représentation canadienne majoritaire à leur conseil d'administration. Lorsqu'une société se tourne vers l'étranger pour trouver des réseaux et des contacts additionnels, nous croyons qu'il est important que la LCSA lui facilite la tâche, et les trois administrateurs canadiens permettront toujours d'avoir une participation canadienne à la prise de décisions au sein du conseil d'administration.
Le sénateur Oliver: Convenez-vous que les principales décisions des sociétés canadiennes sont souvent formulées en comité, et non au conseil d'administration? Si c'est exact, et s'il n'est pas nécessaire que des Canadiens siègent aux comités, cela ne revient-il pas à gruger encore plus, de façon inutile, le pouvoir des gens d'affaires canadiens?
M. Dupont: À ce sujet, je répondrais deux choses. En dernier ressort, le conseil d'administration est toujours responsable des décisions. En second lieu, une des recommandations de votre comité visait à supprimer la condition de résidence des membres des comités du conseil d'administration. Je vous concède que les dispositions proposées dans ce projet de loi vont plus loin parce qu'elles s'appliquent à tout le conseil d'administration. Pour ce qui est du comité, nous avons en fait adopté la recommandation de votre comité.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Cette question est étonnante, je me demande d'où elle vient et qui a fait des pressions à cet effet. Comme mon collègue, je pense qu'il est important aux comités d'avoir des représentants canadiens. Toutes les questions financières, le vote de dividende de propriété étrangère est décidé par le conseil, et cetera. Si on a 80 p. 100, pourquoi changerait-on la règle où on pourrait avoir la majorité. Vous pouvez mettre un Japonais, un Anglais, un Français, un Chinois et un Américain, de toute façon, les sociétés par actions importantes ont neuf, 11 ou 13 administrateurs. Vous avez amplement de postes pour nommer des étrangers. Je ne vois pas en quoi on améliorerait la compétitivité du Canada en n'ayant pas de résidents canadiens qui surveillent l'intérêt des Canadiens dans les opérations.
Il est déjà assez difficile de protéger les intérêts des actionnaires de compagnies dirigées par des Canadiens dont les conseils d'administrations sont composés de Canadiens. J'aimerais avoir une explication plus probante de la mondialisation. Ce terme englobe à peu près toutes les philosophies. D'où vient cette chose?
Les lois provinciales ayant préséance, si cela donne un avantage aux lois provinciales, tant mieux! On n'a même pas de preuve que les lois provinciales ont eu plus d'effet et ont été plus positives pour amener des investissements. Je veux avoir la vraie cause et s'il n'y en a pas, je ne vois pas la nécessité de cet article.
M. Dupont: Il est certain qu'il peut y avoir matière à débat et à désaccord. Il paraît simple pour des sociétés canadiennes de vouloir une majorité d'administrateurs canadiens siégeant au conseil. Ceci dit, lorsque les sociétés basées au Canada veulent se tourner vers l'extérieur et établir des réseaux en conséquence, elles peuvent ajouter des administrateurs à leur conseil, mais en même temps, ils élargissent la taille du conseil. Ils peuvent décider qu'au fond, elles n'y gagnent pas plus en efficacité et en prise de décision au sein du conseil parce qu'il devient trop grand.
Lorsqu'il peut y avoir des fusions, des transactions avec des partenaires internationaux, la question de la représentation au sein du conseil est posée. Il nous paraissait important de permettre l'incorporation sous la loi fédérale lorsqu'on pouvait dépasser le seuil de 50 p. 100 de non-résidents.
Le sénateur Hervieux-Payette: Avez-vous un exemple à nous donner, s'il y a trois provinces, est-ce que cela a eu un effet?
M. Dupont: Les quatre provinces de l'Atlantique, le Québec et les trois territoires n'ont pas de critère de résidence. On s'est rendu compte que beaucoup de sociétés se sont incorporées là-bas. Je ne dis pas que l'investissement aurait nécessairement été amené là-bas par rapport à un investissement qui serait allé aux États-Unis ou au Japon. Il est certain que les sociétés ont jugé que c'était un avantage pour ces lois dans certains cas. Elles ont décidé de s'incorporer en vertu d'une loi provinciale plutôt que d'une loi fédérale.
[Traduction]
Le sénateur Kroft: Dans une certaine mesure, je vais reprendre des thèmes déjà abordés dans des questions précédentes. Ce qui me préoccupe, dans le contexte actuel des grandes sociétés, c'est la possibilité de relever les défis de la mondialisation et de coexister sur le continent nord-américain avec des sociétés américaines très puissantes, de sorte que les questions de régie sont d'une importance cruciale, à mon avis. J'allais dire que j'ai l'impression d'avoir un peu les mains liées, mais mon comportement prouvera le contraire. Je me retranche derrière le fait que notre comité a fait ces recommandations avant que je n'en fasse partie. Le fait qu'une disposition soit prévue dans la loi à la suite de recommandations de notre comité mérite que nous vous remerciions de la considération et du respect dont cela témoigne à l'égard du comité. Malgré tout ce qui précède, et peut-être parce que la situation évolue rapidement, le monde est en pleine transformation, même par rapport à l'époque où le comité s'est penché sur ces questions.
Tout d'abord, cette disposition des 25 p. 100 m'a toujours posé un problème, lors de diverses conversations et dans diverses autres tribunes où il était opportun d'en parler. C'est une question qui me paraît très complexe. Je crois savoir qu'il y a des arguments pour et contre tous aussi convaincants. De façon instinctive, l'idée de conserver un contrôle majoritaire me paraît bonne parce qu'il s'agit d'une société canadienne, de sorte qu'en vertu de la loi elle devrait être régie par des Canadiens. Par ailleurs, je me suis trouvé dans des situations où les perspectives étaient telles que, si le chiffre d'affaires ne changeait pas, il aurait fallu changer l'orientation de la régie de l'entreprise, le siège social, et cetera, et cet argument avait également du poids. Nous sommes confrontés à un véritable dilemme. Pour ma part, je ne sais pas si 25 p. 100 est le taux idéal, ou si un taux de 35 ou 40 p. 100 pourrait avoir plus d'incidence ou s'il faudrait le maintenir à 50 p. 100. C'est toutefois un problème. Je sais que le gouvernement, en proposant ce projet de loi, voulait prendre position. Je partage l'avis de mes collègues, et, je suppose, pas celle de nos prédécesseurs, au sujet des comités. Il y a là pour moi une fausse conclusion logique.
Ce qui va malheureusement se passer trop souvent, c'est que la vérification, la planification stratégique, les ressources humaines et les autres comités essentiels des conseils d'administration, n'étant assujettis à aucune limite, exerceront une influence, avec les années notamment, sur l'évolution à long terme de la direction de l'entreprise. Je n'attends pas une réunion très animée au cours de laquelle un comité va prendre une décision d'importance cruciale. Un comité des ressources humaines ne suscite peut-être pas votre attention au départ, car il ne prend pas de décisions qui font tout de suite les manchettes, mais il établit toutefois des politiques qui très souvent ont une portée culturelle et nationale. Il semble très étrange de n'exiger aucune majorité canadienne au sein des comités de vérification. Même si je peux accepter la limite concernant la composition du conseil d'administration, à mon sens la question de la composition des comités risque avec le temps de provoquer une diminution de l'influence des Canadiens.
J'ai une autre remarque à faire au sujet de la régie. Là encore, je semble me dissocier de la position de notre comité. La question de la distinction entre le président non exécutif et le directeur général me tient à coeur. Notre comité a partagé ces sentiments. Toutefois, il ressort des renseignements que j'ai sous les yeux qu'il a malgré tout été recommandé de ne pas inclure la disposition dans le corps de la loi. Est-ce exact?
M. Dupont: Oui.
Le sénateur Kroft: Pouvez-vous nous expliquer ce qu'une telle distinction aurait de mal? D'après mon analyse et mon expérience directe, il semble que tous les principes de responsabilisation de l'actionnaire sont mis de l'avant, et à cette fin il convient d'avoir un président non exécutif -- en fait, c'est même l'application la plus pratique. Je ne comprends pas pourquoi on a fixé la limite à ce niveau-là, puisque bon nombre des mesures que vous prenez sont apparemment de nature théorique. Le problème se pose si l'on pense à l'origine des administrateurs. C'est une question de régie.
Pourquoi ne pas avoir insisté pour séparer ces deux fonctions?
M. Gill: Il y a un certain nombre d'arguments qui justifient cette séparation. Le comité les a formulés. Les arguments ont également été avancés à la suite de l'examen effectué il y a quelques années pour la Bourse de Toronto. Dernièrement, deux professeurs de l'Université de Western Ontario ont publié un ouvrage puissant sur le pouvoir des conseils d'administration dans lequel ils font valoir que ce serait une bonne chose. Toutefois, comme ils le signalent dans cet ouvrage et comme l'a recommandé le comité, il y a dans certains cas des arguments très solides qui prouvent qu'il est inutile de séparer totalement ces deux fonctions. Il y a des différences dans la taille des sociétés. Il y a des différences dans les opérations des sociétés dans les divers secteurs. Selon certains rapports, il semble que le lien ne soit pas aussi fort que certains le prétendent.
Le sénateur Kroft: Au lieu de parler de façon générale, ce que j'apprécie, mais pour gagner du temps, pourriez-vous peut-être préciser sur quelles instances il a été décidé de prévoir de telles dispositions dans le projet de loi?
M. Gill: Vous voulez dire les instances en faveur de la séparation des fonctions?
Le sénateur Kroft: Je veux dire les démarches faites par des groupes d'industries, des sociétés ou d'autres groupes d'intérêts.
M. Gill: À ma connaissance, personne ne nous a demandé de proposer une disposition en vertu de laquelle ces fonctions seraient séparées ou devraient l'être.
Le sénateur Oliver: Les banques tiennent au statu quo, mais elles ont mis de l'avant le principe de l'administrateur principal.
M. Gill: Cette question n'a pas été soulevée au cours des consultations. Pourtant, nous avons dit que nous étions ouverts à toute suggestion, mais, à ma connaissance, aucune demande semblable ne nous a été faite.
Le sénateur Hervieux-Payette: La proposition a-t-elle été rejeté ou n'en a-t-il pas été question?
M. Gill: Je dirais qu'elle est passée sous silence.
Le sénateur Kroft: Je connais certains conseils d'administration pour lesquels cela ne pose pas de problème sérieux. Je trouve étonnant qu'aucune instance n'ait été présentée de part ou d'autre à ce sujet. Je ne doute pas de votre parole. Simplement, chaque jour nous apporte de nouvelles surprises, et cette nouvelle me surprend ce matin.
J'ai une autre question qui concerne également la régie. L'un des témoins pourrait-il me dire où se trouve dans le projet de loi la définition de la fonction d'un conseil d'administration de société? Je suppose que cela s'accompagnerait d'un énoncé précis des responsabilités des administrateurs.
[Français]
Mme Lyne Tassé, agente principale de projet, Direction de la politique des lois commerciales, Industrie Canada: Les devoirs des administrateurs sont fournis à l'article 122 de la loi actuelle.
[Traduction]
M. Dupont: Ce n'est pas dans le projet de loi parce que cela n'a pas été modifié. Ce qui signifie qu'il faut se référer au texte de la loi pour savoir de quoi il s'agit.
Le sénateur Kroft: Je cherche l'énoncé des responsabilités d'un conseil d'administration. Cela se trouve-t-il quelque part dans le projet de loi? C'est l'élément le plus important de la régie d'une entreprise. Je ne vous reproche rien; il y a peut-être déjà une lacune dans la loi précédente. Toutefois, est-ce que ce projet de loi énonce la responsabilité du conseil d'administration, outre ce que l'on peut tirer de la jurisprudence?
M. Dupont: Je pourrais demander à M. Paul Martel de vous répondre. Il a été l'un de nos conseillers juridiques pour ce dossier. Il est professeur à l'Université du Québec à Montréal. Il pourra sans doute vous fournir quelques indications.
M. Paul Martel, conseiller juridique, Fasken Martineau Dumoulin: Est-ce que vous demandez, sénateur, où sont énoncées dans le projet de loi les obligations du conseil d'administration?
Le sénateur Kroft: Non, je parle des responsabilités. Il y a un conseil d'administration qui est omnipotent: sa responsabilité n'est-elle pas définie quelque part?
M. Martel: L'article 122 énonce les fonctions des administrateurs. L'énoncé de ces fonctions correspond à leurs responsabilités. Ils doivent assumer cette fonction. Dans le cas contraire, ils peuvent faire l'objet de poursuites.
Il y a également divers cas de publications et d'obligations statutaires en rapport avec ces fonctions. Nous parlons uniquement de leurs fonctions principales. À l'article 122, nous nous sommes contentés d'exprimer de façon générale ce qui a été établi par la jurisprudence depuis au moins 150 ans.
Le sénateur Kroft: Je connais l'essentiel de cette jurisprudence.
Dans d'autres pays, l'OCDE ou les endroits où l'on procède à une examen des rapports de société, a-t-on essayé de définir la responsabilité d'un conseil d'administration, c'est-à-dire en établissant ses pouvoirs et les limites de ces derniers? J'ai l'impression que cette responsabilité est exprimée de façon négative: si le conseil d'administration ne fait pas ceci ou ne fait pas cela...
En toute franchise, ce n'est pas une question qui me préoccupe depuis toujours, mais après avoir participé à ces discussions et réfléchi à la question, je me suis dit: «Bon. Nous parlons des conseils d'administration. Quel est donc l'énoncé de fonctions des administrateurs?»
M. Martin: Celui-ci est précisé à l'article 102, où il est dit que l'administrateur est chargé de gérer l'entreprise et de superviser, ce qui est nouveau, la gestion de l'entreprise. Dans l'exercice de leurs fonctions, les administrateurs doivent agir dans l'intérêt supérieur de la société et faire preuve de diligence et de prudence.
Le sénateur Oliver: Et accroître les revenus des actionnaires.
M. Martin: Cela n'intervient que dans des cas précis, en cas d'offre de reprise ou autres choses du même genre. Pour l'essentiel, ils sont censés agir dans l'intérêt général de la société, ce qui signifie défendre les intérêts à long terme des actionnaires.
Le sénateur Kroft: Ils gèrent et désormais supervisent.
M. Martin: Oui. Cela tient compte du fait qu'il existe aujourd'hui énormément de délégation au sein des grosses sociétés. On ne demande pas aux administrateurs de gérer directement toutes les activités.
Le sénateur Kroft: C'est ce qui est nouveau dans cette disposition.
M. Martin: C'est leur énoncé de fonctions, en effet, mais cela ne fait que concrétiser ce qui se passe en réalité.
Le sénateur Furey: Ma question ou ma demande de renseignements porte sur la responsabilité d'un administrateur. Je constate avec plaisir que l'on passe de la défense basée sur la bonne foi à un moyen de défense basée sur la diligence raisonnable. C'est à mon avis un pas dans la bonne direction.
Lorsque nous définissons la diligence raisonnable, nous disons que c'est le niveau de diligence, de compétence et d'attention dont fait preuve une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables. Ce qui m'inquiète, c'est qu'on s'en remette ensuite aux tribunaux pour établir toute une jurisprudence en vue de déterminer ce que cela veut vraiment dire pour les administrateurs. L'objet de cette disposition, à en croire la déclaration du sénateur Kirby, est de calmer les inquiétudes liées à la responsabilité. Toutefois, si l'on finit par avoir une jurisprudence qui est un véritable pot-pourri d'un bout à l'autre du pays, il est fort vraisemblable que cette mesure ait l'effet inverse à celui qui est recherché.
Au lieu de s'en remettre si rapidement aux tribunaux, je me demande s'il est possible d'être plus précis. Avez-vous réfléchi à la façon de prévoir des dispositions plus précises dans la loi proprement dite, au lieu de s'en remettre à la jurisprudence?
M. Gill: Certaines parties prenantes nous ont dit que, à leur avis, les obligations fondamentales des administrateurs relativement à une défense basée sur la diligence raisonnable sont assez clairement définies dans la loi. Au cours des consultations, on nous a cité les exemples de l'affaire Bata et du dossier environnemental où les administrateurs ont été tenus responsables d'avoir fait certaines choses. Dans cet arrêté, le juge a énoncé les choses que devraient faire des administrateurs pour se protéger contre d'éventuelles poursuites. Ce genre de décisions émanent des tribunaux et sont utilisées par eux comme exemples. D'après ce que nous ont dit les parties prenantes, ces décisions forment une jurisprudence et fourniraient un moyen de défense suffisant ainsi qu'une orientation claire pour les administrateurs quant à ce qu'ils doivent faire.
Certains nous ont dit également que, comparativement à il y a 10 ans, ou même cinq ans encore, par exemple, on explique beaucoup plus aux administrateurs ce que l'on attend d'eux, dans les salles de conférence des entreprises de tout le pays. Comment faire preuve de diligence raisonnable? Il existe de nombreuses tribunes éducatives tenues dans les grandes villes du pays, et j'y suis invité à intervalles réguliers.
Je ne pense pas que cette question puisse poser un problème. Je ne pense pas qu'il faille définir précisément ce que l'on entend par là dans le projet de loi.
Le sénateur Furey: Vous êtes convaincu que les tribunaux vont immédiatement faire la distinction entre la bonne foi et la diligence raisonnable et rendre les décisions que vous escomptez, sans prendre la peine de prévoir dans le projet de loi certaines choses qui, selon vos déclarations, ont déjà fait l'objet de décisions qui pourraient être utiles.
M. Gill: Si l'on prévoit des choses trop précises dans la loi, cela pose un problème, car il est ensuite difficile de faire preuve de souplesse au besoin. C'est l'un des avantages du système judiciaire. En ne définissant pas ces obligations, on laisse une certaine marge de manoeuvre pour un secteur d'activité donné ou des conditions données où le tribunal pourra définir lui-même le moyen de défense qui convient.
Le sénateur Furey: Cette question me préoccupe. Pour ma part, je crois qu'il est possible que, au lieu d'atténuer les craintes liées à la responsabilité, cela ne les augmente lorsque les tribunaux s'en mêleront.
Le vice-président: J'aimerais poser une question au sujet des règlements. J'ai l'impression qu'il y aura énormément de règlements plutôt que des modifications. Les règlements proprement dits ne sont pas déposés au Parlement. Pourquoi a-t-on décidé d'agir ainsi?
M. Dupont: Les règlements seront adoptés selon la voie normale, conformément à la politique de réglementation du gouvernement, à une exception près peut-être. Je ne sais pas si cela représente vraiment un précédent, mais il a été prévu en l'occurrence que les règlements soient déjà soumis à l'examen des partis, et même de votre comité, et soient déjà en vigueur, aux fins de transparence notamment. Il va sans dire que la politique continue de s'appliquer, à savoir que les règlements ou les ébauches de règlements font l'objet de consultations officielles avant d'être publiés. Dès qu'il existe une loi habilitante pour ces règlements, et, par conséquent, dès que le projet de loi est proclamé, les consultations officielles ont lieu. Par la suite, les règlements peuvent être adoptés. La loi et les règlements entrent en vigueur en même temps. Nous sommes tout à fait disposés à en discuter et à vous expliquer la teneur de ces règlements. Le comité est parfaitement habilité à donner son avis sur les règlements, qui font déjà l'objet d'un vaste processus de consultation.
Le vice-président: Vous ne voulez certainement pas dire que le Parlement n'est qu'un groupe de pression comme les autres.
M. Dupont: Non.
Le vice-président: Je me demande si les règlements vont être ou non déposés au Parlement. Lorsque nous examinons des règlements selon la voie normale, nous consultons les gens d'affaires et les groupes d'intérêts, tous ceux qui ont quelque chose à dire. Si les parlementaires ont des préoccupations, ils peuvent les soulever, et s'ils ne le font pas dans un certain délai, les règlements sont adoptés selon la procédure habituelle.
M. Dupont: Sénateur, dans la mesure où vous exigeriez le dépôt officiel au Parlement, je ne peux pas me prononcer. En tant que responsable, je suppose que le président du comité spécial qui examine la politique de réglementation du gouvernement souhaiterait être consulté à ce sujet. Si c'est ce que souhaite le comité, nous transmettrons cette demande au ministre, qui communiquera avec le président du comité spécial.
Le vice-président: Je crois comprendre qu'il s'agit d'une décision politique. Permettez-moi de vous poser la question suivante: si cette décision politique était prise, de déposer les projets de règlements au Parlement, cela ne poserait pas vraiment de problème au Parlement, et ce ne serait pas non plus un énorme fardeau, n'est-ce pas?
M. Dupont: Tout ce que je dis, c'est que cela relève de la politique de réglementation du gouvernement, ce qui sort de la compétence d'Industrie Canada.
Le sénateur Oliver: Je crois avoir entendu le témoin s'engager à soumettre les règlements au comité. Allez-vous faire cette promesse?
M. Dupont: Les règlements sont à la disposition du comité, cela ne fait aucun doute. Nous avons même apporté le texte des règlements avec nous ce matin. Nous sommes tout à fait disposés à le distribuer dès aujourd'hui à tous les membres du comité.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Je reviens sur la question de la mondialisation. Quand vous avez changé les règles concernant les assemblées qui se tenaient à l'étranger, je suppose que si on a la majorité des actionnaires à l'étranger, les administrateurs tiendront la réunion à l'étranger et dirigeront une entreprise canadienne à l'étranger.
L'entreprise pourrait ne jamais mettre les pieds au Canada et ne pas avoir les 25 p. 100 sauf les administrateurs. Est-ce que vous pensez seulement à une compagnie dont les détenteurs des actions sont tous étrangers ou si on aurait des actionnaires à la fois canadiens et étrangers? Si tous les investissements et tous les actionnaires sont à l'étranger et qu'ils opèrent au Canada, tout ce qu'ils seront tenus de faire, c'est d'avoir 25 p. 100 des directeurs d'entreprise et pour le reste, il n'y a aucune exigence au point de vue canadien. Je me posais la question à savoir si c'est fait dans l'intention d'amener des compagnies qui appartiendraient au complet aux étrangers ou si cela s'appliquerait à toutes les compagnies au Canada.
Les compagnies que vous avez exemptées comme Petro-Canada pourraient tenir leur assemblée générale annuelle aux Bahamas et avoir leur 75 p. 100 de directeurs étrangers et prendre toutes les décisions qui concernent une compagnie canadienne en dehors du pays tout en ayant des actionnaires canadiens.
M. Dupont: La loi s'appliquera de façon uniforme à toutes les sociétés incorporées en vertu de la loi, peu importe leur actionnariat, avec l'exception que vous avez mentionnée, celle où le Parlement ou le gouvernement, pour diverses raisons, a décidé d'établir des critères de participation. Vous avez mentionné Petro-Canada et aussi l'ensemble des secteurs des télécommunications, et cetera. En dehors de ces secteurs où il y a déjà une expression d'une volonté par rapport à la participation qui suppose une volonté par rapport à la prise de décision, le projet de loi a pour objectif d'accorder une plus grande souplesse par rapport à l'endroit où peuvent avoir lieu les assemblées annuelles, où les dossiers peuvent être tenus et la participation sur le conseil d'administration dans les comités.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous supposez que les actionnaires devront prendre l'avion pour assister à l'assemblée générale annuelle à leur propre frais?
M. Dupont: Il y a peut-être effectivement des règles qui s'appliquent par rapport au consentement que doivent donner les actionnaires à ce qu'une réunion se tienne en dehors du Canada. Je ne crois pas avoir cette information à ma disposition à l'heure actuelle.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans la modernisation de la loi, on parlait des coûts d'envoi d'une proposition d'actionnaires. En vertu de plusieurs documents, on nous dit qu'on ne pourra pas voter par Internet. Je me pose la question pourquoi on ne prévoirait pas un règlement qui le permettrait ultérieurement et d'attendre pour modifier la loi? Je ne vois pas pourquoi, les rapports annuels ou les convocations aux assemblées ne devraient pas être envoyés par Internet.
C'est la période de l'année où on reçoit tous ces documents dispendieux, avec le formulaire de vote ou d'approbation. On sait qu'un actionnaire qui reçoit cela n'a aucune envie de la signer parce qu'il sait qu'il n'a aucun poids face à l'entreprise. On donne des obligations qui, dans la réalité, ne correspondent à rien. Celles qui ont un certain poids au nom des actionnaires sont les fonds de pension ou les fonds mutuels qui ont un gros pouvoir de vote et peuvent avoir une influence sur l'avenir de la société.
Dans un esprit démocratique, lorsqu'on reçoit de la correspondance des entreprises, on reçoit une fiche qui demande si nous voulons recevoir les rapports trimestriels. On répond: oui. Pourquoi je ne pourrais pas écrire: oui, je veux recevoir la documentation par Internet et avoir la possibilité de voter par Internet et ne m'envoyez plus par la poste vos rapports annuels et toute votre correspondance. Tout cela coûte des centaines de milliers de dollars. C'est un gaspillage total. Cela ne donne aucun pouvoir à aucun actionnaire individuel. Pourquoi ne moderniserait-on pas en permettant dans une société avancée qu'il soit possible que les actionnaires puissent avoir accès par vidéo conférence, de pouvoir voter et participer aux assemblées d'actionnaires sans se déplacer? Je parle de corporations canadiennes qui tiennent leur réunion au Canada. Cela permettrait aux gens de Montréal, de Toronto, de Vancouver et de Calgary de participer à l'assemblée générale des actionnaires et de poser des questions. Il me semble que je ne retrouve pas cela dans le projet de loi à moins que je n'aie pas vu les articles qui permettraient de le faire légalement.
M. Dupont: En fait, la loi prévoit que l'ensemble de ces transactions pourront être faites par voie électronique, notamment par Internet. Cela suppose des communications entre la société et ses actionnaires, avec le consentement des intéressés. Les personnes peuvent vouloir continuer de recevoir des documents sous forme de papier. Cela suppose également des assemblées électroniques d'actionnaires et des votes par voie électronique. Tout cela a été institué dans le projet de loi et encore une fois, sous une forme habilitante plutôt qu'impérative. Je pense que vous le trouverez dans le présentation que vous feuilletez.
J'ai vu que dans le cas du vote des actionnaires, ce n'était pas permis. On pouvait recevoir de la documentation mais on ne pouvait pas exercer son droit de vote par voie électronique. J'ai lu cela.
M. Dupont: Je vais retracer la version que vous avez.
Mme Tassé: Le nouveau régime concernant les communications électroniques prévoient toutes les communications, communications écrites ou concernant le vote pourraient se faire sous forme électronique, via Internet, si certaines conditions sont respectées.
Le sénateur Hervieux-Payette: À la page 12, c'est indiqué.
[Traduction]
Toutefois, cela ne permet que les communications sur papier, qui sont plus anciennes.
[Français]
M. Dupont: C'est la loi actuelle. Le projet de loi propose aussi de le permettre par voie électronique. D'ailleurs ce n'est pas très explicite. On aurait pu préciser que les actionnaires pourront communiquer avec la société par voie électronique. C'était seulement le constat de la situation actuelle et la réponse présentée dans le projet de loi.
[Traduction]
Le vice-président: Quand vous avez parlé de la politique de réglementation, est-ce une politique gouvernementale ou ministérielle?
M. Dupont: Non, je parlais de la politique qui sera établie sous la direction de M. Grey, président du comité spécial du conseil qui surveille toute la politique de réglementation.
Le vice-président: Sauf erreur, il y a dans la Loi sur les armes à feu une disposition qui oblige le gouvernement à déposer les règlements devant les deux Chambres du Parlement.
M. Dupont: Cette disposition a été prévue dans une loi précise. Je suppose qu'à l'époque le comité spécial du conseil a été consulté à ce sujet. Je ne connais pas les détails de l'affaire.
Le vice-président: Il aurait donc été possible de prévoir la même chose dans ce projet de loi.
M. Dupont: Je n'ai aucune raison de croire le contraire.
Le vice-président: Et il est toujours possible de le faire.
M. Dupont: Ma réponse est la même.
Le sénateur Kelleher: Je voudrais poursuivre dans la même veine. Vous vous réjouirez d'apprendre que j'ai presque terminé mes questions.
Je me reporte aux points 26 et 27 à la page 9 du document dont j'ai parlé plus tôt. Ma question est simple. Sur quoi vous fondez-vous pour dire que ce que nous avons recommandé sort de votre champ de compétence?
Autrement dit: qu'est-ce qui vous empêche de le faire? Je ne prétends pas que vous deviez être d'accord, mais j'aimerais savoir pour quelle raison vous avez refusé de le faire.
M. Gill: Pour ce qui est du point 26, la Loi canadienne sur les sociétés par actions définit et prévoit les règles et règlements relatifs à la régie des sociétés constituées aux termes de la loi et à leur fonctionnement. Or, nous avons considéré le point 26 comme une suggestion de portée générale pour que l'on recueille des renseignements relativement aux investisseurs institutionnels et aux marchés en général. Ce genre de disposition n'est pas directement en rapport avec la régie d'une société constituée aux termes de la loi. C'est une question énorme qui touche les investisseurs, les fonds communs de placement, et autres choses du même genre, ce qui en général n'est pas régi au niveau fédéral.
Le sénateur Kelleher: Nous ne disons pas que vous devriez le faire maintenant. Lorsque nous faisions ces examens, il nous a semblé que les sociétés actionnaires, la caisse par exemple au Québec, et les fonds mutuels exercent beaucoup d'influence et semblent avoir des privilèges particuliers, puisqu'ils peuvent s'adresser discrètement au président du conseil ou au président de la société pour obtenir de l'information que l'actionnaire ordinaire n'a pas.
Cela nous préoccupe. Nous nous sommes dit que si quelqu'un faisait des études ici, ces problèmes pourraient être mis en relief. Il est difficile de dire que vous devez faire quelque chose sans qu'une étude ait eu lieu pour le vérifier. Si elle montre que ces préoccupations sont sérieuses et justifiées, peut-être voudrez-vous ensuite envisager des modifications à la loi.
C'est pourquoi nous voulions que des études soient faites. Nous pensons qu'il y a des problèmes ici. Nous avons un véritable problème au Canada parce que, comme vous le savez, le marché est très petit, et il est très difficile pour les grands fonds de pension de ne pas dépasser la limite des 10 p. 100. Beaucoup de ceux qui nous préoccupent sont membres de fonds de pension. Ils ont de toute évidence des préoccupations légitimes. Ils exercent peut-être des pouvoirs qui vont au-delà de ce qui est légal, par rapport à d'autres actionnaires. C'est ce qui explique nos préoccupations. C'est pourquoi nous avons jugé que des études seraient utiles.
M. Gill: Dans mes discussions avec mes collègues du ministère des Finances ces dernières années, on m'a laissé entendre que la question était à l'étude en partie au ministère et au comité, d'ailleurs. Le ministère avait créé un groupe de travail précisément pour examiner le rôle des investisseurs institutionnels dans ce domaine. Au moment où nous préparions ces propositions, cela n'avait pas encore abouti.
Le sénateur Kelleher: C'est parce que nous avons constaté qu'il n'y a pas de base de données qui permette de réaliser ces études. Le comité sénatorial est précisément ce que son appellation indique. C'est un comité du Sénat. Pour réaliser ces études, il faut des bases de données.
Nous pensions que vous seriez de chics types et que vous feriez une étude. Nous vous testons. Nous voulons savoir pourquoi vous pensez que nous sommes un peu à côté de nos pompes. C'est tout.
Ce n'est peut-être pas ainsi que vous voyez les choses. C'est mon interprétation à moi.
M. Gill: Pas du tout. Nous avons trouvé la recommandation excellente et nous pensions que le ministère des Finances et vous-mêmes examiniez la question. Si les données sont disponibles, elles pourraient être rassemblées.
Le sénateur Kelleher: Il n'y a rien. C'est ça le problème. C'est la raison pour laquelle, je me souviens, nous avons fait la recommandation. Je ne veux pas trop m'étendre là-dessus, mais vous avez invoqué votre expression préférée ici: cette question sort du cadre de la LCSA. Je pensais seulement vous rafraîchir la mémoire et vous demander pourquoi vous utilisez toujours cette expression.
M. Gill: Nous n'avons pas rassemblé de données sur le rôle des investisseurs institutionnels et leur rapport avec les sociétés canadiennes. À l'époque, mes collègues du ministère des Finances avaient dit se pencher sur la question. Nous n'avons pas de données de ce genre dans notre domaine de compétence. Nous pensions que son étude allait permettre de rassembler tout ce qui existait. Si le ministère a constaté qu'il n'existe rien, il serait difficile pour nous d'aller plus loin. Il faudrait que je redemande au ministère si nous pouvons entreprendre une étude.
Le sénateur Kelleher: Oui. Au fil des années, le ministère des Finances nous a dit qu'il examine la possibilité d'abaisser les impôts aussi. Vu son bilan dans ce domaine, je n'ai pas tellement confiance lorsque le ministère dit qu'il va examiner la chose et s'en occuper.
Je vais en rester là.
M. Dupont: Si vous me permettez, sénateur, il est évident lorsqu'on regarde le tableau, quand on songe à la réaction et aux priorités d'Industrie Canada, que le ministère a modifié la LCSA en fonction des recommandations du comité. C'est là que l'effort a été mis.
Je serai honnête: le tableau compare le projet de loi aux recommandations du comité. Je conviens qu'il ne s'agit pas forcément d'une suite exhaustive aux recommandations du comité.
Le sénateur Kelleher: Non, en effet.
M. Dupont: Mais cela reflète le fait que le ministère a décidé de faire porter son effort et ses ressources sur la LCSA, dans la suite qu'il a donnée aux recommandations. C'est ce que vous voyez dans le tableau, imparfait et incomplet qu'il est, j'en conviens. Mais en ce qui concerne la LCSA, il montre bien que l'on a tenu compte de l'avis du comité.
Le sénateur Furey: Le paragraphe 102.1, concernant les conventions unanimes des actionnaires, apporte ce qui semble être un changement inoffensif. À la réflexion, cela modifie-t-il le degré de diligence des administrateurs? Cela le modifie-t-il de quelque façon que ce soit, selon vous?
M. Dupont: Vous parlez de la disposition sur les conventions unanimes des actionnaires?
Le sénateur Furey: Oui, où il n'est plus question de gérer une entreprise, mais plutôt de surveiller la gestion de l'entreprise.
M. Dupont: C'est quelque chose de différent. Je voudrais demander à M. Martin de revenir à la table.
M. Martin: La modification, à l'article 102, ne fait qu'ajouter le cas des administrateurs qui surveillent la gestion de la société, comme vous le voyez. Il s'agissait seulement de tenir compte du fait, comme c'est déjà le cas en Ontario, que les administrateurs ne gèrent pas directement les grandes sociétés; les administrateurs ont plutôt des employés qui gèrent la société -- leur fonction à eux est de les surveiller. Cela ne change pas leurs fonctions. De fait, cela leur permet de faire ce qu'ils ont toujours fait. À strictement parler, cela ne leur était pas permis, de sorte que quelqu'un aurait pu leur reprocher de ne pas avoir assuré la gestion eux-mêmes. Sous cet angle, c'est peut-être un changement.
Le vice-président: Je veux dire aux témoins que je vais consulter le président. Préparez-vous à revenir une autre fois -- beaucoup de membres du comité sont absents aujourd'hui -- avant de revenir en compagnie du ministre. Je vais consulter le président, et le greffier vous préviendra longtemps à l'avance.
Merci beaucoup.
La séance est levée.