Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 15 - Témoignages du 8 juin 2000
OTTAWA, le jeudi 8 juin 2000
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour étudier le projet de loi.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Nous sommes ici pour poursuivre nos audiences sur le projet de loi C-22.
Ce matin, j'ai le plaisir d'accueillir le Commissaire à l'information du Canada, l'honorable John Reid.
L'hon. John Reid, c.p., commissaire à l'information du Canada: Monsieur le président, je voudrais d'abord dire que c'est avec plaisir que je suis venu vous parler de ce projet de loi. Ce n'est pas non plus la première fois qu'un commissaire comparaît devant ce comité sénatorial pour demander que la loi soit modifiée. Mon prédécesseur, John Grace, est venu ici il y a plusieurs années pour demander des modifications à un projet de loi concernant la législation du travail qui avait également pour effet d'empêcher les Canadiens d'obtenir certains renseignements.
Le sénateur Angus: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Nous n'avons reçu aucun document relatif à ce témoignage.
Le président: Nous l'avons reçu hier soir.
Le sénateur Angus: Il n'a pas été distribué aux sénateurs et il semble qu'il était possible d'obtenir sur Internet, ce matin, tout ce que M. Reid s'apprête à nous dire alors que nous n'avons pas reçu nous-mêmes ce document. Jugez-vous que c'est acceptable?
Le président: Non.
Le sénateur Angus: Vous devriez manifester votre désapprobation afin que cela ne se reproduise plus.
Le président: Vous l'avez fait.
M. Reid: À ce propos, monsieur le président, j'ai présenté un témoignage semblable, plus tôt cette semaine, devant le comité de la justice de l'autre endroit. Tout renseignement communiqué lors de ce témoignage est, bien entendu, du domaine public.
Je tiens toutefois à souligner que le projet de loi C-22, qui vise à constituer une nouvelle institution gouvernementale, s'attaque directement à la Loi sur l'accès à l'information et aux principes qui la sous-tendent.
L'article 85 du projet de loi C-22 exempte de la Loi sur l'accès à l'information toutes les déclarations obligatoires relatives à des opérations financières à l'égard desquelles il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles sont liées à la perpétration d'une infraction de recyclage des produits de la criminalité, de même que toutes les déclarations se rapportant à des soupçons d'activités de recyclage des produits de la criminalité qui sont faites volontairement ainsi que tout renseignement préparé par le centre à partir de renseignements reçus par celui-ci concernant des transactions douteuses ou des transactions d'une valeur égale ou supérieure au montant qui sera fixé par voie réglementaire.
Les responsables des Finances ont eu l'amabilité de nous inviter à discuter brièvement avec eux de ces questions. Nous leur avons demandé quelles seraient les activités de ce nouvel organisme qui ne seraient pas protégées par les dispositions actuelles de la Loi sur l'accès à l'information et s'ils pouvaient nous en donner des exemples. Ils n'ont pas pu citer le moindre exemple ou apporter de précisions.
Je n'ai pu trouver aucune justification pour cette disposition. Si cette disposition est adoptée par la Chambre des communes et le Sénat et est inscrite dans la loi, comment pourrions-nous justifier que le SCRS, la GRC, le ministère de la Défense nationale ou plusieurs autres ministères qui détiennent des renseignements beaucoup plus importants, beaucoup plus confidentiels et beaucoup plus dangereux pour la sécurité nationale, selon moi, que ce genre de renseignements soit visés par cette loi tandis que ces renseignements d'une importance mineure en seraient exemptés? Si cette disposition est maintenue, elle va créer un «trou noir» dans l'appareil gouvernemental. Comme vous le savez, les trous noirs ont tendance à aspirer toute une série d'autres renseignements.
Cette attaque contre la Loi sur l'accès à l'information n'a rien d'inhabituel. Lorsque nous avons fait quelques recherches en vue de cette réunion, nous avons découvert que les exceptions à la loi s'étaient multipliées très rapidement. Lorsque la Loi sur l'accès à l'information a été adoptée, 33 lois étaient inscrites à l'annexe II où figure la liste des exceptions. Trois ans plus tard, il y en avait 38. En 2000, c'est 50 lois qui étaient inscrites à l'annexe II. Par conséquent, le gouvernement et la bureaucratie continuent de faire en sorte que de plus en plus de renseignements soient soustraits au Parlement et aux citoyens. C'est une façon d'éviter de rendre des comptes. Cela veut dire qu'en fait nous devons faire davantage confiance à la bureaucratie et au gouvernement en ce qui concerne l'examen de ces activités.
Lorsque le comité parlementaire a examiné la loi en 1986, il a recommandé qu'au bout de trois ans, l'annexe II soit supprimé parce qu'il n'était pas possible de justifier les exceptions déjà prévues aux termes de la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur Kelleher: Monsieur Reid, avez-vous discuté de vos préoccupations avec le ministère des Finances avant que le projet de loi ne soit déposé et adopté à la Chambre des communes?
M. Reid: Oui.
Le sénateur Kelleher: Avez-vous réussi à convaincre les Finances?
M. Reid: Je vais demander à M. Leadbeater, qui a organisé ces discussions, de répondre.
M. Alan Leadbeater, sous-commissaire à l'information: Sénateur, on peut dire que le ministère nous a permis de faire valoir notre point de vue. Nous avons eu largement l'occasion de faire connaître nos objections aux experts du ministère.
Quant à savoir si nous avons pu les convaincre, la réponse est non. Chacun est resté sur ses positions. Nous estimions que tous les renseignements délicats méritant d'être protégés l'étaient déjà en vertu des dispositions existantes de la loi. Les responsables du ministère estimaient devoir faire preuve d'un «surcroît de prudence». Ils n'ont pas pu nous donner d'exemples précis, mais ils croyaient que ces renseignements étaient à ce point délicats qu'il fallait garantir le secret absolu. Nous n'étions donc pas d'accord.
Le sénateur Kelleher: Pour ce qui est de l'article 85 à propos duquel vous venez d'émettre des objections, ont-ils indiqué la raison d'être de cette exception?
M. Leadbeater: Comme vous le savez, sénateur, la loi oblige tout le monde à dénoncer les transactions douteuses. Ce sont des renseignements assez délicats. Le centre est indépendant vis-à-vis des organismes d'application de la loi et il va procéder à un examen attentif pour décider des renseignements qu'il transmettra. Dans les circonstances, il a estimé que, pour que le public ait confiance dans son intégrité et son indépendance, il devait pouvoir lui garantir que ces renseignements ne deviendraient jamais publics.
Telle est la raison invoquée, je crois, pour faire preuve d'un «surcroît de prudence».
Le sénateur Kelleher: Avez-vous discuté avec les responsables du ministère de l'absence de la définition d'une «opération douteuse»?
M. Leadbeater: Non. Nous estimions que quelle que soit la définition -- et le caractère intrusif de cette loi soulèverait certainement la question de la protection de la vie privée -- les dispositions existantes de la Loi sur l'accès à l'information protégeaient les renseignements de nature délicate, mais permettaient quand même au public d'avoir accès à certains renseignements. N'oublions pas que le centre va jouer un rôle assez intrusif dans la société canadienne et que les Canadiens voudront savoir, par exemple, quels sont les résultats de vérifications internes portant sur son administration et son efficacité. Cette disposition pourrait l'empêcher d'avoir accès à ce genre de renseignements.
Le sénateur Kelleher: Avez-vous soulevé des objections quant au fait qu'un citoyen ne saura jamais qu'on a enquêté sur son compte et que, si l'on juge finalement qu'une transaction était parfaitement légale, il ne saura même pas qu'une enquête a eu lieu et qu'il a été exonéré de tout blâme?
M. Leadbeater: Nous avons émis des objections à ce sujet, en ce sens que si le Centre était régi par les dispositions existantes, il pourrait invoquer l'article 19, qui protège la vie privée des gens. Néanmoins, l'intérêt public l'emporte sur cette disposition. Dans certains cas, l'intérêt public d'une divulgation pourrait l'emporter sur le droit à la vie privée. Il ne sera plus possible de faire cette évaluation, que nous estimons nécessaire, de même que le Parlement, aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, à cause des changements apportés à l'annexe II.
M. Reid: Comme vous le voyez, sénateur, cela crée un trou noir dans lequel peuvent tomber beaucoup de renseignements courants concernant un ministère.
Le sénateur Kroft: Bonjour, monsieur Reid. Ma question concerne la raison d'être de ce projet de loi. Nous conviendrons tous, je pense, qu'il faudrait mieux pouvoir se passer de ce genre de mesure. Néanmoins, compte tenu des réalités du monde moderne, les gouvernements du monde entier ont conclu qu'il fallait se protéger sur ce plan-là. Il s'agit alors de se demander quelle est la façon d'atteindre cet objectif de façon à causer le moins de dommages sur le plan social? Voilà comment j'aborde le problème.
Y a-t-il une distinction à faire entre les renseignements que posséderait le Centre d'analyse et qui sont recueillis par des agences de l'État, que ce soit la police, le SCRS ou d'autres organismes et les renseignements qu'un vaste éventail de citoyens et d'institutions du Canada ont l'obligation de fournir pour permettre de dépister les fonds illicites?
Le fait que ces renseignements sont fournis par de simples citoyens plutôt que par un organisme d'État change-t-il la nature ou la qualité de l'information? Selon moi, vous avez certaines obligations envers les personnes qui se voient obligées de fournir des renseignements. La qualité de ces renseignements est tout à fait différente s'ils sont fournis par vous ou moi ou la personne qui doit faire cette déclaration. La source de l'information change-t-elle quelque chose à la situation?
M. Reid: Non. Si vous examinez des activités de la GRC, du SCRS et des autres organismes de réglementation qui ont des pouvoirs semblables à ce nouveau centre, vous constaterez que les renseignements qui doivent être protégés sont bien protégés par la Loi sur l'accès à l'information. Il y a des exceptions qui permettent de protéger ces renseignements.
Je dirais qu'environ le tiers de notre travail -- peut-être plus -- consiste à appliquer les diverses dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour veiller à ce que certains renseignements restent confidentiels. Si vous examinez le genre d'informations que recueillera ce nouvel organisme de même que les exceptions énumérées dans la Loi sur l'accès à l'information, on voit mal comment un renseignement jugé secret pourrait devenir public. En effet, les dispositions de la loi protégeront ces renseignements pendant la période de temps nécessaire.
Nous ne voyons aucune objection à travailler avec le SCRS. Nous ne voyons aucune objection à travailler la GRC qui possède des renseignements beaucoup plus importants dans toutes sortes d'autres domaines que ceux que recueillera cet organisme.
M. Leadbeater: La question que vous avez posée, sénateur, présente une autre dimension que je crois nécessaire de souligner. En inscrivant cette disposition dans l'annexe II, on donne l'impression aux Canadiens qu'ils peuvent se présenter anonymement à ce Centre pour dire ce qu'ils veulent et fournir n'importe quel renseignement. Les Canadiens ne devraient toutefois pas oublier qu'une fois que le Centre aura analysé les renseignements en question, s'il désire de faire intervenir les forces de l'ordre, il les leur transmettra. Il n'y a aucune garantie d'anonymat une fois qu'une enquête criminelle débute et que des poursuites sont intentées.
On ne devrait pas faire croire aux Canadiens dès le départ qu'il s'agit d'une ligne téléphonique anonyme où ils pourront dénoncer certains agissements sans jamais avoir à témoigner. Ils peuvent être impliqués et il vaudrait mieux qu'ils le sachent dès le départ.
Le sénateur Furey: Dites-vous que vous voudriez avoir accès à l'information qui doit servir «à des fins d'analyse» selon l'euphémisme utilisé?
M. Leadbeater: Nous disons que les renseignements fournis seraient exemptés, au stade de l'analyse, à moins que ce ne soit contraire à l'intérêt public, s'il s'agit de renseignements personnels visés par l'article 19 de la loi. Les renseignements sans rapport avec le blanchiment d'argent, tels que les renseignements administratifs et personnels concernant l'organisme, seraient accessibles, sous réserve des exemptions qui s'appliquent couramment à toutes les institutions gouvernementales.
Le sénateur Oliver: Monsieur Reid, le simple fait qu'une disposition cause des inconvénients ne peut pas justifier qu'on prive le public d'un droit fondamental tel que le droit d'accès à l'information ou à la protection des renseignements personnels. Le document que nous avons vu sur Internet contient des propos que vous avez tenus antérieurement. Je vais citer deux paragraphes en vous demandant de nous les expliquer. Voici ce que vous avez dit:
Nous savons déjà que le gouvernement Chrétien cherche, par tous les moyens, à empêcher l'amélioration des lois sur la liberté d'information. Il veut maintenant soustraire encore davantage les renseignements que détient le gouvernement à l'examen du public. Le Commissaire à l'information fédéral veut, à juste titre, l'en empêcher.
Un peu plus loin dans cet article, on peut lire qu'il y a 17 ans, 33 organismes et ministères étaient exemptés. Maintenant, avec le projet de loi C-22, il y en aura 51. Voici ce qu'on peut lire ensuite:
Pire encore, si le gouvernement veut exempter le Centre la principale raison n'est pas qu'il veut protéger des dossiers financiers confidentiels étant donné que des garanties suffisantes sont déjà prévues dans la Loi sur l'accès à l'information et son corollaire, la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais simplement qu'il serait «dérangeant» pour le Centre d'avoir à répondre à des demandes de renseignements.
Qu'en dites-vous?
M. Reid: Je dis que le gouvernement a cherché à soustraire d'autres lois de la portée de la Loi sur l'accès à l'information et cela à plusieurs reprises. Un exemple que j'ai donné dans ma déclaration liminaire est la législation du travail. Mon prédécesseur, John Grace, est allé devant le Sénat pour demander que cette mesure soit supprimée.
J'ai également indiqué à quel point le nombre d'exemptions prévues à l'annexe II de la loi a augmenté rapidement. Il y a eu une augmentation de près de 100 p. 100 depuis que la loi est entrée en vigueur, il y a 17 ans. Le comité parlementaire qui a réexaminé la loi a dit que l'article 24 était inutile parce que les exclusions prévues protégeaient déjà tous ces renseignements. Non seulement le gouvernement veut s'entourer d'un surcroît de précautions, comme M. Leadbeater l'a mentionné, mais il cherche à limiter la loi de diverses façons en mettant une importante quantité de renseignements hors de la portée du commissaire à l'information. C'est une bataille bureaucratique continue et sans doute normale. J'estime qu'il faut y mettre un terme. L'article 24 devrait être supprimée de la loi et l'article 85 devrait être éliminé de ce projet de loi.
Le ministère des Finances n'a présenté aucun argument solide pour justifier cette disposition. C'est peut-être pour nous narguer en disant: «Vous ne pouvez rien contre nous, car nous sommes exemptés». C'est peut-être par excès de prudence. C'est peut-être pour éviter tous les inconvénients que représente la Loi sur l'accès à l'information. Mais il n'y a pas de raison valide, autrement dit, cet organisme ne recevra aucun renseignement qui ne soit déjà protégé si c'est nécessaire.
Le sénateur Oliver: Vous faites surtout valoir, de façon claire, brève et précise, que vous souhaitez l'élimination de l'article 85 du projet de loi C-22. Avez-vous un projet d'amendement ou de libellé? Deuxièmement, votre personnel et vous-même avez-vous examiné d'autres façons de résoudre le problème à part l'élimination complète de cette disposition?
M. Reid: D'abord, je ne suis pas convaincu que cela pose un problème. Le ministère des Finances n'a pas pu fournir d'argument solide pour justifier que ces renseignements et cet organisme soit plus protégés que les autres organismes secrets et policiers comme la GRC et le SCRS. Il n'a pas pu le faire. Par conséquent, il suffirait d'une simple motion proposant que l'article 85 du projet de loi soit supprimé et que vous fassiez rapport à l'autre endroit que cet article a été supprimé en lui demandant d'adopter l'amendement. C'est ce qui a été fait la dernière fois qu'un Commissaire à l'information a comparu devant un comité sénatorial.
[Français]
Le sénateur Poulin: Depuis l'entrée en vigeur de la Loi sur l'accès à l'imformation, il y a eu des changements majeurs dans le domaine plan des communications au Canada. Finalement, ce qu'on tient pour acquis être privé est loin de l'être. On le voit de plus en plus dans tous les domaines. Les nouvelles communications ont-elles eu un impact sur votre loi?
[Traduction]
M. Reid: Les nouvelles formes de communication, comme Internet, le courrier électronique et les autres modes de communication électronique sont incluses dans notre loi -- pas aussi clairement que nous le souhaiterions, mais elles sont couvertes. Nous tenons compte du courrier électronique, par exemple. Nous tenons compte des documents électroniques créés par le gouvernement. Les messages vocaux sont également régis par la loi, mais personne n'a encore trouvé le moyen de les enregistrer. Les décisions sont souvent communiquées au moyen de messages téléphoniques qui ne sont pas enregistrés. Nous trouvons énormément de renseignements utiles dans Internet et les ministères se servent de plus en plus du Web pour publier de l'information.
Cela nous pose un problème en ce sens que notre loi mentionne clairement les publications dans la Gazette ou les bibliothèques de dépôt. Néanmoins, la publication dans Internet représente souvent une source d'information plus importante que les moyens plus traditionnels.
Nous sommes très conscients des problèmes que pose la documentation électronique. Comme vous le savez, je me suis beaucoup plaint de l'état lamentable du système de classement du gouvernement et nous n'avons toujours pas de système de classement électronique. Il n'est pas étonnant qu'il y ait de la pagaille dans les dossiers du gouvernement canadien. Les gens ont donc de la difficulté à obtenir les renseignements qu'ils désirent. Les ministères ont du mal à trouver ces renseignements.
[Français]
Le sénateur Poulin: Suite à cette explosion de communications techniques, est-ce que ce n'est pas un défi pour notre gouvernement que d'avoir à équilibrer l'importance de l'accès à l'information et de la responsabilisation, d'une part, mais d'autre part, de l'assurance à tous les Canadiens et Canadiennes de la gestion et du suivi de l'information?
Ne pensez-vous pas que, tel que dans l'esprit du projet de loi C-22, comme le disait si bien le sénateur Kroft, cet équilibre est extrêmement important durant notre période de transition? Parfois il vaut mieux pécher par prudence que de pécher par une trop grande accessibilité et ouverture.
[Traduction]
M. Reid: Je reconnais que cet équilibre est très important. Le Parlement a toutefois décidé qu'il serait assuré au moyen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l'accès à l'information. Pour que les choses soient encore mieux équilibrées, il y a deux commissaires à qui l'on a confié deux mandats distincts. En ce qui me concerne, je consacre environ 30 à 35 p. 100 de mon temps à l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il y a donc un très bon équilibre.
Deuxièmement, pour ce qui est des activités du SCRS, de la GRC et des autres organismes d'application de la loi et de réglementation, depuis 17 ans que ces deux lois sont en vigueur, cet équilibre ne fait aucun doute. Je ne crois pas qu'il y ait eu un seul cas, du côté de la protection des renseignements personnels ou du côté de l'accès à l'information où on a constaté un déséquilibre en ce qui concerne les droits et les besoins des Canadiens. Les résultats sont exceptionnels et je crois qu'on le doit à la façon dont la loi a été conçue au départ.
[Français]
Le sénateur Poulin: Parmi les demandes soumises en vertu de la Loi de l'accès à l'information, que ce soit dans n'importe quelle agence publique soumise à cette loi, quelle est la principale source des demandes d'accès à l'information? Proviennent-elles des Canadiens en général, de la part de membres du Parlement, ou de la part de journalistes? Quel est l'équilibre de la provenance des demandes?
[Traduction]
M. Reid: Les demandes proviennent principalement du milieu des affaires. Elles représentent à peu près 40 p. 100 du volume. Néanmoins, nous recevons de plus en plus de demandes des députés et des sénateurs. On m'a dit qu'on effectuait actuellement une étude sur les sources d'information des députés. Après leurs six premières entrevues avec de simples députés libéraux de la Chambre des communes, les chercheurs ont constaté à leur grande surprise que tous citaient la Loi sur l'accès à l'information comme le principal moyen qu'ils utilisaient pour obtenir des renseignements sur les activités gouvernementales. Par conséquent, la Loi sur l'accès à l'information a maintenant surpassé les techniques à l'égard desquelles j'ai assumé une certaine responsabilité lorsque je siégeais à la Chambre des communes. Elles sont maintenant rarement utilisées du fait que la Loi sur l'accès à l'information confère aux citoyens des droits vis-à-vis du gouvernement. Le gouvernement a l'obligation de leur fournir les renseignements demandés dans les 30 jours. S'ils sont insatisfaits des renseignements reçus et des exclusions que le ministère a faites, ils peuvent interjeter appel auprès du commissaire à l'information, qui effectuera une enquête approfondie. Le Commissaire à l'information est doté des pouvoirs voulus. Selon moi, cela assure un très bon équilibre.
Le sénateur Angus: Les fonctionnaires qui sont venus nous exposer les raisons qui justifient ce projet de loi nous ont dit qu'il répondait surtout à la nécessité de combattre le crime organisé. On nous a dit que c'était pour faire notre part en tant que membres d'un groupe de 28 pays qui conjuguent leurs efforts pour remédier au «blanchiment d'argent» une expression que je trouve plutôt folklorique et qui a été créée par la télévision. Ces définitions de la télévision surpassent de loin la définition énoncée dans le projet de loi.
Quoi qu'il en soit, êtes-vous d'accord pour dire que le principal et le seul but de ce projet de loi est de combattre le crime organisé à l'échelle internationale?
M. Reid: Oui.
Le sénateur Angus: Avant cette séance d'information, on m'a dit qu'il y avait d'autres raisons, comme la lutte contre l'évasion fiscale, et pas nécessairement le crime organisé.
Le sénateur Oliver: Et contre l'économie souterraine.
M. Reid: Ce n'est pas à moi d'en juger. Nous avons seulement examiné les conséquences du projet de loi pour la Loi sur l'accès à l'information. Tel est mon rôle. Je n'oserais pas aller plus loin.
Le sénateur Angus: D'après ce que je peux voir, monsieur, vous faites votre travail très assidûment. Je me réjouis, en tant que citoyen, que vous le fassiez avec autant de zèle et de compétence, vous et vos collègues. Disons que la principale raison d'être de ce projet de loi assez draconien est qu'il doit aider le Canada à faire sa part dans la lutte à grande échelle contre le crime organisé. Connaissez-vous d'autres lois ou d'autres bases de données résultant de lois visant à combattre le crime organisé, à cette échelle, et qui fourniraient des renseignements au public?
M. Leadbeater: Tous les organismes policiers du gouvernement fédéral, le SCRS, la GRC, les organismes de police associés au Service correctionnel du Canada, le service d'Immigration, l'Agence des douanes, et cetera, jouent un rôle crucial dans la sécurité nationale. Tous ces organismes ont comparu devant le Parlement lorsqu'on a proposé la Loi sur l'accès à l'information pour dire: «Quoi que vous fassiez, ne nous assujettissez pas à cette loi, car ce serait la fin de l'application de la loi». Le Parlement a répondu: «Désolé, mais nous pensons avoir prévu suffisamment d'exemptions». Tous ces organismes ont été assujettis à la loi. Trois ans plus tard, le Parlement a réexaminé la loi sans qu'aucun service policier ne vienne se plaindre d'avoir été paralysé.
L'expérience dans le domaine de la police et les domaines connexes est claire selon moi -- et il s'agit ici non pas strictement de l'application de la loi, mais d'un domaine connexe -- et prouve que cette loi n'empêche pas ces organismes de faire leur travail. En même temps, cela permet au public d'avoir une idée de ce qu'ils font.
Le sénateur Angus: Mais c'est une vague idée.
M. Reid: Oui, car les renseignements importants pour les activités d'un organisme de réglementation, pour la police ou le SCRS, sont protégés par la loi. Voilà pourquoi nous avons beaucoup de mal à comprendre pourquoi ce centre devrait être mieux protégé que tous les autres organismes gouvernementaux qui traitent des renseignements confidentiels et importants et bénéficient de cette exemption spéciale.
Le sénateur Angus: Ce sera ma prochaine question. D'après votre mémoire et votre déclaration, vous semblez croire que ce projet de loi permettrait aux autorités en place pourraient atteindre leur objectif sans l'article 85.
M. Reid: Oui. Comme je l'ai dit, aucun argument valide n'a pu être invoqué pour démontrer que l'article 85 est essentiel pour assurer le bon fonctionnement du centre.
Le sénateur Angus: Y a-t-il d'autres éléments de ce projet de loi que vous trouvez répréhensibles?
M. Reid: Non, c'est le seul. J'estime qu'il fait partie d'une attaque continue.
Le sénateur Angus: C'est ce qui m'inquiète. Je préférerais vous entendre dire que ce projet de loi est tout à fait inacceptable. Comme l'a dit mon collègue, le sénateur Oliver, il semble que le gouvernement actuel est en train de piétiner les principes fondamentaux des lois du pays sur la protection de la vie privée. Mes adjoints et moi-même allons donc examiner la question de plus près.
Je voudrais toutefois parler plus précisément de ce projet de loi qui a retenu largement l'attention sur la scène internationale. On nous dit que c'est urgent, que le Canada est le dernier des 28 pays à agir et que nous ferions mieux d'adopter rapidement cette mesure. Nous constatons maintenant que ce n'est pas tout à fait exact, que le Canada a déjà des lois pénales efficaces, et cetera. Si nous adoptons ce projet de loi, non seulement nous compterons parmi les 28 pays qui ont fait quelque chose, mais nous serons sans doute allés plus loin qu'eux. Nous attendons que les fonctionnaires nous fournissent un tableau comparatif pour voir si notre gouvernement nous demande d'aller plus loin que les 27 autres pays.
M. Reid: Je peux vous assurer qu'à ma connaissance, tous les autres renseignements recueillis en vertu d'autres lois du Parlement sont assujettis à la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur Angus: Vous l'avez dit clairement et je ne savais pas vraiment ce qu'il en était. Cela comprend la Loi sur le SCRS et nos principales lois pénales, mais à certaines conditions, bien entendu.
M. Reid: Oui, car il y a des exemptions.
Le sénateur Angus: Oui, et vous veillez à assurer un juste équilibre.
En vous préparant pour les audiences d'aujourd'hui et en examinant le projet de loi C-22, avez-vous eu l'occasion d'étudier les lois comparables des autres pays pour voir si elles dépassent les limites que vous jugez raisonnables?
M. Reid: Non, nous ne l'avons pas fait.
Le sénateur Angus: Vous ne pouvez pas nous dire que la législation canadienne sera plus draconienne que celle des autres pays si nous adoptons ce projet de loi?
M. Reid: Nous ne pouvons pas porter de jugement.
Le sénateur Kroft: Étant donné la réponse de M. Reid, je ne poserai peut-être pas ma question. Mais j'aimerais également savoir comment nous nous comparons aux autres pays.
Hier, nous avons entendu le témoignage d'un haut fonctionnaire de Belgique qui possède une vaste expérience de ce genre de législation au niveau international. Il a dit aussi qu'il était professeur de droit comparatif et qu'il parlait également à ce titre.
Lorsque nous lui avons demandé comment ce projet de loi se comparait aux lois internationales, il a dit qu'il assurait une plus grande «protection», je crois que c'est le mot qu'il a utilisé, et qu'il allait plus loin que les autres lois qu'il avait vu pour protéger les intérêts des citoyens.
Le sénateur Oliver: Ce n'est pas ce qu'il a dit. C'est inexact.
Le sénateur Kroft: Si vous vérifiez la transcription, vous verrez que c'est ce qu'il a dit.
Le sénateur Oliver: Il n'a pas dit cela.
Le sénateur Tkachuk: C'est une belle interprétation.
Le président: Je crois qu'il a dit cela, mais je vais devoir vérifier la transcription.
Le sénateur Kroft: Je vous invite à vérifier et vous verrez ce qu'il a dit.
Le sénateur Tkachuk: La Belgique a toujours été un excellent exemple à suivre et nous devrions le faire.
Comme c'est notre gouvernement qui a fait adopter la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information, nous estimons avoir la responsabilité de protéger ces lois. Le commissaire à la vie privée a soulevé hier plusieurs questions qui nous ont vivement préoccupés. Bien entendu, vous en soulevez d'autres aujourd'hui.
À la page 3 de votre mémoire, vous mentionnez le trou noir du secret qui sera créé si l'article 85 est maintenu. Vous dites qu'il pourrait être invoqué, par exemple, pour refuser de dévoiler le résultat de vérifications sur l'efficacité du centre.
Pourriez-vous expliquer ce que vous voulez dire? De quelles vérifications parlez-vous?
M. Reid: En général, l'un des instruments de gestion qui s'est répandu ces dernières années est la vérification des programmes qui permet de voir si la prestation des programmes est satisfaisante, si l'on dispose des ressources voulues et si l'administration est bien faite. Selon le Conseil du Trésor, les résultats de ces vérifications doivent être affichées dans un site Web et il est possible d'obtenir, depuis un certain temps, les ébauches de rapports dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information. Étant donné les exemptions que prévoit le projet de loi, on pourrait, en toute légitimité, faire valoir qu'il suffit de publier un rapport sur l'administration du programme plutôt que ces vérifications.
Le sénateur Tkachuk: À mon avis, ce projet de loi prévoit un examen parlementaire dans cinq ans, après quoi le Parlement ne réexaminera plus la loi à moins que le gouvernement n'adopte un nouveau projet de loi ou ne modifie la loi. Dites-vous que les vérifications ne seront plus obligatoires ou qu'elles ne seront plus divulguées?
M. Reid: Je ne peux pas dire si elles seront faites ou non, mais si elles sont faites, elles n'auront plus à être divulguées en raison de cet article.
Le sénateur Tkachuk: Si quelqu'un demande des renseignements sur une question concernant un ministère que le centre examine, cela peut-il servir d'excuse pour ne pas communiquer les renseignements demandés? Le centre recevra des renseignements de dizaines de milliers de gens des quatre coins du pays.
M. Reid: Si le ministère contrôle l'information, ce projet de loi ne permet pas de la divulguer. D'autre part, si les renseignements sont entre les mains de quelqu'un d'autre du fait qu'ils appartiennent à ce ministère, ils ne seront pas divulgués. Ils seraient sans doute protégés également en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, mais dans ce cas-ci, comme ils sont exemptés, il s'agit d'une interdiction absolue de les divulguer.
Le sénateur Poulin: Ne croyez-vous pas, monsieur Reid, qu'il y a une différence fondamentale entre ce centre, le SCRS et la GRC pour ce qui est du caractère confidentiel des renseignements que ce projet de loi permettrait d'obtenir?
M. Reid: Je dirais que le SCRS est, de loin, l'organisme qui détient les renseignements les plus délicats et ayant la plus grande portée, que la GRC arrive en deuxième place et cet organisme en troisième place. Ces renseignements ont d'importantes implications pour la vie privée des gens. Néanmoins, la Loi sur la protection des renseignements personnels protège la plupart de ces renseignements.
Je ne vois pas de conflit particulier entre la Loi sur l'accès à l'information et cet organisme étant donné qu'au cours des 17 dernières années, nous avons eu largement l'occasion de résoudre ces divergences, ces difficultés et ces problèmes avec les organismes qui détiennent des renseignements délicats et importants. Ce centre n'est qu'un organisme de plus et il s'intégrerait dans les méthodes déjà en place.
Le sénateur Angus: Avez-vous dit que le SCRS se classe premier pour ce qui est des renseignements délicats?
M. Reid: Oui.
Le président: Merci beaucoup, messieurs. Nous vous remercions de votre présence ici.
Je vais maintenant demander aux témoins de l'Association du Barreau canadien de s'avancer. Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Tamra L. Thomson et à M. Greg DelBigio.
Mme Tamra L. Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien: Monsieur le président, l'Association du Barreau canadien se réjouit de pouvoir faire connaître ses opinions au sujet du projet de loi C-22. L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente plus de 36 000 avocats qui exercent la profession dans toutes ses spécialités et dans toutes les régions du pays.
Parmi nos principaux objectifs figure l'amélioration de la loi et de l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous faisons connaître nos opinions aujourd'hui.
Vous avez reçu la copie de notre mémoire ainsi qu'une lettre d'accompagnement qui mentionne certaines modifications qui ont été apportées à l'autre endroit à la suite de notre témoignage.
Je vais demander à M. DelBigio de vous parler de l'essentiel de nos préoccupations vis-à-vis de ce projet de loi. M. DelBigio est membre de la Section de justice pénale et président sortant du groupe de Vancouver dans cette section de l'ABC.
M. Greg DelBigio, Association du Barreau canadien: L'Association du Barreau canadien a deux dernières préoccupations d'ordre général à émettre au sujet de ce projet de loi.
Nous craignons que ce projet de loi puisse entraver les opérations commerciales légitimes. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet étant donné que nous le développons dans notre mémoire.
Mais surtout, l'ABC s'inquiète de la façon dont ce projet de loi s'ingérera dans les relations entre l'avocat et son client, plus particulièrement en ce qui concerne et le secret professionnel et la confidentialité, qui sont deux aspects essentiels de cette relation.
Certains d'entre vous savent peut-être que le secret professionnel et la confidentialité sont deux concepts connexes, mais distincts. Tous les deux protègent les renseignements que les avocats reçoivent de leurs clients.
La confidentialité est, bien entendu, une obligation déontologique qui interdit aux avocats de divulguer les renseignements reçus à titre professionnel.
Le secret professionnel est un concept plus étroit. C'est un privilège qui appartient au client. Néanmoins, là encore, l'avocat n'a pas le droit de divulguer ce genre de renseignements.
L'Association du Barreau canadien estime que ce projet de loi nuit aux relations entre l'avocat et son client qui sont différentes de toutes autres relations professionnelles. La loi reconnaît cette différence. C'est une différence qu'il faut préserver et qui se trouve menacée par cette mesure.
L'ABC considère que ce projet de loi vise certainement à exercer un effet dissuasif et à appliquer la loi pénale et peut-être également à lutter contre le crime organisé en ce qui concerne le blanchiment d'argent. Lorsqu'on examine cette mesure, il ne faut pas perdre de vue la loi existante, plus particulièrement la partie XII.2 du Code criminel. Il s'agit des dispositions existantes au sujet du blanchiment d'argent qui prévoient un ensemble très complet de mesures, y compris des dispositions concernant les infractions, les perquisitions et les saisies. Il y a aussi, dans le Code criminel, des dispositions spéciales à l'égard du crime organisé, par exemple les dispositions relatives à l'écoute électronique et aux pénalités.
Je le dis pour montrer que les dispositions du projet de loi existent déjà, à bien des égards, dans le Code criminel. Le projet de loi C-20 est-il nécessaire en ce qui concerne les avocats? Y a-t-il actuellement une lacune à combler dans le Code criminel? L'Association du Barreau canadien estime que la réponse à ces questions est tout simplement un non catégorique.
Les lois existantes permettent de s'attaquer efficacement au blanchiment d'argent et au crime organisé. Même si ce projet de loi pourrait être adopté, il n'est pas nécessaire d'y inclure les avocats.
Ce projet de loi exigerait que les avocats modifient de façon fondamentale leurs relations avec leurs clients. Dans certains cas, l'avocat devra transmettre certains renseignements au centre et cela, à l'insu du client.
L'incertitude quant à la signification de l'expression «opérations douteuses» risque d'entraîner une excès de déclarations inutiles. Autrement dit, face à cette incertitude, il se peut que les avocats choisissent de faire une déclaration plutôt que de s'abstenir. On risque de recueillir plus de renseignements qu'il n'est absolument nécessaire.
Je suis parfaitement au courant de la protection que prévoit le projet de loi, mais encore une fois, ce n'est pas la même chose que la confidentialité. Cela ne protège absolument pas le caractère confidentiel des communications.
Nous avons des inquiétudes très précises au sujet des mesures d'application et de la possibilité d'entrer dans les bureaux d'avocats pour rechercher et recueillir des renseignements. Il y a une disposition similaire à l'article 488.1 du Code criminel concernant la perquisition dans les bureaux d'avocats. Cette disposition a été contestée en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario. Dans tous les cas sauf un, l'article 488.1 a été jugé inconstitutionnel.
C'est parce qu'il ne protège pas adéquatement le secret professionnel, un privilège qui appartient au client. À bien des égards, les dispositions du projet de loi reflètent l'article 488.1. L'Association du Barreau canadien craint que, pour des raisons très semblables à celles que les tribunaux ont déjà mises en lumière, ce privilège ne soit pas protégé. Il pourrait être perdu à cause de l'inaction d'un avocat, ce qui irait à l'encontre des intérêts du client.
Le sénateur Kelleher: Je ne suis pas certain d'avoir tout compris parfaitement et je voudrais confirmer certaines choses avec vous. Si j'ai bien compris, une fois que les renseignements préliminaires ont été communiqués au Centre et que ce dernier estime nécessaire de pousser l'enquête plus loin, l'article 62 du projet de loi permet au Centre d'aller au bureau de l'avocat pour exiger de voir les dossiers et les renseignements contenus dans les ordinateurs et ailleurs. Ensuite, si je comprends bien, le paragraphe 64(2) donne à l'avocat le droit d'invoquer le secret professionnel entre l'avocat et son client à l'égard de ces documents. Cela ne l'avance pas beaucoup, car l'avocat a seulement le droit de faire placer sous scellés les documents en question. Ensuite, le paragraphe 64(4) lui permet, dans les 14 jours, je crois, d'aller devant un juge, aux frais de son client, pour prouver que ce dernier bénéficie du secret professionnel. Autrement dit, j'ai l'impression que le fardeau de la preuve a changé de camp. Si je désire invoquer le secret professionnel entre l'avocat et son client, je dois aller à mes frais devant le tribunal pour en faire la preuve, c'est bien cela?
M. DelBigio: C'est exact et c'est précisément ce qui nous inquiète, le fait que l'inaction de l'avocat entraînera la perte de ce privilège. Encore une fois, ce privilège appartient au client et non pas à l'avocat. Si l'avocat n'invoque pas le secret professionnel dès le départ ou s'il n'agit pas dans les 14 jours, son inaction fera perdre ce privilège à son client. C'est précisément pourquoi les tribunaux ont estimé que l'article 488 du Code criminel était inconstitutionnel en ce qui concerne la perquisition du bureau d'avocat.
Le sénateur Kelleher: Qu'ont fait les pays comme la Grande-Bretagne et les États-Unis, dont la common law est semblable à celle du Canada, pour résoudre ce problème? Leurs avocats ont-ils eu, à cause d'une loi similaire -- car nous sommes les derniers à en adopter une -- le même problème en ce qui concerne le secret professionnel?
M. DelBigio: J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous fournir une réponse complète à cette question, sénateur. Je peux seulement vous donner une réponse partielle. Premièrement, il ne faut pas oublier les exigences de la Constitution du Canada. C'est ce qui distingue le Canada de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Sauf erreur, aux États-Unis, les différents États ont des protections différentes contre la perquisition des bureaux d'avocats.
Le sénateur Kelleher: D'après ce que j'ai compris, on peut dire que le gouvernement a hâte de faire adopter cette loi avant que nous ne nous ajournions pour l'été, si possible. Le Sénat se trouve régulièrement dans ce genre de situation en cette période de l'année.
L'Association du Barreau canadien pourrait-elle faire quelques recherches à ce sujet et nous donner une réponse au début de la semaine prochaine? Faites-nous savoir comment la Grande-Bretagne et les États-Unis ont réglé cette question. De toute évidence, leur loi est en vigueur depuis plusieurs années. Pourquoi devrions-nous «réinventer la roue»? Cela a dû leur poser un problème, mais ils ont dû chercher à le résoudre. Ce sont des pays très respectueux des lois et il serait sans doute utile de voir ce qu'ils ont fait.
M. DelBigio: Nous allons chercher à réunir ces renseignements bien qu'il ne soit peut-être pas possible de vous présenter, d'ici une semaine, une analyse juridique complète du droit comparatif.
Le sénateur Kroft: Ma question fait directement suite à celle du sénateur Kelleher quant au fardeau de la preuve concernant le secret professionnel. Pouvez-vous nous dire comment cette proposition se compare aux dispositions actuelles de la Loi de l'impôt sur le revenu?
M. DelBigio: J'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre immédiatement à cette question.
Le sénateur Kroft: D'après ce que j'ai compris, cette proposition correspond à ce que prévoit actuellement la Loi de l'impôt sur le revenu. Je voudrais savoir si j'ai raison.
Le sénateur Kelleher: À ma connaissance, vous avez sans doute raison. Je crois toutefois qu'en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'intéressé fournit lui-même les renseignements en faisant sa déclaration de revenu. Par conséquent, il doit assumer la responsabilité de ses propres actes. Dans ce cas-ci, il y a trois parties.
Le sénateur Kroft: Je parle du secret professionnel uniquement.
Le sénateur Kelleher: Je pense que vous avez raison, sénateur Kroft.
M. DelBigio: Il faut bien reconnaître que la Loi de l'impôt sur le revenu fait une distinction entre les vérifications et les enquêtes spéciales. Les enquêtes spéciales s'apparentent davantage à une poursuite au pénal. Les objectifs de ce projet de loi ont un caractère pénal plutôt que réglementaire. L'enquête spéciale vise à prévenir et à déceler les activités criminelles et surtout le crime organisé. Si l'on examine les garanties nécessaires, il est important de tenir compte du contexte et de ses objectifs.
Le sénateur Furey: Ma question concerne la masse de renseignements qui seront recueillis sur des citoyens qui seront finalement jugés innocents de tout comportement criminel. Étant donné la façon dont le projet de loi est conçu, aucun mécanisme ne permet d'avertir ces personnes qu'elles ont fait l'objet d'une enquête. L'Association du Barreau canadien a-t-elle pris position à ce sujet?
M. DelBigio: Nous n'avons pas abordé spécifiquement la question. Nous nous préoccupons de la collecte de renseignements et de leur utilisation ultérieure. Nos préoccupations portent sur les renseignements recueillis secrètement, bien que l'Association du Barreau canadien n'en ait pas vraiment parlé dans son mémoire.
Le sénateur Furey: Estimez-vous que les gens qui n'ont rien fait de mal et qui ont fait l'objet d'une enquête ont le droit de le savoir?
M. DelBigio: Nous sommes sensibles aux besoins de la police qui doit parfois enquêter sans que la cible ne soit au courant. Néanmoins, l'Association du Barreau canadien se préoccupe surtout, comme je l'ai dit, du risque de déclarations excessives étant donné que les avocats voudront se protéger face à cette incertitude. L'avocat pourrait se laver les mains en disant: «J'ai fait mon travail et je vais laisser le centre traiter ces renseignements comme il le jugera bon».
Le sénateur Furey: À quel moment pensez-vous que le pauvre citoyen qui ne sait pas qu'il a fait l'objet d'une enquête devrait en être informé de façon à pouvoir consulter un avocat?
Quel que soit le nom qu'on lui donne, quel que soit l'euphémisme utilisé, on mène une enquête criminelle à son sujet.
M. DelBigio: Oui, tel que le projet de loi se présente actuellement et certainement en ce qui concerne l'article relatif à l'obstruction d'une enquête criminelle. À l'heure actuelle, si un avocat apprend qu'un client est la cible d'une enquête criminelle, rien ne lui interdit de divulguer des renseignements concernant l'obstruction des lois pénales.
Le sénateur Furey: C'est un sujet dont on parle beaucoup ces jours-ci.
Le sénateur Oliver: L'Association du Barreau canadien estime-t-elle que certaines dispositions de ce projet de loi sont inconstitutionnelles? Je vous rappelle que, dans votre mémoire, vous avez déclaré que:
Le projet de loi C-22 impose une réglementation très intrusive aux entreprises, aux institutions financières et aux professionnels, y compris les avocats, à un point tel qu'il pourrait être inconstitutionnel.
Est-ce toujours votre position?
M. DelBigio: Oui.
Le sénateur Oliver: Que recommandez-vous au sujet du caractère inconstitutionnel de ce projet de loi?
M. DelBigio: Nous estimons qu'un projet de loi comme celui-ci relie inextricablement les intérêts commerciaux aux enquêtes criminelles. Il faudrait faire une distinction entre les deux. Ce projet de loi ne peut pas prétendre réglementer à la fois le commerce et les intérêts commerciaux et la tenue d'enquêtes criminelles.
Le sénateur Oliver: Vous avez mentionné l'article 11 du projet de loi. J'ai interrogé plusieurs témoins au sujet du libellé de cet article concernant le secret professionnel entre l'avocat et son client. Le projet de loi porte ceci:
La présente partie n'a pas pour effet de porter atteinte au secret professionnel du conseiller juridique.
Le mot «communication» est une importance cruciale. Selon moi, ce mot ne signifie pas une activité ou une opération comme au paragraphe 9(1) et cela ne veut pas dire non plus «confidentialité», comme vous l'avez souligné.
Que pourrions-nous faire pour renforcer l'article 11 de façon à offrir les garanties que l'Association du Barreau canadien estime nécessaires? Je me demande quel libellé nous pourrions utiliser pour renforcer l'article 11 du projet de loi afin de compenser la faiblesse du mot «communication».
M. DelBigio: Nous préférerions ne pas nous contenter d'un remède aussi limité. Nous estimons d'abord et avant tout qu'il faudrait exempter les avocats du projet de loi. Deuxièmement, si ce n'est pas possible, il faudrait élargir la notion de renseignements confidentiels au-delà des simples communications et y inclure les transactions. Troisièmement, il faudrait reconnaître l'importance de l'obligation déontologique de protéger la confidentialité. Quatrièmement, l'intrusion dans un bureau d'avocat ne devrait se faire qu'avec un mandat et seulement d'une façon qui protégera suffisamment le secret professionnel et le caractère confidentiel des renseignements. Cela pourrait être assuré en exigeant qu'un avis soit donné aux tiers, c'est-à-dire aux clients.
La partie XII.2 du Code criminel prévoit que le tiers doit être avisé. Ce concept n'est pas étranger au droit pénal existant.
Le sénateur Oliver: Avez-vous un libellé ou un projet d'amendement à proposer pour nous aider dans nos délibérations?
M. DelBigio: Nous ne les avons pas encore, mais nous nous ferons un plaisir de vous les fournir.
Le sénateur Oliver: Ma dernière question concerne ce que certaines personnes considèrent comme un seuil de divulgation trop bas, le chiffre de 10 000 $. Vous êtes un avocat criminaliste. Il y a certainement beaucoup de renseignements confidentiels échangés dans le cadre des transactions commerciales courantes qu'effectuent les avocats de sociétés, par exemple lors d'une nouvelle émission d'actions. De nombreux renseignements doivent rester confidentiels pendant un certain temps avant de devenir publics.
Le seuil fixé dans ce projet de loi vous inquiète-t-il? Pensez-vous que cela limitera les transactions qui sont confiées régulièrement à des bureaux d'avocats?
M. DelBigio: Ce seuil nous préoccupe énormément. Il serait préférable de le fixer en consultant les personnes qui effectuent des transactions commerciales. Le chiffre de 10 000 $ semble s'appliquer à de trop nombreuses transactions.
Le sénateur Angus: Pour ce qui est de la constitutionnalité, monsieur DelBigio, vous avez dit que l'article 488.1 du Code criminel était à peu près identique aux dispositions de ce projet de loi?
M. DelBigio: Il n'est pas identique, mais très semblable.
Le sénateur Angus: Vous avez cité, je crois, une jurisprudence selon laquelle l'article 488.1 a déjà été jugée inconstitutionnelle par certains tribunaux canadiens parce qu'il porte atteinte au droit fondamental que représente le secret professionnel entre l'avocat et son client et aux normes de confidentialité. Est-ce exact?
M. DelBigio: C'est exact.
Le sénateur Angus: En tant que praticien, savez-vous si les organismes d'application de la loi ont invoqué l'article 488.1 depuis que les tribunaux ont rendu ces décisions?
M. DelBigio: Je ne peux pas répondre à cette question avec certitude, sénateur. À ma connaissance, aucune perquisition n'a eu lieu dans les bureaux d'avocats depuis que cette disposition a été invalidée.
Le sénateur Angus: Comme certains tribunaux l'ont effectivement invalidée, c'est un excellent précédent. Si, en dépit de votre excellent témoignage, le gouvernement décide de faire adopter ce projet de loi tel qu'il est libellé, il serait possible d'invoquer cette décision des tribunaux. Un avocat dont les bureaux seraient perquisitionnés ou à qui on demanderait de se conformer aux dispositions de ce projet de loi pourrait répondre: «Désolé, ces dispositions sont inconstitutionnelles et allez vous faire voir». C'est bien ce que vous dites?
M. DelBigio: Oui, c'est bien cela. Cette disposition serait rejetée pour les mêmes raisons que l'article 488.1 du Code criminel. Je crois que dans la cause de l'Alberta, l'affaire Lavallee, on a demandé l'autorisation d'aller devant la Cour suprême du Canada. Une demande d'autorisation a été déposée.
Le sénateur Angus: Lorsque vous nous fournirez les autres renseignements que nous avons demandés, surtout le projet d'amendement qui réglerait le problème selon vous, pourriez-vous nous fournir ces références? Il nous serait utile d'avoir la référence de la cause pour laquelle on a demandé l'autorisation d'aller devant la Cour suprême.
Même s'il y a peut-être d'autres éléments du projet de loi qui présentent un intérêt pour l'Association du Barreau canadien ou qui ne vous satisfont pas, je crois que vous comptez seulement insister ici sur le secret professionnel entre l'avocat et son client?
M. DelBigio: C'est ce qui nous préoccupe le plus.
Le sénateur Oliver: Cela comprend la confidentialité?
M. DelBigio: C'est exact.
Le sénateur Angus: Les deux vont de pair?
M. DelBigio: Nous avons des préoccupations plus vastes. Nous nous inquiétons beaucoup de la facilité avec laquelle les renseignements circuleront vers le centre, puis vers la police. Même si une disposition porte que le centre sera indépendant des organismes d'application de la loi, en fait le libellé permet la libre circulation de l'information, à très grande échelle. En ce qui concerne les avocats, cela veut dire que les renseignements risquent de sortir très rapidement de leurs bureaux pour aller jusqu'au centre et ensuite se retrouver entre les mains de la GRC ou d'une autre force policière.
Le sénateur Angus: Ces renseignements rejoindront peut-être des organismes d'application de la loi en Suisse ou ailleurs?
M. DelBigio: Exactement.
Le sénateur Angus: Quoi qu'il en soit, je crois que vous avez bien fait valoir votre point de vue et l'Association du Barreau canadien fait certainement un excellent travail pour ce qui est de vérifier ce projet de loi et de signaler ses dispositions qui risquent d'être inconstitutionnelles à l'attention du Parlement avant qu'elles ne soient adoptées. C'est une excellente chose et je suis certain que nous tiendrons compte de ce que vous avez dit.
Pourrais-je vous poser une autre question? D'après votre témoignage, vous semblez juger nécessaire que l'État possède certains pouvoirs spéciaux pour combattre le crime organisé, aux niveaux national et international. J'en conclus donc que l'esprit général du projet de loi n'est pas un anathème aux yeux de l'Association du Barreau canadien. C'est exact?
M. DelBigio: Le blanchiment d'argent et le crime organisé existent sans aucun doute. Il ne fait aucun doute non plus que l'application de la loi serait plus efficace s'il y avait, à chaque coin de rue, un policier doté de pouvoirs qui lui permettraient de fouiller l'automobile de n'importe qui sans mandat ou sans motif raisonnable. Cela rendrait l'application de la loi plus efficace. De plus, l'obligation des bureaux d'avocats de divulguer des renseignements peut rendre l'application de la loi plus efficace.
Il faut d'abord se demander si c'est nécessaire. Ensuite, il s'agit de voir si c'est acceptable du point de vue constitutionnel. L'Association du Barreau canadien estime que l'intention et les objectifs du projet de loi ne seront nullement compromis si les avocats sont exemptés et, de toute façon, il serait inconstitutionnel d'inclure les avocats.
Le sénateur Angus: Vous êtes allé au devant de ma deuxième question. J'ai d'abord demandé si c'était légal et constitutionnel. Vous dites que non. J'allais vous demander s'il est nécessaire d'adopter cette disposition illégale pour rendre le projet de loi efficace. Vous avez également répondu par la négative.
M. DelBigio: Oui.
Le sénateur Angus: Je crois que vous avez fait le tour de la question. Merci beaucoup.
M. DelBigio: Dans la cause qui est allée devant les tribunaux et qui doit être portée devant la Cour d'appel, les associations du barreau de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de l'Ontario sont intervenues et ont convenu que l'article 488.1 était inconstitutionnel.
Mme Thomson: Je voudrais seulement signaler que la référence de toutes les causes que nous avons mentionnées dans notre exposé d'aujourd'hui figure dans notre mémoire. Pour la décision Lavallee, en particulier, la référence figure à la page 5 de la version anglaise de notre mémoire et à la page 6 de la version française.
Le sénateur Tkachuk: Lorsque les fonctionnaires du ministère ont comparu devant notre comité, il nous ont donné l'impression que nous étions très en retard par rapport aux autres pays pour ce qui est de nous attaquer au blanchiment d'argent alors qu'en réalité nous avons des lois à cet effet depuis un certain temps et nous avons même précédé la Belgique. Je suis sidéré. On nous a dit hier que les lois contre le blanchiment d'argent ont été adoptées en 1990 et qu'il n'y en avait aucune avant cela alors que, comme vous l'avez dit, nous avions déjà des lois assez efficaces.
Pour mieux comprendre la raison d'être de ce projet de loi, je vais être plus précis. À l'heure actuelle, si un avocat a un client qui se livre à des activités illégales, il a l'obligation de le signaler aux autorités, n'est-ce pas?
M. DelBigio: Il a en tout cas l'obligation de ne pas participer à ces activités. Je dirais que tout le monde n'est pas d'accord quant aux circonstances dans lesquelles un avocat a l'obligation de signaler un acte illégal. Certains disent que cela devient obligatoire lorsqu'il y a une menace imminente de lésions corporelles. La Cour suprême du Canada a examiné cette question dans l'affaire Smith c. Jones. Il n'est peut-être pas nécessaire de signaler le vol d'une tablette de chocolat, mais il le serait certainement de signaler l'intention de commettre un meurtre.
Le sénateur Tkachuk: Si une institution financière croit que quelqu'un agit illégalement, n'a-t-elle pas actuellement l'obligation de le signaler? Autrement dit, je crois qu'aux termes de la loi actuelle, si quelqu'un apporte plus de 10 000 $ en espèces, l'institution financière doit en faire rapport au gouvernement, mais je ne sais pas exactement à qui.
M. DelBigio: Oui. C'est inscrit dans des registres quelque part. En fait, je crois que les institutions financières veillent à connaître leurs clients et à ne pas participer à des transactions financières qu'elles ne jugent pas conformes à leurs normes.
Le président: Pourriez-vous être plus précis, s'il vous plaît? N'est-ce pas un système de déclaration volontaire?
M. DelBigio: Si c'est volontaire?
Le président: Oui.
M. DelBigio: Les dispositions en place exigent que les transactions de plus de 10 000 $ soient déclarées. C'est ce que je crois savoir.
Le président: Je ne pense pas, mais continuez.
Le sénateur Tkachuk: Si une banque ou une institution financière, un cabinet d'avocat ou un bureau de comptable participe à un blanchiment d'argent, ils sont également passibles de poursuites en vertu de la loi actuelle?
M. DelBigio: Absolument. La définition actuelle du blanchiment d'argent qui figure dans le Code criminel a une très grande portée et s'applique à toutes sortes de transactions auxquelles des avocats, des comptables ou des banques pourraient participer. Et il y a déjà des dispositions permettant de poursuivre certaines personnes qui prennent part à certaines transactions financières.
Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, ce projet de loi ne sert pas vraiment à poursuivre les criminels qui participent au blanchiment d'argent étant donné que nous avons déjà des lois qui visent tout le monde -- si vous participez à ce genre d'activité, vous risquez de vous faire arrêter et accuser. En fait, ce projet de loi doit permettre aux autorités de tout savoir sur vos activités afin qu'elles puissent prendre une décision au lieu de vous laisser la prendre vous-même. N'est-ce pas vraiment le but de cette mesure?
M. DelBigio: C'est un moyen beaucoup plus simple de recueillir beaucoup de données qui pourraient donner lieu à des poursuites.
Le président: Nos derniers témoins d'aujourd'hui sont des représentants de l'Institut canadien des comptables agréés. Bonjour, messieurs.
M. Ian Murray, président, Groupe consultatif sur la Loi contre le recyclage financier des produits de la criminalité, Institut canadien des comptables agréés: Monsieur le président, au nom de l'Institut canadien des comptables agréés, nous tenons à vous remercier de nous avoir invités à venir ici aujourd'hui pour parler du projet de loi visant à combattre le blanchiment d'argent.
Je suis un associé de la firme KPMG et je préside le groupe consultatif que l'Institut a mis sur pied pour examiner ce projet de loi. Je suis accompagné aujourd'hui de Simon Chester, notre conseiller juridique.
L'Institut a soumis, en février, au ministère des Finances un mémoire portant sur le document de consultation du gouvernement qui a précédé le projet de loi C-22. Ce mémoire se fondait sur le travail d'un groupe consultatif qui a examiné le document de consultation ainsi que l'avant-projet de loi et de règlement. Notre mémoire appuyait ce projet de loi dans les grandes lignes, mais nous étions convaincus, et nous le sommes toujours, que certains changements étaient souhaitables.
Notre mémoire portait sur les cinq questions dont nous voudrions parler plus précisément aujourd'hui. Nous proposons de rétrécir la portée du projet de loi; de définir les «opérations douteuses», d'éviter le dédoublement des exigences concernant les déclarations, de limiter le pouvoir d'accès aux dossiers et d'élargir les moyens de défense et les garanties disponibles.
Je parlerai d'abord de la portée du projet de loi. Je tiens à répéter dès le départ que notre institut appuie le projet de loi et l'accent qui est mis sur les intermédiaires financiers. Nous reconnaissons l'importance d'avoir un régime international efficace pour lutter contre le blanchiment d'argent. Nous croyons que les intermédiaires financiers qui participent directement aux transactions financières devraient assumer la principale responsabilité pour ce qui est de déclarer les opérations douteuses.
Nous reconnaissons que, lorsqu'un comptable agréé joue le rôle d'intermédiaire financier, il devrait avoir les mêmes responsabilités à cet égard que les autres intermédiaires financiers. Nous comprenons que le projet de loi doit seulement s'appliquer aux comptables agréés qui participent directement à une transaction financière, par exemple, s'ils manipulent des fonds en espèces pour des clients ou s'ils assurent la gestion générale d'une entreprise.
Cette responsabilité est normale. Ces comptables agréés devraient savoir où ils en sont. Néanmoins, cela doit s'accompagner d'une certaine clarté et pour cela, il faut certaines limites.
Nous savons que les exigences du projet de loi concernant les déclarations ne s'appliquent pas à ceux qui ne participent pas directement aux transactions financières de l'entreprise, par exemple les vérificateurs internes, les planificateurs stratégiques, les comptables fiscaux et les gestionnaires adjoints. Ces exigences ne s'appliquent pas non plus aux comptables agréés qui jouent un rôle consultatif, c'est-à-dire qui fournissent des services à des clients à titre de tiers, par exemple comme vérificateurs, comme juricomptables, comme conseillers en gestion, comme évaluateurs commerciaux et comme conseillers fiscaux.
Quoi qu'il en soit, nous craignons que le libellé du projet de loi et de la réglementation gouvernementale puisse être interprété de façon à assujettir toute la profession à ces dispositions. L'alinéa 5i) porte que la partie I du projet de loi s'applique aux personnes qui se livrent à l'exploitation d'une entreprise ou à l'exercice d'une profession ou d'activités visées par un règlement.
Une disposition de la réglementation en vigueur et qui, d'après ce que nous avons compris, doit être conservée, indique que la loi s'applique à toute personne qui, dans le cadre d'un commerce, d'une profession ou d'une activité, reçoit des fonds en espèces pour paiement ou transfert à un tiers. Nous craignons que ce libellé ne soit trop général. Il n'est pas dit clairement si le projet de loi s'appliquera seulement aux personnes qui participent directement à ces transactions. Cela pourrait inclure tous les membres d'une entreprise ou d'une profession dans laquelle certaines personnes peuvent participer à ce genre de transactions.
Nos inquiétudes sont accentuées par le libellé de l'article 7 du projet de loi qui exige que les personnes ou les entités qui soupçonnent des opérations douteuses dans le cadre de leurs activités fassent une déclaration. À notre avis, ce libellé est tellement vague qu'il ne limite pas cette exigence aux comptables professionnels qui participent directement aux opérations financières.
Cela irait beaucoup plus loin.
Nous craignons que le libellé du règlement en vigueur associé à l'article 7 puisse être interprété de façon à imposer ces exigences à l'ensemble de la profession de comptable.
Je voudrais vous donner un simple exemple. Un juricomptable est chargé d'aider un client à examiner sa participation à des opérations potentiellement douteuses. Le comptable se trouverait en conflit entre l'aide qu'il doit apporter à son client et l'obligation de faire une déclaration au Centre. Il risque donc de devoir refuser ses services si bien que le client sera privé de l'aide dont il a besoin. Il y a bien d'autres circonstances dans lesquelles, en l'absence de clarification, les comptables agréés pourraient se trouver obligés de faire une déclaration.
Nous estimons que les éclaircissements requis devraient être donnés dans le projet de loi comme tel. Nous sommes toutefois conscients des réalités du calendrier législatif. S'il n'est pas possible d'apporter des amendements, il faudrait apporter ces éclaircissements dans le règlement.
À cet égard, nous remarquons que le projet de loi contient, à l'alinéa 5j) une disposition permettant de prendre des règlements limitant l'application de la partie I à certaines activités commerciales et professionnelles. Nous pensons qu'un règlement pris aux termes de cet article devrait contenir le libellé ci-après:
La partie 1 de la Loi s'applique à tout comptable professionnel qui, dans le cadre d'une entreprise ou d'une profession, reçoit des fonds en espèces à payer ou à transférer à un tiers.
Nous croyons que l'application du projet de loi devrait être déterminée par l'activité, et non pas par la nature ou le titre de notre profession, mais bien par les activités auxquelles nous participons.
Ce changement préciserait bien que le projet de loi ne s'appliquerait qu'aux personnes qui participent directement à des opérations financières. À cet égard, nous avons pris bonne note des assurances que les hauts fonctionnaires du ministère des Finances ont données lors des audiences du comité des finances sur le projet de loi C-22. Ils ont précisé que le gouvernement comptait faire en sorte que le projet de loi s'applique seulement aux professionnels agissant comme intermédiaires financiers.
Ils ont également confirmé, au cours de ces audiences que: «Le règlement indiquera très clairement que l'obligation de faire une déclaration ne s'appliquera pas aux fonctions de vérification de la profession de comptable».
Nous croyons comprendre que les fonctionnaires préparent des modifications suite aux engagements pris au cours des audiences et qu'ils comptent consulter de nouveau les parties prenantes. Néanmoins, nous ne savons pas si des précisions seront apportées dans le projet de loi.
Nous n'avons pas encore vu ces amendements. Nous réitérons la nécessité d'apporter des changements qui préciseront dans quelle mesure notre profession sera touchée par les exigences de ce projet de loi.
Je voudrais maintenant parler de la définition d'une «opération douteuse». Nous nous inquiétons de ce que ni le projet de loi ni le règlement ne contiennent de définition. Le succès du régime de déclaration obligatoire dépendra de la mesure dans laquelle des critères clairs et précis pourront être établis.
En l'absence de critères, les déclarations seront excessives et irrégulières étant donné que tous les professionnels devront porter un jugement quant aux opérations qui leur sembleront douteuses. Le Centre établira des lignes directrices pour aider à identifier les caractéristiques et les circonstances, mais ces lignes directrices n'auront pas force de loi. Nous croyons que ces précisions doivent être apportées dans la loi et non pas dans des lignes directrices.
Nous recommandons d'inclure dans le règlement une définition d'une opération douteuse qui établira des critères clairs et précis. Comme il est très difficile de donner une définition parfaitement claire d'une opération douteuse, il faudrait donner des exemples et citer des études de cas pour illustrer les circonstances dans lesquelles il y a lieu de faire ou non une déclaration.
Le président: Excusez-moi, mais avez-vous essayé de trouver une définition?
M. Murray: Nous n'avons pas essayé. Nous avons toutefois indiqué notre désir de coopérer avec les fonctionnaires du ministère à cet égard.
Le président: Nous aurions sans doute tous de la difficulté à trouver une définition claire. J'ai essayé de le faire, mais c'est un peu comme la beauté, chacun en a sa propre définition. Si vous avez des idées brillantes, veuillez nous le faire savoir.
M. Murray: Nous le ferons certainement avec plaisir.
Le président: Merci.
M. Murray: Si des lignes directrices provisoires étaient mises en place pour une raison quelconque, il faudrait les inclure dans le règlement afin que le public puisse les examiner avant qu'elles ne soient adoptées.
De plus, nous recommandons de différer la date à laquelle il faudra commencer à déclarer les opérations douteuses jusqu'à ce qu'on ait établi des critères et donné des exemples.
La troisième question que j'aborderai est celle du dédoublement des exigences concernant la déclaration. Nous nous inquiétons également du fait que le projet de loi n'est pas clair en ce qui concerne les professionnels comme les comptables agréés qui peuvent travailler pour des entités visées à l'article 5 et qui participent directement à des opérations financières. Ces comptables agréés ont des déclarations à faire en tant qu'employés travaillant pour une entité visée par le projet de loi, mais ils ont également la responsabilité, en tant que comptables professionnels, de déclarer les opérations douteuses.
C'est peu clair et cela semble dédoubler les exigences qui s'appliquent seulement aux personnes qui sont à la fois les employés de ces entités et des comptables professionnels.
Si un comptable signale l'opération douteuse à son superviseur, il est protégé par le paragraphe 75(2) en tant qu'employé. Néanmoins, il pourrait quand même s'exposer à des sanctions pour n'avoir pas fait de déclaration au centre en tant que comptable professionnel. Nous croyons que la protection offerte aux employés devrait s'appliquer, en pareil cas, au comptable agréé, qui est en même temps un employé.
La quatrième question est celle de la limitation du pouvoir d'accès. Les mesures prévues aux articles 62 à 65 permettent à un agent autorisé du centre d'examiner les dossiers et d'enquêter sur l'entreprise et les affaires d'une personne ou d'une entité mentionnée à l'article 5 pour s'assurer de l'application de la loi. Nous craignons que, même si la partie I est modifiée de façon à limiter sa portée aux intermédiaires financiers, ces dispositions semblent accorder de très vastes pouvoirs d'accès à tous les dossiers, et pas seulement ceux qui se rapportent aux activités des intermédiaires financiers, et cela sans mandat.
Par conséquent, nous recommandons de clarifier les dispositions du projet de loi de façon à limiter le pouvoir d'accès aux dossiers qui concernent les activités des intermédiaires financiers. Nous pensons également que cet accès devrait seulement être autorisé par un mandat.
La dernière question que nous aborderons est celle des moyens de défense et des garanties. Nous voudrions faire quelques observations au sujet des moyens de défense et des protections que prévoit la partie 5 du projet de loi.
D'autres pays permettent d'invoquer une «excuse raisonnable», par exemple, lorsque par crainte de violence physique ou d'autres menaces, il serait déraisonnable de déclarer une opération douteuse ou de refuser de jouer le rôle d'intermédiaire pour un client. Il peut y avoir des circonstances où un tiers peut deviner la source d'information qui a déclenché une enquête. Il existe peut-être des moyens de défense équivalents à l'excuse raisonnable en common law, mais le projet de loi ne les reconnaît pas.
Nous trouvons également inquiétant que le projet de loi n'accorde pas une protection ou un recours à ceux qui perdent leur emploi parce qu'ils ont fait une déclaration en toute bonne foi. De plus, le projet de loi n'est pas clair quant à la façon de résoudre les situations où le projet de loi entre en conflit avec d'autres lois qui exigent la confidentialité, comme la Charte des droits et libertés du Québec.
Nous recommandons d'inclure dans le projet de loi l'excuse raisonnable comme moyen de défense de même qu'une protection supplémentaire pour les auteurs d'une déclaration.
Enfin, nous recommandons de modifier le projet de loi pour tenir compte des circonstances où le projet de loi entre en conflit avec d'autres lois exigeant la confidentialité.
Pour conclure, je tiens à souligner de nouveau que nous approuvons les intentions de cette mesure lorsqu'elle s'applique à ceux qui participent directement à des opérations financières à titre d'intermédiaires. Nous croyons toutefois que le libellé du projet de loi ne précise pas suffisamment quels sont les membres de la profession de comptables agréés qui doivent déclarer les opérations douteuses. Nous voyons là un sérieux problème, mais nous vous exhortons à clarifier quelles sont les activités auxquelles le projet de loi s'appliquerait pour notre profession.
Nous vous exhortons également à inclure dans le projet de loi une définition claire et précise des opérations douteuses afin que ceux qui ont l'obligation de les déclarer appliquent des critères uniformes.
Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Fitzpatrick: Je voudrais revenir sur ce que le président a dit au sujet de la définition des opérations douteuses. L'Institut des comptables agréés a dit qu'il se ferait un plaisir de conseiller le ministère. Il serait peut-être utile que vous fournissiez une liste de lignes directrices. Compte tenu de votre expérience, vous devez avoir une bonne idée des circonstances ou des situations de nature douteuse.
Monsieur le président, je crois qu'avant que le règlement ne soit rédigé, il serait utile que les témoins présentent une proposition, s'ils sont prêts à le faire.
M. Murray: Nous nous ferons un plaisir d'essayer. Je crois que le ministère a réuni quelques exemples de ce que font les autres pays et établi un ensemble de pratiques exemplaires, ce qui n'est pas facile à faire. Quoi qu'il en soit, il a commencé ce travail. Le mieux serait que nous collaborions avec les fonctionnaires afin d'éviter un dédoublement des efforts.
Le sénateur Fitzpatrick: Nous sommes un peu dans la même situation que vous. Nous n'avons pas encore vu le résultat de ce travail. Nous pourrions obtenir une liste de vous ou du ministère. Ainsi, nous saurions à quoi nous en tenir.
M. Murray: Si nous pouvions obtenir quelque chose du ministère pour commencer, nous nous ferions un plaisir de l'examiner et de donner notre avis.
Le sénateur Angus: Vous dites être conscients du calendrier législatif, mais c'est une considération que vous auriez dû écarter. Je préférerais que vous nous disiez quelle est, à votre avis, la meilleure chose à faire pour améliorer ce projet de loi. Autrement dit, dites-vous qu'il faudrait prévoir certaines dispositions réglementaires, faute de mieux?
Au début de ces audiences, notre président a dit qu'il y avait trop de règlements et qu'il était très difficile de surveiller leur application. Ces règlements nous arrivent comme un fait accompli. Il n'y a pratiquement aucune reddition de comptes. Je me demande à quel point ce compromis serait important. Êtes-vous à ce point convaincus des excellents arguments que vous avez présentés que vous souhaitez voir ce projet de loi sérieusement modifié?
M. Murray: Ce que nous voudrions -- et je vais laisser M. Chester vous dire ce qu'il en pense -- c'est que l'on rétrécisse la portée de cette mesure. Nous avons cru comprendre que le gouvernement s'en occupait, mais nous n'avons pas vu le libellé correspondant. L'autre question qui nous préoccupe surtout est la définition d'une «opération douteuse» et nous serions inquiets si le projet de loi et de règlement était adopté sans que ce ne soit précisé. Cela pourrait susciter énormément de confusion. Pour que le projet de loi donne les résultats escomptés, il faut qu'il précise ce qu'est une opération douteuse. Nous reconnaissons que c'est très difficile, mais il faudrait apporter des précisions à cet égard dans le projet de loi ou dans le règlement.
M. Simon Chester, conseiller juridique, Institut canadien des comptables agréés: Aurions-nous pu discuter ouvertement de ces questions avec le ministère il y a quelques mois? Nous avons témoigné devant le comité des finances de la Chambre des communes il y a deux mois et les fonctionnaires qui comparaissaient à ce moment-là semblaient d'accord pour dire qu'ils ne voulaient pas que la portée du projet de loi soit aussi vaste et qu'ils proposeraient des amendements. Quand nous avons dit que nous comprenions les réalités du calendrier législatif, c'est simplement à la suite des déclarations des fonctionnaires ministériels et d'autres personnes selon lesquels le Canada doit légiférer en raison de ses obligations envers la communauté internationale. En fait, nous voudrions redéfinir cette politique et, s'il n'est pas possible de le faire dans le projet de loi comme tel, il faudra nécessairement le faire dans le règlement. Nous aurions été rassurés si nous avions pu voir un libellé à cet effet.
Bien entendu, nous comptons sur les engagements qui ont été pris lors des témoignages devant le comité des finances de la Chambre des communes. Est-il possible d'améliorer ce projet de loi? Nous croyons que oui. Pourrait-il être plus clair? Oui. Si nous avions le choix entre un règlement apportant des clarifications ou aucun éclaircissement, nous opterions pour le règlement, mais nous préférerions certainement que les précisions soient apportées dans le projet de loi comme tel.
Le sénateur Angus: Monsieur Murray, vous êtes associé à KPMG, qui est une importante firme comptable internationale. Ma question se situe dans le contexte de l'interprétation que M. Chester a faite des commentaires des fonctionnaires, à savoir que le Canada a l'obligation, envers les 27 autres pays avec lesquels il coopère pour combattre le crime organisé, d'adopter une mesure du genre de celle-ci. En tant que comptable professionnel chez KPMG, avez-vous vérifié quels sont les autres pays qui ont adopté ces dispositions qui auront de telles répercussions sur votre profession?
M. Murray: Oui, nous l'avons fait. Le Royaume-Uni, par exemple, a une loi semblable, mais d'après ce que nous avons compris, elle n'a pas une portée aussi grande que celle-ci. Cette loi est maintenant en vigueur depuis deux ans. La définition des opérations douteuses est une source de problèmes. La situation évolue et les Anglais essaient de trouver une meilleure définition en se basant sur l'expérience acquise. C'est un exemple de pays qui a une loi similaire.
Le sénateur Angus: Mais d'une portée moins grande.
M. Murray: Je ne pense pas que sa portée soit aussi grande. Je ne sais pas si je peux être vraiment précis, mais la loi britannique se limite davantage à certaines activités illégales comme le trafic de stupéfiants. Sa portée n'est pas aussi grande, mais elle comporte les mêmes exigences de déclaration.
Le sénateur Angus: Et les États-Unis?
M. Murray: Je crois qu'ils n'ont pas de loi similaire pour le moment.
M. Chester: Ils ont d'autres lois concernant le blanchiment d'argent qui confèrent aux autorités fédérales certains des instruments que cet organisme aura en vertu de ce projet de loi. Néanmoins, il n'y a rien d'exactement comparable.
Le sénateur Angus: Nous avons tous essayé d'aborder le sujet sous des angles différents pour voir à quel point le Canada est vraiment en retard, dans le cadre de cet effort concerté visant à combattre ce genre de crime organisé, surtout le trafic de stupéfiants. Vous êtes ici aujourd'hui pour représenter l'ICCA et je voudrais donc que vous répondiez à ma question en fonction des répercussions du projet de loi sur votre profession. D'après vos connaissances et vos recherches, dans quelle mesure ce projet de loi représente-t-il les dispositions les plus exigeantes que vous ayez vues?
M. Chester: Nous n'avons pas fait d'examen comparatif approfondi. Je peux dire que les circonstances dans lesquelles les comptables agréés jouent le rôle d'intermédiaires financier sont relativement limitées. Il arrivera, par exemple, qu'un comptable joue le rôle de fiduciaire dans une faillite ou un rôle d'administrateur d'une société qui se livre activement à des opérations financières, que je ne qualifierais pas de douteuses. La majorité des activités de notre profession, que ce soit la vérification, les conseils fiscaux ou stratégiques, les enquêtes comptables ou la consultation n'ont rien à voir avec les circonstances douteuses qui doivent faire l'objet d'une déclaration. Nous croyons important de préciser que nous trouvons normal que ce projet de loi s'applique à la profession lorsque les comptables agréés jouent le rôle d'intermédiaires financiers.
Le sénateur Angus: Il s'agit d'intermédiaires financiers qui manipulent de l'argent?
M. Chester: Si ces personnes jouent un rôle actif, elles devraient certainement déclarer les opérations douteuses.
Le sénateur Angus: Pourriez-vous me donner des exemples de certaines circonstances où des comptables manipuleront de l'argent?
M. Murray: Oui. Les comptables chargés des faillites, par exemple, s'occuperont des fonds en fiducie. Ils autoriseront la libération, la réception et le déboursement de fonds. C'est là un exemple.
Le sénateur Angus: Je crois vous avoir vu à l'arrière de la salle lorsque les représentants de l'Association du Barreau canadien étaient ici. Ils ont émis certaines observations tout à l'heure. Ils ont notamment émis des préoccupations à l'égard des grands cabinets juridiques. On m'a dit que vous vous lanciez dans ce monde multidisciplinaire. J'ai lu cela dans le Globe and Mail.
M. Chester: Je suis associé dans la firme McMillan Binch. Je me trouve dans cette situation.
Le sénateur Angus: Dans ce cas, vous savez de quoi je veux parler.
M. Chester: Oui.
Le sénateur Angus: Prenons l'exemple de la firme Ernst & Young, un membre important de l'Institut. Elle emploie actuellement 2 900 avocats à l'échelle mondiale. Certaines des choses qu'ont dit nos amis de l'Association du Barreau canadien s'appliqueraient sans doute à un cabinet comptable qui participe à des activités multidisciplinaires.
Vous pourriez cumuler les deux fonctions. Partagez-vous la même opinion que les avocats? Si les autorités frappaient à votre porte pour exiger tous les documents, vous sentiriez-vous obligé de leur dire de s'en aller parce que c'est inconstitutionnel?
M. Chester: J'aurais deux choses à dire. Si un avocat exerce sa profession dans le cadre d'un partenariat multidisciplinaire, il sera assujetti aux obligations professionnelles et juridiques de sa profession. Il y aura d'autres personnes, au sein de l'organisation, qui auront d'autres obligations professionnelles et juridiques. Il est normal que l'Association du Barreau canadien qui représente les avocats partage certaines de nos préoccupations.
Du point de vue des comptables, les règles comptables, les principes comptables généralement acceptés, notre code de conduite professionnelle et les lois visant les comptables s'appliqueraient bien entendu aux comptables de ces firmes.
Le sénateur Angus: Cela devient «la firme». Toutes ces firmes ont du personnel administratif, une téléphoniste et une réceptionniste. Ces personnes ne sont pas en mesure de savoir quelle est la division compétente. Si l'une d'elles se retrouve devant des messieurs en costume noir qui viennent chercher des documents, elle aura du mal à savoir vers qui les diriger.
M. Chester: Nous faisons notamment valoir dans notre mémoire que, lorsque les messieurs ou les dames en costume noir arrivent, ce sont les dossiers en rapport avec ces opérations douteuses qu'ils devraient examiner. Ils n'ont pas carte blanche pour étudier tous les dossiers d'un bureau de KPMG ou de toute une organisation.
Le sénateur Tkachuk: Dites-vous que le projet de loi leur confère ce pouvoir?
M. Chester: Il pourrait le leur conférer. Le projet de loi ne définit pas quels sont les dossiers qu'ils peuvent examiner. Il est question de dossiers à l'article 60. On n'y parle pas des dossiers pertinents. Il est simplement question de dossiers. Nous croyons important d'apporter ce genre de précision afin que si ces gens en costume noir arrivent, ils n'aient pas un mandat leur permettant d'aller à la pêche.
En fait, l'une de nos objections vient du fait qu'ils ont un mandat. Ils devraient rechercher les renseignements directement en rapport avec l'enquête qu'ils mènent et respecter le caractère confidentiel de tous les autres dossiers de l'organisation ou de l'entité.
Le sénateur Angus: Les avocats ont dit ce qu'ils voulaient obtenir: «Le projet de loi est inconstitutionnel alors supprimez ces dispositions et, par souci de clarté, exemptez les avocats de l'application de cette loi». Je vous ai entendu dire tout à l'heure qu'il était normal que les comptables soient visés. Vous ne demandez pas la même exemption que les avocats. Voilà pourquoi j'ai l'impression que si vous avez à la fois des comptables et des avocats dans une même firme, il pourrait être difficile de déterminer qui doit faire une déclaration.
Vous voyez où je veux en venir. Il est utile de mettre en lumière les éléments problématiques et les aspects plutôt inquiétants de ce projet de loi. Cela montre la situation délicate dans laquelle les avocats, les comptables ou autres professionnels pourraient se retrouver.
M. Murray: Il y a une différence entre les avocats et nous en ce sens que les règles de déontologie des avocats insistent sur le secret professionnel entre l'avocat et son client. Si la loi leur demande de faire certaines choses, cette exigence l'emportera.
C'est déjà incorporé dans nos règles de conduite professionnelles. Nous n'avons pas le choix. Le problème est différent, bien entendu, pour les avocats.
Le sénateur Poulin: Je crois vous avoir entendu dire que vous appuyez ce projet de loi, parce qu'il est important que le Canada ne soit pas vu comme un pays qui facilite le blanchiment d'argent, mais aussi parce qu'il faut avoir les moyens d'empêcher ce genre d'activités.
Je me place du point de vue de quelqu'un qui n'est ni avocat ni comptable. Je suis une ancienne sous-ministre qui, à une certaine époque, a été chargée de mettre en place un nouvel organisme. Je vois ce projet de loi comme une mesure permettant la création d'un nouvel organisme.
Je constate que je recherche et que je vois ici des possibilités de révision, de même que la garantie que le règlement voulu sera mis en place lorsque le nouvel organisme sera créé.
Les rédacteurs législatifs de notre pays ont l'habitude d'utiliser un libellé plus ouvert que fermé. Par conséquent, une fois cet organisme mis sur pied, on prendra le temps de définir les modalités, les pouvoirs et les responsabilités par voie de règlement.
Monsieur Chester, vous avez dit qu'il serait possible d'apporter des changements en modifiant le projet de loi ou dans le règlement et vous avez formulé des suggestions. Ai-je raison de croire que la réglementation appropriée pourrait répondre à vos objections?
M. Chester: Nous avons dit que la réglementation nous paraissait très importante étant donné qu'elle fournira à cet organisme le contexte dans lequel il travaillera. Elle servira également de guide à tous les professionnels et à tous ceux qui seront assujettis à cette loi afin qu'ils sachent ce qui sera conforme aux règles et ce qui ne le sera pas.
Nous croyons important que ces lignes directrices soient incorporées non seulement dans le règlement, mais dans des guides et des exemples. Tout cela devrait être présenté sans la moindre ambiguïté.
Le problème que je vois dans ce libellé vague est que je ne suis pas certain de son interprétation. En tant que professionnels prudents, nous lui accorderions le bénéfice du doute. Néanmoins, je vous demanderais de vous reporter à l'article 7 qui porte: «des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles sont liées à la perpétration d'une infraction de recyclage des produits de la criminalité». Ces paroles s'adressent plutôt à un policier qu'à un comptable ou un avocat ou tout autre professionnel qui aura beaucoup de mal à porter un jugement, si c'est la seule ligne directrice à laquelle il pourra se fier.
Nous croyons que ces professionnels feront mieux leur travail et que le régime sera plus efficace si nous pouvons tous travailler en sachant exactement ce que prévoit le projet de loi et les dispositions accessoires.
L'ICCA se fera un plaisir de travailler avec le ministère à l'élaboration de ces lignes directrices, car nous croyons que cela exige une collaboration entre les décideurs politiques et ceux qui doivent affronter ces problèmes quotidiennement.
Le sénateur Poulin: Autrement dit, vous recommandez qu'une fois le centre mis sur pied, en application de ce projet de loi, le centre et le ministère veillent à consulter votre Institut, de même que l'Association du Barreau, pour s'assurer que le règlement répondra à toutes ces préoccupations.
M. Chester: Ainsi que les autres organismes visés.
Le sénateur Tkachuk: Comme je ne suis pas avocat, comptable ou bureaucrate, mais parlementaire, mon rôle est de protéger les gens contre l'intrusion du gouvernement et m'assurer qu'on ne piétine pas les libertés civiles. J'ai besoin d'éclaircissements à propos de ce que vous dites au sujet de la portée du projet de loi, à la page 3. Au deuxième paragraphe, on peut lire ceci:
Il existe actuellement un règlement lequel, si nos informations sont exactes, sera conservé dans la nouvelle loi, qui mentionne que la loi s'applique à toute personne qui se livre à l'exploitation d'une entreprise ou exerce une profession ou une activité où de l'argent en espèces est reçu en paiement ou pour transfert à un tiers.
À quelle loi ce règlement s'applique-t-il à l'heure actuelle?
M. Murray: Je crois qu'il s'agit de la législation en vigueur au sujet du blanchiment d'argent.
Le sénateur Tkachuk: À quoi ce règlement fait-il exactement allusion, à un mécanisme de déclaration?
M. Murray: La loi actuelle prévoit un mécanisme de déclaration et de rapport volontaire des opérations douteuses. Je suppose qu'il s'agit des deux.
Le sénateur Tkachuk: Pour le moment, cela s'applique à toute personne qui se livre à une activité. La déclaration est volontaire, mais ce projet de loi obligerait à déclarer l'opération douteuse... Autrement dit, la loi s'appliquera aux personnes qui sont au courant d'une opération douteuse, n'est-ce pas?
M. Murray: Oui, il devient obligatoire de déclarer une opération douteuse.
Le sénateur Tkachuk: Alors qu'avant c'était facultatif.
M. Murray: C'est exact.
M. Chester: Je suis en train de lire le document de consultation du ministère des Finances sur le recyclage des produits de la criminalité. À la page 3 il est dit que ce libellé a été repris de la loi et du règlement actuellement en vigueur.
Le sénateur Tkachuk: Dans ce cas, vous avez déjà été consultés à ce propos, n'est-ce pas?
M. Chester: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Le tiers dont il est question est-il une entreprise? Une entreprise est-elle un tiers?
M. Chester: Je crois qu'un tiers est une entité en dehors de la relation entre le professionnel et son client.
Le sénateur Tkachuk: Il est question de quelqu'un qui exploite une entreprise ou exerce une profession ou des activités. Si une personne reçoit de l'argent qu'elle dépose dans une entreprise, considère-t-on que c'est l'opération d'un tiers? Par exemple, si je reçois de l'argent et que je le dépose dans une entreprise, cette entreprise est-elle un tiers?
M. Murray: Non. Néanmoins, si une personne est à l'emploi de l'entreprise et dépose cet argent dans le compte de l'entreprise, ce ne serait pas non plus une opération d'un tiers.
M. Chester: Si vous confiez l'argent à votre conseiller juridique ou à votre comptable pour qu'il le dépose dans le compte d'une autre entité, l'opération sera alors faite par un tiers.
Le sénateur Furey: Je ne suis pas certain d'avoir compris ce que vous avez dit à propos des moyens de défense et des garanties. Vous dites que l'article 10 n'a pas une portée suffisante?
M. Murray: Non.
Le sénateur Furey: Y a-t-il autre chose que vous vouliez signaler?
M. Murray: Simplement le fait qu'une «excuse raisonnable» ne peut pas être invoquée. Si une personne craint de se faire menacer physiquement, le projet de loi ne lui accorde aucune protection.
Le sénateur Furey: Il n'y a aucune excuse pour ne pas faire de déclaration. C'est ce que vous voulez dire?
M. Murray: Oui.
M. Chester: Le Royaume-Uni a ce moyen de défense dans sa loi.
Le sénateur Kroft: Le sénateur Angus vous a posé une question intéressante à propos du droit comparatif. Je sais que vous n'êtes pas des juristes, mais votre réponse m'intrigue en ce qui concerne les États-Unis. Dois-je comprendre qu'il n'y a pas de loi américaine comparable? J'ai peut-être mal compris.
M. Murray: Je crois qu'il n'y a pas de mécanisme de déclaration comparable aux États-Unis.
M. Chester: Je pense avoir dit qu'il y a, un peut partout aux États-Unis, des codes obligeant à déclarer le recyclage des produits de la criminalité, mais rien qui s'apparente à ce projet de loi canadien. Il existe divers éléments parallèles pour les banques. Les autorités policières ont certains instruments à leur disposition, mais rien qui soit identique à cette mesure. Par conséquent, il ne serait pas possible de faire une comparaison article par article d'une loi américaine et de ce projet de loi, étant donné que la législation américaine est constituée de toutes sortes d'éléments différents.
Le sénateur Kroft: Je ne devrais peut-être pas vous poser cette question. Pourriez-vous me dire si l'effet collectif de ces divers éléments législatifs serait semblable, plus important ou moins important que ce projet de loi?
M. Chester: Je me ferais un plaisir d'examiner la question et de vous donner une réponse plus tard. Je considère qu'il s'agit d'une loi en cours d'élaboration, d'un embryon de loi. Il faudra certainement voir comment le centre va travailler, quelles seront les lignes directrices mises en place et comment fonctionneront les liens entre cette entité et les autorités policières. Je crois qu'il sera finalement possible de faire ce genre de comparaison. Mais pour le moment, il y a dans ce projet de loi trop d'éléments qui restent flous et qui doivent être précisés davantage. D'après ce que nous avons compris, le ministère des Finances y travaille et annoncera de nouvelles dispositions lorsque le Centre entrera en fonction.
Le sénateur Kroft: À votre connaissance, y a-t-il aux États-Unis un organisme qui recueille ce genre de renseignements?
M. Chester: Je l'ignore, mais je me ferai un plaisir de vérifier.
Le sénateur Kroft: C'est une chose que nous pourrions examiner. Je me demandais quels renseignements vous possédiez. Si vous comparez ce régime à un autre, je voulais savoir avec lequel.
M. Murray: Par exemple, mes collègues de ma firme aux États-Unis n'ont pas l'obligation de signaler les opérations douteuses. Mes collègues de ma firme qui sont aux États-Unis ne sont soumis à aucune exigence comparable à ce que l'on propose ici.
Le sénateur Kroft: Savez-vous ce qu'il en est pour les avocats, monsieur Chester? Sont-ils soumis à des exigences comparables?
M. Chester: Je ne le crois pas, mais je vais m'informer. Lors de mes voyages aux États-Unis, je n'ai pas entendu parler d'avocats qui devaient faire ce genre de déclarations au FBI ou à un autre organisme fédéral. Aux États-Unis, le secret professionnel entre l'avocat et son client est pris très au sérieux, comme il se doit.
Le sénateur Tkachuk: Y a-t-il ici des représentants du ministère qui pourraient nous éclairer à ce sujet?
Le sénateur Kroft: Il faudrait qu'ils se portent volontaires s'ils possèdent ce genre de renseignements.
Le sénateur Tkachuk: Ils ne se cachent pas, n'est-ce pas?
M. Yvon Carrière, avocat principal, Équipe de transition, Centre d'analyse des transactions et des rapports financiers du Canada, ministère des Finances: Je suis avocat principal de l'Équipe de transition. Je crois qu'aux États-Unis il y a un organisme qui se compare, à bien des égards, au nouveau centre qui sera mis sur pied ici. Je crois qu'aux États-Unis, les opérations douteuses doivent être signalées. Cette obligation s'applique aux institutions financières, aux banques, aux sociétés de fiducie, et cetera. Elle ne s'applique pas encore aux avocats.
Le sénateur Tkachuk: S'applique-t-elle aux comptables et aux cabinets de comptables?
M. Carrière: Je crois qu'elle s'applique aux cabinets de comptables, mais je n'en suis pas absolument certain.
Le sénateur Tkachuk: On nous a dit au début que nous étions très en retard par rapport au reste du monde et que nous devions rattraper les autres pays. Nous avons obtenu certains renseignements contradictoires.
Sénateurs, je me trompe peut-être, mais ne devions-nous pas recevoir du ministère un tableau expliquant la façon de procéder dans les autres pays? Ne nous avait-on pas dit que nous allions obtenir ce document demain? Bien.
Le président: Merci, messieurs.
La séance est levée.