Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 16 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 14 juin 2000
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 15 h 45 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous poursuivons aujourd'hui nos audiences sur le projet de loi C-22. Nous accueillons aujourd'hui M. Roy Cullen, secrétaire parlementaire du ministre des Finances, et toute une kyrielle de témoins du ministère des Finances, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, du ministère de la Justice, et du Bureau du solliciteur général du Canada.
Bienvenue. Vous avez la parole.
M. Roy Cullen, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Monsieur le président, je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de vous parler du projet de loi C-22 sur la répression du recyclage financier des produits de la criminalité. Si vous me le permettez, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous expliquer pourquoi ce projet de loi est nécessaire, quels garde-fous sont ajoutés au projet de loi pour protéger les renseignements personnels, et l'importance de l'adoption rapide du projet de loi. J'aimerais aussi réagir à quelques préoccupations soulevées par des témoins et des membres du comité.
Honorables sénateurs, s'il existe divers moyens d'estimer l'ampleur du recyclage financier des produits de la criminalité, il est néanmoins difficile de le faire avec beaucoup de précision, mais il ne fait aucun doute que c'est un problème qui prend des proportions alarmantes. Au Canada, on calcule qu'entre 5 et 17 milliards de dollars de produits de la criminalité sont recyclés bon an mal an. Le FMI a calculé que cela représente entre 2 et 5 p. 100 du PIB global.
Le blanchiment d'argent entraîne des coûts sociaux appréciables, génère d'autres activités et entretient le cycle vicieux de la criminalité. Il peut favoriser la corruption de citoyens qui seraient autrement respectueux de la loi. Il peut entraîner la distorsion de l'activité commerciale et financière par des criminels.
Quand l'argent est blanchi par l'entremise d'institutions financières, la réputation, voire l'intégrité, de ces institutions peut être ébranlée. Les outils dont nous disposons ne suffisent plus à détecter et à décourager le blanchiment d'argent. Le Canada doit manifestement se doter d'une législation plus rigoureuse et plus efficace. Le comité connaît les limites des accords actuels de déclaration volontaire, des lois existantes, et des moyens traditionnels d'exécution de la loi lorsqu'il s'agit de mettre en lumière les activités de blanchiment d'argent.
Les organismes chargés de l'application de la loi ici comme à l'étranger et le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), l'organisme international dont le Canada est membre et qui élabore les normes de répression du recyclage financier des produits de la criminalité et qui contrôle l'application des lois, ont demandé au Canada de rendre obligatoire la déclaration des opérations financières douteuses et des opérations sur devises transfrontalières importantes. Ces organisations ont aussi demandé au Canada de créer un organisme central de répression du recyclage des produits de la criminalité. Nos propres organismes chargés de l'application de la loi ici au Canada souhaitent l'adoption de cette loi dont ils ont besoin pour combattre le blanchiment d'argent.
Les détails des divers régimes existants varient, mais le Canada est le seul pays membre du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux à ne pas avoir encore mis en place un mécanisme de déclaration obligatoire des opérations douteuses. L'expérience des autres pays membres a révélé l'utilité des déclarations d'opérations financières pour les organismes chargés de l'application de la loi. Par ailleurs, le gouvernement a pu s'inspirer de ces divers modèles au moment de l'élaboration du projet de loi et de la conception du centre canadien pour la répression du blanchiment d'argent.
[Français]
Ainsi que l'ont demandé les membres du comité, j'ai le plaisir de présenter un tableau comparant les modèles mis en place par le G-7 et d'autres pays. Il indique que le modèle proposé dans le projet de loi C-22 comporte plusieurs caractéristiques qui sont semblables aux modèles d'autres pays.
[Traduction]
Les fonctionnaires et d'autres témoins vous ont cité des statistiques qui font bien ressortir l'efficacité des régimes de déclaration obligatoire dans d'autres pays. Le blanchiment d'argent est un problème d'envergure internationale. La coopération internationale est essentielle si nous voulons combattre les formes de plus en plus complexes de recyclage des produits de la criminalité. Or, aucune coopération n'est possible sans la mise en place de mécanismes communs et efficaces de répression du blanchiment d'argent. Sans de tels mécanismes, les criminels ont tout le loisir d'exploiter les maillons faibles de la chaîne.
Honorables sénateurs, le gouvernement est conscient de la nécessité d'une loi plus rigoureuse, et voilà pourquoi nous proposons le projet de loi C-22, qui protégera en même temps la vie privée des Canadiens. À mon avis, il est important de rappeler que le témoin expert, M. Jean Spreutels, de Belgique, a dit au comité que, comparativement aux lois d'autres pays, le projet de loi C-22 est celui qui protège le mieux la vie privée.
[Français]
On a pris soin de s'assurer que la structure de centre ainsi que le cadre juridique selon lequel il opère servent à protéger la vie privée des Canadiens et des Canadiennes. Permettez-moi ici de vous rappeler les mesures de protection suivantes.
[Traduction]
Premièrement, les déclarations rendues obligatoires par ce projet de loi seront transmises à un organisme indépendant, et non pas directement aux forces policières. Deuxièmement, ce n'est que si le centre a des motifs raisonnables de soupçonner que l'information serait pertinente à une enquête ou à la poursuite relative à une infraction de blanchiment d'argent que certains renseignements pourront être divulgués aux forces policières. Troisièmement, le centre ne peut révéler tous les renseignements qu'il détient aux forces policières, mais seulement des renseignements précis. Le centre ne peut divulguer que des renseignements utiles à des fins d'identification, au sens du projet de loi et des règlements. Quatrièmement, si les forces policières souhaitent obtenir des renseignements additionnels du centre, ils doivent demander au procureur général d'obtenir un mandat pour la divulgation, lequel doit préciser le genre d'information ou de documents demandés au centre. Cinquièmement, les employés du centre qui divulgueraient des renseignements sans autorisation s'exposeraient à de sévères peines. Sixièmement, le centre est assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cela signifie que ses activités seront en réalité assujetties au contrôle du commissaire à la protection de la vie privée. Cela signifie par ailleurs que les particuliers ont des droits en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels en ce qui a trait aux renseignements que le centre possède sur eux.
S'agissant de l'importance d'adopter rapidement le projet de loi, les forces policières de tout le Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux réclament cette loi depuis plusieurs années. Les forces policières considèrent que cette initiative est l'épreuve de la détermination du gouvernement à combattre le crime organisé.
Pour les pays du G-7 et le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, l'élaboration et la mise en oeuvre de normes internationales de lutte contre le blanchiment d'argent et de coopération est une priorité. Le Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux doit décider la semaine prochaine s'il publiera la liste des pays qui n'ont toujours pas mis en oeuvre des mécanismes de répression du blanchiment d'argent. Sans le projet de loi que vous examinez aujourd'hui, sénateurs, le Canada ne satisfait manifestement pas aux normes qui détermineront l'inscription sur cette liste. C'est là la plus importante initiative du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux du G-7 depuis quelque temps. Le Canada doit assumer ses responsabilités internationales et faire ce qu'il doit pour donner à cette initiative le plus de crédibilité possible.
Je me dois aussi de rappeler aux sénateurs que le Canada n'a toujours pas corrigé les lacunes que lui a publiquement reprochées le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) en 1998. Le Canada doit rendre compte la semaine prochaine au GAFI des progrès qu'il a réalisés dans la correction des lacunes décelées dans son système. Pour ces raisons, monsieur le président, il est urgent que ce projet de loi soit adopté avant que le Sénat ne parte en congé d'été.
Des témoins et des membres du comité ont exprimé des préoccupations légitimes. Nous ne croyons pas que ces préoccupations touchent à l'essentiel du projet de loi, mais nous croyons que nous devons tenter de régler les problèmes. Par conséquent, je promets au comité qu'après l'adoption du projet de loi C-22 un nouveau projet de loi sera déposé, dès le retour du Parlement à l'automne, afin de modifier le projet de loi pour corriger quatre problèmes. Les quatre problèmes et l'engagement du gouvernement de les corriger en proposant des amendements sont décrits en détail dans la lettre du secrétaire d'État (Institutions financières internationales) au président du comité, qui porte la date d'aujourd'hui. On me dit que cette lettre pourra être déposée aujourd'hui. Je ne vais pas entrer dans le détail de cette lettre. J'ai cru comprendre que l'un des sénateurs a l'intention d'en commenter les détails un peu plus tard. Je me contenterai de vous énumérer les quatre problèmes dont traite la lettre: d'abord, la possibilité pour les non-avocats de protéger le secret professionnel; deuxièmement, le recours du commissaire à la vie privée devant la Cour fédérale; troisièmement, la portée des renseignements prévus par règlement qui peuvent être divulgués par le centre; et quatrièmement, la destruction des dossiers par le centre.
Monsieur le président, le comité nous a demandé de réagir à trois autres préoccupations, dont l'une concerne l'examen quinquennal. L'article 72 du projet de loi dit:
Dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur du présent article, le comité désigné ou constitué par le Parlement à cette fin procède à l'examen de l'application de la présente loi [...]
Je tiens à confirmer que cet article laisse au Parlement, c'est-à-dire au Sénat et à la Chambre des communes, le soin de constituer le comité qui sera chargé d'examiner l'application de la loi. Qui plus est, cet article dit par ailleurs:
[...] et présente un rapport au Parlement assorti de ses éventuelles recommandations, s'il y a lieu, quant aux modifications qu'il serait souhaitable d'apporter à la présente loi [...]
En ce qui a trait aux règlements, le comité s'inquiète du pouvoir de prendre des règlements que confère le projet de loi. Je me permets de rappeler aux sénateurs que l'article 73 du projet de loi prévoit que les projets de règlements doivent être publiés au moins 90 jours avant la date envisagée pour leur entrée en vigueur et que si les projets de règlements sont modifiés à la suite de leur première publication ils doivent être publiés pendant 30 jours additionnels. Ces durées de publication sont bien plus longues que celles prévues dans de nombreuses lois fédérales et donnent à tous les intéressés la possibilité de prendre connaissance des projets de règlements et de faire part de leurs commentaires et de leurs critiques au gouvernement.
Le comité croit qu'il serait utile de mettre en place un autre mécanisme grâce auquel le comité serait renseigné une fois par année sur les projets de règlements pris en vertu du projet de loi. Nous avons étudié soigneusement cette proposition et nous croyons que la façon la plus efficace de transmettre cette information au comité serait de l'inclure dans le rapport annuel du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada que le ministre des Finances doit déposer dans les deux Chambres du Parlement. Ainsi, tous les ans, le Parlement recevrait une mise à jour des projets de règlements en même temps que le rapport annuel du centre. Par ailleurs, cela signifie que non seulement le comité, mais aussi tous les intéressés, pourraient prendre connaissance du rapport sur les projets de règlements.
Je promets donc au comité que nous veillerons à ce que le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada inclue, dans chacun de ses rapports annuels, un rapport sur les règlements pris sous le régime de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité pour la période visée par le rapport.
Avant que nous ne passions aux questions, monsieur le président, permettez-moi de dire quelques mots de l'indépendance et de la responsabilité du centre. Le tableau analytique que vous avez devant vous montre que, le plus souvent, les organismes chargés de conserver les renseignements financiers sont des organismes indépendants des forces policières qui relèvent des ministres des Finances ou d'autres ministres.
Cela révèle une préférence pour la séparation entre la collecte de renseignements financiers et les enquêtes policières. Le modèle proposé dans le projet de loi C-22 est justifié, non seulement pour des raisons d'efficacité structurelle, mais aussi, ce qui est plus important, comme moyen de protéger la vie privée. Les garde-fous nécessaires à la protection de la vie privée sont tels que l'inclusion des activités de collecte de renseignements financiers dans un organisme existant ne permettrait pas de réaliser d'importantes économies.
[Français]
En terminant, monsieur le président, je voudrais préciser que le projet de loi C-22 a été élaboré en collaboration avec plusieurs parties intéressées dont les provinces et les territoires, le secteur financier, les groupes de consommateurs et les organismes qui s'occupent de la protection de la vie privée.
[Traduction]
Le projet de loi modernisera et renforcera la loi existante et contribuera à améliorer la prévention, la détection et la répression du blanchiment d'argent au Canada. Assorti des engagements que nous avons pris envers le comité, le projet de loi C-22 donnera aux organismes chargés de l'application de la loi les outils dont ils ont besoin tout en protégeant au maximum la vie privée. Par ailleurs, ces mesures permettront au Canada de se conformer aux normes internationales de répression du blanchiment d'argent et de s'acquitter de ses responsabilités au niveau international.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, nous avons reçu copie de la lettre. Existe-t-il une version française?
Le sénateur Meighen: Non.
Le président: On m'a dit qu'elle a été envoyée par télécopieur à vos bureaux il y a deux heures environ.
Le sénateur Tkachuk: Oui, mais il n'y avait pas de version française.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je n'y suis pas allée; alors je ne sais pas si je l'ai reçue.
Le président: La version française existe-t-elle?
Le sénateur Tkachuk: Je croyais que cela vous préoccuperait.
Le sénateur Hervieux-Payette: J'étais à Montréal ce matin.
Le sénateur Tkachuk: Je suis certain que votre bureau a reçu la version française.
Le président: Je ne crois pas qu'il y ait de version française, car la traduction n'est pas terminée.
M. Cullen: On nous l'apporte. Elle arrivera peut-être d'ici quelques minutes.
Le président: Nous poursuivons, car il y a deux points à l'ordre du jour.
Le sénateur Tkachuk: Pouvons-nous régler la question de la lettre?
Le président: Après la période des questions, nous ferons l'examen des articles du projet de loi, et vous devrez les accepter ou les rejeter. Pour l'instant, nous devons poser des questions au ministre et aux autres témoins experts.
Le sénateur Tkachuk: S'agissant des règlements, vous avez parlé de l'examen par le Parlement à l'échéance de cinq ans. Ce qui nous préoccupe, c'est de savoir s'il y aura régulièrement un examen de la loi, car le projet de loi semble prévoir un seul examen après cinq ans.
M. Cullen: Je vais répondre en premier, après quoi M. Lalonde pourra intervenir à son tour. Le fait est que le Parlement peut à son gré examiner n'importe quelle loi ou n'importe quel sujet quand il veut.
M. Richard Lalonde, chef, Section des crimes financiers, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances: Honorables sénateurs, je me permets d'ajouter qu'au moment de l'examen quinquennal les parlementaires pourront proposer de reconduire la disposition pour qu'il y ait un autre examen quinquennal. Ils pourraient proposer de modifier la loi.
Le sénateur Tkachuk: Il faudrait alors modifier la loi?
M. Lalonde: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Quant aux règlements, je ne suis pas certain d'avoir bien compris ce que vous nous avez dit. Je sais qu'ils seront publiés. Toutefois, cela préoccupe les sénateurs, tant conservateurs que libéraux. Nous dites-vous que le projet de loi sera déposé devant les deux Chambres et que les règlements seront envoyés aux membres des comités, comme le souhaiteraient la plupart des parlementaires?
M. Cullen: Je vais répondre à la question plus générale de savoir pourquoi tant de détails seront précisés dans les règlements. C'est une façon subjective de dire les choses, j'imagine. Cette initiative législative et la création du nouveau centre sont plutôt inédites. Comme vous le savez, ceux qui font le blanchiment d'argent, comme la plupart des criminels, cherchent sans cesse des échappatoires. Nous avons voulu donner au centre le plus de souplesse possible pour qu'il puisse réagir dès que les responsables du blanchiment d'argent auront modifié leurs pratiques. Le centre fera en quelque sorte oeuvre de pionnier dans ce secteur.
Quant au dépôt des projets de règlements, il se fera sous le régime de cette loi. Tout projet de règlement doit être publié à l'avance pendant au moins 90 jours, et je suppose qu'ils seront publiés dans la Gazette du Canada comme d'habitude. Il y aura publication pendant 30 jours de plus si des changements sont apportés au projet de règlement.
Nous sommes sensibles au fait que les règlements pris en application de ce projet de loi seront volumineux. Les intéressés, y compris les parlementaires, auront amplement le temps de prendre connaissance des projets de règlements et de toute modification qui y serait apportée, de les commenter et de formuler des recommandations. La durée de publication de 90 jours est beaucoup plus longue que ce qui est prévu pour d'autres lois.
Le sénateur Tkachuk: Nous comprenons que le nombre de règlements se multiplient, car l'exécutif et les bureaucrates veulent avoir la souplesse nécessaire pour y apporter des changements sans avoir à s'encombrer de cette peste qu'est le Parlement chaque fois qu'il s'avère nécessaire de faire des modifications. Ce qui nous inquiète, c'est qu'en recourant plus souvent aux règlements on réduit l'obligation de rendre compte au Parlement.
Je sais que les projets de règlements sont publiés. Supposons que je m'y oppose. Que se passe-t-il? Que puis-je faire? Rien, en réalité. Je peux vous écrire une lettre. Je peux me plaindre, mais au bout du compte il n'y a pas de témoin, pas de discussion avec les principaux intéressés, rien du tout. À moins que la procédure ne soit officielle, les parlementaires peuvent difficilement infléchir le cours des choses. Vous pourriez les publier le 1er juillet, quand le Parlement ne siège pas. Ou quelque chose de ce genre.
M. Cullen: Je comprends bien ce que vous dites. Le projet de loi et les règlements d'application s'accompagneront de lignes directrices sur les déclarations volontaires. Nous consulterons largement les divers groupes d'intéressés avant de mettre la dernière main aux règlements.
Les activités de blanchiment d'argent continueront d'évoluer et de se transformer. Si nous devons saisir le Parlement chaque fois que nous voulons apporter un changement qui pourrait l'être de façon beaucoup plus optimale par voie de règlement, nous y perdrions.
Le sénateur Tkachuk: J'aimerais revenir à la lettre. Je vous signale en passant, monsieur le président, que nous avons reçu la lettre plus tôt, et quand certains parmi nous étaient encore dans leurs bureaux. Je vous en remercie, monsieur Cullen. Vous réagissez à plusieurs de nos préoccupation. Nous avons aussi d'autres sujets de préoccupations que d'autres sénateurs aborderont avec vous, j'en suis certain. Je tiens à exprimer notre reconnaissance.
Le sénateur Kelleher: J'aimerais aborder une question dont nous avons beaucoup parlé l'autre jour. Elle n'est pas mentionnée dans votre lettre. Il s'agit de l'atteinte au secret professionnel. C'est une notion indissociable de la protection de la vie privée. Il n'en est pas du tout question. J'aimerais en discuter avec vous et savoir ce que vous en pensez, si vous le voulez bien.
Si j'ai bien compris l'article 62 du projet de loi, un employé du centre pourrait décider qu'il est nécessaire de pousser plus loin le contrôle. Autrement dit, un employé du centre prend connaissance de la déclaration transmise par une institution financière et se dit: «Je pense qu'il faut pousser l'enquête.» Ensuite, aux termes de l'article 62, cet employé pourrait, sans mandat, visiter mon bureau d'avocat et demander à voir toute une série de documents liés au sujet de l'enquête. En vertu du paragraphe 64(2), si je dis à cette personne: «Attendez, j'invoque le secret professionnel», l'employé pourrait alors décider de mettre les scellés. Il pourrait me rappeler que je peux avec mon client me présenter devant la cour dans les 14 jours, à nos frais, pour tenter de prouver qu'il y a effectivement secret professionnel.
Même un agent du fisc ne peut se présenter à mon bureau pour une affaire fiscale, sauf s'il est muni d'un mandat. Vous vous accordez ce privilège extraordinaire, et c'est peu dire, de vous présenter sans mandat. Pour autant que je sache, la loi américaine ne mentionne même pas le secret professionnel. La loi américaine ne permet pas pareille chose.
Nous croyons savoir qu'aucun autre pays n'autorise la visite d'un bureau d'avocat sans mandat. J'aimerais savoir pourquoi vous réclamez ce privilège extraordinaire. J'aimerais bien connaître vos raisons. Nous sommes d'avis que si vous voulez visiter les bureaux d'un avocat, vous devriez à tout le moins obtenir un mandat au préalable.
M. Cullen: Supposons que le centre possède des renseignements. Il ne divulguerait à la GRC que des renseignements de base s'il avait des motifs raisonnables de croire, autres renseignements à l'appui, à l'existence d'opérations douteuses. Autrement dit, l'arrivée de renseignements au centre n'enclenche rien. Il faut que ces renseignements soient confirmés pour que le centre divulgue l'information à la GRC. Si la GRC, elle, confirme l'information grâce à d'autres renseignements qu'elle possède, elle demanderait alors au procureur général de réclamer plus d'informations.
Il doit y avoir confusion sur les circonstances dans lesquelles un employé du centre pourrait visiter les bureaux d'un avocat. Le centre ne visiterait les bureaux d'un avocat que pour vérifier la conformité aux dispositions sur la déclaration obligatoire. Autrement dit, si le centre avait des motifs de croire qu'un intermédiaire financier devrait faire une déclaration obligatoire, alors il communiquerait avec l'intermédiaire financier pour engager un dialogue et déterminer si l'intermédiaire financier est conscient de ses responsabilités. Le centre tenterait alors de déterminer si l'intermédiaire avait une idée de la nature des opérations auxquelles il était associé.
Quoi qu'il en soit, si le centre estime qu'un doute persiste et que les déclarations obligatoires ne lui ont pas été transmises, alors il pourrait visiter le bureau de l'avocat, du comptable, de tout intermédiaire financier, et faire une vérification très ciblée de l'information. Il se peut que la question du secret professionnel se pose dans un tel cas.
Je tenais à préciser que le centre lui-même n'enverra personne visiter les bureaux d'un intermédiaire financier dans le cadre d'une enquête sur d'autres opérations douteuses. Le centre en pareil cas avertirait la police. S'il y a d'autres motifs raisonnables et que les autorités policières elles-mêmes jugent qu'il y a d'autres motifs raisonnables d'agir, elles pourraient demander un mandat. Nous y reviendrons dans un instant.
Pour autant que je sache, aux États-Unis, les comptables et les avocats sont tenus de signaler certaines catégories d'opérations au fisc américain. Le centre américain de répression du blanchiment d'argent peut d'ailleurs obtenir cette information de l'IRS.
Dans notre loi, nous sommes très sensibles au risque d'évasion fiscale. Notre objectif, c'est de réprimer le blanchiment d'argent et, comme conséquence accessoire, de réduire l'évasion fiscale. Nous privilégions un angle d'attaque différent. La priorité, c'est le blanchiment d'argent et ensuite la probabilité d'évasion fiscale. Toutefois, notre priorité, c'est le blanchiment d'argent. Les organismes chargés de l'application de la loi coordonneront leurs efforts.
Je suis moi-même comptable agréé, et je n'ai nullement l'intention de dénigrer les avocats. Si l'on aménage des échappatoires, il se peut fort bien que les responsables du blanchiment d'argent en profitent. Nous avons voulu nous assurer dans ce projet de loi d'inclure tous les principaux intermédiaires financiers.
Si vous le voulez bien, je demanderai à M. Carrière de parler un peu plus longuement du secret professionnel.
Le sénateur Kelleher: Avant que nous ne donnions la parole à M. Carrière, je tiens à préciser que nous ne nous inquiétons pas de vos efforts pour éliminer les échappatoires dans le cas des comptables et des avocats. Quand j'étais solliciteur général, j'étais responsable de la loi sur le blanchiment d'argent actuellement en vigueur. C'est un sujet que je connais assez bien. Je ne m'inquiète que du secret professionnel et de l'accès à mon bureau ou au bureau de tout avocat qui serait soupçonné d'être un intermédiaire financier, si cet accès est obtenu sans mandat. C'est aussi simple que cela.
Le sénateur Oliver: Vous ne nous avez pas encore parlé du mandat. C'est ce qui nous préoccupe le plus.
M. Yvon Carrière, avocat-conseil législatif, Services juridiques généraux, ministère des Finances: Un employé du centre ne pourrait pénétrer dans les bureaux d'un avocat. Il est autorisé à y entrer dans le seul but de vérifier si l'avocat a transmis les déclarations obligatoires.
Le sénateur Kelleher: Où cela se trouve-t-il dans le projet de loi?
M. Carrière: Le paragraphe 62(1) dit:
La personne autorisée peut, à l'occasion, examiner les documents et les activités des personnes ou entités visées à l'article 5 afin de procéder à des contrôles d'application de la partie I [...]
La partie I ne mentionne pas la détection du blanchiment d'argent ni la participation au blanchiment d'argent. Elle prescrit une déclaration et le moment où cette déclaration doit être faite. Par conséquent, quand le centre effectue un contrôle d'application, il vérifie si l'avocat a déclaré les importantes opérations en espèces auxquelles il a été associé. Il ne vérifie pas si les clients de l'avocat s'adonnent au blanchiment d'argent. Nous ne serions pas autorisés à agir en pareil cas. C'est une distinction fondamentale.
Le sénateur Kelleher: Je ne comprends pas cette explication. D'après moi, aux termes du projet de loi, vous pouvez venir dans mon bureau et, en vertu des alinéas 62(1)a), b), c) et d), vous pourriez demander à consulter tous mes dossiers. Ce que je veux dire, c'est que si vous voulez avoir accès à mes dossiers, vous devriez obtenir un mandat.
Aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, comme vous le savez certainement, il vous était possible d'aller dans les bureaux sans mandat. Les avocats en question ont contesté cet état de choses. En tant que juriste, vous devez savoir qu'il existe une importante jurisprudence à cet égard. Cela est inconstitutionnel, et il vous faut un mandat. Je ne comprends pas pourquoi, aux fins de ce projet de loi, vous décidez soudain d'aller contre le vent. Aucun autre pays n'autorise ce genre d'accès sans mandat. Je ne comprends pas pourquoi vous estimez avoir le droit de le faire aux termes de ce projet de loi. C'est un écart important par rapport à l'usage.
M. Stanley Cohen, avocat-conseil principal, Section des droits de la personne, ministère de la Justice: Ce qui pose quelques problèmes, à mon avis, c'est la distinction qui existe entre une perquisition et saisie et une inspection réglementaire. En vertu du droit constitutionnel, cette distinction revêt la plus haute importance. Comme l'a expliqué M. Carrière jusqu'à présent, les inspecteurs -- qui ne sont pas des policiers -- qui effectuent les perquisitions vérifient si les personnes en cause se sont conformées à la loi. En vertu de la jurisprudence, la norme s'appliquant aux inspections réglementaires est moins élevée. Il s'agit d'une question administrative, et il existe une jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Je peux vous citer deux exemples, sans toutefois vous donner les citations: d'une part, Comité paritaire, et d'autre part, Potash ou Tabah. Ces deux arrêts confirment le droit des inspecteurs d'effectuer une inspection en vertu d'une norme inférieure à ce qui se ferait dans le cadre d'une enquête criminelle.
À mon avis, si l'on examine la nature de la loi à l'étude et les pouvoirs exercés en l'occurrence, ces causes étayent fondamentalement la capacité des inspecteurs qui procèdent à une inspection réglementaire de vérifier que l'on s'est conformé à la législation. Si l'on examine les pouvoirs conférés dans les lois qui étaient en cause dans ces affaires, on constatera qu'il existe de très vastes pouvoirs de visite afin d'inspecter les livres et les dossiers, de copier des documents et de sortir certains fichiers, et cetera. Ces affaires étayent l'approche prévue dans ce contexte.
Le sénateur Kelleher: Ce qui m'inquiète, c'est qu'un inspecteur pourrait dire qu'il visite les lieux uniquement pour vérifier si le règlement a été respecté. Afin de jeter un coup d'oeil pour voir si la personne s'est conformée au règlement, l'inspecteur pourrait passer en revue tous les dossiers et documents des clients de la personne. Par conséquent, vous faites de façon indirecte ce que vous ne pouvez pas faire ouvertement. Je ne vois pas comment il serait possible de vérifier si l'on s'est conformé au règlement sans passer au peigne fin tous les documents et dossiers concernant les clients.
M. Cohen: En réponse à cela, la Cour suprême du Canada est très méfiante face aux prétendues perquisitions. Il existe une jurisprudence abondante à ce sujet. Il y a des causes qui prouvent que lorsque les policiers exercent des fonctions aux termes du code de la route -- en interceptant des véhicules, et cetera -- s'ils essayent de profiter de cette activité pour procéder à une perquisition approfondie pour vérifier s'il y a délit criminel, ils perdent le fruit de leur enquête, et les preuves sont jugées irrecevables. La principale cause sur laquelle repose la jurisprudence à ce sujet est celle de R. c. Mellenthin.
À mon avis, un inspecteur qui entre dans le cabinet d'un avocat en vue de fouiller n'importe comment dans ses dossiers, au lieu de se concentrer sur le document précis qu'il demande à consulter ou les endroits où il a accès, risque fortement de compromettre la suite de son enquête. On ne peut pas chercher un poste de télévision dans le tiroir d'un bureau.
Le sénateur Kelleher: Les postes sont tout petits de nos jours.
M. Cohen: Ils ne peuvent pas faire des choses sans rapport avec la fonction qui leur est confiée aux termes de la loi.
Le sénateur Kelleher: Je ne m'oppose pas au principe fondamental que vous venez d'énoncer. Toutefois, en vertu du libellé actuel de cette disposition du projet de loi, il risque d'y avoir des abus. Si je pense que la personne qui est entrée dans mon bureau abuse de son pouvoir, c'est moi qui dois en saisir le tribunal, aux frais de mon client, pour prouver l'existence du secret professionnel de l'avocat. Dans des circonstances normales, vous auriez dû prendre certaines mesures préliminaires pour obtenir un mandat de perquisition. Ce qui m'inquiète, c'est l'absence de cette protection préliminaire. Aux termes de cette disposition, il incombe désormais à l'avocat et à son client, à leurs frais, de saisir le tribunal à ce sujet. Je ne vois pas pourquoi il en est ainsi.
Je pense qu'il est louable de parler de protection des renseignements personnels et d'essayer de protéger la personne, mais je suis très inquiet à l'idée que les inspecteurs puissent passer outre à la procédure nécessaire: obtenir au préalable un mandat. Dans quelle autre loi est-il permis à un employé du gouvernement de se promener dans mon étude d'avocat et d'exiger de vérifier les dossiers de mes clients sans être muni d'un mandat? Existe-t-il une autre loi qui autorise ce genre de chose?
M. Cohen: J'ai une première remarque à faire pour répondre à votre question. En fait, tout avocat qui participe à une activité susceptible de l'assujettir à une certaine réglementation sera tenu de respecter les règles et règlements en vigueur. Par conséquent, un avocat devra faire examiner ses comptes en fiducie par le Barreau. Les avocats sont réglementés par le Barreau de la province où ils exercent. De même, je suis convaincu qu'il existe d'autres lois aux termes desquelles les avocats font l'objet d'inspections, selon la nature de leurs activités. Toutefois, je ne peux pas vous donner plus de précisions à ce sujet.
Le sénateur Kelleher: Je ne pense pas qu'il y ait d'autres lois. Que répondez-vous au fait que, d'après l'examen que nous avons fait des autres pays qui ont adopté une loi semblable, ce genre d'accès sans mandat n'est pas autorisé?
M. Cohen: Là encore, je ne me prétends pas expert en droit comparatif, mais je crois savoir qu'aux États-Unis il existe des dispositions beaucoup plus vastes à l'égard du crime organisé, aux termes des lois fédérales et d'État concernant la corruption et l'escroquerie organisées. Les avocats sont fortement impliqués dans ce genre d'activités et assujettis à de nombreuses enquêtes très poussées aux termes de ces lois.
Le sénateur Kelleher: Aux États-Unis, à l'heure actuelle, on n'empiète pas sur le secret professionnel de l'avocat. D'après notre examen des autres pays, il semble que ce genre de loi n'existe pas. Tout le monde prétend que le Canada a décidé d'agir un peu tard, mais nous avons pris le temps d'examiner la législation en vigueur dans d'autres pays. Pourquoi avons-nous l'intention de donner à cette commission des pouvoirs qui n'existent dans aucun autre pays?
M. Cohen: Je suis ici pour vous dire si les questions que vous soulevez sont en rapport avec l'interdiction constitutionnelle ou sont illégales du point de vue constitutionnel. Je peux vous informer, sans toutefois vous offrir un avis juridique proprement dit à ce sujet, que nous avons tenu compte des normes constitutionnelles ainsi que des diverses considérations que la Cour suprême a déclarées applicables en ce qui a trait aux inspections, aux perquisitions et à la réglementation. En fait, nous avons essayé de conseiller les décideurs qui ont élaboré ce projet de loi en particulier.
Le sénateur Kelleher: Monsieur Cullen, je vous demanderais de revoir, si possible, cette disposition précise de façon à prévoir que ce genre de chose se fasse après obtention d'un mandat, comme c'est le cas pour toutes les autres enquêtes gouvernementales. Aucun d'entre nous ici ne prétend qu'il ne soit pas nécessaire d'adopter une loi plus sévère pour lutter contre le recyclage financier. Je serais la dernière personne à m'opposer à cette idée. Je souhaite simplement faire en sorte qu'il existe des garanties suffisantes.
M. Cullen: Je vais prendre note de votre demande. Le graphique que vous avez sous les yeux ne porte pas précisément sur la question que vous soulevez au sujet de la législation en vigueur dans d'autres pays. Il porte sur la protection des comptables et des avocats, mais ce n'est pas l'objet de votre intervention. Pour ce qui est du secret professionnel, je vais prendre note de vos observations, c'est certain.
Le sénateur Kelleher: Je m'appuie sur des recherches faites par l'attaché de recherche qui travaille pour le sénateur Meighen et moi-même. C'est le rapport que nous avons reçu où il est dit que personne ne jouit de ce privilège à l'heure actuelle.
Le sénateur Oliver: Avant de venir ici, monsieur Cullen, avez-vous lu le témoignage que les représentants du Barreau canadien ont fait devant notre comité?
M. Cullen: Je n'ai pas lu le mémoire qu'ils ont présenté à votre comité, mais ils ont comparu devant le comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Le sénateur Oliver: Le sénateur Kelleher vous a posé une série de questions au sujet du principe du secret professionnel qui lie l'avocat à son client. Le Barreau canadien a traité de cette question, tant ici qu'à l'autre endroit. Il a abordé aussi le principe de confidentialité. Vous n'en avez pas parlé.
Le sénateur Kelleher vous a présenté le cas hypothétique d'une personne qui entre dans le bureau, cherche des documents, les trouve et viole donc le principe de confidentialité si essentiel à la relation d'avocat à client. Dans son mémoire, le Barreau canadien a déclaré qu'il s'agit d'une protection fondamentale du secret professionnel et de la confidentialité. Voici ce qu'ont dit les témoins:
L'importance du secret professionnel et de la confidentialité est reconnue depuis longtemps dans le droit, et ce principe est au coeur des règles d'éthique régissant les avocats. Les clients doivent pouvoir demander l'aide d'un avocat en sachant que les renseignements qu'ils lui communiquent ne sortiront pas de l'étude de ce dernier.
Qu'avez-vous à dire au sujet de ce principe de confidentialité qui lie l'avocat à son client, lequel est en vigueur depuis plusieurs centaines d'années et auquel ce projet de loi semble contrevenir?
M. Cullen: Le projet de loi C-22 reconnaît le secret professionnel entre l'avocat et le client.
Le sénateur Oliver: À l'article 11. Je leur ai posé une question à ce sujet, et la définition est beaucoup trop restreinte.
M. Cullen: La question de la confidentialité, d'après mes renseignements, a une portée beaucoup plus vaste. Pourriez-vous nous l'expliquer, monsieur Carrière?
M. Carrière: Je ne suis pas un expert en confidentialité, mais je crois comprendre que ce n'est pas tout à fait la même chose que le secret professionnel qui lie l'avocat à son client.
Le sénateur Oliver: Vous avez parfaitement raison.
M. Carrière: Étant donné qu'il faut s'assurer que tout le monde dépose les rapports nécessaires, la protection garantie par l'article 11 ne porte que sur le secret professionnel entre l'avocat et le client.
Le sénateur Oliver: Et la confidentialité?
M. Carrière: Tout ce que je peux vous dire, c'est que ce n'est pas visé par l'article 11.
Le sénateur Oliver: Ce projet de loi passe tout à fait outre à ce droit traditionnel.
M. Cohen: Pourrais-je vous poser à mon tour une question?
Le sénateur Oliver: Non.
M. Cohen: J'essaie de comprendre la nature de la question par rapport au projet de loi. S'il arrive qu'un inspecteur entre dans l'étude d'un avocat et demande à voir ses livres ou ses dossiers pour vérifier si les règlements sont respectés, il s'agira simplement d'établir si le document demandé est protégé par le privilège du secret professionnel de l'avocat. La question de la confidentialité ne se pose pas dans ce cas précis, et les procédures mises en place aux termes du projet de loi garantissent une protection totale.
Le sénateur Oliver: Non, ce n'est pas vrai.
M. Cohen: Il faut envisager un avocat qui se trouve face à un inspecteur et lui dit: «Je ne vais pas répondre à cette question, car elle met en cause le privilège du secret professionnel de l'avocat, et je vais faire sceller ces documents.» On lui pose alors une autre question pour savoir s'il existe un autre renseignement d'ordre confidentiel qui risque d'être divulgué dans ce cas-là. Un avocat devrait être assez habile pour protéger les intérêts de son client dans ce genre de situation.
Le sénateur Oliver: Pas s'il est désarçonné par ce genre de propos. Puisque M. Cohen est de retour, j'aimerais poser la question que j'ai posée aux représentants du Barreau canadien au sujet de l'article 11. Ce dernier stipule: «La présente partie n'a pas pour effet de porter atteinte au secret professionnel du conseiller juridique.» Dans la version anglaise, il est précisé «any communication», en ce qui a trait au secret professionnel du conseiller juridique. Ce terme «communication», d'après vous, englobe-t-il n'importe quelle activité ou transaction?
M. Cohen: Selon la jurisprudence et notamment selon les causes dont il a été question lors de la dernière réunion où les représentants du Barreau canadien ont témoigné, le terme «communication» est interprété comme une notion vaste qui peut s'appliquer, selon les circonstances et le contexte, à une transaction, au nom d'un client ou à divers renseignements. On pourrait, même pour quelque chose d'aussi fondamental qu'un nom, faire valoir le secret professionnel de l'avocat. La confidentialité de ce genre de renseignements est donc préservée grâce au maintien du secret professionnel. Il ne faut pas interpréter une communication comme une notion restreinte en vertu de la jurisprudence.
Honorables sénateurs, vous vous êtes posé ces questions en vous demandant comment cette loi sera interprétée par les tribunaux et quelle incidence auront certaines contestations judiciaires actuellement en cours relativement à l'article 488.1 du Code criminel. Je veux parler de l'affaire Lavallée en Alberta. Cette affaire a été portée devant le tribunal supérieur de la province. Vous constaterez que, dans cette affaire, la décision va dans le sens que je viens de vous décrire. L'interprétation du secret professionnel et du principe de communication est assez générale pour s'appliquer à une transaction ou à un nom dans une circonstance donnée.
Le sénateur Oliver: Également peut-être à une activité.
M. Cohen: C'est possible; tout dépend du contexte.
M. Lalonde: M. Carrière a raison de dire que le projet de loi C-22 ne porte pas sur la confidentialité, question dont la portée est beaucoup plus vaste que le secret professionnel. Bon nombre de professionnels, et notamment des comptables et d'autres entreprises comme les institutions financières et les banques, doivent garantir la confidentialité pour leurs clients. Le projet de loi prévoit d'autres dispositions qui garantissent que les renseignements fournis au centre seront protégés. C'est ainsi que le projet de loi aborde la question générale de la confidentialité entre le client et le professionnel.
Le sénateur Angus: Monsieur Cohen, j'ai remarqué que vous étiez présent la semaine dernière quand les témoins du Barreau canadien nous ont fait part de leurs préoccupations. J'ai été frappé, en ma qualité d'avocat, de les entendre dire carrément que, selon eux, ce projet de loi outrepasse vraisemblablement les compétences du Parlement. Je réfléchis à cette question depuis lors, et j'ai vu que vous vous grattiez la tête pendant ce témoignage. Je me demande pourquoi les législateurs et tous ceux qui ont participé à l'élaboration de cette loi voudraient prendre le risque de la voir invalidée alors qu'il serait si facile d'y remédier, à mon avis. Je me reporte à la page 3 du mémoire de l'Association du Barreau canadien, où il est dit ceci:
[...] nous estimons que cela outrepasse peut-être les compétences du Parlement. Nous admettons que le gouvernement fédéral peut invoquer les pouvoirs que lui confère le droit pénal [...] Toutefois, nous estimons que l'on pourra interpréter ce projet de loi comme portant atteinte à la compétence législative des provinces relativement aux «droits de propriété et droits civils» et à «l'administration de la justice dans la province» [...]
Êtes-vous convaincu que le projet de loi est constitutionnel?
M. Cohen: Cette question relève du partage des pouvoirs et non de la Charte.
Le sénateur Angus: Il parle également de la Charte -- l'article 8.
M. Cohen: D'après l'article 8, je ne pense pas que l'Association du Barreau canadien ne jouisse d'autant d'appui que ne le portent à croire les déclarations qui ont été faites. Même dans le cadre d'une contestation visant l'article 488.1 du Code criminel, la jurisprudence n'est pas unanime. Certaines décisions rendues en Ontario confirment la constitutionnalité de cette disposition. Ce n'est pas cette disposition proprement dite, mais une autre semblable.
Quant à savoir si cela reste dans les limites du pouvoir aux termes du droit pénal -- et j'hésite à vous donner conseil à ce chapitre --, il est difficile de penser qu'un projet de loi dont l'objet est le blanchiment de l'argent ne relève pas des pouvoirs du fédéral aux termes du droit pénal. Je dirais qu'il existe à tout le moins des arguments solides et convaincants en faveur de la constitutionnalité de ce projet de loi.
Le sénateur Angus: Voilà une façon élégante de me dire que vous n'êtes absolument pas d'accord avec l'avocat du Barreau qui a témoigné. J'ai beaucoup de respect pour vous et vos collègues et je sais que vous avez consacré beaucoup de temps à cette question. Honnêtement, pensez-vous qu'il y a un risque que les tribunaux déclarent ce projet de loi anticonstitutionnel? S'il existe un risque, n'est-il pas facile d'y remédier en apportant un amendement qui rende les choses plus claires?
M. Cohen: Si vous vous inquiétez de la constitutionnalité de cette mesure parce qu'elle est du ressort des provinces plutôt que du fédéral, je n'ai pour ma part vu aucune jurisprudence qui étaye ce point de vue. S'agissant de la Charte, la jurisprudence est partagée à ce sujet lorsque les tribunaux inférieurs ont statué sur une loi semblable, et non sur celle-ci en particulier. L'engagement qui a été pris à l'égard du secret professionnel de l'avocat et de la modification ultérieure renforce sans doute cette mesure.
Le sénateur Angus: Le projet de loi sous sa forme actuelle vous paraît acceptable.
M. Cohen: Vous auriez tout lieu de tirer cette conclusion.
Le sénateur Angus: Mes collègues et moi avons discuté de cette lettre unilingue avant le début de la séance. Nous nous sommes demandé si, du point de vue juridique, elle vaut plus que le papier sur lequel elle est écrite pour ce qui est de l'application. Pouvons-nous obliger le Parlement à revenir en septembre et à proposer toutes ces modifications? Je veux que ce soit dit officiellement, si c'est votre avis juridique.
M. Cohen: Je ne suis pas ici pour offrir un avis juridique sur ce genre de chose. C'est une question d'ordre politique.
Le sénateur Oliver: Non, pas du tout. C'est une question juridique.
M. Cohen: Je peux vous dire que j'ai participé à l'adoption récente du projet de loi S-10, qui émanait du Sénat. Il faisait suite au projet de loi C-3 sur la banque de données génétiques et prévoyait un processus semblable d'engagement suivi par l'adoption d'une loi.
Le sénateur Angus: Il existe des précédents, cela ne fait aucun doute. Vous utilisez peut-être ici l'une de vos issues de secours. Les précédents se sont fondés sur la bonne volonté du comité et l'intention des sénateurs de ne pas retarder indûment le processus.
Nous nous inquiétons de questions fondamentales comme celles qu'a soulevées le sénateur Kelleher et celles que d'autres professionnels, comme les comptables, ont soulevées au sujet des aspects intrusifs de ce projet de loi. À mon avis, il est possible d'y remédier sans toutefois modifier l'objectif que nous poursuivons. Comme je l'ai dit l'autre jour, j'appuie sans réserve l'initiative et je pense que le Canada devrait faire sa part au sein du groupe de travail. Cela m'inquiète que nous disions: «Nous allons vous satisfaire à divers égards et proposerons une loi modificative à l'automne.» D'après nos renseignements, nous risquons également d'être au beau milieu des élections et le Parlement risque d'avoir été prorogé. M. Peterson, qui utilise la première personne du singulier en proposant un projet de loi, ne sera peut-être même plus député à ce moment-là.
Je ne vous demande pas un avis juridique, mais il est normal que je demande à l'un des conseillers juridiques de Sa Majesté s'il estime ou non que cette mesure a du poids sur le plan juridique.
M. Cullen: Sans vouloir traiter de la question de la légalité, je peux vous dire que cette lettre représente un engagement ferme de la part du gouvernement. Dans l'intervalle, cela aide à préciser l'intention du projet de loi. Je sais que l'engagement du gouvernement est coulé dans le béton et qu'il veut absolument s'attaquer à ces problèmes.
Le sénateur Angus: Le problème, c'est que l'on reporte cela à plus tard. Ces amendements sont logiques pour le gouvernement, sans prendre le risque dont j'ai parlé et qui est bien réel, à mon sens. Le ministre, malgré sa bonne foi et tout le reste, risque tout simplement de ne plus être ici. À mon avis, il y a des moyens de modifier le projet de loi et de résoudre ces problèmes.
Le sénateur Meighen: Le sénateur Angus a posé des questions dans le domaine qui m'intéressait. Comme l'a signalé le sénateur Kelleher, le Canada était à l'avant-garde en matière de législation visant à réprimer le recyclage financier, au début des années 90, grâce en grande partie à ses efforts personnels. D'un seul coup, il semble que nous nous soyons réveillés. Il y a une hâte incroyable à proposer un texte de loi, qui est de toute évidence difficile à rédiger de façon à protéger les particuliers tout en luttant de manière efficace contre le problème bien réel du blanchiment de fonds. Nous nous précipitons et, de l'aveu même du ministre Peterson, ce dernier est prêt à proposer, et je ne doute en aucun cas de sa bonne foi et de ses bonnes intentions, quatre ou cinq amendements dès l'automne.
J'ai du mal à me convaincre que la différence entre la deuxième quinzaine de juin et la deuxième quinzaine de septembre soit d'une importance cruciale pour la place qu'occupe le Canada dans le monde relativement à la législation visant à lutter contre le recyclage de fonds. Je n'ai aucun mal à me convaincre que, à force de précipitation, nous risquons de faire une grave erreur que nous pourrions facilement éviter en ce qui a trait aux libertés fondamentales des personnes et à la question fondamentale de la relation entre l'avocat et le client, question qu'a approfondie le sénateur Kelleher. Ce qui m'inquiète encore plus, c'est que nous disions qu'il est inutile d'examiner la question, comme nous l'avons fait pour une loi comme la SEE. Oui, nous allons l'examiner, mais seulement au bout de cinq ans.
Écoutez, monsieur Cullen, je pense que c'est inadmissible. Si vous voulez apporter ces amendements à l'automne, je tiens à ce que cela soit examiné d'ici la fin de l'année. Si sa proposition vous paraît inacceptable, ce qui ne me surprendrait pas, il faudrait au moins prévoir une période de trois ans plutôt que de cinq ans, pour voir comment la loi fonctionne.
Le ministre ne peut pas décider du Feuilleton du Parlement. Il ne peut pas décider si le Parlement siège ou non. Ce qu'il peut faire, c'est collaborer avec nous au Sénat pour adopter les amendements dans les plus brefs délais de sorte que, quand le projet de loi sera adopté sous peu, on ne court pas le risque de porter atteinte aux libertés civiles fondamentales. Pourquoi ne pouvons-nous pas, comme l'ont dit le sénateur Angus et d'autres, examiner ces amendements, les proposer et changer la période d'examen pour la ramener de cinq à trois ans? Pourquoi faut-il se hâter d'adopter d'ici la fin juin une mesure imparfaite et qui présente autant de risques?
M. Cullen: Je comprends vos préoccupations. De l'avis du gouvernement, compte tenu de ce qui a été proposé et de la réaction du gouvernement, nous ne pensons pas que le projet de loi soit aussi imparfait que cela.
Plus nous attendons, plus les activités de blanchiment d'argent pourront prendre de l'ampleur. Nous avons là l'occasion unique de mettre en place des mesures législatives qui renforceront les pouvoirs des forces de police.
Le sénateur Meighen: Je suis d'accord. Faisons-le en septembre.
M. Cullen: Ce ne sera pas plus facile en septembre.
Le sénateur Meighen: Expliquez-moi quel est le risque si l'on attend en septembre? Êtes-vous en train de me dire, monsieur Cullen, que ces trois mois vont nuire à la capacité du Canada de s'attaquer de manière fondamentale au problème du blanchiment d'argent?
M. Cullen: Comme je l'ai dit dans mon allocution, ces mesures doivent être prises en coordination avec les autres pays. À l'heure actuelle, nous risquons de prendre du retard. Des initiatives sont en cours qui exigent une intervention coordonnée. Tout retard supplémentaire voudra dire que les blanchisseurs d'argent sale pourront poursuivre leurs activités et que nous offrirons un terrain propice à l'expansion des activités de blanchiment de fonds.
Je suis sûr que vous, qui êtes sénateur et Canadien, ne voudriez pas que le Canada soit considéré comme un refuge pour les activités de blanchiment de fonds. C'est une chose qui me choque autant que vous, j'en suis certain.
Le sénateur Meighen: Vous savez que ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que j'ai du mal à me convaincre que ces trois mois changent vraiment quelque chose. Vous déclarez que cela fera de notre pays un refuge sûr pour les blanchisseurs d'argent sale. Je rejette cette idée et ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Cullen: Je ne voulais pas laisser entendre que vous disiez qu'il y avait ce genre de choix. Ce que je dis c'est qu'à notre avis, nous avons répondu dans une certaine mesure à la critique et nous croyons avoir amélioré le projet de loi. À ce moment-ci, nous ne croyons pas que le projet de loi est entaché de nullité. Nous devrions aller de l'avant et mettre le centre en place, mettre les choses en marche, et faire notre part comme partenaire responsable de la communauté internationale.
Les organismes policiers d'exécution de la loi attendent ce projet de loi. Vous trouverez peut-être cela difficile à croire, mais l'une des raisons du retard est le fait que nous ayons accordé tant d'attention à la protection des renseignements personnels, peut-être pas dans la mesure où certains sénateurs le souhaiteraient, mais la protection des renseignements personnels est l'une des questions auxquelles nous avons accordé beaucoup d'attention. En fait, l'expert de la Belgique a confirmé que notre structure, notre cadre et nos mesures législatives accordaient davantage d'attention à la protection des renseignements personnels que toute autre administration dans le monde.
Le sénateur Oliver: Pourtant les deux amendements que vous voulez présenter à l'automne portent justement sur cette question.
M. Cullen: Sénateur, vous pouvez peut-être prétendre à la perfection. Je ne peux cependant dire que le projet de loi à l'étude est parfait. Ce que j'ai dit c'est qu'à notre avis, c'est un très bon projet de loi, compte tenu surtout des commentaires que nous avons reçus à ce sujet et des changements que nous sommes prêts à y apporter. À notre avis, il ne serait pas dans l'intérêt du Canada de retarder la mise en oeuvre de ces initiatives très importantes visant à faciliter la répression du recyclage financier.
Je voudrais faire une observation à la suite de ce qu'ont dit précédemment les sénateurs Kelleher et Oliver relativement aux autres administrations ou aux autres lois qui prévoyaient l'accès sans mandat: on me dit qu'en Ontario, la Loi sur les valeurs mobilières, au paragraphe 11(4), prévoit des pouvoirs de perquisition sans mandat semblables à ceux contenus dans le projet de loi à l'étude. Sauf votre respect, je ne crois pas que ce qui est proposé ici crée de nouveaux précédents dans ce contexte. Je voulais tout simplement le préciser aux fins du compte rendu.
Le sénateur Meighen: Est-ce qu'il s'agit de tierces parties ou des dossiers des particuliers?
M. Cullen: Je crois que cela concerne uniquement la question des pouvoirs de perquisition sans mandat que le sénateur Oliver a soulevée.
Le sénateur Meighen: Je crois qu'il y a une distinction entre le fait que la Commission des valeurs mobilières puisse venir examiner mes propres dossiers personnels et le fait qu'elle vienne dans mon bureau pour examiner les dossiers du sénateur Tkachuk qui sont en ma possession étant donné que je suis son avocat.
M. Cullen: Cette disposition en particulier vise les personnes inscrites aux termes de la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario.
Le sénateur Meighen: C'est très différent. Sauf votre respect, je ne crois pas que l'on compare ici des choses comparables entre elles, mais il se peut que je me trompe.
Quoi qu'il en soit, je me demande s'il convient de bafouer le secret professionnel pour que le projet de loi puisse être adopté avant l'ajournement d'été plutôt qu'à l'automne et sachant cela, avec toute la meilleure volonté au monde, rien ne garantit que le ministre Peterson pourra présenter des amendements, et encore moins les faire adopter.
M. Cullen: Je sais que le ministre Peterson et le gouvernement au plus haut niveau se sont engagés à apporter de tels changements. C'est tout ce que je peux vous garantir pour le moment.
Le sénateur Angus: J'aimerais parler du document qui nous a été distribué aujourd'hui. Il s'agit du tableau que certains sénateurs avaient demandé lors de séances précédentes sur le projet de loi C-22.
M. Cullen: Excusez-moi, il s'agit du tableau comparatif.
Le sénateur Angus: Tout d'abord, j'aimerais qu'il soit officiellement versé au compte rendu. Qui a préparé ce document, monsieur?
M. Cullen: Le ministère des Finances.
Le sénateur Angus: Connaissez-vous le document?
M. Cullen: Oui.
Le sénateur Angus: Vous avez dit que ce document a été préparé par le ministère des Finances et que vous le connaissez, et vous êtes accompagné de collègues qui, j'en suis certain, le connaissent tout autant. Le document s'intitule «Régimes de lutte contre le blanchiment de fonds.» Nous avons la page 2 de 2, mais je crois comprendre que la page 1 était tout simplement la feuille d'accompagnement pour l'envoi par télécopieur. Y a-t-il une page 1?
M. Cullen: Je n'ai que cette page.
Le sénateur Angus: Est-ce la page 2 de 2?
M. Cullen: Apparemment, les notes complémentaires se trouvaient auparavant à la page 2. N'avions-nous pas besoin des notes complémentaires?
Le sénateur Angus: C'est logique je crois: on dit page 2 de 2. La page 1 était le tableau principal et les notes complémentaires se trouvaient à la page 2.
M. Cullen: Les notes complémentaires ont été incorporées à la page 1.
Le sénateur Angus: J'aimerais que ce document soit officiellement versé au compte rendu. Ce sont des gens qui travaillent pour vous qui ont fait parvenir ce document au comité?
M. Cullen: C'est exact.
Le sénateur Angus: Ce document peut-il être versé officiellement au compte rendu?
En haut du document, on trouve les organismes chargés de la lutte contre le blanchiment de fonds. Il y a le Canada, l'Australie, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, la France et le Japon. Dans les notes complémentaires, je remarque que l'on mentionne l'Italie. Cela fait neuf pays, y compris le Canada. Qu'est-il arrivé aux autres qui font partie du groupe?
Permettez-moi de préciser que lors de la première séance, lorsque vous nous avez donné de l'information au sujet du projet de loi à l'étude, on nous a dit que le Canada était l'un des 28 pays qui participaient à cet effort de coopération. On nous a dit par ailleurs que le projet de loi était important parce que le Canada était le dernier des 28 pays à se mettre au diapason et à introduire un projet de loi. En fait, au cours de ces audiences, il est ressorti que le Canada serait peut-être plutôt bien en avance par rapport à bon nombre d'autres pays, puisqu'il a déjà adopté un projet de loi sur le recyclage financier sous le régime du sénateur Kelleher. En effet, on nous a dit que la question était déjà visée dans les dispositions du Code criminel, et cetera.
Nous avons demandé un tableau comparatif afin de voir où nous en sommes par rapport aux autres pays. J'ai du mal à comprendre ce document pour un certain nombre de raisons. J'en ai mentionné une: où sont les autres 19 pays mentionnés? Par ailleurs, une note complémentaire dit que cela doit être établi par voie de règlement.
Je ne voudrais pas ajouter à la confusion en posant des questions, mais pourriez-vous nous expliquer ce document? Dites-nous ce qu'il signifie et comment il a été préparé. Donnez-moi certains renseignements qui manquent.
M. Cullen: Il serait peut-être utile que M. Lalonde vous explique ce tableau. Je devrais préciser tout d'abord que nous sommes le dernier pays du G-7 à adopter la déclaration obligatoire des opérations financières douteuses.
M. Lalonde: Non seulement le Canada est le dernier pays du G-7 à adopter cette mesure, selon le rapport annuel de 1998-1999 du Groupe d'action financière internationale, mais le rapport dit clairement que dans tous les pays membres sauf au Canada, les banques sont tenues de déclarer les opérations financières douteuses. Nous savons que le Canada est le seul pays parmi les 26 pays membres du GAFI qui n'ait pas une forme de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses. Nous avons tenté d'être le plus exhaustifs possible dans ce tableau. Certainement, si nous avions inclus les 26 pays relativement à l'exigence en matière de rapport sur les activités douteuses, la réponse serait oui pour les 25 membres du Groupe d'action financière internationale, sauf pour le Canada.
Pour ce qui est de notre capacité à obtenir de l'information supplémentaire, je ne sais pas si votre comité en a fait la demande, mais nous avons fait de notre mieux pour brosser le tableau le plus complet possible dans le temps qui nous était alloué, pour les pays qui sont présentés dans ce tableau.
Le sénateur Angus: Le temps qui vous était alloué par qui?
M. Lalonde: Eh bien, depuis notre comparution devant le comité, le 1er juin dernier, jusqu'à présent.
Le sénateur Angus: Est-ce que cela conclu ce que vous aviez à dire?
M. Lalonde: Je répondrai volontiers à toutes autres questions.
M. Cullen: Est-ce qu'il serait utile d'expliquer aux sénateurs les diverses catégories?
Le sénateur Angus: Oui.
M. Lalonde: Avec plaisir. Si vous regardez la première ligne intitulée «Structure de reddition de comptes», on voit que dans la plupart des cas les organismes d'information financière sont structurés comme des organismes indépendants et sont pour la plupart indépendants des services policiers. On remarque également que dans certains cas les centres -- les organismes -- relèvent du ministre des Finances, du solliciteur général ou d'autres ministres, selon le cas. Il n'y a pas de modèle particulier, mais ils relèvent du ministre des Finances dans un certain nombre de cas, notamment en France, en Belgique et aux États-Unis.
Je tiens à préciser qu'aux États-Unis, FINCEN fait partie du département du Trésor, tout comme le Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms ou l'IRS. Ce sont des entités séparées -- des organismes séparés -- mais ils font partie du département du Trésor.
Pour ce qui est de la portée de la législation visant les organismes en question, on voit qu'il y a une certaine uniformité pour ce qui est des institutions financières réglementées.
Le sénateur Angus: Excusez-moi. Pour que ce soit bien clair et aux fins du compte rendu, ce tableau, pour ce qui est du Canada, reflète ce que sera la situation si le projet de loi est adopté, n'est-ce pas?
M. Lalonde: C'est exact.
Le sénateur Angus: Le tableau ne nous montre pas quelle est la situation actuelle au Canada, qui n'est pas si pire. Comprenez-vous là où nous voulons en venir? Nous disons: «Très bien, c'est très bien tout cela, et nous appuyons essentiellement l'initiative, mais qu'est-ce qui presse? Nous n'accusons pas un très grand retard par rapport aux autres pays, et vous empiétez sur certains droits. Corrigeons donc la situation et attendons à septembre pour aller de l'avant.»
M. Lalonde: Pour être plus précis, c'est la perspective si nous parlons d'exigences en matière de rapport, d'analyses et de communication puisque le Canada n'a pas la déclaration obligatoire et que ce sont les critères que nous avons. Certainement, si nous parlons de la tenue de dossiers et de l'identification des clients, ces exigences sont déjà prévues dans l'actuelle Loi sur le recyclage des produits de la criminalité.
Ces entreprises sont visées actuellement par les exigences en matière de tenue de dossiers et d'identification des clients. En ce sens, nous répondons aux exigences en matière de tenue de dossiers.
Comme je l'ai déjà dit, la portée et les exigences semblent être assez uniformes pour ce qui est des institutions financières réglementées. Dans le cas des institutions ou des entreprises financières non réglementées, notamment les sociétés de carte de crédit par exemple, la situation n'est pas la même. Quant aux avocats et aux comptables, ce ne sont pas tous les pays, mais il y en a quatre en particulier qui visent directement les comptables et les avocats. En Belgique et en France, les notaires sont visés par les exigences en matière de rapport.
Comme l'a dit M. Cullen précédemment, l'IRS exige que les comptables et les avocats leur signalent les opérations au comptant de 10 000 $ ou plus. L'information contenue dans ces dossiers est accessible au FINCEN pour l'application de ses lois.
La catégorie suivante indique une série de différents types d'exigences en matière de rapport, qu'il s'agisse des opérations douteuses au comptant ou des rapports sur les devises transfrontalières.
Enfin, la dernière catégorie concerne les données auxquelles nous tenions, notamment le nombre annuel de communications aux corps policiers, soit par rapport électronique ou autre.
Le sénateur Angus: Monsieur Lalonde, vos observation sont très utiles. Puis-je vous demander cependant si, à votre avis, ces catégories -- les exigences en matière de rapport, la structure de reddition de comptes, etc -- englobent les principaux éléments des dispositions du projet de loi C-22 sur le recyclage financier ou ceux des dispositions qui existent déjà dans notre loi, ou y a-t-il d'autres éléments clés dont nous avons besoin et qui sont prévus au projet de loi C-22 et dont on ne parle pas dans ce tableau?
M. Lalonde: Si nous avions voulu inclure toutes les dispositions visant à protéger les renseignements personnels, nous aurions pu énumérer bien sûr toutes celles que nous avons et faire une recherche pour déterminer si toutes les autres administrations avaient également de telles protections. Il aurait fallu faire une très longue recherche. Peut-être que cela aurait pu être utile, mais M. Spreutels nous a dit lors de son témoignage qu'à son avis notre régime était assez complet. Je ne sais pas si cela aurait tellement ajouté au tableau comme tel.
Nous aurions certainement pu trouver d'autres critères dans le projet de loi à ajouter au tableau. Nous avons tenté d'aborder les principales questions. La principale question qui a été portée à notre attention lorsqu'on a demandé la préparation de ce tableau est celle dont on parle à la première ligne. Il y avait certaines questions concernant les comptables et les avocats, de sorte que nous avons pensé qu'il serait peut-être utile également d'inclure une ligne à ce sujet. Par ailleurs, nous avons jugé qu'il serait utile d'inclure les différentes exigences en matière de rapport dans les différentes administrations.
Le sénateur Angus: Cela est très utile. Je crois que vous avez mentionné une personne qui venait de la Belgique. J'ai eu l'impression qu'elle trouvait qu'il s'agissait là d'un excellent projet de loi. Cette mesure va plus loin que ce qu'ils ont en Belgique et ils aimeraient bien avoir quelque chose comme cela là-bas. Encore une fois j'ai eu l'impression que cela va bien au-delà de ce que d'autres pays ont, et que cela pourrait servir de modèle et d'excellent outil pour combattre le crime organisé et le recyclage financier. Ce qui me dérange, comme je le disais, c'est tout simplement l'urgence avec laquelle on veut faire adopter le projet de loi.
M. Lalonde: M. Spreutels faisait allusion aux mesures de protection de la vie privée, et non pas tellement au fait que le régime que nous avons en place serait bien supérieur à tout autre régime pour ce qui est de lutter contre le recyclage financier. Certainement, dans le contexte européen, la protection de la vie privée est une grande priorité et il existe des mesures législatives rigoureuses dans les pays membres, de sorte que je ne crois pas que M. Spreutels voulait dire que les protections de base contenues dans les lois canadiennes relativement à la protection de la vie privée sont de loin supérieures à celles qui existent en Europe également.
Le sénateur Angus: Vous en avez peut-être déjà parlé précédemment, mais je veux m'assurer de bien comprendre votre position. On a demandé pourquoi ce serait cet organisme spécial que l'on veut établir plutôt que la GRC qui serait chargé de recevoir toutes ces données, ces renseignements sur les opérations douteuses. La GRC a beaucoup d'information, comme nous l'avons constaté au fil des ans, et il y a des exceptions, mais de façon générale, les citoyens ont tendance à être moins nerveux du fait que tous ces renseignements confidentiels soient entre les mains de la GRC, tandis qu'ils craignent davantage que leurs droits fondamentaux soient bafoués s'ils se retrouvent entre les mains de ce nouvel organisme.
Je voudrais connaître une fois pour toute votre position sur la question. Je sais que vous ne voulez pas changer quoi que ce soit et je sais que vous estimez que c'est la position à adopter, et c'est très bien. Je veux tout simplement entendre les raisons.
Le président: Nous en avons parlé au moins cinq fois, sénateur. Vous étiez ici lorsque les représentants de la GRC ont dit qu'ils ne voulaient pas en assumer la responsabilité car il finirait par y avoir de l'abus.
Le sénateur Angus: S'agit-il là de la réponse officielle, sénateur? J'ai toujours aimé vos réponses, nous sommes sur la même longueur d'ondes pour bien des choses, mais il ne faudrait pas beaucoup de temps pour répondre à la question. C'est ma dernière question.
M. Cullen: Permettez-moi de dire tout d'abord qu'il faut toujours faire des compromis dans tout ce que nous faisons, mais il est clair que l'un des avantages à avoir un tel centre c'est qu'il agit en quelque sorte comme un filtre. Cela répond à certaines préoccupations qui ont été soulevées par vous et par d'autres relativement au fait que l'information qui fait l'objet d'un rapport ne devrait pas nécessairement déclencher des soupçons. Il y a enregistrement de données qui sont confrontées avec d'autres données corroborantes, et ce n'est que lorsqu'il y a d'autres raisons de soupçonner des opérations douteuses que l'information est envoyée à la GRC.
En un sens, je crois que cela protège les citoyens contre la possibilité que l'information soit envoyée directement à la GRC. Même si j'ai confiance à la GRC, personnellement je pense que si des renseignements non pertinents étaient signalés à l'organisme et qu'il n'y avait aucune autre information corroborante, l'information n'irait pas plus loin. Tout régime comporte ses avantages et ses désavantages. J'estime qu'il s'agit là d'un avantage assez convaincant.
M. Lalonde: M. Cohen nous a donné une très bonne explication de la raison pour laquelle il était avantageux que cette fonction relève d'un organisme distinct et indépendant des services d'application de la loi. Je ne vais pas répéter cette explication mais je dirai tout simplement qu'il y a de très bonnes raisons aux termes de la Charte.
Nous avons par ailleurs dit au comité que même sans tenir compte des préoccupations relatives à la Charte et à la protection des renseignements personnels, très peu d'économies seraient réalisées en confiant cette fonction à un autre organisme.
Le sénateur Tkachuk: M. Peterson a envoyé la lettre au président du comité; savez-vous s'il serait prêt à apporter des changements à la lettre?
Nous avons d'autres préoccupations. Nous comprenons qu'il est prêt à apporter des modifications rapidement. Personnellement, tout comme mes collègues de ce côté-ci de la table, je ne comprends pas pourquoi les changements ne peuvent être apportés maintenant, mais laissons cette question de côté pour un instant.
Le sénateur Kelleher a certaines préoccupations concernant le secret professionnel de l'avocat aux termes des articles 63 et 64, et concernant l'accès à l'information aux termes de l'article 85, mais également relativement au processus d'examen du projet de loi. Nous avons tenté de soulever ces questions avec les témoins au cours de nos séances. Savez-vous si M. Peterson serait prêt à ajouter cela au processus?
M. Cullen: Le ministre Peterson a tenté de répondre d'une façon positive, concrète et constructive aux préoccupations soulevées par les sénateurs et les autres témoins qui ont comparu devant votre comité. À ce moment-ci, je ne crois pas qu'il serait en mesure d'ajouter quoi que ce soit à sa lettre.
Le sénateur Tkachuk: Cette lettre a-t-elle été rédigée parce que le ministre et ses hauts fonctionnaires écoutaient les témoins et se sont dit: «Oh, ce sont les questions»? Ou a-t-il choisi à partir de toute une liste de questions?
Ce ne sont pas les seules préoccupations qui ont été exprimées. Bon nombre de préoccupations ont été soulevées, dont certaines que j'ai mentionnées et d'autres que nous avons examinées précédemment au cours de nos audiences. Il s'agit de questions encore plus importantes que celles dont parle le ministre ici.
Le président: Je sais où vous voulez en venir et de toute évidence vous êtes libre de prendre la direction que vous voulez, mais je crois comprendre que de toute façon vous ne seriez pas prêt à accepter quelque lettre que ce soit. C'est pourquoi nous avons préparé une lettre qui était acceptable pour nous afin de vous la montrer. Vous m'avez dit que vous n'étiez prêt à accepter rien de moins que des amendements et qu'une lettre ne pouvait être acceptable. Vous me prenez au dépourvu ici.
Le sénateur Tkachuk: Il y a deux choses ici. Vous avez demandé si nous serions prêts à accepter une lettre. Naturellement, depuis les sept ans que je suis ici, il y a eu de nombreuses lettres et rien ne s'est jamais fait.
Le président: Je ne suis pas en désaccord avec vous. Je ne dis pas que vous devriez l'accepter.
Le sénateur Tkachuk: Je dis tout simplement que cette lettre nous a pris par surprise car elle est unique. La lettre promet que des amendements seront examinés et adoptés à l'autre endroit le plus tôt possible. Nous ne recevons pas habituellement ce genre de lettre. C'est la lettre dont je parlais.
Le président: Seriez-vous prêt à reconsidérer votre position? Accepteriez-vous une lettre?
Le sénateur Tkachuk: Nous aimerions nous réunir en caucus quelques minutes, mais notre point de vue sera sans doute que nous pourrions envisager d'accepter cette lettre. C'est pourquoi je demandais si cette lettre pourrait inclure quelques autres questions pour répondre aux préoccupations qui ont été soulevées de notre côté. La lettre répond à certaines préoccupations qui ont été soulevées de votre côté.
Le président: J'aurais bien aimé que vous me disiez cela il y a quelques jours, car nous aurions pu tenter d'arranger les choses.
Le sénateur Oliver: Ce n'est pas la lettre du ministre? Est-ce une lettre que vous avez rédigée?
Le président: Sénateur Oliver, je trouve cette observation très déplacée et absurde. Ce n'est pas une lettre que nous avons rédigée. C'est la lettre que nous avons fini par accepter.
Le sénateur Oliver: Ce n'est pas ce que vous avez dit tout à l'heure. Sauf tout le respect que je vous dois, la transcription montrera ce que vous avez dit, sénateur. Il n'est pas nécessaire de crier pour me parler.
Le sénateur Tkachuk: Pendant qu'ils discutent, pouvons-nous continuer, monsieur Cullen?
M. Cullen: Sachez que le ministre Peterson est au courant. Ses collaborateurs le tiennent au courant et il a personnellement suivi les délibérations de votre comité et du comité de la Chambre des communes. Il est au courant de toutes les questions et préoccupations. À ce moment-ci, il y a quatre préoccupations auxquelles il est prêt à répondre dans une lettre. Voilà essentiellement quelle est sa position. Il est au courant des autres préoccupations mais à ce moment-ci, c'est tout ce qu'il est prêt à faire.
Le sénateur Tkachuk: Je veux que ce soit bien clair que lorsque j'ai parlé d'une lettre, ce qui m'est venu immédiatement à l'esprit c'est la lettre habituelle que l'on reçoit d'un ministre disant que certaines choses seront faites, mais rien ne se fait jamais. J'ai un exemple ici au sujet du projet de loi C-78. Des rencontres devaient avoir lieu. Un nouveau ministre a été nommé et il a refusé de tenir ces rencontres. Rien ne s'est produit.
Lorsque nous avons reçu cette lettre, nous l'avons trouvée très intéressante car on s'y engageait à présenter des amendements. Nous avons été très agréablement surpris. Nous voulons savoir s'il y a des chances que le ministre Peterson puisse comparaître afin que nous lui demandions d'inclure quelques autres questions.
Nous appuyons le fond et le principe du projet de loi. Nous avons d'importantes réserves que nous aimerions voir régler, mais nous ferons preuve de coopération dans ce dossier.
Le président: Nous devrions libérer le témoin et en parler. Je dirais que nous devons régler cette affaire aujourd'hui.
Le sénateur Tkachuk: À nous de décider, monsieur le président.
Le président: C'est sûr que vous pouvez décider.
Le sénateur Tkachuk: Vous aussi.
Le président: Je comprends.
Le sénateur Oliver: Certains des amendements proposés dans la lettre qui a été envoyée au président Kolber sont tout à fait fondamentaux. Ma question est la suivante: si le projet de loi est adopté, le ministre serait-il prêt à attendre que les amendements soient apportés avant de promulguer la loi?
M. Cullen: Honorables sénateurs, je peux dire que nous pourrions certainement discuter du report de la proclamation de certains articles pour un certain temps.
Le sénateur Tkachuk: Serait-ce jusqu'au moment de l'adoption des amendements, disons jusqu'au 31 décembre prochain? Cela vous donnerait le temps, si les amendements étaient adoptés. Cela semble-t-il raisonnable?
M. Cullen: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Quels articles en particulier?
M. Cullen: Cela dépend. C'est quelque chose de nouveau pour moi et je n'ai pas le mandat d'engager le ministre à l'égard d'articles en particulier.
Le président: Vous ne pouvez pas prendre ce genre d'engagement?
M. Cullen: Non.
Le sénateur Tkachuk: Il vient tout juste de le faire.
Le président: Franchement, je ne sais pas comment il pourrait faire cela.
Le sénateur Meighen: Il est député.
M. Cullen: Aux fins du compte rendu, monsieur le président, nous serions prêts à envisager de reporter la proclamation de certains articles. C'est tout ce que je peux dire. Je ne suis pas le ministre.
Le sénateur Tkachuk: Pourrions-nous obtenir une réponse d'ici mercredi prochain?
Le sénateur Meighen: Au fond, ce serait un bon compromis. Nous avons fait cela avec le projet de loi sur la faillite et d'autres projets de loi de finance.
Le sénateur Tkachuk: M. Cullen semble être ouvert à cette idée. C'est une bonne chose que nous l'ayons su avant notre discussion.
M. Cullen: C'est quelque chose dont on pourrait parler.
Le sénateur Tkachuk: Nous comprenons.
M. Cullen: Nous aimerions voir la législation.
Le sénateur Tkachuk: Nous comprenons cela également.
Le président: Je remercie les témoins pour le temps qu'ils nous ont accordé aujourd'hui.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, pourrions-nous avoir cinq minutes pour nous réunir entre nous au sujet de cette lettre?
Le président: Nous pouvons faire une pause, naturellement. À notre retour, nous procéderons cependant à l'examen article par article.
Le sénateur Tkachuk: Si nous procédons ainsi, alors il ne sert à rien de parler de quoi que ce soit: pas de lettre, rien.
Le président: La lettre sera annexée au rapport.
Le sénateur Tkachuk: Sans aucune possibilité que nos préoccupations soient formulées dans la lettre?
M. Cullen: Monsieur le président, je pense avoir dit clairement que le ministre Peterson n'est pas disposé à aller plus loin que la lettre pour le moment.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez pris cet engagement en son nom. Vous avez également fait d'autres déclarations.
M. Cullen: Je suis au courant, parce que j'en ai discuté avec lui.
Le sénateur Tkachuk: Seriez-vous disposé à discuter avec lui de la possibilité de suspendre certains articles?
M. Cullen: Si le projet de loi est adopté, nous pourrions envisager de retarder la proclamation de certaines dispositions. Nous pourrions examiner la question. C'est à cela que je me suis engagé.
Le sénateur Tkachuk: Vous serait-il possible de nous faire part de cette décision d'ici mardi ou mercredi, ce qui nous permettrait alors de procéder à l'étude article par article en sachant que l'on procédera ainsi.
M. Cullen: Je ne pense pas que ce soit possible. C'est une question qui pourrait faire l'objet de discussions pendant l'été, mais pas avant.
Le sénateur Tkachuk: Il semble très étrange que l'on ait donné suite aux préoccupations des membres du gouvernement, tandis que lorsque les nôtres sont soulevées, on les balaye du revers de la main.
Le sénateur Kroft: Ce n'est pas juste du tout.
Le sénateur Tkachuk: Sénateur Kroft, dites-moi donc ce qui est juste.
Le sénateur Kroft: Ce n'est pas exact.
Le sénateur Tkachuk: Dites-moi alors ce qui est exact.
Le sénateur Kroft: L'amendement au sujet du commissaire à la protection de la vie privée émanait de tous les membres du comité, de tous les partis. C'était des préoccupations qui avaient été exprimées par l'ensemble des membres du comité. On ne dit pas qu'elles proviennent de tel ou tel groupe.
Le sénateur Tkachuk: Mais nous avons plusieurs amendements à proposer.
Le sénateur Kroft: Cette question ne vous préoccupait-elle pas?
Le sénateur Tkachuk: Si.
Le sénateur Kroft: Comment pouvez-vous dire que vos intérêts ne sont pas exprimés dans la lettre?
Le sénateur Meighen: Nous avons d'autres préoccupations qui ne le sont pas.
Le sénateur Tkachuk: J'ai parlé de certaines préoccupations que nous avions, sénateur Kroft.
Est-il possible d'avoir une suspension de délibérations?
Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, pourrait-on m'accorder une ou deux minutes pour commenter cela? Je n'avais pas l'intention de prendre la parole, mais M. Cullen est parti et l'une des raisons pour lesquelles je m'intéresse à ce projet de loi, c'est que je suis vice-président du comité économique de l'OSCE. La lutte contre le blanchiment international de l'argent a été l'une des grandes initiatives de l'OSCE, que le Canada a appuyée. M. Cullen a été un chef de file, il a veillé à ce que la question soit au premier plan. C'est bien simple, les témoignages que nous avons entendus dans des rencontres internationales montrent que c'est une véritable épidémie et que plus tôt nous interviendrons pour colmater les brèches, mieux ce sera.
Je suis venu ici pour être rassuré au sujet de la protection de la vie privée et j'ai reçu satisfaction. La clé, c'est de lancer le mouvement le plus rapidement possible, sans attendre. Plus tôt cette mesure pourra être proclamée, ne serait-ce que les trois quarts du projet de loi qui sont satisfaisants, mieux ce sera pour le Canada. Nous avons une réputation internationale que ce projet de loi peut renforcer. Je dis cela non pas en tant que membre du comité, mais à titre de représentant de l'OSCE et de vice-président du comité économique, qui considère cette mesure comme une priorité internationale.
Le président: Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes.
(La séance est suspendue.)
(Reprise de la séance.)
Le président: Honorables sénateurs, il semble que l'on ait dégagé un compromis. Nous allons faire rapport du projet de loi tel que rédigé, avec la lettre en pièce jointe. Nous préciserons par ailleurs dans le rapport que, de part et d'autre, il a été suggéré que trois autres amendements sont nécessaires. Nous en faisons la proposition. Nous ne pouvons lier personne. Les amendements ont été rédigés par vous autres. Nous allons les appuyer et le texte en sera inscrit au rapport.
Le sénateur Kroft: Nous dirons: «approximativement selon la formulation proposée.» Nous n'essayons pas d'imposer un libellé précis.
Le sénateur Meighen: Les trois domaines en question sont le caractère confidentiel des échanges entre l'avocat et le client, le règlement et l'examen dans trois ans au lieu de cinq.
Le président: Maintenant que tout est officiel, est-ce que tout le monde est d'accord?
Le sénateur Tkachuk: J'en ai des copies. Il faudra les rédiger dans les formes.
Le président: Nous formulons la demande que ces amendements soient sérieusement envisagés.
Le sénateur Kroft: Nous voulons qu'il soit clair que ces recommandations sont faites par le comité, collectivement.
Le président: Nous recommandons de faire ces ajouts.
Le sénateur Meighen: Approximativement selon la formulation proposée.
Le sénateur Tkachuk: Nous proposons la teneur de nos amendements et vous pouvez déterminer le libellé.
Le président: Les témoins ont-ils des objections à cela?
Le sénateur Tkachuk: Nous savons que la formulation n'est définitive, mais tout ce que nous avons, c'est la teneur de l'amendement, et il faut donc faire ces précisions.
Le président: Voulez-vous proposer la motion?
Le sénateur Kroft: Je propose que le comité termine l'étude article par article du projet de loi C-22. Faut-il mentionner la lettre? J'ajoute donc dans la motion que le projet de loi est renvoyé sans amendement, mais qu'il accompagné de la lettre du ministre, ainsi que d'observations sur lesquelles le comité s'est entendu.
Le président: Le comité au complet.
Le sénateur Kroft: Le comité au complet s'est entendu sur trois questions additionnelles.
Le sénateur Meighen: Approximativement selon la formulation proposée.
Le sénateur Kroft: Voilà. Nous sommes convenus de dire dans le rapport que le projet de loi est renvoyé sans amendement, mais qu'il est accompagné par la lettre. La lettre est un engagement pris par le gouvernement; nous avons donc le projet de loi plus la lettre.
Le président: Et puis, il y a trois recommandations.
Le sénateur Meighen: Le comité recommande, en plus de la lettre du ministre, trois autres modifications à la loi.
Le sénateur Oliver: Et la proclamation?
Le président: Nous ne pouvons pas aborder cela.
Le sénateur Kroft: La question a été soulevée, mais avec la lettre plus ces autres amendements, nous savons que nous essayons d'établir un juste équilibre. Nous pourrions poursuivre longtemps à la recherche de la perfection, mais il n'en demeure pas moins que nous sommes en présence d'un projet de loi qui nous semble acceptable à nous tous.
Le sénateur Meighen: Il s'est engagé à envisager la chose. S'il ne veut pas le faire, il ne le fera pas.
Le sénateur Fitzpatrick: Il a dit qu'il réfléchirait à la question de la proclamation et qu'il demanderait conseil à ce sujet.
Le président: Ceux qui sont en faveur de la motion?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. Merci, sénateurs.
La séance est levée.