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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 17 - Témoignages du 22 juin 2000


OTTAWA, le jeudi 22 juin 2000

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi d'exécution du budget de 1999, ainsi que le projet de loi S-9, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour étudier lesdits projets de loi.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, avant d'entendre nos témoins, il nous reste certaines choses à terminer de la séance d'hier. Je tiens à dire tout d'abord que, hier soir, les tempéraments se sont échauffés, en tout cas le mien et celui du président suppléant. Je tiens à m'excuser pour les remarques ou déclarations inconvenantes que j'ai pu faire à cette occasion.

Le sénateur Tkachuk: J'en prends bonne note.

Le président: Après avoir consulté le président suppléant, je propose maintenant la motion suivante. Plaît-il au comité d'en revenir à l'étude des articles 70 à 72?

Des voix: Adopté.

Le président: Les articles 70 à 72 sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.

Le président: Adopté. L'article 73 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Adopté. Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Adopté. Puis-je renvoyer le projet de loi C-25 sans amendement au Sénat?

Le sénateur Tkachuk: À la majorité des voix.

Le président: Adopté.

Honorables sénateurs, passons maintenant au sujet suivant à l'ordre du jour, à savoir l'étude du projet de loi S-19. J'accueille nos témoins de l'Association du barreau canadien et je leur donne la parole.

Mme Tamra L. Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien: Au nom de la Section nationale du droit des affaires de l'Association du Barreau canadien, nous sommes très heureux de comparaître devant ce comité pour parler du projet de loi S-19. L'Association du Barreau canadien est une association professionnelle regroupant plus de 36 000 avocats et juristes du Canada. Nos principaux objectifs sont notamment d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est à ce titre que nous comparaissons devant vous aujourd'hui.

Depuis notre dernière comparution, nous avons eu de nombreux échanges avec les fonctionnaires d'Industrie Canada. On vous a distribué un deuxième mémoire plus complet ainsi qu'une lettre d'accompagnement qui soulignent les principales questions de politique qui sont toujours en jeu. Je vais demander à M. McIninch, puis à M. Anisman, de vous les présenter.

M. John McIninch, avocat, Association du Barreau canadien: Lors de notre comparution devant le comité des banques du Sénat le 10 mai 2000, la Section nationale du droit des affaires de l'Association du Barreau canadien a discuté avec les représentants et représentantes d'Industrie Canada et du ministère fédéral de la Justice de l'analyse que nous avions présentée au sujet du projet de loi S-19 pour ensuite retourner devant le comité sénatorial avec un mémoire remanié qui insistait sur les questions demeurées irrésolues. Depuis lors, les discussions avec les représentants des ministères cités ont abouti à une entente de principe assez détaillée proposant de nombreuses modifications aux dispositions du projet de loi.

Je crois que notre deuxième mémoire a été remis à ce comité mercredi dernier.

Bien que notre intention ait été de raccourcir notre mémoire en le confinant aux principales questions de politique demeurées en suspens après nos discussions avec les représentants ministériels, notre seconde analyse du projet de loi S-19 est finalement plus longue que notre mémoire initial. L'allongement du texte est en partie dû à l'ajout d'observations à propos de questions qui n'avaient pas encore été traitées, en raison de l'insuffisance de temps pour ce faire, et également à cause de questions nouvelles ou analysées de façon plus approfondie à la demande du comité.

Afin de faciliter l'examen du comité, nous avons ordonné nos observations sous trois rubriques. Nous traitons donc en première partie de questions de politique plus générales, que vous trouverez dans la partie II de notre mémoire. Les parties III et IV portent sur des sujets essentiellement techniques. Nous avons séparé les sujets selon qu'ils ont fait ou non l'objet d'un accord avec les fonctionnaires des ministères, et nous avons ajouté une table des matières détaillée pour faciliter l'accès aux questions qui suscitent des préoccupations ou présentent un intérêt particulier.

Afin de limiter notre introduction, nous allons mettre l'accent sur les principales questions de politique abordées dans notre mémoire. J'en donnerai un bref aperçu, puis je demanderai à mon collègue, M. Anisman, d'en présenter les principaux aspects.

Les principales questions de politique correspondent aux principes directeurs du rapport du comité Dickerson qui sous-tendent la LCSA. Ces principes sont tout d'abord la souplesse de structure et de direction; deuxièmement, en contrepartie de cette souplesse, une participation des actionnaires et des mécanismes d'imputabilité; et troisièmement, un pouvoir discrétionnaire minimal accordé au directeur dans le cadre de la LCSA.

Comme vous le verrez dans la partie sur les politiques, les principales questions abordées sont tout d'abord l'exigence relative à la résidence des administrateurs, deuxièmement, l'harmonisation avec les lois provinciales sur les valeurs mobilières, notamment en ce qui a trait aux transactions d'initiés, troisièmement, le principe de la démocratie d'entreprise et la participation des actionnaires, quatrièmement, la responsabilité proportionnelle et les petits investisseurs et cinquièmement, les questions de procédure concernant le pouvoir de fixer des règles et son exercice.

Lors de notre précédente comparution, nous avons parlé des exigences relatives à la résidence des administrateurs. Comme vous le savez, et comme nous l'avons dit à cette occasion, nous estimons qu'il faudrait supprimer cette exigence. Nous n'en dirons rien de plus pour l'instant. Peut-être aurez-vous des questions à ce sujet après notre exposé.

Je vais maintenant demander à mon collègue, M. Anisman, de faire quelques commentaires sur les principales questions de politique.

M. Philip Anisman, avocat, Association du Barreau canadien: Honorables sénateurs, je vais maintenant entrer dans les détails de certaines de nos recommandations. Comme vous le savez, celles-ci sont présentées dans la partie II de notre deuxième rapport et dans la lettre d'accompagnement qui vous a été distribuée. Je vais les aborder par ordre d'importance décroissant, encore qu'à mon avis, elles soient toutes importantes, et par ordre de difficulté technique croissant.

La première question, qui est sans doute la plus importante du point de vue du choix des orientations, concerne la participation des actionnaires et la démocratie d'entreprise. Nous avons fait des recommandations sur des projets d'amendement concernant les propositions des actionnaires et la définition de la sollicitation aux fins des sollicitations de procuration.

Je voudrais faire trois remarques concernant ces propositions. La première porte sur les exigences d'admissibilité. Pour dire les choses simplement, nous considérons que tout actionnaire, y compris l'actionnaire inscrit et le propriétaire d'un nombre quelconque d'actions, doit être autorisé à soumettre une proposition. Tout actionnaire a le droit d'assister à une réunion, d'y prendre la parole et d'y proposer des résolutions. La proposition concernant les actionnaires vise à consacrer cette possibilité.

Nous sommes favorables à l'amendement qui permettrait aux propriétaires de soumettre une proposition, mais nous voulons formuler des commentaires d'ordre technique qui ont été acceptés par le ministère sur la façon de procéder à ce changement. En revanche, nous n'approuvons pas les exigences d'admissibilité plus restrictives envisagées dans le projet de loi, qui imposeraient une exigence de propriété minimale ainsi qu'une période de détention minimale avant qu'un actionnaire soit autorisé à soumettre une proposition.

Nous avons remarqué dans cette partie du projet de loi un élément technique qui permettrait d'interpréter les dispositions du projet de loi de façon à interdire la prise de parole au cours d'une réunion à un actionnaire qui n'est pas autorisé à soumettre une proposition. Cette interprétation résulte de la lecture conjointe du paragraphe 137(1) et de l'alinéa 137(1.1)a). Ce n'était sans doute pas l'intention initiale, mais cette particularité illustre la nécessité de préserver le droit de l'actionnaire de prendre la parole au cours d'une réunion, de proposer des résolutions et de soumettre des propositions. C'est donc le premier point sur lequel nous recommandons des amendements concernant les propositions des actionnaires.

Le deuxième élément concerne le mot «limite» et le fait qu'il est lié à la fois aux propositions et aux déclarations justificatives. Nous craignons qu'on puisse l'interpréter dans un sens qui limiterait le nombre de propositions que peut soumettre un actionnaire. Ce n'était pas l'intention initiale. Nous ne voyons pas la nécessité d'une telle disposition. Les actionnaires doivent être en mesure de formuler plusieurs propositions connexes dans la mesure où ils ne commettent pas d'abus. Nous faisons des recommandations à ce sujet.

La troisième question concernant les propositions des actionnaires est celle de l'exemption des propositions dites d'intérêt social ou public. Il semblerait que le comité ait reçu d'autres avis à ce sujet.

La nouvelle exemption comporte deux éléments qui suscitent la controverse. Le premier est la norme d'exemption, c'est-à-dire l'exigence que la proposition se rapporte de façon importante aux affaires de l'entreprise et l'expression «de façon importante» est pour le moins imprécise. Le deuxième élément qui prête à controverse, c'est que la disposition impose aux actionnaires de prouver la relation. Il semblerait que vous ayez reçu des interventions sur ces deux éléments.

Nous recommandons tout simplement de passer à une norme objective. À notre avis, tout actionnaire devrait être autorisé à aborder, lors d'une réunion des actionnaires, toute question concernant les affaires de la société. C'est pourquoi nous proposons l'imposition d'une norme objective en vertu de laquelle un actionnaire pourrait soumettre une proposition quelconque, à condition qu'elle concerne les affaires de la société. C'est simple. C'est une norme objective. Elle lève la controverse sur le fardeau de la preuve et favorise la démocratie d'entreprise en permettant aux actionnaires de parler sur tous les sujets pertinents aux affaires de la société, mais uniquement sur ces sujets-là.

La quatrième question concernant la démocratie d'entreprise est celle de la définition de la sollicitation en ce qui concerne les sollicitations de procuration et l'obligation de rédiger les documents de procuration prescrits. La définition de la sollicitation dans le projet de loi est très vaste. Elle englobe toute communication entre les actionnaires sur tous les sujets qui peuvent être abordés au cours d'une réunion. Elle prévoit ensuite des exemptions, notamment celle qui permet aux actionnaires d'annoncer publiquement la façon dont ils vont voter. Cette exemption a pour effet d'interdire aux actionnaires d'informer en privé les autres actionnaires de la façon dont ils vont voter, du moins au-delà d'un maximum de 15.

À notre avis, cette définition est trop vaste, à moins qu'on y ajoute d'autres exemptions, qui devraient porter sur trois thèmes.

Premièrement, les actionnaires doivent pouvoir discuter entre eux de toute proposition de la direction dans la mesure où ils ne sollicitent pas activement des procurations. Cela permettra aux actionnaires de traiter des propositions de la direction. On trouve une exemption semblable dans les règles de la Commission des valeurs mobilières des États-Unis.

Deuxièmement, nous recommandons une exemption pour les services consultatifs sur les procurations, de façon que ces services puissent renseigner leurs clients institutionnels sur la façon dont ils peuvent voter. À l'heure actuelle, c'est une sollicitation qui nécessite un document de procuration prescrit. Une exemption est prévue dans les règles de la Commission américaine des valeurs mobilières. Il faudrait en prévoir une ici également.

Troisièmement, nous recommandons une exemption qui permette aux actionnaires de discuter entre eux afin de préparer et de présenter un document de procuration prescrit. Dans ces circonstances, le document est présenté et les objectifs de la loi sont atteints. Cette question pourrait évidemment être traitée par voie de règlement. Nous la soulevons parce qu'il importe, à notre avis, qu'à moins que les fonctionnaires du ministère et le ministre soient prêts à s'engager...

Le sénateur Kroft: Puis-je vous interrompre? Je voudrais relier vos propos à votre mémoire, et suivre ce dernier dans la mesure du possible.

M. McIninch: C'est à la page 14, recommandation no 11.

Le président: Combien de recommandations faites-vous?

M. Anisman: Soixante-quatre. Nous n'avons pas l'intention de les passer toutes en revue.

Le président: Je ne vois pas très bien comment nous pourrions traiter 64 recommandations.

Le sénateur Fitzpatrick: Pouvez-vous nous indiquer la page et le numéro de celles que vous laissez de côté?

M. Anisman: Volontiers. Je crois que mon temps de parole est écoulé. Je vais évoquer brièvement les autres questions. Je ne ferai pas référence au mémoire. Nous pourrons revenir une autre fois, et je vous signalerai les sujets en question.

L'autre grand thème est l'harmonisation, avec la législation provinciale sur les valeurs mobilières, des dispositions de la LCSA concernant les sociétés ayant fait appel au public. Dans notre mémoire, nous présentons la technique essentielle qu'il faudrait adopter dans les trois secteurs dont il est question ici -- les dispositions sur les offres d'achat visant à la mainmise, les opérations de fermeture et le délit d'initié -- et c'est l'adoption par renvoi, avec obligation, pour les sociétés soumises à la LCSA, de se conformer à la législation applicable en matière de valeurs mobilières. Notre proposition n'impose aucune obligation supplémentaire aux sociétés régies par la loi par rapport aux lois provinciales sur les valeurs mobilières. Cependant, elle les oblige à se conformer à la législation de façon harmonieuse, puisqu'il n'y aura qu'un ensemble de lois à observer.

En ce qui concerne particulièrement le délit d'initié -- nos propositions à ce sujet figurent dans trois sections du mémoire -- il nous a été difficile de rédiger des dispositions sur la responsabilité civile qui soient conformes au style de rédaction législative fédérale et qui respectent toutes les exigences de la loi provinciale; c'est notamment pourquoi nous avons recommandé le recours à la technique de l'adoption par renvoi.

Nous abordons deux autres grandes questions dans la partie II du mémoire, ainsi qu'une question supplémentaire. La première est l'exemption du régime de responsabilité proportionnelle pour les petits investisseurs. Lors de notre dernière comparution, nous avons dit que la disposition du projet de loi qui lie cette exemption au montant de l'investissement dans une société régie par la Loi est arbitraire et ne règle pas la question de la valeur nette, que ce comité avait soulevée dans ses deux rapports.

Nous recommandons un retour au critère de la valeur nette, qui sera défini par voie de règlement. Nous savons que la préoccupation pour laquelle le projet de loi s'est écarté de vos recommandations concerne la Charte; on craignait qu'une exemption fondée sur la valeur nette ne porte atteinte à la protection de la vie privée, et n'enfreigne les dispositions de la Charte.

Nous ne pensons pas que notre proposition pose de problème constitutionnel, ni qu'elle risque d'être jugée invalide, et ce pour trois raisons. Tout d'abord, les données financières ne sont pas au coeur de la protection accordée par la Charte. Deuxièmement, l'information financière de cette nature est couramment exigée devant les juridictions civiles de l'ensemble du pays. Troisièmement, la disposition n'impose pas la divulgation; elle n'oblige personne à divulguer quoi que ce soit. Un actionnaire qui souhaiterait se soustraire au régime de la responsabilité proportionnelle pour être pleinement indemnisé a le choix entre la divulgation et le refus de divulguer, et c'est son choix exclusif. Pour ces raisons, nous pensons qu'il est très peu vraisemblable que la disposition soit invalidée au nom de la Charte. Nous savons cependant que des préoccupations ont été exprimées à ce sujet.

La quatrième grande question concerne le pouvoir de réglementation. Le projet de loi comporte un élément important de délégation du pouvoir législatif. Il habilite le Cabinet à adopter des règlements, et le directeur à fixer des règles. Nous considérons que cette procédure de réglementation devrait exiger que les personnes concernées aient la possibilité de s'exprimer. L'actuelle loi comporte une telle exigence. Le projet de loi la supprime. À notre avis, cette exigence doit être maintenue, non seulement pour les règlements, mais également pour les règles établies par le directeur.

Mon dernier commentaire, honorables sénateurs, concerne les conventions unanimes des actionnaires. Initialement, la Loi canadienne sur les sociétés par actions permettait les conventions unanimes des actionnaires. Ce sont des documents constitutifs supplémentaires dans les sociétés qui les adoptent ou pour les actionnaires qui les adoptent. Ces conventions équivalent à des règlements administratifs. Généralement, elles régissent tous les aspects de la conduite de l'entreprise dans les sociétés où elles sont adoptées.

Il y a dans le projet de loi trois dispositions qui permettent l'adoption de certains types de procédures d'entreprises dans les statuts ou les règlements administratifs, mais non pas dans des conventions unanimes des actionnaires. Il s'agit du paragraphe 27(45)(2), qui remplace le paragraphe (45)(2), et dont il est question à la page 38 de notre mémoire, recommandation 43. L'article 58, qui concerne les avis requis pour les réunions des sociétés ayant fait appel au public, dont il est question à la page 30 de notre mémoire, recommandation 31; et l'article 64, sur les convocations d'assemblées par un tribunal lorsqu'il est impossible de convoquer une assemblée en vertu des statuts ou des règlements administratifs. Il n'y est pas question des conventions unanimes des actionnaires. C'est ce que nous disons à la page 47 de notre mémoire.

Nous vous recommandons instamment d'amender le projet de loi de façon que les conventions unanimes des actionnaires soient considérées comme l'équivalent des règlements administratifs, puisque c'est ce qu'elles sont en pratique, et il faudrait modifier en conséquence les dispositions du projet de loi. Dans cette recommandation, nous indiquons également qu'on ne devrait pas être obligé de divulguer les conventions unanimes des actionnaires au directeur lorsqu'elles sont adoptées ou lorsqu'elles prennent fin. Il s'agit de conventions privées entre actionnaires, qui équivalent à des règlements administratifs. Les règlements administratifs n'ont pas à être communiqués au directeur et nous estimons qu'il devrait en être de même des conventions unanimes des actionnaires.

Voilà nos réflexions préliminaires, honorables sénateurs. Nous avons essayé de vous donner un aperçu des éléments les plus importants du mémoire, mais j'insiste sur le fait qu'un certain nombre des points auxquels nous n'avons pas fait référence comportent eux aussi des éléments importants.

M. McIninch: Monsieur le président, nous avons divisé le rapport en trois parties, dont la deuxième est consacrée aux grandes questions de politique qui, à notre avis, restent en suspens. Ce sont les pages 3 à 20 du mémoire, et les recommandations 1 à 16, dont plusieurs sont connexes, ce qui donne en définitive cinq questions de politique.

Dans la troisième partie, nous abordons les problèmes techniques sur lesquels nous nous sommes mis d'accord avec Industrie Canada, si bien qu'il n'est pas indispensable de parler des recommandations des pages 20 à 34. Il y a d'autres questions techniques dont on pourrait parler en passant les articles en revue.

La dernière fois, nous avons pris note de votre demande et nous avons indiqué dans la partie II de notre mémoire, de la page 3 à la page 20, 16 recommandations qui se rapportent aux cinq grandes questions de politique que j'ai essayé de vous décrire.

Le sénateur Meighen: À la page 17, sur la question de la responsabilité proportionnelle et des petits investisseurs, quelle importance accordez-vous à cette recommandation? Comme vous l'avez indiqué, nous avons fait une recommandation différente et point n'est besoin d'être grand clerc pour comprendre pourquoi nous avons changé d'avis, puisque c'était la seule façon d'obtenir quoi que ce soit. Nous avons estimé qu'il valait mieux avoir un demi-pain que pas de pain du tout. Seriez-vous d'un avis différent? Dans l'hypothèse où tout changement serait désormais impossible, est-ce que ce qui est proposé ici vous pose un problème?

M. McIninch: Présentée de cette façon, la proposition nous semble acceptable.

Le sénateur Meighen: Elle n'est pas aussi bonne qu'on aurait pu le souhaiter.

M. McIninch: Je suppose qu'elle n'a pas grand rapport avec la décision initiale concernant l'exemption.

Le sénateur Meighen: Nous avons fait de notre mieux, mais nous n'avons pas été plus convaincants que vous.

Le sénateur Furey: Je voudrais revenir sur vos commentaires concernant la sollicitation de procuration. Vous dites que la définition étendue de la sollicitation à l'article 147 a pour effet de menacer les communications entre actionnaires sur une assemblée, qui seraient considérées comme des procurations, à moins d'une exemption.

Dans votre recommandation, vous faites référence à la Section du droit des affaires de l'Association du Barreau canadien, et vous recommandez

[...] que l'on modifie dans les règlements la définition de la sollicitation ou, qu'à défaut d'un engagement du ministre, on prévoie une exclusion pour:

a) les communications entre actionnaires concernant une proposition de la direction, pour laquelle les actionnaires ne sollicitent pas de procuration officielle;

b) les communications entre actionnaires qui visent à présenter les documents de procuration requis.

Comment réagissez-vous à l'énoncé suivant: sauf dans des circonstances très exceptionnelles, la notion même de sollicitation de procuration est plus théorique que réelle, et la théorie implique bon nombre des éléments pour lesquels vous demandez des exceptions?

M. Anisman: Il existe une procédure qui débouche sur la sollicitation de procuration. Les exigences concernant les documents de procuration prescrits ont été initialement adoptées aux États-Unis puis importées au Canada, essentiellement aux fins des contestations du contrôle de l'entreprise et de l'élection des directeurs. Compte tenu de la portée de la définition -- c'est une définition très vaste -- qui risque d'empêcher les discussions légitimes entre actionnaires sur les questions concernant l'entreprise dans des circonstances où il pourrait y avoir un changement de contrôle sans que tous les actionnaires aient l'occasion de savoir qui en a fait la demande, qui se présente et quelle information est disponible, cette disposition n'est pas pertinente. La définition a toujours comporté des exemptions. En fait, la loi actuelle n'en comporte pas parce que le comité Dickerson a estimé que la définition de la sollicitation qui figure dans la loi ne couvre pas la plupart des activités dont nous avons demandé l'exemption.

Le problème n'est pas que théorique. Le problème c'est que si vous mettez uniquement l'accent sur la théorie et sur le fait que les communications peuvent infléchir les notes, même si elles ne visent pas à obtenir une procuration, il y a d'autres conséquences qui entravent la démocratie d'entreprise et la discussion entre actionnaires.

Cela a été reconnu aux États-Unis, où les règles de la SEC renferment deux des exemptions que nous recommandons; des exemptions parallèles sont prévues par les règles de la SEC. La nouvelle définition prévue par le projet de loi est plus exhaustive parce qu'elle renferme expressément des exemptions que le comité Dickerson a jugées inutiles.

Je vous renvoie en particulier à l'article 67 à la page 45 du projet de loi, c'est-à-dire la définition de la sollicitation, et l'exemption prévue au sous-alinéa b)(v).

Le président: Le ministère prépare des règlements supplémentaires, dont nous n'avons pas encore pris connaissance. J'ai appris que le ministère a déjà accepté certaines des recommandations dont vous parlez et qu'il en a rejeté d'autres. En êtes-vous au courant?

Je vais distribuer aux membres du comité et aux témoins la liste des recommandations où les changements apportés, le cas échéant, seront indiqués.

M. Anisman: On nous a mis au courant de certains de ces règlements, mais pas de tous. Lorsque nous avons parlé aux représentants du ministère à propos de ceux-là en particulier, ils n'étaient pas en mesure de prendre d'engagement concernant l'ensemble de ces règlements.

Le président: Tout ce processus me semble un peu vague.

Le sénateur Furey: Je crois comprendre ce que vous voulez dire. Cependant, si l'objet de la recommandation est d'exempter ce que je considère comme des éléments assez importants du processus visant à favoriser les procurations, vous êtes peut-être en train d'entraver la concrétisation de cet objectif.

M. Anisman: La seule disposition que nous recommandons et qui, je crois, traite expressément de la question que vous soulevez, sénateur, est celle concernant les communications en vue d'organiser une circulaire de procuration dissidente. Il y a tout un éventail de possibilités, et on peut envisager la possibilité d'une tentative abusive de solliciter des procurations sous prétexte que l'on veut publier une circulaire de procuration dissidente alors qu'aucune circulaire de ce genre ne sera publiée. Cependant, si une telle chose se produisait, je considérerais qu'il s'agit d'une nette infraction à la loi.

Les communications en vue d'organiser une circulaire dissidente font partie de l'éventail. L'exemption concernant les communications lorsqu'il y a moins de 16 personnes visent, je crois, à tenir compte de ce problème. Cependant, l'organisation d'une circulaire de procuration dissidente peut nécessiter de parler à un plus grand nombre de personnes et de leur demander des fonds, surtout s'il s'agit de l'initiative d'un petit actionnaire.

À notre avis, tant que l'on publie effectivement la circulaire de procuration dissidente, le risque auquel vous faites allusion, à savoir que l'on déroge à l'objectif des circulaires de procuration, n'existe pas. C'est ce qui sous-tend cette recommandation.

Dans les deux autres cas, il ne s'agit absolument pas de sollicitation de procuration. Il s'agit de permettre aux actionnaires de discuter des propositions de la direction, et non de leurs propres propositions, tant qu'ils ne sollicitent pas activement des procurations.

Le sénateur Furey: Ce qui peut parfois les inciter à aller de l'avant. C'est pourquoi je dis qu'il s'agit du processus. Si vous prévoyez une exemption à ce stade, vous vous trouvez peut-être à retirer un élément nécessaire du processus d'obtention d'une procuration dissidente.

M. Anisman: Le problème, c'est qu'on va empêcher les actionnaires de communiquer entre eux sauf par le biais de tribunes publiques comme les communiqués de presse et les déclarations publiques. Comme je l'ai dit, la SEC elle-même -- car les abus ont été nettement plus importants aux États-Unis -- a jugé bon d'exempter précisément ce type de communication.

Le sénateur Angus: Je tiens à féliciter l'Association du Barreau canadien et sa section du droit des affaires pour l'excellent travail que vous avez fait en ce qui concerne ce projet de loi compliqué. Je pense que nous voulons tous, tant avocats que législateurs, essayer de faire les choses correctement. À titre d'avocat, je dirais que ce projet de loi se fait attendre depuis longtemps. Je sais que les membres de la profession tiennent beaucoup à avoir ce genre de loi. Cependant il serait navrant d'adopter un projet de loi qui laisse à désirer et de devoir attendre 20 ans de plus.

À titre de sénateur, je considère qu'il faut faire les choses correctement. C'est pourquoi je m'intéresse à cette grille que le président vient de distribuer, qui indique le degré de réussite et d'échec que vous avez connu dans le cadre de vos négociations.

L'une de mes bêtes noires, c'est la question de résidence. Sur une échelle de 1 à 10, quelle importance accordez-vous à cette question? Si on vous accordait un seul amendement que jusqu'à présent on vous refuse, est-ce celui que vous aimeriez voir apporter? C'est celui que j'aimerais voir apporter.

M. McIninch: Il arriverait en tête de ma liste pour la simple raison que dans l'exercice quotidien de mon travail, je constate que l'on essaie de contourner cette exigence, soit en «magasinant», soit en utilisant des conventions unanimes des actionnaires de façon à rendre le conseil d'administration inopérant.

Le sénateur Angus: Oui. Par ailleurs, lorsqu'on va au Yukon ou au Nouveau-Brunswick, on se demande ce qui se passe.

M. McIninch: Les sociétés faisant appel public à l'épargne ont habituellement plus qu'une simple majorité, et sont régies non pas par la Loi canadienne sur les sociétés par actions, ni par leurs statuts, mais par des considérations commerciales. J'inscris cette question en tête de ma liste car, dans l'exercice quotidien de mes fonctions, je constate qu'on essaie de s'y soustraire de façon quotidienne, soit en magasinant, soit en faisant une utilisation extrêmement technique des conventions unanimes des actionnaires qui rendent inopérante cette notion de conseil d'administration dans le cadre du processus de gestion.

Le sénateur Angus: Vous l'avez exprimé très clairement. Quels sont les arguments que les fonctionnaires vous ont présentés pour réfuter cette position? Vous ont-ils fourni des arguments rationnels?

M. McIninch: Êtes-vous en train de parler des exigences relatives à la résidence au Canada?

Au risque d'être blessant, je répondrai très honnêtement non. Dans certains cas, le comité nous a simplement répondu qu'il n'avait pas eu le temps de procéder aux consultations ou qu'il n'était pas en mesure de discuter de la question, pour des raisons qui demeurent pour nous mystérieuses. Je peux dire qu'Industrie Canada ne nous a donné aucune justification pour la règle des 25 p. 100.

M. Anisman: Pour être juste envers les fonctionnaires, ils estimaient qu'une décision de politique avait été prise concernant les exigences en matière de résidence dont ils n'étaient pas en mesure de traiter avec nous. Par conséquent, nous n'en avons pas vraiment discuté avec eux.

Je peux vous dire, que lorsque les dispositions relatives à la résidence ont été inscrites dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions dans les années 70, les technocrates s'y sont opposés parce qu'ils estimaient qu'il fallait assurer la neutralité du droit des sociétés, que ces exigences seraient de façon générale inefficaces, et que ce n'était pas le moyen idéal d'imposer de telles exigences, le cas échéant. Le gouvernement a donc décidé de les annuler pour des raisons politiques.

J'ai cru comprendre, lorsque j'ai parlé aux fonctionnaires cette fois-ci, qu'ils avaient le même genre de contraintes, donc je peux comprendre pourquoi nous n'en avons pas discuté.

Le sénateur Angus: Sans vouloir être irrévérencieux, aurais-je raison de conclure que la raison pour laquelle nous n'arrivons à rien sur cette question, c'est à cause de considérations d'ordre politique qui n'ont pas été étayées par une analyse raisonnée?

M. McIninch: Oui.

Le sénateur Angus: En fait, cela pourrait paraître démodé dans un pays qui prétend être ouvert au monde des affaires. Presseriez-vous le comité sénatorial d'envisager sérieusement de proposer un amendement à cet égard.

M. McIninch: Oui.

Le sénateur Angus: Vous avez formulé 64 recommandations. Je sais que certaines relèvent du domaine de la politique, d'autres du domaine technique, et certaines ont été acceptées. Partons du principe qu'on puisse en adopter cinq. Lesquelles choisiriez-vous? Aujourd'hui, nos collègues d'en face sont beaucoup plus conciliants qu'à l'habitude, grâce au bon travail de notre vice-président hier soir, donc nous voulons en profiter.

M. McIninch: Cela dépend de celui qui répond à la question. Je sais que la réponse de M. Anisman serait différente de la mienne.

En plus des exigences relatives à la résidence, j'aimerais que l'on harmonise les dispositions des lois provinciales sur les valeurs mobilières ayant trait aux transactions d'initiés et aux opérations de fermeture.

Le sénateur Angus: À ce sujet, il y a eu certains cas qui ont retenu l'attention du public, impliquant les premiers ministres des provinces aux prises avec des irrégularités qui découlent de l'absence d'harmonisation. La question qui me vient immédiatement à l'esprit est la suivante: quelle raison a-t-on donnée dans ces cas? S'agit-il d'un problème constitutionnel?

M. Anisman: Dans le cas auquel vous songez, l'absence d'harmonisation se situait au niveau de l'enquête intergouvernementale plutôt qu'au niveau d'une distinction dans la teneur des lois sur les transactions d'initiés.

Le sénateur Angus: Cela a effectivement fait ressortir ce qui peut arriver en cas d'absence d'harmonisation.

M. Anisman: C'est une question d'application de la loi. La Loi canadienne sur les sociétés par actions se veut une loi qui s'applique d'elle-même, ce qui signifie, par exemple, en ce qui concerne les dispositions relatives aux transactions d'initiés, qu'elle impose une responsabilité civile aux initiés qui se livrent à des transactions irrégulières et laisse aux actionnaires lésés le soin d'en assurer l'application.

Les difficultés concernant les sphères de compétences auxquelles vous songez, sénateur, ne devraient pas se produire dans ce genre de circonstance. Ce dont nous parlons, c'est de l'objectif visé par le projet de loi consistant à assurer l'harmonisation avec les lois provinciales et le moyen le plus efficace de le faire. C'est tout ce dont nous parlons.

Pour ce qui est des niveaux d'importance, je considère que l'harmonisation figure aussi en tête de liste.

M. McIninch: Je suis d'accord.

Le sénateur Angus: Vous avez répondu en harmonie. Quel serait votre troisième choix?

Le sénateur Oliver: Le troisième, quatrième et cinquième.

Le sénateur Angus: Je ne veux absolument pas minimiser l'importance des 60 autres recommandations. Je sais qu'elles sont le fruit de mures réflexions, mais en tâchant d'accomplir ce qui est de l'ordre du possible, essayons au moins d'isoler les plus importantes.

M. McIninch: Comme je l'ai dit, nous pourrions pratiquement laisser de côté 40 des 60 recommandations parce que le ministère les a déjà adoptées. Nous les avons conservées dans ce document pour que toutes nos recommandations soient incorporées dans un seul document, mais nous en avons isolé certaines dans une partie distincte.

Le sénateur Angus: Je trouve que cela témoigne aussi, et j'espère que les autres membres du comité ainsi que le public en sont conscients, du travail considérable qui a été consacré à la préparation de ce mémoire, et de l'effort sincère déployé par les représentants du gouvernement et vous-mêmes pour arriver à un terrain d'entente. C'est un témoignage très positif de l'esprit de coopération dans lequel ce projet de loi a été préparé.

M. McIninch: Oui. J'aimerais simplement dire que l'Association du Barreau canadien a travaillé en collaboration avec Industrie Canada, la Direction des politiques et d'autres directions du gouvernement pendant environ deux ans et demi à trois ans pour préparer le contexte du projet de loi S-19. Cette coopération et ce dialogue ont été permanents.

Comme je l'ai dit la dernière fois -- et je ne retire rien de cette observation, nous avons été un peu étonnés lorsque le projet de loi S-19 nous est tombé dessus. Nous n'avions aucune idée des décisions de politique définitives qui avaient été prises. Nous n'avions aucune idée de la façon dont elles avaient été mises en oeuvre. Pour que nous arrivions à fournir ce genre de réponse, il nous a fallu un certain temps et un engagement sérieux.

M. Anisman: Si je peux revenir à votre question, sénateur, pour ce qui est des priorités, c'est ce que nous avons tâché précisément de faire à la Partie II du mémoire et dans la lettre d'accompagnement.

Comme M. McIninch l'a dit dans sa déclaration préliminaire, il y a cinq aspects qui, à notre avis, soulèvent d'importantes questions de politique. D'ailleurs, nos opinions à cet égard concordent.

Il s'agit: des exigences relatives à la résidence; de l'harmonisation, dont nous venons de parler; de la démocratie d'entreprise et de la participation des actionnaires, dont j'ai parlé dans nos déclarations préliminaires; de la question de la responsabilité proportionnelle, bien que, pour être juste, cette question ne soit pas aussi importante que les trois autres; de la réglementation et du processus d'établissement de règles, que nous considérons effectivement très important, même si, dans certaines dispositions, on pourrait le contester, mais en matière de processus, nous estimons cet aspect très important; et enfin, reconnaître qu'une convention unanime des actionnaires est un document officiel qui devrait être traité comme tel.

Ce serait nos cinq ou six priorités, si on peut s'exprimer ainsi.

Le sénateur Angus: Vous êtes tous du même avis à ce sujet?

M. McIninch: Oui.

Le sénateur Angus: Je vous remercie. Cela nous est utile.

Le sénateur Meighen: Pourriez-vous m'apporter un peu plus de précisions? Vous dites qu'il s'agit d'une définition objective -- et je suis en train de parler de cette question du rapport avec les activités commerciales d'une société. Le mot proposé maintenant est «important».

M. Anisman: C'est l'expression «de façon importante».

Le sénateur Oliver: ... liée de façon importante aux activités commerciales ou aux affaires internes de la société.

Le sénateur Meighen: À votre avis, en éliminant cet adjectif, aurions-nous un critère plus objectif pour déterminer si la proposition est liée ou non aux activités commerciales de la société?

M. McIninch: Oui.

Le sénateur Meighen: Il me semble à première vue que l'adjectif pourrait même avoir une plus grande portée que l'expression «de façon importante».

Le sénateur Oliver: Situez cela dans le contexte de la société Talisman.

M. Anisman: Si vous songez au contexte d'une société dont les activités commerciales soulèvent de graves considérations politiques dans un pays où elle exerce ses activités, il ne fait aucun doute, dans le contexte de la société Talisman, comme l'a laissé entendre le sénateur Oliver, que ce qui se passe au Soudan représente un aspect important des activités commerciales de la société.

S'il s'agissait d'une plus petite partie des activités commerciales, on pourrait douter de leur importance, mais tant que la proposition est liée à la conduite des affaires commerciales de la société, elle devrait être soumise à l'attention des actionnaires.

Si vous conservez l'expression «de façon importante», cela met l'accent sur l'importance plutôt que sur le lien. Il sera assez simple de déterminer si les activités commerciales ou les affaires internes d'une société sont liés à l'objet d'une proposition. Par exemple, le comportement d'une succursale bancaire n'est pas susceptible d'avoir des conséquences importantes au niveau des lois environnementales. Par conséquent, la proposition d'un actionnaire concernant des lois environnementales dans un contexte bancaire semblerait n'avoir aucun lien avec l'administration des activités commerciales ou ses affaires internes. Cela ne serait pas autorisé.

Cependant, s'il s'agissait d'une société qui a une grosse usine, par exemple, même si elle représente moins de 5 p. 100 de son chiffre d'affaires, et que cette grosse usine pollue l'environnement, alors cela pourrait être considéré comme un lien avec les activités commerciales ou les affaires internes de la société. Il ne faudrait pas débattre de l'importance. Ce sont les actionnaires qui peuvent en décider. C'est ce genre de facteurs qui motive notre recommandation.

J'ajouterai qu'il ne s'agit pas uniquement de questions d'activités commerciales et d'objectifs sociaux. Dans l'affaire Verdun, l'une des questions débattues qui n'a pas été portée devant la Cour suprême du Canada à cause de sa décision en instance témoigne de cette préoccupation. Toutes les propositions dans ce cas avaient trait à la structure du conseil d'administration. On avait fait valoir que M. Verdun avait présenté ses propositions dans un but personnel sans rapport avec les activités de la société.

On pourrait soutenir qu'une proposition recommandant la nomination d'une femme au conseil d'administration n'est pas liée de façon importante au conseil d'administration lorsqu'il y a 20 administrateurs. Ce n'est pas l'aspect sur lequel devrait porter ce débat. C'est aux actionnaires d'en débattre.

Dans notre mémoire, l'amendement pour passer à la norme objective que nous recommandons réglerait le problème du bien-fondé et laisserait ce soin aux actionnaires, tant qu'il existe un lien. Nous pensons qu'il présente l'avantage supplémentaire de donner suite aux préoccupations qui vous ont été exprimées quant à ceux qui doivent assumer le fardeau de la preuve et la manière de prouver l'importance.

Le sénateur Angus: Ne croyez-vous pas que cela donnera lieu à de nombreuses propositions frivoles?

M. Anisman: Cette exigence n'existe pas à l'heure actuelle au Canada. À ma connaissance, il n'y a pas eu beaucoup d'affaires frivoles auxquelles les tribunaux n'ont pas donné suite adéquatement. Je ne crois pas que l'expérience de ce pays indique que cela donnerait lieu à des propositions frivoles ou abusives.

Le sénateur Angus: Je songe simplement au président d'une réunion.

M. McIninch: Je pense que c'est une observation juste. Nous sommes en partie convaincus par ce qui s'est passé au Canada.

Pour enchaîner sur ce que M. Anisman a dit, j'aimerais simplement faire valoir que lorsque j'ai lu la première fois l'expression «de façon importante», il m'a semblé qu'il s'agissait d'une invitation à intenter des poursuites contre chaque proposition.

Le sénateur Meighen: N'importe quel adjectif, par exemple l'adjectif «appréciable», présenterait le même problème; est-ce ce que vous voulez dire?

M. McIninch: Tout à fait. La société répliquerait le contraire et on se trouverait à nouveau devant les tribunaux.

Le sénateur Oliver: À qui incombe le fardeau de la preuve maintenant?

M. McIninch: Je dirais qu'il incombe à la société qui veut rejeter la proposition parce qu'elle n'est pas liée à ses activités commerciales.

Le sénateur Meighen: Voulez-vous dire selon le libellé du projet de loi ou selon votre libellé?

M. McIninch: Selon notre libellé.

Le sénateur Meighen: Et que pensez-vous du libellé du projet de loi?

M. McIninch: D'après ce que je crois comprendre du libellé du projet de loi, c'est l'actionnaire qui présente la proposition qui assume le fardeau de la preuve. Ce n'est pas lui qui devrait l'assumer. Même si je représente presque exclusivement des sociétés, je n'en pense pas moins que le fardeau de la preuve ne devrait pas incomber à l'actionnaire.

Le sénateur Meighen: Peut-être que cela sera avantageux pour les hôtels parce qu'il faudra réserver une salle pendant au moins trois jours.

Savez-vous quelle est la pratique en vigueur aux États-Unis à cet égard ou même au Royaume-Uni?

M. Anisman: Aux États-Unis, où il existe un régime bien articulé, duquel nous nous sommes d'ailleurs inspirés pour nos dispositions sur la proposition de l'actionnaire, le fardeau incombe habituellement à la société. Cependant, il existe un mécanisme réglementaire d'examen. La SEC examine la proposition. Un actionnaire présente une proposition et la société peut la rejeter. Si elle la rejette, elle doit en indiquer les raisons. Les raisons sont communiquées à la SEC. L'actionnaire a donc la possibilité de faire valoir son point de vue auprès de la SEC, et la SEC prend ensuite une décision où elle indique: «Nous estimons que l'actionnaire a raison, et si vous n'êtes pas d'accord, nous allons prendre des mesures pour en assurer l'application». Voilà en quoi consiste le processus.

Le processus envisagé par le comité Dickerson dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions prévoyait que la société pouvait rejeter la proposition, l'actionnaire pouvait s'adresser aux tribunaux, s'il le souhaite, puis la société devait prouver le bien-fondé de son refus. Si on a agi ainsi, c'est parce que tout ce qui nuit à la clarté ou qui oblige à recourir aux tribunaux nuit à l'objectif de la règle sur les propositions d'actionnaires, à savoir permettre aux actionnaires de soulever au moindre coût des questions qui concernent la société et les autres actionnaires. Par conséquent, dès qu'on permet d'intenter des poursuites, on crée un obstacle majeur à la présentation des propositions, ce qui va à l'encontre de la règle.

Le sénateur Meighen: Et dans un délai raisonnable, vraisemblablement.

M. Anisman: Oui.

Le sénateur Meighen: Il ne fait aucun doute que de faire appel aux tribunaux plutôt qu'à des instances administratives comme la SEC est un processus beaucoup plus long, n'est-ce pas?

M. Anisman: En toute justice, les tribunaux se sont efforcés de traiter rapidement ces affaires.

Le sénateur Meighen: Vous n'avez pas recommandé ce processus. Dois-je partir du principe que si par miracle votre proposition est acceptée et adoptée par le ministère, cela vous satisfera et que vous ne serez pas porté à proposer que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario ou une quelque autre instance intervienne tant que les tribunaux restent aussi diligents?

M. Anisman: Nous n'avons pas abordé la question de l'imposition d'un régime de réglementation administrative aux règles sur la proposition de l'actionnaire, non.

Le sénateur Angus: Il y a un instant, M. Anisman, en traitant de l'ordre de priorité de certaines des recommandations, a parlé d'une lettre d'accompagnement. Dans l'intervalle, on m'a montré une lettre du 14 juin qui vous était adressée, monsieur le président. C'est une lettre de quatre pages qui est signée par M. McIninch et M. Anisman. Est-ce la lettre dont vous parliez?

M. McIninch: Oui.

Le sénateur Angus: Elle fait donc partie de ces délibérations, puisqu'on en fait mention.

Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, je tiens à vous remercier pour le temps que vous nous avez consacré, pour votre patience et pour vos mémoires. Nous prendrons le temps au cours de l'été d'étudier vos mémoires. Vos témoignages seront des plus utiles lorsque nous reprendrons l'étude de ce projet de loi à l'automne.

La séance est levée.


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