Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 19 - Témoignages pour le 20 septembre 2000


OTTAWA, le 20 septembre 2000

Le comité sénatorial des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 15 h 50 pour faire l'étude du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et une loi connexe, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi d'exécution du budget de 1997, la Loi d'exécution du budget de 1998, la Loi d'exécution du budget de 1999, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi sur les douanes, le Tarif des douanes, la Loi sur l'assurance-emploi, la Loi sur l'accise, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt et la Loi sur l'assurance-chômage.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous tenons des audiences sur le projet de loi C-24, Loi de 1999 modifiant les taxes de vente et d'accise. Nous recevons d'abord M. Roy Cullen, député et secrétaire parlementaire du ministre des Finances. M. Cullen est accompagné de plusieurs fonctionnaires du ministère des Finances. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Cullen. Je vous cède la parole pour vous permettre de faire votre déclaration liminaire. Nous vous poserons ensuite des questions, s'il y en a.

M. Roy Cullen, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Je remercie les honorables sénateurs, de l'occasion qui m'est donnée de parler des mesures contenues dans le projet de loi C-24 et de répondre à vos questions.

Comme vous le savez, le régime fiscal fédéral touche pratiquement tous les Canadiens. Il touche non seulement leur niveau de vie en tant que particuliers, mais également leur capacité concurrentielle et leurs possibilités d'expansion comme pays au sein de la collectivité mondiale.

[Français]

Le gouvernement s'est efforcé activement de faire en sorte que le régime fiscal soit équitable et que tout élément de complexité inutile en soit éliminé. Il veut également procurer une aide ciblée à ceux qui en ont besoin, comme les organismes de bienfaisance et les personnes handicapées.

[Traduction]

Parallèlement, le gouvernement a toujours eu comme objectif de soutenir et d'améliorer le régime fiscal fédéral de manière à favoriser l'harmonisation et la collaboration fédérale-provinciale. Il s'agit là des possibilités et des objectifs offerts par le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui. Même si le projet de loi C-24 vise surtout à améliorer l'application de la taxe sur les produits et services (TPS) et de la taxe de vente harmonisée (TVH), il met également en oeuvre d'autres mesures importantes liées à des taxes particulières sur certains produits.

En particulier, monsieur le président, le texte renferme des mesures à l'égard de la taxation des produits du tabac. Vous n'ignorez évidemment pas l'engagement du gouvernement à réduire le taux de tabagisme, surtout chez nos jeunes. Le gouvernement s'est aussi engagé à exercer un rôle de chef de file dans la lutte contre le tabac. Lancé en 1994, le Plan gouvernemental de lutte contre la contrebande en atteste. Le plan d'action a eu des effets importants sur la contrebande, si bien qu'en collaboration avec les provinces participantes, le gouvernement a pu augmenter les taxes sur les produits du tabac en 1995, 1996 et 1998. Chacune de ces augmentations a été étroitement surveillée afin de veiller à ce qu'elles n'entraînent pas la reprise des activités de contrebande.

[Français]

Le projet de loi C-24 majore de 60 cents la taxe d'accise fédérale sur chaque cartouche de 200 cigarettes destinée à la vente en Ontario, au Québec, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard, les cinq provinces participant au Plan gouvernemental de lutte contre la contrebande. Ces mêmes provinces hausseront leurs taxes sur les cigarettes d'un montant comparable.

[Traduction]

Les taxes d'accise sur les bâtonnets de tabac seront également majorées en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui rétablira l'uniformité du taux national de la taxe sur les bâtonnets de tabac en vente dans chaque province et territoire. En outre, le projet de loi rend permanente la surtaxe actuelle de 40 p. 100 sur les bénéfices des fabricants de tabac.

À ce propos, tel qu'il est prévu dans le budget de février 1999, le projet de loi C-24 renferme des mesures pour abaisser le seuil de l'exemption annuelle de la taxe sur les produits du tabac exportés.

Cette mesure vise à réduire l'offre de produits canadiens du tabac destinés à l'exportation, mais qui pourraient faire l'objet de contrebande.

Honorables sénateurs, les propositions contenues dans ce projet de loi en ce qui a trait à la taxation des produits du tabac réaffirment l'engagement gouvernemental de réduction de la consommation du tabac au Canada. Parallèlement, le gouvernement demeurera vigilant dans la lutte contre la contrebande.

Un élément important du projet de loi C-24 illustre la réceptivité du gouvernement aux besoins des citoyens en matière de programmes sociaux et de soins de santé. Par exemple, le gouvernement reconnaît qu'un grand nombre de citoyens prodiguent des soins à des membres de leur famille, très souvent un parent aîné ou un enfant handicapé. Le projet de loi C-24 accroît le soutien fédéral aux citoyens aux prises avec les exigences croissantes des soins à prodiguer à un membre de leur famille ayant une infirmité ou un handicap.

En ce qui a trait aux personnes ayant un handicap, le gouvernement a instauré de nombreuses mesures visant à leur venir en aide dans les budgets antérieurs. Le projet de loi C-24 fait fond sur ces mesures et il accroît l'aide fiscale déjà offerte.

Parmi les autres mesures de soins de santé contenues dans ce projet de loi, soulignons que les services d'orthophonie demeurent exonérés de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée.

[Français]

En outre, le projet de loi rectifie une situation inéquitable en faisant en sorte que la taxe de vente ne soit pas discriminatoire à l'égard des psychologues dûment qualifiés. Et puis, comme je l'ai mentionné précédemment, le gouvernement s'est engagé à offrir un régime fiscal plus équitable aux Canadiens et aux Canadiennes. Le projet de loi C-24 fait état de cet engagement à plus d'un égard.

[Traduction]

Vu l'importance des organismes de bienfaisance au chapitre de l'aide aux Canadiens et de l'épanouissement de leurs collectivités, le projet de loi C-24 tient compte des exigences particulières auxquelles sont confrontés les organismes de bienfaisance qui ont principalement pour objet de prodiguer des soins, de fournir de l'emploi, de dispenser des cours de formation professionnelle ou d'offrir des services de placement professionnel à des personnes handicapées. Ces organismes de bienfaisance pourront désormais être concurrentiels au chapitre de la vente de produits ou de services à des entreprises inscrites sous le régime de la TPS. Les règles de la méthode de comptabilité abrégée pour les organismes de bienfaisance sont également redéfinies.

Monsieur le président, un certain nombre de modifications précisent et perfectionnent l'application du régime de taxe de vente. Par exemple, ce projet de loi précise l'application de la taxe de vente aux transactions entre producteurs de ressources naturelles et sociétés d'exploration. J'aimerais signaler que ces modifications ainsi qu'un grand nombre d'autres modifications ont été mises au point en réponse à des observations présentées par le milieu des affaires et par la collectivité de la fiscalité.

Cette façon de faire témoigne de l'engagement gouvernemental continu de surveillance de l'application du régime fiscal visant à faire en sorte qu'il demeure efficace et qu'il soit facile à observer pour les entreprises.

[Français]

Par suite du processus de collaboration entre le gouvernement fédéral et des entreprises du secteur de l'énergie, ce projet de loi simplifie l'application de la TPS et de la TVH dans ce secteur. Ces modifications feront en sorte que les entreprises canadiennes demeurent concurrentielles sur le marché international.

[Traduction]

Comme vous le savez, le gouvernement fédéral est pleinement conscient de l'importance de l'industrie du tourisme et du voyage pour l'économie canadienne. Le Programme des remboursements de la TPS/TVH aux visiteurs est un important outil de promotion du tourisme, surtout en ce qui concerne les mesures relatives à l'hébergement et aux congrès. Ce programme est l'une des façons pour le gouvernement de faire du Canada une destination touristique et d'appuyer le secteur du tourisme au titre de la création d'emplois.

Le projet de loi C-24 propose qu'un certain nombre de changements soient apportés au Programme des remboursements aux visiteurs afin de promouvoir davantage le Canada comme destination touristique et comme lieu de prédilection pour tenir un congrès.

[Français]

J'aimerais souligner que le gouvernement fédéral continuera de consulter le milieu des affaires en vue d'améliorer le fonctionnement du régime de taxe de vente. Le gouvernement continue également d'améliorer l'administration et l'observation du régime de taxe de vente.

[Traduction]

Le projet de loi C-24 modifie plusieurs dispositions à ce chapitre afin de les mettre à jour par rapport aux pratiques administratives actuelles et d'harmoniser davantage les dispositions d'administration et d'observation des diverses lois sur les taxes et les droits. En outre, l'efficacité et l'efficience des dispositions relatives à la cotisation, aux appels, et à la perception dans l'ensemble, sont améliorées.

Monsieur le président, j'ai indiqué tout à l'heure que le projet de loi C-24 renfermait des mesures liées à d'autres prélèvements particuliers sur certains produits. Conformément à la décision prise en 1997 par l'Organisation mondiale du commerce, ce projet de loi abroge les dispositions liées à la taxe d'accise sur les périodiques à tirage dédoublé.

En ce qui a trait aux tarifs douaniers, le projet de loi accroît certains droits et exemptions de taxe pour les personnes qui rentrent au Canada après une période minimale à l'étranger. Ces propositions aideront les voyageurs à obtenir plus facilement leur dédouanement aux douanes canadiennes. Il ne s'agit là que d'un autre exemple des mesures adoptées par le gouvernement pour améliorer le service aux visiteurs et aux Canadiens qui rentrent au pays.

[Français]

Le gouvernement demeure engagé à accroître l'autonomie gouvernementale des Autochtones et il a souvent réaffirmé sa volonté de conclure des accords fiscaux avec les Premières nations qui veulent exercer des pouvoirs fiscaux.

[Traduction]

Le projet de loi C-24 propose des modifications techniques qui accroîtront l'harmonisation des taxes de vente des Premières nations avec la TPS et qui feront en sorte que les définitions contenues dans ces lois seront conformes à celles des autres lois fédérales.

Pour conclure, j'aimerais souligner que les mesures contenues dans le projet de loi C-24 perfectionnent, simplifient et précisent l'application du régime fiscal. Simultanément, le texte s'attaque à des enjeux sociaux importants pour les Canadiens.

[Français]

Nous sommes, mes fonctionnaires et moi-même, maintenant prêts à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk: Il y a tellement d'éléments dans ce projet de loi, monsieur le ministre. Beaucoup de ces points remontent à 1992 et 1997. Ce projet de loi était-il une priorité pour le gouvernement? Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps avant d'en saisir la Chambre des communes et le Sénat?

M. Cullen: Monsieur le président, nous espérions examiner le projet de loi C-24 lors de la dernière session, mais nous n'avons pas pu le transmettre au Sénat à cause de la montagne de textes que nous vous avions confiés avant le congé d'été.

Un grand nombre d'autres dispositions sont en effet reliées à des initiatives antérieures. Il s'agissait de trouver le temps et de s'adapter au programme législatif à la fois de la Chambre et du Sénat pour pouvoir présenter ces mesures.

Les fonctionnaires du ministère pourront peut-être vous dire s'il y a d'autres raisons techniques à ces retards. À part le programme législatif et les priorités à établir dans cette montagne de projets de loi, j'imagine que celui-ci n'a cessé de descendre sur la liste de priorités. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne s'agit pas d'un texte très important.

Mme Marlene Legare, chef principale, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Honorables sénateurs, j'ajouterais que ce projet de loi est l'aboutissement d'un processus permanent de raffinement. Pour l'essentiel, les mesures viennent préciser l'application de la TPS. Lorsque l'on constate que des modifications sont nécessaires, nous commençons habituellement par annoncer les mesures proposées, après quoi nous consultons les milieux intéressés avant de rédiger un avant projet plus détaillé, qui lui aussi fait l'objet de consultations avant la rédaction du projet de loi définitif.

Tel ou tel élément peut, à tout moment, être à un stade différent de ce processus. Le ministère décide de son mieux chaque année à quel moment il faut fermer la porte, de sorte que les mesures en préparation feront partie d'un projet de loi futur et que tout ce qui est prêt à aller au Parlement ira de l'avant. Il faut toujours parvenir à un équilibre entre le nombre de projets de loi que nous présentons à la Chambre et au Sénat chaque année et le temps qu'il faut pour adopter la loi.

Certaines mesures de ce projet de loi remontent au budget de 1998. Au moment où elles ont été proposées, le texte était en préparation puisque beaucoup d'autres modifications d'ordre technique étaient en cours d'élaboration. Certaines avaient déjà été proposées et faisaient l'objet de consultation publique.

Il nous a fallu décider ensuite si les mesures budgétaires devaient être incorporées à un projet de loi distinct, qui suivrait sa propre filière, au lieu de les incorporer à une loi fiscale omnibus. On a décidé à ce moment-là de l'incorporer au projet de loi omnibus. À l'époque, nous ne pensions pas que le cheminement des autres mesures techniques serait aussi long.

Avec le recul, je peux dire que nous aurions sans doute pu prendre une autre décision et présenter les mesures qui étaient prêtes à l'époque.

Le ministère se préoccupe du moment choisi pour présenter des projets de loi. Voilà pourquoi en général, nous essayons habituellement d'engager les mesures fiscales dans une filière distincte s'il semble qu'un texte plus long de nature technique prendra du temps à préparer, même si le texte lui-même est relativement court. Comme je l'ai dit, avec le recul, on aurait peut-être pu procéder autrement, et nous essaierons dorénavant d'agir en temps plus opportun.

Le sénateur Tkachuk: Cela m'ennuie, parce que certaines des lois fiscales déjà en application remontent à quatre ou huit ans. Qu'auriez-vous fait si le projet de loi avait été rejeté?

Mme Legare: Comme vous le savez, nous avons un protocole avec les administrateurs du Revenu, qui appliquent la loi à titre provisoire. Vous avez raison de dire que les fiscalistes agissent dans l'hypothèse que les mesures seront adoptées. Ils pourraient se retrouver dans une situation où les mesures n'ont pas été adoptées, mais il va sans dire que cela aurait largement compliqué les choses pour les entreprises. Nous admettons le fait que les lois ne doivent pas avoir de retard et que les contribuables ne doivent pas être laissés dans l'incertitude. C'est un objectif important.

M. Cullen: Je suis du même avis. Quand on m'a donné des renseignements sur ce projet de loi, j'ai été étonné d'apprendre que cela remontait si loin. Le ministre s'en préoccupe tout autant. Il faut que nous fassions mieux et présentions nos mesures plus rapidement. Je comprends ce que vous dites et c'est ce que nous allons essayer de faire.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que le programme des remboursements aux visiteurs s'applique à tous les achats faits par les touristes, ou ne vaut-il que pour frais d'hébergement et de congrès?

Mme Legare: Le programme s'applique à tous les produits achetés au Canada destinés à l'exportation, dans les 60 jours je crois, par les non-résidents. Les modifications au programme dans le projet de loi portent expressément sur les congrès, les congrès étrangers en particulier, ainsi que sur les droits de camping. Le remboursement existant pour l'hébergement de courte durée est étendu aux droits de location d'un emplacement de camping, qui étaient exclus par le passé.

Le sénateur Tkachuk: Combien remboursez-vous par année actuellement?

Mme Legare: Je n'ai pas les chiffres sous la main, mais je peux vous les faire parvenir.

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais connaître le montant que vous remboursez, le coût d'administration du programme et le nombre de demandeurs.

M. Cullen: Nous vous ferons parvenir ces renseignements par l'intermédiaire du président.

Le sénateur Kenny: Monsieur Cullen, ma première question porte sur la surtaxe imposée en 1994, au moment où les taxes d'accise ont été abaissées pour lutter contre la contrebande. À l'époque, le premier ministre avait annoncé que les produits de la surtaxe allaient financer la plus grande campagne antitabagisme de l'histoire du pays. On a estimé -- et j'aimerais que vous ou les fonctionnaires me reprennent si je me trompe -- que la surtaxe rapporte entre 80 millions et 90 millions de dollars par année; nous savons pourtant que Santé Canada ne prévoit dans son budget que 20 millions de dollars pour ces programmes de lutte contre le tabac. J'aimerais que vous m'expliquiez cet écart.

M. Cullen: Permettez-moi de commencer. Je suis au courant de l'intérêt que le sénateur porte à cette question et de l'excellent travail qu'il a accompli. La lutte contre le tabagisme chez les jeunes est un objectif auquel nous souscrivons tous. En ce qui concerne les dépenses de programme au ministère de la Santé, M. Willis a peut-être les chiffres.

M. Brian Willis, chef principal, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Le chiffre de 20 millions de dollars donné par le sénateur correspond bien aux dépenses annuelles échelonnées sur les cinq prochaines années.

M. Cullen: Ce n'est peut-être pas suffisant et peut-être faut-il l'augmenter, mais comme vous le savez, affirmer qu'il doit y avoir une correspondance biunivoque entre la surtaxe et les sommes consacrées à un programme soulève la question des taxes réservées. Vous savez ce qu'en pense le ministre. Nous pouvons toujours dépenser plus dans ce domaine, et je suis certain que le gouvernement est disposé à revoir la question.

Le sénateur Kenny: Ai-je raison quand je dis que cette surtaxe rapporte au gouvernement entre 80 millions et 90 millions de dollars par an?

M. Cullen: Je crois savoir que le chiffre est de 70 millions de dollars.

Le sénateur Kenny: Que fait-on des 50 autres millions, vu l'engagement du premier ministre en faveur du programme antitabac?

Le sénateur Meighen: Il se retrouve dans l'excédent surprise.

Le sénateur Kenny: Laissons le témoin répondre.

Le sénateur Tkachuk: Nous vous donnerons de meilleures réponses.

M. Cullen: Je ne sais pas exactement ce qu'a dit le premier ministre, mais je sais que le ministre des Finances, comme vous le savez très bien, sénateur Kenny, n'est pas chaud à l'idée des taxes réservées. M. Willis pourra peut-être vous donner plus de précisions.

M. Willis: Monsieur le président, le sénateur a raison. Le premier ministre a affirmé en 1994 que les fonds provenant de la surtaxe seraient affectés au programme antitabac. À l'époque, on s'attendait à 60 millions ou 70 millions de dollars par année, ce qui aurait représenté environ 200 millions de dollars pour les trois ans dont il était question dans cette annonce. Ces fonds ont effectivement été attribués à Santé Canada pour ces programmes. Dans les deux années qui ont suivi, le ministère a créé un certain nombre de programmes. Si ma mémoire est bonne, il a consacré entre 110 millions et 120 millions de dollars au programme antitabac sur une période d'environ deux ans.

Vers la fin de cette période de deux ans, l'examen des programmes est intervenu, et l'on a demandé à tous les ministères d'indiquer les programmes où l'on pourrait réduire les dépenses. Je n'ai pas pris part à ces discussions, mais je crois savoir que l'un des programmes désignés par le ministère de la Santé était celui du tabac. On a donc réduit substantiellement les crédits affectés à ce programme vers la fin de la deuxième année.

Par la suite, le gouvernement a décidé d'appliquer la surtaxe pendant trois ans de plus, mais déjà à ce moment-là, le lien entre le financement et les programmes de dépenses avait été rompu. Au départ, le programme ne devait pas durer plus de trois ans de toute façon. Étant donné que l'on avait décidé, dans le cadre de la révision des programmes, de réduire ce programme de dépenses -- décision difficile, avouons-le, mais qui devait être prise si l'on voulait réduire les coûts -- les recettes de cette surtaxe ont alors été versées au Trésor pour le financement de tous les programmes.

M. Cullen l'a dit, chose certaine, notre ministre n'est pas chaud à l'idée des taxes réservées, il préfère laisser le système des dépenses fonctionner librement et permettre aux ministres d'indiquer leurs priorités pour chaque programme puis affecter les crédits selon les priorités relatives de l'ensemble des programmes.

Tel est le contexte de l'évolution des dépenses affectées aux programmes de santé et antitabac ces dernières années, mais vous avez raison de dire que les crédits sont inférieurs à ceux de la période menant à 1994.

Le sénateur Tkachuk: Question supplémentaire, si vous me le permettez? Le premier ministre et le gouvernement appliquent-ils à l'assurance-chômage la même théorie qui régit la lutte antitabac et les taxes réservées? Pour l'assurance-emploi, il verse moins d'argent qu'il n'en touche. Est-ce une taxe réservée? Est-ce que cela se passe dans d'autres domaines où une taxe sert à grossir les recettes de l'État sans financer vraiment les programmes auxquels elle était destinée?

Le président: Pardon, j'ai du mal à voir le lien avec le projet de loi C-24. Vous pouvez poser toutes les questions que vous voulez, sénateur, mais j'ai l'impression que vous vous trompez d'adresse ici.

Le sénateur Tkachuk: C'est lui qui a soulevé la question des taxes réservées?

Le président: Je ne vois pas non plus le rapport avec sa question.

Le sénateur Kenny: Je n'ai pas soulevé la question des taxes réservées; ce sont les témoins qui en ont parlé.

Le sénateur Tkachuk: Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances en a parlé.

M. Cullen: Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que les cotisations à l'assurance-emploi constituent une taxe. C'est un programme d'assurance, dont les recettes sont versées au Trésor et sont utilisées pour financer des programmes gouvernementaux. Il fût un temps où le programme d'assurance-emploi était en déficit. Le gouvernement, et les contribuables en général, ont alors comblé ce déficit, ce qui nous ramène au même argument que nous connaissons tous parfaitement bien.

Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que la cotisation à l'assurance-emploi est une taxe; je ferais valoir que ce n'est absolument pas le cas. Il s'agit d'une prime d'assurance.

Le sénateur Kenny: Que pensez-vous des prélèvements sur les cassettes vierges? Les modifications à la loi sur le droit d'auteur prévoient l'imposition d'un prélèvement sur les cassettes vierges, et tous les fonds semblent affecter à une seule source. Est-ce que cela rejoint les préoccupations que vous exprimiez, monsieur Willis?

M. Willis: Ma connaissance de cette loi est fort limitée. Cette loi n'émanait pas du ministère des Finances mais bien du ministre de l'Industrie. Je crois savoir qu'on a décidé que cette prime n'était pas une taxe, que c'était autre chose.

Le sénateur Kenny: A-t-on dit que c'était un prélèvement?

M. Willis: Dans l'esprit de la plupart des gens, la distinction entre une taxe et un prélèvement est mince. Mais chose certaine, la plupart des Canadiens qui nous ont téléphoné au sujet de ce prélèvement le considèrent comme une taxe. Je sais qu'on a décidé que ces frais n'étaient pas une taxe, qu'ils n'étaient pas imposés par une motion de voies et moyens, et qu'ils n'avaient pas été présentés comme une mesure fiscale, mais à part cela, je ne connais rien à ce domaine étant donné que la décision a été prise par un autre ministère et un autre ministre.

Le sénateur Kenny: Le projet de loi C-24 traite de l'exemption de 3 p. 100 sur les exportations de tabac. J'ai échangé une longue correspondance avec le ministère à ce sujet. J'ai rencontré M. Drummond à l'époque où il était encore à l'emploi du ministère. Voulez-vous bien me dire pourquoi vous conservez cette exemption? Il y a deux budgets de cela, vous l'avez réduite de 0,05 p. 100. Vous proposez maintenant de la réduire de 1 p. 100 de plus. Pourquoi ne pas l'abolir tout simplement?

M. Cullen: D'après les discussions que j'ai eues à ce sujet, je sais que cela peut sembler quelque peu arbitraire. Cependant, on établit un montant afin d'autoriser certaines exportations légitimes dans le cadre des activités normales de commercialisation de toute entreprise. On autorise ainsi plus aisément un certain montant qui correspond à ce pourcentage.

M. Willis: Une précision, si vous me le permettez. Ce projet de loi réduit le seuil de l'exemption de 3 à 2,5 p. 100. Le tout dernier budget faisait état d'une proposition supplémentaire qui ne se retrouve pas dans ce projet de loi-ci -- le projet de loi était déjà à une étape trop avancée -- qui propose de la réduire de 2,5 à 1,5. Dans ce projet de loi, on propose de la réduire de 3 à 2,5, comme le voulait le budget de février 1999.

Je vous répondrai, sénateur, qu'il existe des débouchés légitimes pour les produits canadiens à l'extérieur du Canada, particulièrement aux États-Unis. Certains croient aussi que, si toutes les exportations étaient taxées, si nous n'autorisions aucune exportation du Canada sans la taxe à l'exportation de 8 $, ces entreprises seraient vraisemblablement obligées de fabriquer ces produits à l'extérieur du Canada afin de combler cette demande légitime. Très vraisemblablement, elles refuseraient de perdre même ce petit marché, étant donné qu'il peut encourager les Canadiens à fumer d'autres marques.

Nous avons en place une taxe à l'exportation qui vise à limiter les quantités de produits du tabac que l'on trouve hors du Canada et qui atteint le marché de la contrebande, mais cette mesure n'est pas sévère au point de limiter la capacité des fabricants de satisfaire à la demande légitime qui existe pour leurs produits.

Le sénateur Kenny: Étant donné que les services de police nous ont dit qu'entre 85 et 95 p. 100 des produits réintroduits en contrebande au Canada avaient été fabriqués ici à l'origine, pourquoi ne pas taxer le produit exporté au maximum? Et alors, si le fabricant peut prouver qu'il a payé la taxe dans une autre province ou un autre pays, vous pouvez la lui rembourser. Ainsi, le contrebandier perdrait son incitatif économique.

M. Willis: Si vous me le permettez, il y a deux choses ici. Ce chiffre se situant entre 85 et 95 p. 100 est quelque peu dépassé maintenant. D'après les informations les plus récentes dont nous disposons de diverses sources, dont l'analyse interne et les renseignements des services policiers, la contrebande des produits qui rentrent au Canada est au plus bas.

Le plan d'action national de 1994 a permis de réduire progressivement ces quantités. Avec les réductions de la taxe à l'exportation que nous avons proposées dans les budgets de 1999 et de 2000, les quantités de cigarettes fabriquées au Canada qui étaient exportées du Canada sont minimes.

À l'heure actuelle, d'après les renseignements les plus pointus que nous avons, le marché de la contrebande se porte fort mal, et le pourcentage de produits canadiens par rapport aux produits non canadiens est inférieur aux données que le sénateur vient de citer. Il est impossible d'obtenir un chiffre précis, mais l'on pense que ce chiffre n'est plus 85 ou 90 p. 100.

Pardon, sénateur, voudriez-vous répéter votre deuxième question?

Le sénateur Kenny: Je disais que si l'on exporte un produit taxé au maximum, et que la vente légitime se fait ailleurs, on peut présumer qu'il existe un reçu, un chèque annulé ou quelque chose de ce genre. On peut alors rembourser le montant. L'objectif ici consiste à retirer aux contrebandiers l'incitatif économique.

M. Cullen: En principe, c'est justement ce que nous cherchons à faire. En outre, comme l'a dit M. Willis -- et il vous donnera plus de détails à ce sujet -- on en a déjà une manifestation dans la législation actuelle.

M. Willis: Les taxes à l'exportation perçues en vertu de la Loi sur la taxe d'accise comportent les dispositions telles que vous avez décrites, sénateur. Lorsqu'un fabricant dépasse le seuil d'exportation, il est alors obligé de payer la taxe, de prouver qu'elle a été acquittée dans un pays étranger, après quoi il reçoit un remboursement.

Un tel mécanisme n'a pas été mis en oeuvre à compter du premier produit exporté en raison des répercussions qu'une taxe très lourde aurait sur les liquidités, et la difficulté qu'ont souvent les exportateurs à obtenir les documents appropriés nécessaires à l'entrée de leurs produits dans des pays étrangers.

Cela fait quelques années que l'Agence des douanes et du revenu du Canada, nous dit que dans le cas de produits lourdement taxés comme la bière, les spiritueux et le tabac, elle exige une preuve d'exportation avant d'accorder une exemption de la taxe intérieure imposée sur les produits exportés. Toutefois, on se heurte constamment à des difficultés, soit parce que les documents ne sont pas disponibles, et donc avec les avis de cotisation que l'Agence établit à l'intention des fabricants canadiens, même dans le cas d'exportations très légitimes, soit parce que le fabricant en raison des importantes sommes en cause n'obtient les documents qu'à posteriori.

Si l'on veut qu'une telle proposition soit efficace, il faut mettre en place une structure plus organique avec les gouvernements étrangers pour qu'ils nous fournissent les documents nécessaires et ainsi il existerait un mécanisme permettant de vérifier l'exportation effective de produits vers un produit étranger. C'est une tâche difficile, mais comme le disait M. Cullen, nous sommes en train d'étudier les choix qui s'offrent à nous.

Le ministre a déjà proposé un certain resserrement de la taxe à l'exportation, et il nous a bel et bien demandé d'encourager toutes autres options susceptibles d'atteindre les objectifs que vous avez proposés.

Le sénateur Stratton: L'excédent de la caisse d'assurance-emploi, dont on dit qu'il ne s'agit pas d'une taxe, rapporte tout de même 34 milliards de dollars, à ma connaissance. Est-ce que M. Cullen pourrait vérifier auprès du ministre des Finances? Je crois en effet savoir que lorsque le gouvernement réduit les cotisations d'assurance-emploi, il parle alors d'une réduction d'impôt. Je pense qu'il y aurait lieu de vérifier cela.

Le sénateur Tkachuk: Il est question d'une réduction d'impôt dans tous les documents budgétaires.

Le sénateur Stratton: Compte tenu du fait que le projet de loi comporte des dispositions qui remontent à 1992, est-ce que vous prenez des mesures pour accélérer les choses? Si tel est le cas, pouvez-vous nous préciser lesquelles? Étant donné la rapidité avec laquelle tout évolue aujourd'hui, il me semble que le gouvernement pourrait être un peu moins lent.

M. Cullen: Je comprends certainement les préoccupations du sénateur. La question fait présentement l'objet d'un réexamen au ministère, où on s'efforce de traiter séparément et plus rapidement les mesures budgétaires afin qu'elles puissent être mises en oeuvre dans des délais plus rapides. Quoi qu'il en soit, je communiquerai certainement votre message au ministre.

Le sénateur Stratton: De combien de temps réduira-t-on le délai? De sept à deux ans? Nous étudions des mesures qui remontent à 1992 ou 1995. Envisagez-vous un échéancier précis?

Mme Legare: Sénateur, il est très difficile de dire dans l'absolu combien de temps devrait s'écouler entre le moment où l'on propose une mesure et celui où le Parlement en est saisie sous forme d'un projet de loi. Cela tient surtout au fait que les mesures fiscales que nous étudions, et qui sont des projets de loi très complexes, exigent des consultations très vastes. Cela s'impose pour que nous soyons tout à fait sûrs de traiter les points qu'on nous a demandé d'aborder et d'avoir adopté le libellé approprié, au moment de la rédaction détaillée du projet de loi. La durée de ce travail dépend donc de la complexité de la loi proposée.

Cela étant dit, en l'occurrence, la longueur du délai résulte d'une décision sur le moment choisi. Une fois qu'une série de mesures est passée par la filière législative et est prête à être soumise au Parlement, faudrait-il qu'elle figure dans un plus petit projet de loi, auquel cas, la Chambre des communes serait saisie d'un plus grand nombre de projets par session, ou faudrait-il qu'elle soit mise de côté pour être incorporée à un projet de loi plus vaste? Nous élaborons des projets de loi fiscaux à caractère technique de façon permanente. Cependant, jusqu'à maintenant, on a probablement préféré grouper diverses mesures dans un même projet de loi afin de limiter le nombre de projets. L'expérience nous a peut-être appris qu'il est maintenant temps d'altérer quelque peu notre façon de faire. Cela veut dire qu'il faudrait présenter des projets de loi plus modestes et plus nombreux, ce qui permettrait la mise en oeuvre de leurs dispositions en temps plus opportun. Je le répète, il s'agit de choisir entre un grand nombre de projets de loi dont les dispositions peuvent entrer en vigueur plus rapidement et un nombre plus limité de projets de loi plus vastes. Pour ce qui est de mesures budgétaires, je crois qu'on s'oriente actuellement vers un plus grand nombre de petits projets de loi, qu'on pourra mettre en oeuvre dans des délais plus brefs.

M. Cullen: Je retiens votre observation, sénateur, et nous en discuterons avec le ministre et le ministère pour voir ce que nous pouvons faire.

Le sénateur Stratton: Je trouve assez étonnant qu'il faille tant de temps pour faire quelque chose, surtout à l'heure actuelle où il est si urgent d'agir plus rapidement.

J'aimerais parler de la TPS sur le carburant. Comme vous le savez fort bien, c'est un sujet qui fait rage depuis l'augmentation des prix de l'essence, du gaz naturel et du mazout. Pouvez-vous nous donner une idée des recettes supplémentaires que le gouvernement a empochées par suite de l'escalade des prix du carburant?

C'est une question brûlante. À mon avis, il faut que les Canadiens sachent à combien s'élèvent les recettes supplémentaires que retire le gouvernement des taxes sur l'essence, le mazout et le gaz naturel. Nous devons savoir ces choses, et les Canadiens aussi, parce qu'ils ont du mal à boucler leur budget. Parlez aux fermiers, ils vont vous dire que le prix du carburant agricole a augmenté de manière vertigineuse, en pleine récolte justement. Et le gouvernement ne bronche pas. Pouvez-vous me donner ces chiffres? Si vous ne les avez pas aujourd'hui, j'attendrais volontiers un peu -- mais pas un mois, s'il vous plaît.

Le président: Je vais faire une suggestion. Je comprends l'importance de la question, je ne la minimise nullement. Je me demande seulement si ce sont les personnes les mieux placées pour vous obtenir ces données.

M. Cullen: J'ai ces données, mais je ne crois pas qu'elles concernent ce projet de loi.

Le sénateur Stratton: Je comprends. Il est vrai que cela n'a rien à voir avec le projet de loi. Mais vous parlez de la TPS et de l'harmonisation. Si je ne vous pose pas cette question aujourd'hui, je manque à mon devoir. Je dois poser cette question. Et pourquoi pas? Vous êtes ici.

M. Cullen: Monsieur le président, il est vrai que c'est devenu un sujet brûlant dernièrement, et bien sûr, l'augmentation du coût de l'énergie et du carburant préoccupe tous les Canadiens. Par exemple, certains camionneurs ont de vives inquiétudes au sujet du gazole. Mais notre taxe d'accise sur le gazole n'est environ que de 4 cents le litre. Les taxes provinciales sur ce carburant pour moteurs diesel s'échelonnent entre 9 cents et 16,5 cents. En Ontario, elle est à peu près de 14,3 cents. Si on parle de la TPS sur le gazole, je rappelle que la plupart des camionneurs, par exemple, profitent du crédit de taxe sur les intrants.

Il s'agit vraiment ici d'un phénomène. Les prix du pétrole sont à l'origine de ce problème. Les taxes sur le carburant au Canada sont beaucoup moins élevées qu'en Europe. Le prix de l'essence à la pompe au Canada est bien sûr de loin inférieur à celui de l'Europe. Et il se compare aujourd'hui à celui de nombreux États américains.

La situation est très grave ici. Le ministre des Finances a bien dit que si les provinces sont disposées à prendre part à un effort coordonné, il est prêt à en discuter avec elles. Si on veut réduire ces prix de manière significative, les provinces doivent collaborer avec le gouvernement fédéral. Les taxes d'accise sur l'essence au niveau provincial s'échelonnent entre 9 cents et 16,5 cents, alors qu'au niveau fédéral, elles sont de 10 cents.

Bien sûr, il y a la TPS sur l'essence, mais notre gouvernement n'a pas vraiment l'intention de profiter de l'augmentation du prix à la pompe. En fait, les taxes d'accise, comme vous le savez probablement, sont calculées au litre. La seule qui varie selon le prix, bien sûr, c'est la TPS. Le gouvernement touche quelques recettes supplémentaires, assez négligeables, au litre, étant donné l'escalade des prix des produits pétroliers ces derniers mois.

Le gouvernement examine la question de près. Certaines provinces ont dit qu'elles seraient disposées à collaborer avec le gouvernement fédéral, et d'autres pas. Étant donné que la taxe d'accise est une taxe fédérale, il faut agir à l'échelle nationale. Pour que de telles mesures aient un résultat concret, les provinces doivent être de la partie. Le problème, c'est que si l'on agit, il faut frapper fort. Il faut s'assurer que le consommateur profite de telles mesures. Comment en être sûr si l'on réduit simplement la taxe d'accise? Quel sorte de système efficace pourrait-on mettre en place pour être sûr que le consommateur en profitera?

Nous compatissons, et nous examinons la situation. Le ministre a fait savoir aux provinces qu'il était disposé à agir de concert avec elles.

Le sénateur Stratton: Pour terminer, je dirai que c'est là un autre cas où il faut agir rapidement, mais je vois que cela traîne. Les agriculteurs en souffrent beaucoup à l'heure actuelle.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai une seule question, mais technique, à vous poser. Si je regarde le texte du projet de loi C-24, on retrouve dans la marge, près de certains articles, les dates des années 1990, 1991, 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998. Il ne manque que 1999. Je dois dire que l'on retrouve énormément de paragraphes précédés de l'année 1990.

Cela veut-il dire que vous avez fait le ménage depuis 1990 jusqu'à l'an 2000 et que nous n'aurons pas un autre projet de loi comprenant entre 100 et 150 articles et concernant les mêmes années? Est-ce qu'on a tout couvert ou bien est-ce seulement une partie qui reste en suspens et qui n'a pas été traitée depuis les budgets des 10 dernières années? Est-ce simplement une partie de la tarte ou bien est-ce toute la tarte?

M. Cullen: Sénateur Hervieux-Payette, les notes dans les marges indiquent la dernière fois que des changements ont été apportés à cet article du projet de loi. Cela n'explique pas des mesures récentes ou de cette année.

[Traduction]

Nous avons parlé de certaines de ces mesures qui remontent à quelques années mais pas jusqu'en 1990. Il ne s'agit ici que de la dernière fois où cette disposition a été changée ou modifiée, si je comprends bien.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Avez-vous traité de tous les arrérages des redressements ou est-ce seulement une partie des arrérages? Un autre projet de loi nous parviendra-t-il dans six mois? C'est cela ma question.

[Traduction]

M. Cullen: Il y a d'autres projets de loi qui s'en viennent. Je peux vous l'assurer. Comme Mme Legare l'a dit...

[Français]

On a toujours des consultations avec tous les Canadiens et Canadiennes et les personnes impliquées. Il y a toujours des changements aux projets de loi. Un autre projet de loi sera présenté à la Chambre des communes aujourd'hui. Celui-ci contient des amendements techniques aux taxes d'accise et autres. Il y a toujours des projets de loi qui en sont à des étapes différentes à la Chambre des communes et au Sénat.

[Traduction]

Mme Legare est peut-être au courant des autres mesures qui sont en marche.

Mme Legare: Comme M. Cullen l'a dit, c'est...

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que vous parlez français?

Ms Légaré: Quand cela a trait au domaine technique, je préfère parler en anglais.

[Traduction]

Comme M. Cullen l'a dit, on observe en permanence la façon dont fonctionne le régime fiscal. Je vais vous donner un exemple. Très souvent, lorsque l'Agence des douanes et du revenu du Canada procède à une vérification, un problème apparaît qui ne nous avait pas été signalé auparavant. Il s'agit parfois d'une question d'interprétation de la loi, par exemple, et l'on se rend compte pour la première fois qu'il y a une autre interprétation possible. Voilà un cas où l'on pourrait vouloir parfois modifier la loi rétroactivement afin de la clarifier. Dans la plupart des cas, ces modifications rétroactives visent à clarifier la loi dans l'intérêt de toutes les parties, autant les administrateurs que les contribuables. C'est là une des raisons. On peut aussi découvrir aujourd'hui des choses qui ont trait à la loi qui a été adoptée à l'origine en 1991, et nous allons déclarer la modification rétroactive pour qu'il ne subsiste plus d'incertitude relativement à l'application de cette disposition pendant cette période.

Il y a un autre cas où il est peut-être nécessaire de modifier la loi rétroactivement, par exemple, si un jugement récent vient jeter un doute sur l'interprétation d'une disposition. Encore là, pour procurer plus de certitude aux contribuables et aux autres intéressés, nous modifions la loi rétroactivement. Comme je l'ai dit, c'est un processus permanent.

Le sénateur Hervieux-Payette: Les lois rétroactives me font peur.

J'ai une dernière observation et une question. L'été dernier, j'étais responsable d'une société sans but lucratif. En faisant le total des TPS fédérale et québécoise, les gouvernements nous devaient un demi-million de dollars. Il nous a fallu emprunter cet argent au taux préférentiel plus 1 p. 100. Nous avons survécu et nous n'avons pas déclaré faillite, mais je songe ici aux petites entreprises. Combien de temps faut-il pour obtenir ce remboursement? Dans ce cas-ci, il s'agissait du Québec, mais nous avons signé l'accord. Vous devriez contrôler sa mise en oeuvre. On nous doit des remboursements d'impôt depuis février.

Je me demande aussi s'il n'y a pas deux poids et deux mesures. Est-ce que vous versez des intérêts équitables lorsque vous devez de l'argent, ou s'agit-il simplement d'un petit montant qui ne couvre pas les dépenses que doit engager l'organisme visé?

M. Cullen: Comme vous le savez, l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu et de toutes les autres lois fiscales, relève de l'Agence du revenu. Nous allons certainement lui communiquer votre préoccupation. Vous voulez savoir le temps qu'il faut pour toucher un remboursement d'impôt et le taux d'intérêt applicable.

Le sénateur Hervieux-Payette: Oui. C'est une question très délicate pour les petites entreprises étant donné que cela a un effet direct sur leurs liquidités. Notre comité a pour mandat de s'assurer que la loi n'exerce aucun effet discriminatoire et ne crée pas de fardeaux inutiles pour les petites entreprises. C'est bien joli de parler de prêts, mais le fait qu'il nous a fallu contracter un prêt bancaire parce que le gouvernement ne rembourse pas à temps crée tout un problème.

M. Willis: Je vais essayer de répondre, si vous me le permettez. Ce projet de loi-ci permet de prélever un intérêt si le paiement est fait en retard, ainsi qu'une pénalité, s'il y a retard ou faute. Cependant, le texte de loi prévoit aussi le versement d'intérêts si l'on doit un remboursement. Les dispositions varient. Elles ne sont pas toutes identiques, mais le principe qui inspire bon nombre d'entre elles est tel qu'une fois que le contribuable a fait savoir au gouvernement, par l'entremise de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, qu'il a droit au remboursement d'un montant particulier ou au remboursement d'un trop-payé, alors si le gouvernement ne peut pas verser ce montant dans un délai prescrit, le contribuable a droit à des intérêts au même taux que celui qui est prescrit -- c'est essentiellement le taux des obligations du Trésor, mais cela varie selon les dispositions de la loi, et ce montant est porté au crédit du contribuable à compter du moment où on le lui doit.

Nous prenons bonne note de votre observation. Ce n'est pas universel. Les règles sont différentes, les lois aussi. On s'emploie en ce moment à harmoniser ces diverses dispositions, mais le principe fondamental est tel que si le contribuable a du retard, il doit payer des intérêts sur le montant ainsi qu'une pénalité s'il y a faute, s'il n'a pas remis sa déclaration ou payé à temps. Si le contribuable a droit à un remboursement, le principe est tel qu'il a droit aux intérêts ainsi qu'au montant d'argent qu'il n'a pas reçu. L'Agence du revenu a un certain temps pour administrer ces programmes parce que, de toute évidence, elle ne peut pas vous adresser un chèque du jour au lendemain. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Hervieux-Payette: Ce qui me préoccupe encore, c'est que si nous remboursons au taux d'intérêt que le gouvernement paie habituellement sur les obligations, soit le taux préférentiel plus 1 p. 100, il subsiste un écart et les petites entreprises demeurent pénalisées. Je sais que ce problème a été soulevé par les entreprises internationales, et il est important d'avoir une politique équitable qui veille à ce qu'on leur rembourse intégralement ce qu'elles ont dû payer parce qu'elles ne jouissent pas nécessairement du même taux sur les prêts que le gouvernement du Canada.

M. Cullen: Oui, autrement dit, le montant de l'intérêt sur un remboursement n'est pas vraiment identique au coût d'un prêt. Chose certaine, c'est une observation que nous pourrons transmettre à l'Agence du revenu et au ministre compétent.

Le sénateur Wiebe: J'aimerais revenir à la question de la TPS sur l'essence et le gazole. C'est sûrement très préoccupant, avec l'hiver qui s'en vient et la consommation de gaz naturel, de mazout et de pétrole. J'ai été choqué lorsque j'ai appris aux nouvelles que les pétrolières au Québec vont augmenter le prix du carburant de 6 cents. le litre à compter d'aujourd'hui. Si le gouvernement avait agi rapidement et supprimé la TPS sur l'essence, le consommateur du Québec paierait encore 2 cents. le litre de plus aujourd'hui qu'avant -- 7 p. 100 de 80 cents. le gallon, cela fait, 5 cents. le litre. Si vous supprimez cela, et que les pétrolières vous imposent ensuite une augmentation de 6 cents, le contribuable n'économise pas un sou, non?

Je pense qu'un programme quelconque qui aurait pour effet d'atténuer le mal que les pétrolières font aux consommateurs de notre pays vaudrait mieux que tout ce tripotage autour d'une taxe de vente de 7 p. 100.

M. Cullen: C'est une question sérieuse et importante. Il faut le reconnaître, si les pétrolières ou les pays producteurs de pétrole se rendent compte que s'ils augmentent leurs prix ou manipulent les approvisionnements, et que les pays consommateurs absorbent simplement ces augmentations au moyen de leur régime fiscal, cela ne nous apportera peut-êre pas en fin de compte la solution escomptée.

Nous étudions la situation très attentivement -- je parle du ministre et du ministère -- et nous disposons de divers mécanismes qui peuvent venir en aide aux Canadiens. Par exemple, si l'on prenait une mesure aujourd'hui relativement à la taxe d'accise, qu'allons-nous faire l'hiver, si l'on a des difficultés d'approvisionnement ou si l'on doit limiter la consommation de mazout parce que les prix ont augmenté, alors que les Canadiens à revenu faible et moyen se retrouvent tout à coup dans une situation très difficile? On aura alors oublié depuis longtemps toute mesure que nous aurions prise relativement à la taxe d'accise, ou alors les pétrolières auront simplement absorbé cette réduction. Nos ressources sont limitées. Même si nous avons la chance de compter sur de bons services aujourd'hui, il n'en reste pas moins qu'il faut gérer ces ressources dans l'intérêt supérieur de tous les contribuables, tout en gardant à l'esprit ce qui est juste et équitable.

Il serait également utile que l'on encourage les provinces à jouer un rôle plus important étant donné que les taxes d'accise provinciales sont normalement plus élevées que les taxes fédérales. Nous nous y employons constamment. Nous espérons trouver une solution qui répondra à l'intérêt supérieur de tous les Canadiens.

Le sénateur Stratton: Nous estimons que vous allez toucher des recettes supplémentaires de la TPS grâce à l'augmentation des coûts du carburant, soit 100 millions de dollars pour le gaz naturel utilisé pour chauffer les maisons -- et non les appartements, parce que cela est remboursé aux propriétaires -- entre 25 et 50 millions de dollars pour le mazout, et 200 millions de dollars pour les automobiles et les camions: autrement dit, pour la vente d'essence. Ce sont nos chiffres. Il faut que je sache si ces chiffres correspondent à la réalité. C'est beaucoup d'argent. Je m'inquiète du temps que cela prend, sachant que les cultivateurs éprouvent tant de difficultés.

Par contre, si vos recettes fiscales sont si élevées -- et j'entends dire de tous côtés que le gouvernement baisse les taxes, pourtant, il y a des secteurs dans ce projet de loi-ci où l'on augmente en fait les taxes et les recettes du gouvernement -- alors pourquoi ne pas supprimer les taxes sur les livres? Abolissez la TPS sur les livres et le matériel didactique. Combien cela coûterait-il si on le faisait?

M. Cullen: Si le gouvernement touche des recettes fiscales supplémentaires maintenant, c'est parce que l'économie tourne bien. La croissance économique est incroyable, partout ailleurs dans le monde aussi. Au Canada, nous touchons notre part et même davantage. De nombreux pays ont eu du mal à prédire des excédents budgétaires. Vous dites que ces recettes résultent de l'augmentation des taxes; sauf tout le respect que je vous dois, sénateur, c'est exactement le contraire.

Bon nombre des mesures que nous avons proposées dans le budget de 2000 ont pris effet en juillet. Ceux qui prennent l'excédent du premier trimestre et l'extrapole sur toute l'année n'ont peut-être pleinement saisi ces mesures, et ils ne tiennent pas compte non plus du monde incertain dans lequel nous vivons.

J'imagine que notre gouvernement pourrait faire diverses choses. Vous avez parlé des cultivateurs. Il faut garder à l'esprit qu'un cultivateur, tout comme un camionneur, peut demander le crédit de taxe sur les intrants. Les cultivateurs consomment du gazole, mais la taxe d'accise fédérale sur le gazole est la plus basse dans le monde développé, soit 4 cents le litre. Je ne peux pas en dire autant pour les provinces.

Les recettes de la TPS sur papier sont considérables, elles sont de l'ordre de 300 millions de dollars. Nous pouvons obtenir des chiffres précis. Les recettes supplémentaires de la TPS qui résultent de l'augmentation des prix de l'essence depuis un an -- je ne l'ai pas ventilé de cette façon, mais le chiffre que j'ai, au total, se rapproche du vôtre. Cependant, on parle de 1,3 cent. le litre. Les prix aujourd'hui fluctuent de 5 cents dans la même semaine. Ce qui n'est pas négligeable, parce que c'est beaucoup, mais chose certaine, notre gouvernement n'a pas l'intention de profiter de l'augmentation des prix des produits pétroliers. Si nous pouvons trouver une bonne solution pour les Canadiens, le ministre va en tenir compte.

Vos chiffres sont à peu près exacts.

Le sénateur Stratton: Lorsque notre parti était au pouvoir, nous estimions que les recettes de la TPS seraient d'environ 19 milliards de dollars dans un bon contexte économique. On estime que les recettes de la TPS se situent maintenant à 23 milliards de dollars, soit 4 milliards de plus que notre estimation. Ne venez pas me dire que vous ne pourriez pas trouver 300 millions de dollars pour les livres dans ces 4 milliards de dollars. Je sais que vous subissez des pressions, mais vous avez promis d'abolir la TPS sur les livres. Alors tenez votre promesse. Merci.

M. Cullen: Vous avez raison, monsieur le sénateur. Tout le monde et son frère veut être exemptés de la TPS. Prenez les livres, les périodiques, etc, tout le monde la réclame.

Notre gouvernement a décidé d'être ferme pour ce qui est de l'exemption de la TPS. Le domaine du livre a toute notre sympathie, mais ce serait créer un précédent qui serait difficile à gérer et qui risquerait d'entamer sérieusement l'assiette fiscale du gouvernement.

Le sénateur Kenny: Monsieur Cullen, il y a des membres du comité qui s'intéressent à des réductions d'impôts et d'autres à des augmentations. Pourquoi n'a-t-on pas augmenté les produits du tabac que l'on roule soi-même depuis 1996, alors qu'on l'a fait au Québec en 1999? Pourquoi y a-t-il une différence entre le traitement fiscal des cigarettes qu'on roule soi-même et des cigarettes toutes faites? Pourquoi ne pas tout imposer de la même façon?

M. Willis: Je crois qu'au Québec le taux d'imposition était très faible sur les produits qu'on roule soi-même. S'il a été augmenté plus récemment c'est parce qu'il était jusque-là très bas. Il a un peu augmenté mais il est toujours beaucoup plus bas que dans toute autre province. Le chiffre le plus récent que j'ai pour le Québec est 4,30 $ pour 200 grammes, alors qu'en Colombie-Britannique c'est 22 $ pour 200 grammes. La différence est énorme. Pour le fédéral, le total de la taxe d'accise et des droits sur les produits qu'on roule soi-même se situe aux alentours de 5,80 $. Même là, c'est plus que le droit qu'impose le Québec, monsieur le président.

Le président: Je puis témoigner qu'il y a 56 ans, je vivais avec un grand-père très parcimonieux qui roulait ses propres cigarettes et que cela ne coûtait pas cher du tout.

Le sénateur Kenny: J'espère que cette intervention ne sera pas comptée sur mon temps.

Le sénateur Tkachuk: Vous n'avez posé qu'une question.

Le sénateur Kenny: Pourquoi n'impose-t-on pas tous les produits au même taux?

M. Willis: Je reconnais que je n'ai pas répondu à la deuxième partie de la question. Il y a toujours eu une différence dans le traitement fiscal des cigarettes que l'on roule soi-même et d'un nouveau produit qui est arrivé sur le marché à la fin des années 80, à savoir les bâtonnets de tabac. Pour ceux qui ne connaissent pas ce produit, cela ressemble beaucoup à une cigarette mais le papier est poreux et on ne peut le fumer sans le mettre dans un tube filtre si bien que l'air tire par l'extrémité plutôt qu'autour.

Le gouvernement a changé les taux d'imposition différentiels entre les cigarettes et les bâtonnets de tabac sur plusieurs années. Il y a eu de fortes augmentations à la fin des années 80. Les réductions en 1994 ont inversé cette tendance puisque l'on a mis l'accent sur le problème de la contrebande et que l'on essayait de regagner le contrôle de la situation.

Depuis lors, on a augmenté le taux d'imposition sur les bâtonnets de tabac et le tabac haché fin. Nous sommes revenus à un taux national sur ces produits avec les changements prévus dans ce projet de loi en ce qui concerne les bâtonnets de tabac.

Les écarts existent toujours pour plusieurs raisons. Cela a offert, ou semblé offrir, une possibilité pour les gens qui auraient pu autrement s'intéresser à la contrebande. Cela peut aussi donner une indication des nouvelles pressions que l'on exerce sur le régime fiscal quant aux prix des cigarettes et aux taxes. Jusqu'ici, nous utilisons cela comme système de préalerte au cas où nous soyons à nouveau obligés de prendre des mesures pour éviter de perdre le contrôle de la situation.

Pour l'avenir, on est assez d'accord avec vous, sénateur, lorsque vous demandez pourquoi il faut maintenir ces taxes et s'il ne faudrait pas même diminuer, sinon éliminer, l'écart entre les deux produits. Certaines provinces l'ont déjà éliminé; d'autres y ont réfléchi. D'autres encore ont décidé qu'elles ne voulaient pas l'éliminer pour tout un éventail de raisons.

Nous examinons aussi la question quand nous réfléchissons aux modifications à apporter au régime fiscal concernant les produits du tabac.

Le sénateur Tkachuk: Quelles sont les recettes du gouvernement fédéral en taxes sur le tabac? Qu'est-ce que ça a rapporté dans le dernier exercice?

M. Willis: Un peu plus de 2,2 milliards de dollars en taxes d'accise et en frais de douane.

Le sénateur Tkachuk: Pour le gouvernement fédéral, sans compter les provinces.

M. Willis: C'est exact. Je vous donnerai les chiffres précis.

Le sénateur Tkachuk: C'est suffisant. J'aimerais évidemment avoir les chiffres exacts, mais puisque le président a dit qu'il voulait qu'on en finisse rapidement, je vais accélérer parce que j'ai d'autres questions à vous poser.

M. Willis: Environ 2,23 milliards de dollars, c'est ce que j'ai de plus précis.

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce qu'a récolté le gouvernement fédéral l'année précédente et l'année avant?

M. Willis: En 1998-1999, c'était 2,23 milliards de dollars. Ce sont les chiffres tirés des comptes publics. En 1997-1998, 2,48 milliards de dollars, encore tirés des comptes publics. Je regrette de ne pas avoir les chiffres pour 1996-1997, mais c'était environ 2 milliards de dollars ou presque. Cela comprend les taxes d'accise et les droits d'accise.

Le sénateur Kenny: Est-ce que cela inclut la TPS?

M. Willis: La TPS s'ajoute, comme l'a signalé le sénateur.

Le sénateur Tkachuk: Je conviens avec le sénateur Kenny que le gouvernement devrait dépenser de l'argent pour rendre socialement inacceptable que les jeunes fument au lieu de se contenter d'augmenter les impôts parce qu'il me semble que vous gagnez plus d'argent chaque année et que vous augmentez vos taxes alors que vous devriez récolter moins d'argent parce que moins de gens fumeraient.

Théoriquement, c'est la raison pour laquelle vous faites cela, n'est-ce pas? Théoriquement, si vous imposez ces taxes sur les cigarettes c'est pour que les gens ne fument pas. Toutefois, vous récoltez plus d'argent chaque année. S'agit-il donc pour vous d'augmenter vos recettes en ne dépensant pas ces 80 millions de dollars -- et je suppose que c'est là la raison parce que je suis peut-être un peu cynique. J'ai l'impression que vous gagnez plus d'argent chaque année et qu'il est bien évident que cela ne diminue pas le nombre de cigarettes que l'on consomme.

M. Willis: Monsieur le président, il est vrai que les recettes augmentent ces dernières années alors que nous avons augmenté les taxes. C'est en partie parce que nous avons réussi à lutter contre la contrebande et en partie parce que nous avons augmenté les taux.

Cela a des répercussions sur la consommation. La consommation continue à décliner mais pas autant qu'ont augmenté les taux d'impôt.

Si l'on revient quelques années en arrière, à 1991-1992, le total des recettes fédérales et du droit d'accise et des taxes d'accise sur le tabac étaient de près de 3,5 milliards de dollars -- 3,45 milliards de dollars. Les recettes actuelles ont donc sensiblement diminué par rapport au début des années 90. En 1992-1993 elles n'étaient plus que de 3 milliards de dollars et elles sont ensuite passées à 2,5 milliards de dollars alors que la contrebande battait son plein.

Le sénateur Tkachuk: N'aviez-vous pas réduit les taxes en 1994 du fait de la contrebande?

M. Willis: Elles ont été réduites en 1994 mais, à ce moment-là, nous avions déjà perdu plus d'un milliard de dollars au marché de la contrebande. Les recettes avaient diminué du fait de la contrebande. Nous en étions à 3,45 milliards de dollars en 1991-1992. Les recettes diminuaient sans que les taxes ne soient réduites.

Sénateur Tkachuk: Les recettes diminuaient mais lorsque vous avez réussi à vous débarrasser de la contrebande, elles ont remonté. Essentiellement, autant de gens fumaient.

M. Willis: Il y a eu un certain déclin. Vous entendrez des témoins qui seront mieux à même de répondre à votre question que moi, mais il y a eu des changements dans le nombre de personnes qui fument et dans la quantité de tabac fumé. Je veux dire qu'il y a eu un déclin des recettes.

J'ajouterais que vous avez raison de dire que les taxes sur le tabac aujourd'hui servent comme outil pour réduire la consommation de cigarettes et le nombre de personnes qui fument. Toutefois, les taxes sur les cigarettes existent depuis des années depuis bien avant que l'on ne s'inquiète des questions de santé. C'était une source essentielle de recettes pour l'État et c'est une de ces sources à laquelle on puise pour financer beaucoup des programmes qu'offre le gouvernement.

Le sénateur Tkachuk: J'ai l'impression que l'alcool et le jeu rapportent aussi beaucoup de recettes.

M. Cullen: Plus récemment, nous avons ajouté le carburant à la liste des choses qui rapportent d'énormes recettes d'accise.

Le sénateur Tkachuk: Ce qui est intéressant, c'est que la consommation d'alcool a diminué sensiblement depuis dix ou quinze ans, notamment la consommation de bière, de boissons fortes et de vin. On n'a toutefois pas fait grand-chose du point de vue fiscal. On doit ce résultat à des groupes comme MADD, aux campagnes publicitaires et au fait qu'il est devenu socialement inacceptable d'être ivre sur la route ou de trop boire. C'est l'aspect social plutôt que la politique fiscale qui a amené ce changement.

J'appuie le sénateur Kenny. Si vous dépensez de l'argent vous constaterez qu'il y aura une baisse de la consommation, mais il y aura peut-être également une réduction des recettes. Ce n'est certainement pas cela qui retarde les choses.

Le président: Je vous remercie d'être venus, messieurs.

Chers collègues, nous accueillerons deux autres groupes de témoins. Je vous demanderais donc de rester pendant 15 minutes de plus. Il y a une autre question que nous devons discuter. Notre prochain groupe de témoins représentent la Société canadienne du cancer. Avez-vous une déclaration liminaire à faire?

M. Ken Kyle, directeur, Bureau des questions d'intérêt public, Société canadienne du cancer: Oui. Je suis directeur du Bureau des questions d'intérêt public au Bureau national de la Société canadienne du cancer. Je suis accompagné aujourd'hui de notre analyste politique principal, M. Rob Cunningham.

Je crois que vous connaissez tous la Société. Nous sommes l'organisation à but lucratif la plus importante du pays. Nous vous remercions de nous avoir offert cette occasion de venir vous parler de ce projet de loi aujourd'hui. Je céderai maintenant la parole à M. Rob Cunningham, qui s'est penché sur ce dossier. Il s'agit d'une question fort importante aux yeux de la Société, puisqu'un tiers de tous les décès attribuables au cancer sont attribuables au tabagisme.

[Français]

M. Rob Cunningham, analyste principal des politiques, Société canadienne du cancer: Monsieur le président, notre présentation au sujet de ce projet de loi touche trois aspects: les augmentations des taxes sur les cigarettes et les produits de tabac, la surtaxe sur les bénéfices des fabricants de tabac, et la taxe à l'exportation.

[Traduction]

Pour passer à la première question, nous appuyons les dispositions du projet de loi qui augmentent les taxes sur les cigarettes et les bâtonnets de tabac. Plus la taxe est élevée, plus le prix sera élevé, moins les gens fumeront, et évidemment cela assurera d'importants avantages au point de vue de la santé. Par ailleurs, même si nous approuvons une augmentation de 60c. de la taxe fédérale sur le tabac, qui serait assortie dans certaines provinces d'une augmentation provinciale, pour un total de 1,20 $, nous croyons qu'il est tout à fait possible d'imposer une augmentation plus importante.

Sénateurs, vous avez reçu du personnel du comité cette carte sur les taxes. Elle indique clairement l'écart extraordinaire qui existe actuellement entre le prix d'une cartouche de cigarettes des côtés canadien et américain de la frontière. Une cartouche coûte environ 32 $ au Québec et en Ontario, alors qu'elle coûte plus de 50 $ au Michigan et à New York, les États voisins. Pendant la période où il y avait beaucoup de contrebande, le contraire s'appliquait, et le prix des cigarettes au Canada était beaucoup plus élevé qu'aux États-Unis. Je crois que nous avons plus de marge de manoeuvre qu'à l'époque et que les préoccupations au niveau de la contrebande ne sont plus les mêmes.

Les États-Unis ont des prix élevés pour les cigarettes depuis deux ans, depuis novembre 1998, à la suite d'une transaction extrajudiciaire entre les fabricants de tabac et les gouvernements des États. On a pu démontrer clairement qu'il peut y avoir des prix élevés pour les cigarettes sans pour autant qu'il y ait contrebande. Nous croyons que le Canada peut faire la même chose, tout particulièrement lorsque notre marché est dix fois plus petit, que celui des Américains, représentant donc un dixième des débouchés économiques du marché américain.

On a signalé auparavant que le taux d'imposition était moins élevé pour le tabac servant aux cigarettes qu'on roule soi-même et les bâtonnets de tabac, que pour les cigarettes. Dans notre mémoire, nous disons qu'il serait bon de faire disparaître cette échappatoire. On a effectué certains progrès puisqu'on mentionne les bâtonnets de tabac dans ce projet de loi, mais on ne parle pas du tabac pour rouler ses cigarettes. Les fabricants de tabac ont exploité cette situation au cours des dernières années, avec des stratégies toujours plus novatrices, en gonflant en quelque sorte le tabac, de sorte qu'il en faut moins pour fabriquer une cigarette. Ainsi, au Québec, une cartouche de cigarettes coûte 32 $. La semaine dernière, j'ai acheté suffisamment de tabac pour fabriquer 200 cigarettes et ça ne m'a coûté que 11 $. Le taux d'imposition est donc moins élevé, mais les fabricants ont également modifié le produit pour qu'il en coûte encore moins. C'est une occasion rêvée qui nous est offerte de régler le problème ce qui présenterait des avantages du point de vue des recettes du gouvernement et de la santé publique.

En mai, les médias ont dit que le ministre fédéral des Finances, M. Paul Martin, avait proposé une augmentation conjointe de 15 $ la cartouche aux provinces, tout particulièrement à celles qui avaient accepté avec le gouvernement fédéral d'apporter une réduction en 1994. Nous appuyons cette recommandation.

Passons maintenant à l'autre aspect de notre témoignage qui concerne la surtaxe. Nous tenons à vous faire savoir que nous appuyons les dispositions du projet de loi qui visent à rendre permanente la surtaxe imposée aux fabricants de tabac. Nous désirons féliciter le gouvernement de cette initiative. Cependant nous sommes déçus que le gouvernement n'ait pas décidé de continuer à affecter les recettes provenant de cette taxe à la lutte contre le tabagisme. Santé Canada consacre actuellement 20 millions de dollars par an à cette lutte. C'est insuffisant si l'on tient compte des besoins actuels, de la priorité que ce secteur représente pour la santé, et du fait qu'un nombre croissant d'États américains affectent des fonds à cette fin par habitant. Nous sommes vraiment loin de dépenser autant qu'eux.

Je sais que les sénateurs ont travaillé très fort à la rédaction du projet de loi S-20, la Loi sur la protection des jeunes contre le tabac. Cette mesure législative se penche sur certains des problèmes, et nous félicitons les sénateurs de leurs efforts en ce sens.

Le gouvernement a annoncé une réduction des impôts des sociétés dans son dernier budget. Il est intéressant de noter que, au moment même où ces impôts diminueront au cours des prochaines années, les recettes provenant de la surtaxe diminueront elles aussi. Nous croyons que le gouvernement devrait augmenter le taux de la surtaxe afin que le taux d'imposition réel des fabricants de tabac ne diminue pas comme celui des autres industries au Canada.

Quant à la taxe à l'exportation, nous sommes en faveur des propositions formulées dans le projet de loi qui visent à limiter les exemptions prévues à cette taxe, mais nous croyons que la mesure peut aller plus loin, et qu'on ne devrait accorder aucune exemption susceptible de favoriser l'exportation de cigarettes qui pourraient se retrouver des marchés non légitimes. Tout particulièrement, s'il n'y avait pas d'exemption, ou si des produits en franchise ne circulaient entre le Canada et le reste de l'Amérique du Nord, ce serait un résultat sensationnel. Nous savons que les ventes de tabac en franchise ne sont plus possibles au sein de l'Union européenne, et c'est une stratégie que nous exhortons le Canada à adopter à l'avenir.

Et ce sont là nos commentaires liminaires. Nous sommes maintenant disposés à répondre aux questions.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie d'être venu. C'est au sénateur Kenny qu'on doit ce projet de loi.

Lorsque le coût des cigarettes ou du tabac a augmenté aux États-Unis, la consommation a-t-elle baissé?

M. Cunningham: Oui.

Le sénateur Stratton: De combien?

M. Cunningham: Cette baisse a été enregistrée en 1997 et de façon plus marquée en 1998. Je crois que pendant ces deux années il y a eu une diminution totale des ventes d'environ 12 p. 100. Le taux serait un plus élevé par habitant. C'est la baisse moyenne qui a été enregistrée. Lorsque vous traduisez ces chiffres sur le plan de la santé, l'impact est extraordinaire.

Le sénateur Stratton: L'augmentation des coûts est donc une tactique efficace. Les chiffres canadiens tiennent-ils compte de la TPS?

M. Cunningham: Oui.

Le sénateur Stratton: Se sert-on d'une base équivalente?

M. Cunningham: Ces chiffres incluent la taxe de vente provinciale, la TPS, et la taxe de vente des États, en dollars canadiens.

Le sénateur Stratton: Il est donc possible d'apporter des augmentations importantes partout au Canada. Vous dites que le gouvernement a parlé à l'origine de 18 $?

M. Cunningham: Selon les médias, à ma connaissance, il s'agirait de 15 $ par cartouche.

Le sénateur Kenny: Monsieur Cunningham ou monsieur Kyle, pourriez-vous dire à quel âge 80 à 85 p. 100 des fumeurs commencent à fumer?

M. Cunningham: La grande majorité des fumeurs commencent à fumer avant l'âge de 18 ans.

Le sénateur Kenny: Qu'est d'après vous l'impact des taxes sur les jeunes? Croyez-vous que les taxes ont un impact plus marqué ou moins marqué chez les jeunes que chez les adultes, ou le même?

M. Cunningham: Tout semble indiquer, et cette conclusion n'est pas simplement tirée des études du ministère des Finances du Canada, mais dans d'autres études effectuées dans d'autres régions du monde, que les adolescents sont encore plus sensibles aux augmentations de prix que les adultes.

Le sénateur Kenny: Si vous vouliez prendre une décision qui aurait un impact plus marqué sur les jeunes, augmenteriez-vous les taxes?

M. Cunningham: Certainement.

Le sénateur Kenny: Si vous pouvez les empêcher de fumer avant l'âge de 18 ans, seront-ils portés à fumer plus tard?

M. Cunningham: Il est fort peu probable que les gens se mettent à fumer une fois adultes.

Le sénateur Kenny: Si l'on considère des États comme la Californie ou le Massachusetts, est-ce que le nombre de fumeurs chez les jeunes se compare au nombre au Canada?

M. Kyle: J'ai consulté le site Web du ministère de la Santé de la Californie la semaine dernière; le taux était du tiers en Californie de ce qu'il est au Canada.

Le sénateur Kenny: Pouvez-vous nous donner les pourcentages?

M. Cunningham: Nous vous ferons parvenir les chiffres exacts.

M. Kyle: C'était environ 7 ou 8 p. 100 en Californie, ou 6 p. 100. C'était très faible.

Le sénateur Kenny: Comparé à quelles données?

M. Cunningham: Les données les plus récentes de 1999 de Santé Canada établissent à 28 p. 100 le taux chez les jeunes de 18 à 19 ans.

Le sénateur Finnerty: Certains sénateurs s'interrogeaient sur les bâtonnets de tabac. Comment sont-ils fabriqués? De quoi cela a-t-il l'air?

M. Cunningham: J'ai quelques exemples ici de bâtonnets de tabac. Les fabricants de tabac toujours à l'affût de l'innovation ont su profiter d'une échappatoire qui prévoit un taux d'imposition plus faible pour les bâtonnets de tabac et ont récemment sorti un produit qui ressemble beaucoup à la cigarette. Cela a l'air d'une cigarette.

Le sénateur Finnerty: Comment se présente l'extérieur?

M. Cunningham: Il ne manque que ce petit bout de papier, l'enveloppe du filtre. Il suffit que le consommateur place cette enveloppe au bout. D'après l'Agence des douanes et du revenu du Canada, il ne s'agit pas d'une cigarette et donc le taux d'imposition est inférieur. C'est simplement profiter d'une échappatoire.

La part du marché de ce produit est d'environ 3 p. 100 au Canada, plus au Québec -- environ 6 p. 100. Toutefois, le pourcentage a augmenté ces dernières années.

Le sénateur Olive: Cela se vend combien?

M. Cunningham: Cela varie par province, mais la semaine dernière, j'ai vérifié dans plusieurs magasins au Québec et la différence était d'environ 7 $. Le coût était d'environ 25 $ pour 200 bâtonnets, comparé à 32 $ pour des cigarettes, bien que cela varie d'un magasin à l'autre.

Le sénateur Kenny: Le filtre ne fonctionne pas sans enveloppe.

M. Cunningham: Il manque donc -- et je vais les faire circuler -- c'est l'enveloppe du filtre, ce morceau que l'on place au bout.

Le sénateur Kenny: Si vous tirez là-dessus, vous n'obtiendrez rien sans l'enveloppe. Par conséquent, ce n'est pas une cigarette selon ceux qui imposent les taxes.

Le sénateur Fitzpatrick: Ai-je bien compris qu'il faut acheter deux paquets, l'un d'enveloppes de filtre et l'autre de bâtonnets?

M. Cunningham: Exactement. D'autres fabricants ont également commencé à en vendre. D'après ce qui est ressorti d'un groupe cible de recherche en Ontario, les adolescents achètent et consomment ces bâtonnets de tabac.

Le président: Avez-vous fait valoir ceci auprès des fonctionnaires du ministère des Finances?

M. Cunningham: Oui, nous l'avons fait.

Le président: Merci de votre comparution ici aujourd'hui.

Honorables sénateurs, nos derniers témoins nous viennent de la Société canadienne de psychanalyse. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs.

Dr Roger A. Dufresne, président, comité sur la TPS, Société canadienne de psychanalyse: Honorables sénateurs, nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant votre comité, d'avoir lu notre mémoire et d'avoir réservé du temps pour nous entendre parler de notre problème.

Je vais résumer brièvement notre mémoire en vous faisant un bref exposé sur notre profession, en vous donnant un énoncé du problème et en offrant quelques solutions possibles.

Tout d'abord, je vais vous parler de notre profession. Qu'est-ce que la psychanalyse? C'est une méthode inventée par Sigmund Freud pour rechercher et découvrir les traumatismes infantiles inconscients profondément refoulés qui demeurent actifs et provoquent un conflit émotif douloureux pouvant causer l'angoisse, la dépression, le suicide, la délinquance, des troubles de comportement, des psychoses et des problèmes psychosomatiques.

Le traitement est difficile, coûteux et long puisqu'il faut y consacrer quelques rencontres par semaine sur plusieurs années. C'est incontestablement un service de santé général. Comment devient-on psychanalyste membre de la Société canadienne de psychanalyse? Les candidats doivent détenir un diplôme universitaire, essentiellement un doctorat, en médecine, en psychologie, ou dans un autre domaine clinique ou en sciences humaines, ils doivent avoir subi un suivi une psychanalyse personnelle de plusieurs années pour découvrir leurs propres déficiences et doivent avoir subi une évaluation approfondie de leur personnalité.

Ceux qui sont admis doivent subir une formation supplémentaire de quatre à six ans, y compris des cours, des ateliers, et le soin de patients sous la supervision hebdomadaire d'analystes de la formation professionnelle expérimentés. Cette formation est la même pour tous les étudiants, qu'ils soient étudiants en médecine ou non.

Comment notre profession est-elle réglementée? Alors que les autres professions de la santé sont en général réglementées à l'échelle nationale ou provinciale, à notre connaissance, notre profession est la seule où la formation et les normes d'appartenance sont réglementées à l'échelle internationale. Fondée en 1910, par Freud, l'Association internationale de psychanalyse a adopté des exigences très strictes et des normes élevées pour la formation des futurs analystes, les titres professionnels des membres, la nomination des analystes de formation professionnelle et l'accréditation des sociétés membres. Cette association comprend maintenant plus de 10 000 membres dans plus de 30 pays.

La Société canadienne a été reconnue comme société membre par l'organisme international en 1957. Nous avons nous-mêmes maintenant plus de 400 membres et nous possédons des centres de formation à Montréal, Toronto et Ottawa; nous sommes responsables de l'application des normes internationales au Canada.

Maintenant le problème: en 1990, lorsque l'on a introduit la TPS, nous avons été heureux d'apprendre que les services de soins de santé en seraient exonérés. Toutefois, nous avons vite appris que notre profession avait été exclue de la liste. Heureusement, après notre exposé devant le comité des finances de la Chambre des communes, et une rencontre avec le ministre des Finances de l'époque, l'honorable Michael Wilson, le Parlement a accepté d'ajouter un quatrième critère, l'article 12, afin d'en dispenser tous les patients de tous les membres de la Société canadienne de psychanalyse.

En 1996 toutefois, nous avons reçu avis que cet article 12 allait être abrogé, ce qui fait que ceux de nos membres qui n'étaient ni médecins, ni psychologues ou thérapeutes occupationnels, mais qui sont infirmières ou travailleurs sociaux, et qui ne répondaient plus aux critères et ne seraient plus considérés comme des professionnels de la santé et devraient donc exiger de leurs patients le paiement de la taxe à compter du 1er janvier 1998.

Nous avons fait parvenir un mémoire au ministère des Finances et nous avons rencontré les responsables de la Division des taxes de vente. Nous avons expliqué qu'il était régressif de traiter un service de soins de santé comme un article de consommation arbitraire au lieu de juger ces mêmes services de santé très spécialisés en fonction de la nature des services mêmes, et non pas en fonction des antécédents professionnels des fournisseurs. S'agit-il d'une taxe sur les services ou d'une taxe sur le revenu des utilisateurs ou de certains des fournisseurs?

Malgré nos démarches adoptées, l'amendement abrogeant l'article 12 a été adopté, ce qui fait qu'il y a maintenant deux catégories de patients en psychanalyse, deux catégories de psychanalystes, ceux qui versent la TPS ou la perçoivent, et ceux qui en sont exonérés -- une situation manifestement injuste.

Évidemment, nous comprenons qu'il faut des règles, des conditions, des critères, mais ce qui a été adopté en 1997, exclut certains membres d'une profession de la santé essentiellement parce qu'ils ne répondent pas à des critères trop simples et donc arbitraires, parce que nous sommes réglementés à l'échelle internationale plutôt qu'à l'échelle provinciale, pour des raisons d'ordre historique. De plus, vu qu'il n'y a que 425 psychanalystes au Canada, essentiellement au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, il est fort peu probable que les assemblées législatives dans cinq provinces adoptent des lois pour mettre fin à l'iniquité subie par les patients de 13 p. 100 seulement des analystes, soit 57 de nos membres dans tout le pays.

En outre, nous sommes extrêmement inquiets lorsque nous considérons que l'amendement de 1997 assujettit à la TPS un plus grand nombre de services qui visent à soigner les maladies mentales et les problèmes émotifs comparés aux handicaps physiques.

Solutions possibles: nous ne sommes ni avocats ni législateurs, et nous avons besoin de votre aide pour trouver une solution appropriée et mettre fin à cette injustice à l'égard de 13,4 p. 100 de nos membres et de leurs patients. Permettez-nous de proposer que si l'on interprétait la loi comme portant sur la nature du service plutôt que sur les antécédents professionnels des fournisseurs, alors tous les services offerts par nos membres profiteraient de la même exemption en ce qui concerne la TPS.

Revoyons les critères dont un au moins doit exister pour qu'un service de soins de santé soit exempté. Tout d'abord, si le service est assuré par un régime dans une province donnée, le service n'est pas imposé dans cette province. Deuxièmement, si le service est assuré par un régime dans deux provinces au moins, le service est exempté dans toutes les provinces. La psychanalyse est un service assuré par un régime de soins de santé provincial lorsque le service est offert par un médecin en Ontario et en Alberta et dans un hôpital approuvé au Québec. Troisièmement, si un service n'est pas assuré par un régime provincial de soins de santé, mais est offert dans le cadre d'une profession réglementée comme profession de la santé dans au moins cinq provinces, le service est exempté dans toutes les provinces.

La psychanalyse est un service dispensé par les membres de deux professions de la santé réglementées dans au moins cinq provinces, soit les psychiatres et les psychologues. Compte tenu des trois critères que je viens de mentionner, c'est le service dispensé qui est censé être exonéré d'impôt en raison de sa nature même, et non pas en raison de l'appartenance du fournisseur du service à une certaine profession. Par conséquent, nous estimons qu'on devrait considérer que le service que constitue la psychanalyse répond aux critères fixés pour faire l'objet d'une exonération fiscale lorsqu'il est dispensé par les membres de la Société canadienne de psychanalyse.

Nous vous demandons de nous confirmer qu'aux fins d'application de la loi, les services dispensés par tous les membres de notre société répondent aux critères fixés pour faire l'objet d'une exonération de la TPS.

En 1990, comme nous le mentionnions plus tôt, l'article 12 créait un quatrième critère auquel devait se conformer le service psychanalytique pour faire l'objet d'une exonération fiscale: ce service devait être offert par une personne ayant la même formation qu'un médecin et cette personne devait être membre en règle d'une société professionnelle régissant la pratique de la profession par les membres de celle-ci, laquelle société devait compter au moins 300 membres dont les deux tiers devaient être des médecins. Nous déplorons vivement le fait que ce critère ait été supprimé et nous espérons trouver avec vous une solution plus durable pour les patients d'une petite minorité de nos membres.

En conclusion, nous outrepasserions nos compétences en recommandant une solution plutôt qu'une autre, nous vous demandons cependant votre aide et votre appui. Nous vous demandons de vous souvenir qu'en raison de l'abrogation de l'article 12 en 1997, un service de santé véritable est devenu imposable, ce qui n'a fait qu'accroître le fardeau déjà lourd des patients et gravement défavoriser un groupe de patients et un groupe de psychanalystes. Nous espérons que vous prendrez notre demande en délibéré et que vous chercherez à corriger une injustice commise envers un nombre relativement restreint de praticiens au Canada, soit 57 à l'heure actuelle, ce qui aurait un impact négligeable sur les finances de notre pays.

En terminant, permettez-moi de mentionner le fait que des études canadiennes, américaines et allemandes très sérieuses portant sur la rentabilité de la psychanalyse montrent clairement que les patients en psychanalyse exigent en bout de ligne moins d'autres types de soins de santé et n'ont pas à faire des séjours dans des établissements médicaux, psychiatriques et sociaux qui, comme nous le savons, ne suffisent pas à la tâche.

Le sénateur Stratton: J'ai une question très simple à vous poser. Pourquoi? Vous aviez convaincu le ministre des Finances de vous accorder une exonération fiscale. Pourquoi le ministère est-il revenu sur sa décision?

Dr Dufresne: L'exonération a pris fin en 1990. Le service que nous offrons a été exonéré de la TPS pendant six ans. Nous avons rencontré des représentants du ministère des Finances en janvier 1997. Il nous ont dit qu'il s'agissait d'un terrain glissant. D'autres groupes avaient voulu se servir de notre cas comme précédent, et le ministère a voulu simplifier les critères.

Je conviens que ces critères sont nécessaires. Le problème qui se pose, c'est qu'un nombre relativement peu élevé des professionnels de la santé doivent maintenant payer cette taxe. On ne peut pas créer un nouveau groupe. Notre groupe n'est pas nouveau, mais comme vous pouvez le voir, il ne compte que 425 membres au Canada. Comment peut-on s'attendre à ce qu'un ordre professionnel existe dans cinq provinces? Notre profession compte beaucoup de membres dans certaines provinces comme le Québec et l'Ontario. Le nombre de nos membres augmente en Colombie-Britannique ainsi qu'en Alberta. Nous ne comptons cependant aucun membre dans les Maritimes. Il nous est impossible de répondre aux critères dans ces provinces. Je ne peux pas vous dire ce qui a motivé le ministère des Finances. On nous a dit que cet amendement ou que ce critère avait été supprimé.

M. Charles M.T. Hanly, membre, comité sur la TPS, Société canadienne de psychanalyse: Ce qui est surprenant, c'est que la loi parle toujours de services et non pas de professions qui sont dispensées. Certaines professions répondent au troisième critère, mais si vous y regardez de plus près, ce sont les services qui sont visés. La psychanalyse est un service qui devrait être exonéré de la taxe. Je pratique la psychanalyse, comme les Drs Dufresne et Leonoff. Nous ne sommes pas tous des médecins, mais nous avons la formation voulue. Nous enseignons aux médecins comment pratiquer la psychanalyse, mais nos services ne sont pas exonérés de la taxe. À mon avis, les services que nous offrons répondent aux critères fixés, mais il semble y avoir certaines raisons administratives qui s'y opposent.

Le président: J'ai discuté de la question avec les fonctionnaires du ministère qui se sont engagés à l'examiner. Je ne sais pas si j'aurais gain de cause, mais je suis prêt à vous défendre.

M. Hanly: Lorsque nous avons discuté de la question avec M. Wilson, il nous a dit qu'il ne voulait pas créer un échappatoire. Voilà pourquoi l'article 12 ne mentionne qu'un seul groupe professionnel. Aucun autre groupe professionnel au Canada ne pourrait, même en s'y efforçant, répondre à ce critère.

C'est moi qui ai proposé ce critère à M. Wilson. Je souhaiterais discuter avec vous de la façon dont ce critère devrait être formulé.

Nous voulons en arriver à un compromis au sujet de la TPS. Nous voulons simplement être traités de façon juste.

Le président: Je vous remercie d'avoir comparu devant le comité, messieurs. Nous transmettrons vos instances aux intéressés. Je veillerai à ce que votre demande reçoive l'attention qu'elle mérite.

Nous passerons maintenant à l'étude des travaux futurs.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


Haut de page