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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 19 - Témoignages pour le 21 septembre 2000


OTTAWA, le jeudi 21 septembre 2000

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-24 modifiant la Loi sur la taxe d'accise et une loi connexe, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi d'exécution du budget de 1997, la Loi d'exécution du budget de 1998, la Loi d'exécution du budget de 1999, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi sur les douanes, le Tarif des douanes, la Loi sur l'assurance-emploi, la Loi sur l'accise, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt et la Loi sur l'assurance-chômage, se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour en faire l'examen.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Le premier point à l'ordre du jour fait suite à l'ordre de renvoi adopté par le Sénat le mercredi 28 juin 2000. Le comité est saisi du projet de loi C-24, Loi de 1999 modifiant les taxes de vente et d'accise.

Pouvons-nous sauter l'étude article par article et passer immédiatement à l'adoption du projet de loi C-24?

Le sénateur Tkachuk: Oui, vous pouvez le faire, mais j'aimerais soulever plusieurs points dont nous avons discuté, vous et moi, monsieur le président. J'ignore ce qu'en pensent les autres membres du comité, mais j'ai eu l'impression que notre rapport suscitait des préoccupations hier et qu'il devrait renforcer les engagements pris par les hauts fonctionnaires du ministère, étant donné la lenteur avec laquelle certaines de ces modifications ont été apportées. Certaines d'entre elles datent de huit ans, d'autres de cinq et de quatre ans. J'ignore comment on pourrait l'exprimer au juste, mais c'est une question qui nous préoccupe tous. Il faudrait peut-être mentionner dans le rapport, sous forme de recommandation, que ces modifications à la loi en matière de taxes devraient figurer dans un texte de loi beaucoup plus rapidement que ce n'est le cas actuellement.

Le président: Pas mal tout le monde était mécontent d'avoir à traiter des documents si archaïques qu'ils en ont presque perdu leur pertinence.

Le sénateur Tkachuk: Ce texte a effet de loi sans avoir été adopté. On prélève la taxe en dépit de l'absence d'une loi à ce sujet. Si jamais cela était contesté devant un tribunal, je ne sais pas comment on s'y prendrait pour la défendre. Cela me semble un peu problématique.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs de faire une pareille recommandation?

Des voix: D'accord.

Le président: Nous sommes donc tous d'accord. Aimeriez-vous que nous vous soumettions le libellé?

Le sénateur Tkachuk: Non, je crois que ça ira.

Le président: Il sera uniquement question du mécontentement général.

Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-il arrivé aux services de psychanalyse? Je remarque que vous avez manifestement communiqué avec le ministère à ce sujet, comme vous l'aviez promis hier. Je ne suis pas disposé à adopter un amendement quand j'ignore tout de la question.

Le président: Pourriez-vous nous en faire un résumé en deux minutes?

Mme Marlene Legare, chef principale, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Monsieur le président, tel qu'il a été demandé, nous avons résumé la situation qui a mené à l'exonération originale des psychanalystes, puis à son retrait, proposé en 1996 et effectué en 1997.

L'exonération originale des services de psychanalyse a été ajoutée au projet de loi instituant la TPS par le comité des finances de la Chambre des communes à la suite de commentaires reçus de a Société canadienne de psychanalyse. À l'époque, l'exonération de taxe s'appliquait aux spécialistes qui avaient reçu la même formation en psychanalyse que les médecins qui fournissent des services de psychanalyse. Par ailleurs, il fallait que ces praticiens soient membres de la Société canadienne de psychanalyse. L'association n'était pas nommée comme telle, mais la description qui en était faite l'incluait.

Par la suite, on a buté contre deux grandes difficultés. Tout d'abord, en ce qui concerne cette exonération particulière et les critères qui s'y étaient appliqués, le ministère et le ministre des Finances ont reçu des doléances d'autres psychanalystes pratiquant au Canada à ce moment-là et qui ne répondaient pas aux critères. Naturellement, comme l'exonération avait été ajoutée au projet de loi pas mal à la dernière minute, il n'y avait pas eu de projet de loi publié à des fins de consultation qui la mentionnait. C'était donc la première occasion qu'avaient ces autres psychanalystes de la commenter. Ils ont fait ressortir que les psychanalystes pratiquant au Canada ne sont pas tous membres de la Société canadienne de psychanalyse, qui est composée essentiellement de freudiens.

Ces autres psychanalystes ont soutenu que l'exonération était discriminatoire, car ils avaient eux aussi beaucoup de compétences et qu'ils adhéraient à des normes élevées. Ils ne représentaient pas un groupe suffisamment important pour répondre au critère prévu dans la loi, soit un minimum de300 membres, ni pour avoir leur propre société nationale, mais ils appartenaient à une société nord-américaine.

Selon eux, le critère d'exonération semblait graviter autour de la théorie à laquelle souscrivent les spécialistes, sur le nombre de membres ou sur les deux à la fois, critère qui n'est manifestement pas pertinent pour distinguer les traitements taxables des traitements exempts de TPS. Par conséquent, il a fallu revoir l'exonération et adopter des critères plus rationnels pour décider quels psychanalystes seraient exonérés.

Dans un contexte plus général, particulièrement à la suite de l'entrée en vigueur de cette disposition spéciale pour les psychanalystes, le ministre a reçu de nombreuses lettres de spécialistes de la santé qui ne figuraient pas sur la liste d'exemption et qui ne comprenaient pas pourquoi il en était ainsi. Quand nous avons commencé à examiner la liste, il était clair que les critères manquaient de cohérence.

Parfois, le spécialiste n'était pas nettement identifié à ce que nous concevons comme étant le domaine traditionnel de la santé, par exemple un naturopathe ou un homéopathe, ou encore un conseiller d'orientation. Ce dernier n'est pas uniquement employé par des commissions scolaires. Il s'agit parfois d'un travailleur autonome. Les conseillers en adaptation au milieu aident les détenus à réintégrer la société et fournissent toute une gamme de services. Ce genre de spécialistes a demandé pourquoi ils ne jouissaient pas d'une exemption.

En 1996, dans le cadre de la refonte globale de la TPS, le gouvernement a décidé d'y inclure les soins de santé. Il a ainsi conclu qu'il faudrait que les critères soient clairs, appliqués avec cohérence, objectifs et fondés sur les pratiques provinciales car les provinces sont plus en mesure que le ministère des Finances de décider quel service de santé mérite d'être assuré par le régime provincial.

Donc, en termes simples, si une personne a un rendez-vous chez un spécialiste, les frais de la visite seraient toujours exonérés à condition que le spécialiste soit médecin. Manifestement, il ne serait pas du tout pratique de demander à un médecin de prouver que le service n'engageait aucun élément taxable. Si les médecins fournissaient des services de psychanalyse en plus de faire des examens physiques, il ne serait pas pratique de leur demander de ventiler leurs honoraires. Par conséquent, si le service est fourni par un médecin, il est toujours exempté de la TPS. De plus, si le service, même s'il n'est pas fourni par un médecin, est assuré par un régime provincial, la visite est également exemptée.

Il reste deux derniers critères. Le premier est que, si la visite au spécialiste est couverte par le régime provincial d'assurance-santé et que le spécialiste pratique la médecine dans au moins deux provinces, la visite est exempte de la TPS. Le second est que, si le service du spécialiste est réglementé par la province dans au moins cinq provinces et si le spécialiste exerce dans ces provinces, il est exonéré de la TPS.

Ce critère a été appliqué à tous les services qui figuraient alors sur la liste des services exonérés. Certains, comme les services de psychanalyse et d'orthophonie, ne satisfaisaient pas au critère. On a donc proposé qu'ils soient biffés de la liste. D'autres étaient admissibles, par exemple les services de diététiciens. Or, ils ne figuraient pas sur la liste. Comme ils répondaient au critère, nous les avons ajoutés.

Comme note complémentaire, j'ajouterai que l'exclusion des services d'orthophonie de l'exonération a été retardée parce que ces spécialistes sont sur le point de tomber sous le coup d'une réglementation dans une cinquième province.

Le critère a été appliqué uniformément à tous les services. Le principal avantage de cette approche est que le ministère des Finances n'a plus à déterminer lui-même de ce qui devrait être exempté en tant que service de santé. Nous n'avons pas vraiment les moyens de prendre de telles décisions. Le critère est plus objectif et il est fonction simplement des pratiques provinciales.

En fait, les membres de la Société canadienne de psychanalyse ne satisfont pas à ces critères lorsque le psychanalyste n'est pas médecin et que les services qu'il fournit ne sont pas couverts par un régime d'assurance-santé.

Le sénateur Furey: Comme nous l'avons appris hier, tous les psychanalystes ne sont pas médecins. Êtes-vous en train de dire qu'au sein d'un même groupe, les membres qui sont médecins sont exonérés alors que ceux qui ne sont pas médecins, mais qui offrent exactement le même service ne le sont pas?

Mme Legare: Oui.

Le sénateur Furey: Même s'ils fournissent le même service?

Mme Legare: Les services d'un médecin sont exonérés, et nous ne cherchons pas à connaître la nature de ces services. Il ne serait pas pratique de taxer les services de psychanalyse fournis par un médecin parce qu'on pourrait toujours prétendre que le médecin fournissait également et fournissait peut-être plus souvent des services médicaux.

Le sénateur Furey: Êtes-vous en train de dire qu'il est discriminatoire d'aller dans l'autre sens et d'inclure seulement les membres de l'association canadienne parce qu'il a d'autres psychanalystes qui n'en sont pas membres?

Mme Legare: C'est juste. Le critère utilisé avant 1996 n'était pas bons parce qu'il établissait une distinction au sein même du groupe des psychanalystes.

Le sénateur Tkachuk: Entre les partisans de Jung et les partisans de Freud.

Mme Legare: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Quelle est l'opinion du ministère de la Santé au sujet de cette question? Ce service évite certains autres frais de santé. C'est un service très coûteux. Il faut admirer les personnes qui ont le courage de s'y soumettre parce qu'il faut des années de traitement et que cela coûte des milliers de dollars. Pourtant, nous taxons ceux qui sont prêts à se guérir eux-mêmes et à payer eux-mêmes leur traitement.

Pourquoi cela nous déplairait-il et refuserions-nous d'encouragerions ceux qui sont reconnus comme étant des professionnels, bien qu'ils ne soient pas forcément reconnus par un ordre professionnel? Qu'en pense le ministère de la Santé?

Mme Legare: Je sais que le ministère de la Santé a été consulté dans le cadre de la refonte du traitement réservé aux services de santé dans le régime de la TPS, particulièrement au sujet des compétences et pour savoir si les services qui figuraient alors sur la liste des services exonérés répondaient aux critères. Nous avons travaillé de concert avec le ministère de la Santé dans ce dossier.

Des membres de la Société canadienne de psychanalyse ont eux-mêmes fait valoir qu'il importe de se rappeler que la vaste majorité des services de psychanalyse ne sont pas assujettis à la TPS, soit parce qu'ils sont fournis par un médecin ou qu'ils sont assurés par un régime provincial.

Un nombre relativement faible de spécialistes est obligé de percevoir la taxe à l'égard de ses services, parce qu'il fournit un service non assuré du fait qu'il n'est pas médecin.

Comme je l'ai mentionné, il existe une longue liste de spécialistes hautement qualifiés qui fournissent des services relevant d'après eux du domaine de la santé. On en est venu à se demander s'il nous appartenait de déterminer si ces services devaient être exonérés en tant que services de santé.

J'en reviens à l'exemple des conseillers en adaptation au milieu, des naturopathes, des homéopathes et de je ne sais quoi encore. En l'absence d'une série de critères précis et d'application uniforme, l'annexe des services exonérés était essentiellement arbitraire, et les plaignards réussissaient à s'y faire inscrire.

Dès que l'on s'éloigne de ces critères, rien ne permet de dire non à des professionnels qualifiés dans leur domaine dont les services ont un impact sur la santé générale de la personne.

Le sénateur Hervieux-Payette: Avez-vous dit que les services de naturopathie et d'homéopathie étaient couverts ou pas?

Mme Legare: Ils ne figurent pas sur la liste des spécialistes exonérés.

Le sénateur Hervieux-Payette: Donc, leurs services sont taxables.

Mme Legare: Les services sont taxables s'ils ne sont pas fournis par un médecin.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le gouvernement rembourse les services d'homéopathie dans le cadre de son propre régime d'assurance.

Mme Legare: Il faut que je précise. Si une visite particulière est assurée par la province, il n'y aura pas de TPS ajoutée aux honoraires de cette visite.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je parlais des sénateurs. La Sun Life nous rembourse les services d'homéopathie. Mon employeur est le Sénat du Canada. Nous reconnaissons que ces services sont assurables et nous payons une prime à cet égard. Pourtant, vous me dites que ces services ne sont pas assurés.

Je tiens simplement à en connaître la raison. Je viens du ministère des Affaires sociales du Québec. Nous savons que tout ce qui touche à la santé a été pris en charge par un ordre professionnel, soit celui des médecins, mais d'autres aussi fournissent des services de santé, comme les homéopathes et les naturopathes. Dans la dernière étude internationale de la qualité des soins de santé, la France s'est classée bonne première. Pourtant, elle compte 10 000 homéopathes dont les services sont assurés.

J'aimerais que nous puissions avoir des consultations plus poussées de sorte à pouvoir adopter une approche plus holistique aux questions de santé, parce que tous les gouvernements sont en train de revoir cette question.

Mme Legare: Le gouvernement a décidé d'adopter des critères fondés sur les pratiques provinciales justement pour cette raison, pour qu'il y ait un consensus quelconque au sujet de ce qu'est un service de santé.

Le président: Les tendances en médecine sont fort intéressantes. Les médecins qui sortaient des universités il y a 30 ou 40 ans avaient l'habitude de rire à la mention des vitamines et de la médecine naturelle. Aujourd'hui, nos instituts de recherche étudient ces questions et sont pris très au sérieux. Notre médecine traditionnelle pourrait bien ne plus être la seule solution. Il y a eu un changement de ce côté là, et je crois que le sénateur Hervieux-Payette a parfaitement raison.

Les membres du comité s'entendent pour dire, je crois, que ce qu'on est en train de faire ici est vraiment injuste.

Le sénateur Hervieux-Payette: C'est injuste pour les médecins, mais encore plus injuste pour les malades. Ces personnes se soumettent à un traitement très pénible qui coûte des milliers de dollars. En plus, nous les frappons d'une taxe.

Le président: Au nom du comité, je vous conseille d'étudier davantage la question et de revenir nous en faire rapport dans quelques mois.

Mme Legare: Certes.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Plaît-il aux honorables sénateurs que je fasse rapport au Sénat du projet de loi C-24 accompagné d'observations, comme l'a proposé le sénateur Tkachuk?

Des voix: D'accord.

La séance est levée.


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