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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et
des ressources naturelles

Fascicule 4 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 24 février 2000

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 45 pour examiner les questions générales relatives à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles du Canada (sécurité des réacteurs nucléaires).

Le sénateur Mira Spivak (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Ce matin, nous entendrons des membres de la CCEA. Bienvenue.

Veuillez commencer. Je vous demanderai d'être brefs pour que nous puissions poser des questions.

M. Jim Harvie, directeur général de la Réglementation des réacteurs, Commission de contrôle de l'énergie atomique: Je vous remercie d'avoir invité la Commission de contrôle de l'énergie atomique à comparaître devant vous. À titre de directeur général de la Réglementation des réacteurs, je vous sais gré de nous offrir cette occasion de vous informer et de répondre à vos questions sur la sûreté des réacteurs nucléaires.

La Commission de contrôle de l'énergie atomique est un organisme fédéral indépendant qui rend compte au Parlement par l'entremise du ministre des Ressources naturelles. Notre rôle consiste à réglementer l'industrie nucléaire du Canada de telle façon que le développement et l'utilisation de l'énergie nucléaire ne constitue pas un risque déraisonnable pour la santé, la sûreté, l'environnement et la sécurité nationale. À cette fin, la Commission de contrôle de l'énergie atomique administre un régime complet de réglementation et de permis qui couvre tous les aspects de l'utilisation de matières nucléaires, depuis l'extraction de l'uranium, le raffinage du minerai et les multiples utilisations des radioisotopes jusqu'au déclassement des réacteurs et des installations, sans oublier la gestion des déchets.

En partenariat avec Transports Canada, nous réglementons le transport des matières nucléaires au Canada. Nous sommes aussi chargés d'appliquer certaines obligations internationales qui ont trait à la protection et à la non-prolifération en matière nucléaire. Dans nombre de cas, nous avons un processus conjoint de réglementation afin d'assurer que notre processus de réglementation tient compte des préoccupations et des responsabilités des ministères fédéraux et provinciaux dans des domaines comme la santé, l'environnement, le transport et le travail.

Le gouvernement fédéral a la responsabilité première des questions nucléaires au Canada. C'est pourquoi la CCEA assure le contrôle réglementaire de la sûreté de l'exploitation des installations nucléaires. La CCEA n'a toutefois aucun rôle à jouer dans l'établissement de la politique sur l'énergie ou l'économie. Il importe en réalité d'insister sur le fait que la CCEA n'est ni en faveur de l'utilisation de l'énergie nucléaire, ni contre. Les décisions d'ordre stratégique incombent à d'autres secteurs des gouvernements fédéral et provinciaux. Une fois que l'on a décidé d'utiliser l'énergie nucléaire ou des matières nucléaires, il incombe toutefois à la CCEA de s'assurer que cette utilisation est conforme à la protection de la santé, de la sûreté, de la sécurité et de l'environnement.

La Commission de contrôle de l'énergie atomique a été créée en 1946 en vertu de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. Cette loi a été adoptée au moment où le gouvernement visait avant tout la sécurité nucléaire et on savait depuis quelque temps qu'elle avait besoin d'être mise à jour.

Comme vous le savez, le Parlement a adopté la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires en mars 1997 pour donner à la population canadienne un cadre plus moderne et efficace de réglementation de l'industrie nucléaire. La loi prévoit que la CCEA deviendra la Commission canadienne de la sûreté nucléaire, nom qui reflétera mieux notre mandat et notre rôle modernes. La nouvelle loi permet à la commission d'exiger notamment, comme condition de délivrance d'un permis, des garanties financières qui couvriront le déclassement et le stockage permanent ou l'évacuation des déchets. Il s'agit là d'un changement important. La nouvelle loi devrait entrer en vigueur au milieu de 2000, lorsque les règlements nécessaires seront terminés.

Pour la gouverne des nouveaux membres du comité, j'aimerais décrire brièvement la répartition des réacteurs de puissance au Canada. Le Canada compte 22 réacteurs de puissance autorisés. Vingt de ces réacteurs se trouvent en Ontario et sont exploités par Ontario Power Generation Incorporated: les quatre réacteurs de Bruce-A et les quatre de Bruce-B sont situés près de Kincardine (Ontario), sur le lac Huron. Les quatre réacteurs de Pickering-A et les quatre de Pickering-B sont situés près de Pickering (Ontario), et il y en a quatre autres à Darlington, sur le lac Ontario. Hydro-Québec exploite une centrale à une seule tranche à Gentilly, près de Trois-Rivières, et Énergie Nouveau-Brunswick exploite une installation semblable à Point LePreau, près de Saint John, sur la baie de Fundy.

À la suite d'un examen interne réalisé en 1997, Ontario Hydro, nom que portait Ontario Power Generation jusqu'en avril 1998, a décidé d'arrêter ses quatre réacteurs de Bruce-A et quatre réacteurs de Pickering-A. L'arrêt, qui a eu lieu à la fin de 1997, visait à concentrer les efforts du personnel sur des activités d'amélioration des 12 autres réacteurs en exploitation dans le cadre du programme intégré d'amélioration d'Ontario Hydro.

Il y a actuellement sept réacteurs de recherche en exploitation dans des universités canadiennes: trois en Ontario, deux au Québec, un en Nouvelle-Écosse et un autre en Alberta. Le Saskatchewan Research Council à Saskatoon exploite aussi un réacteur de recherche. Les établissements de recherche d'Énergie atomique du Canada Limitée -- EACL, qu'il ne faut pas confondre avec la CCEA -- à Chalk River (Ontario) et à Pinawa (Manitoba) sont titulaires d'un permis de la CCEA. Les installations de Chalk River comprennent le réacteur NRU, en service depuis 1957 et qui devrait être arrêté d'ici à la fin de 2005. Le projet de réacteur pour isotopes médicaux MDS Nordion (RIMM), aussi situé aux laboratoires de Chalk River, comporte deux réacteurs MAPLE et une nouvelle installation de traitement des isotopes. EACL construit ces réacteurs et les exploitera, mais ils appartiendront toutefois à MDS Nordion. Ces réacteurs serviront à produire des radio-isotopes à des fins médicales.

Un réacteur MAPLE a démarré pour la première fois le 19 février de cette année; il devrait commencer à produire des isotopes médicaux d'ici à quelques mois. Le deuxième devrait suivre plus tard au cours de l'année.

En vertu du droit canadien, l'exploitant de toute installation nucléaire doit détenir un permis valide et délivré par la Commission de contrôle de l'énergie atomique. L'installation doit être exploitée conformément à la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, ses règlements d'application et aux conditions du permis d'exploitation. La nature essentielle du régime de permis est décrite dans la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, qui prévoit spécifiquement que, et je cite:

La Commission ne délivre, ne renouvelle, ne modifie ou ne remplace une licence ou un permis que si elle est d'avis que l'auteur de la demande, à la fois:

a) est compétent pour exercer les activités visées par la licence ou le permis;

b) prendra, dans le cadre de ses activités, les mesures voulues pour préserver la santé et la sécurité des personnes, pour protéger l'environnement, pour maintenir la sécurité nationale et pour respecter des obligations internationales que le Canada a assumées.

Contrairement à beaucoup d'organismes de réglementation nucléaire du monde, la CCEA ne délivre pas de permis d'exploitation à vie. Dans le cas des réacteurs de puissance, les permis sont en général délivrés pour deux ans. C'est la commission elle-même, formée de cinq commissaires, qui autorise la délivrance des permis après avoir tenu des séances publiques. Les commissaires sont nommés par le gouverneur en conseil. Avant l'expiration de chaque permis, le titulaire doit demander un renouvellement et soumettre à un examen public officiel son rendement antérieur et ses programmes futurs. En plus de soumettre à la commission des recommandations détaillées sur la délivrance de permis, les agents de la CCEA présentent aussi un bilan d'étape sur le rendement de chaque titulaire de permis et un rapport annuel de leur évaluation globale de l'état de la sûreté de l'industrie. Tous ces rapports sont des documents publics.

La CCEA fixe des normes de sûreté rigoureuses qui s'appliquent à la conception et à l'exploitation d'installations nucléaires, pendant leur exploitation normale et lors d'accidents possibles. Les propriétaires des centrales doivent démontrer, à la suite de toute une série d'analyses de la sûreté, que l'équipement de sûreté peut éviter de rejeter des matières radioactives au-delà des limites prescrites.

La CCEA a un effectif de quelque 420 personnes, dont la moitié environ oeuvre dans les secteurs de l'inspection des réacteurs et de la délivrance des permis. La CCEA a des bureaux permanents aux cinq endroits où il y a des réacteurs de puissance. Au total, 31 inspecteurs professionnels chevronnés dans le domaine de la sûreté des réacteurs sont répartis entre ces endroits et bénéficient de l'appui de membres du personnel technique et d'autres experts de l'administration centrale à Ottawa. Un groupe distinct d'inspecteurs situé à Ottawa s'occupe des réacteurs de plus faible puissance. Des membres du personnel se rendent régulièrement sur place effectuer des inspections.

Nous appliquons nos exigences en matière de sûreté de diverses façons. Tout d'abord, nos inspecteurs en centrale jouent un rôle important dans l'étude des questions de permis et sont chargés d'exécuter divers types d'inspections courantes du fonctionnement et de la maintenance des réacteurs. Ces inspecteurs ont l'appui d'experts à Ottawa qui ont les compétences spécialisées nécessaires pour examiner en détail tous les aspects de la sûreté des réacteurs comme la physique du réacteur, l'instrumentation et le contrôle-commande ainsi que les facteurs humains.

Outre les inspections courantes effectuées par le personnel sur place, nous procédons à toutes sortes d'inspections et d'évaluations détaillées qui sont réalisées par notre personnel à Ottawa. Ces activités comprennent des évaluations de la radioprotection, de la sécurité, de la préparation aux interventions d'urgence, ainsi que des vérifications d'assurance de la qualité. Nous procédons aussi à des évaluations des programmes de formation et nous établissons des examens écrits et en simulateur auxquels sont soumis des membres du personnel de l'exploitation afin de vérifier la compétence des personnes chargées de l'exploitation des réacteurs. Nous étudions de plus des événements qui se produisent aux installations nucléaires, tant au Canada qu'à l'étranger, afin d'en tirer des leçons qui pourraient améliorer la sûreté des réacteurs.

La Commission de contrôle de l'énergie atomique participe à diverses activités internationales, principalement par l'entremise de l'Agence internationale de l'énergie atomique et de l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE, afin d'apprendre de nos collègues de l'étranger et d'assurer que nos normes de sûreté sont conformes aux normes internationales. Notre présidente, Mme Agnes J. Bishop, a été la première à signer la Convention internationale sur la sûreté nucléaire pour le compte du Canada, et la délégation canadienne a joué un rôle de premier plan en avril dernier au cours de la première réunion des parties à cette convention importante.

Nos rapports publics sur les questions de permis traitent en détail des enjeux actuels de la sûreté. Je ne propose pas d'aborder chacun de ces enjeux. Je dirai que la CCEA a affirmé officiellement qu'elle n'est pas entièrement satisfaite des normes en vigueur qui régissent l'exploitation et la maintenance des réacteurs de puissance au Canada. Même si nous demeurons convaincus que les dispositions relatives à la sécurité du public, à la sécurité et à l'environnement suffisent pour permettre une exploitation à court terme, nous sommes déterminés à ne pas laisser miner le principe de la «défense en profondeur» qui sous-tend la sûreté au Canada. La Commission surveille les programmes d'amélioration d'Ontario Power et d'Énergie Nouveau-Brunswick et exige des deux titulaires de permis des rapports d'état périodiques.

En ce qui concerne les enjeux éventuels de la sûreté, j'aimerais aborder trois questions qui intéressent non seulement la Commission de contrôle de l'énergie atomique, mais aussi beaucoup d'autres organismes de réglementation nationaux. Ces questions font l'objet de discussions de plus en plus détaillées au cours de réunions internationales d'organismes de réglementation nucléaire. La première concerne la déréglementation du secteur de la mise en marché de l'électricité.

Ce qui préoccupe surtout les organismes de réglementation du Canada et d'ailleurs, c'est que la concurrence plus vive qui découle de la déréglementation pourrait entraîner une diminution des ressources consacrées aux questions de sûreté dans l'exploitation de centrales nucléaires, ou que le besoin de satisfaire à des engagements liés à l'alimentation en électricité incite les exploitants à prendre les décisions moins conservatrices en matière de sûreté. Autrement dit, nous craignons que la volonté des installations nucléaires de demeurer financièrement concurrentielles sur un marché déréglementé ne rejette dans l'ombre une partie de leurs besoins fondamentaux en matière de sûreté.

Comme d'autres pays, le Canada a vu diminuer les ressources disponibles pour la recherche afin d'appuyer l'exploitation sûre continue des installations autorisées. On a constaté une autre tendance, soit que les exploitants accordent de moins en moins d'attention à une planification appropriée et, par conséquent, à l'engagement budgétaire nécessaire envers des enjeux d'importance pour la sûreté à moyen ou à long terme. Il ne suffit pas, pour les dirigeants de centrales nucléaires, de concentrer leur attention seulement sur les problèmes de sûreté immédiats.

Les changements de propriété au niveau des entreprises qui possèdent et exploitent des installations nucléaires sont liés en partie à la déréglementation du marché, mais aussi à la privatisation des services publics d'électricité. Ces changements entraînent presque toujours des modifications des processus de gestion ou de la culture à l'intérieur des installations. Les changements de propriétaires et d'exploitants ne font pas toujours nécessairement baisser les résultats en matière de sûreté: ils peuvent aussi les améliorer, mais ces changements doivent être bien gérés.

Au Canada, où les installations ontariennes pourraient être privatisées, nous verrons peut-être aussi des changements de propriétaires. Je dois préciser très clairement qu'une entreprise d'exploitation ne peut céder un permis à une autre entreprise: il faut plutôt présenter une nouvelle demande de permis à la CCEA. Une telle demande doit suivre les procédures de la commission et être entièrement ouverte à l'intervention des intéressés.

Permettez-moi de passer maintenant aux questions de gestion. Les organismes de réglementation ne gèrent pas les installations nucléaires. Il est cependant devenu de plus en plus clair au cours de la dernière décennie que l'infrastructure organisationnelle, les facteurs humains et les processus de gestion peuvent jouer un rôle clé dans les résultats en matière de sûreté, et qu'ils en jouent un en réalité. Je crois qu'on a bien démontré que l'absence des bonnes pratiques dans ce domaine a joué un rôle important dans les incidents, les accidents et la dégradation des résultats en matière de sûreté survenus dans ces installations. C'est pourquoi les organismes de réglementation ne peuvent oublier ces facteurs dans l'évaluation des installations nucléaires.

Au cours des dernières années, la commission a mis au point un moyen prévisible, transparent et équitable d'évaluer si les structures et les processus organisationnels et administratifs peuvent maintenir la sûreté du fonctionnement afin que ces renseignements puissent appuyer à la fois le processus de délivrance de permis et la surveillance de la conformité. La méthodologie d'évaluation a déjà été mise à l'essai à une centrale nucléaire canadienne et est utilisée dans le contexte d'un cadre de réglementation aux laboratoires de Chalk River d'Énergie atomique du Canada Limitée et à la centrale nucléaire de Darlington.

En terminant, je veux ajouter quelques mots seulement sur le défi posé par la préparation de la relève, qui est importante à la fois pour l'industrie et pour ses organismes de réglementation. Comme organisme de réglementation, nous devons nous assurer que nous continuons de disposer d'un effectif averti qui possède les compétences spécialisées et l'expérience technique nécessaires pour que nous puissions nous acquitter de notre mandat. Ce ne sera pas facile. Le secteur des centrales nucléaires de l'industrie fait face à un avenir à long terme incertain au Canada et dans la plupart des autres pays occidentaux. Conjuguée à d'autres facteurs, cette incertitude fait que l'industrie n'est plus le choix de carrière attrayant et captivant qu'il a déjà été pour les jeunes. C'est pourquoi beaucoup de programmes universitaires de génie nucléaire sont disparus et d'autres professionnels essentiels des sciences appliquées décident de faire carrière ailleurs.

Ce défi n'est pas particulier au Canada. Au cours d'une réunion que l'Association internationale des organismes de réglementation nucléaire a tenue il y a quelques semaines et à laquelle assistait notre présidente, Mme Bishop, c'est une question qui a fait l'objet de discussions approfondies. La CCEA elle-même envisage diverses options pour relever le défi, y compris la valorisation de nos propres programmes de formation, les programmes coopératifs avec des universités et la coopération internationale avec d'autres organismes de réglementation.

L'industrie nucléaire a des défis semblables à relever pour maintenir les compétences spécialisées dont elle a besoin afin d'assurer la sûreté de ses opérations à l'avenir. L'impartition pratiquée de plus en plus par les titulaires de permis risque d'émousser encore davantage la capacité des exploitants de garder les compétences spécialisées nécessaires à certains secteurs d'exploitation. Comme l'organisme de réglementation, le titulaire de permis peut déléguer des activités, mais il ne peut déléguer ses responsabilités. Il doit demeurer responsable de la qualité du travail exécuté par les entrepreneurs. C'est pourquoi il doit garder le niveau de compétences spécialisées nécessaires à cette fin. Nous reconnaissons que beaucoup de secteurs de l'industrie prennent au sérieux la préparation de la relève et élaborent des programmes à cet égard.

Le sénateur Kenny: Bienvenue. Dans vos commentaires liminaires, vous avez eu selon moi un commentaire rassurant pour le comité, c'est-à-dire que la CCEA n'est ni pour ni contre l'utilisation de l'énergie nucléaire. Ainsi donc, vous n'avez pas d'intérêt à ce qu'elle se maintienne ou non sur le plan économique.

M. Harvie: C'est exact.

Le sénateur Kenny: J'aimerais voir jusqu'à quel point vous le croyez, parce qu'en apparence cela semble très positif. D'où viennent les commissaires de la Commission de contrôle de l'énergie atomique? De l'industrie? Où sont-ils formés? Quels sont leurs antécédents? Quelle culture marque la commission?

M. Harvie: Notre personnel provient de divers milieux. Certains ont déjà travaillé dans l'industrie, d'autres pas. Certains viennent tout droit de l'université. Fondamentalement, nous recrutons tous les experts que nous pouvons trouver qui s'y connaissent en sûreté nucléaire. Cependant, une fois qu'ils sont au service de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, nous tentons de leur faire comprendre que notre travail consiste à ce que tous les réacteurs nucléaires construits et exploités au Canada respectent les normes établies au chapitre de la sécurité, de la sûreté et de l'environnement.

Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Kenny: C'est un départ, monsieur. Je vous donne l'occasion de préciser, si vous le voulez. Si c'est tout ce que vous avez à dire, je vais poursuivre.

M. Harvie: Je ne pense pas avoir quoi que ce soit à ajouter. Nous avons pour responsabilité de veiller à ce que l'énergie nucléaire utilisée dans notre pays le soit en toute sécurité. Ce n'est pas à nous de décider si l'énergie nucléaire doit ou non être utilisée.

Le sénateur Kenny: Je comprends vos responsabilités. Ma question concernait davantage la culture des gens qui s'acquittent de ces responsabilités. C'est intéressant de savoir d'où ils viennent et quels peuvent être leurs préjugés lorsqu'ils arrivent ici. Il s'agit aussi d'une question très subjective. Bien sûr, il est difficile d'y répondre par «oui» ou «non». Cependant, notre comité tente de se faire une idée de la qualité et de la nature de votre commission. Je m'intéresse à tout ce que vous pouvez avoir à dire sur le sujet.

M. Michael Taylor, directeur général adjoint, Réglementation des réacteurs, Commission de contrôle de l'énergie atomique: Il y a un certain nombre d'aspects à prendre en considération, sénateur. Je comprends ce que vous voulez dire.

Le sénateur Kenny: Je ne veux rien dire. Je pose simplement une question.

M. Taylor: Par exemple, si vous deviez examiner les antécédents de mes collègues, vous verriez qu'ils sont très variés. Sur le plan ethnique, notre organisation est très multiculturelle. Nous avons des gens de partout dans le monde parce qu'il est souvent difficile de recruter au Canada des gens qui ont les compétences spécialisées qui sont nécessaires. Cependant, cela nous procure un important mélange de cultures, ce qui nous permet d'atteindre un certain équilibre dans les opinions que nous avons. Il serait futile de nier qu'une personne n'a pas toujours une quelconque forme de préjugés.

Nous fonctionnons en équipe. Ce sont des équipes, et non des personnes, qui s'occupent de l'octroi des permis et licences. Nous exprimons clairement nos principes. C'est la meilleure garantie que nous puissions offrir.

Le sénateur Kenny: Tôt ou tard, je vais finir par en arriver à vous demander dans quelle mesure une chose que vous jugez sûre est réellement sûre. Mais auparavant, j'aimerais vous poser une question au sujet de la situation dont vous avez parlé vers la fin de vos commentaires, monsieur Harvie. Vous avez dit ne pas être pleinement satisfait de certaines situations. Ma question concerne les pressions qui s'exercent sur vous pour que l'exploitation d'une installation se poursuive. Bien sûr, je suis convaincu que si vous pressentiez un danger imminent, vous prendriez des mesures. Cela dit, il me semble que vous avez mentionné qu'il y a certaines questions pour lesquelles vous êtes un peu mal à l'aise et souhaiteriez que des mesures un peu plus strictes s'appliquent dans l'avenir.

Je crois savoir que la «défense en profondeur» compte parmi vos principes de sûreté. Vous parlez d'une certaine redondance des systèmes. Pourriez-vous nous parler de la redondance totale? Autrement dit, si vous découvrez une centrale qui ne fonctionne pas de façon satisfaisante, l'un des plus importants problèmes que posera la fermeture de la centrale en question est la source d'énergie qui pourra alimenter la collectivité touchée. Est-ce là quelque chose dont vous tenez compte? Est-ce que c'est susceptible d'exercer des pressions sur votre organisation? Par exemple, si vous fermez le réacteur «X» ou «Y», vous pourriez ne pas avoir assez d'énergie pour allumer les lumières de la localité touchée.

M. Harvie: Oui, nous en tenons évidemment compte. Cependant, si la Commission de contrôle de l'énergie atomique considère qu'un réacteur nucléaire ne fonctionne pas de façon sûre, nous n'hésiterons pas à le fermer, quelles que soient les pressions exercées sur nous. Nous avons déjà eu l'occasion de le faire.

Le sénateur Kenny: Cela, c'est le cas où tout est noir ou bien tout est blanc. Regardons ce qui se passe dans les zones grises.

M. Harvie: Comme je l'ai dit, la Commission de contrôle de l'énergie atomique n'est pas pleinement satisfaite des normes d'exploitation et de maintenance des réacteurs nucléaires de notre pays à l'heure actuelle. C'est de notoriété publique. Les cinq membres de notre conseil ont exigé des exploitants de nombre de ces réacteurs qu'ils déposent tous les six mois un rapport sur ce qu'ils font pour améliorer la norme d'exploitation et de maintenance. Manifestement, nous ne sommes pas satisfaits de la qualité de l'exploitation à l'heure actuelle.

Par contre, nous procédons à beaucoup d'évaluations dans ces stations. Comme notre conseil, nous sommes convaincus que la qualité de l'exploitation à l'heure actuelle satisfait aux normes reconnues de protection de la sécurité publique. C'est pourquoi ils continuent à fonctionner.

Nous ne sommes pas convaincus que la qualité de la maintenance sera satisfaisante à long terme. C'est pourquoi nous demandons des améliorations. À l'heure actuelle, nous sommes convaincus que la sécurité publique n'est pas compromise. C'est pourquoi nous continuons d'accorder des permis à ces centrales.

Le sénateur Kenny: Monsieur Harvie, vous m'amenez sur le terrain de la sécurité plus vite que je m'y attendais. Cependant, c'est peut-être aussi bien comme ça, parce que je prends plus de temps qu'on m'en a alloué.

Lorsque vous dites que vous n'êtes pas satisfait, mais que vous jugez la situation suffisamment sûre pour vous permettre de continuer, qu'entendez-vous par là? Comment déterminez-vous ce qui est adéquat?

M. Harvie: Durant des années, nous avons établi des normes de sûreté pour la conception et l'exploitation des centrales nucléaires. Nous reconnaissons qu'il y aura des erreurs dans l'exploitation des centrales nucléaires. Nous n'irions jamais croire que personne ne fera jamais une erreur. Nous exigeons que des systèmes de sécurité soient installés dans ces réacteurs pour prévenir les accidents susceptibles d'exposer le public à des radiations. Nous exigeons que ces systèmes soient périodiquement mis à l'essai pour faire la preuve de leur fiabilité. Nous exigeons des analyses de la sécurité afin d'obtenir la preuve que si un accident se produit dans la centrale, les émanations radioactives seront limitées. Nous exigeons aussi des analyses lorsqu'un accident se produit et qu'un des systèmes de sécurité ne fonctionne pas pour nous assurer que les émanations se limiteront toujours aux seuils prescrits. Généralement, nous exigeons une analyse des probabilités pour toutes les défaillances dont les centrales peuvent être victimes. Nous exigeons qu'une analyse suffisante soit faite pour prouver que les centrales pourront limiter les dégâts si les choses tournent mal.

Trouver ce qui est adéquat équivaut un peu à se demander de quelle longueur est un bout de ficelle. Nous avons des experts professionnels de la sûreté des réacteurs qui se servent de leur jugement d'expert pour déterminer des seuils de sécurité adéquats. Nous croyons que les seuils de sécurité que nous imposons aux réacteurs nucléaires dans notre pays sont très élevés, surtout lorsqu'on les compare à d'autres risques auxquels sont exposés les citoyens de notre pays.

Le sénateur Kenny: Monsieur Harvie, à bien des égards, vous êtes probablement la personne la plus importante que nous rencontrerons pour notre étude.

M. Harvie: Vous me flattez.

Le sénateur Kenny: Non, je ne flatte pas les gens. Je suis sérieux. Les exploitants viendront nous dire: «Nous satisfaisons à toutes les normes. Nous satisfaisons à toutes les normes nationales et internationales, alors il n'y a pas de problème. Quelqu'un a déterminé un certain seuil, que nous atteignons; en fait, dans la plupart des cas, nous dépasserons même le seuil.» C'est vous qui déterminez le seuil. Par conséquent, nous voulons savoir comment vous établissez le seuil et à quel moment vous déterminez que le seuil est suffisant; comment vous déterminez la longueur de la ficelle et comment vous déterminez qu'elle est suffisamment solide, longue et bonne.

Peut-être qu'une séance ne nous permettra pas d'y arriver, mais bien franchement, si c'est vous qui êtes la pierre de touche de tous les intervenants de l'industrie au Canada, nous avons intérêt à savoir comment vous établissez les choses, quelles sont vos valeurs et comment vous déterminez qu'une mesure est suffisante.

M. Harvie: Je ne pense pas que les exploitants viendront vous dire qu'ils sont satisfaits de respecter des normes adéquates d'exploitation et de maintenance. Il est de notoriété publique que, en 1997, Ontario Hydro, comme on l'appelait alors, est allée chercher des gens dans un autre pays pour administrer ses réacteurs nucléaires. Si elle a dû se tourner vers des gens d'un autre pays pour administrer ses réacteurs, cela prouve que le chef de la direction n'était pas satisfait de la façon dont les réacteurs étaient alors administrés. Je ne pense pas que quiconque irait dire que la qualité de l'exploitation et de la maintenance des réacteurs nucléaires dans notre pays est tout à fait satisfaisante.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, sénateur Kenny, je répète que nous avons à notre service des experts qui connaissent très bien tous les éléments de la sûreté des réacteurs. Nous traitons à l'échelle internationale avec des gens qui réglementent les réacteurs nucléaires dans d'autres pays. Nous traitons avec l'Agence internationale de l'énergie atomique et l'Agence pour l'énergie nucléaire à Paris. Nous sommes membres du comité sur les activités nucléaires réglementaires de cette agence. Nous avons participé très activement aux réunions des parties à la convention sur la sécurité nucléaire en avril dernier. Nous avons par conséquent l'occasion de comparer les normes que nous établissons avec celles qui sont établies dans le monde entier par des experts d'autres pays et d'organisations internationales.

Compte tenu de l'expertise de notre personnel, de l'examen que nous faisons de ce que font les autres pays et de notre participation à des activités internationales, nous croyons que nous établissons des normes qui sont strictes et qui protègent la sécurité du public canadien.

Le sénateur Cochrane: J'ai quelques questions précises à vous poser au sujet de certaines choses qui se sont passées depuis quelques années. Je crois savoir que la Commission de contrôle de l'énergie atomique et Santé Canada ont annoncé le mois dernier un nouveau programme de surveillance nationale qui examinera les raisons pour lesquelles les taux de cancer sont plus élevés chez les personnes qui vivent près des installations de recherche et des centrales nucléaires, comme à Pickering et à Chalk River. Selon moi, c'est une mesure très positive. Il est important d'examiner les effets sur la santé; autrement, on pourrait ne même pas savoir qu'ils existent. J'ai plusieurs questions au sujet de ce programme.

Quelqu'un a dit devant notre comité que le Canada produit de l'énergie nucléaire depuis 50 ans, de sorte que les habitants de certaines localités y ont été exposés durant très longtemps. Quel sorte de contrôle a été exercé jusqu'à maintenant? En quoi le nouveau programme différera-t-il de ce qui s'est fait dans le passé? Quand vous attendez-vous à obtenir des résultats? Enfin, qu'est-ce exactement qui vous a poussé à faire cela?

M. Harvie: Avant de demander à mon collègue, M. Utting, de répondre à cette question, j'aimerais d'abord dire que, durant les nombreuses années où nous avons réglementé ces réacteurs, nous l'avons fait selon des normes très strictes, de sorte que toute émanation de matières radioactives dans leur cas est très faible en comparaison avec le rayonnement naturel auquel nous sommes tous exposés. En fait, elle sont faibles compte tenu de la variation de ce rayonnement naturel. Par conséquent, nous ne pensons pas que la santé des personnes qui vivent à proximité des réacteurs nucléaires soit différente de celle du reste de la population. Quoi qu'il en soit, nous procédons à cette étude tout simplement pour confirmer que c'est bel et bien le cas.

M. Rod Utting, directeur, Division de la protection radiologique et environnementale, Commission de contrôle de l'énergie atomique: Comme l'a dit M. Harvie, des études ont été faites dans le passé. L'une des difficultés inhérentes à ce type d'études est qu'il est pratiquement impossible de prouver ce qui n'est pas. En d'autres termes, il est impossible de prouver qu'il n'y a pas d'effet -- que ce soit sur la santé ou sur toute autre chose. Tout ce que nous pouvons faire, c'est prouver que la probabilité est extrêmement faible. Des études réalisées dans le passé n'ont pas permis de faire ressortir que la santé de la population qui vit à proximité d'installations nucléaires est affectée. Quoi qu'il en soit, d'autres études sont faites; comme vous l'avez dit, une nouvelle étude commencera sous peu et portera sur un échantillon encore plus grand de la population.

Le sénateur Cochrane: Revenons à Chalk River. La CCEA a accusé AECL d'avoir exposé en mai dernier des travailleurs à un rayonnement tandis qu'ils nettoyaient des conduits de ventilation dans un édifice qui était vacant depuis 1957. D'après ce que j'ai compris, c'est à Chalk River que s'est produit le premier accident nucléaire de l'histoire, en 1952. Le coeur du réacteur a été détruit, le combustible a fondu, et il y a eu une série d'explosions. L'ex-président Jimmy Carter, à l'époque ingénieur pour la marine américaine -- je suis sûr que vous connaissez cette histoire -- faisait partie de l'équipe chargée du nettoyage. En 1958, il y a eu un autre accident grave. Des barres de combustible se sont enflammées. Nous les avons vues hier. Plus de 600 personnes ont participé au nettoyage dans ce cas.

J'ai lu certaines histories d'horreur dans les journaux, et elles sont véritablement horribles. Je sais qu'il est très difficile, comme vous l'avez dit, de déterminer si tout cela est un résultat de ce qui s'est produit, mais quel suivi médical a été fait auprès du millier d'hommes qui ont participé au nettoyage à Chalk River? Je sais que cela fait longtemps, mais un suivi doit être fait auprès de ces gens. On ne peut simplement les laisser tomber. Ils se sont portés volontaires pour faire ce travail; ce sont de bons citoyens. Savons-nous si on a observé un taux de cancer inhabituel après ces accidents?

J'ai lu que certains rapports d'AECL soulignent qu'un très petit nombre des hommes qui ont participé aux opérations de nettoyage ont été exposés à un rayonnement supérieur à ce qui était permis à l'époque. Mais les règlements changent. Il faut faire un suivi. Le rayonnement admissible à l'époque est-il le même aujourd'hui? Pourriez-vous me dire si le rayonnement permis à l'époque a diminué depuis les années 50? Les équipes de nettoyage d'aujourd'hui seraient-elles exposées à un rayonnement de même intensité?

M. Harvie: L'accident survenu chez NRX en 1952 figure très certainement parmi les expériences qui ont fait l'apprentissage du Canada dans le domaine de l'énergie nucléaire. Nombre des règles de sécurité en place aujourd'hui découlent des leçons que nous avons tirées à l'époque. L'accident survenu chez NRU en 1958 était moins grave, mais, encore une fois, nous en avons tiré des leçons.

Quant à savoir ce que les gens responsables du nettoyage ont pu recevoir, je devrai me tourner vers certains de mes collègues. Je ne crois pas qu'il y ait eu de cas graves d'exposition au rayonnement, mais je demanderais à Mme Maloney de me venir en aide ici.

Mme Cait Maloney, directrice, Division des relations extérieures et de la documentation, Commission de contrôle de l'énergie atomique: Nous n'avons pas apporté avec nous de précisions sur cette étude. Toutefois, nous sommes certainement prêts à jeter un coup d'oeil sur certains de ces faits.

Une étude remontant aux années 80 et portant sur la santé des travailleurs et des ex-travailleurs de la CCEA a montré que les gens en question étaient en fait en meilleure santé qu'un échantillon de la population générale pris au hasard. C'est un fait que l'on doit prendre en considération. Il faut tenir compte du syndrome du travailleur bien portant.

Tout de même, j'irai chercher cette étude et je la mettrai à votre disposition.

Pour ce qui est de ce que vous avez dit à propos des limites réglementaires, vous avez raison. À ce stade, les limites n'étaient pas aussi rigoureuses qu'elles le sont aujourd'hui. Elles ont été resserrées plusieurs fois depuis. Le nouvel ensemble de dispositions législatives et réglementaires les resserrera encore plus.

Le sénateur Cochrane: Ces gens ont-ils fait l'objet d'un suivi?

Mme Maloney: Une étude a été réalisée durant les années 80. À notre connaissance, il n'y a eu rien d'autre. Nous allons vérifier cela et vous revenir là-dessus.

Le sénateur Cochrane: J'aimerais que vous déterminiez s'il y a eu quelque chose même jusqu'à aujourd'hui.

Mme Maloney: Oui, nous allons faire cela.

Le sénateur Kelleher: Monsieur Harvie, je vous renvoie à la page 5 de votre mémoire, au premier paragraphe, à la rubrique intitulée «Enjeux actuels et éventuels en matière de sûreté». Vous y dites:

Même si nous demeurons convaincus que les dispositions relatives à la sécurité du public, à la sécurité et à l'environnement suffisent pour permettre une exploitation à court terme...

Qu'entendez-vous par «à court terme»? Pourriez-vous nous indiquer la période dont il s'agit? Est-ce un an, deux ou trois ans, ou encore six mois?

M. Harvie: Les permis que nous délivrons actuellement pour l'ensemble des centrales nucléaires au Canada valent pour une période de deux ans. L'expression «à court terme» signifie pour les quelques années à venir. Tous les deux ans, chacun des titulaires d'un permis doit venir expliquer à notre conseil pourquoi il doit continuer d'exploiter ces réacteurs. Il ne nous suffit pas de savoir que la qualité du fonctionnement et de l'entretien de la centrale est adéquate à long terme, c'est-à-dire cinq à dix ans.

Le sénateur Kelleher: Je crois connaître la réponse à la question que je vais poser, mais je veux être absolument sûr de mon coup. Nous avons entendu dire dans un témoignage l'autre jour que le Canada -- c'est-à-dire la CCEA -- a vendu des installations nucléaires à l'étranger, particulièrement en Corée et en Roumanie. Une fois les installations sorties du pays, conservez-vous quelque autorité ou compétence que ce soit sur elles?

M. Harvie: Nous n'avons aucunement le pouvoir légal de réglementer les réacteurs nucléaires dans d'autres pays, tout comme les autres pays n'ont pas le pouvoir légal de réglementer les réacteurs au Canada. Lorsque le Canada vend un réacteur à un autre pays, toutefois, nous sommes invariablement appelés à aider à former des gens et à conseiller ceux qui sont chargés de la réglementation là-bas. Par exemple, dans le cas de la Roumanie et dans celui de la Corée, nous avons délégué pendant des années des experts en sûreté nucléaire de la Commission de contrôle de l'énergie atomique sur les lieux mêmes des installations en question là où les centrales ont été mises en service, pour conseiller les gens chargés de la réglementation. Nous n'avons aucun pouvoir légal dans les autres pays, mais on nous demande invariablement d'aider les autorités de réglementation qui possèdent le pouvoir légal de réglementer l'utilisation de ces réacteurs.

Le sénateur Kelleher: Je voulais vérifier auprès de vous certaines choses concernant la remise en service de la centrale de Pickering A. Si je ne m'abuse, la CCEA a délimité la portée d'une évaluation environnementale portant sur la remise en service des quatre réacteurs qui s'y trouvent. Vous êtes en train de réaliser cette évaluation en ce moment même, si je ne m'abuse. Est-ce bien cela?

M. Utting: Oui, c'est cela.

Le sénateur Kelleher: Je voulais être sûr. Si ma prémisse est fausse, la question n'a aucune valeur. Il paraît que c'est ce qu'on appelle un «examen préalable» et non pas une évaluation environnementale pleine et entière avec les audiences publiques que cela suppose. Est-ce bien cela?

M. Utting: Ça s'appelle un examen préalable.

Le sénateur Kelleher: Selon la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, si l'évaluation passe au stade suivant, où on parle d'évaluation globale, la société Ontario Power Generation, l'ancienne Ontario Hydro, devra alors présenter aussi les faits pertinents quant aux solutions de rechange à la remise en service des réacteurs.

M. Utting: Je ne suis pas sûr de cet aspect particulier des choses.

Mme Maloney: La Loi sur l'évaluation environnementale comporte plusieurs catégories de travaux réalisables, dont l'étude globale. Cela s'applique à une liste précise de projets. Ce n'est pas le cas d'un examen préalable qui devient une étude globale. On procède soit à l'examen préalable, soit à l'étude globale. Les examens préalables peuvent exiger presque autant d'information que les études globales, mais vous avez raison de dire que, sur le plan juridique, l'élément qui les distingue, c'est qu'il n'est pas obligatoire de prévoir des solutions de rechange.

Le sénateur Kelleher: Si je ne m'abuse, la société Ontario Power Generation a déjà étudié quelque peu les solutions de rechange à la remise en service de ces réacteurs. Sans porter atteinte à la confidentialité des renseignements en question, dans la mesure où il y en aurait, pouvez-vous nous dire si vous avez jeté un coup d'oeil aux solutions de rechange que la société a étudiées et évalué de façon préliminaire si une mise en service est nécessaire ou non?

M. Harvie: Il n'est pas de notre ressort d'étudier des solutions de rechange à l'utilisation des réacteurs nucléaires. Notre travail consiste à nous assurer que, si des réacteurs nucléaires sont utilisés au Canada, ils le sont d'une manière sécuritaire qui respecte la santé, la sécurité, la sûreté et l'environnement. La question de savoir s'il existe des solutions de rechange qui seraient supérieures d'autres points de vue, et ainsi de suite, n'a rien à voir avec notre travail. Notre travail consiste à nous assurer que l'exploitation des réacteurs, si cela se fait, se fait d'une façon sécuritaire.

Le sénateur Kelleher: Si, selon la loi, la société Ontario Power Generation Incorporated doit présenter des solutions de rechange -- sous réserve que les choses passent à l'étape suivante -- évidemment, quelqu'un doit se pencher sur ces solutions de rechange. Qui serait-ce?

M. Harvie: Quelqu'un doit le faire, mais ce n'est pas la Commission de contrôle de l'énergie atomique.

Mme Maloney: Ces exigences sont précisées dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, dont l'application relève du ministre de l'Environnement. C'est ce ministère qui prendrait les décisions de cette nature. Tout de même, de la façon dont les choses sont structurées, l'étude des solutions de rechange ne serait pas mise à l'ordre du jour, car il s'agirait d'un examen préalable.

La présidente: Auriez-vous l'obligeance de nous expliquer le fonctionnement de la loi? Si vous aviez autorisé une évaluation globale, il y aurait eu automatiquement étude de solutions de rechange. Toutefois, la CCEA n'a pas autorisé cela. C'est bien cela?

Mme Maloney: Non. Sauf tout le respect que je vous dois, la liste qui se rapporte à l'étude globale est une liste très prescrite. Si vous deviez la parcourir, vous constateriez qu'il y a là certains éléments déclencheurs. La remise en route ou en service de la centrale de Pickering ne figure pas sur cette liste. Si nous avions dit au titulaire du permis: «Vous devez réaliser une étude globale», celui-ci aurait pu contester le fondement juridique de notre décision, car ce n'est pas de cette façon que la loi est structurée.

La présidente: Ceci nous aiderait, puisqu'il s'agit d'une question importante: pourriez-vous nous présenter un document écrit dont le sujet serait les exigences de la loi. Ce que vous avez dit ne correspond pas à ce que j'en sais moi-même.

Mme Maloney: Je le ferai.

Le sénateur Wilson: Ma première question s'adresse à M. Ferch. Pour ce qui est du déclassement et de la gestion des déchets, est-ce qu'on a prévu des fonds? Dans les notes pour l'allocution de Mme Bishop, qu'on a fait circuler, Mme Bishop fait remarquer que cela serait établi à des intervalles appropriées.

Est-ce qu'il existe un fonds spécialement prévu pour cela, ou encore est-ce que ce sera comme la dernière fois, quand la société qui s'appelait alors Ontario Hydro a simplement fait des transferts de documents sans qu'il y ait d'argent?

M. Richard Ferch, directeur, Division des déchets et du déclassement, Commission de contrôle de l'énergie atomique: À l'heure actuelle, en application de la loi qui existe, nous n'avons pas le pouvoir législatif requis pour exiger des titulaires d'un permis qu'ils mettent en place un tel fonds. Nous aurons ce pouvoir avec l'adoption de la nouvelle loi.

En ce moment, je ne saurais dire précisément si Ontario Power a mis de côté des fonds pour un futur déclassement, autrement que pour dire que cette société est la propriété du gouvernement de l'Ontario. Si je ne m'abuse, en tant que société, elle a toujours l'appui du gouvernement de l'Ontario.

Selon la nouvelle loi, nous allons exiger des plans de déclassement avec des estimations des coûts, suivis de garanties financières sous une forme ou une autre, c'est-à-dire une caisse distincte ou autre chose, ce qui devra suffire à couvrir le coût intégral de l'exercice selon nos exigences. En ce moment, je n'ai pas les données en question. Je ne peux parler avec certitude.

Le sénateur Wilson: Lorsque la nouvelle loi sera adoptée, allez-vous pouvoir revenir pour explorer cette question?

M. Ferch: Oui.

Le sénateur Wilson: Ma deuxième question concerne la participation du public. Je suis heureuse de savoir que la CCEA a ouvert quelque peu les choses pour que le grand public ait l'occasion d'assister aux réunions de la commission. Y a-t-il une forme quelconque d'aide financière aux intervenants, pour que les citoyens intéressés puissent se rendre à vos réunions?

M. Harvie: Il y a depuis plusieurs années une participation publique aux réunions de notre conseil. Les réunions du conseil sont ouvertes au grand public et aux intervenants, sans entrave. En ce moment, il n'y a pas d'aide financière de la sorte.

Le sénateur Wilson: Avez-vous l'intention de faire en sorte qu'il soit possible pour les gens de se rendre là? Dire que les réunions de votre conseil sont ouvertes, c'est une chose; mais si les gens ne peuvent s'y rendre, à quoi bon?

M. Harvie: Nous tenons les réunions du conseil à proximité des installations pour lesquelles nous accordons des permis. Notre conseil se réunit régulièrement à Ottawa. Lorsque le conseil prend des décisions concernant l'attribution d'un permis à la centrale de Bruce, par exemple, il essaiera de tenir l'une des réunions à quelques milles de la centrale de Bruce, pour que les membres du grand public puissent y assister.

Le sénateur Wilson: Avez-vous l'intention d'étudier la possibilité d'une aide financière aux intervenants?

M. Harvie: Le règlement actuel ne prévoit pas cela. Le projet de règlement associé au projet de loi ne prévoit pas d'aide financière aux intervenants.

Le sénateur Wilson: La réponse est non.

Le sénateur Kenny a soulevé la question du degré de sécurité. Vous avez dit que le public allait pouvoir comprendre les normes de rendement appliquées à la sécurité, ce qui me paraît très important. Auprès de quel public avez-vous essayé d'expliquer les normes en question, pour savoir s'il les comprenait?

M. Harvie: Nous avons réalisé plusieurs études concernant les vues du public sur la Commission de contrôle de l'énergie atomique et sur ce que nous faisons. Je n'ai pas à portée de la main la réponse à votre question.

Mme Maloney: Puis-je ajouter ceci? Au cours des quelques dernières années, nous avons commencé à recourir à des discussions de groupe, pour déterminer si le grand public peut comprendre ces sujets. Je ne peux pas parler précisément de cet exemple, mais je présumerais que notre division des communications travaillerait à cela de concert avec les gens responsables des réacteurs.

Le sénateur Wilson: Je pose la question parce que je crois qu'il est très important que le public soit au courant des choses. Cela m'a encouragée de vous entendre dire que les gens pourraient comprendre cela. Je me suis demandé ce qui vous permettait de faire une telle déclaration.

Mme Maloney: Le genre de travail que nous avons fait prend la forme de sondages réalisés auprès de groupes étalons, c'est-à-dire simplement des gens que l'on rencontre dans la rue.

Le sénateur Wilson: J'ai rencontré nombre d'entre vous au moment de la préparation du rapport Seaborn il y a trois ans. Un grand nombre de ceux qui ont participé à la présentation de ce rapport ont dit se soucier de l'estimation des risques que fait la Commission internationale de protection radiologique, que certains ont décrit comme étant une oligarchie dont le seul intérêt serait de se perpétuer elle-même. C'est elle qui a établi les normes en question.

J'ai remarqué une assez forte divergence d'opinions dans l'exposé de Mme Bishop. Certaines personnes croient que les doses de rayonnement étaient tout à fait convenables, d'autres qu'elles étaient trop basses et ainsi de suite. Je sais qu'il faut un certain temps pour que la CCEA intègre les recommandations à son règlement. Avez-vous quelque chose à dire quant aux risques du rayonnement et à la perception qu'a le public du temps qu'il faut pour la CCEA d'intégrer les recommandations à son règlement, même s'ils sont acceptables, ce qui n'est pas le cas.

M. Utting: Je ne comprend pas. Des membres du grand public estiment que les normes fixées sont trop basses?

Le sénateur Wilson: Nombre de gens sont de cet avis en ce qui concerne l'organisme international.

M. Utting: Nos normes sont fondées sur les recommandations de la Commission internationale de protection radiologique, comme vous l'avez dit. Cette organisation nous inspire confiance à nous. Presque tous les pays du monde fondent leurs normes en matière de rayonnement sur les recommandations de la CCPR. Nous n'avons aucune raison de croire que ces recommandations ne seraient pas les meilleures qui soient.

Le sénateur Wilson: Je soulève la question car les membres du grand public sont nombreux à n'être pas d'accord avec vous à ce sujet.

Quel temps faut-il pour intégrer les normes dans votre règlement? Il semble s'être écoulé beaucoup de temps avant que vous ne rattrapiez ce qui a été fait il y a cinq ans.

M. Utting: Nous avons rédigé et proposé un nouveau règlement à partir des recommandations de la CCPR, règlement qui -- nous l'espérons et nous le croyons bien -- entrera en vigueur cette année.

Le sénateur Wilson: À quel moment? Leur règlement couvre les cinq dernières années ou quoi?

M. Utting: Parlez-vous des recommandations de la CCPR?

Le sénateur Wilson: Oui.

M. Utting: Les recommandations sur lesquelles le nouveau règlement est fondé ont été publiées en 1992 ou autour de cette année.

Le sénateur Wilson: C'est beaucoup de temps qui s'est écoulé.

Le sénateur Taylor: J'ai plusieurs questions. Je vous prie de m'arrêter lorsque mon temps ce sera écoulé.

À la page 3 de votre mémoire, on peut lire:

Contrairement à beaucoup d'organismes de réglementation nucléaire du monde, la CCEA ne délivre pas de permis d'exploitation à vie. Dans le cas des réacteurs de puissance, les permis sont en général délivrés pour deux ans. C'est la Commission elle-même, formée de cinq commissaires, qui autorise la délivrance des permis après avoir tenu des séances publiques.

J'aimerais savoir si les audiences en question portent sur la sécurité et seulement sur la sécurité? Elles traitent donc aussi des prix ou du prix des solutions de rechange, par exemple? D'après vos réponses, je déduirais que les audiences portent sur la sécurité seulement.

M. Harvie: Tout à fait. Notre conseil envisage le renouvellement du permis se rapportant à un réacteur à l'occasion de deux réunions tenues sur une période de trois mois. Le conseil tient compte des observations de notre personnel et de tout membre du grand public ou groupe d'intérêt qui souhaite présenter des arguments. Notre conseil est responsable de s'assurer que, dans la mesure où les réacteurs nucléaires sont utilisés, ils sont utilisés de manière sécuritaire. Il ne nous appartient pas de chercher à savoir si l'énergie nucléaire est supérieure ou inférieure à d'autres options.

Le sénateur Taylor: Y a-t-il eu un membre du grand public qui, lorsque l'on remet en question vos prétentions quant à la sécurité, a fait valoir qu'une grande centrale au charbon ou au gaz naturel vaudrait mieux que deux centrales nucléaires?

M. Harvie: Je ne peux me souvenir d'une occasion où des arguments comme ceux-là ont été présentés à notre conseil.

Le sénateur Taylor: La sécurité seulement.

M. Harvie: Nous étudions la sécurité des réacteurs. Les décisions concernant l'à-propos de l'énergie nucléaire ne font pas partie du mandat de la Commission de contrôle de l'énergie atomique.

Le sénateur Taylor: Dans un paragraphe de la page 6 de votre mémoire, on peut lire:

Au cours des dernières années, la Commission a mis au point un moyen prévisible, transparent et équitable d'évaluer si les processus et les structures organisationnels et administratifs peuvent maintenir la sûreté du fonctionnement afin que ces renseignements puissent appuyer à la fois le processus de délivrance de permis et la surveillance de la conformité.

La surveillance de la conformité est une question très intéressante, car, en général, les accidents nucléaires ne sont jamais survenus à l'étape de la construction; c'est plutôt du côté du fonctionnement que cela se produit.

Qu'est-ce que cela veut dire? Restez-vous là dans votre tour d'ivoire ou encore vous munissez-vous d'un casque de sécurité pour aller faire le tour de la centrale, sans le dire à personne, pour déterminer si les choses sont conformes?

M. Taylor: Oui, nous saisissons un casque de sécurité et faisons le tour de la centrale sans préavis. De toute façon, nos gens sont au poste à temps plein. Comme M. Harvie l'a fait remarquer, nous avons 31 personnes disséminées dans les centrales d'énergie. C'est leur travail que d'être au poste.

La question de la gestion a représenté un défi pour les autorités de réglementation dans le monde entier. De tradition, celles-ci se concentraient sur la conception et sur ce que faisaient les exploitants. Toutefois, il est très clair -- si vous étudiez les cas de Tchernobyl et Three Mile Island, par exemple -- vous constatez que la politique de gestion a un impact très sérieux et très important sur la sécurité.

Il a été difficile de réglementer la façon dont une installation est gérée. La commission américaine de réglementation nucléaire a essayé cela diverses fois par le passé, mais elle a abandonné l'idée tout à fait, car il n'appartient pas à une autorité de réglementation de dicter la façon de gérer les choses ou la nature de l'organisation en place.

Au Canada, nous avons mis au point un modèle comportant des éléments qui sont qualifiés comme étant les caractéristiques idéales de la gestion efficace d'une machine complexe comme un réacteur nucléaire. La clarté des objectifs et la compréhension de la direction en sont des exemples.

Nous avons mis au point une méthode pour mesurer ces choses de manière raisonnablement impartiale, et nous employons cette méthode. Nous avons constaté qu'elle procure des indicateurs utiles à notre conseil, pour savoir jusqu'à quel point la centrale est bien gérée et jusqu'à quel point les communications, par exemple, se font bien entre la haute direction et les exécutants.

Nous sommes là sur le terrain pour nous assurer de ce genre de choses.

Le sénateur Taylor: Il a été question des normes de construction, des normes de fonctionnement et des normes appliquées aux exploitants. Les normes de construction et les normes de fonctionnement sont assez faciles à établir, mais ce n'est pas le cas des normes appliquées aux exploitants. C'est là que les accidents surviennent.

Permettez-moi de faire une analogie avec l'industrie automobile. Ce ne sont pas les moteurs déréglés qui sont à l'origine des accidents; ce sont les conducteurs déréglés qui causent les accidents. À la relecture de votre rapport, on constate que vous parlez d'un manque de formation. Nous avons vu hier des photos de gens qui appuient sur des manettes et actionnent des commutateurs. Est-ce qu'ils savent ce qu'ils font? Qu'en est-il des choses simples comme les tests de dépistage de drogue ou d'alcool? Quel rôle jouez-vous pour ce qui touche les responsables de l'exploitation à l'intérieur de la centrale?

M. Harvie: La réponse est très claire. Nous évaluons bien les programmes de formation des gens qui doivent faire fonctionner la centrale, pour nous assurer qu'il s'agit de bons programmes de formation. Les personnes clés, c'est-à-dire les chefs de quart et les opérateurs de salles de commande, doivent subir des examens. Elles subissent des examens écrits et des examens à l'aide d'un simulateur, pour démontrer qu'elles possèdent la compétence voulue pour faire fonctionner la centrale. La Commission de contrôle de l'énergie atomique établit et gère les examens en question. Il ne fait donc aucun doute que nous prenons cela très au sérieux. Il y a chez nous toute une division qui se consacre à l'évaluation de la formation et de la qualification des gens qui font fonctionner les centrales.

Quant aux tests de dépistage de la drogue et e l'alcool, nous n'effectuons pas au Canada, comme cela se fait dans d'autres pays, des tests au hasard pour dépister les drogues et l'alcool. Nous exigeons quand même des dirigeants d'une centrale qu'ils appliquent des procédés pour aider les superviseurs à déceler les cas d'employés qui auraient des difficultés. Toutefois, nous n'effectuons pas de tests de dépistage au hasard.

Le sénateur Taylor: Est-ce que ce sont des normes qui s'apparentent à celles que l'on applique aux responsables des transporteurs aériens? Ils sont assujettis à des tests effectués au hasard pour toute consommation excessive. Pourriez-vous «emprunter» cette règle de l'industrie aérienne? La personne à la tête d'une centrale nucléaire est peut-être plus dangereuse que la personne aux commandes d'un avion?

M. Taylor: Nous avons étudié cela très sérieusement. Nos principaux titulaires de permis, particulièrement Ontario Hydro, ont étudié cela très sérieusement. Ils aimeraient introduire des tests de dépistage au hasard. Toutefois, selon les conseils de leurs avocats et selon les conseils de nos avocats, c'est une idée qui ne passera pas au Canada.

Nous avons donc dû faire de notre mieux. Comme M. Harvie l'a dit, nous avons exigé des titulaires de permis qu'ils mettent en place les meilleures mesures de surveillance possible, dans les limites de la loi.

Le sénateur Taylor: Je vais passer à un autre domaine tout à fait. Nous avons réuni le comité non seulement parce que nous croyons avoir une responsabilité, du fait que nous fabriquons à grande échelle des réacteurs nucléaires, mais aussi parce que l'énergie nucléaire est utilisée de plus en plus dans le monde. Lorsqu'il y a un accident nucléaire, ce n'est pas que le quartier autour qui est affecté. La centrale rejette dans l'air des substances qui pourraient affecter les générations à venir, non seulement dans les pays avoisinants, mais sur un autre continent aussi. Par conséquent, nous allons étudier la question du contrôle international. Vous avez parlé de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à Vienne.

Fait-on des progrès au Canada ou joue-t-on un rôle de chef de file pour essayer de faire adopter une norme internationale qui rehausserait le niveau d'inspection? Cela m'a agacé de vous entendre dire que vous n'aviez pas plus d'influence sur un autre pays qu'un autre pays pouvait en avoir ici. Nous avons organisé cette étude du comité pour essayer de contourner cette difficulté. La libre entreprise dans le domaine de la production d'énergie, c'est une chose; la libre entreprise dans le domaine de la réglementation de la sécurité, c'en est une autre.

Y a-t-il quoi que ce soit aux Nations Unies qui donnerait du mordant à l'AIEA? Nous faisons cela sur le plan militaire -- nous envoyons des gens à certains endroits par avion et créons des zones de paix. Y a-t-il quelqu'un qui envisage l'énergie nucléaire en vue de l'inscrire dans un système réglementaire international qui serait à la hauteur des normes que nous disons avoir au Canada?

M. Harvie: Nous participons très activement aux activités de l'Agence internationale de l'énergie atomique pour ce qui est d'élaborer des normes internationales régissant la sécurité des centrales nucléaires. Le Canada est également un chef de file en ce qui concerne l'élaboration de la Convention internationale sur la sûreté nucléaire. Mon prédécesseur a présidé l'organisation qui a conçu cette convention. La première réunion des parties a été tenue au mois d'avril dernier. Là, chacun des pays ayant signé la convention devait produire un rapport énonçant ce qu'il fait pour s'assurer que les réacteurs nucléaires sont sûrs à l'échelle nationale. Les rapports en question sont scrutés à la loupe par les pairs dans d'autres pays. Les gens ont l'occasion de poser des questions à d'autres pays pour savoir ce que font ceux-ci pour assurer le fonctionnement sécuritaire des réacteurs nucléaires. Par conséquent, il y a à l'échelle internationale un très bon processus qui permet d'examiner rigoureusement les normes de sécurité appliquées dans chacun des pays et de faire rapport à ce sujet.

La plupart des pays ne souhaitent pas qu'une autorité internationale réglemente l'industrie nucléaire. Par conséquent, la Convention sur la sûreté nucléaire exige d'un pays donné qu'il révèle aux autres pays les mesures qu'il adopte en matière de sécurité, de sorte qu'il doit répondre à des questions au sujet de la sûreté nucléaire. Toutefois, il ne s'agit pas d'une autorité de réglementation internationale. Il existe des organisations chargées des inspections. L'Agence internationale de l'énergie atomique compte des systèmes pour l'inspection des activités d'une installation nucléaire, à la demande des pays. Une organisation appelée l'Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires réalise les inspections de centrales nucléaires à la demande de divers pays. Il existe donc des mécanismes internationaux qui permettent de se pencher sur la sécurité des réacteurs nucléaires.

Le sénateur Taylor: Croyez-vous que les échanges fonctionnent assez bien?

M. Harvie: Oui.

Le sénateur Taylor: Feriez-vous une exception du cas de la Russie ou de celui de l'Inde? Les centrales russes et indiennes sont-elles à la hauteur?

M. Harvie: La Russie et l'Inde sont toutes deux membres de l'Agence internationale de l'énergie atomique. La Russie a signé et ratifié la Convention sur la sécurité nucléaire. L'Inde, au mois d'avril dernier, ne l'avait pas encore fait.

Le sénateur Taylor: J'ai une question concernant l'usage fait du combustible épuisé, par rapport à l'utilisation du combustible nouveau. Il y a tout un débat en ce moment sur cette question. Est-ce que cela relève du mandat du comité en matière de sécurité?

La présidente: Le combustible MOX.

Mme Maloney: Le retraitement.

Le sénateur Taylor: Oui. Est-ce une affaire de sécurité selon vous, ou ce combustible est-il une affaire économique, sociale ou militaire?

M. Harvie: Comme condition pour obtenir un permis d'exploitation, il faut faire approuver par la Commission de contrôle de l'énergie atomique la conception du combustible utilisé. Jusqu'à maintenant, personne n'a demandé de pouvoir utiliser autre chose que l'uranium naturel comme combustible dans les réacteurs CANDU. Personne n'a présenté de demande en vue d'utiliser un combustible retraité.

Le sénateur Taylor: Je poserai la même question au sujet de l'élimination des déchets. Est-ce que cela relève de votre mandat?

M. Harvie: Oui. M. Ferch est directeur de notre division des déchets et du déclassement. Il peut répondre à toutes les questions que vous avez à propos des déchets.

Le sénateur Taylor: J'ai vu le rapport sur les déchets hier, et j'en suis satisfait. Toutefois, c'est une question sur laquelle les adversaires de l'énergie nucléaire semblent se concentrer. Cela semble vraiment leur faire peur.

Notre méthode de manutention des déchets est-elle meilleure que celles qui sont employées ailleurs dans le monde, ou encore pire? Est-ce qu'on pourrait y apporter des améliorations?

M. Ferch: Nous ne considérerions pas le combustible MOX comme étant un déchet. La production de combustible MOX donne un produit dérivé qui est un déchet, mais cela se fait à l'étranger. Je crois que la proposition pour l'instant, si je ne m'abuse, concerne la production d'un combustible MOX à l'étranger. Pour ce qui est de nos capacités de gestion de déchets, je crois qu'elles se comparent à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Je ne sais pas si vous évoquiez la possibilité de cargaisons transfrontalières de déchets, mais la convention sur la sécurité des déchets ne permet pas le transport transfrontalier de déchets; les déchets sont retournés au pays d'origine. Au meilleur de ma connaissance, le Canada ne se propose donc pas d'accepter les déchets de quelqu'un d'autre ni d'envoyer ses propres déchets ailleurs. Chaque pays compose avec ses propres déchets. Nous composons avec les nôtres de façons qui se comparent à ce qui se fait dans d'autres pays.

Le sénateur Christensen: La sécurité, bien sûr, c'est votre travail. Vous avez exprimé des réserves quant aux questions à long terme. Vous croyez que la situation est convenable pour ce qui touche le court terme.

Vous regardez bel et bien les besoins à long terme et l'utilisation faite de l'énergie nucléaire à long terme. Vous faites des prévisions pour déterminer à quoi ressembleront les besoins, pour que vous puissiez acquérir l'expertise voulue. Ai-je bien jaugé ce que vous faites, à part la surveillance des centrales existantes?

M. Harvie: Oui. Nous étudions les besoins à long terme pour ce qui touche la sécurité de ces centrales.

Le sénateur Christensen: Le public ne fait certainement pas de l'énergie nucléaire sa source d'énergie préférée, mais c'est simplement parce qu'il n'y a pas en ce moment une demande énorme d'énergie. Est-ce que le vent pourrait tourner, avec le réchauffement de la planète, la diminution des niveaux d'eau, l'hydroélectricité étant moins accessible ou incapable de suffire à la demande, la volatilité des combustibles fossiles, les problèmes de pollution liés à ces choses, les coûts? Dans le contexte, et compte tenu du fait que l'énergie solaire et l'énergie éolienne ne peuvent répondre à ces besoins, il pourrait devenir subitement nécessaire pour l'énergie nucléaire de répondre à une demande toujours plus grande à l'égard de l'énergie.

En même temps, nous savons que vous avez affirmé, tout comme d'autres personnes, que les jeunes ne se dirigent pas dans ce domaine. De ce fait, nous ne développons pas l'expertise voulue pour répondre peut-être à ces besoins. Avez-vous étudié cette question? Quelles sont vos idées là-dessus?

M. Harvie: Il n'appartient pas à la Commission de contrôle de l'énergie atomique de déterminer si d'autres installations nucléaires seront construites au Canada. Nous sommes ici pour nous assurer que, dans la mesure où l'énergie nucléaire est utilisée davantage, qu'elle est conçue et qu'elle fonctionne de manière sécuritaire.

J'ai répondu dans mes remarques préliminaires à votre question concernant les jeunes qui n'acquièrent pas d'expertise dans le domaine. Nous admettons qu'il y a des difficultés à maintenir une expertise suffisante, au sein de l'industrie même et chez l'autorité de réglementation, dans le domaine de la sécurité nucléaire et dans celui de la conception et de l'exploitation des centrales nucléaires. Nous essayons de régler ce problème au meilleur de notre connaissance. Nous reconnaissons qu'il y a là un défi qu'il faut relever pour maintenir l'expertise nécessaire à la bonne exécution de notre travail.

Le sénateur Christensen: Dans les recommandations que vous ferez au gouvernement, allez-vous traiter de ces questions et mettre en relief les préoccupations que vous pouvez avoir en ce qui concerne le fonctionnement sécuritaire à long terme?

M. Harvie: Je crois que le rapport annuel que nous avons présenté au Parlement l'an dernier traitait de cette question précise. Nous travaillons de concert avec les universités et avec d'autres pour essayer d'élaborer une formation, pour essayer d'attirer les gens dans notre domaine.

Le sénateur Christensen: L'efficacité de cette entreprise vous inspire-t-elle confiance?

M. Harvie: Je suis un optimiste. Oui, cela m'inspire passablement confiance.

Le sénateur Cochrane: Comme vous l'avez dit, durant votre exposé préliminaire et dans votre réponse au sénateur Christensen, l'avenir à long terme des centrales nucléaires au Canada est incertain. Nous avons constaté hier quelques-unes des choses positives qui se sont produites, par exemple les progrès médicaux. Quelles seraient selon vous les solutions de rechange, si la centrale nucléaire a un avenir incertain à long terme?

M. Harvie: Je pourrais vous donner mes opinions personnelles sur la question, mais elles n'ont pas vraiment d'importance ici. Du point de vue de la Commission de contrôle de l'énergie atomique -- il ne nous appartient pas de déterminer l'avenir de l'énergie nucléaire ou de trouver des solutions de rechange à l'énergie nucléaire.

Le sénateur Cochrane: Présentez-vous vos constatations et recommandations au gouvernement une fois par année seulement?

M. Harvie: Nous présentons un rapport annuel en bonne et due forme au gouvernement, une fois par année. Nous soumettons divers autres rapports au Conseil du Trésor et à d'autres ministères.

Chaque fois que nous renouvelons le permis d'exploiter un réacteur, notre personnel présente un rapport à notre conseil, et les rapports en question sont tout à fait publics. À chacune des réunions du conseil, il y a une reliure à anneaux pleine de documents, qui sont tout à fait publics. Nos activités sont très ouvertes au public et au gouvernement, dans la mesure où le gouvernement s'y intéresse.

Le sénateur Cochrane: La réaction du gouvernement à vos recommandations, à vos consignes sur la sécurité et ainsi de suite est-elle satisfaisante? Êtes-vous satisfaits de ce que l'on fait?

M. Harvie: Nous n'adressons pas de recommandations au gouvernement quant à la sécurité des centrales nucléaires. Notre conseil examine la sécurité des centrales nucléaires et décide s'il y a lieu de renouveler un permis d'exploitation.

Comme mon collègue l'a fait valoir, si vous avez des questions concernant l'avenir des sources d'énergie au Canada, vous devriez vous adresser à Ressources naturelles Canada et non pas à la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Les gens des Ressources naturelles vont pouvoir répondre à ces questions.

La présidente: Je vous remercie d'avoir éclairci une question particulière à l'égard de laquelle le témoignage de la CCEA me donnait beaucoup de difficulté: c'est la question de savoir si la sécurité englobe les questions opérationnelles. Les gens de l'organisme hésitaient à accepter cela. La CCEA voulait séparer le fonctionnement technique du réacteur de l'entretien et du contrôle des tâches. Vous avez fait un bon travail à cet égard. La CCEA a aussi fait remarquer qu'il n'y a jamais eu d'accident grave impliquant un réacteur CANDU, ce qui me semble tout à fait contraire aux faits. Dans vos publications, vous traitez de mesures générales. De même, si je ne m'abuse, le réacteur CANDU comporte au moins 14 vices de conception. Vous allez peut-être vouloir nous en toucher un mot.

Je veux tout de même traiter d'une question qui est très urgente aux yeux du public, soit celle de l'évaluation environnementale de la centrale de Pickering.

Nous avons déjà parlé de la question du fonctionnement comme s'inscrivant dans le dossier de la sécurité, ce qui me paraît être le gros bon sens.

M. Harvie: Il ne fait pas de doute que la sécurité du fonctionnement est extrêmement importante du point de vue de la sécurité des réacteurs nucléaires. Nous en sommes tout à fait conscients.

Je ne suis pas d'accord pour dire que les 14 mesures générales dont il est question se rapportent à des vices de conception. Ce sont des dossiers où il faut approfondir les travaux pour confirmer que certains aspects de la sécurité sont satisfaisants.

La présidente: Très bien.

M. Harvie: Quelle était la question concernant l'évaluation environnementale?

La présidente: Vous pourriez peut-être nous présenter des documents concernant vos réactions à l'étude de l'Assemblée législative de l'Ontario, dont les auteurs ont critiqué assez fortement certaines de vos fonctions ou, disons, la façon dont vous les exerciez. Si vous pouviez nous transmettre des documents là-dessus, ce serait une très bonne idée.

La centrale de Pickering compte le plus vieux réacteur commercial du Canada. Elle est située dans une zone urbaine densément peuplée.

Vous connaissez probablement beaucoup mieux que moi la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, avec laquelle je n'ai pas eu à traiter depuis quelques années déjà. Si l'évaluation globale ne fait pas l'objet d'une obligation juridique, si ce n'est pas sur la liste, eh bien, ça devrait l'être. Si on étudie les facteurs de risque, on est d'accord pour dire que la centrale de Pickering a été fermée pour une raison.

Il semble qu'en application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, si le degré de préoccupation du public atteint le niveau voulu, l'autorité responsable transmet une demande au ministre de l'Environnement pour renvoyer l'évaluation à un comité d'examen. Cela n'est pas fait dans le cas qui nous occupe. Vous avez non pas l'examen d'un comité plénier, mais plutôt un examen préalable. Comment établir le degré de préoccupation? Quels facteurs précis utilisez-vous pour déterminer si le degré de préoccupation du grand public justifie le recours à un comité d'examen?

M. Harvie: Je devrais préciser que les réacteurs de la centrale de Pickering-A n'ont pas été mis hors service parce qu'ils étaient dangereux. Ils ont été mis hors service parce que Ontario Hydro, à l'époque, entrevoyait la nécessité de déplacer des ressources des installations A des centrales de Pickering et de Bruce à d'autres réacteurs, pour améliorer le rendement des autres réacteurs.

La présidente: Seriez-vous d'accord pour dire que, selon vos normes, les réacteurs de Pickering étaient tout à fait adéquats? Diriez-vous cela?

M. Harvie: Nous avons affirmé que les normes de fonctionnement doivent être améliorées dans le cas de tous les réacteurs.

La présidente: Nous n'allons pas remettre cela en question. Nous vous croyons sur parole. Nous étudions maintenant la remise en service et l'évaluation.

Je devrais peut-être vous parler de tous les facteurs qui me préoccupent ou qui nous ont été révélés, pour que vous puissiez répondre pleinement. Le document sur la portée des incidences et le moment choisi pour l'évaluation ont fait l'objet de certaines critiques. Déjà, la société Ontario Power Generation a affecté 600 personnes à la mise en service. Elle forme une armée de nouveaux opérateurs et en est rendue à 85 p. 100 des travaux de restructuration. L'évaluation se fait dans l'ordre inverse de celui qui est prévu. Pourquoi?

De même, pourquoi êtes-vous satisfait d'un simple examen préalable? Que dites-vous aux critiques qui croient que la portée de l'évaluation est trop étroite -- les limites géographiques et la couverture des accidents ne seraient pas suffisamment larges --, et que des nombreuses défaillances et difficultés sont repérées au moment de l'arrêt de la centrale, par exemple l'absence d'un deuxième système pour arrêter rapidement la centrale? Il y a toute une série de préoccupations.

M. Harvie: Je vais demander à l'un de mes collègues de traiter de la question de l'évaluation environnementale et de la portée de l'évaluation. Si Ontario Power Generation choisit d'affecter des ressources à la remise en service de la centrale de Pickering-A, c'est son affaire et non pas la nôtre. La Commission de contrôle de l'énergie atomique ne lui a pas encore octroyé de permis pour la remise en service de Pickering-A. Elle ne peut légalement remettre en service le réacteur si la Commission de contrôle de l'énergie atomique ne délivre pas un permis. Or, nous ne le ferons pas tant et aussi longtemps que nous ne serons pas convaincus que c'est sécuritaire.

La présidente: Qui est l'autorité responsable, Ontario Power ou vous?

M. Harvie: C'est nous qui réglementons.

La présidente: Je fais référence à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

M. Harvie: Nous arriverons à la Loi sur l'évaluation environnementale dans un instant.

Je veux parler de votre préoccupation concernant le deuxième système d'arrêt rapide. La centrale de Pickering-A a été construite avant que l'on exige deux systèmes d'arrêt rapide indépendants. En 1993, la Commission de contrôle de l'énergie atomique a fixé une condition à l'attribution du permis à la centrale de Pickering-A: qu'il y ait un système d'arrêt amélioré et non pas deux systèmes d'arrêt indépendants. Le tout devait être en place à la fin de 1997. Cela n'a pas été fait, de sorte que les réacteurs de Pickering-A ont été arrêtés. Nous ne permettrons pas qu'ils soient remis en service tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas des mécanismes d'arrêt améliorés. Nous nous sommes entendus sur le sens de la chose, et Ontario Power Generation est pleinement consciente du fait qu'elle n'obtiendra pas un permis de remise en service tant qu'elle n'aura pas mis en place un moyen amélioré d'arrêt.

Mme Maloney: Nous savons que la Commission de contrôle de l'énergie atomique a sollicité des observations publiques sur la portée proposée de l'étude. Cela s'ajoute aux exigences de l'ACEE. Nous souhaitons obtenir des observations publiques là-dessus. Nous n'avons pas encore mis la dernière main à la réaction dont il est question. Il paraît qu'un exposé sera présenté au conseil municipal de Pickering d'ici une semaine environ sur la question.

La présidente: Ce n'est pas la même chose qu'un examen en bonne et due forme d'un comité avec des audiences publiques, sous l'égide de l'ACEE.

Mme Maloney: Tout à fait. Les choses avancent. L'établissement des incidences se fera; puis, il y aura un examen environnemental préalable, dont nous sommes l'autorité responsable.

Je vais essayer d'expliquer la distinction qui existe en un examen préalable et une étude. Les désignations sont un peu malheureuses, car cela fait penser qu'une étude globale exige beaucoup plus de la part du responsable d'un projet que l'examen préalable. De fait, si vous regardez ce que nous exigeons ou ce que nous avons exigé pour nombre d'examens préalables, c'est pratiquement la même somme de travail; seul le titre diffère. Toutefois, comme le sénateur Kelleher l'a fait remarquer plus tôt, l'élément qui n'est pas requis, c'est l'évaluation des solutions de rechange. C'est la principale différence.

Quant à notre décision devant l'inquiétude du public et à savoir si nous recommanderions au ministre de l'Environnement qu'un comité soit proposé, vous avez raison, nous pourrions faire cela. Nous n'avons pas encore pris de décision à cet égard, puisque les choses sont en cours.

La présidente: Êtes-vous en train de dire qu'il pourrait y avoir un examen public en bonne et due forme?

Mme Maloney: Je dis que le processus n'est pas encore terminé.

La présidente: À votre avis, et compte tenu du degré de préoccupation du public, de l'emplacement géographique et du fait qu'il s'agit du plus vieux réacteur au Canada, croyez-vous qu'il serait sage d'avoir non seulement une audience devant le comité, mais aussi un système de suivi en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale? Ainsi, l'autorité responsable aurait les moyens ou la permission d'étudier des solutions de rechange. C'est la méthode qui s'applique aux décisions les plus sérieuses relevant de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui semble assez progressive et éclairée, malgré les lacunes qu'elle peut comporter. C'est ce qui avait été prévu.

Mme Maloney: J'aimerais mieux ne pas anticiper sur notre décision concernant ce projet particulier. Le raisonnement que vous employez nous a déjà été présenté. Nous allons évaluer cela avec les autres qui ont été présentés.

La présidente: Merci. Nous allons peut-être revenir à cette question.

Monsieur Harvie, j'ai une question rapide concernant votre exposé. À la page 6, on peut lire:

Comme l'organisme de réglementation, le titulaire de permis peut déléguer des activités, mais il ne peut déléguer ses responsabilités.

Je ne comprend pas tout à fait. Que déléguez-vous à qui? Les exploitants provinciaux sont-ils inclus dans cela?

M. Harvie: Je vais demander à M. Taylor de répondre à cette question.

M. Taylor: Pour ce qui est de la délégation de l'autorité de réglementation, nous parlons généralement de délégation de responsabilités aux provinces. Citons en exemple notre responsabilité quant à l'intégrité des enceintes sous pression dans ces centrales.

Les autorités provinciales ne s'occupent généralement pas du contrôle des enceintes sous pression. Une décision récente de la Cour suprême nous a appris que, malgré le fait que la province s'en charge dans le cas des installations nucléaires, cela demeure une responsabilité fédérale. Nous sommes donc responsables, mais ce sont elles qui font le travail.

Nous adoptons des mesures en vue d'intégrer leurs règles au droit fédéral, et les autorités provinciales s'en chargent toujours, surtout en Ontario. Toutefois, nous avons toujours la responsabilité de nous assurer que leur travail est adéquat. Nous pouvons déléguer à un groupe d'experts la responsabilité de l'exécution, mais, au bout du compte, nous sommes toujours responsables de veiller à ce que cela se fasse correctement.

La présidente: Est-ce pour cela que l'industrie se plaint de dédoublements et de chevauchements?

M. Taylor: Non.

La présidente: Cela n'a rien à voir avec l'harmonisation?

M. Taylor: Nous essayons d'éviter le chevauchement, et c'est là une façon de le faire. C'est un domaine particulièrement spécialisé où nous n'avons ni les ressources ni l'expertise nécessaire. Ces gens-là se chargent de la tâche partout: non seulement dans le cas des enceintes sous pression dans les centrales nucléaires, mais aussi dans le cas des chaudières de chauffage central. Ils ont beaucoup d'expertise dans l'exécution de cette tâche. Nous déléguons cela.

Les titulaires de permis cherchent aussi -- et, de plus en plus, du fait que nous sommes dans une situation de concurrence -- une expertise extérieure, car il n'est pas toujours économique d'avoir en tout temps un expert dans ses rangs, qu'on ait besoin ou non de ses services. Par conséquent, sur le plan international, nous constatons le recours accru à des sous-traitants. Quand il y a une difficulté, le sous-traitant est appelé à venir régler le problème.

Le défi consiste à maintenir la responsabilité. Nous exigeons de nos titulaires de permis qu'ils conservent une compétence telle qu'ils peuvent encore dire si le sous-traitant fait un bon travail ou non. Nous sommes sans équivoque sur ce point: qu'ils assument la tâche eux-mêmes ou qu'ils la confient en sous-traitance, la responsabilité des mesures prises demeure la leur.

La présidente: Il y a quelques aspects du dossier dont nous n'avons pu traiter. Par exemple, la réaction au rapport législatif; ou encore, l'installation de Chalk River et l'utilisation de l'uranium enrichi.

Nous entendons visiter les installations en question. Vous avez tous été très gentils de venir témoigner devant le comité. J'espère que, une fois que nous aurons visité les installations, nous pourrons vous inviter à nouveau et que vous reviendrez.

M. Harvie: Tout le plaisir est pour nous. Nous serions tout à fait heureux de revenir si nous pouvons vous être d'une quelconque utilité.

La présidente: Merci.

La séance est levée.


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