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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 10 - Témoignages du 19 septembre 2000


OTTAWA, le mardi 19 septembre 2000

Le comité sénatorial permanent des pêches, auquel a été renvoyé le projet de loi S-21, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux, se réunit aujourd'hui à 19 heures pour en étudier la teneur.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je souhaite la bienvenue aux témoins qui vont nous exposer leur point de vue sur le projet de loi S-21, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux.

Nos premiers témoins sont l'honorable J. Michael Forrestall et l'honorable Pat Carney, c.p., les parrains du projet de loi. Si vous avez un exposé à nous présenter, la parole est à vous.

L'honorable Michael J. Forrestall: Honorables sénateurs, je suis heureux d'être ici ce soir. M. Joe Varner, mon adjoint principal à la politique et à la recherche, m'accompagne.

L'honorable Pat Carney: Je vous présente Mme Tracy Bellefontaine, de Nouvelle-Écosse, qui travaille pour un sénateur de la Colombie-Britannique. Elle étudie le projet de loi avec M. Varner. Elle a autant d'aptitude à comprendre les problèmes de la côte Ouest que ceux de la côte Est. Je suis heureuse qu'elle soit des nôtres.

Le sénateur Forrestall: Je vais aborder un aspect du projet de loi et le sénateur Carney en examinera un autre.

Je suis heureux de vous parler ce soir du projet de loi S-21, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux. En tant que Néo-Écossais originaire du Canada atlantique, je me sentais presque obligé de présenter ce projet de loi parce que je me préoccupe de l'avenir de nos magnifiques phares. Il ne s'agit pas d'une question partisane ou financière. Tous les jours, les localités côtières risquent de voir disparaître des lieux historiques importants pour elles. Pendant des centaines d'années, les phares ont sauvé la vie des marins qui naviguaient dans les eaux du littoral et ils ont été au centre de l'activité des localités côtières. La Lighthouse Preservation Society, qui est établie en Nouvelle-Écosse et est composée de représentants de toutes les régions du Canada, a examiné de près le problème des phares du Canada et a essayé d'en empêcher la destruction. D'autres organismes de la côte Ouest ont également tenté de préserver cet héritage précieux de l'histoire maritime canadienne.

Aujourd'hui, il reste plus de 500 phares au Canada. Il n'y en a que 19 qui sont classés phares patrimoniaux et ont donc droit à une protection pleine et entière. Il y en a 101 qui sont reconnus comme des sites patrimoniaux, ce qui leur confère une protection partielle, mais qu'est-ce que ce statut de site patrimonial signifie vraiment?

J'aimerais d'ailleurs attirer votre attention sur le projet C-62 de 1988, Loi la protection des gares ferroviaires patrimoniales, dont s'inspire le projet de loi présenté aujourd'hui. Étant donné que les sites patrimoniaux ne sont pas du tout protégés, il a fallu adopter une autre loi pour protéger les gares ferroviaires patrimoniales situées d'un bout à l'autre du Canada.

La Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales a obligé la tenue de consultations publiques avant toute intervention au sujet de ce que la plupart d'entre nous estiment être des sites patrimoniaux dignes d'intérêt, et elle a imposé des sanctions sévères dans le cas où une intervention précipitée causait, par exemple, des dommages à une gare ferroviaire historique.

Dans nos recherches pour le projet de loi S-21, nous avons constaté que les 19 phares patrimoniaux du Canada et les 101 phares ayant droit à une protection partielle se trouvent dans une situation aussi vulnérable que les gares ferroviaires historiques du Canada avant l'adoption du projet de loi C-62. C'est pourquoi le projet de loi S-21 a pour principal objectif de protéger ces sites patrimoniaux que sont les phares.

L'article 3 du projet de loi dispose que:

La présente loi a pour objet de faciliter la désignation et la conservation des phares patrimoniaux en tant qu'éléments de la culture et de l'histoire canadiennes, et d'empêcher leur modification ou leur aliénation sans consultation publique.

Je ne vas pas passer tout le projet de loi en revue, parce que je sais que vous le connaissez bien, mais je vais en relever quelques points saillants.

Honorables sénateurs, selon le projet de loi, un «phare patrimonial» est un «phare -- ainsi que toutes les constructions et autres ouvrages qui en dépendent et s'y rattachent -- désigné comme phare patrimonial par le ministre sur recommandation de la Commission.»

Toujours à l'article des définitions, le mot «modifier» signifie effectuer un changement quelconque, notamment restaurer, ou rénover. Sont exclus de cette définition l'entretien courant et les réparations.

La «Commission» désigne la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. Le ministre responsable de l'application de cette loi sera le ministre du Patrimoine canadien.

L'article 4 du projet de loi dispose que:

La présente loi s'applique aux phares relevant de l'autorité législative du Parlement du Canada, qu'ils soient ou non utilisés comme aide à la navigation.

Quant à l'article 5, il dispose que:

Le ministre peut, sur recommandation de la Commission, désigner tout phare comme phare patrimonial pour l'application de la présente loi.

Mais surtout, honorables sénateurs, le paragraphe 6(1) du projet de loi dit que:

L'enlèvement, la démolition, la modification ou l'aliénation -- notamment par vente ou cession d'un phare patrimonial, sont interdits sauf autorisation du gouverneur en conseil.

Pour des raisons de sécurité, le paragraphe (2) précise que:

Le paragraphe (1) ne vise pas la modification d'un phare patrimonial découlant d'une situation d'urgence.

Quant à l'article 7, il dispose que:

Lorsqu'il est proposé d'enlever, de démolir, de modifier ou d'aliéner -- notamment par vente ou cession -- un phare patrimonial, une demande d'autorisation doit être présentée au ministre, selon les modalités réglementaires, après qu'un avis public de l'intention de faire une telle demande a été donné conformément aux règlements.

Un mécanisme de réglementation est donc prévu pour protéger ces sites patrimoniaux dignes d'intérêt.

Les articles 8 à 10 du projet de loi précisent les règles concernant les audiences publiques et autorisent le ministre et le gouverneur en conseil à agir dans l'intérêt public.

Honorables sénateurs, c'est donc dire que la population sera consultée avant qu'on se défasse d'un phare patrimonial. C'est l'objectif. La consultation est le facteur clé ici.

Le projet de loi établit également un cadre pour la cession de certains phares patrimoniaux à des intérêts privés ou à des organisations côtières tout en permettant au gouvernement du Canada de protéger et de préserver la culture canadienne.

À la fin, selon l'article 7, le ministre pourra formuler une recommandation au gouverneur en conseil selon le rapport présentée par la Commission.

Finalement, le paragraphe 9(1) du projet de loi dit ceci:

Le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre et selon les modalités qu'il juge appropriées, autoriser l'enlèvement, la démolition, la modification ou l'aliénation -- notamment par vente ou cession -- d'un phare patrimonial.

L'important, toutefois, et je tiens à le répéter, est que la population aura d'abord été consultée. La population saura ce qui est envisagé et aura la possibilité et le pouvoir de contester.

Avant de donner la parole à ma collègue, le sénateur Carney, j'aimerais parler d'un sujet qui a causé une certaine confusion, à savoir le choix de la Commission des lieux et monuments historiques comme organisme de consultation dans le projet de loi à la place du Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale.

La Loi constitutionnelle de 1867 confère au Parlement du Canada l'autorité législative sur les phares. Actuellement, il n'existe pas comme tel de protection précise pour les phares.

Pour les fins du projet de loi S-21, Loi sur la protection des phares patrimoniaux, il a été établi qu'il y avait quatre catégories de phares patrimoniaux. Nous pensons maintenant qu'il peut même y en avoir une cinquième. Les catégories sont les suivantes: un, les phares qui sont la propriété du gouvernement fédéral et qui sont en service; deux, les phares qui sont la propriété du gouvernement fédéral et qui sont inactifs; trois, les phares qui sont la propriété d'intérêts privés et qui sont en service; et, quatre, les phares qui sont la propriété d'intérêts privés et qui sont inactifs.

J'ai parlé d'une cinquième catégorie possible. M. Ivan Kent de Pleasant Point, Kent's Island, sur la côte est de la Nouvelle-Écosse, a un phare sur sa propriété. Il est propriétaire de la tour, mais le gouvernement est propriétaire du fanal qui se trouve à son sommet. Nous n'avons pas encore réussi à trouver à quelle catégorie il appartient, mais c'est une possibilité.

Le Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale régit seulement les phares qui sont la propriété du gouvernement fédéral. Les phares patrimoniaux qui sont en service mais qui sont la propriété d'intérêts privés ne relèvent pas de lui. Le Bureau ne dispose pas non plus d'un mécanisme permettant aux gens d'exprimer leurs inquiétudes au sujet de l'aliénation des propriétés fédérales qui se trouvent dans leurs localités. Le Bureau d'examen n'a pas besoin de les consulter sur la valeur qu'ils attribuent à ces bâtiments patrimoniaux. Il se fonde aussi sur des critères architecturaux restreints pour désigner les bâtiments patrimoniaux et il n'a même pas besoin de visiter le site en question. Les ministères propriétaires du bâtiment finissent souvent par en disposer comme ils veulent parce que le Bureau d'examen n'a pas le pouvoir de faire appliquer ses décisions. Enfin, le Bureau d'examen n'a aucune autorité sur les sociétés d'État et les agences gouvernementales.

Voilà pourquoi, pour le projet de loi S-21, notre choix s'est porté sur la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, puisqu'elle peut assurer la protection de tous les phares patrimoniaux relevant de l'autorité du Parlement, y compris ceux qui appartiennent à des intérêts privés et qui sont en service. La Commission est en mesure de reconnaître et de commémorer des phares patrimoniaux, comme elle l'a fait dans le passé. Elle dispose d'une plus vaste série de critères pour la désignation de structures patrimoniales, et elle se rend sur place pour bien examiner les sites à fond. Elle peut désigner et commémorer toutes les structures patrimoniales, qu'elles soient ou non de propriété fédérale. Cependant la loi actuelle n'a pas empêché la démolition de certains phares patrimoniaux portaient encore la plaque de la Commission. Seules les gares ferroviaires patrimoniales peuvent être entièrement protégées par la Commission, en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales, adoptée en 1988 et dont je vous ai parlé tout à l'heure. Dans ce cas, la Commission est très utile. Elle est chargée de conseiller le ministre du Patrimoine et elle renforce les pouvoirs du ministre au sujet des phares patrimoniaux.

Pour terminer, je me permets de signaler que la Loi sur la protection des phares patrimoniaux a une raison d'être culturelle puisqu'elle vise la protection de la culture canadienne. Je vous demande très sincèrement de tenir compte de ces observations et de celles du sénateur Carney à qui je cède maintenant la parole.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, je n'agis ici ce soir qu'à titre de supporter. Je n'ai pas de notes écrites parce que je savais que le sénateur Forrestall allait traiter l'ensemble de la question. Je tiens néanmoins à ajouter certains commentaires pour donner le point de vue de la côte Ouest.

Les phares sont des symboles de l'histoire maritime du Canada. Ils font partie de notre patrimoine. Ils reflètent notre héritage et sont des témoins de notre histoire d'un bout à l'autre du pays. Le projet de loi S-21 facilitera la désignation et la conservation des phares. Il assurera également la consultation du public avant qu'un phare soit modifié, enlevé, vendu, cédé ou aliéné de quelque façon, comme l'a mentionné le sénateur Forrestall. Je vais expliquer pourquoi cela c'est important.

Il ne s'agit pas d'une question strictement côtière. En fait, la question touche les régions de la côte Est et de la côte Ouest, mais elle revêt aussi une importance nationale. Il y a encore 583 phares au Canada, qui se trouvent dans plusieurs provinces. Terre-Neuve en compte 72, la Nouvelle-Écosse 160, l'Île-du-Prince-Édouard 56, le Québec 59, l'Ontario 104, le Nouveau-Brunswick 78, le Manitoba 2 et la Colombie-Britannique 52. Seules deux provinces en sont dépourvues. Il s'agit de deux provinces des Prairies, l'Alberta et la Saskatchewan. Le reste du Canada possède des phares et y tient.

Du point de vue de la côte Ouest, l'intérêt pour la préservations des phares s'est d'abord manifesté au cours des délibérations du comité parlementaire spécial chargé de la question des phares, que j'ai formé avec des députés de la Chambre des communes au moment où le MPO lançait le programme d'automatisation des phares sur la côte. Cette initiative avait été prise par le gouvernement conservateur, et le gouvernement suivant devait y donner suite. Le sénateur Forrestall m'a accompagnée et nous avons tenu des audiences publiques dans les villes côtières. Ce fut une belle expérience. Des bénévoles transcrivaient les rubans. C'est un agent de dotation de la Commission de la fonction publique qui nous accompagnait qui assurait la traduction en français. Nous avons tenu des audiences dans une salle de la Légion royale canadienne, dans un musée, dans un institut océanographique, au-dessus d'un poste de pompiers et dans un hôtel. Nous avons entendu des témoignages émouvants de résidents de la côte qui tenaient à ce qu'il y ait des gardiens de phares pour des raisons de sécurité. La sécurité doit être assurée pour tout le réseau de phares côtiers, pas seulement pour certains phares.

Ce témoignage figure dans le rapport intitulé: «Phares: les gens veulent que les phares soient habités». Nous l'avons présenté au Sénat et il doit figurer dans les archives. J'en ai quand même apporté un exemplaire ce soir pour qu'il soit intégré aux présentes délibérations.

C'est entre autres grâce à notre travail et à l'appui des provinces que le MPO a mis son projet en veilleuse. Il y a toutefois fort à craindre que pour le MPO l'automatisation des phares ne demeure un des objectifs à long terme. À ce jour, uniquement huit des phares visés par le programme ont été automatisés, notamment un dans mon île, Saturna Island. Les autres sont encore dotés d'un gardien.

Par la suite, on a posé des questions au sujet de la protection à long terme des phares. Qui s'en occupera lorsque les phares ne seront plus gardés?

Il importe de se rappeler que le ministre Dhaliwal vient de la côte Ouest. Dans la lettre qu'il nous a envoyée, il affirme avoir l'impression que le ministère des Pêches et des Océans a changé de cap.

En effet, il écrit:

J'ai la conviction que les éléments patrimoniaux des phares qui relèvent du ministère des Pêches et des Océans sont bien pris en charge, en conformité avec les principes fixés pour les édifices patrimoniaux fédéraux.

Le sénateur Forrestall a fait remarquer que ces principes comportaient des lacunes.

Le ministre Dhaliwal poursuit:

Notre objectif commun, qui est de protéger et de préserver les phares patrimoniaux, est réalisé grâce aux lois fédérales existantes ainsi qu'à la nouvelle marge de manoeuvre accordée récemment à mon ministère pour l'aliénation de ces structures à des groupes communautaires sans but lucratif qui aimeraient préserver ces biens importants du patrimoine.

Je ne crois pas que la loi actuelle visant les biens ruraux fédéraux inclut une catégorie aussi élastique. La loi dispose que la priorité, dans l'aliénation de biens comme des phares, est d'abord accordée aux autres ministères fédéraux, puis aux provinces, aux municipalités et, enfin, à des intérêts privés qui en paient la valeur marchande. Cela évoque l'image de restaurants comme Tim Horton ou Poulet frit Kentucky qui placardent nos phares d'annonces publicitaires puisque, dans la liste des priorités, on trouve la cession à des intérêts privés selon la valeur marchande. Que nous sachions, il n'y a pas de loi autorisant des groupes d'intérêts spéciaux à prendre part à ce processus.

Autre point, confier au ministère des Pêches et des Océans la gestion des phares patrimoniaux revient à laisser entrer le loup dans la bergerie. Nul n'a détruit plus de phares que ce ministère. Dans certaines régions de l'Ontario, le ministère des Pêches et des Océans aurait détruit plus de moitié des phares.

Durant l'exercice de mise à pied du personnel de huit phares en 1995, des employés du ministère des Pêches et des Océans ont détruit à coup de masse un phare qui avait été construit en 1902. Dans la région de Muskoka, le ministère a dynamité le phare situé à l'extrémité ouest. Ailleurs le long de la côte, du personnel du ministère des Pêches et des Océans ou de Transports Canada, son prédécesseur, a simplement détruit les stations de phare, en les remplaçant par de simples phares installés au haut de structures métalliques.

Étant donné le vent de privatisation qui a soufflé à la Garde côtière chez les employés chargés d'administrer les phares, il n'est pas sage de confier l'avenir et la préservation de notre patrimoine au ministère des Pêches et des Océans, en dépit des bonnes intentions du ministre. Notre proposition visant à confier ces phares à un organe neutre est plus sûre. Il n'est pas facile de confier des phares à des groupes publics. Il n'est pas facile de décider quels phares devraient être préservés. En Colombie-Britannique, seulement 9 des 52 phares jouissent d'une certaine protection patrimoniale. Deux seulement ont été désignés comme biens patrimoniaux. Comme le disait le sénateur Forrestall, rien n'empêche de les démolir.

Il existe des phares qui ont une grande valeur historique, par exemple celui de Nootka and Friendship Cove. Il s'agit-là d'un des lieux les plus historiques d'Amérique du Nord. C'était à Nootka and Friendship Cove que les Espagnols ont perdu leur emprise sur l'océan Pacifique. En effet, l'océan Pacifique était un lac espagnol jusqu'à ce que Quadra et Cook se rencontrent et se mettent d'accord sur la convention de Nootka. Une plaque commémorative se trouve sur le site.

La communauté autochtone qui a toujours habité Friendship Cove a élaboré avec Parcs Canada des plans visant à y aménager un centre d'information. Il y a d'autres lieux sur la côte, comme Nootkak, qu'il faudrait aussi préserver. Ils servent de rappel et ont une fonction importante.

La question de savoir qui devrait prendre en charge les phares comporte d'autres difficultés. Un des avantages du projet de loi, c'est qu'il faut prévoir de la souplesse parce qu'une loi nationale s'applique à l'échelle nationale. Toutefois, le contexte des phares sur la côte Est est tout à fait différent de celui de la côte Ouest. Sur la côte Est, on peut se rendre en auto jusqu'à bien des phares. Ils sont situés de cap en cap et d'un phare, on peut voir les phares voisins. Sur la côte Ouest, les phares peuvent être distants de centaines de milles. Sur la côte Ouest, il faudra que bien des gens meurent avant qu'Ottawa approuve l'installation d'un phare. C'est pourquoi ce sont des équipements d'infrastructure, plutôt que de cap en cap. Souvent, il n'y a pas de route du tout pour s'y rendre. Au nord de Lund, il y a une route qui dessert des centaines de kilomètres de côte jusqu'à Kitimat. Pour se rendre aux phares, il faut donc prendre la mer ou l'hélicoptère. Il n'est pas facile de trouver un groupe de citoyens disposé à prendre en charge ces phares.

Cet été, je faisais de la voile au nord de Desolation Sound. J'ai descendu Nodales Channel et me suis retrouvée devant Chatham Point, dans Johnstone Strait. C'est un peu comme un échangeur sur la 401. Johnstone Strait va de ce point-ci à ce point-là. Nodales Channel vient jusqu'ici. Il y a d'autres chenaux qui se croisent, et voilà qu'on arrive devant ce merveilleux phare, un peu comme un agent qui fait la circulation maritime. Toutefois, il faudrait aller très loin pour trouver une collectivité disposée à prendre en charge un phare comme celui-là. Il existe des groupes, des structures municipales et des districts régionaux, mais le projet de loi à l'étude nous donne le temps de régler ce genre de problème.

Mes chers collègues diront peut-être que le projet de loi n'est pas suffisamment explicite. Parmi les phares dont on a retiré le personnel, il y a celui de Sisters Islands et celui de Ballenas. Ils se trouvent au beau milieu du Georgia Strait avec, pour toute visite, des baleines, des cormorans et des mouettes. Toutefois, ce n'est pas le cas sur la côte Est.

Le projet de loi a l'appui du British Columbia Coastal Community Network, un organisme qui représente plus de 40 villages côtiers, de villes, de conseils tribaux, d'ONG et de conseils de bande de 10 districts régionaux. Le projet de loi a aussi l'appui de la West Vancouver Historical Society, une des nombreuses sociétés historiques qui ont manifesté de l'intérêt. La mesure législative a l'appui aussi de la Georgia Strait Alliance, un organisme représentant 50 groupes, y compris des intérêts commerciaux, syndicaux et marins, dont le mandat est de protéger et de rétablir le milieu marin et de promouvoir le développement durable de Georgia Strait. La population de Mayne Island appuie également le projet de loi.

Trois ministres provinciaux de la Colombie-Britannique ont manifesté leur appui, soit l'honorable Corky Evans, ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Pêches et ministre responsable du développement rural, l'honorable Dan Miller, notre ex-premier ministre qui est actuellement ministre de l'Énergie et des Mines et ministre responsable du développement du Nord, et l'honorable Ian Waddell, ministre de la Petite entreprise, du Tourisme et de la Culture. Parmi les partisans du projet de loi, on compte des députés comme Svend Robinson, député de Burnaby-Douglas, Gerald Keddy, député du South Shore, et Mark Muise, député de Ouest Nova.

Enfin, nous avons aussi l'appui d'une importante institution côtière, soit le musée de Campbell River, un des meilleurs musées de la Colombie-Britannique spécialisé en culture côtière.

Le projet de loi à l'étude bénéficie donc d'appuis. On s'y intéresse, nous ne croyons pas que les lois existantes offrent une aussi bonne protection que le projet de loi à l'étude, et nous n'estimons pas que le ministère des Pêches et des Océans est mandaté pour préserver les phares, bien qu'il ait la responsabilité de les exploiter.

Le sénateur Forrestall: En plus de la liste que vient de vous faire le sénateur Carney, une résolution a été présentée à la suite des réunions qui ont eu lieu le week-end dernier avec des fonctionnaires de Patrimoine canadien. Je suis sûr que les fonctionnaires en parleront, mais je tiens à ajouter que les gouvernements provinciaux des provinces de l'Atlantique -- pas seulement des Maritimes, mais de toutes les provinces atlantiques -- ont appuyé la résolution. Voici donc le texte de la résolution concernant la loi de protection des phares qui a été adopté à la conférence du week-end dernier:

Attendu que les phares et les édifices patrimoniaux du pays qui leur appartiennent représentent une partie importante de la culture et de l'histoire du Canada; et

Attendu qu'il faudrait préserver ces phares et édifices au profit des générations futures qui pourront ainsi connaître et comprendre le peuple maritime du Canada, son histoire et ses traditions; et

Attendu que nos phares patrimoniaux ne sont pas actuellement protégés contre la démolition, le retrait, la modification et autres travaux qui pourraient détruire leur importance patrimoniale;

Il est donc résolu que la Fondation Héritage Canada fera valoir auprès du gouvernement fédéral, en termes très forts, la nécessité d'adopter une loi qui préserverait et protégerait les phares patrimoniaux du pays.

C'est tout ce que nous avions à dire. Le sénateur Carney et moi-même sommes disposés à répondre à vos questions.

Le président: Sénateur Forrestall et sénateur Carney, je vous remercie. Nous disposons d'une demi-heure pour poser des questions, après quoi nous devons entendre d'autres témoins.

Toutefois, avant d'aller plus loin, les membres du comité sont-ils d'accord pour que le rapport auquel a fait allusion le sénateur Carney figure comme pièce dans l'étude du comité? Peut-on me présenter une motion à cet effet?

Le sénateur Robertson: Je le propose.

Le sénateur Meighen: J'appuie la motion.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Perrault: Je viens de la Colombie-Britannique et j'appuie la mesure. Il s'agit d'une bonne mesure législative.

Comment se fait-il que tous les phares de la côte Est des États-Unis sont automatisés? Ils ont complètement renoncé à l'idée d'avoir des phares gardés. C'est aussi le cas en Grande-Bretagne. Je ne pose pas la question pour être méchant. J'aimerais honnêtement savoir pourquoi on les a automatisés dans ces autres pays.

Le sénateur Forrestall: Les États-Unis ont bien sûr des centaines de bâtiments en mer à tout moment. La garde côtière des États-Unis et d'autres organes d'exécution de la politique des États-Unis naviguent dans les eaux tant à l'est qu'à l'ouest des États-Unis et dans le Golfe. Ils ont assumé en grande partie le rôle traditionnel des phares au Canada.

Étant donné l'état actuel de la technologie, la plupart des bâtiments, y compris les voiliers relativement petits, ont du matériel de positionnement. Ils peuvent connaître rapidement leur position précise. Il existe aussi d'autres raisons. En Grande-Bretagne, c'est pas mal la même chose. Ils ont littéralement des centaines d'embarcations côtières qui longent les côtes.

Le sénateur Perrault: Cela me semble être une explication raisonnable.

Le sénateur Forrestall: Le travail qu'ils font et celui qu'effectuaient ces vieux phares est de renseigner sur la météo.

Le sénateur Carney: Un des facteurs qui expliquent la différence entre la côte ouest des États-Unis et notre propre côte Ouest -- je ne puis parler que de la côte ouest du Canada --, c'est qu'aux États-Unis, il y a un camp militaire à proximité de la plupart des phares ou derrière ceux-ci. Aux États-Unis, l'armée américaine est la force motrice de nombreuses activités de la garde côtière. Ce n'est pas le cas chez nous. Nous n'avons même pas un camp militaire en Colombie-Britannique. La situation est tout à fait différente.

La plus importante raison pour laquelle on souhaite que les phares soient gardés sur la côte Ouest, comme le dit notre rapport, c'est pour assurer la sécurité du trafic maritime et aérien. On souhaite que quelqu'un travaille dans le phare parce que le matériel automatique proposé pour remplacer ces personnes serait peu sûr, non fiable ou inexistant. Si vous vous trouvez là-bas en bateau, vous entendez des rapports sans fin au sujet de stations d'observation qui ne sont pas disponibles, de bouées qui ne fonctionnent pas ou d'autre chose d'inexistant. Ceux qui se fient au système disent que, jusqu'à ce que la technologie soit suffisamment sûre pour nous fournir les mêmes renseignements sur les conditions météorologiques en mer et à la surface de la mer, les mêmes données météorologiques pour l'aviation et la navigation, il faut conserver le système existant.

Une raison a rapport avec les recherches et sauvetages. Sur la côte Ouest, même le gardien de phare bénévole de Saturna Island sort souvent de l'eau des personnes qui se font prendre à Boiling Reef. C'est d'ailleurs exactement pour cette raison que le phare a été installé là au départ. Toutefois, la principale raison est la vive inquiétude que suscite la non-fiabilité du matériel automatisé, qui n'est pas tout à fait au point encore.

Le sénateur Perrault: Le paragraphe 6(2) dit que le paragraphe 6(1) ne s'applique pas à la modification d'un phare patrimonial lorsque cette modification découle d'une situation d'urgence.

Quel genre d'incident causerait l'exécution de travaux modifiant radicalement l'architecture d'un phare? De plus, on peut lire au paragraphe 8(5): «Pour la saisine d'une affaire au titre du paragraphe (2), le quorum de la Commission est fixé à un membre.» Voilà qui impose un lourd fardeau de responsabilité à une seule personne.

Le sénateur Forrestall: Je demanderai peut-être à M. Varner de répondre à cette question brièvement, mais j'aimerais d'abord vous faire une suggestion. Les régions géophysiques qui font partie de nos côtes Est, Nord et Ouest et de nos principaux cours d'eau, notamment le Saint-Laurent et les Grands Lacs, sont toutes différentes. Permettez-moi de vous montrer la photo d'une importante érosion, par exemple. Ce phare est sur le point de tomber dans la mer.

Le sénateur Perrault: C'est donc le genre de modification qui pourrait être fait?

Le sénateur Forrestall: Oui. Il faut parfois entreprendre des travaux d'urgence. Il faut donner au ministère une certaine marge de manoeuvre et le laisser décider si la dépense est utile. Nous essayons de trouver un terrain de consultation. Les dommages que l'on voit dans cette photo n'ont pas été causés par une seule tempête. Il n'y a pas très longtemps, soit il y a 15 ans, ce phare se trouvait à 175 mètres de l'eau. En Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, nos falaises sont grugées par la mer. Le sénateur Callbeck et le sénateur Robertson connaissent les grandes difficultés et les vives préoccupations que nous cause l'érosion de notre littoral.

Le sénateur Carney: En Colombie-Britannique, une autre cause de situations d'urgence est l'activité sismique. Sur la côte, nous nous trouvons au-dessus de la faille de San Juan et on nous reproche constamment de ne pas être préparé pour le «plus grand de tous les séismes». Patrimoine canadien et le ministère des Pêches et des Océans auraient tous deux besoin de la souplesse voulue pour faire face à un séisme. C'est une des raisons pour lesquelles il n'y a pas eu beaucoup de protestation quand le ministère a retiré le personnel du phare de Sandheads, qui se trouve juste à côté du delta du Fraser. Beaucoup de sable s'y est accumulé, et on craignait qu'il ne soit instable.

Le sénateur Perrault: C'est une possibilité très réelle.

M. Joe Varner, conseiller principal du sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, nous avons pris grand soin de ne pas lier de quelque façon que ce soit les mains du commissaire de la Garde côtière et du ministère des Pêches et des Océans si, dans un phare en exploitation, il fallait apporter des modifications aux systèmes de navigation pour assurer la sécurité des marins. Nous n'avons donc pas défini l'expression «situation d'urgence». Nous l'avons délibérément laissé floue, pour que le gouvernement puisse la définir lui-même et prendre les mesures qui s'imposent.

Une autre question a trait à la responsabilité. Il se pourrait fort bien qu'il faille remplacer la rampe d'un escalier dans un phare patrimonial. Nous souhaitions laisser au gouvernement une certaine marge de manoeuvre.

Quant à votre second point au sujet du fait que le quorum est d'un membre, nous nous sommes inspirés de la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales. C'est le critère utilisé. D'après tout ce que nous avons entendu dire jusqu'ici, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada s'en est fort bien tirée; nous nous sommes donc inspirés le plus possible de l'autre loi.

Le sénateur Meighen: Je vous félicite tous les deux. C'est une excellente initiative.

Sénateur Carney, quelle est la différence entre un phare et une station de phare?

Le sénateur Carney: Dans les faits, il n'y en a pas. On parle de stations de phare sur la côte Ouest. L'expression consacrée est «station de phare», et la personne qui s'y trouve est un opérateur de station de phare.

Le sénateur Meighen: Il s'agit d'une différence entre la côte Ouest et la côte Est.

Le sénateur Carney: Le profane parle de phares, mais ce sont des stations parce qu'elles assument plusieurs autres fonctions. Ainsi, elles font des rapports météorologiques et des analyses d'eau qui aident à déterminer où fraie le saumon. Elles mesurent la teneur en sel de l'eau et sa température, ce qui aide à déterminer où le saumon passera exactement. Elles effectuent des tests environnementaux pour Environnement Canada. Par conséquent, on ne parle pas de simples gardes de phare, bien que leur mandat les limite peut-être à cette activité.

Le sénateur Meighen: Sénateur Forrestall, si le projet de loi à l'étude est adopté, vous attendez-vous que la majorité des phares encore en place seront désignés comme monuments historiques?

Le sénateur Forrestall: Je ne puis parler pour la côte Ouest, mais je ne doute pas que ce soit vrai pour la côte Est. Il n'y a pas de station de la région atlantique du Canada, du Saint-Laurent ou des Grands Lacs qui n'a pas à un certain moment donné été très active et qui n'ait servi à sauver des vies, à sauver des personnes du péril de l'eau, des tempêtes et ainsi de suite. Au sens large, ce sont toutes des monuments historiques, qu'elles datent des années 30 ou 40, pour des raisons particulières, ou du XIXe siècle. Tout dépend de la valeur que leur accorde la collectivité.

Je crois que les gens les mieux placés pour interpréter leur valeur historique sont ceux qui vivent dans les communautés et qui auront la possibilité de le faire grâce à une consultation poussée sur la question. Je connais le point de vue du gouvernement à ce propos et je pense qu'il voudrait avoir l'aide des communautés.

Dans ce sens, sénateur Meighen, chaque phare du Canada a potentiellement une grande valeur historique pour nous -- si ce n'est pas maintenant, ce le sera à un moment donné dans le futur. Je le pense, même si bon nombre de nos phares des provinces de l'Atlantique n'ont plus de gardien depuis plusieurs années.

Le sénateur Carney: C'est particulièrement vrai sur la côte Ouest. Neuf phares jouissent d'une forme de protection patrimoniale, même si celle-ci ne signifie pas grand-chose. L'un de ces phares, Pachena Point, a été la scène du naufrage qui a été considéré le pire jusqu'à celui du Titanic, en fait d'horreur et de nombre de victimes. Le Valencia, un navire en provenance de San Francisco qui transportait 160 passagers, s'est échoué dans le brouillard.

Le phare Langara et d'autres phares de la région ont été construits à l'époque où l'on croyait que le chemin de fer Grand Trunk allait se rendre jusqu'à Prince Rupert, et qu'alors tous les navires venant de l'Asie passeraient par là. C'est à Estevan Point que les Premières nations ont aperçu pour la première fois un Européen, en 1774, en la personne du capitaine espagnol Juan Perez, qui commandait le Santiago.

Ce sont des choses qui peuvent être mises en valeur, autour des phares. Le phare de Carmanah a été le premier centre de contrôle de la circulation fluviale dans le secteur de la côte qu'on appelle le «cimetière du Pacifique». Il a été construit au mauvais endroit parce que les matériaux de construction ont été amenés là dans le brouillard. Il était censé indiquer l'embouchure du détroit Juan de Fuca aux navires qui arrivaient. Dans le brouillard, ils ont accosté sur la mauvaise plage et ont construit le phare là. Je crois que cela a été le premier phare de la côte Ouest.

Chaque phare a sa raison d'être, une raison historique. J'ai appris à ne jamais exprimer ce qui, selon moi, constitue un motif important de désignation comme site patrimonial parce que, quoi que j'en pense, les habitants de la communauté peuvent avoir un point de vue différent.

Lorsqu'il a été question de désaffecter les phares, j'ai pensé que celui de Trial Island le serait puisqu'il est situé un peu au large, au milieu d'Oak Bay, la capitale du thé et du tweed du Canada. C'est alors que le gardien de phare, qui avait auparavant été en charge du phare Saturna, a sauvé des eaux trois kayakistes, qui se sont dits convaincus que sans lui, ils se seraient noyés. Les gens ont leurs raisons personnelles d'attribuer de l'importance aux phares, en plus des motifs historiques.

J'espère qu'avec la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, pour qui les critères de désignation patrimoniale sont plus vastes que ceux qu'appliquent l'organisme actuel, et qui sont principalement fondés sur l'aspect architectural, un plus grand nombre de phares recevront la désignation de structure patrimoniale.

Le sénateur Meighen: Puisque vous connaissez la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales, quelles sont les conséquences pécuniaires de ceci? Si un phare inopérant reçoit la désignation de structure patrimoniale, est-ce que la Commission des lieux et monuments historiques assume la responsabilité de l'entretien de ce site jusqu'au moment où il est transféré ou qu'on en fasse autre chose?

Le sénateur Forrestall: Monsieur le président, nous allons bientôt entendre les témoignages d'experts du ministère, qui sont bien mieux placés que nous, simples citoyens, pour répondre à cela.

Permettez-moi de vous assurer que le coût total, même s'il représente beaucoup d'argent, est une somme relativement insignifiante; mais même ce montant est sujet de préoccupation, j'en suis sûr, pour le commissaire de la Garde côtière canadienne, qui doit assumer les frais de fonctionnement

La solution idéale, c'est sûr, serait de brûler tous les phares, mais ce n'est pas ce qu'ils veulent et, bien entendu, nous non plus.

À long terme, je crois, les communautés, si elles collaborent étroitement et en consultation avec le ministère et si elles se servent du nouveau processus que ce projet de loi prévoit, seront en mesure de conclure divers arrangements qui conviendront à tous et seront bien accueillis par le ministère, le gouvernement et Patrimoine Canada.

Par exemple, il pourrait y avoir quelqu'un qui dise, en faisant un examen des coûts: «Oui, il nous faut un phare là. Il vaut mieux acheter 20 acres, parce qu'on ne sait pas combien il nous en faudra, ou ce qui pourrait être nécessaire dans le futur; peut-être même nous faudrait-il 50 acres». Et alors seulement une partie du terrain est utilisée, mais on en a quand même 50 acres, et c'est un fardeau. Peut-être aurait-il suffi de 10 pieds carrés en haut d'une structure existante. Le coût dépendrait donc de ce qu'on est ou non propriétaires d'une structure, que ce soit un phare ou une station et qu'on exploite un faisceau de portée courte, moyenne ou longue ou qu'il est situé au haut d'une de ces structures, et aussi des frais de son alimentation en électricité. Quoi qu'il en soit, avec le temps, je crois, les Canadiens et les communautés du Canada, qui comprennent la valeur historique potentielle que revêt l'une de ces structures dans leur communauté, s'entendront entre eux. Peut-être devront-ils faire intervenir leur administration municipale, ou même aussi les gouvernements provinciaux. Certains phares, qui sont à 50 ou à 60 milles de tout, pourraient bien devenir la responsabilité des provinces.

La loi permettra de creuser ces questions, de les examiner et de les régler par le biais du processus de consultation. Il est de l'avantage du gouvernement et des Canadiens de laisser ces structures aux mains des communautés et des intérêts qui les protégeront et reconnaîtront la grande valeur historique que, j'en suis sûr, nous leur donnons tous.

Le sénateur Meighen: J'aimerais être sûr de bien comprendre. Cela n'empêcherait donc pas, si c'était jugé pertinent par le gouverneur en conseil et la communauté, qu'un phare patrimonial tombe sous le contrôle d'un particulier, sous réserve de certaines conditions particulières à l'endroit, lesquelles, je suppose, s'appliqueraient à perpétuité?

Si je ne me trompe pas, il y a un phare au milieu du fleuve Saint-Laurent, au large de Rivière-du-Loup, où l'on peut passer une nuit ou deux. C'est un magnifique lieu historique où passer un ou deux jours. Cette possibilité n'est pas éliminée, si je comprends bien, par votre projet de loi?

Le sénateur Forrestall: Absolument pas. Au contraire, c'est encouragé.

Le sénateur Carney: J'ai une certaine expérience pratique dans le domaine, avec Saturna Island, mais j'aimerais signaler que Parcs Canada a reçu un million de dollars par année pendant cinq ans pour administrer la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales, et la règle empirique veut que l'application de cette loi, en raison de sa nature, puisse coûter 2 millions de dollars par année pendant, disons, cette période de cinq ans. Il s'agit tout de même de sommes relativement insignifiantes.

L'une des différences fondamentales entre la consultation ordinaire du public et la consultation que fait Parcs Canada ou Patrimoine Canada est la décision qui en découle selon laquelle, en fait, le phare n'a pas de caractère culturel ou patrimonial. Sur Mayne Island, dont le phare désaffecté se trouve à l'embouchure même d'Active Pass, où les navires se rentrent dedans et des gens se noient assez régulièrement -- des traversiers qui entrent en collision avec des cargos et des bateaux de croisière qui en font couler d'autres -- le débat, dans la communauté, visait à déterminer s'il fallait construire un monument commémoratif, un jardin funéraire ou un musée sur les lieux. On ne peut pas laisser la communauté décider de ces choses-là.

À Saturna Island, on se demandait si le phare devait être une caserne de pompiers secondaire, abritant un camion de pompiers affecté au secteur sud de l'île, ou si on devait en faire un centre d'accueil de personnes âgées.

Le sénateur Forrestall: Je vais citer, pour le compte du sénateur Meighen, un passage du document intitulé: «De meilleurs finances, une vie meilleure, le plan budgétaire de 2000» qui a été présenté à la Chambre des communes:

Le gouvernement s'engage à élaborer des mesures visant à faciliter la restauration et la conservation du patrimoine architectural du Canada. Des fonctionnaires de Patrimoine canadien ont entamé des discussions avec des fonctionnaires provinciaux, territoriaux et municipaux dans le but d'établir un répertoire national et de fixer des normes de conservation touchant les biens patrimoniaux. Ces mécanismes permettront de déterminer la nécessité d'une aide financière en vue de maintenir et de garantir la conservation du patrimoine architectural du Canada.

Le sénateur Robertson: Ma première question a reçu réponse lorsque j'ai relu le témoignage du sénateur Callbeck à la Chambre; il y a été question du Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine et, si j'ai bien compris ses observations, ce Bureau est chargé d'évaluer tous les édifices appartenant au gouvernement fédéral, mais pas ceux qui ne lui appartiennent pas et qu'il n'exploite pas.

Si j'ai mal interprété vos propos, madame le sénateur, nous pourrons en discuter entre nous, parce que je sais que nous sommes pressés par le temps.

Le sénateur Carney parlait de la privatisation de certains phares, et je tiens à vous féliciter tous deux pour l'énorme travail que vous avez réalisé ici. C'est un bon projet de loi et j'espère sincèrement que nous pourrons le faire passer par les deux chambres sans trop tergiverser.

Lorsque vous avez dit craindre, par exemple, de voir des affiches publicitaires de restaurants sur certaines de ces structures qui pourraient être détenues par des intérêts privés, j'ai dû me poser des questions sur l'obligation qui est faite que les propriétés fédérales excédentaires soient vendues à leur valeur marchande. Il pourrait arriver que des phares soient vendus à des promoteurs immobiliers parce que les groupes communautaires locaux ne peuvent pas se permettre cette dépense. Est-ce que le projet de loi S-21 traite de la possibilité de permettre à un organisme communautaire d'acheter un phare, même si ce n'est pas à sa valeur marchande, dans le but de l'entretenir et de le préserver?

Le sénateur Carney: La caractéristique essentielle de ce projet de loi est qu'il prévoit l'intervention du public.

Le sénateur Robertson: L'intervention ou la propriété?

Le sénateur Carney: Ce pourrait être les deux, mais avant qu'il y ait vente à des intérêts privés, il y a consultation publique. Le public peut exprimer ses préoccupations. Il pourrait y avoir un certain consensus. Je ne rejette pas l'hypothèse de la propriété privée, bien qu'aucun exemple d'un tel cas sur la côte Ouest ne me vienne à l'esprit. Cependant, il y a des établissements d'enseignement, comme par exemple à Race Rocks, dont le collège Pearson ou l'une des institutions de la côte Ouest offre au phare même un programme d'océanographie et de sciences maritimes, donc je n'exclus pas cette possibilité. Ce projet de loi ferait en sorte, avant qu'une telle mesure soit prise, qu'il y ait suffisamment de consultations publiques. Actuellement, il n'y a aucune disposition qui prévoit la consultation du public. C'est l'une des plus grandes caractéristiques de ce projet de loi.

Je tiens aussi à souligner que ce ne sont pas toutes les structures qui ont une valeur patrimoniale. En Colombie-Britannique, l'une des stations de phare qui a été enlevée se trouvait sur Triangle Island, un rocher situé au large de la côte nord de l'île de Vancouver, où les vents soufflent à 100 milles à l'heure. Le phare avait été construit au début du siècle si haut sur le rocher que le faisceau de lumière était toujours dans le brouillard. Les navires qui arrivaient continuaient de s'échouer sur les écueils parce que la lumière était au-dessus du plafond de brouillard. Ce phare a été détruit il y a longtemps, et je doute que ce genre de situation susciterait des contestations du public; mais au moins, notre projet de loi permettrait la tenue d'un débat public sur tout changement à une station de phare de ce genre.

Par exemple, si le MPO jugeait avoir des motifs suffisants pour supprimer un phare, pour la sécurité de ses gardiens, comme dans le cas de Sand Heads, il y a une façon de procéder plutôt que de prendre des décisions arbitraires.

Le sénateur Robertson: Je ne pense pas que vous ayez répondu à ma question. Permettez-moi de la reformuler. Supposons que le phare de Caissie Cape, de l'autre côté de la baie où je vis, était désigné structure patrimoniale et devait être vendu à sa valeur marchande. Disons que toutes les consultations aient eu lieu mais la communauté locale ne peut pas recueillir les fonds pour acheter le phare à sa valeur marchande, et voilà le colonel Sanders qui entre en scène et colle ses grosses affiches. Y a-t-il quoi que ce soit dans ce projet de loi pour aider les communautés qui ne peuvent pas débourser le montant de la juste valeur marchande à acquérir ces structures patrimoniales?

Le sénateur Carney: Non, je ne crois pas que le projet de loi empêcherait cela, mais il prévoit des consultations pour que les préoccupations puissent être exprimées au sujet de la vente du phare. Le seul parallèle que je puisse faire avec la situation hypothétique que vous décrivez est celui de l'acquisition de terres pour les parcs. Si les gens ne s'en préoccupent pas, le projet de loi a assez de flexibilité pour laisser faire tout ce que peuvent permettre les caractéristiques patrimoniales.

Si les gens se préoccupent de la question, il y a des dispositions dans ce projet de loi pour permettre leur consultation. Rien, dans la loi actuelle, n'oblige le ministère des Pêches et Océans à consulter les citoyens. Il se peut qu'il le fasse, mais l'histoire, en matière de consultations du ministère des Pêches et Océans sur la côte Ouest, montre qu'il part du point de vue suivant: «Nous sommes ici pour vous dire ce que nous allons faire et non pas pour vous entendre dire ce que vous souhaitez que nous fassions».

En deux mots, pour répondre à votre question, il y a toute une gamme de vocations possibles pour les phares, du moins sur la côte Ouest, mais au moins le public aurait la possibilité d'exprimer son avis là-dessus.

Le sénateur Forrestall: Les règles et exigences changeantes de la Garde côtière canadienne sont telles que diverses solutions s'offrent soudainement, mais il y a un ordre de priorité, et la dernière priorité serait bien de vendre un phare à un comptoir à hamburgers. Quoi qu'il arrive, si la décision allait à l'encontre du voeu de la communauté, celle-ci pourrait en appeler, en ce sens qu'elle pourrait exprimer son point de vue devant les autorités qui, au bout du compte, doivent prendre la décision.

Je dirais que cela ne pourrait arriver que, par exemple, si toutes les exigences étaient satisfaites, y compris celles des ministères provinciaux responsables de la santé et de l'environnement, et les exigences sociales de la communauté. Autrement, ça ne se produirait pas.

M. Varner: À ce que j'ai compris, le ministère des Pêches et Océans et la Garde côtière sont en train de faire des changements en vue de faciliter pour les communautés l'acquisition de ces phares et de ces structures en modifiant les règlements actuels.

Le sénateur Carney: Il n'en est pas question dans ce projet de loi.

Le sénateur Callbeck: Comme je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, je connais très bien les phares et j'appuie, en principe, ce projet de loi. Je suis d'accord que les phares font partie de notre culture et de notre histoire, et je crois qu'il est très important de leur donner la classification d'édifice patrimonial.

Au cours de la discussion, ce soir, je pense avoir entendu qu'il y a au Canada 500 phares.

Le sénateur Carney: Il y en a 583.

Le sénateur Callbeck: Si j'ai bien compris, j'ai l'impression que vous pensez que la plupart d'entre eux seront désignés sites patrimoniaux. Est-ce que c'est bien cela?

Le sénateur Carney: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le sénateur Forrestall: Sénateur, j'ai dit qu'ils ont le potentiel pour être classifiés, et non pas qu'ils le seraient; le potentiel existe cependant.

Le sénateur Carney: Ce n'est pas nous qui allons procéder à cette désignation. Un organe particulier doté de l'autorité pertinente devrait être mis sur pied à cette fin.

Le sénateur Callbeck: La Commission des lieux et monuments historiques du Canada en jugera. L'article 7 dit bien que lorsqu'il est proposé d'enlever, de démolir, de modifier ou d'aliéner un phare patrimonial, il faut obtenir l'autorisation du ministre. Est-ce que c'est la Commission qui présente cette demande?

Le sénateur Carney: C'est le ministère.

Le sénateur Forrestall: Oui, c'est le ministère.

Le sénateur Callbeck: Par conséquent, s'il y a objection, la question est renvoyée devant la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, puis il y a consultation publique. Je partage l'inquiétude du sénateur Robertson à propos des groupes communautaires, parce que je pense qu'il est impossible pour bon nombre d'entre eux de recueillir la somme équivalant à la valeur marchande des phares. Je ne vois rien dans ce projet de loi à ce sujet. C'est fantastique qu'il y ait consultation et tout cela mais, néanmoins, cet aspect du projet de loi suscite cette préoccupation chez moi.

On a dit ce soir que le BEEFP n'a pas d'autorité d'application. À ce que je comprends, il classifie des structures après 40 ans pour reconnaître les immeubles patrimoniaux fédéraux. Est-il vrai que si ces édifices devaient être vendus, l'accord de vente pourrait renfermer des dispositions obligeant les nouveaux propriétaires à respecter certaines conditions?

Le sénateur Forrestall: Je ne sais pas. Je présume que l'accord pourrait bien contenir tout ce que les deux parties veulent bien y mettre. Je suppose qu'il y aurait des limites à cela aussi, mais rien de spécifique n'est prévu. Il est assez clair que la Loi constitutionnelle de 1867 attribue la responsabilité des phares au Parlement du Canada. Le Parlement n'a pas jugé nécessaire de prévoir une mesure définitive de protection de ses phares patrimoniaux.

C'est ce que nous essayons de faire tout en assurant, par ce moyen-là, le processus de consultation. Ainsi, ce que vous proposez, sénateur, pourrait être tenté, mais n'irait pas très loin en cas de protestations véhémentes de la part de la municipalité ou de la province.

Je crois que le gouvernement pourrait agir en toute sincérité à cet égard et écouterait le point de vue de la collectivité, qu'il soit transmis par un comité de la collectivité, par la municipalité, par la province ou par le député local.

Le sénateur Carney: Cela ne veut pas dire que le gouvernement du Canada a l'obligation de financer une collectivité qui souhaite faire l'acquisition d'un phare. Cela n'est nullement proposé. Comme je l'ai fait remarquer, il n'y a pas en Colombie-Britannique de collectivité adjacente à certains de ces phares. Aucun processus de consultation n'est prévu. Si le MPO veut faire sauter un phare, il a le droit législatif de le faire en vertu des mandats existants. Il n'a pas le mandat -- autant que nous le sachions -- d'ajouter cette cinquième catégorie de groupes à but non lucratif à la loi fédérale visant les biens immobiliers. Dire que le processus serait modifié pour permettre ce genre de consultation comblerait une lacune. Ce n'est pas prévu à l'heure actuelle.

Le sénateur Callbeck: Je le comprends, et je pense que c'est bien, mais ce qui me préoccupe, comme je le disais, c'est ce que le sénateur Robertson a suggéré à propos des collectivités qui veulent faire l'acquisition d'un phare, mais qui n'en ont pas les moyens financiers.

Le sénateur Carney: En Colombie-Britannique, les collectivités s'organisent pour réunir les fonds nécessaires. Elles organisent des ventes de courtepointes, des jeux de bingo. Il est absolument étonnant de voir ce que les petites collectivités de Colombie-Britannique sont prêtes à faire pour préserver un parc. Si elles voulaient préserver un phare en particulier, elles s'organiseraient pour le faire. Le gouvernement n'a toutefois aucune obligation financière à cet égard.

Le président: Nous remercions le sénateur Forrestall et le sénateur Carney pour leur excellent exposé.

Le sénateur Carney: Nous remercions le personnel pour le travail préliminaire.

Le président: Nous allons maintenant céder la parole à Mme Carol Beal qui a comparu il y a un an environ à propos des petits bateaux et des ports.

Mme Carol Beal, sous-ministre adjointe, Services intégrés, ministère des Pêches et des Océans: Oui, c'est exact.

Le président: M. Reg Golding, de la Garde côtière canadienne, est également présent, de même que Mme Christina Cameron, de Patrimoine canadien.

Mme Beal: J'aimerais remercier le comité de me donner l'occasion de comparaître de nouveau ce soir. Permettez-moi également de vous demander de bien vouloir excuser mon collègue, le commissaire de la Garde côtière, qui se trouve sur la côte Ouest en ce moment même et qui ne peut donc pas être présent. Il aurait voulu participer à vos audiences.

Le MPO souscrit entièrement à l'objectif de préservation du patrimoine culturel pour tous les biens patrimoniaux et apprécie le désir du public de préserver le patrimoine culturel des phares, en particulier. Nous ne pouvons par conséquent que souscrire aux objectifs du projet de loi. Si je suis ici ce soir, c'est pour indiquer comment, à notre avis, cette législation, sous son libellé actuel, influera sur la capacité opérationnelle du MPO.

Le MPO est responsable, entre autres, de la fourniture et de la maintenance des aides à la navigation maritime, les phares en représentant l'un des éléments. Des examens périodiques des aides à la navigation sont prévus pour s'assurer que l'on dispose du nombre et de l'ensemble voulus des aides à la navigation maritime indispensables pour assurer des niveaux abordables de sécurité et de protection environnementale. Suite à ces examens et aux progrès technologiques, un nombre de plus en plus important de phares -- structures et propriétés -- sont identifiés comme n'étant plus nécessaires pour le réseau d'aides à la navigation.

Un des rôles que je joue au MPO est celui d'agent financier principal, si bien que vous allez comprendre ce que je vais maintenant vous dire. Comme d'autres organismes gouvernementaux, nous sommes constamment aux prises avec des budgets réduits et des demandes qui semblent illimitées en matière de services améliorés et plus nombreux. En vertu de la politique du Conseil du Trésor sur la propriété immobilière, les ministères chargés de la garde qui n'ont plus besoin d'une propriété immobilière particulière pour la prestation de leur programme doivent en prévoir l'aliénation par vente ou par cession.

En outre, comme vous pouvez bien le comprendre, le financement disponible dans le cadre du budget est réservé aux lieux où le besoin de conserver la structure pour la prestation des programmes se maintient, comme par exemple les tours qui abritent les feux et les cornes de brume. Nous avons lancé un programme agressif d'assainissement de l'environnement dans certains de nos lieux pour assurer la sécurité du public et des usagers.

Nous sommes fortement en faveur de la politique patrimoniale du gouvernement du Canada et l'appliquons tout au long de la gestion du cycle de vie des biens, ce qui comprend également le processus d'aliénation. Le MPO a travaillé en étroite collaboration avec le Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine et le Secrétariat des lieux historiques et des monuments du Canada pour mettre en place un processus accéléré d'examen des phares. À l'heure actuelle, nous assurons la garde de 262 grands phares, ainsi que d'environ 223 phares mineurs d'importance culturelle. Parfois, nous les surnommons avec affection «moulins à sel et à poivre». Jusqu'à présent, près de 400 de nos phares ont été évalués dans le cadre de la politique patrimoniale et le processus se poursuit. Dix-huit d'entre eux -- je crois que le sénateur Forrestall a parlé de 19 -- sont déjà désignés «classifiés». Cent phares sont «reconnus» comme édifices fédéraux du patrimoine.

Vous pouvez voir que nous avons un nombre assez important de phares qui sont déjà passés par le processus et dont l'importance culturelle est reconnue d'un point de vue patrimonial. Quatorze de nos phares sont désignés lieux historiques nationaux en vertu de la Loi sur les lieux et monuments historiques.

Nos collectivités côtières et le public canadien dans son ensemble, comme les deux sénateurs viennent juste de nous le dire, ont fait des démarches importantes afin de préserver les phares en surplus pour l'usage collectif et public. Le MPO collabore le plus possible avec les collectivités et d'autres organisations du pays, comme le Atlantic Light House Council, pour les aider à atteindre leurs objectifs futurs en ce qui concerne les phares dans les domaines de la culture, du patrimoine et du tourisme.

Nous savons tous que l'actuel processus d'aliénation est lent. Comme l'a fait remarquer le sénateur Carney, la politique du Conseil du Trésor ne permettait pas la vente des biens en surplus à un groupe communautaire, ce qui est exact, sauf en fonction de chaque cas, sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor, ou dans les cas où un transfert des responsabilités en matière de programme a été effectué.

Pour faciliter cette initiative et réduire les coûts d'aliénation, il a fallu faire preuve de souplesse dans le cas du programme d'aliénation des phares. Ces quelques dernières années, nous avons travaillé en étroite collaboration avec le Conseil du Trésor afin d'obtenir progressivement des pouvoirs plus flexibles dans le but de véritablement faciliter les objectifs de préservation et d'accès du public en permettant un transfert plus efficace et direct aux groupes communautaires intéressés.

Soit dit en passant, dans notre dernier plan d'immobilisations à long terme présenté au Conseil du Trésor, le MPO a précisément demandé des pouvoirs relatifs aux phares. Je vais maintenant passer en revue ceux qui nous ont été accordés. C'est quelque chose de nouveau. Nous avons reçu ces pouvoirs il y a quatre mois environ et nous abordons maintenant le processus de mise en oeuvre. Ces pouvoirs comprennent le pouvoir d'inclusion des groupes communautaires qui représentent la quatrième priorité du processus d'aliénation.

La première priorité, ce sont les autres ministères; la deuxième, les provinces; la troisième, les municipalités et nous avons maintenant institué les groupes communautaires qui représentent la quatrième priorité, soit avant l'aliénation ou la vente au public.

C'est une étape très importante. Ce qui peut faire problème et je crois qu'il en a également été fait mention un peu plus tôt, c'est lorsque plus d'un groupe communautaire est intéressé par l'acquisition; un processus doit alors être lancé, assorti de critères, comme les avantages pour l'État, pour la collectivité; il faut peut-être même prévoir un processus d'appel d'offres afin d'assurer l'équité entre les groupes et un processus à suivre pour arriver à la meilleure décision à propos du phare.

Nous avons également obtenu le pouvoir de procéder à une vente à un groupe communautaire lorsque le groupe est locataire de l'installation depuis deux ans.

Dans certains cas, des organisations au sein des municipalités ont loué certains de ces biens immobiliers pour y ouvrir un petit musée, un office du tourisme ou un bureau d'information. Nous sommes prêts à assurer un genre de continuité dans ce sens. Nous avons donc obtenu un pouvoir de vente directe auprès du Conseil du Trésor à cet égard.

Le Conseil du Trésor nous a également accordé le pouvoir de transférer à un groupe communautaire des éléments d'une station de phare laquelle, autrement, en vertu des règles actuelles, pourrait être divisée et aliénée par éléments au bénéfice du plus offrant. Cela nous ramène à certaines des questions soulevées un peu plus tôt au sujet de la vente à la juste valeur marchande. Ce pouvoir nous permet de diviser la propriété si bien que le phare lui-même peut revenir au groupe communautaire. Le ministère est par conséquent en mesure de réaliser des profits pour ce qui est du reste des biens.

En plus de ces pouvoirs, nous avons également lancé plusieurs discussions avec d'autres paliers du gouvernement et des groupes communautaires au cours des dernières années. Nous pensons pouvoir user de ces nouveaux pouvoirs et régler des cessions supplémentaires dans le proche avenir, ce qui nous permettra ainsi d'atteindre nos objectifs mutuels de protection et de préservation de nos phares patrimoniaux dans le cadre des lois et politiques fédérales existantes. Par exemple, les fonctionnaires fédéraux et les représentants de la province de l'Île-du-Prince-Édouard ont récemment entamé des discussions relatives à la cession éventuelle à la province de 17 phares qui représentent une partie importante des efforts de la province dans le domaine du tourisme. Nous espérons pouvoir aborder d'autres provinces qui ont des intérêts similaires dans le but d'arriver à des conclusions mutuellement bénéfiques.

Si, pour quelque raison que ce soit, nous pensons que les pouvoirs que nous avons récemment acquis dans le domaine des phares ne nous permettent pas d'atteindre ces objectifs complètement, nous avons préparé le terrain avec le secrétariat du Conseil du Trésor afin de pouvoir demander d'autres pouvoirs. Nous avons préparé le terrain si, selon nous, les trois pouvoirs prévus précisément pour les phares ne nous permettent pas d'atteindre tous les objectifs qui s'imposent.

Je sais qu'il s'agit de faits récents. Certains peuvent penser que c'est au fruit qu'on jugera l'arbre. Toutefois, nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un grand pas en avant pour notre ministère qui peut ainsi procéder à des cessions au sein de la communauté; par conséquent, nous espérons pouvoir apaiser certaines des préoccupations formulées ce soir.

C'est avec plaisir que je répondrais à toutes autres questions détaillées que vous souhaiterez poser. J'ai une connaissance pratique de la Loi sur les immeubles fédéraux grâce au poste que j'occupais précédemment et je pourrais être en mesure de répondre à certaines des questions qui ont été déjà soulevées à cet égard.

J'ai eu le privilège ce soir d'entendre les deux proposants énoncer très clairement leurs points de vue. Si vous permettez, je vais prendre quelques instants pour passer en revue certains des éventuels effets du projet de loi, sous son libellé actuel, du point de vue du MPO.

D'après les proposants, la législation et la politique fédérales actuelles ne protègent pas suffisamment le patrimoine que représentent les phares si bien qu'une loi supplémentaire s'impose pour s'assurer que les phares patrimoniaux continuent d'être du domaine public et que le public est consulté chaque fois qu'une intervention importante est envisagée. Le MPO est d'avis que ces protections existent en vertu des lois et politiques actuelles que l'on retrouve au Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale -- le BEEFVP -- ainsi que dans le cadre des processus gérés par Patrimoine canadien et en vertu d'autres politiques et pouvoirs du gouvernement du Canada.

Par exemple, en ce qui concerne l'évaluation environnementale -- à laquelle nous devons tous procéder, qu'il s'agisse d'un cas d'aliénation, ou d'une amélioration à une installation -- lorsque des fonds fédéraux sont dépensés, nous sommes tenus d'examiner l'impact. Si les inquiétudes du public se manifestent, nous sommes obligés de tenir des audiences publiques.

Je comprends le point de vue du sénateur Carney au sujet de nos antécédents à cet égard; je ne veux pas faire de commentaires à ce sujet pour l'instant, mais je vais y revenir plus tard.

Nous avons fait des efforts considérables au cours des 18 mois écoulés dans nos relations avec les groupes communautaires. L'année dernière, par exemple, dans la région des Maritimes, nous avons parrainé un atelier pour les parties intéressées par les phares et l'aliénation de ceux-ci.

Nous nous sommes efforcés le mieux possible, dans les limites de nos ressources, de passer par un processus pertinent de consultation. Il y a toujours des points de vue différents au sujet de ces consultations, mais nous pensons les avoir tenues dans le cadre existant.

Les défenseurs considèrent également que ces structures sont d'importants catalyseurs permettant de revitaliser l'économie des collectivités côtières, puisque l'on peut s'en servir à des fins patrimoniales et touristiques. Nous sommes d'accord sur ce point. En témoignent nos efforts visant à aider les groupes communautaires à entreprendre diverses activités productrices de recettes dans nos lieux, ainsi que nos efforts visant à demander de nouveaux pouvoirs lorsque notre capacité d'aller de l'avant s'est trouvée quelque peu limitée.

Les défenseurs aimeraient également que l'on accorde une classification patrimoniale à tous les phares qui datent d'avant 1950 et fixeraient des normes patrimoniales pour la protection et la maintenance des phares; toutefois, nous pensons que les dispositions de la loi actuelle qui exigent un examen patrimonial pour tous les biens de 40 ans ou plus répondent comme il se doit à cette question.

Plus tôt, le sénateur Carney a indiqué que le MPO n'a pas de mandat en ce qui concerne les phares qui ont une importance culturelle et patrimoniale et qu'il doit aliéner les feux inutilisés dans des édifices à l'abandon. Il est admis que les diminutions croissantes du budget d'exploitation de la Garde côtière signifient que les structures en surplus ne peuvent pas être correctement entretenues ou réparées pour rester en bon état. Le MPO est sans aucun doute d'accord sur ces points.

Ce soir, la question de la juste valeur marchande et de la capacité des collectivités à réunir les fonds nécessaires a été soulevée; je vais maintenant en parler. Nous savons bien que certaines collectivités côtières ne peuvent pas réunir les fonds pour acheter selon la juste valeur marchande. Toutefois, c'est une question d'interprétation de l'expression «juste valeur marchande». Si l'on se trouve sur la côte Ouest, la juste valeur marchande de certains de ces biens, calculée en fonction des processus habituels d'évaluation, entraînerait l'évaluation la plus élevée du bien en question. Ces biens sont très attrayants. Ils pourraient être vendus dans le secteur privé à un taux de juste valeur marchande, ce qui serait assez important. Comme l'a fait remarquer le sénateur Carney, les groupes eux-mêmes sont en mesure de réunir des fonds à cet égard.

Sur la côte Est, ce n'est pas toujours le cas. La juste valeur marchande d'un bien dépend du secteur dans lequel se trouve ce bien. Beaucoup de ces secteurs, très franchement, n'affichent pas d'importantes valeurs marchandes.

Chaque fois que possible, le MPO a tenté d'appliquer la politique de la juste valeur marchande de la façon la moins rigide possible. Par exemple, nous sommes souvent en mesure de dire au Conseil du Trésor que la juste valeur marchande d'un bien équivaut -- et je vais vous donner un chiffre, si vous permettez -- à 10 000 $, par exemple, alors que le coût pour le MPO -- correspondant au maintien du bien dans l'inventaire et à son entretien -- dépasserait cette somme. Par conséquent, pour ce qui est de l'évitement des coûts seulement, on pourrait avancer que le ministère économiserait une somme équivalente à la valeur marchande au bout d'une courte période de récupération.

Nous avons essayé, chaque fois que possible, d'avoir cette approche. Elle est défendable, car nous sommes en mesure de stipuler que ces biens doivent être conservés pour l'accès et l'usage du public. Cette approche nous aide bien sûr, tout en nous permettant en même temps de respecter la politique du Conseil du Trésor selon laquelle les biens doivent être aliénés à leur valeur marchande. Nous pensons donc avoir trouvé une façon de satisfaire certaines des collectivités côtières, tout en reconnaissant que nous risquons de ne pas pouvoir le faire dans tous les cas, car pour certaines collectivités, il n'y a tout simplement pas de solution.

Le sénateur Forrestall a souligné une des réalités de notre programme relatif aux phares. Dans le passé, nous avons souvent acheté beaucoup plus de biens que nécessaire pour le fonctionnement des aides à la navigation. Toutefois, le fait que nous puissions diviser ces biens et en utiliser chacune des parties ainsi qu'utiliser la structure elle-même nous a considérablement aidés.

Nous sommes préoccupés par certaines répercussions opérationnelles de ce projet de loi. Je veux parler en particulier du paragraphe 6(2). Je soulignerais que, du point de vue des ressources, le projet de loi aura tendance à ralentir le processus d'aliénation. Cela me paraît clair. Les délais prévus pour la consultation sont clairs dans le projet de loi. Il s'agit d'un ensemble complexe et parfois lourd de mesures, surtout dans les cas où la Commission du patrimoine exige une consultation approfondie du public, ce qui est souvent un processus lent. Nous sommes sensibles aux préoccupations du public et prévoyons des consultations pratiques. Il y a une différence entre «consultation pratique» et «consultation approfondie»; nous recherchons avant tout une consultation pratique. Même dans le cadre de ce processus, notre processus d'aliénation dure presque deux ans. Selon nous, le processus recommandé ajoutera une année de plus.

La Garde côtière conserverait donc ces biens peut-être trois années après qu'une décision au sujet de leur aliénation aurait été prise et ce, uniquement pour passer par tout le processus; cela pose un problème de ressources, en ce qui nous concerne.

Le paragraphe 6(2) est également source de préoccupation pour ce qui est de la modernisation des aides à la navigation. À toutes fins pratiques, le terme «modification» -- je crois que c'est le terme utilisé dans la loi -- nous préoccupe. Nous pensons que des modifications opérationnelles qui s'imposent ne devraient pas être définies comme répondant à une «situation d'urgence».

Permettez-moi d'être très claire. En tant qu'administratrice des finances de l'organisation, je considère de façon très rigoureuse l'expression «situation d'urgence». Pour les situations d'urgence, nous disposons de plusieurs pouvoirs qui n'étaient pas normalement prévus dans la délégation des pouvoirs au sein de notre ministère. Nous disposons de plusieurs pouvoirs nous permettant de dépasser les limites des dépenses ou les limites d'approbation, par exemple. Ces pouvoirs sont prévus pour les situations d'urgence au sein du ministère. Nous avons tendance à considérer qu'une «situation d'urgence» est une situation très rare et isolée qui ne se produit que dans des circonstances exceptionnelles.

Les modifications apportées au phare à des fins opérationnelles seraient interdites en vertu de cet article, si on ne passait pas par le processus. Si les modifications sont apportées pour des raisons techniques ou structurelles, si l'on veut déplacer un élément de la station de phare -- ajouter par exemple un nouveau type de matériaux ou une nouvelle technologie à l'installation même -- il faudrait passer par ce processus. Selon nous, cela aurait un impact opérationnel, si bien que nous aimerions souligner l'impact opérationnel du mot «modification» et le fait que nous ne voudrions pas utiliser l'expression «situation d'urgence» peut-être de façon aussi libérale que les rédacteurs.

Nous nous inquiétons à ce sujet, de ce point de vue. Par ailleurs, cela augmenterait considérablement le coût.

Nous ne savons pas vraiment comment la Commission des lieux et monuments historiques du Canada élaborerait des politiques relatives aux phares. À l'heure actuelle, il serait difficile de prévoir l'impact de ces politiques sur nous. Finalement, nous sommes persuadés que, compte tenu de la façon stricte dont nos collègues du Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale examinent ces structures, un examen supplémentaire équivaudrait à un fardeau et à un coût supplémentaires.

En résumé, le dessaisissement -- ou l'aliénation -- absorbera plus de temps et de ressources, ce qui entraînera une augmentation des coûts. Ce sont les impacts que nous prévoyons. Bien sûr, le facteur temps est important dans notre organisation et représente également un coût -- non pas seulement la durée en tant que telle, mais aussi le temps que les fonctionnaires doivent consacrer au processus de consultation. C'est également une répercussion au niveau des ressources.

Nous aurions des coûts de possession plus élevés en ce sens que nous devrions faire davantage de rénovations complexes, voire apporter des changements au processus dans le cas d'une installation existante opérationnelle. Nous aurions possiblement des contraintes et des changements importants pour remédier à des déficiences opérationnelles dans le contexte du terme «modification», pour en revenir à ce point.

En somme, ce sont là les répercussions que nous entrevoyons, mais nous ne les avons pas encore chiffrées. J'hésiterais à le faire, mais nous estimons que leurs coûts seraient considérables. Étant donné que l'un des défis que nous devons relever est d'assurer la sécurité de la navigation et que le gouvernement a reconnu à l'occasion du dernier budget que notre ministère manquait énormément de moyens financiers, il a prévu de nous fournir des fonds visant à assurer l'intégrité des programmes de la Garde côtière. Nous ne voudrions pas compromettre davantage le budget du ministère en lui imposant ce fardeau supplémentaire.

Le Canada n'est pas le seul pays qui envisage d'apporter des changements à son parc de phares. Pêches et océans a pris contact avec les gardiens d'immobilisations de cette nature un peu partout dans le monde afin d'avoir une idée des diverses approches. L'Association internationale de signalisation maritime, l'AISM, étudie la façon dont divers gouvernements s'y prennent pour régler le problème des phares en surplus. Ailleurs, notamment aux États-Unis, la General Service Administration applique un programme en vertu duquel la responsabilité des phares est transférée aux parcs d'État.

L'octroi d'allégement fiscaux à des commanditaires privés de sites exceptionnels est également une solution qui mériterait qu'on y regarde de plus près. Que ce soit au sein de l'Association internationale ou même de notre propre ministère, personne ne sait vraiment quelle est l'approche idéale. Cependant, il est certain qu'à l'échelle internationale, le mouvement d'opinion en faveur de la conservation des phares en raison de leur valeur patrimoniale prend de l'ampleur. Pêches et océans continuera d'examiner diverses façons de gérer, d'aliéner et de transférer ces immobilisations importantes dans l'intérêt de tous les Canadiens.

En conclusion, permettez-moi de réitérer que Pêches et océans souscrit aux nobles objectifs du projet de loi S-21. Cependant, je répète qu'à notre avis, ces objectifs sont déjà énoncés dans la législation actuelle. En raison des répercussions potentielles de la mesure, soit des coûts plus élevés et un processus d'aliénation plus long, plus complexe et plus coûteux sur le plan des ressources, j'inviter instamment les membres éminents du comité à continuer d'explorer des solutions de rechange.

Le président: Nous allons maintenant entendre Mme Cameron.

Mme Christina Cameron, directrice générale, Agence Parcs Canada, Lieux historiques nationaux, Patrimoine Canada: Je serai brève étant donné que ce dossier relève de Pêches et océans. Je suis directrice générale des lieux historiques nationaux et à ce titre, je gère ou applique trois processus différents de désignation des sites historiques nationaux au sein du gouvernement fédéral. Je passerai en revue ces processus brièvement car on en a déjà parlé.

Le premier est le Programme des lieux historiques nationaux dont l'objet est d'identifier les lieux d'intérêt national. Cette tâche incombe à la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, dont je suis secrétaire. C'est ma seconde fonction. La Commission fait des recommandations au ministre du Patrimoine et cette dernière désigne certains lieux comme étant d'intérêt national. Parcs Canada fournit un appui en matière de recherche ainsi que le secrétariat.

Le deuxième processus de désignation dont je m'occupe est la Politique des édifices fédéraux à valeur patrimoniale, qui s'intéresse à tous les édifices appartenant au gouvernement fédéral. Ce processus de désignation comporte deux volets assujettis à une politique du Conseil du Trésor. Il m'appartient de fournir la capacité de recherche et le secrétariat, par l'entremise du Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine. En vertu de sa politique, les sous-ministres et les ministères sont individuellement responsables de la gestion du patrimoine bâti dans leurs propres ministères. Son objectif est d'assurer la protection du patrimoine bâti pendant toute la durée où il est la propriété du gouvernement fédéral.

Le troisième processus qui relève de moi est la mise en oeuvre de la loi dont il a été question ici, soit la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales laquelle a été adoptée en 1988 et est entrée en vigueur en 1990, si je ne m'abuse. En fait, c'est ce processus qui a servi de modèle au projet de loi S-21. J'ai vécu toute la mise en oeuvre de ce projet de loi de sorte que je peux répondre à des questions à ce sujet si vous en avez.

Pour ce qui est des phares, on en a désigné 14 qui revêtent une importance nationale. De ces 14, neuf sont gérés par Pêches et Océans, cinq par Parcs Canada sous forme de musées patrimoniaux et 120 ont été désignés édifices patrimoniaux dans le cadre de la Politique sur les édifices fédéraux du patrimoine.

Le président: Nous allons commencer la période de questions avec le sénateur Mahovlich.

Le sénateur Mahovlich: Le sénateur Carney et le sénateur Forrestall n'ont pas parlé de l'aspect esthétique des phares, du fait qu'ils ajoutent à la beauté de notre paysage. Y a-t-il dans votre mandat une disposition qui vous enjoint de protéger un édifice caractérisé par sa beauté qui ajoute à la richesse de notre paysage? Le gouvernement en fait-il don à Pêches et Océans ou à Patrimoine Canada? Devons-nous le conserver en raison de sa beauté?

Mme Beal: Non, sénateur, cela n'est pas dans le mandat de Pêches et Océans. Aucune disposition n'énonce qu'en raison de la beauté d'un site, nous sommes tenus de le conserver. S'il s'agit d'un site patrimonial ou d'un site ayant des attributs patrimoniaux, nous respectons évidemment la politique de conservation du patrimoine du gouvernement du Canada.

Le sénateur Mahovlich: Je les trouve très beaux. Il y a un phare au lac Rosalind, en Ontario. Il n'est pas des plus propres à l'heure actuelle et j'ignore qui est censé s'occuper de son entretien. Je n'ai jamais pensé à me renseigner. S'il devait être remplacé par un réverbère quelconque, j'en serais attristé. Je le trouve très beau.

La semaine prochaine, à Toronto, une galerie d'art présentera les toiles de Tom Roberts dont l'Ordre du Canada a reconnu le génie artistique. Ce dernier est mort il y a quelques années. Il avait l'habitude d'aller en Gaspésie et de peindre les phares disséminés dans cette région. Il serait honteux que l'un ou l'autre de ces phares disparaissent car ils ajoutent un attrait spécial à notre paysage. C'est également une source d'inspiration pour nos artistes. Chose certaine, ils sont magnifiques.

Le président: Voulez-vous répondre aux observations du sénateur Mahovlich?

Mme Cameron: Je conviens que les phares sont très beaux et qu'un grand nombre d'entre eux revêtent une importance historique. Parcs Canada a le mandat de garantir l'intégrité commémorative des lieux historiques nationaux, ce qui signifie en assurer la protection.

Pour revenir à la mesure à l'étude, il n'est pas question que Parcs Canada assume la responsabilité des phares du Canada. Nous n'avons pas les ressources pour le faire. L'objectif du projet de loi, si j'ai bien compris, est de faire en sorte qu'il existe un processus qui permette des consultations publiques adéquates ainsi que l'aliénation de certains phares de l'inventaire fédéral étant donné qu'on n'en a plus besoin pour des raisons opérationnelles. Cependant, ils devraient quitter l'inventaire tout en bénéficiant d'une protection s'ils ont un caractère patrimonial. C'est ainsi que j'interprète l'objet du projet de loi.

Le président: Le sénateur Mahovlich a énoncé un aspect important pour bon nombre d'entre nous. En effet, nous craignons que ces phares ne disparaissent. Sans vouloir mettre en cause la volonté de Pêches et Océans de se plier aux lignes directrices du Conseil du Trésor pour ce qui est de dépenser l'argent des contribuables, certains d'entre nous craignent qu'une partie de ces phares disparaissent. Comme l'a mentionné le sénateur Mahovlich, des toiles d'un artiste renommé où l'on retrouve des phares seront bientôt en montre à Toronto et il se pourrait fort bien qu'elles ravivent chez d'autres Canadiens le désir de voir ces phares qui auront peut-être disparu. Ce serait très triste.

Le sénateur Mahovlich: Vous avez dit que la loi visant à protéger les gares ferroviaires patrimoniales était entrée en vigueur en 1988?

Mme Cameron: Oui.

Le sénateur Mahovlich: Qu'est-ce qui se passait auparavant? Les gares disparaissaient-elles, tout simplement?

Je viens d'une petite ville du nord de l'Ontario. Jeune garçon, j'étais camelot et j'attendais à la gare l'arrivée des journaux. Cette gare n'existe plus. La route passe précisément à l'endroit où elle se trouvait. J'ignore si elle a été démolie avant 1988 ou 1990, mais lorsque je suis retourné chez moi l'été dernier, elle avait disparu.

Mme Cameron: Le projet de loi a été adopté en 1988 et il est entré en vigueur en 1990. Auparavant, les sociétés ferroviaires démolissaient les gares sans qu'il y ait d'examen préalable. Le projet de loi a vu le jour à la suite de la démolition de la gare de West Parkdale, à Toronto, aux environs de 1982. On a cité de nombreux cas où les compagnies ferroviaires arrivaient dans les villes ou les petites collectivités et démolissaient les gares sans avis préalable.

Le sénateur Mahovlich: Les communautés n'avaient pas leur mot à dire?

Mme Cameron: Non. Depuis la mise en oeuvre de la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales, les communautés ont leur mot à dire, mais malgré cela, de nombreuses gares ont été démolies. À l'instar de Pêches et Océans, les sociétés ferroviaires n'ont plus besoin de ces gares dans le contexte actuel de leurs opérations. Cependant, ce processus a facilité la cession des gares aux communautés et la conservation de leur caractère patrimonial.

C'est l'avantage du processus. D'après mes propres chiffres, je crois qu'une seule gare a été démolie depuis l'entrée en vigueur de la loi. Toutes les sociétés ferroviaires ont collaboré de leur plein gré avec le ministère et lui ont communiqué leurs propositions.

Le sénateur Carney: Je remercie nos deux témoins.

Madame Cameron, vous avez dressé un parallèle entre les objectifs du projet de loi S-21 et la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales. Vous avez signalé que cette mesure avait été efficace. Appuyez-vous le projet de loi S-21? Estimez-vous qu'il a quelque mérite? Peut-il atteindre ses objectifs d'après votre expérience de l'application de la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales?

Mme Cameron: Si j'en juge par le succès de la Loi sur la protection des gares patrimoniales, je pense que le projet de loi a toutes les chances d'accomplir ce que vous souhaitez qu'il accomplisse. En principe, nous appuyons la mesure.

Ce qui m'inquiète -- et le sénateur Carney en a parlé --, ce sont les conséquences sur le plan des coûts. Il y aurait certainement des coûts que devrait absorber Parcs Canada si l'agence devait devenir en quelque sorte un organe de réglementation au sein du gouvernement.

Mme Beal a mentionné que le processus serait plus long et que Pêches et Océans devrait absorber des coûts additionnels étant donné que le ministère serait tenu de continuer à entretenir les phares, nonobstant le fait qu'il n'en a plus besoin pour ses opérations, au cours de la période où l'on serait en quête d'un groupe communautaire adéquat pour s'en occuper après l'aliénation.

Le sénateur Carney: Je conviens avec Mme Beal qu'il faut plus de temps et qu'il en coûte plus cher de consulter la communauté que de faire sauter un phare. Cela est acquis.

Madame Beal, dans votre intervention ce soir, vous avez à maintes reprises mentionné le caractère adéquat de la mesure existante, ainsi que de l'exécution et de la réglementation actuelles. Pouvez-vous préciser au comité les principes qui sous-tendent la législation, l'exécution et la réglementation?

À notre connaissance, d'après nos recherches, la mesure actuelle ne prévoit pas de consultations. La loi actuelle ne respecte pas le critère d'exécution auquel les personnes visées souhaitent être assujetties dans leur travail. En fait, en l'absence du projet de loi, nous sommes privés d'un mandat législatif nous permettant de réaliser nos objectifs. Malgré tout, et compte tenu des restrictions auxquelles vous êtes soumise, Pêches et Océans a fait des efforts louables pour régler le problème dans de nombreuses communautés de la Colombie-Britannique. Cela n'a pas été facile pour vous car à votre avis, vous n'êtes pas habilité légalement à prendre les moyens pour réaliser vos objectifs. À l'heure actuelle, cela représente des coûts. En outre, comme vous l'avez relevé, procéder ainsi exige beaucoup de temps.

Si vous pouviez nous fournir ces renseignements, nous en serions reconnaissants.

Je tiens à signaler que le comité entendra des gardiens de phare, dont John Graham, l'auteur de Keepers of the Light et Light of Inside Passage. M. Graham connaît très bien ces enjeux et il a vu des phares dénudés de leurs artefact en l'absence d'une mesure législative pour les protéger.

Nous avons demandé aux gardiens de phare de la côte Ouest de passer en revue la mesure d'en point de vue opérationnel. Vous conviendrez certainement que les gardiens de phare en connaissent sans doute plus long que vous et moi sur les aspects opérationnels. Par conséquent, nous pourrions leur demander leur opinion au sujet de ces aspects du projet de loi.

Nous vous remercions tous les deux de cette information éclairante.

Mme Beal: Nous allons communiquer la réponse à votre demande à la greffière du comité.

Le président: Je crois que le ministre a envoyé une lettre au sénateur Carney.

Le sénateur Carney: Je l'ai reçue hier.

Le président: J'en ai reçu une copie, et je me demandais si le comité serait d'accord pour qu'elle fasse partie de nos documents connexes. Êtes-vous d'accord?

Le sénateur Forrestall: J'ai une objection fondamentale.

Le président: Dans ce cas, oublions cela.

Le sénateur Forrestall: Je ne suis pas membre du comité, mais je voudrais exprimer mon opinion.

Le président: Je vais soulever la question à la prochaine séance. Au lieu de nous lancer dans une discussion de procédure maintenant, nous allons poursuivre la période de questions.

Le sénateur Robertson: Le sénateur Carney a posé mes questions, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Je comprends que ce soir, la majorité des gens sont d'accord en principe avec ce qu'on nous propose. J'aimerais savoir ce qui devrait être fait pour que nous obtenions votre approbation?

Vous avez mentionné que l'article 6 vous pose certains problèmes. Pour que le ministère et le ministre donne son approbation, il faudrait alors proposer des amendements au projet de loi devant nous.

[Traduction]

Mme Beal: Nous allons répondre spécifiquement au paragraphe 6(2). Nos principales préoccupations concernent les limites opérationnelles de l'article associées au terme «modification». Mes commentaires précédents concernant la durée du processus et ses répercussions sur le plan des ressources tiennent toujours.

En tant que contrôleur, je me retrouve constamment à dire: «Nous n'avons pas un seul problème qui ne pourrait être résolu par l'injection de ressources.» En l'occurrence, il s'agit essentiellement d'un choix que doit faire le ministère. Ce dernier ne dispose pas des ressources suffisantes pour s'occuper de toutes les structures qui relèvent de lui. Nous avons à St. Andrews, au Nouveau-Brunswick, un édifice qui a grand besoin d'être rénové, mais il nous faut faire des choix quant aux projets qui bénéficieront de nos minces ressources, et nous considérons que la mesure risque de drainer encore davantage ces ressources très limitées.

Comment changer cela? Je suis très consciente que cette mesure provient du Sénat et que, par conséquent, elle ne s'accompagne d'aucunes ressources. À mon avis, nous pourrions explorer diverses solutions de rechange notamment la question de savoir de qui devrait relever cette responsabilité. Si j'en juge pas les commentaires du comité, cela ne semble pas relever du mandat de Pêches et Océans, et nous sommes du même avis. Encore là, je mentionne que nous respectons la politique patrimoniale du gouvernement, mais que cela nous impose des coûts.

La solution adoptée aux États-Unis par la General Services Administration, semble satisfaisante. Je suis sûre que ma collègue serait aussi prompte que moi à invoquer le problème du manque de ressources si cette responsabilité devait être confiée à son ministère sans être accompagnée d'un financement adéquat.

C'est une question de priorité et non d'objectif. Je viens des Maritimes et je connais personnellement un grand nombre de ces phares. Je suis d'accord avec le sénateur Mahovlich. Malheureusement, notre ministère doit respecter en premier lieu ses obligations opérationnelles.

C'est la partie sur la «modification» qui risque d'avoir des conséquences sur nos opérations et qui suscite énormément de préoccupations. Mes autres commentaires sont de nature générale et concernent encore une fois les coûts et la durée du processus.

Le sénateur Robichaud: Le sénateur Forrestall a dit dans son exposé que ce n'est pas une question d'argent. Êtes-vous d'accord?

Mme Beal: Le grand objectif visé est admirable, mais il comporte des coûts. Par conséquent tout ce que je peux vous dire, c'est que pour le réaliser, il faudrait des ressources.

Le sénateur Forrestall a dit qu'il ne faudrait pas nécessairement investir de grosses sommes, et je serais encline à partager son opinion. Il ne faudrait pas nécessairement investir des sommes considérables. Cependant, il n'en demeure pas moins qu'il faut investir des ressources.

Le sénateur Robichaud: Je suis d'accord, et j'aimerais bien trouver un moyen de le faire, mais il s'agit de formuler cela convenablement. Nous pouvons travailler longtemps pour s'apercevoir ensuite que pour des raisons particulières, il n'y a pas d'argent disponible. En outre, nous ne pouvons pas présenter une proposition financière à la Chambre des communes car elle serait alors rejetée. Il faut trouver un moyen de moyenner.

Le sénateur Forrestall: J'entendais simplement par là que le projet de loi n'envisage pas l'injection de fonds publics additionnels. Nous avons évité cela car nous savons pertinemment que nous n'avons pas le pouvoir de dépenser ou de réunir des fonds. En fait, au cours de notre examen, nous avons conclu que nous pourrions trouver des moyens de faire épargner au ministère des sommes substantielles grâce à ce processus, une fois rodé.

L'un des témoins pourrait peut-être identifier à notre intention le poste visé, nous dire combien d'argent il faudrait par année pour financer le maintien de personnels par rapport à l'option automatisation? Y a-t-il un moyen de savoir combien cela coûte?

Mme Beal: Il y a un poste qui s'intitule «Aide à la navigation» qui renferme tous les aspects.

Le sénateur Forrestall: Où pouvons-nous trouver une ventilation de cela?

Mme Beal: Pas dans les prévisions budgétaires. La seule ventilation qui existe serait dans le processus budgétaire ministériel.

Le sénateur Forrestall: Y avons-nous accès? Je ne pense pas qu'il s'agisse de plus de quelques millions de dollars. À mon avis, je ne pense pas que cela aille jusqu'à 10 ou 12 millions, mais il en coûtera certainement plus de 1 ou 2 millions. Je n'ai tout simplement aucune idée de la somme exacte.

Si vous pouviez préciser cette somme à la greffière ou nous donner une idée de l'endroit où nous pourrions trouver cela, nous pourrions faire la recherche nous-mêmes.

Chose certaine, nous ne voulons pas prendre des initiatives auxquelles vous avez des objections, et peut-être pourriez-vous nous aider à cet égard. Nous avons passé des mois, que dis-je, deux ou trois ans à tenter d'éviter cet écueil. La question n'a pas été soulevée au cours des six derniers mois.

Permettez-moi de dire autre chose. Je suis sûr que vous pouvez nous aider.

Nous sommes souples. Il est possible de reformuler, de modifier, d'éliminer ou de ressusciter sous une autre forme le paragraphe 6(2). Nous pourrions le supprimer tout à fait. Cela ne changerait en rien l'objectif fondamental.

En tant que coparrain de la mesure, je suis sûre que le sénateur Carney conviendra avec moi que le paragraphe 6(2) a été inséré afin d'assurer l'adoption rapide du projet de loi. Je sais comment rayer quelque chose. Je sais comment retirer, soustraire et additionner.

Le sénateur Carney: Seulement en consultation avec votre coparrain.

Le sénateur Forrestall: J'y réfléchirai sérieusement.

Convenez-vous que le paragraphe 6(2), par exemple, pourrait être reformulé? Les phares que veut protéger le sénateur Carney sont situés sur des rochers assez solides, à tout le moins ceux que j'ai vus.

Le sénateur Perrault: Ils sont la proie des éléments sur la côte Ouest.

Le sénateur Forrestall: Ils sont effectivement la proie par les éléments, mais ils sont solidement ancrés.

Les sénateurs Callbeck, Robertson et Robichaud peuvent témoigner du fait que nous perdons la bataille. Je suis sûr que le sénateur Meighen a passé énormément de temps dans une région qu'il aime beaucoup et où il a pu voir quotidiennement les effets de l'érosion. Cet article visait à reconnaître que nous ne sommes pas insensibles à la situation.

Le président: Sénateur Forrestall, pourrions-nous conclure car le temps va nous manquer.

Mme Beal: Monsieur le président, je serais heureuse d'épargner au sénateur des recherches et de lui fournir l'information qui se trouve dans le budget du ministère au sujet des dépenses consacrées aux aides à la navigation. Cela dit, je signale au comité que le budget en question renferme les sommes intégrales consacrées à ces aides. Au moment où le budget a été élaboré, les phares s'inscrivaient dans les coûts d'administration de la Garde côtière.

Subséquemment, le ministère a décidé de nommer un seul gardien des immobilisations et j'ai accepté volontiers la responsabilité des phares. Mon collègue, le commissaire de la Garde côtière, est chargé du fonctionnement du système d'aide à la navigation qui y est associé. Nous n'avons pas encore fait de distinction entre l'aspect immobilier, qui comporte l'entretien des structures et des propriétés, et l'aspect opérationnel lié aux aides à la navigation.

Les documents que je vais vous fournir vous renseigneraient sur ces deux aspects. Nous ne les avons pas séparés et ne sommes pas en mesure de le faire pour l'instant. Cependant, c'est avec plaisir que je vous ferais parvenir cette information, monsieur le président.

Le président: J'ai remarqué il y a quelque temps qu'on retrouve au paragraphe 6(2) le libellé qui avait été utilisé dans la mesure législative sur les chemins de fer. Vous voudrez peut-être tenir compte de cet aspect dans certaines des réponses que vous nous fournirez. De la façon dont je comprends cet article, compte tenu de ce que vient tout juste de faire remarquer le sénateur Forrestall, le paragraphe 6(2) pourrait être abrogé, sous réserve des observations du sénateur Carney. On retrouve le même libellé dans la mesure législative sur les chemins de fer. Peut-être voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet.

Mme Beal: Il y aura une composante opérationnelle qui existe en ce qui a trait aux phares mais qui ne se trouve pas dans la mesure législative portant sur les gares ferroviaires. Il s'agissait davantage de conservation des installations à ce moment-là.

Le sénateur Callbeck: J'ai une question portant sur les évaluations du Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale. Je sais que vous avez procédé à l'évaluation d'un grand nombre de phares. L'une des catégories avait pour titre «classé». Je crois vous avoir entendu dire que 19 phares se figurent dans cette catégorie. Est-ce que j'ai raison de dire que, si des changements doivent être apportés, ils doivent être approuvés? Cependant, vous n'avez aucune autorité d'application. Que se passe-t-il si l'approbation n'est pas demandée?

Mme Cameron: Lorsque la politique des édifices fédéraux du patrimoine a été établie, la responsabilité a été confiée aux dirigeants de chaque ministère. Elle ne s'applique qu'aux ministères. Je crois que c'est vous, sénateur Carney, qui avez dit qu'elle ne s'appliquait pas aux sociétés d'État ni aux autres organismes d'État. C'est aux sous-ministres des ministères qu'incombe la responsabilité définitive.

Il y a deux catégories, «reconnu» et «classé», la catégorie la plus élevée. Dans ce dernier cas, il faut obtenir l'approbation du Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale lorsqu'il est question de modification, d'aliénation et ainsi de suite.

Si ce bureau ne donne pas son approbation, l'affaire peut prendre des proportions au sein du ministère promoteur et au sein de Patrimoine Canada. Au bout du compte, cela pourrait devenir une discussion politique entre deux ministres. C'est là où aboutit un différent. Dans presque tous les cas, nous n'avons pas eu aucun problème.

Le dialogue s'installe entre spécialistes, ingénieurs et architectes relativement aux propositions. Pour les retraits de l'inventaire fédéral des édifices classés, il faut passer par le Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale. D'après le règlement, dans le cas des édifices patrimoniaux classés qui doivent être aliénés, le ministère promoteur doit prendre des mesures afin de protéger la valeur patrimoniale de l'édifice et préciser la nature et le niveau de protection dans tout contrat de vente. Cette exigence figure dans la politique du gouvernement fédéral en matière d'édifices patrimoniaux.

Mme Beal: Nous le ferions en ajoutant un codicille dans le contrat de vente. Ainsi, c'est une condition de vente. Nous avons le pouvoir de révoquer le contrat d'achat et la vente si ces conditions ne sont pas remplies.

Le sénateur Callbeck: Cela répond à ma question. Je crois que vous avez dit que 19 édifices étaient classés et 101 reconnus. Cela fait 120 phares.

Y a-t-il des conséquences financières différentes dans le cas de ces 120 phares en vertu de la politique actuelle d'une part et de la mesure législative dont nous discutons, d'autre part?

Mme Beal: Je m'excuse du léger détour que je dois prendre pour répondre à cette question.

Les conséquences financières auxquelles je faisais allusion n'incluaient pas les édifices classés. Pour ceux qui sont déjà passés au travers du processus, nous savons ce que nous voulons en ce qui a trait à l'aliénation. La mesure législative traite de cet aspect. Malgré tout, il nous faudrait passer par un autre processus. Nous procéderions à des consultations publiques approfondies. Nous aurions de nouveau des retards dans le processus ce qui aurait un impact sur les ressources, et cetera. À mon avis, ce serait notre interprétation de ce qui s'imposerait.

Cela ne veut pas dire que la commission peut ne pas en arriver aux mêmes critères que le Bureau d'examen des édifices fédéraux à valeur patrimoniale. Si c'était le cas, cela peut ne pas ajouter beaucoup au processus. Par contre, nous soutenons que les dispositions actuelles de la loi en tiennent déjà compte.

Le président: Je crois que le sénateur Robichaud a une question globale.

Le sénateur Robichaud: Lorsqu'un édifice est classé, quel effet cela a-t-il sur sa valeur marchande? Vous imposez des restrictions.

Mme Beal: C'est exact. En fait, c'est l'un des arguments qui a été invoqué au moment du transfert de certaines installations postales aux petites municipalités. L'argument était que, avec ses désignations et l'avertissement en ce qui a trait à l'accès et à l'utilisation par le public et ainsi de suite, on imposait en fait des restrictions à ce qu'on appelle dans l'industrie «l'utilisation la plus fructueuse et la plus rationnelle». La valeur marchande était donc diminuée.

Nos collègues de Patrimoine pensent que cela ajoute à la valeur de la propriété, mais la différence est très grande entre sa valeur marchande et la valeur qu'on y attache.

Le sénateur Robichaud: Est-ce que cela inciterait un groupe communautaire à racheter l'édifice?

Mme Beal: Oui.

Le président: Merci.

La séance est levée.


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