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Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 7 décembre 1999

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères, à qui a été renvoyé le projet de loi C-4, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord conclu entre le gouvernement du Canada, les gouvernements d'États membres de l'Agence spatiale européenne, le gouvernement du Japon, le gouvernement de la Fédération de Russie et le gouvernement des États-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la Station spatiale internationale civile et apportant des modifications à d'autres lois, se réunit aujourd'hui à 17 h 50 pour étudier ledit projet de loi.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nous sommes réunis ici pour examiner le projet de loi C-4, qui a trait au programme spatial canadien.

Je vous cède la parole, monsieur Evans.

M. William Macdonald Evans, président, Agence spatiale canadienne: Monsieur le président, sauf erreur, le texte de mon exposé est inclus dans vos cahiers d'information. Pour gagner du temps -- et je suis sûr que vous avez déjà entendu suffisamment de discours pour aujourd'hui --, voici ce que je vous propose. Je m'en tiendrai à quelques mots d'introduction, après quoi nous vous présenterons un document vidéo de 12 minutes sur la station spatiale, document qui devrait aider les membres du comité à comprendre ce dont il s'agit ici. Nous nous ferons ensuite un plaisir de répondre aux questions que les sénateurs voudront bien nous poser.

Le président: Merci, monsieur Evans. Peut-être pourrions-nous passer tout de suite au vidéo, pour gagner du temps.

[Présentation audiovisuelle]

Le sénateur Carney: C'est un projet fort emballant. Comme on en a amorcé la réalisation sous un gouvernement dont je faisais partie, j'ai été sensibilisée tôt à certaines des questions qui nous préoccupent aujourd'hui.

Le code de conduite est en cours de rédaction. Le comité pourrait-il en obtenir un exemplaire? J'aimerais en connaître la teneur. Vous parlez de l'article 9, où il est question de règlements plutôt que de modifications législatives. Vous dites que le code de conduite qu'on est à rédiger traitera de la chaîne de commandement à bord des navettes qui voyageront entre la station spatiale et la Terre, des règles disciplinaires en cours de vol, de la hiérarchie de gestion à bord de la station, et cetera.

Simplement à titre d'information, pourriez-vous nous dire si le comité pourra prendre connaissance de ce code de conduite? Nous ne voudrions pas retarder l'adoption de la loi, mais nous aimerions jeter un coup d'oeil sur ce document, car il va sans dire que certaines questions touchant la souveraineté de notre pays sont ici en cause.

M. Evans: Bien sûr. Le code de conduite est un élément sur lequel tous les partenaires doivent s'entendre. Ce sera un code commun, qui visera tous les astronautes de tous les pays participants. Nous nous ferons un plaisir de vous en communiquer le contenu quand il sera achevé.

Le sénateur Carney: Pourrait-on faire de même pour tous les règlements? Normalement, les comités n'ont pas l'occasion d'examiner les règlements une fois que la loi est adoptée. Il est ordinairement stipulé dans la loi que celle-ci sera appliquée par voie de règlements, et cetera. Cependant, étant donné que cette loi soulève certaines questions qui touchent la souveraineté de notre pays, serait-il possible de faire exception à cette règle dans ce cas-ci? Pourvu, bien entendu qu'il n'y ait pas 900 de ces règlements, car ce serait alors une tâche trop énorme que de les examiner tous. Par souci de transparence, notre comité pourrait-il être saisi de la teneur de ces règlements?

M. Robert S. Lefebvre, directeur, Services juridiques de l'Agence spatiale canadienne, et conseiller juridique, Agence spatiale canadienne, ministère de la Justice du Canada: J'aimerais ajouter quelque chose aux propos que vient de tenir le président de l'agence. À Vienne, cette semaine, les États partenaires discutent du code de conduite. Le but premier du code de conduite de l'équipage est d'établir quelle sera la chaîne de commandement entre le commandant de la navette spatiale et le commandant de la station spatiale, ainsi que Houston ou les stations terrestres. Autrement dit, ce code régira la façon dont les choses doivent se passer à bord de la station spatiale.

Les partenaires n'ont pas l'intention de se servir du code de conduite pour établir comment devront se comporter les membres de l'équipage. Il n'y sera question que de la chaîne de commandement, des rapports entre les divers astronautes. On y établira, par exemple, qui assumera la responsabilité première lorsqu'une navette s'amènera à la station spatiale. Est-ce que ce sera le commandant de la navette spatiale ou celui de la station spatiale?

Le sénateur Carney: Ces questions me sont familières. Il me vient à l'esprit un fait comparable dont il m'a été donné d'être témoin et qui illustre ce genre de considération. Il y quelques années, je me trouvais sur une île de glace, l'île T-3, à 250 milles du pôle Nord. Ce que j'y faisais n'a toutefois rien de commun avec votre mission. Or, un membre de l'équipe a abattu le cuisinier. Les deux étaient de nationalité différente. Et laissez-moi vous dire que, pour avoir passé six jours sur l'île T-3, je suis à même de comprendre comment un tel événement peut survenir.

L'incident n'a pas été sans poser de nombreux problèmes touchant la souveraineté, le territoire, le comportement. Je remarque que les modifications qu'on propose d'apporter au Code criminel indiquent qu'il a été convenu dans l'Accord que, dans le cadre de cette mission dans l'espace, le droit pénal s'appliquerait sur une base nationale plutôt que territoriale.

Je me demande si un organe du Parlement -- pourquoi pas notre comité -- ne pourrait pas être dépositaire des règlements définissant le code de conduite. On s'assurerait ainsi que ces règlements sont du domaine public. Si c'était possible, notre comité serait tout désigné pour en être le dépositaire, de sorte que, si, par exemple, quelqu'un s'en prenait violemment au cuisinier à bord de la station spatiale, on saurait de quelle instance l'affaire relève.

M. Lefebvre: Nous ne nous attendons pas, sénateur, à ce qu'il y ait des milliers de règlements.

Le sénateur Carney: Si j'ai bien compris, vous ne voyez pas d'objection à ce que ces règlements soient déposés auprès de notre comité.

M. Lefebvre: Je ne suis pas expert en droit constitutionnel ni en droit des affaires gouvernementales. Ce que je sais toutefois, c'est que le gouverneur en conseil rend publics les règlements.

Le président: Sénateur Carney, l'article 10 ne répond-il pas à la question que vous soulevez?

Le sénateur Carney: Je ne saurais dire, car je ne connais pas suffisamment bien le projet de loi, étant donné que, comme vous le savez, nous venons juste d'en être saisis.

Le président: C'est, je crois, le seul amendement qu'a adopté la Chambre des communes.

Le sénateur Carney: Que dit cet article?

Le président: L'article 10 dit ceci:

Dans le cas où l'Accord est modifié, il incombe au ministre de modifier l'annexe en conséquence, par arrêté, aussitôt que possible après l'entrée en vigueur de la modification. Il fait déposer le texte de celle-ci au Parlement dans les quinze premiers jours de séance de l'une ou l'autre chambre suivant la prise de l'arrêté.

Le sénateur Carney: Cet article porte sur les modifications. Ce dont je veux parler ici, c'est des règlements. Il y a très peu de lois dont les règlements sont renvoyés à un comité. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement en est une, tout simplement parce que le grand public a son mot à dire au sujet des règlements dont est assortie cette loi.

Vu qu'il s'agit ici d'un domaine nouveau, au demeurant fort sensible, les règlements devraient être déposés auprès d'une instance du Parlement, où nous pourrions les examiner, plutôt qu'au Conseil du Trésor ou je ne sais où. Ils devraient être renvoyés à un comité pour examen ou information, ou pour quelque autre motif.

Quand j'ai pris connaissance de la documentation qui accompagnait cet excellent texte de loi, je me suis fait la réflexion qu'on n'y traite pas adéquatement de cet aspect particulier -- c'est-à-dire de l'examen de la réglementation. On le fait dans le cas de certaines lois qui revêtent un intérêt public, mais pas dans d'autres. Dans ce cas-ci, je demande si on ne pourrait pas confier à notre comité la responsabilité d'être dépositaire des règlements.

Le sénateur Grafstein: Sauf erreur, le comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation se penche sur tous les règlements, ce qui répond en partie à votre question.

L'autre volet de votre question portait en réalité sur le contenu de ces règlements et sur la question de savoir si ces règlements ne devraient pas être renvoyés à notre comité, qui est on ne peut mieux placé pour comprendre les principes sur lesquels repose ce projet de loi. Je ne vois pas très bien quel est le sens de votre demande.

Le président: Chers collègues, auriez-vous l'obligeance de vous adresser à la présidence pour que les choses se déroulent un peu plus dans l'ordre?

Voyons ce que M. Evans a à dire en réponse à votre question.

Le sénateur Carney: J'aimerais rappeler ici quelle est la procédure normale. En règle générale, la loi stipule qu'une fois qu'elle est adoptée, ses règlements doivent être publiés, et cetera. Les règlements sont publiés dans la Gazette du Canada. Le Cabinet spécial en est saisi et les revoit. Normalement, le grand public, pourvu qu'il soit conscient de cette procédure, a la possibilité de donner son point de vue, puis les règlements sont de nouveau publiés dans la Gazette du Canada. Voilà pour la procédure normale.

Ce qui m'apparaîtrait souhaitable, c'est que, dans le cas d'une loi qui présente un degré élevé d'intérêt public, ou lorsqu'il s'agit d'un nouveau domaine comme dans le cas du présent projet de loi, les règlements soient renvoyés à un comité. Énoncée bien simplement, ma question est la suivante: serait-il possible qu'on fasse cela dans le cas de cette mesure législative qui porte sur un domaine nouveau?

M. Evans: Je dois vous rappeler que je suis mal placé pour vous répondre sur ce point, car je ne connais pas très bien les procédures normales. Comme M. Lefebvre vous l'a signalé, il y aura très peu de règlements qui accompagneront cette loi. S'il n'en tient qu'à l'agence, le code de conduite et les autres éléments de cette réglementation devant de toute façon être rendus publics, nous ne nous objecterions certes pas à ce qu'ils soient déposés comme vous le souhaitez.

Le sénateur Di Nino: Je dois d'abord vous dire que le sénateur Kelly, que nous avons chargé d'examiner ce projet de loi, ne sera pas des nôtres ce soir. Il m'a demandé de poser certaines questions à sa place.

J'aimerais d'abord poursuivre sur le même sujet. Si j'ai bien compris, l'accord projeté fera, pour l'essentiel, l'objet de mémorandums d'accord. Les règlements dont vous voulez parler ainsi que le code de conduite constitueront probablement en effet la partie la plus substantielle du traité.

Ma question va un peu plus loin que celle du sénateur Carney. Le ministre responsable de cette loi entend-il soumettre ces règlements à l'examen du Parlement, ou du moins à l'examen d'un comité du Parlement, avant qu'ils n'aient force de loi. D'après ce que nous avons retenu de la lecture de ce projet de loi, l'accord sera mis à exécution principalement par le biais de mémorandums d'accord.

M. Evans: En janvier 1998, un accord intergouvernemental a été signé par notre ministre et les autres ministres des États participants. C'est un document public accessible à tous.

Cet accord est assorti d'un mémorandum d'accord, c'est-à-dire d'une entente inter-agences portant sur la façon dont nous allons procéder à la réalisation et à la gestion du programme.

Le projet de loi C-4 a pour objet d'harmoniser le droit canadien avec les exigences de cet accord intergouvernemental. Notre gouvernement a donc signé un accord, communément appelé l'AIG, et le présent projet de loi vient faire concorder nos lois avec cet accord.

Le sénateur Di Nino: Vous nous dites que c'est déjà fait. Ce document dont vous parlez fera-t-il partie du présent projet de loi? Allons-nous en être saisis avant d'adopter le projet de loi, ou s'agit-il, en réalité, d'un fait accompli, déjà accepté par tous les gouvernements participants?

M. Evans: L'accord a été signé par tous les gouvernements, c'est exact. L'adoption d'une loi dans les divers pays vise à ratifier cet accord. Chacun des pays participants s'emploie actuellement à ratifier l'accord.

M. Lefebvre: J'aimerais ajouter un commentaire. Comme vous le savez, c'est la prérogative de la Couronne d'examiner, de négocier et de conclure des accords internationaux. L'exécutif a donc effectivement le pouvoir, comme vous le savez tous j'en suis sûr, d'examiner, de négocier et de conclure des accords internationaux.

La raison première, d'ailleurs la seule, je crois, pour laquelle nous nous présentons ici devant vous, comme nous l'avons d'ailleurs fait devant le comité de la Chambre des communes, c'est qu'il nous faut nous assurer que le Code criminel canadien s'appliquera à nos astronautes canadiens qui se rendront à bord de la station spatiale. C'est à cela qu'on faisait référence plus tôt en parlant du principe de la nationalité.

Bien sincèrement, si nous n'avions pas été tenus de modifier notre Code criminel pour qu'il s'applique à bord de la station spatiale, je ne crois pas qu'il nous aurait fallu, juridiquement parlant, nous adresser à la Chambre pour lui demander d'adopter un projet de loi ayant pour objet de donner force de loi à cette convention internationale. Nous aurions pu simplement passer par l'exécutif pour obtenir les instruments voulus de ratification. C'est d'ailleurs ce qu'on a fait, soit dit en passant, dans d'autres pays, par exemple aux États-Unis. On y a procédé, pour ainsi dire, par voie de décret. On a d'ailleurs fait de même dans certains pays d'Europe.

C'est ainsi que fonctionne actuellement notre régime parlementaire. Si j'ai bien compris, d'aucuns voudraient qu'on ouvre davantage ce processus pour que la Chambre des communes soit saisie de l'accord. Soit dit en passant, l'article 10 du projet de loi a été modifié afin que, dans l'éventualité où on voudrait modifier l'accord relatif à la Station spatiale internationale, toute modification proposée soit déposée à la Chambre des communes par souci de transparence. Toute telle modification devra néanmoins être signée en bonne et due forme, et cela, sans égard au fait que ces accords internationaux ou leurs modifications sont déjà publicisés et publiés dans le Recueil des traités du Canada.

Voilà, à ma connaissance, comment nous procédons à cet égard au Canada. En ce qui concerne les règlements, comme je l'ai mentionné au sénateur Carney, je souscris à ce que vous en avez dit. Cette procédure découle de notre régime parlementaire.

Je ne crois pas que l'agence voie quelque objection à ce que le processus soit transparent ni à ce que votre comité examine le code de conduite de l'équipage. Je ne prévois pas que cela pose problème, sauf qu'il se pourrait que, dans une certaine mesure -- et c'est là la question que je me pose --, cette façon de procéder modifie le rôle que joue le Cabinet dans notre régime parlementaire.

Comme l'a expliqué le président de l'agence, nous avons l'Accord international sur la station spatiale, qui est en quelque sorte l'accord-cadre. Accompagnant ce traité international, qui est un accord de gouvernement à gouvernement, nous avons des mémorandums d'accord entre agences -- par exemple entre la NASA et l'ASC. La NASA a des mémorandums d'accord similaires avec l'ESA, la Russie et le Japon. Le présent mémorandum d'accord a pour objet de mettre en oeuvre l'AIG, d'en permettre l'exécution.

Dans le mémorandum d'accord, on peut avoir -- et vous trouverez cet élément à l'article 4 de l'accord, c'est-à-dire à l'annexe B -- ce que nous appelons les arrangements d'exécution. Par exemple, nous sommes actuellement en négociation avec la NASA. Un arrangement d'exécution pourrait avoir pour objet, disons, de permettre au Canada de modifier sa participation à la fourniture de certains éléments matériels, compte tenu de leur coût, par exemple. Nous pourrions négocier l'échange de certains arrangements avec un de nos partenaires internationaux, par exemple avec la NASA ou l'ESA, et ce, sur la base de considérations d'ordre vraiment pratique relatives aux modalités d'exécution du programme. De tels arrangements n'ont en fait aucune incidence juridique.

Le sénateur Di Nino: Je ne suis pas sûr d'être satisfait de votre réponse. Étant donné que la plus grande partie de l'accord aura pour objet de mettre en oeuvre des mémorandums d'accord, je doute que ce qu'on nous demande d'examiner englobe l'entier de l'accord. Il me semble qu'au moins à titre d'information, on devrait soumettre les autres documents à notre comité, voire au Parlement lui-même.

Permettez-moi d'aborder deux ou trois autres points. L'article 4 dit:

La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province.

Il est plutôt inhabituel ou curieux qu'il soit question dans cette loi de lier Sa Majesté du chef d'une province, alors que les provinces ne sont pas ici expressément en cause. Cela pourrait poser problème sur le plan constitutionnel. A-t-il été question de cette disposition au cours des discussions à la Chambre des communes ou ailleurs?

M. Lefebvre: Non, monsieur le sénateur, on n'a pas soulevé ce point. Ce projet de loi a été préparé en consultation avec les rédacteurs législatifs du ministère de la Justice. Si je ne m'abuse, il s'agit dans ce cas-ci d'une clause de style, qui vise à nous assurer que la loi vaudra pour le Canada dans son ensemble. Après tout, il s'agit d'un traité international, et nous voulons nous assurer qu'il s'appliquera partout au Canada.

Le sénateur Bolduc: Votre argument ne tient pas vraiment. Votre réponse n'est pas très convaincante, monsieur.

Le président: Je vous prierais de vous adresser à la présidence. Cela faciliterait les choses à tout le monde.

Le sénateur Bolduc: Je m'en excuse, monsieur le président.

Le sénateur Di Nino: Je vais poursuivre sur le même sujet, si vous me le permettez, car je crois que le sénateur Bolduc a raison. Il s'agit de savoir si la constitutionnalité de cet article a été vérifiée par les conseillers juridiques du ministère de la Justice, qui comprennent ces choses beaucoup mieux que nous. Pourrait-on clarifier cette question pour nous, peut-être pas aujourd'hui, mais plus tard?

M. Lefebvre: Volontiers, monsieur le sénateur, nous allons le faire. À ma connaissance, ce projet de loi a été examiné et débattu dans toutes les instances du ministère de la Justice, y compris à la Division du droit constitutionnel et international.

C'est mon impression, mais mon collègue d'Industrie Canada aurait peut-être quelque chose à ajouter là-dessus.

[Français]

M. Ouellet: Comme M. Lefebvre vient de vous le mentionner, cet aspect constitutionnel a été examiné et l'avis du ministère de la Justice mentionnait que c'était constitutionnellement valable.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino: Les articles 7 et 8 du projet de loi décrivent la procédure que le ministre doit suivre pour obtenir une information ou des documents. On y dit que le ministre peut demander à la cour de rendre une ordonnance. Ce qui nous inquiète, c'est qu'il nous semble que, dans la plupart des cas, de telles demandes de documents seraient ou pourraient être faites auprès d'instances non canadiennes. Une ordonnance rendue par un juge canadien n'aurait en principe aucune autorité extraterritoriale. L'accord ou les mémorandums d'accord proposés prévoient-ils une certaine réciprocité sur ce chapitre?

[Français]

M. Lefebvre: J'aimerais répondre à cette question. Premièrement, les articles 7 et 8, que vous retrouvez dans le projet de loi C-4, nous ont été fortement suggérés par les rédacteurs du ministère de la Justice. Ces articles s'inspirent d'ailleurs de législations précédentes qui ont été présentés au Parlement et notamment de la Loi de mise en oeuvre de la convention sur les mines antipersonnel. Cette suggestion nous a été faite par les rédacteurs. Conséquemment, cela n'a rien avoir avec les articles 7 et 8. Si l'on peut dire, cela n'a rien à voir avec les dispositions que l'on retrouve dans l'accord intergouvernemental sur la Station spatiale internationale ou dans un protocole d'entente -- un MOU. L'idée derrière ces dispositions est la suivante: dans le cas du programme de la station spatiale, nous avons un entrepreneur principal avec lequel nous avons une relation contractuelle. Cet entrepreneur principal a des sous-traitants pour pouvoir construire le bras robotique, dont vous avez vu la présentation tout à l'heure. Il se peut que les sous-traitants avec qui la Couronne n'a aucun lien contractuel ou juridique connaissent bien l'information ou les renseignements nécessaires pour que le Canada mette en oeuvre sur le plan pratique le bras canadien. Advenant que l'entrepreneur principal ne soit plus ici au Canada -- nous en avons un exemple avec Spar Aerospace, qui a été acheté -- nous n'avons pas de lien contractuel ou de lien juridique avec ces sous-entrepreneurs. Le paragraphe (3) et le paragraphe (4) de l'article 7 nous demandent d'obtenir un ordre de la cour. Il n'est pas facile del'obtenir, il faut avoir des justifications, comme vous le savez bien. Cela nous permet d'aller chercher cette information, qui autrement, serait impossible à obtenir. Par exemple, la Loi sur l'accès à l'information et les renseignements personnels ne s'applique pas ici.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino: Monsieur le président, ce qui me préoccupe, c'est qu'une partie de cette information devra forcément être obtenue de l'étranger. Je me demande si tous les États participants se sont engagés, en signant une entente de réciprocité en ce sens, à fournir à tout pays partenaire quel qu'il soit l'information dont il pourrait avoir besoin.

[Français]

M. Lefebvre: Je veux simplement confirmer ce que le sénateur Grafstein vient de nous mentionner.

[Traduction]

Nous avons là cinq États partenaires qui travaillent tous en étroite collaboration. Il va sans dire que, pour réaliser ce projet, dont la complexité est sans pareil dans l'histoire de l'humanité, nous échangeons constamment de l'information.

M. Poirier ou le président de l'agence pourront vous donner des détails à ce propos.

M. Alain Poirier, directeur général, Systèmes spatiaux, Agence spatiale canadienne: Évidemment, nous travaillons en partenariat. Le projet de station spatiale ne saurait se réaliser sans que nous partagions de l'information. Dans le cadre de l'AIG et même des travaux de chacun des comités, nous avons convenu de favoriser le travail en partenariat. Nous nous entraidons en échangeant de l'information. Nous avons également prévu tous les mécanismes voulus pour protéger cette information, car notre but est aussi de reconnaître la propriété intellectuelle qui est ainsi générée.

Tout est prévu pour que la réciprocité soit assurée tant par l'AIG que par les mémorandums d'accord. Nous nous sommes engagés à favoriser le partenariat dans l'exécution du programme en nous communiquant toute information demandée et nécessaire.

Le sénateur Taylor: Ma question a trait aux avantages que tire le Canada de cette participation. Vous avez fait allusion à l'acquisition de Spar par McDonald Detwiller. Les entreprises avec qui nous avons des contrats peuvent passer aux mains d'Américains aux termes de l'ALENA, ou encore faire l'objet d'acquisition par des entreprises européennes. La première question qui me vient à l'esprit est celle-ci: comment, lorsqu'elle fait appel à un entrepreneur étranger, l'Agence spatiale canadienne peut-elle obtenir toute l'information à laquelle elle a normalement accès quand elle traite avec un entrepreneur canadien? Je présume que des entrepreneurs non canadiens peuvent travailler pour le compte de l'Agence spatiale canadienne. Le cas échéant, comment pouvez-vous obtenir l'information dont vous avez besoin?

M. Evans: Tout notre travail à bord de la station spatiale et dans le cadre d'autres programmes s'effectue au moyen d'ententes contractuelles avec des sociétés participantes. Jusqu'à maintenant, tous nos contrats d'importance ont été conclus avec des sociétés canadiennes. Nous considérons McDonald Detwiller comme une société canadienne, même si elle appartient à des intérêts américains.

C'est par le biais du processus contractuel que nous imposons le régime de titres de propriété intellectuelle. Dans le cas du programme de la station spatiale, du projet Canadarm, c'est la Couronne qui détient les titres de propriété intellectuelle. Dans le cadre des accords d'octroi de licences que nous concluons avec ces sociétés, nous exerçons un contrôle sur les modalités d'exploitation des titres de propriété intellectuelle. C'est donc au moyen du mécanisme régissant le régime de propriété intellectuelle que nous exerçons un contrôle à cet égard.

Le sénateur Taylor: Vous avez mentionné que chaque pays avait le droit de poursuivre quiconque commettait un méfait ou une infraction à bord de la station spatiale. Si un non-Canadien travaillant à bord de la station spatiale pour le compte d'un entrepreneur étranger lié par contrat au Canada -- par exemple un Kosovar qui serait à l'emploi d'une société américaine comme McDonald Detwiller -- était en cause dans une affaire d'infraction, est-ce le Canada qui aurait le droit d'intenter des poursuites dans cette affaire?

M. Evans: À l'heure actuelle, tous nos astronautes sont des citoyens canadiens. C'est donc dire que tout Canadien qui travaillera à bord de la station spatiale sera forcément un citoyen canadien. Sauf erreur, il en va de même de tous les autres partenaires qui participent au projet. Je vois mal comment quelqu'un d'un autre pays nous représenterait à bord de la station spatiale.

Ce projet de loi a pour objet d'assurer que tous les Canadiens à bord de la station spatiale seront assujettis aux lois canadiennes. C'est son but premier.

M. Yvan Roy, avocat général principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada: Peut-être puis-je intervenir utilement en réponse à votre question. Les modifications que le présent projet de loi propose d'apporter au Code criminel visent à habiliter le Canada à intenter des poursuites dans le cas d'infractions commises là-haut ou ici-bas -- je ne sais pas où exactement, mais à l'extérieur de nos frontières.

Notre Code criminel, une fois modifié par ce projet de loi s'il est adopté par le Parlement, conférera aux tribunaux canadiens la compétence d'entendre une cause dans laquelle un Canadien aurait été accusé d'avoir commis une infraction. La définition de «membre d'équipage canadien» est fournie dans le projet de loi. Il peut s'agir d'un citoyen canadien, ou, comme l'indique l'article 11, d'un

b) [...] citoyen étranger, ressortissant d'un État autre qu'un État partenaire qui est habilité par le Canada à agir [...] en tant que membre d'équipage [...]

Ce sont là les mots qui revêtent de l'importance. Par conséquent, à supposer, pour le bien de la discussion, qu'un Brésilien, que le Canada a habilité à être astronaute pour notre compte -- il n'est pas citoyen canadien, mais il est autorisé à représenter le Canada dans l'espace -- commette une infraction à bord de la station spatiale, il sera passible de poursuite dans notre pays.

Le sénateur Taylor: Qu'en est-il si cette personne que le Canada a autorisée à représenter le Canada est citoyenne d'un des pays partenaires?

M. Roy: Dans l'éventualité où un citoyen d'un de nos pays partenaires commettrait une infraction, le projet de loi précise également dans quelles circonstances il nous serait alors possible d'exercer notre droit de poursuite. Le projet de loi est tout à fait clair à cet égard. C'est le Canada qui aurait le droit de poursuite dans un cas où la personne en cause -- un Américain, un Japonais, et cetera -- aurait porté atteinte à la vie ou à la sécurité d'un membre d'équipage canadien, ou encore où le méfait serait survenu à bord d'un élément de vol fourni par le Canada ou relativement à cet élément -- qui pourrait être le bras canadien que vous avez pu voir dans l'excellent vidéo que nous vous avons présenté.

Dans de telles circonstances, c'est le Canada qui serait habilité à traiter l'affaire.

Le sénateur Andreychuk: Je vais poursuivre sur ce même sujet. L'article 11 énonce les modifications que le projet de loi propose d'apporter au Code criminel. Au paragraphe 11(2.3), il y a les mots: «... membre d'équipage qui, au cours d'un vol spatial...». Plus loin, il est question d'«élément de vol» et de «station spatiale». Ces expressions sont-elles définies quelque part? Si oui, retrouve-t-on ces définitions dans l'un des mémorandums d'accord? J'ai du mal à saisir ce qu'on entend par «au cours d'un vol spatial».

Veut-on parler du moment du lancement, de la période des préparatifs, du vol proprement dit?

Le président: Sénateur Andreychuk, vous trouverez aux pages 4 et 5 toute une série de définitions.

Le sénateur Andreychuk: Mais vous ne les définissez pas ici. Voulez-vous dire qu'il nous faut traiter distinctement les crimes qui peuvent être commis par des Canadiens, puis une toute autre série de crimes qui peuvent être commis par des personnes autorisées à représenter le Canada, et enfin, les crimes qui peuvent être commis par des personnes travaillant pour le compte d'États partenaires?

M. Roy: Pour ce qui est des membres d'équipage canadien, autrement dit de la première question que vous m'avez posée, les mêmes règles s'appliquent tant dans le cas d'un citoyen canadien que dans celui d'un ressortissant d'un pays étranger autre qu'un des pays partenaires si la personne en cause était autorisée à faire partie de cette mission pour le compte du Canada.

Reprenons l'hypothèse que nous avons donnée en exemple en réponse à la question du sénateur Taylor, où il s'agissait d'un Brésilien travaillant dans l'espace pour le compte du Canada. Il importerait peu que cette personne soit de citoyenneté brésilienne ou de citoyenneté canadienne, car, selon la définition de «membre d'équipage canadien» qui se trouve à la page 5 du projet de loi, cette personne serait assujettie aux mêmes obligations qu'un Canadien, et le Canada exercerait dans son cas exactement la même compétence en matière de poursuite. Selon la définition qu'en donne le projet de loi, l'exercice de cette compétence débute et se termine avec le vol spatial. Le projet de loi définit l'expression «vol spatial» comme désignant:

La période commençant au moment du lancement d'un membre d'équipage de la station spatiale, se poursuivant pendant son séjour en orbite et se terminant au moment de son retour sur terre.

C'est durant cette période que la loi s'applique, ni plus ni moins. L'expression «vol spatial» comprend donc le moment où la navette est lancée, où elle est en orbite autour de la Terre et où elle atterrit. C'est à compter de l'atterrissage que le Canada cesse de pouvoir exercer son droit de poursuite contre un citoyen canadien ou l'équivalent d'un citoyen canadien.

Vous avez également posé une question à propos d'une infraction qui serait commise par un astronaute originaire d'un autre pays partenaire, comme le Japon ou les États-Unis. Dans ce cas, il faut se référer à l'article 11, qui modifie l'article 7 du Code criminel en lui ajoutant le paragraphe (2.31). Cette disposition vient restreindre les circonstances dans lesquelles le Canada peut poursuivre un étranger. Pourquoi? Parce que nous y disons que le Canada ne pourra exercer sa compétence à l'égard de telles infractions que si l'individu en question a porté atteinte à la vie ou à la sécurité d'un membre d'équipage canadien.

Il est important de donner un exemple ici. Disons que, après avoir passé six mois en orbite avec un membre d'équipage canadien, un astronaute étranger gifle ce Canadien. S'il y a bel et bien eu voies de fait, elles n'ont toutefois certes pas porté atteinte «à la vie ou à la sécurité d'un membre d'équipage canadien». Dans de telles circonstances, il est peu probable que le Canada puisse exercer sa compétence en matière de poursuite.

S'il s'agissait toutefois d'un fait plus grave qu'un acte de voies de fait simples, il faudrait alors établir que ce fait a porté suffisamment atteinte à la sécurité du membre d'équipage canadien pour que le Canada puisse à juste titre prétendre avoir le droit de poursuivre l'individu en cause.

L'autre possibilité qui pourrait se présenter dans de telles circonstances, sénateur, c'est-à-dire où le présumé auteur d'une infraction serait un étranger, serait que l'infraction commise consiste en un méfait contre un élément de vol fourni par le Canada -- évidemment, c'est au télémanipulateur canadien que les rédacteurs de la loi songeaient en utilisant cette expression, car c'est pratiquement la seule composante de la station spatiale qui sera de facture canadienne. En pareille occurrence, la loi permettrait aux autorités canadiennes de poursuivre cet étranger.

Le sénateur Andreychuk: Vous dites que cette règle s'appliquera réciproquement, que les autres pays auront eux aussi un pouvoir analogue de poursuite contre des Canadiens. Est-ce le cas?

D'une part, nos notes d'information nous disent que les signataires de l'AIG ont convenu que le droit pénal s'appliquerait sur une base nationale plutôt que territoriale. Aux termes de cet accord, le Canada pourrait, d'après ce que j'ai entendu dire, poursuivre des Canadiens, et nos partenaires pourraient faire de même à l'égard de leurs ressortissants. Mais si je regarde le paragraphe proposé 7(2.31) du Code criminel, il semble que nous pourrions poursuivre les représentants de nos États partenaires.

M. Roy: Si vous me le permettez, je vais tenter de clarifier cette question. C'est un point de loi difficile à saisir. Je vais faire de mon mieux. Mais n'hésitez pas à m'interrompre au besoin, en vous adressant, bien sûr, à votre président.

En droit public international, un pays dispose d'un certain nombre de moyens pour exercer sa compétence en matière de poursuite. Traditionnellement, le Canada applique à cet égard le principe de la territorialité. Un fait survenu au Canada fait normalement l'objet d'une poursuite au Canada, peu importe qui est accusé. Qu'il s'agisse d'un Canadien ou d'un ressortissant étranger, l'individu qui commet chez nous un acte répréhensible peut être traduit devant nos tribunaux.

En tant que pays de commun la, le Canada consent également à extrader ses propres citoyens vers l'étranger pour y être poursuivis s'ils y ont commis une infraction. Certains pays d'Europe continentale interdisent cette pratique. Ils refuseraient l'extradition d'un de leurs citoyens vers le Canada pour un crime qu'il aurait commis ici.

Il y a donc un certain équilibre dans tout cela. Le Canada peut poursuivre des étrangers sur son territoire, mais il accepte que ses citoyens soient extradés vers d'autres pays pour y être poursuivis. C'est pourquoi nous avons traditionnellement opté pour le principe de la territorialité.

Il existe en droit international d'autres critères sur lesquels les pays peuvent se fonder pour faire reconnaître leur compétence en matière de poursuite. Ce que vous avez lu à cet égard dans vos notes d'information est juste. Ce projet de loi adhère au principe de la personnalité. Il y en a deux types. Il y a le principe de la personnalité active et le principe de la personnalité passive.

Qu'entend-on par principe de la personnalité active? C'est celui qui s'applique quand le sujet a commis une infraction. Un pays peut alors exercer contre un de ses citoyens sa compétence en matière de poursuite et instruire la cause devant ses propres tribunaux même si l'infraction a été commise à l'étranger.

Si vous prenez le paragraphe 11(2.3) du projet de loi, c'est exactement ce qu'on y dit. Nous exerçons notre compétence en matière de poursuite à l'égard de nos propres citoyens ou de personnes que, dans les circonstances, nous considérons comme tels parce qu'elles nous représentent pour cette mission dans l'espace.

Dans le paragraphe (2.31) proposé, on applique le principe de la personnalité passive. Dans ce cas, nous sommes les victimes d'une infraction commise par un étranger. Il est question dans ce paragraphe d'un membre d'équipage d'un État partenaire. C'est donc l'inverse de la situation décrite dans le paragraphe (2.3), où c'est un citoyen canadien qui a commis l'infraction; dans le paragraphe (2.31), nous sommes les victimes de cette infraction. C'est en vertu de ce principe que nous exerçons alors notre compétence en matière de poursuite.

Ce projet de loi habilite les tribunaux canadiens à instruire des poursuites, ni plus ni moins. L'accord conclu entre pays dont il est question à l'article 22 traite de la possibilité dont disposent les États partenaires -- le Canada, les États-Unis, le Japon -- d'utiliser les mêmes critères pour exercer leur droit de poursuite dans ce genre d'affaire. Il ne fait donc pas de doute que les Américains peuvent appliquer à cet égard les mêmes principes que nous. Je présume d'ailleurs que chacun des États partenaires voudra utiliser ces mêmes critères pour pouvoir exercer sa compétence en cette matière.

Le sénateur Grafstein: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la seule raison qui justifie notre présence ici aujourd'hui est qu'il fallait, pour que notre Code criminel s'applique en pareille occurrence, y inclure la notion de compétence extraterritoriale. Autrement, le gouvernement aurait pu convenir de ces choses sans qu'il soit nécessaire d'accaparer ainsi le temps du Parlement. L'exécutif aurait pu agir seul. Si nous sommes ici aujourd'hui, ce n'est que pour traiter de l'application extraterritoriale du Code criminel, n'est-ce pas?

L'élément central ici, la raison pour laquelle nous sommes saisis de cette mesure législative, c'est cette notion d'extraterritorialité. Je vois que M. Lefebvre est d'accord avec moi sur ce point. Je lui ai d'ailleurs posé la question en marchant depuis la salle du Sénat jusqu'ici.

Mon second point concerne le fait que ce projet de loi n'a pas vraiment d'application générale. Il ne s'applique qu'aux stations spatiales. Il ne s'applique ni à Garneau ni aux autres astronautes qui pourraient voyager dans l'espace. Il ne s'applique qu'à la station spatiale. En fait, son champ d'application est très limité. Ma première question est: pourquoi en est-il ainsi?

M. Evans: Vous vous demandez ce qu'a de particulier la station spatiale? Ce qui est unique dans le cas de la station spatiale, c'est qu'en signant l'accord intergouvernemental, nous avons codifié pour la première fois le fait que des équipages internationaux travailleraient ensemble. On en traite autrement dans le cas des navettes spatiales ordinaires. À l'heure actuelle, pour chacun des vols spatiaux, nous concluons avec les États-Unis une entente spéciale qui régit les conditions dans lesquelles nos astronautes voyageront dans l'espace. On le fait pour chaque vol.

Le sénateur Grafstein: J'essaie d'attirer l'attention de mes collègues sur le fait qu'il s'agit là d'une application très restreinte du Code criminel. Ces dispositions ne s'appliqueront pas aux vols spatiaux en général. Elles ne s'appliqueront qu'aux stations spatiales et aux navettes pour s'y rendre et en revenir.

La seconde limitation, monsieur le président -- j'y vais dans l'ordre et je veux en venir à mon point principal --, c'est que ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux seules infractions punissables par acte d'accusation et non à celles punissables par procédure sommaire. Si, à bord d'une station spatiale, j'assène un coup de poing à la figure d'un collègue, vu qu'il ne s'agit pas de voies de fait graves, mais plutôt d'une infraction punissable par procédure sommaire, ces dispositions du Code criminel ne s'appliqueront pas dans mon cas. Sauf erreur, le paragraphe (2.3) ne vise que les infractions punissables par acte d'accusation.

M. Roy: Aux termes de la Loi d'interprétation, une infraction hybride -- c'est-à-dire une infraction qui peut faire l'objet d'une poursuite soit par acte d'accusation soit par procédure sommaire -- est considérée comme une infraction punissable par acte d'accusation. Par conséquent, l'infraction dont vous voulez parler -- voies de fait simples -- serait visée par ces dispositions. Nous pourrions donc dans un tel cas exercer notre compétence en matière de poursuite si c'est un Canadien qui a commis l'infraction.

Le sénateur Grafstein: Si quelqu'un commet un acte de voies de fait simples contre un Canadien, nous ne pourrions exercer notre compétence, n'est-ce pas?

M. Roy: On peut trouver la réponse à cette question dans le libellé des alinéas (2.31)a) et b). Ce n'est que lorsque l'infraction est commise par un non-Canadien que ces alinéas s'appliquent. C'est seulement lorsque le fait a porté atteinte à la vie ou à la sécurité d'un membre d'équipage canadien que nous pourrions, en vertu de ces dispositions, exercer notre compétence en matière de poursuite à l'égard d'un étranger. Ou encore, comme le dit l'alinéa b), lorsque:

b) le fait est survenu à bord d'un élément de vol fourni par le Canada, ou relativement à un tel élément, ou l'a endommagé.

Ce n'est que dans de tels cas que le Canada chercherait à faire reconnaître son droit de poursuivre un étranger.

Le sénateur Grafstein: Encore là, à l'évidence, tant le paragraphe (2.3) que le paragraphe (2.31) ne font référence qu'aux infractions punissables par acte d'accusation, n'est-ce pas?

M. Roy: Vous avez raison.

Le sénateur Grafstein: Le dernier élément que je voudrais soulever ici -- et je vais me garder de trop insister sur cet aspect -- nous ramène à une question à laquelle le Sénat est très sensibilisé -- à une cause qui me tient personnellement à coeur --, à savoir la question de l'extradition.

Supposons un moment que la navette spatiale soit lancée depuis le Texas -- hypothèse tout à fait plausible --, un État qui applique parfois la peine de mort. Imaginons aussi qu'un des Canadiens qui participent à ce vol spatial a été l'auteur ou la victime d'un crime et que le Canada entend exercer en l'occurrence sa compétence en matière de poursuite. Les États-Unis, par l'entremise de la législature de l'État du Texas, exercent eux aussi leur droit de poursuite à l'égard de l'individu en cause. Il y a là conflit de compétences, en ce sens qu'un État applique la peine de mort et l'autre, notre pays, ne le fait pas. Comment résoudrait-on ce conflit?

M. Roy: Heureusement, j'ai apporté une copie de la Loi sur l'extradition. Vous avez la réponse dans l'article qui dit que le ministre de la Justice, qui est responsable de l'application de la Loi sur l'extradition, peut refuser de rendre un arrêté d'extradition quand l'acte visé par la demande d'extradition fait l'objet d'une poursuite criminelle au Canada.

Le sénateur Grafstein: Vous vous rappelez sans doute, monsieur Roy, ma position sur cette question.

M. Roy: Oui, fort bien.

Le sénateur Grafstein: Cette loi laisse place à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire sur une question de vie ou de mort.

M. Roy: Monsieur le président, vous n'êtes pas sans savoir que la Cour suprême du Canada est actuellement saisie d'une affaire analogue dans le pourvoi Burns et Rafay. Il se peut fort bien qu'on doive invoquer une autre disposition de cette même loi, selon l'opinion que la Cour suprême du Canada aura exprimée devant la possibilité que l'État étranger applique la peine de mort. D'après les règles actuelles, il n'y a pas de telle obligation, mais cette obligation pourrait devoir être inscrite dans la loi, selon le jugement qui sera rendu.

[Français]

Le sénateur Corbin: Je constate qu'en vertu de l'article 5, il n'y a pas encore de ministre désigné. Il n'y a pas de ministre ou de secrétaire parlementaire ici ce soir. Le ministre, si l'on regarde la définition à l'article 5, doit être nommé éventuellement, si cette personne n'a pas été déjà nommée par le gouverneur en conseil. Qui sera ce ministre? Je pense plutôt au portefeuille qu'à la personne qui sera nommée. Avez-vous une idée?

M. Lefebvre: Présentement, à l'Agence spatiale canadienne, nous avons une loi constituante en vertu d'une loi qui a créé l'Agence spatiale canadienne, et le ministre désigné par le gouverneur en conseil est le ministre de l'Industrie, l'honorable John Manley.

Dans le cas du projet de loi, s'il est adopté par le Parlement, généralement, c'est une disposition standard. Probablement que le gouverneur en conseil nommerait le même ministre qui est responsable de l'Agence spatiale canadienne, l'Agence spatiale canadienne étant responsable du programme de la Station spatial internationale. J'imagine que le gouverneur en conseil nommera le ministre de l'Industrie.

Le sénateur Corbin: Ce projet de loi se penche surtout sur des questions de criminalité et autres, et c'est le ministre de l'Industrie qui en sera titulaire. Cela me surprend un peu.

M. Lefebvre: L'objectif principal du projet de loi est quand même, monsieur le président et honorables sénateurs, la possibilité pour le Canada de ratifier cet accord intergouvernemental, dont toute la responsabilité tombe entre les mains des gestionnaires de l'Agence spatiale canadienne, de son président et de son directeur général ici présents. Comme le sénateur Grafstein le mentionnait, s'il n'y avait pas eu cet amendement, nous n'aurions pas eu l'obligation de venir devant vous et devant le Parlement au sujer de la nécessité d'étendre le Code criminel canadien à nos astronautes canadiens sur la station.

M. Roy: Monsieur le président, pour ce qui est des amendements qui traitent du Code criminel, la ministre de la Justice en est clairement responsable, elle ne cherche pas à s'en défaire. Vous étudierez les amendements. Comme procureur général du Canada, elle a juridiction pour procéder à ces poursuites. Deuxièmement, si une poursuite est intentée par un procureur général provincial, elle doit, au préalable, donner son consentement. Donc, la ministre de la Justice est présente relativement à ces amendements, mais uniquement en ce qui touche le droit criminel. Pour le reste du projet de loi, c'est la responsabilité d'un autre ministre qui doit être nommé prochainement.

Le sénateur Corbin: Est-ce que j'aurais raison de croire que la mention du nom du ministre, peu importe son nom, est là tout simplement pour satisfaire à certaines exigences légales du fonctionnement de l'administration du gouvernement? En pratique, le ministre de l'Industrie, M. Manley, déléguera la plupart des pouvoirs qui lui sont conférés à l'agence. Le ministre a peu de choses à faire. Sur le plan administratif, c'est l'agence qui sera déléguée par le ministre. Le ministre, tous les matins, n'aura pas à se pencher sur le bon fonctionnement de l'agence.

M. Roy: J'allais vous dire, monsieur le président, que nous l'espérons. Cela représente ce que j'appelle en anglais la, «political accountability». Il est toujours nécessaire, dans notre système d'avoir un ministre responsable. Il y en aura un. Au jour le jour, M. le président Evans a la pleine responsabilité des opérations de cette agence. Il est clair et net que cela doit continuer d'être le cas.

M. Lefebvre: J'ajouterais que le président de l'Agence spatiale canadienne joue un rôle de sous-ministre en vertu de loi constituante qui a créé l'Agence spatiale canadienne. Il est considéré comme un sous-ministre comme dans n'importe quel autre ministère. Vous avez donc raison d'affirmer que l'administration sera faite par cette personne.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino: Question numéro un: devons-nous donc présumer que chaque État partenaire signera un document similaire à celui-ci, qui contiendra des dispositions reflétant les modifications que nous apportons à notre Code criminel?

Question numéro deux, à l'intention de M. Evans: pourriez-vous nous dire quels ont été jusqu'à maintenant les coûts déclarés et de quel ordre sont les coûts projetés pour cette opération, et prévoyez-vous que le Canada va avoir besoin d'un budget général pour ce projet particulier?

M. Roy: En ce qui concerne votre première question, je crois pouvoir y répondre à votre satisfaction, du moins je l'espère.

L'article 22 de l'accord dont nous parlons attribue la même compétence à tous les États partenaires, s'ils souhaitent l'exercer. Cela fait partie de l'entente qu'ils ont conclue.

Quant à savoir s'ils décideront de procéder comme nous par voie législative, la décision leur appartient. Je prévois que c'est ce qu'ils feront. La compétence dont il est question dans l'article 22 se trouve ni plus ni moins reflétée dans ce projet de loi.

En apportant ces modifications au Code criminel, nous croyons être en parfaite conformité avec l'accord qui a été conclu entre les États partenaires. Si les autres États veulent exercer une compétence moins étendue sur ce chapitre, c'est leur prérogative; mais ils ont signé sur la ligne pointillée, et ils devraient, du moins selon moi, adopter une loi qui aurait le même effet que les modifications que nous apporterons à notre Code criminel si ce projet de loi est adopté par le Parlement.

M. Evans: Entre 1984, année où a débuté notre participation au programme, et l'an 2004, quand tout notre équipement aura été installé dans l'espace, le programme de la station spatiale aura coûté, sur une période de 20 ans, 1,4 milliard de dollars. Quand la station sera achevée et devenue opérationnelle, il nous faudra continuer d'assumer les coûts relatifs à l'entretien de notre équipement et à la participation de nos astronautes aux vols spatiaux. Nous estimons que ces coûts seront de l'ordre de 35 millions de dollars par an. Tous ces fonds sont puisés à même les crédits annuels de l'Agence spatiale canadienne. Il n'y a pas de fonds spéciaux pour la station spatiale.

Le sénateur Andreychuk: Le paragraphe 7(1) autorise le ministre à exiger la communication d'information. Il y est question de «motifs raisonnables» et de «délai raisonnable». Ces termes seront-ils définis quelque part, ou leur interprétation sera-t-elle laissée à la discrétion absolue du ministre?

[Français]

M. Lefebvre: Il y a plusieurs paragraphes dans l'article 7. Le ministre se doit d'envoyer un avis, comme nous le mentionne le paragraphe (1). Il doit également donner un avis tel que cité au paragraphe (3). Il peut devoir faire application devant la cour pour l'obtenir. Il est intéressant de voir qu'au paragraphe (4), le juge a la possibilité d'exercer un contrôle judiciaire sur l'exercice demandé par le ministre.

[Traduction]

J'espère avoir bien répondu à votre question.

Le sénateur Andreychuk: Je constate qu'advenant refus ou omission, le ministre pourra faire une demande d'ordonnance judiciaire. Autrement dit, il nous faudra alors attendre de voir sur quel ensemble de droit repose cette notion de «motifs raisonnables». Dans un premier temps, c'est-à-dire dans le tout premier avis, le ministre expose simplement ce qu'il considère comme étant ses motifs raisonnables, n'est-ce pas?

M. Roy: Je crois que votre question tourne autour de la notion de «motifs raisonnables». Ces mots sont des termes techniques en droit. Nos tribunaux et nos législateurs les utilisent couramment depuis au moins un siècle. Ce qu'ils veulent dire au fond, c'est qu'on ne saurait se fonder sur de simples soupçons.

Il s'agit d'une formulation qui, en droit, appelle une réponse à la question de savoir s'il est probable que les personnes visées par la demande aient en leur possession les documents ou les renseignements réclamés. Si l'on peut convaincre quelqu'un qu'on a tout lieu de le croire, on peut accéder à cette information ou revendiquer le droit d'y accéder. Mais si l'on a tout au plus le sentiment que tel est le cas, on se lance alors dans une véritable expédition de pêche, ce qui n'est pas admis.

Dans ce cas particulier, si la personne omet de fournir l'information réclamée, même si le demandeur lui dit avoir des motifs raisonnables à l'appui de sa demande, le demandeur doit alors s'adresser à un juge et le convaincre que sa demande se fonde sur des motifs raisonnables. Là encore, cette notion de «motifs raisonnables» n'aura rien à voir avec de simples soupçons ou avec une quelconque tentative d'aller à la pêche.

Le sénateur Andreychuk: Je ne parle pas d'examen judiciaire ni de définitions vieilles d'un siècle, mais il s'agit ici d'une situation tout à fait nouvelle qui pourra nous poser des problèmes depuis l'extérieur de nos frontières. Demandera-t-on qu'on nous fournisse des renseignements qui sont détenus par des étrangers à l'extérieur de nos frontières?

M. Roy: Comme l'a fait remarquer le sénateur Di Nino en posant ses questions, ces dispositions législatives ne s'appliquent qu'à l'intérieur du Canada. On ne saurait demander à un juge d'une cour supérieure ou d'une cour fédérale de rendre une ordonnance qui aurait force de loi au-delà de nos frontières.

Ce dont il est question ici, c'est d'ordonnances applicables au Canada et au Canada seulement. Je puis vous assurer que les termes qu'on utilise dans cette disposition seront interprétés de la même manière qu'ils le sont depuis 100 ans, car je sais qu'on les a choisis justement à dessein. Je suis persuadé que c'est le sens qu'on donnera à ces mots.

Le sénateur Andreychuk: Vous êtes persuadé qu'en vertu du paragraphe 7(1) le ministre ne pourrait demander que des renseignements qui se trouvent au Canada. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Roy: Si le ministre veut demander une information qui se trouve à l'extérieur du Canada, il pourra certes le faire, mais il ne pourra pas obtenir qu'un tribunal canadien rende une ordonnance exécutable ailleurs qu'au Canada. Cependant, il est évident que rien n'empêchera le ministre de demander à ses partenaires de lui communiquer une information -- et je croyais que la réponse qui vous a été donnée à cet égard indiquait clairement qu'il y aurait échange d'information entre les partenaires.

Ici même au Canada, toute demande d'ordonnance judiciaire devra toutefois répondre au critère énoncé au paragraphe (2), au critère des motifs raisonnables de croire que cette information est détenue par les personnes visées par la demande.

Le sénateur Andreychuk: J'aurais deux ou trois autres questions à caractère juridique, mais je vais attendre pour les poser.

Je crois savoir qu'avant même de déposer la mesure législative au Parlement, il était censé être obligatoire ou certainement recommandé de s'assurer de sa conformité avec la Charte des droits et libertés. Est-ce exact? Si oui, a-t-on demandé et obtenu une telle attestation?

M. Roy: Vous avez raison. L'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice oblige le ministre de la Justice à s'assurer que la loi ne viole pas la Constitution. Je veux parler ici de la Charte des droits et libertés. Si le ministre est d'avis que la mesure législative proposée contrevient à la Charte, il doit en informer la Chambre. Aucun avis de la sorte n'a été donné à la Chambre des communes dans ce cas-ci.

Le sénateur Grafstein: La Cour suprême du Canada a-t-elle entendu le pourvoi Rafay?

M. Roy: Je crois que oui et que la cour a demandé la tenue d'une nouvelle audition.

Le sénateur Grafstein: Devant un tribunal inférieur?

M. Roy: Non, devant la Cour suprême. La cause a été entendue, et la cour a déclaré qu'elle n'était pas prête à rendre jugement, qu'elle voulait entendre de nouveaux arguments, au cours de l'an prochain, semble-t-il.

Le président: Chers collègues, nous avons fait passablement le tour de la question des implications juridiques du projet de loi. Seriez-vous maintenant prêts à passer à l'étape de l'étude article par article?

Le sénateur Grafstein: Je me retrouve, cette fois encore, dans la même position ingrate où j'ai été placé devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles lors de l'examen du projet de loi sur l'extradition. Vous vous souviendrez sans doute qu'un autre sénateur et moi-même avions alors exprimé notre inquiétude relativement au risque que comportait cette mesure législative au regard du rejet par le Canada de l'imposition de la peine capitale. J'avais proposé un amendement au projet de loi sur l'extradition. On en a abondamment et chaudement débattu au Sénat, puis on l'a finalement rejeté.

Depuis lors, monsieur le président -- et un de nos témoins d'aujourd'hui nous en a d'ailleurs parlé --, certains éléments de cette loi, dans un contexte plus restreint, ont été renvoyés à la Cour suprême du Canada. Je veux parler de l'affaire Rafay, sur laquelle un tribunal de la Colombie-Britannique s'était prononcé. La cause avait été portée en appel. Elle est maintenant devant la Cour suprême du Canada. Les deux parties ont fait valoir leurs arguments. Et voilà que le témoin vient de nous apprendre que cette cause sera entendue de nouveau, ce qui donne à penser que la Cour suprême du Canada, d'après ce que le témoin vient de nous dire, s'intéresse manifestement à ces éléments restreints de la Constitution. Nous avons à tenir compte ici un peu des mêmes considérations, pour autant que le présent projet de loi touche à la question précise de l'extradition.

Monsieur le président, je veux simplement attirer l'attention de mes collègues sur cette question. Je n'ai rien contre le projet de loi, sauf en ce qui concerne une éventuelle application étroite des aspects extraterritoriaux du Code criminel, qui auraient ou pourraient avoir pour effet d'exposer des Canadiens à se voir imposer la peine capitale par l'étranger. De par l'amendement qu'on y a apporté, le présent projet de loi comporte maintenant une complication supplémentaire que n'aurait pas entraîné notre autre amendement. Cette complication a trait au fait que l'un de nos partenaires se trouve à être l'Union européenne. L'UE a à cet égard la même loi que le Canada, en ce qu'elle exclut le recours à la peine capitale. Conséquemment, l'UE refusera, en se fondant sur la loi et non sur un quelconque pouvoir discrétionnaire, d'extrader le présumé auteur d'une infraction punissable par mise en accusation, par exemple d'un meurtre, si l'État qui demande l'extradition impose la peine capitale à ses ressortissants pour un tel crime et s'il ne lui donne pas l'assurance qu'on ne recourra pas à cette peine dans le cas de ce prévenu.

Il y a ici matière à reprendre toute cette discussion, mais, cette fois, à propos d'un contexte fort différent. Je vois M. Roy qui me fait gentiment signe que oui. Cela étant, monsieur le président, si vous voulez maintenant passer à l'étude article par article, je ne m'y objecterai pas, mais je vais m'abstenir de voter.

Le président: Merci, monsieur le sénateur Grafstein. Je vais effectivement passer à l'étude article par article, car on m'a fait remarquer qu'il était important que ce projet de loi soit adopté avant la fin de l'année pour que nous puissions participer au programme.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le président, nous avons abordé certaines questions, mais j'en aurais encore d'autres à poser à propos de ce projet de loi. Je ne vois pas pourquoi nous adopterions ce projet de loi ce soir si nous nous réunissons demain. J'ai toujours trouvé utile, lorsque je siégeais au comité des affaires juridiques et constitutionnelles, d'entendre des témoignages.

J'aimerais réfléchir sur les témoignages que nous avons entendus, pour m'assurer que j'ai bien saisi le contenu et les implications de ce qui s'est dit. Le report à demain après-midi de l'étude article par article poserait-il problème?

Le sénateur Di Nino: Je serais moi aussi de cet avis, si nous pouvions avoir les «bleus» pour revoir les témoignages. Ainsi, nous pourrions faire la part des choses.

Le président: Les témoins doivent retourner à Montréal.

Le problème, c'est que demain notre comité doit examiner le projet de loi S-3. Si nous reportons à demain l'étude article par article, nous risquons de manquer de temps pour bien examiner le projet de loi S-3. J'ignore quand le Sénat entend interrompre ses travaux, mais j'ai le sentiment que ce sera à la fin de la semaine prochaine. Je m'en remets donc aux membres du comité.

Étant donné que nous avons pris cette décision ensemble, tous les sénateurs sont conscients que nous allons examiner le projet de loi S-3 demain. Mais si des sénateurs le voient autrement, je respecterai la volonté du comité.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le président, je ne crois pas que ce soit une question de choix.

Le président: Non, pourvu que nous nous résignions à ne pas pouvoir nous pencher sur le projet de loi S-3 demain ni sur notre rapport sur l'OTAN la semaine prochaine. Sénateur, notre programme est chargé. Mais je le répète, je m'en remets aux membres du comité.

Le sénateur Corbin: Seriez-vous satisfaite si nous poursuivions dès maintenant la période de question?

Le sénateur Andreychuk: Nous pourrions toujours, mais je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas reporter à demain l'étude article par article, car je crois que cet exercice ne nous prendra pas énormément de temps.

Le sénateur Corbin: Comptez-vous que ces messieurs vont revenir de Montréal pour assister à cette autre réunion?

Le sénateur Andreychuk: Bien sûr que non.

Le président: En ce cas, vous ne pourrez pas obtenir les réponses à vos questions, puisqu'ils ne seront pas ici.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais relire une partie des témoignages ce soir. Si j'ai des questions à poser, je sais parfaitement où joindre M. Roy. Je tiens à réfléchir encore sur tout cela. Autrement, vous me placez dans la position de dire que je ne suis pas prête à passer à l'autre étape. Il me faudrait donc m'abstenir de voter, et je ne suis pas sûre d'être disposée à le faire.

Le président: Je m'en remettrai donc aux autres membres du comité.

Le sénateur Taylor: Monsieur le président, je ne vois aucun inconvénient à ajouter ce point au début de l'ordre du jour de demain.

Le président: Êtes-vous d'accord pour que nous procédions en premier à l'étude article par article lorsque nous nous réunirons demain?

Le sénateur Corbin: Monsieur le président, vous devriez vous assurer que ce soit mentionné dans l'avis de convocation.

Le président: Oui. Je suis sûr que Mme Gravel se chargera de le faire.

Le sénateur Di Nino: Concernant notre séance sur l'OTAN, aurons-nous la possibilité de prendre connaissance d'un document d'information que nous remettraient nos attachés de recherche avant le tenue de notre réunion de la semaine prochaine?

Le président: Monsieur le sénateur Di Nino, tout ce que je puis vous dire, c'est que nous travaillons très fort sur ce document. Vous serez le premier à le recevoir.

Le sénateur Di Nino: Merci beaucoup, monsieur le président. Ce serait bien si nous pouvions avoir le document avant de nous réunir.

Le président: Le sénateur Andreychuk me rappelle un point très important. Actuellement, nous nous employons à faire en sorte que pour mardi prochain nous ayons au moins les recommandations et la table des matières, l'index, à vous remettre. C'est là où nous en sommes pour le moment.

Le sénateur Di Nino: Si nous n'avons ce document que mardi, pensez-vous que nous aurons le temps de l'étudier?

Le président: Non. Notre plan, c'est de l'obtenir lundi, peut-être même avant.

M. Evans: Si j'ai bien compris, vous allez passer à l'étude article par article demain. Si vous le désirez, nous sommes tout à fait disposés à collaborer pour nous assurer que vous obtiendrez réponse à toutes vos questions. Si tel est votre souhait, nous pourrions revenir demain.

Le sénateur Corbin: J'ai entendu sénateur Andreychuk dire que ce ne serait pas nécessaire.

Le président: J'ai l'impression que ce ne sera pas nécessaire.

Je tiens à remercier les témoins de s'être montrés si patients.

La séance est levée.


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