Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 6 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 8 décembre 1999
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères, devant lequel ont été renvoyés le projet de loi C-4, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord conclu entre le gouvernement du Canada, les gouvernements d'États membres de l'Agence spatiale européenne, le gouvernement du Japon, le gouvernement de la Fédération de Russie et le gouvernement des États-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la Station spatiale internationale civile et apportant des modifications connexes à d'autres lois, ainsi que le projet de loi S-3, Loi mettant en oeuvre un accord, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et le Kirghizistan, le Liban, l'Algérie, la Bulgarie, le Portugal, l'Ouzbékistan, la Jordanie, le Japon et le Luxembourg, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, se réunit aujourd'hui à 15 h 30 pour examiner ces projets de loi.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous allons commencer par l'examen du projet de loi C-4, Loi de mise en oeuvre de l'Accord sur la Station spatiale internationale civile.
Avant que nous commencions, je crois savoir que le sénateur Corbin veut invoquer le Règlement.
Le sénateur Corbin: Je remarque que lors de nos dernières séances on nous a remis des copies des procès-verbaux des comités permanents de la Chambre des communes qui se sont penchés sur les projets de loi que nous étudions. Est-ce que ce sera la pratique courante dorénavant? Pourquoi procède-t-on ainsi?
Le président: Sans avoir approfondi la question, je vous répondrai que l'on a tout simplement voulu tenir les sénateurs au courant de ce qui s'était passé à la Chambre des communes. Je vais cependant demander ce qu'il en est à notre attaché de recherche, Peter Berg.
Le sénateur Corbin: On ne le faisait pas jusque-là. J'estime que nous pouvons très bien faire notre travail sans nécessairement prendre connaissance de ce qui a été fait auparavant. C'est toute une paperasse qu'il faut recycler.
Le président: En effet, c'est toute une paperasse.
Le sénateur Corbin: Je vous avoue que je n'ai pas le temps de la lire.
M. Berg: Je vous confirme tout bonnement ce que vient de dire le président. C'est simplement pour vous être utile, au cas où vous auriez besoin d'en savoir davantage sur les délibérations de l'autre Chambre concernant le projet de loi.
Le président: Honorables sénateurs, souvenez-vous que lorsque nous avons levé la séance l'autre soir, le sénateur Andreychuk avait un certain nombre de questions à poser à nos experts. Je vais demander au sénateur Andreychuk de poursuivre son interrogatoire.
Le sénateur Andreychuk: Merci, monsieur le président.
Lorsque nous avons levé la séance, je voulais obtenir des éclaircissements sur un certain nombre de points et je tiens à remercier les experts de s'être attardés par la suite un long moment pour m'apporter des précisions sur les points qui m'inquiétaient. Ils se sont montrés particulièrement obligeants et ont fait preuve d'une grande franchise en s'efforçant de suivre mes arguments et de me donner des justifications dans certains domaines.
J'avais évoqué deux questions. Tout d'abord, le sens à donner à l'expression «motifs raisonnables.» Comment la définir à partir du moment où un ministre avait besoin de renseignements? Il y avait aussi la question de l'article 7.
J'ai reçu suffisamment d'assurances pour me convaincre que la jurisprudence actuelle serait probablement suffisante. Certes, la formulation aurait pu être plus précise, mais j'estime que la jurisprudence est suffisante pour guider à la fois le ministre et les tribunaux sur ce point. J'ai donc obtenu une réponse satisfaisante sur le premier point.
Sur le deuxième point -- et les experts me corrigeront si je me trompe -- on a conclu en définitive qu'il s'agissait en l'espèce de lancer un avertissement. Le paragraphe 8(1) dispose:
8(1) Nul ne peut, sciemment, communiquer des renseignements ou des documents obtenus en application de la présente Loi ou de l'Accord et présentés comme confidentiels, ni en autoriser la communication ou l'accès sans le consentement écrit de la personne de qui ils ont été obtenus.
Cette interdiction m'apparaît claire. Toutefois, il y a une exception qui fait qu'une personne est fondée à divulguer les renseignements si elle estime qu'ils
[...] sont dans l'intérêt public en ce qui concerne la santé ou la sécurité publiques, et cet intérêt l'emporte clairement sur les pertes financières pouvant en découler pour toute personne [...]
et cetera.
Nous avons affaire ici à une station spatiale et je voyais bien mal en quoi pouvaient consister les questions d'intérêt public s'appliquant à la santé ou à la sécurité publiques dans l'espace par opposition à ce qui se passe sur le sol canadien. Là encore, il se peut que nous soyons ici sur un terrain nouveau ou qui reste à défricher et que la jurisprudence et les règles normales d'interprétation doivent nous servir de guide. Il nous faudra surveiller l'application de cet article, mais il est possible que ce soit davantage un avertissement qui vaille dans tous les cas et non simplement dans le cadre plus précis de cette loi. Nous avons entendu parler en particulier des questions liées à la santé et à la sécurité, par exemple.
Quoi qu'il en soit, je suis disposée à accepter pour le moment cette interprétation.
Les deux questions qui m'ont le plus préoccupées -- elles ont été soulevées par le sénateur Bolduc et par d'autres -- se rapportent à l'article 4:
La présente Loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province.
Je voulais que l'on m'assure qu'il s'agissait là de la formulation normale, liant les provinces, et je voulais savoir si les provinces avaient bien été consultées. M. Roy devrait pouvoir répondre à cette question, et je pense qu'il serait préférable de la consigner dans notre procès-verbal, parce que je ne suis pas la seule à me préoccuper de la chose.
Le président: Merci, sénateur Andreychuk.
Nos témoins d'aujourd'hui sont M. Yvan Roy, du ministère de la Justice, et M. Richard Ouelett, d'Industrie Canada.
Monsieur Roy, vous avez la parole.
M. Yvan Roy, Section des politiques du droit pénal, ministère de la Justice: Monsieur le président, pour répondre à la question posées par le sénateur Andreychuk, nous avons rapidement effectué ce matin quelques recherches portant sur un certain nombre de lois adoptées par le Parlement ces dernières années.
L'article 4 vise à lier Sa Majesté la Reine agissant au nom du Canada, mais aussi au nom des provinces. Cet article est repris tout à fait régulièrement dans les lois fédérales. En fait, nous en avons retrouvé un grand nombre d'exemples et, si le président est d'accord avec ma proposition, je suis tout à fait disposé à remettre à votre greffière une copie des différents textes de loi dans lesquels nous avons retrouvé cette disposition.
Ainsi, comme on peut le voir dans les documents que j'ai ici, c'est une disposition qui est prévue dans les traités internationaux adoptés par le pouvoir exécutif et mis en oeuvre au moyen de l'adoption d'une loi. On la retrouve dans des textes de loi émanant du Sénat et, de manière générale, lorsque l'intention du Parlement est de s'assurer que l'immunité dont bénéficie la Couronne en common law, et que reconnaît la Loi d'interprétation, n'a pas à être utilisée dans les circonstances données.
C'est donc quelque chose qui se fait régulièrement dans un très grand nombre de domaines et, plus particulièrement, lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre un traité international. C'est ce que l'on a fait jusqu'à présent et j'ajouterai qu'il est bon de continuer à le faire à l'avenir.
Le sénateur Andreychuk: J'ai eu la possibilité d'examiner les projets de loi qui comportent déjà cette disposition et je n'ai plus d'inquiétude à ce sujet.
Sur un deuxième point, je m'inquiétais de savoir si en l'espèce les provinces avaient été averties ou consultées. Il serait bon de consigner la réponse dans notre procès-verbal.
M. Roy: Pour ce qui est des consultations qui ont pu avoir lieu sur ce sujet particulier, il ne m'est pas possible de vous répondre, monsieur le président, tout simplement parce que ce n'est pas moi qui suis chargé de la question. Je crois devoir préciser à l'intention de votre comité qu'il est courant que le gouvernement fédéral traite régulièrement avec les provinces de toutes sortes de questions, notamment lorsqu'il s'agit de veiller à ce qu'elles soient informées des choses de cette nature, ne serait-ce que pour s'assurer qu'il n'y a pas de désaccord.
Si j'en crois mon expérience, monsieur le président, lorsque nous informons les provinces de dispositions de cette nature, il est rare qu'elles nous donnent une réponse pour nous indiquer dans quelle mesure elles sont d'accord. On le fait surtout à titre d'information. Toutefois, je ne peux rien affirmer en ce qui concerne ce texte de loi précis parce que je n'en suis pas chargé.
Le président: Il s'agit d'une station spatiale et il serait difficile de trouver une composante provinciale dans une station spatiale. C'est une simple observation.
Le sénateur Andreychuk: L'application relève de la loi provinciale.
J'ai fait référence hier aux expressions «vol spatial» et «élément de vol» en les rapprochant de l'article d'interprétation. M. Roy pourrait peut-être nous guider sur ce point. Ce serait plus simple et cela m'éviterai d'avoir à exposer péniblement toute mon argumentation. Il s'est montré plus précis que moi et je l'en remercie.
M. Roy: Je le ferai avec plaisir, sénateur Andreychuk. Monsieur le président, j'invite les membres du comité à se reporter à la page 4 du projet de loi C-4. Souvenez-vous qu'hier nous avons discuté assez longuement de la compétence qui serait conférée aux tribunaux canadiens. En vertu des dispositions du paragraphe (2.3) de l'article 7 du Code criminel, soit le premier paragraphe répertorié par l'article 11, les tribunaux canadiens seront compétents si un ressortissant canadien commet une infraction dans une station spatiale.
Le paragraphe (2.31) rend le Canada compétent lorsqu'il s'agit de poursuivre des étrangers commettant certains types d'infractions dans ces stations. Le premier type d'infractions est celui qui fait courir un risque pour la vie ou la sécurité d'un membre canadien de l'équipage. Cette disposition ne pose aucun problème.
Le problème se trouve à l'alinéa b). Voici comment est rédigé la version anglaise.
(2.31) [...] if that act or omission
b) is committed on, or in relation to, a flight element provided by Canada or damages a Canadian flight element.
Le sénateur Andreychuk nous a fait remarquer hier qu'en anglais l'expression «Canadian flight element» (élément de vol canadien) n'était pas définie dans la loi. La définition qui est donnée, c'est celle de «flight element» (élément de vol), que l'on retrouve au bas de la page 5. Cette définition comporte deux parties: selon que l'élément est fourni par le Canada ou qu'il l'est par l'un de nos partenaires. Dans la première moitié de l'alinéa (2.31)b), qui porte sur un élément de vol fourni par le Canada, il est clair que l'on se réfère à l'élément canadien, surtout à la lumière des discussions que vous avez entendues hier au sujet du bras canadien. Si ce genre d'équipement est endommagé, nous voulons pouvoir poursuivre les responsables en faisant en sorte que les tribunaux canadiens soient compétents.
Le sénateur Andreychuk a fait remarquer que si cette explication était la bonne, que voulait-on dire alors par le fait «d'endommager un élément de vol canadien»? Je dois avouer que nous sommes restés cois. Nous sommes donc allés demander aujourd'hui à nos rédacteurs ce qu'ils entendaient par cette expression.
L'explication est bien simple, monsieur le président. Les rédacteurs ont voulu faire preuve d'élégance. Ils ne voulaient pas répéter deux fois dans ce même alinéa «un élément de vol fourni par le Canada» ce qui aurait donné la formulation suivante:
b) is committed on, or in relation to, a flight element provided by Canada or damages a flight element provided by Canada.
Ils ont choisi de reprendre la formule élément de vol et de lui ajouter l'adjectif «canadien». Est-ce que cela entraîne une ambiguïté? Nous ne le pensons pas. Le sénateur Andreychuk a raison de faire remarquer que l'on a introduit ici une certaine imprécision. Nous ne considérons pas cependant que cela entraîne une ambiguïté parce que l'on ne peut que se référer à l'élément canadien de la station spatiale, ce qui est bien en fait l'élément de vol canadien.
Lorsqu'il subsiste une certaine imprécision après ce genre d'explication, nous savons tous que les deux versions du texte font force de loi dans notre pays. Si un problème venait à survenir, les juges se référeraient très vraisemblablement à la version française du texte, qui est limpide. Je dois avouer qu'avec le recul, monsieur le président, étant donné les réserves faites par le sénateur Andreychuk, s'il nous fallait rédiger à nouveau la version anglaise de l'alinéa b), il est probable que nous adopterions une solution un peu moins élégante. Voilà le fond du problème en ce qui me concerne.
Pour résumer cette courte intervention, je dirais qu'à notre avis la rédaction actuelle n'entraîne aucune ambiguïté. Il y a bien une imprécision, et c'est à bon droit que le sénateur Andreychuk l'a fait remarquer; toutefois, il n'y a aucune ambiguïté, et tout problème qui serait susceptible de se poser serait facilement résolu, à notre avis, grâce à l'interprétation de la version française.
Le sénateur Andreychuk: Cette loi, on me l'a signalé hier, a été rédigée en français et traduite en anglais, ce qui est étrange car c'est habituellement le contraire que l'on fait. Il y a une majorité de lois anglaises traduites en français.
Le sénateur Corbin: Nous sommes censés désormais avoir deux équipes parallèles.
Le sénateur Andreychuk: On nous a dit qu'en réalité le travail s'est fait en étroite collaboration avec la version française. Donc, lorsqu'on en prend connaissance, il n'y a pas d'ambiguïté. Je considère que la version anglaise présente une ambiguïté qui ne laisse pas d'intriguer. Pour l'instant, bien évidemment, je n'ai pas les compétences qui me permettraient de discuter ce qui pourrait distinguer à l'avenir un élément de vol canadien d'un élément fourni par le Canada dans une station spatiale. Je considère que pour définir un élément de vol canadien il nous faudrait nous reporter à la définition d'expressions telles que biens ou services canadiens, ce que je n'ai pas fait. La question se pose moins maintenant que nous avons eu la possibilité d'en discuter et il n'y a plus ce décalage que j'avais vu auparavant, lorsque j'estimais que nous avions en fait créé une catégorie tout à fait différente.
Il nous faut faire quelque chose à ce sujet. Je ne pense pas que nous puissions nous désintéresser de la question. Il s'agit de savoir s'il convient d'adopter un amendement pour remplacer dans la version anglaise «Canadian flight element» par «flight element provided by Canada» ou s'il nous faut adopter une autre solution. Je crois savoir que l'on va bientôt adopter un projet de loi d'ensemble sur cette question, et si le ministère s'engageait à revoir la formulation de cet article, ce serait peut-être aussi une solution.
M. Roy: Monsieur le président, je suis tout disposé à prendre cet engagement, si cela peut nous aider à résoudre la question.
Le président: Est-ce que cela vous convient, sénateur Andreychuk?
Le sénateur Andreychuk: Oui, monsieur le président. Ce sont les quatre observations que je voulais faire sur cette partie du projet de loi.
Sur un autre point, le sénateur Carney s'est interrogée hier sur le fait que l'on allait adopter aux termes d'une disposition de cette loi un code de conduite et une réglementation qui sont en cours de rédaction et qui s'appliquent non seulement au Canada mais aussi aux autres pays concernés. L'article 10 du projet de loi, amendé par l'autre Chambre, dispose:
Dans le cas où l'accord est modifié, il incombe au ministre de modifier l'annexe en conséquence, par arrêté, aussitôt que possible après l'entrée en vigueur de la modification. Il fait déposer le texte de celle-ci au Parlement dans les quinze premiers jours [...]
Je demande à nos deux experts si cela englobe le dépôt du code de conduite ou de la réglementation et si le ministère va s'engager à déposer précisément devant notre comité cette réglementation ou ce code de conduite?
M. Roy: Monsieur le président, tel que je l'interprète, l'article 10 amendé se rapporte à l'accord passé entre les États associés. Je vous renvoie ici à l'article 9, qui s'applique au pouvoir de réglementation prévu dans la loi. Cet article dispose:
Le gouverneur en conseil peut prendre les règlements qu'il estime nécessaires pour l'application de la présente Loi et pour donner effet à l'Accord, notamment au code de conduite, au mémorandums d'accord et aux arrangements d'exécution visés par l'Accord.
Cette disposition semble indiquer que ce que demande le sénateur Carney est déjà prévu à l'article 10 à partir du moment où l'accord doit englober ces éléments supplémentaires.
Je relève cependant en passant que le président de l'agence, qui a témoigné devant vous hier, a indiqué que si votre comité voulait se procurer ces documents, il était tout à fait disposé à s'arranger avec votre greffière pour qu'ils vous soient remis dès qu'ils seront disponibles.
Le sénateur Carney: Je vous parle de l'article 9. La loi générale est bien mentionnée, mais ce sont les règlements d'application que je tiens à faire présenter devant notre comité. Il n'est pas question que nous ayons à le demander. Je demande au président de faire le nécessaire pour que la réglementation ainsi que le code de conduite soient renvoyés devant notre comité lors du suivi éventuel de ce projet de loi. C'est une opération tout à fait courante qui se fait pour d'autres textes de loi. Il est de règle qu'au moment où la réglementation est rédigée, non seulement elle soit déposée devant le comité spécial du cabinet, mais qu'elle soit ensuite renvoyée devant notre comité pour que nous sachions quels sont les règlements d'application de cet accord.
Le président: Sénateur Carney, je n'y vois aucun inconvénient, il y a tant de règlements, mais je dois vous avouer que je n'ai encore jamais eu affaire à ce genre de situation devant les autres comités dont j'ai pu faire partie, si ce n'est celui de la réglementation. Toutefois, je n'y vois bien sûr aucun inconvénient.
Le sénateur Carney: Je vous remercie. Je signale, pour qu'il en soit pris acte, qu'il est important que nous ayons la réglementation, y compris le code de conduite. J'attends avec impatience de pouvoir les consulter.
Lorsque l'on a affaire à une loi générale comme celle-ci, la plus grande partie des pouvoirs tirés de la loi s'expriment par la voie de la réglementation. Il faut donc que notre comité sache exactement sur quoi précisément il légifère. La règle semble être «Dans le doute, réglementons» parce que c'est bien plus facile que d'avoir à adopter une loi.
[Français]
Le sénateur Robichaud: J'aurais une question complémentaire à poser suite aux questions du sénateur Carney. Est-ce qu'on ne s'embarque pas dans un processus qui ne finira jamais? Si on n'est pas d'accord avec les règlements, qui sont normalement publiés dans la Gazette du Canada avant de faire partie intégrante de loi, on les renvoie au ministre qui les retourne au Conseil des ministres. Il me semble que cela pourrait devenir extrêmement encombrant, si on devrait exiger de procéder de cette façon.
Le président: Comme je vous l'ai dit, je ne me souviens pas d'une situation où les comités recoivent les règlements. Mais pour le moment, cela ne me dérange pas. Je pense que nous pourrions, avec l'aide du greffier et du sous-comité des programmes et de la procédure, examiner la question. Je crois que pour l'instant nous devrions entendre la suggestion du sénateur Carney.
[Traduction]
Le sénateur Carney: Il y a des précédents, et je peux personnellement vous citer le cas de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la réglementation d'application de la loi ayant été déposée devant le comité pour que ce dernier sache comment la loi était appliquée. C'est ce que je demande, parce que nous avons affaire à un domaine nouveau.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je regrette de ne pas avoir été là hier, monsieur le président, parce que je pense qu'il y avait quelqu'un qui aurait pu répondre à mes questions, qui touchent principalement au côté financier. Toutefois, je pense que les témoins sont les rédacteurs du projet de loi.
Je n'ai pu trouver dans ce projet de loi aucune disposition touchant les engagements financiers que prend le Parlement. N'y a-t-il aucun plafonnement, aucune limite ou autre disposition du même genre qui soit prévu par ce projet de loi? Je crois savoir que l'on a parlé hier de 1,4 milliard de dollars sur 20 ans et de 35 millions de dollars par an de frais d'exploitation. Ce ne sont là que des estimations faites aujourd'hui dans un domaine difficile à évaluer.
Dans cinq ans, ces chiffres pourraient doubler ou être deux fois moindres; nous n'en savons rien. En fait, le Parlement s'est engagé à consacrer au moins 1,4 milliard de dollars à ce projet pendant les 20 prochaines années. C'est bien ça?
M. Roy: Si je comprends bien, monsieur le président, cette somme dont nous parlons a d'ores et déjà largement été dépensée. Le président de l'agence nous a indiqué hier qu'une grande partie du travail nécessaire avait déjà été effectuée; d'ailleurs, le bras canadien existe déjà.
Vous me demandez plus précisément si ce projet de loi s'applique plus ou moins au côté financier de l'entreprise, et je vous réponds par la négative. Les dispositions les plus importantes, à mon avis, de ce projet de loi, se trouvent à l'article 11, soit l'article qui modifie le Code criminel en vue de rendre les tribunaux canadiens compétents en cas de poursuite.
Lors de la discussion qui a eu lieu hier, on a fait savoir aux honorables sénateurs qu'en réalité, si ce n'était de l'article 11, il n'est pas garanti que l'on aurait eu besoin d'une loi générale étant donné les dispositions qui existent déjà. Cette loi ne vise pas à verser davantage de crédits; elle ne confère aucun mandat de cette nature à l'agence. C'est mon opinion.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je me reporterai à la transcription des délibérations d'hier pour plus de détails.
Le président: Puisque nous nous sommes entendus hier soir pour passer à l'étude article par article, nous pourrions peut-être commencer.
Nous examinons le projet de loi C-4, portant mise en oeuvre de l'accord conclu entre le gouvernement du Canada, les gouvernements d'États membres de l'Agence spatiale européenne, le gouvernement du Japon, le gouvernement de la Fédération de Russie et le gouvernement des États-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la Station spatiale internationale civile et apportant des modifications connexes à d'autres lois. L'honorable sénateur Corbin propose que le comité passe à l'étude article par article du projet de loi C-4.
Sommes-nous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, pour que cela soit consigné dans notre procès-verbal, après avoir eu la possibilité de lire la transcription de nos délibérations d'hier, et j'en remercie le personnel chargé de la transcription, je tiens à réaffirmer ici ce que je vous ai dit hier soir: pour les motifs que je vous ai fournis hier et qui sont consignés dans la transcription de nos délibérations d'hier, j'ai l'intention de m'abstenir de la procédure d'autorisation de l'étude article par article, de la rédaction du rapport et de la troisième lecture.
Le président: Merci de cette précision, sénateur Grafstein.
Dois-je remettre à plus tard l'examen du titre?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 1 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 2 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 3 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 4 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 5 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 6 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 7 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 8 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 9 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 10 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 11 est-il adopté?
Le sénateur Andreychuk: Monsieur le président, je propose que l'on adopte l'article 11 étant entendu que l'on s'est engagé, ce qui sera consigné dans notre rapport, à préciser davantage le sens de l'alinéa 11(2.31)b) pour ce qui est de l'expression en anglais «Canadian flight element» lorsque l'on se proposera d'examiner le projet de loi d'ensemble.
Le président: Je pense que c'est ce qu'ont indiqué clairement les témoignages.
Le sénateur Andreychuk: Je considère que ça doit figurer dans notre rapport.
Le président: Oui, effectivement, ce sera dans notre rapport.
Le sénateur Carney: J'aimerais faire une proposition. Parfois, les engagements figurent dans une lettre envoyée au ministre.
Le président: Je suis sûr que nous pouvons le faire.
Le sénateur Grafstein: Je ne suis pas certain, compte tenu de mon expérience antérieure sur ce même point devant un autre comité, que mon abstention puisse être consignée dans le rapport. Nous pourrions peut-être demander conseil sur ce point; sinon, j'espère que vous porterez à l'attention de la Chambre, lorsque vous déposerez le rapport, qu'il a été approuvé avec une abstention. Si ce n'est pas possible, j'espère avoir la possibilité de le signaler à l'étape du rapport. Il m'apparaît important d'être logique avec moi-même et de dire que je me suis abstenu en précisant les raisons qui m'ont amené à le faire, soit à ce moment-là, soit au moment de la troisième lecture.
Le président: Sénateur Grafstein, il est de règle qu'à l'étape du rapport vous ayez toute liberté pour vous exprimer et faire connaître votre point de vue.
Honorables sénateurs, l'article 11 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 12 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'article 13 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. L'annexe est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: Adoptée. Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté. Dois-je communiquer au Sénat que le projet de loi C-4 a été adopté sans amendement?
Le sénateur Andreychuk: Monsieur le président, je suis désolée de devoir vous interrompre à nouveau, mais le sénateur Carney a fait remarquer tout à fait judicieusement qu'il nous faut aussi envoyer une lettre au ministre; nous pourrions aussi demander dans cette même lettre que l'on dépose la réglementation.
Le président: Sénateur Andreychuk, ce sera dans notre procès-verbal et nous ne manquerons pas de le faire.
Le sénateur Corbin: Sénateur Carney, ce ne sont pas les projets de règlement que vous voulez. Vous voulez les règlements tels qu'ils sont publiés dans la Gazette du Canada.
Le sénateur Carney: C'est la première mouture des règlements que je veux, lorsqu'ils sont publiés pour la première fois dans la Gazette du Canada, étant donné que lorsqu'ils sont publiés pour la deuxième fois ils font désormais force de loi et il n'y a plus rien que nous puissions faire s'il y a des problèmes. Il faudrait que les règlements soient renvoyés devant le comité lorsqu'ils sont publiés pour la première fois dans la Gazette.
Le président: Je ne vois rien à redire à tout cela, mais il nous faut poursuivre, parce qu'il n'est pas bon de faire une digression en plein milieu de nos délibérations. C'est dans notre procès-verbal que cela doit figurer.
Le sénateur Carney: Et la chose sera communiquée au ministre pour qu'on ne l'oublie pas?
Le président: Elle sera communiquée au ministre comme vous l'avez indiqué.
Le sénateur Taylor: Je ne vois pas pourquoi la condition fixée par le sénateur Carney ne figurerait pas dans le rapport que nous allons déposer. Il serait préférable d'agir ainsi plutôt que de se reporter simplement au procès-verbal, et cela pour deux raisons. Tout d'abord, on attirera ainsi l'attention de la Chambre, lorsqu'elle examinera le rapport et, en second lieu, les médias en prendront connaissance et il est donc plus probable que cela sera suivi d'effet.
Le président: Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas préciser la chose dans le discours accompagnant le renvoi du projet de loi devant le Sénat. Il n'en reste pas moins que le projet de loi C-4 a été adopté sans amendement. Je ne pense pas que les membres du comité souhaitent qu'un amendement soit apporté puisqu'il faudrait alors, bien entendu, que le projet de loi soit renvoyé devant la Chambre des communes. Nous avons tous bien compris ce qu'entendait dire le sénateur Carney.
Le sénateur Grafstein: Justement sur cette question, monsieur le président, il y a deux façons de procéder qui sont toutes deux raisonnables.
Le sénateur Andreychuk se souviendra, je pense, qu'à plusieurs reprises nous avons longuement discuté au sein du comité des affaires juridiques et constitutionnelles de l'approbation d'un projet de loi sans amendement. Ce comité a pris pour habitude de faire figurer les directives ou les engagements reçus dans le corps même du rapport parce que c'est ce document qui est déposé et que l'on retrouve dans les publications. Les autres documents sont consultatifs, mais un rapport n'a pas le même statut.
Je ne crois pas que le personnel éprouve la moindre difficulté à faire figurer un paragraphe ou deux dans le rapport, et il appartiendra alors au comité directeur de trouver la bonne formulation pour que l'on n'ait pas à renvoyer le rapport devant le comité. Cela pourrait se faire très facilement.
C'est la façon de procéder sur laquelle nous avons fini par nous entendre après un long débat au sein du comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je vois que le sénateur Andreychuk approuve de la tête; elle a participé à ces discussions. Le comité avait conclu à l'époque qu'il serait préférable, en plus de faire figurer ces commentaires et ces engagements dans une lettre, de les consigner dans le corps du rapport.
Le président: Sénateur Grafstein, j'ai procédé à une étude article par article avant de faire rapport, ce que ne font pas apparemment tous les comités, précisément pour que les participants puissent intervenir sur tel ou tel article, ce qu'ont fait les sénateurs Andreychuk et Carney. Il n'en reste pas moins que notre comité renvoie ici un projet de loi sans amendements. Nous avons parfaitement compris, il me semble, ce que proposent les sénateurs Carney et Andreychuk, et nous nous entendons sur ce que nous allons faire.
Pour autant, il nous faut suivre la procédure parlementaire et plus précisément passer à l'étape suivante afin de renvoyer ce projet de loi sans amendements.
Ma question est donc la suivante: dois-je faire rapport au Sénat en indiquant que le projet de loi C-4 a été adopté sans amendements?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Andreychuk: Avec un paragraphe portant sur les deux points que vient de mentionner le sénateur Grafstein et en adoptant la procédure employée couramment au sein du comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour que le Sénat puisse bien comprendre la situation.
Le sénateur Carney: Au sein du comité de l'énergie et de l'environnement, il nous est arrivé d'étudier un projet de loi contenant 31 erreurs de traduction. Le sénateur Hayes était le président du comité et j'étais la vice-présidente. Il nous fallait faire un choix: procéder à 31 amendements ou rédiger une lettre à l'intention du ministre pour lui demander de prendre un engagement. Nous lui avons envoyé une lettre pour lui préciser: «Nous adopterons ce projet de loi sous réserve que vous vous engagiez à corriger les 31 erreurs de traduction dans le cours de l'année.»
Puisque c'est la greffière qui avait rédigé cette lettre la première fois, je suis sûre qu'elle est compétente pour en rédiger une seconde, et nous pourrons passer ainsi à la suite de notre ordre du jour. Nous pouvons être sûrs que la greffière saura rédiger le rapport et la lettre nécessaires, parce qu'elle l'a déjà fait auparavant.
Le président: Merci, sénateur Carney. L'honorable sénateur Corbin propose que le projet de loi C-4, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord, soit renvoyé devant le Sénat. D'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté.
Honorables sénateurs, nous allons passer au point suivant de notre ordre du jour. Il s'agit de l'étude du projet de loi S-3, mettant en oeuvre un accord, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et le Kirghizistan, le Liban, l'Algérie, la Bulgarie, le Portugal, l'Ouzbékistan, la Jordanie, le Japon et le Luxembourg, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.
Les sénateurs doivent savoir qu'il s'agit ici d'une procédure assez inhabituelle puisque ce projet de loi, qui porte sur une convention fiscale, a été envoyé comme il se doit devant le comité des banques et du commerce, qui a normalement renvoyé sans amendements devant le Sénat, néanmoins, ce même projet de loi a été ensuite renvoyé devant nous pour que nous l'examinions.
Je vais demander à nos témoins de se présenter et de nous décrire rapidement le projet de loi.
M. Brian Ernewein, directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Merci, monsieur le président. Je m'appelle Brian Ernewein. Je suis directeur de la Division de la législation de l'impôt au sein de la Direction de la politique de l'impôt du ministère de Finances.
J'ai à mes côtés mon collègue David Sénécal, qui appartient à la même division et qui est le chef de la section de négociation des traités au sein de la Direction de la politique de l'impôt.
Mme Ann Collins, directrice, Direction de l'Europe de l'Est, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Monsieur le président, mon nom est Ann Collins. Je suis directrice de la Direction de l'Europe de l'Est au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Mme Adèle Dion, directrice, Direction des droits de la personne, des affaires humanitaires et de la promotion internationale de la femme, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Je m'appelle Adèle Dion. Je suis la directrice de la Direction des droits de la personne, des affaires humanitaires et de la promotion internationale de la femme au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
M. Ernewein: Monsieur le président, vous nous avez invité à être brefs et je répondrai avec plaisir à cette invitation. Nous avons comparu il y a une semaine aujourd'hui devant le comité des banques pour discuter du contenu des traités fiscaux. Comme vous venez de l'indiquer, c'est normalement devant le comité sénatorial des banques que nous comparaissons pour exposer les projets de loi et répondre aux questions touchant l'application des traités fiscaux que nous négocions.
Comme vous l'avez indiqué, ce projet de loi regroupe en l'espèce neuf ententes. Sept d'entre elles se rapportent à de tous nouveaux traités -- en l'occurrence, à des traités passés avec des pays avec lesquels nous n'avions aucun traité auparavant, ou du moins pas directement -- et deux autres ententes s'appliquent à des pays avec lesquels nous avions déjà une entente. Pour ce qui est du Luxembourg, il s'agit d'un nouveau traité, qui remplace cependant un traité antérieur; dans le cas du Japon, il s'agit d'un protocole d'entente ou d'une série d'amendements apportés au traité existant.
Comme l'indique presque tous les préambules, les traités fiscaux ont principalement pour but d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale. Nous sommes bien persuadés que tous ces traités nous permettront d'atteindre ces objectifs de politique fiscale. Ces traités présentent entre eux certaines différences mais, dans l'ensemble, ils répondent tous à la même finalité. Ils limitent tous le montant des impôts pouvant être retenus à la source par chaque pays sur certaines catégories de revenus versés aux résidents de l'autre pays.
Les principales catégories de revenus auxquelles je me réfère sont les dividendes, les intérêts et les redevances. De manière générale un pourcentage de 5 à 15 p. 100 du montant total est retenu à la source par le pays dans lequel le paiement est effectué; le pays dans lequel la personne résidante reçoit le revenu correspondant impose ce revenu au taux applicable sur le territoire concerné.
Comme je vous l'ai précisé, et comme vous l'avez indiqué par ailleurs, monsieur le président, nous sommes déjà allés devant le comité des banques répondre comme il se doit, nous l'espérons, aux questions portant sur le contenu détaillé des différents traités. Je crois comprendre, et j'espère ne pas me tromper, que votre comité souhaite pour sa part discuter des questions soulevées par les accords proposés entre un ou plusieurs pays, non pas en matière fiscale, mais éventuellement sur d'autres plans.
Je vais peut-être m'arrêter ici et me préparer à répondre aux questions portant éventuellement sur le contenu de l'un des accords qui fait partie de ce projet de loi; s'il y a ensuite des questions portant sur nos relations avec ces autres pays sous un autre angle que celui de la politique fiscale, mes collègues des Affaires étrangères pourront peut-être vous répondre.
Le sénateur Andreychuk: Allons-nous entendre les représentants du ministère des Affaires étrangères?
Le président: Madame Collins, voulez-vous dire quelques mots au sujet du projet de loi?
Mme Collins: J'espère ne pas me tromper, mais il me semble qu'à nouveau un certain nombre de questions ont été soulevées plus particulièrement au sujet de l'accord que l'on se propose de signer avec l'Ouzbékistan. Il serait peut-être bon sur ce point de rappeler quelle est la situation.
En 1985, le Canada a signé avec l'URSS un accord portant sur les doubles impositions. Lors de la dissolution de l'Union soviétique, la plupart des États ont décidé de ne pas continuer à être parties prenantes à ce traité, ce qui a été le cas de l'Ouzbékistan. Par conséquent, de nouveaux accords ont dû être négociés avec les nouveaux États indépendants de l'ancienne Union soviétique.
Des négociations ont été entreprises en 1995 entre le Canada et l'Ouzbékistan à la suite de la signature en 1994 de l'accord mutuel visant à poursuivre les discussions sur la signature d'un accord portant sur les doubles impositions. Cette entreprise a été menée à l'initiative des sociétés canadiennes, qui s'intéressaient au potentiel offert par le marché de l'Ouzbékistan, notamment dans le secteur des ressources naturelles. L'Ouzbékistan est l'un des principaux producteurs d'or du monde; il a d'importants gisements de cuivre, d'argent et de zinc ainsi que d'énormes réserves de gaz naturel. Ce pays était considéré comme un marché potentiel par les sociétés canadiennes.
Des textes juridiques tels que les accords portant sur les doubles impositions protègent les intérêts des particuliers et des sociétés canadiennes en leur donnant davantage de garanties et de certitude lorsqu'ils cherchent à mettre sur pied des entreprises, plus particulièrement sur les marchés difficiles et pleins de surprises des pays de l'ancienne Union soviétique.
Les sociétés canadiennes continuent à s'intéresser à l'Ouzbékistan même si les échanges avec ce pays sont restées modestes jusqu'à présent. La négociation d'un accord portant sur les doubles impositions est conforme à notre politique, qui vise à favoriser les réformes économiques et autres dans les pays de l'ancienne Union soviétique pour aider ces pays à passer à une économie de marché. Ce genre de texte favorise la transparence, apporte des garanties et fait respecter l'application du droit dans nos relations économiques bilatérales.
Mme Dion: Il serait peut-être bon que j'ajoute quelques commentaires d'ordre général sur l'ensemble de notre politique touchant les relations entre les droits de la personne et la politique étrangère.
Depuis 1986, tous les gouvernements qui se sont succédé au Canada préconisent l'engagement et le dialogue en ce qui a trait aux droits de la personne. Comme l'a très bien dit mon collègue, lorsque nous engageons le dialogue à différents niveaux avec les pays dont la politique en matière de droits de la personne nous préoccupe, nous nous efforçons de favoriser la transparence, le respect de l'État de droit ainsi qu'un environnement stable aussi bien à l'intérieur du pays lui-même qu'à l'échelle de la communauté internationale tout entière. Nous sommes effectivement convaincus que pour disposer d'un environnement international stable et en paix il faut pouvoir contrôler ce que font les différents pays en matière de droits de la personne et promouvoir le respect total des règles internationales en matière de droits de la personne.
Le Canada étant un pays commerçant de taille moyenne, le gouvernement estime, aujourd'hui comme hier, que nous avons tout intérêt à défendre activement et à promouvoir le respect des règles internationales en matière de droits de la personne tant au niveau bilatéral, avec des pays tels que ceux de l'ancienne Union soviétique, qu'au niveau multilatéral.
Le sénateur Andreychuk: Pour que tout soit bien clair, monsieur le président, il n'est pas tout à fait juste de dire que tous les accords portant sur les doubles impositions ont été renvoyés devant le comité des banques, parce qu'il est certain que notre comité s'est penché sur une série d'entre eux. On se rend de plus en plus compte que ces accords ne se limitent pas à des considérations financières. Ils ont des répercussions sur la politique étrangère et dans d'autres domaines dont s'occupe principalement notre comité. C'est pourquoi nous nous sommes intéressés à ce projet de loi.
La dernière fois, il y a deux domaines qui n'ont pas manqué de nous préoccuper, moi et d'autres membres de notre comité. Bien évidemment, les entreprises veulent bénéficier du meilleur traitement fiscal possible et il est normal qu'elles cherchent à éviter la double imposition. Je n'ai pas besoin de m'étendre sur la question. Toutefois, je ne suis pas sûr que toutes les entreprises, notamment les petites entreprises, soient conscientes du fait qu'une fois que l'on a adopté un accord sur les doubles impositions, l'autre pays a accès à l'information sur l'entreprise et sur ses responsables.
Nous savons que l'accord précise où et de quelle manière vont être obtenus ces renseignements, comment ils vont être traités et à qui ils vont être divulgués; toutefois, nous ne sommes toujours pas convaincus que votre ministère ait procédé à une enquête suffisamment approfondie pour déterminer dans quelle mesure le pays qui accorde un traitement réciproque a la capacité, les institutions, les moyens et les antécédents lui permettant de nous garantir le même niveau de confidentialité et de respect des accords fiscaux qu'au Canada. Nous avions émis précédemment des réserves en disant que nous voulions savoir ce qui avait été fait dans chaque cas avant que nous acceptions de donner suite à notre étude.
Ensuite, et c'est tout aussi important, une fois que l'on se sera prononcé sur ces institutions, nous voulons nous assurer que l'autre pays mérite de commercer avec le Canada. Certes, Mme Dion nous dit bien qu'un tel instrument devrait servir à promouvoir la transparence et le respect de l'État de droit, mais nous ne voulons pas non plus «commercer comme si de rien n'était» avec un gouvernement qui enfreint de manière intolérable les droits de la personne.
Autrement dit, il nous faut nous fixer certaines limites et faire des choix. C'est l'Ouzbékistan que certains membres de notre groupe parlementaire ont montré du doigt.
J'aimerais tout d'abord obtenir une série de réponses à la question de savoir si l'on a procédé à une évaluation, pour chacun des pays figurant dans la liste qui nous est donnée ici, afin de déterminer si leurs institutions, leurs méthodes, leurs mesures de protection et leurs antécédents sont suffisamment bons pour nous garantir qu'ils vont respecter les clauses de l'accord.
En second lieu, est-ce que le ministère des Affaires étrangères, comme nous l'avions mentionné dans notre rapport précédent, a procédé à une évaluation, après s'être penché sur la situation relative aux droits de la personne dans chaque cas, pour pouvoir juger de l'opportunité de signer un accord bilatéral?
M. Ernewein: Je vais commencer et je passerai ensuite la parole à mes collègues des Affaires étrangères. Je vous fais part uniquement de mon expérience personnelle à la suite de ma comparution devant le comité des banques. Je crois que la majorité des projets de loi portant sur des traités sont renvoyés devant le comité des banques. Je n'ai jamais voulu laisser entendre que c'était toujours le cas. Vous me corrigerez si ce n'est pas la majorité d'entre eux, mais je crois qu'il en est bien ainsi. Quoi qu'il en soit, ce n'est certainement pas le cas de tous et nous reconnaissons tout l'intérêt que porte votre comité au contenu et à l'application de nos traités, notamment des traités fiscaux.
Quant au fond, vous avez raison de poser la question en ces termes. Si nous ne pouvons pas faire confiance à l'administration fiscale de l'autre pays, nous ne pouvons plus accorder un grand intérêt aux dispositions prévoyant un échange d'information avec celui-ci. Nous pourrions difficilement obtenir de l'information de sa part quand nous en avons besoin, et nous ne pourrions aucunement lui faire confiance quant au traitement de l'information que nous sommes susceptibles de lui fournir.
Quant aux neuf pays visés par ce traité, sept d'entre eux signent avec nous pour la première fois un traité de sorte que nous n'avons pas fait directement l'expérience d'un échange d'information avec eux. Avant même de pouvoir parler d'une telle expérience, il nous faut mettre en application les accords. Toutefois, lorsque nous cherchons à déterminer s'il est justifié ou non de signer un traité de ce type, avant de nous lancer dans une telle opération, nous consultons officiellement et officieusement -- la deuxième voie est parfois plus productive -- les autres pays ayant signé des traités avec nous et nos autres partenaires commerciaux, notamment dans le cadre de l'OCDE, dont le comité des affaires fiscales s'est doté d'un groupe de travail consacré exclusivement à la négociation, la mise en oeuvre et la révision permanente des traités en matière fiscale.
Lorsqu'un traité est mis en oeuvre, ce qui englobe l'application d'une disposition prévoyant un échange d'information, Revenu Canada ne met pas immédiatement ses banques de données à la disposition de l'autre pays. Il s'agit de traiter des demandes individuelles et cela n'est fait qu'au coup par coup par l'Agence des douanes et du revenu du Canada. De manière générale, d'autres dispositions peuvent avoir été prises avec les pays avec lesquels nous entretenons des relations depuis longtemps, mais il est évident que dans le cas des nouveaux pays signataires de traités, il s'agira de traiter le dossier d'un contribuable en particulier faisant appel à un type d'information donné.
Il n'y aura échange d'information que si l'on sait pertinemment à l'avance que cette information ne sera utilisée que dans le but prévu par l'administration des impôts de l'autre pays et au cas où cette attente raisonnable -- il ne doit pas s'agir d'une simple supposition -- au cas où cette attente raisonnable ne serait pas respectée et où en fait l'information ne serait pas utilisée dans les buts expressément prévus par le traité d'imposition des revenus, on arrêtera là toute l'échange d'information. L'Agence des douanes et du revenu du Canada ne communiquera plus de renseignements, du moins tant que l'on n'aura pas répondu à ses objections.
Pour ce qui est de chacun des pays répertoriés ici, il ressort de nos contacts pris au sein de l'OCDE, par l'intermédiaire de l'ADRC, que nous n'avons aucune raison de croire que l'autre pays serait dans l'incapacité de respecter les clauses s'appliquant à l'échange d'information; en l'occurrence, nous n'avons aucune raison de croire qu'il ne réussira pas à nous fournir des renseignements à la demande et qu'il n'utilisera pas les renseignements que nous lui fournissons autrement que dans les buts prévus. S'il arrive à notre connaissance, ou plus précisément à la connaissance de l'ADRC, que l'on a abusé des renseignements fournis par d'autres pays, y compris le Canada, je peux vous garantir qu'il n'y aura plus d'échange d'information tant que l'on ne nous aura pas donné satisfaction.
Le président: L'autre partie de la question portait sur les droits de la personne.
M. David Sénécal, chef intérimaire, Conventions fiscales, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Souvenons-nous que nous ne sommes pas les seuls à négocier un traité avec l'Ouzbékistan. La majorité des pays de l'OCDE sont actuellement liés à l'Ouzbékistan par traité, soit parce qu'ils continuent d'appliquer le traité qui les liait à l'URSS, soit parce qu'ils en ont négocié de nouveau. Comptons parmi ceux-là les États-Unis, le Japon, l'Allemagne et la Belgique. Nous sommes en contact permanent avec eux, et rien ne nous porte à penser qu'ils aient jusqu'ici rencontré des problèmes sur ce point.
Les États-Unis, pour leur part, ne vont pas simplement continuer à appliquer l'ancien traité avec l'URSS. Je crois savoir qu'ils négocient actuellement un nouveau traité avec l'Ouzbékistan. Je doute fort qu'ils le feraient si l'application du traité signé avec l'ex-URSS leur avait suscité des ennuis.
Mme Dion: Je ne suis guère en mesure de vous dire si la conclusion d'un accord bilatéral s'avérera bénéfique; il est clair que la décision appartient au ministre des Finances agissant de concert avec mon ministre. Permettez-moi, cependant, de dire quelques mots sur les normes internationales qui s'appliquent tant au Canada qu'à l'Ouzbékistan.
L'Ouzbékistan a ratifié les six principales conventions internationales sur les droits de l'homme. Il existe des mécanismes juridiques internationaux devant lesquels il peut être appelé à répondre de son action, ainsi que des comités chargés de veiller à l'application de ces conventions et devant lesquels ce pays doit rendre compte de ce qu'il fait dans ce domaine, ces comités étant chargés de suivre en permanence l'action de ce pays pour tout ce qui touche aux droits de la personne.
L'Ouzbékistan est, comme le Canada, membre de l'Organisation de sécurité et de coopération en Europe et l'OSCE a elle-même instauré des mécanismes de surveillance dans le domaine des droits de la personne. L'Ouzbékistan est maintenant membre à part entière des Nations Unies, cette organisation ayant, elle aussi, mis en place divers mécanismes permettant de suivre l'action des États dans le domaine des droits de la personne.
Au niveau des conseils que nous transmettons à nos collègues de la division des relations bilatérales, c'est-à-dire, en fin de compte, à notre ministre, nous voyons d'un bon oeil le fait qu'un pays ait accédé à ces instruments internationaux, qu'il ait accepté de se soumettre à un régime de contrôle international des droits de l'homme et qu'il soit prêt à contracter des engagements bilatéraux et multilatéraux dans le cadre de l'ONU ou de l'OSCE. Cela constitue à nos yeux un indice favorable des relations de ce pays avec le reste du monde.
Le sénateur Taylor: On parle parfois du Kirghizistan et parfois de la République de Kirghizistan. L'appellation République de Kirghizistan a été adoptée, si je ne me trompe pas, il y a un an. Les deux appellations peuvent-elles être utilisées indifféremment?
Mme Collins: Le pays s'appelle maintenant République de Kirghizistan.
Le sénateur Taylor: Pourriez-vous me donner une idée des sommes en cause? En argent canadien, de combien s'agit-il du point de vue de l'impôt, et pouvons-nous régler les points A à F?
Mme Collins: Vous voulez dire pour tous les pays en question?
Le sénateur Taylor: Oui, pour chacun d'entre eux. S'agissant d'égalisation dans le cadre de la convention fiscale, quelles seraient, en dollars canadiens, les sommes imposées en l'absence d'un tel accord? La République de Kirghizistan est un bon exemple à prendre puisqu'on y trouve une importante mine d'or appartenant à des intérêts canadiens.
Le président: Sénateur Taylor, il y a également le Japon, où les sommes en cause doivent être énormes.
Le sénateur Taylor: Vous ne m'avez pas entendu dire que j'irais jusqu'à F seulement, mais, si vous le voulez, on peut inclure le Japon. Avez-vous une idée de ce que les sociétés canadiennes, faute de convention fiscale, auraient à payer en plus au niveau de l'impôt? Cette convention est-elle vraiment dans l'intérêt des entreprises?
M. Ernewein: Puis-je répondre d'abord à la dernière question? Notre objectif est double: faire plaisir aux entreprises tout en nous payant nous-mêmes. C'est le principal but de ces traités qui visent à réduire la double imposition.
Je dois dire, en réponse à votre question précédente, ne pas être en mesure de citer des chiffres précis, mais je peux vous dire que, souvent, c'est la signature d'un traité qui fera qu'une entreprise canadienne se retrouvera en bonne place lorsqu'il s'agit de solliciter, dans tel ou tel pays, les indispensables investissements. Si, par exemple, les entreprises sont soumises à une retenu à la source de 30 p. 100 sur les dividendes versés à l'étranger, ou si on leur retient 30 p. 100 sur les intérêts ou les redevances versés à l'étranger, il n'est guère surprenant que, dans bien des cas, cela suffise à rendre les investissements dans ce pays, sinon improductifs, du moins non concurrentiels. Dans de telles circonstances, les entreprises ne parviendront pas à obtenir le contrat ou à offrir un prix susceptible de retenir l'intérêt de l'investisseur recherché.
Le sénateur Taylor: Quelle est l'origine de tout cela? Est-ce parce que les États-Unis et le Japon ont conclu de tels accords que nous devons, nous aussi, en conclure? Les entreprises canadiennes se sont-elles concertées afin de demander que soit conclue ce type de convention fiscale, ou cherchons-nous simplement à nous aligner sur ce que font les autres pays industriels?
M. Ernewein: Il est clair que la concurrence internationale est un des éléments qui jouent en l'occurrence. Mais, indépendamment de tout cela, il est bon de conclure des conventions fiscales et d'essayer d'harmoniser les règles qui régissent nos rapports avec l'étranger. Nous devons veiller à ce que nos investisseurs qui interviennent là-bas se voient appliquer les mêmes règles au niveau du seuil d'imposition -- je parle là du chiffre d'affaires que nos investisseurs doivent y atteindre avant que le pays hôte commence à les imposer pour les activités qu'ils y mènent -- et pour que nous puissions appliquer les mêmes règles fiscales aux personnes qui, originaires de cet autre pays, viennent investir ici afin de ne pas les imposer simplement parce que l'investissement provient du pays en question. Il faut que l'entreprise opérant dans l'autre pays atteigne un certain seuil d'activité avant que nous considérions nous-mêmes qu'il existe, entre l'entreprise concernée et le Canada, un lien suffisant pour que nous l'imposions.
Je ne voudrais pas pécher par excès d'abstraction, mais en plus des considérations de compétitivité internationale, la normalisation et l'harmonisation des règles fiscales ont nettement pour effet de développer les échanges. Le fait que les mêmes règles s'appliquent à tous permet d'éviter, ou du moins d'atténuer, l'agacement provoqué par la fiscalité, et qui a, sur les investissements entre les deux pays, un effet dissuasif.
Le président: Si j'ai bien compris, il s'agit, essentiellement, d'éviter la double imposition, c'est-à-dire l'obligation de payer deux fois des impôts. En l'absence de convention fiscale, l'entreprise canadienne opérant dans le pays X, verra ses bénéfices imposés à la fois dans le pays X et au Canada. N'est-ce pas là l'essentiel de sa raison d'être?
M. Ernewein: Les deux principaux objectifs des conventions fiscales sont l'élimination de la double imposition et la prévention de l'évasion fiscale. La plupart des pays ont effectivement adopté, dans le cadre de leur droit interne, des règles concernant les crédits d'impôt étrangers, ou du moins instauré un mécanisme permettant de pallier les effets de la double imposition, même en l'absence de traité. La signature d'un traité constitue une amélioration par rapport à ce genre de régime. Mais les traités entraînent également l'élimination ou l'atténuation de beaucoup de retenues à la source qui sont parfois supérieures au revenu net de l'entreprise.
En voici un exemple simple. À supposer que l'on applique une retenue à la source de, disons, 40 p. 100 aux intérêts versés à des résidents étrangers, on pourrait penser que cette retenue de 40 p. 100 n'est pas excessive par rapport au taux d'imposition marginal en vigueur au Canada et qu'il n'y aurait par conséquent guère de problème au niveau de la double imposition. Mais, lorsque vous prenez en compte les coûts de financement d'un prêt consenti par une banque, qui ne se contente pas de vous prêter l'argent qu'elle a en dépôt mais qui doit elle-même emprunter pour prêter, une taxe de 40 p. 100 sur le montant brut des intérêts perçus équivaut parfois à une taxe de plus de 100 p. 100 sur le revenu net. En éliminant la double imposition, vous éliminez également le taux d'imposition exorbitant.
Le sénateur Taylor: Ceux qui sont trop lourdement imposés peuvent solliciter au Canada un crédit d'impôt mais, pour ceux qui sont imposés trop légèrement -- le Canada va-t-il intervenir pour effectuer une sorte de compensation? Autrement dit, on prévoit un certain taux applicable aux bénéfices de l'entreprise canadienne; si l'autre pays n'en prélève pas assez, alors nous intervenons nous-mêmes pour prendre le reste. Si, par contre, l'autre pays en prélève plus que nous n'en aurions nous-mêmes prélevé, alors on accorde à la compagnie un crédit lorsqu'elle fait sa déclaration de revenu au Canada. Est-ce bien cela?
M. Ernewein: Notre système prévoit les deux cas de figure, selon les circonstances. S'agissant d'un particulier -- c'est-à-dire, d'une personne physique -- ou d'une entreprise canadienne exerçant une activité dans un autre pays par le truchement d'une succursale -- mais pas par l'intermédiaire d'une filiale ayant une personnalité juridique indépendante -- le système que vous venez d'évoquer s'applique, c'est-à-dire que le pays étranger va percevoir les impôts prévus par sa législation. Le Canada va alors, lui, faire jouer sa propre fiscalité et consentir un crédit pour ce qui est des impôts payés à l'étranger. Ce qui se produit, en pareil cas, c'est que la société doit acquitter celui des deux impôts qui est le plus élevé.
Le sénateur Corbin: Monsieur le président, je pensais que nous allions nous pencher sur les aspects du texte ayant trait aux droits de la personne.
Le président: En effet. Il est probable que tout ce qui a trait aux questions de financement a été examiné par le comité des banques et du commerce qui a rapporté le projet de loi sans l'amender.
Sénateur Taylor, allez-y, mais n'oubliez pas que nous ne sommes pas censés nous pencher sur un aspect du projet de loi qui a déjà retenu l'attention d'un autre comité.
Le sénateur Taylor: Pardonnez-moi si je ne sais ce qu'a fait l'autre comité. Il est fréquent que je ne sache pas très bien ce que fait ce comité-ci.
Le président: Un système a été instauré.
Le sénateur Corbin: C'est un reproche qu'on fait à nos travaux.
Le président: Le projet de loi a déjà été rapporté sans amendement par le comité des banques, comité que le Sénat a justement chargé d'examiner de tels projets de loi. C'est ce qu'il faut entendre par cela.
Le sénateur Taylor: Ce qui m'intéresse dans l'aspect financement, ce sont les redevances. Il y a, au Canada, des provinces qui ont instauré un système de redevances. Les règles fiscales applicables à une compagnie versant une redevance pour la production à l'étranger d'or ou de pétrole ou, comme vous le disiez tout à l'heure, de nickel ou de zinc, sont-elles les mêmes que celles qui s'appliquent à une entreprise qui paie ici des redevances à un gouvernement provincial?
M. Ernewein: Si j'ai bien saisi le sens de votre question, je dois répondre que le traitement fiscal n'est pas le même dans les deux cas. Il serait peut-être utile de dire un peu ce que l'on entend par des redevances. Une redevance est le versement imposé par un gouvernement sous forme de taxe, et non pas un moyen pour lui de se procurer un bénéfice à titre de vendeur de la ressource en question. C'est une manière d'imposer les flux financiers, généralement entre deux entités privées.
Vous me corrigerez si je fais erreur, mais les redevances provinciales que vous venez d'évoquer sont les versements exigés par les autorités provinciales au titre des droits fonciers permettant la production de certaines matières premières dans les limites de son territoire. En ce qui concerne l'impôt sur le revenu fédéral, et même provincial, nous n'accordons aucune crédit d'impôt au titre des impôts provinciaux acquittés, contrairement à ce qu'il en est pour les impôts payés à l'étranger. Deuxièmement, bien que dans les deux cas on parle de redevances, dans le contexte des conventions fiscales, la redevance en question est en fait une taxe.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'aimerais revenir très rapidement à ce que j'ai dit la semaine dernière devant le comité des banques. Je tiens d'abord à féliciter les personnes qui ont rédigé le dossier d'information. J'ai rarement vu une documentation si complète et si utile à l'examen d'un projet de loi et à la question plus générale des conventions fiscales. Cette synthèse nous est extrêmement utile et sera retenue comme ouvrage de référence quand nous aurons achevé nos travaux.
Je comprends fort bien les raisons qui nous poussent à adopter des conventions fiscales avec des pays dirigés par des gouvernements qui ne répondent pas toujours à nos propres critères et dont nous réprouvons parfois l'action. Nous faisons cela afin de protéger aussi bien les citoyens que les investissements canadiens. Cela dit, je crois savoir qu'en Ouzbékistan il n'y a pour l'instant que peu d'investissements canadiens. Demeure la possibilité de tels investissements -- je crois que c'est Mme Dion ou Mme Collins qui ont, effectivement, parlé de possibilités à cet égard.
Je ne suis pas d'accord avec Mme Dion lorsqu'elle affirme qu'en négociant avec de tels régimes, comme c'est le cas en l'occurrence, on parviendra peut-être à obtenir qu'ils renoncent au non-respect des droits de la personne et qu'ils adhèrent davantage à nos idéaux et à nos pratiques en ce domaine. D'après moi, si vous isolez ou ignorez ce genre de pays, si vous n'entretenez avec lui aucune relation, il se peut qu'il se réveille et qu'il se rende compte que ce qui lui arrive n'est bénéfique ni pour le gouvernement ni pour ses citoyens.
Cela a été dit mieux que je ne saurais le dire moi-même hier par le sénateur Wilson qui nous a appris qu'elle venait d'être nommée émissaire spéciale dans le cadre du processus de paix au Soudan. D'après elle:
S'il devient évident que la production pétrolière a pour effet soit d'exacerber le conflit au Soudan, soit de donner lieu à des violations des droits de la personne, il faudra envisager de recourir à des mesures de restriction économique ou commerciale ou aux autres moyens d'action qui s'offriraient alors.
C'est également mon avis. La ratification de l'instrument qui retient ici notre attention devrait être différée afin de montrer au régime en question que, pour l'instant, nous ne sommes pas, financièrement, intéressés et, d'ailleurs, pour autant que nous le sachions, aucune entreprise ni citoyen canadien n'en serait pénalisé. Je me trompe peut-être, mais je crois savoir qu'il n'y a guère à l'heure actuelle d'investissements canadiens en Ouzbékistan. Les échanges commerciaux sont des plus réduits. Je crois qu'ils ont atteint un total de 18 millions de dollars en 1998 et que le solde n'a pas été réglé en devises convertibles.
Notre désaccord porte sur la manière qui permettrait le mieux d'obtenir des réformes dans les pays qui, comme le régime en question, commettent de grossières violations des droits de la personne. Selon la note d'information sur ce pays, la situation y est plutôt épouvantable. Même si l'on m'offrait la possibilité d'y prospecter pour de l'or, du pétrole et du gaz, je ne suis pas certain que je voudrais y aller. La manière qu'a le gouvernement d'y traiter les étudiants, les dirigeants de l'opposition au référendum prévu, et les familles, est invraisemblable. Vous avez utilisé le mot «douteux».
S'il est vrai que ce pays a conclu un certain nombre d'accords internationaux dans le domaine des droits de la personne, il n'a jusqu'ici rien fait pour honorer les engagements qu'il a souscrits. Vous me direz peut-être que je me place en cela sur le terrain de la philosophie, mais certains d'entre nous attachent à ce problème une grande importance. J'ai d'ailleurs préparé des amendements tendant à retirer du projet de loi la convention fiscale avec l'Ouzbékistan. Je ne dis pas que c'est effectivement ce qui va se produire. Je suis même très heureux que vous soyez venus expliquer au comité des affaires étrangères cet aspect-là de la démarche retenue par le gouvernement car je ne demande qu'à être convaincu.
Mme Dion: J'aimerais d'abord évoquer la question de l'isolement par opposition à une politique d'engagement, et également la question de sanctions éventuelles. En tant que conseillère en matière de politiques, il ne m'appartient pas de me prononcer sur la situation en Ouzbékistan. Ma collègue voudra peut-être vous en dire quelques mots.
On considère en général que plupart du temps les sanctions économiques ne sont pas efficaces. Le Canada n'est pas un partenaire commercial suffisamment important pour qu'il puisse, en adoptant des sanctions unilatérales, obliger un pays à changer de comportement dans le domaine des droits de la personne. Même s'agissant de sanctions multilatérales effectivement appliquées, ce genre de mesure ne se révèle pas toujours très efficace. Il suffit de penser à l'Iraq où, malgré un régime très complet de sanctions multilatérales appliquées par l'ONU, le régime au pouvoir parvient à vendre assez de pétrole et à acheter assez de nourriture pour se maintenir.
Jusqu'ici, le Canada n'a adopté de sanctions décrétées par l'ONU qu'à l'encontre de l'Afrique du Sud, à l'époque de l'apartheid, de la Libye et de l'Iraq. Le Canada a appliqué à l'encontre de la Birmanie des sanctions unilatérales en 1997 après qu'il soit devenu clair, à nos yeux ainsi qu'aux yeux des Nations Unies, que le dialogue et la négociation n'ouvraient pas la voie à une amélioration immédiate de la situation des droits de la personne dans ce pays. La junte au pouvoir a clairement fait savoir qu'elle n'était pas du tout disposée à engager un dialogue, que celui-ci soit multilatéral ou bilatéral.
Le Soudan est un autre État paria. Là encore, le ministre Axworthy a déployé une énergie considérable pour engager le dialogue avec le gouvernement soudanais, à la fois au niveau bilatéral et dans le cadre des Nations Unies. Vous avez parfaitement raison de signaler l'existence d'un important débat philosophique au niveau de l'approche retenue et des mesures susceptibles d'aboutir dans tel ou tel cas de figure.
Je vais maintenant, si vous le voulez bien, passer la parole à ma collègue pour ce qui concerne de manière plus précise l'Ouzbékistan.
Mme Collins: Le Canada est effectivement préoccupé par la manière dont l'Ouzbékistan se comporte en matière de droits de la personne et notamment sur des questions telles que la liberté de réunion, la liberté d'expression pour les partis de l'opposition, la liberté religieuse et la liberté de la presse. Nous agissons à la fois bilatéralement et multilatéralement afin d'encourager l'Ouzbékistan à améliorer sa pratique dans le domaine des droits de la personne et à adopter des réformes démocratiques.
L'ACDI, par exemple, a accordé un appui à plusieurs projets menés en Ouzbékistan dans le domaine des droits de la personne, et a notamment facilité la participation de représentants de l'Ouzbékistan, en 1998, à une importante conférence de l'OSCE sur les droits de la personne. Au récent Sommet de l'OSCE à Istanbul, le Canada a tout fait pour que la déclaration d'Istanbul comprenne des articles prévoyant une action plus large de l'OSCE en Asie centrale, et notamment un accroissement des efforts en vue de renforcer l'État de droit pour ce qui est des droits de la personne, des libertés fondamentales et du développement de la société civile. Nous agissons par le truchement des mécanismes en place ainsi que dans le cadre d'un dialogue bilatéral afin d'encourager l'Ouzbékistan à améliorer sa pratique en ce domaine.
Le sénateur Lynch-Staunton: Dans le tableau inscrit à l'annexe 1, on trouve une liste de 75 pays avec qui le Canada a conclu des conventions fiscales. Toutes ces conventions ne sont pas en vigueur, et c'est le cas des neuf sur lesquelles nous nous penchons en l'occurrence. J'ai pu déduire le nom des pays avec qui nous n'avons pas conclu de convention et cela donne une liste -- qui n'est d'ailleurs que partielle -- comprenant Cuba, la Colombie, le Venezuela, le Guatemala et Haïti, c'est-à-dire des pays qui ont accueilli des investissements canadiens assez importants et où des Canadiens résident et travaillent. J'en parle parce que, dans ces pays, le Canada joue un rôle très actif, et cela en l'absence de convention fiscale.
Devrait-on en conclure qu'une convention fiscale peut être soit un grand obstacle, soit un grand facteur d'encouragement aux investissements canadiens? Le trait est peut-être un peu forcé, mais ne peut-on pas dire que, bien sûr, il est bon de conclure une convention fiscale, mais le fait de ne pas en avoir conclu ne constitue pas vraiment un obstacle à l'investissement, de même que la présence d'une telle convention n'encourage pas tant que cela les investisseurs.
Je suis certain qu'il doit y avoir d'autres pays comme Cuba car je n'ai dressé cette liste que cet après-midi et elle est loin d'être complète, mais disons, en ce qui concerne Cuba, que nous avons dans ce pays-là de gros investissements alors que, d'après ce tableau, nous n'avons pas conclu avec lui de convention fiscale. Il y a peut-être pour cela d'autres raisons et nos amis du ministère des Finances pourront peut-être nous expliquer comment nous parvenons à jouer un tel rôle en l'absence de convention fiscale et ils pourront peut-être nous dire si une convention fiscale permettrait justement d'accroître encore ce rôle.
Le sénateur Taylor: C'était aussi ma thèse.
M. Ernewein: Il y a deux sortes de considérations en fonction desquelles nous jugeons bon de conclure ou non une convention fiscale avec un autre pays. D'abord, il y a la question des relations diplomatiques avec l'autre pays et sur ce plan, au ministère des Finances, nous nous alignons sur les grandes orientations de la politique gouvernementale. Cette politique s'inspire en général de la position adoptée par les Affaires étrangères mais, sur ce point, je suppose -- je dis bien je suppose car je n'ai pas de connaissances directes sur la question -- que l'on tient compte d'un large éventail de considérations.
Étant parvenu à une décision à cet égard, à partir du moment où le gouvernement entretient des relations diplomatiques normales avec un autre État, eh bien nous, de notre côté, nous engageons des négociations en vue de la signature d'une convention fiscale et, là, je dois solliciter votre indulgence car le sénateur Lynch-Staunton trouvera peut-être que je me répète, mais l'on passe alors à l'examen de considérations ayant trait à la politique fiscale et aux investissements. Nous avons, certes, une opinion sur les problèmes qui se posent en matière de droits de la personne ou de protection de l'environnement, ou de certaines autres situations qui peuvent exister dans l'autre pays, mais ce genre de considérations, me semble-t-il, n'influence guère le rôle qu'il nous appartient de jouer en tant que fonctionnaires du ministère des Finances, puisque notre rôle, à nous, consiste à décider s'il y aurait lieu ou non de conclure une convention fiscale avec un autre pays.
Pour cela, nous tenons compte, par exemple, du niveau effectif ou potentiel des investissements, de l'intérêt que notre gouvernement a, pour des raisons fiscales notamment, de négocier un traité avec l'autre pays, et de l'intérêt que cet autre pays peut avoir, pour des raisons fiscales ou autres, de conclure un traité avec nous. Pour nous en tenir à des considérations purement fiscales, nous avons parlé, plus tôt, de l'administration fiscale de l'autre pays, de sa fiabilité et des avantages que pourrait nous procurer l'adoption, dans le cadre d'une convention fiscale, d'une disposition prévoyant des échanges de renseignements.
J'anticipe ici en parlant d'administration fiscale avant même la mise en place d'un régime fiscal mais, en tant que spécialistes de la politique fiscale, nous aimons que le pays avec lequel nous traitons possède effectivement un régime fiscal. En général, nous n'aimons pas conclure de conventions fiscales avec des pays dénués de régime fiscal. D'abord, cela ne nous donne rien. Nous ne pouvons pas négocier avec eux une baisse des impôts, puisque ceux-ci sont déjà nuls. Deuxièmement, nous ne pouvons pas, comme je viens de le dire, contribuer à l'un des deux principaux objectifs des conventions fiscales, à savoir la prévention de l'évasion fiscale. Dans de telles circonstances, nous ne pouvons pas procéder à un échange de renseignements afin d'assurer que nos résidents ne se soustraient pas à l'impôt et que leurs résidents ne le font pas non plus.
En ce qui concerne les pays dont vous venez de parler, je dois dire que je ne suis pas vraiment en mesure aujourd'hui de répondre de manière précise sur ce point, mais je peux dire, cependant, que dans certains cas, c'est parce que rien ne nous portait vraiment à engager des négociations en ce domaine. Parfois, c'est en raison des préoccupations que nous inspire le régime fiscal d'un pays donné. Parfois c'est simplement parce que ce pays n'a manifesté aucun intérêt à cet égard.
Le sénateur Lynch-Staunton: S'agissant d'attirer les Canadiens vers un autre pays, quelle est l'importance d'une convention fiscale? Dans quelle mesure l'absence de convention fiscale va-t-elle les décourager? Jusqu'ici, d'après ce que j'ai entendu, nous ne négocions de telles conventions qu'avec les pays qui disposent d'un régime fiscal qui permet l'application effective d'une convention fiscale et l'élimination ou l'atténuation de l'évitement fiscal.
Mais, pour en revenir à l'Ouzbékistan, où, si j'ai bien compris, le Canada ne possède guère d'investissements, le fait que nous n'ayons pas conclu avec ce pays de convention fiscale ne fera pas de tort à des Canadiens, autant que je sache, et le fait de ne pas avoir de telles conventions dans des pays où il y a, par contre, des investissements canadiens, ne semble pas avoir d'effet dissuasif. Je voudrais simplement comprendre l'importance que revêt l'existence d'une convention fiscale lorsqu'il s'agit de décider des pays où l'on va investir ainsi que de l'ampleur des investissements en question.
M. Ernewein: Je préfère ne pas évoquer le cas d'un pays précis. Il me semble, cependant, que tout cela va dépendre de la situation résultant de l'absence ou de la présence d'un traité. S'agissant d'un pays où l'on envisage d'investir, si le pays n'a pas de régime fiscal, eh bien la conclusion d'une convention fiscale n'aura guère d'influence lorsqu'il faudra décider si l'on va y investir. Si, par contre, il s'agit d'un pays à forte imposition, où les impôts sont même beaucoup plus élevés que chez nous et où les règles fiscales sont, disons, appliquées de manière arbitraire, alors le fait que nous n'ayons pas de convention fiscale permettant de tempérer l'application de la législation et d'obtenir plus ou moins que les impôts et les taux d'imposition soient alignés sur les taux canadiens peut revêtir une extrême importance au niveau des investissements. C'est dire que, selon les cas, l'absence ou non de convention fiscale aura sur ce genre de décision une influence variable.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cuba appartient-il à la catégorie de pays où le Canada possède d'importants investissements dans les mines et le tourisme?
M. Ernewein: Je dois dire qu'en ce qui concerne Cuba nous n'avons pas pris position. David pourra nous parler de manière un peu plus complète d'une partie des efforts engagés par l'ADRC avec Cuba pour l'instauration d'un régime fiscal, mais non pas en ce qui a trait à la négociation d'une convention fiscale. Nous n'avons pas encore abordé la question avec eux, et eux-mêmes n'ont pas soulevé le problème avec nous.
M. Sénécal: Je n'ai de cela qu'une connaissance indirecte, mais l'ADRC a entrepris à Cuba un projet très important qui va s'échelonner sur plusieurs années et dont l'objet est d'aider les autorités fiscales de Cuba à développer leur régime fiscal afin de l'aligner sur les normes canadiennes. Un de mes collègues de l'agence pourra peut-être nous donner davantage de détails sur ce point, mais je crois savoir que, depuis plusieurs années, un certain nombre de leurs collaborateurs travaillent à plein temps à Cuba en liaison très étroite avec les autorités fiscales cubaines afin de concevoir un régime fiscal qui réponde à nos préoccupations et à celles des autres pays de l'OCDE. Je ne pense pas que nous ayons fait l'impasse sur ce pays. C'est plutôt simplement une question de temps.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je comprendrais fort bien que vous n'ayez pas la réponse sur ce point, mais en quoi l'absence de convention fiscale avec Cuba entraîne-t-elle une double imposition? Je me rends bien compte que je vous prends peut-être un peu au dépourvu, mais je pense que vous comprenez fort bien pourquoi je pose la question.
M. Ernewein: Il est toujours délicat de dire qu'on ne sait pas, mais en l'occurrence il serait honnête de le reconnaître. Si les choses n'ont pas changé à Cuba et que ce pays ne s'est pas encore doté d'un régime fiscal, alors, c'est vrai, il n'y aurait pas de double imposition.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pouvez-vous nous dire quel serait, à l'heure actuelle, le niveau des investissements canadiens en Ouzbékistan?
Mme Collins: Sénateur, vous avez tout à fait raison de dire qu'il n'y a, pour l'instant, aucun investissement canadien en Ouzbékistan, mais ce genre de convention est également conclu pour l'avenir et en prévision d'investissements éventuels. L'Ouzbékistan est considéré comme étant, parmi les pays issus de l'ancienne Union soviétique, un de ceux qui offrent aux entreprises canadiennes un champ d'activité éventuel dans des domaines où nous possédons des atouts. Nous savons que l'intérêt est là. Il s'agit de marchés qui posent, certes, des défis. Ce sont des projets à long terme. Il faudra beaucoup de temps pour ouvrir ces marchés.
Je ne voudrais pas généraliser à l'excès, mais certaines compagnies ont tout de même évoqué les problèmes fiscaux qui se posent dans ces pays et la nécessité d'avoir un régime fiscal dont les modalités d'application sont prévisibles car, souvent, dans les pays qui tentent de réformer leur régime fiscal il y a à la fois imprévisibilité des conséquences fiscales et disproportionnalité des taux. Ce type de convention fiscale assure à nos entreprises une plus grande clarté, une plus grande prévisibilité.
Le sénateur Grafstein: Nos témoins nous ont fait un exposé assez complet de la situation, mais j'aurais quelques questions à poser à M. Sénécal. Si je comprends bien, les pays de l'OCDE ont conclu des accords fiscaux avec l'Ouzbékistan?
M. Sénécal: Oui, effectivement.
Le sénateur Grafstein: Cela comprend donc les pays de l'Union européenne?
M. Sénécal: Pas tous, mais je dirais tout de même la grande majorité d'entre eux.
Le sénateur Grafstein: Les principaux pays tels que l'Allemagne et la France?
M. Sénécal: L'Allemagne, la France, la Belgique. Le Royaume-Uni a été un des premiers à le faire.
Le sénateur Grafstein: En ce qui concerne les pays d'Europe qui ne sont pas membres de l'UE, que pouvez-vous nous dire de leurs relations commerciales avec l'Ouzbékistan? Je parle là de l'Autriche et des pays scandinaves -- non pas de l'Europe de l'Est, mais bien des pays industrialisés qui ne sont pas membre de l'UE. Ont-ils conclu des accords commerciaux bilatéraux?
M. Sénécal: L'Autriche agit actuellement dans le cadre du traité qu'elle avait conclu avec l'URSS.
Le sénateur Grafstein: Ce pays continue donc d'agir dans le cadre d'un traité auquel l'Ouzbékistan a accédé et qui continue donc à s'appliquer?
M. Sénécal: Oui.
Le sénateur Grafstein: Qu'en est-il des autres pays? J'entends par cela des pays industrialisés n'appartenant pas la l'UE, et non pas les pays en développement. Que pouvez-vous nous en dire?
M. Ernewein: Nous voulons nous assurer que notre réponse correspond bien à votre classification afin de répondre effectivement à votre question. À l'heure actuelle, 11 traités avec l'Ouzbékistan sont en vigueur et quatre autres ont été signés. Les traités en vigueur sont avec la Belgique, la Finlande, l'Inde, la Grèce et le Royaume-Uni. Les instruments qui s'appliquent actuellement en raison de la reconduction d'un traité conclu avec l'ancienne URSS lient l'Ouzbékistan à l'Autriche, le Danemark, le Japon, les Pays-Bas, l'Espagne et les États-Unis. Les quatre traités qui ont déjà été signés mais qui ne sont pas encore en vigueur sont avec la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse.
Le sénateur Grafstein: Ces traités ont été négociés mais n'ont pas encore été ratifiés?
M. Ernewein: Ces quatre derniers ont été signés mais ne sont pas encore entrés en vigueur.
Le sénateur Grafstein: Est-il exact de dire que tous nos principaux partenaires commerciaux ont déjà conclu avec l'Ouzbékistan des accords fiscaux bilatéraux?
M. Ernewein: Oui.
Le sénateur Di Nino: J'ai moi-même pris connaissance de la liste citée par le sénateur Lynch-Staunton. Cette liste comprenait notamment le Nigéria. Cela m'a porté à me poser un certain nombre de questions.
Avons-nous jamais refusé de conclure un traité avec un pays à cause des violations des droits de la personne qui y étaient constatées ou pour certains des motifs dont nous parlions tout à l'heure, et notamment en raison de l'absence de régime fiscal convenable?
Mme Dion: Vous parlez là de conventions fiscales, ou de traités de tous ordres?
Le sénateur Di Nino: D'une convention comme celle qui retient en l'occurrence notre attention.
M. Ernewein: S'agissant de conventions fiscales, dans certains cas nous n'avons pas encore entamé de négociations parce que le gouvernement du Canada n'entretient pas avec les pays en question des relations diplomatiques complètes. Cela peut être dû à divers facteurs, y compris à des problèmes au niveau des droits de la personne.
Je peux vous citer l'exemple d'un traité qui a été dénoncé pour ce genre de raison. Il s'agissait d'un traité avec l'Afrique du Sud auquel, comme nous l'avons dit plus tôt, il a été mis fin au milieu des années 80.
Le sénateur Di Nino: Outre cet exemple unique, ou dans le cas d'une déclaration de guerre, y a-t-il d'autres exemples de traités qui ont été dénoncés pour cause de violations des droits de la personne ou d'abus analogues?
M. Ernewein: Toujours en matière de conventions fiscales ou de manière plus générale?
Le sénateur Di Nino: Je ne parle que de ce genre de convention.
M. Ernewein: Encore une fois, il y a des cas où nous n'engageons aucune négociation faute de relations diplomatiques complètes, mais je crois que la seule convention fiscale qui ait été dénoncée était celle qui nous liait à l'Afrique du Sud.
Le sénateur Di Nino: Pour ce qui est du Nigéria, bien que nous ayons quelque difficulté à accepter le gouvernement au pouvoir et l'action de celui-ci, est-il exact, d'après vous, que nous n'avons jamais mis fin aux accords qui nous lient avec lui?
M. Ernewein: En fait, le traité avec le Nigéria a bien été négocié mais il n'est pas encore entré en vigueur.
Le sénateur Di Nino: La plupart des questions qu'il y avait à poser ont été posées, mais je voudrais vous poser cette question précise: si nous ne signons pas la convention avec l'Ouzbékistan, pensez-vous que cela nuira aux entreprises canadiennes?
M. Ernewein: Ma réponse va forcément demeurer abstraite. Cela nuira aux entreprises canadiennes qui auraient pu participer à des projets si une telle convention avait été en place mais qui ne pourraient pas le faire en l'absence de convention.
Le sénateur Di Nino: Et, d'après vous, ce serait le cas en l'absence de convention?
M. Ernewein: Je ne peux pas, encore une fois, vous donner une réponse précise sur ce point. Mais il est fréquent que la conclusion d'une convention fiscale fasse toute la différence au niveau de la viabilité des investissements ou au niveau du succès d'une offre faite par une de nos entreprises.
Le sénateur Di Nino: Ma question a peut-être déjà été posée, mais j'aimerais savoir si, avant de conclure une convention fiscale avec un pays, il y a concertation entre les Affaires étrangères et les autres ministères s'intéressant aux droits de la personne et à certains domaines annexes?
M. Ernewein: Au ministère des Finances, nous comptons principalement sur deux autres ministères, l'ADRC et les Affaires étrangères. Nous comptons sur nos collègues de l'ADRC, l'agence du revenu, pour leurs conseils pratiques et pour leur soutien technique au cours des négociations; nous comptons sur les Affaires étrangères pour servir d'intermédiaire et parfois pour participer aux négociations elles-mêmes. Les trois ministères sont mis à contribution.
Le sénateur Di Nino: La question des droits de la personne entre-t-elle en ligne de compte?
M. Ernewein: Encore une fois, dans l'optique qui est la nôtre, l'existence de relations diplomatiques avec le pays en question nous porte automatiquement à analyser le traité au regard des principes qui sous-tendent notre politique fiscale. En tant que spécialistes des finances, nous ne portons aucun jugement sur la décision prise par le gouvernement d'entretenir ou non des relations diplomatiques avec un autre pays.
Le sénateur Di Nino: Je m'adresse maintenant à Mme Dion: la question est-elle évoquée lorsque vous discutez, avec les Finances, de la signature d'une convention fiscale avec d'autres pays?
Mme Dion: Oui, tout à fait, la question est évoquée dans le cadre de nos débats internes avant de transmettre un avis à notre ministre ainsi qu'au ministère des Finances.
[Français]
Le sénateur Robichaud: On n'a parlé que d'un pays, l'Ouzbékistan. Vous nous avez dit tout à l'heure avoir certaines préoccupations concernant les droits de la personne. Peut-on prendre pour acquis que vous n'avez pas de préoccupations pour les autres pays qui sont mentionnés?
[Traduction]
Mme Collins: Monsieur le président, je rappelle que j'occupe les fonctions de Directeur, Direction de l'Europe de l'Est, c'est-à-dire le service chargé des républiques de l'ancienne Union soviétique, à l'exception toutefois des trois États de la Baltique. Je ne suis donc pas en mesure de parler des pays situés en dehors de cette zone.
Je crois pouvoir dire cependant que le seul autre pays se trouvant dans l'ancienne Union soviétique est la République de Kirghizistan. La République de Kirghizistan s'est engagée dans la voie des réformes économiques et démocratiques et ne nous pose aucune difficulté à cet égard.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Vous nous dites aussi que lors de la signature de traités de ce genre, cela permet d'observer ce qui se passe au niveau des droits de la personne. Dans certains cas, des mesures sont alors mises en place, par exemple, inviter un groupe d'un pays à assister à une conférence internationale sur les droits de la personne. Quelles interventions faites-vous dans un pays pour l'amélioration des droits de la personne?
[Traduction]
Mme Dion: Lorsqu'on entretient des relations avec un pays, il y a diverses mesures que l'on peut prendre. Tout cela, bien sûr, dépend entièrement du pays en question et de la situation, mais ce que nous faisons souvent c'est de fournir à ce pays une assistance technique lui permettant de renforcer son assise nationale.
Nous faisons beaucoup pour la formation des avocats et des juges, pour celle des magistrats, afin de favoriser le renforcement du système judiciaire. Cela contribue non seulement à une amélioration de l'État de droit, mais permet également de s'attaquer à la corruption et, en l'occurrence, à l'évasion fiscale. Nous fournissons également une assistance technique contribuant à la fondation d'institutions nationales consolidant l'édifice des droits de la personne.
Vous savez peut-être que la Commission canadienne des droits de la personne fait beaucoup pour aider d'autres gouvernements à créer des institutions indépendantes et à assurer la défense des droits de la personne. Elle a acquis une grande expertise en ce domaine et l'expérience nous apprend que cette approche est très fructueuse.
Comme en est consciente le sénateur Andreychuk, nous déployons, sur le plan multilatéral, une grande activité au sein des organismes des Nations Unies chargés de la défense des droits de l'homme. Devant ces instances, nous faisons publiquement état des préoccupations que nous inspire la situation des droits de la personne dans divers pays, mais nous oeuvrons également de concert avec d'autres pays afin de fournir une assistance technique dans le cadre des mécanismes créés par les Nations Unies pour veiller au respect des droits de l'homme. Des experts indépendants dans le domaine des droits de la personne se rendent sur place, suivent de près la situation, rédigent des rapports et formulent des recommandations quant aux mesures qu'il conviendrait de prendre.
Voilà quelques aspects de notre action.
Le sénateur Andreychuk: Nous avons conclu une convention fiscale avec la Zambie. Sur le plan de la violation des droits de la personne, où se situe la Zambie par rapport à l'Ouzbékistan?
Mme Dion: Je regrette, mais je ne suis guère en mesure de répondre sur ce point. En ce qui concerne la situation dans tel ou tel État, nous nous en remettons à l'expertise de nos collègues de la direction géographique en cause. Cela dit, les renseignements existent et nous pouvons vous les faire parvenir par l'intermédiaire du greffier.
Le sénateur Andreychuk: Cette question s'adresse à Mme Collins. L'Ouzbékistan offre des perspectives d'investissement dans le domaine de la prospection pétrolière, de l'or et de certaines autres ressources naturelles. Les violations des droits de la personne dans ce pays risquent-elles de s'aggraver du fait de ces investissements, ou pensez-vous que l'investissement n'aurait aucun impact à ce niveau-là?
Je songe un peu à ce que le sénateur Lynch-Staunton a dit au sujet du Soudan. Dans ce pays-là, la prospection pétrolière est directement liée à une aggravation des violations des droits de la personne, à des déplacements de population, à des faits d'esclavage, et cetera. Tous ces phénomènes sont directement liés aux investissements que nous avons faits dans ce pays parce que la prospection pétrolière entraîne le déplacement de populations, entraîne des manipulations politiques, des décès.
Que pensez-vous des perspectives que l'Ouzbékistan nous offre en matière de commerce et d'investissements? Sont-elles susceptibles d'aggraver les problèmes qui se posent au niveau des droits de la personne.
Mme Collins: Des entreprises canadiennes examinent actuellement les perspectives qui leur sont offertes. Dans certains cas, il s'agit du secteur primaire, mais d'autres secteurs s'offrent également à nos investissements. Récemment, on constate un intérêt croissant pour le secteur de l'éducation, de la réforme des études et pour la coopération dans la création, en Ouzbékistan, d'écoles de commerce. Des intérêts se sont également manifestés dans d'autres secteurs. Je crains ne pas vraiment pouvoir vous en dire plus sur ce point.
Le sénateur Taylor: Israël, un de nos principaux partenaires commerciaux, ne figure pas sur la liste des pays ayant conclu avec nous une convention fiscale, ou l'aurais-je simplement sauté?
M. Ernewein: Je pense que vous avez dû le sauter. Il s'agit d'un des traités en vigueur. Je ne sais pas exactement quels ont été les documents reproduits, mais c'est un fait que nous avons avec Israël un traité.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Di Nino a déjà posé l'ultime question que j'entendais poser et qui est la suivante: que se passerait-il si nous n'avions pas de convention avec l'Ouzbékistan? Je crois comprendre que cela ne nous porterait pas un coup fatal.
Laissez-moi terminer par un commentaire sous forme d'éditorial. Je conviens que, pour l'instant, le Canada est une puissance moyenne, mais cela ne veut pas dire qu'il ne devrait pas, dans le domaine des droits de la personne, jouer un rôle important. Au cours des dernières années, nos initiatives dans le domaine des droits de la personne sont devenues plus timides; il ne suffit pas que le Canada monte au créneau lorsque l'ONU décide de monter au créneau. La vie ne se limite pas à la création de richesse pour les actionnaires, au rendement des investissements et à l'élimination de la double imposition. Les droits de la personne sont aussi un sujet de préoccupation majeur même si ce n'est pas le seul.
Si le Parlement du Canada décide d'exclure l'Ouzbékistan de ce projet de loi -- peut-être pour le réintroduire plus tard, lorsque nous aurons reçu de ce pays des signes indiquant qu'il a changé d'orientation -- ce serait un message, certes modeste, mais tout de même un message qui va dans le bon sens. Compte tenu de ce que nous savons de ce pays-là, et du niveau peu élevé des investissements canadiens à l'heure actuelle, la conclusion d'une convention fiscale serait, dans une certaine mesure, l'indice d'un appui au régime et, à l'heure actuelle, cela ne me paraît pas indiqué.
Le sénateur Atkins: J'aimerais poser à Mme Dion une question de caractère général. Quelle est, en matière de violation des droits de la personne, votre meilleure source d'information?
Mme Dion: Il est difficile de dire qu'il y a une source qui soit invariablement la meilleure car tout cela, encore une fois, dépend beaucoup du pays en question. En règle générale, il s'agit de l'action combinée d'experts indépendants en matière de droits de la personne, travaillant sous l'égide de l'ONU et d'organisations non gouvernementales oeuvrant dans le même domaine. En 1997, le ministre Axworthy avait lancé un projet appelé «Bilan: Le Système des droits humains à l'ONU». Entré dans sa troisième année de publication, ce document reprend en fait l'ensemble des rapports des experts indépendants en matière de droits de la personne. Utilisé avec les autres bases de données de l'ONU, ce document est un des éléments essentiels de notre analyse.
Nous comptons beaucoup sur les organisations non gouvernementales pour nos informations quant à la situation effective sur le terrain. Il s'agit à la fois d'organisations nationales oeuvrant dans les divers pays -- la Colombie par exemple -- et d'organisations internationales telles que Amnistie internationale et Human Rights Watch. Il s'agit là de deux des principales organisations dans ce domaine. Elles diffusent des rapports annuels qui nous sont transmis régulièrement et, il est clair, ces rapports font, en ce qui nous concerne, autorité.
Le sénateur Grafstein: J'ai écouté attentivement l'éditorial du leader de l'opposition au Sénat. Il a soulevé un point important sur lequel je ne suis aucunement en désaccord. Je suis également d'accord avec lui lorsqu'il fait l'éloge de la documentation présentée en l'occurrence. Elle est, en matière de droits de la personne et d'échanges commerciaux, plus fouillée que les documents habituellement fournis aux comités et nous avons pu nous livrer à un examen approfondi des conventions fiscales bilatérales.
Cela dit, de nombreuses raisons expliquent, d'après moi, pourquoi nous n'avons pas adopté, au ministère des Affaires étrangères, le modèle américain, qui consiste à effectuer, tous les ans ou tous les six mois, une analyse de la situation dans tous les pays avec lesquels nous entretenons des relations commerciales, de publier des rapports et de les transmettre au Congrès qui décidera alors de revoir en fonction de la situation des droits de la personne dans un pays donné, les liens commerciaux et économiques ou les dispositions fiscales applicables. Nous avons choisi une autre démarche.
En effet, le ministère nous a dit être plutôt porté à réunir la documentation des Nations Unies et à s'en servir comme base de données et comme source secondaire d'information. Nous n'utilisons pas ces données en tant que source primaire. Par conséquent, vu ce rapport, dont je remercie encore une fois le ministère, nous avons décider de compter davantage, pour le traitement des problèmes en question, sur les relations multilatérales que nous entretenons dans le cadre de l'ONU.
Pour l'affirmer, je ne me fonde pas sur des renseignements de seconde main, mais bien sur une connaissance directe du domaine puisque je suis membre du bureau élargi de l'OSCE et que j'ai participé à de nombreuses réunions où étaient évoqués ces problèmes. On m'a demandé de prendre la parole en Géorgie, où des parlementaires d'Arménie, de Géorgie, d'Azerbaïdjan et d'autres États en «stan» participaient à une conférence de trois jours organisée par l'OSCE et consacrée à la question des droits des minorités, des libertés démocratiques, des droits syndicaux, et cetera.
Nous comptons beaucoup sur l'action multilatérale car, pour l'instant, nous n'avons à proprement parler, de représentation diplomatique dans aucun des «stan». Je crois pouvoir dire que nous n'avons, dans aucun de ces trois ou quatre pays, d'ambassadeur en titre. Nous avons, en poste à 1 000 ou 2 000 milles, un ambassadeur qui a la charge des relations avec ces pays.
L'approche évoquée par le sénateur Lynch-Staunton me paraît positive mais j'estime, cependant, qu'il nous faut en ce domaine adopter une démarche plus systématique. Il serait injuste d'exclure l'Ouzbékistan sans lui donner l'occasion de répondre et de présenter ses arguments de manière complète. En ce qui concerne les rapports avec ces pays-là, nous n'avons pas, dans l'optique même du ministère, fait cela systématiquement.
Il convient de le relever aux fins du compte rendu. Il est clair que le sujet pourrait être évoqué avec l'ambassadeur ou, enfin, avec le représentant du pays en question au Canada, mais, d'après nous, au point où nous en sommes, aller au-delà de cela et renoncer à établir ce lien avec l'Ouzbékistan pourrait très bien avoir des retombées que nous n'avons pas envisagées.
J'estime, monsieur le président, que nous nous sommes livrés à un examen approfondi de la question et j'en remercie le ministère. J'entends donc soutenir ce texte, y compris l'ensemble des conventions bilatérales, et cela sans amendement.
Le président: Je remercie nos témoins qui ont eu l'amabilité de venir nous aider dans nos délibérations.
Honorables sénateurs, nous avons entendu des témoignages sur le projet de loi S-3, une loi mettant en oeuvre un accord, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et le Kirghizistan, le Liban, l'Algérie, la Bulgarie, le Portugal, l'Ouzbékistan, la Jordanie, le Japon et le Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.
L'honorable sénateur Grafstein propose que le comité achève son examen article par article du projet de loi S-3. Étant donné le nombre de dispositions, je vais procéder à un certain nombre de regroupements.
Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: L'article 1 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Les articles 2 à 7 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: Les articles 8 à 13 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: Les articles 14 à 19 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: Les articles 20 à 25 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: Les articles 26 à 31 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: Les articles 32 à 37 sont-ils adoptés?
Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le président, je ne vais pas proposer d'amendement car il faut, j'en conviens, se montrer pratique dans l'approche que nous adoptons à l'égard de ces questions. Je tiens, cependant, à signaler mon désaccord sur l'adoption de cet article puisqu'il s'agit d'un article traitant précisément de l'Ouzbékistan.
Le président: Afin que la situation soit bien claire, il s'agit des articles 32 à 37, avec dissidence?
Des voix: Adoptés.
Le président: Les articles 38 à 43 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: Les articles 44 à 47 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: Les articles 48 à 53 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: L'annexe 1 est-elle adoptée?
Des voix: Adoptée.
Le président: L'annexe 2 est-elle adoptée?
Des voix: Adoptée.
Le président: L'annexe 3 est-elle adoptée?
Des voix: Adoptée.
Le président: L'annexe 4 est-elle adoptée?
Des voix: Adoptée.
Le président: L'annexe 5 est-elle adoptée?
Des voix: Adoptée.
Le président: L'annexe 6 est-elle adoptée?
Le sénateur Lynch-Staunton: Avec dissidence.
Le président: Avec dissidence.
L'annexe 7 est-elle adoptée?
Des voix: Adoptée.
Le président: L'annexe 8 est-elle adoptée?
Des voix: Adoptée.
Le président: L'annexe 9 est-elle adoptée?
Des voix: Adoptée.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Dois-je rendre compte au Sénat du fait que le projet de loi S-3 a été adopté sans amendement, avec dissidence?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Di Nino: Il est important, d'après moi, que le comité se penche sur ces traités. Ces traités et conventions n'ont pas uniquement trait aux impôts et à de pures questions économiques, comme il a d'ailleurs été dit aujourd'hui et comme nous avons certainement pu le constater la dernière fois que nous avons eu à nous pencher sur ce genre de traité. Le comité a manifesté tout l'intérêt que lui inspirait ce projet de loi.
Les questions posées par le sénateur Lynch-Staunton et par le sénateur Andreychuk englobaient en partie certaines de mes questions, notamment en ce qui concerne le genre d'informations recueillies et la manière dont celles-ci sont utilisées. Dans l'optique des droits de la personne et des domaines annexes, il conviendrait, me semble-t-il, monsieur le président, dans la mesure où mes collègues n'y voient aucun inconvénient, que nous demandions à ce que ces projets de loi soient renvoyés à notre comité afin que nous puissions les examiner dans une optique qui n'est pas celle généralement retenue par le comité des banques. Je formule une demande en ce sens, à moins qu'on puisse nous assurer que le comité des banques se penchera sur les questions qui ont retenu notre attention.
Le président: Je n'ai absolument aucune objection à ce que le sénateur Di Nino vient de proposer.
J'estime personnellement que nous allons nous heurter à certaines difficultés si nous tentons d'exclure un pays en particulier.
Le sénateur Di Nino: Il ne s'agit pas d'exclure un pays.
Le président: Je comprends bien et j'admets ce que vous venez de dire. Nous sommes tous convenus de la pertinence de votre observation.
Le sénateur Di Nino: Les sénateurs sont-ils d'accord pour demander que ces genres de projet de loi soient renvoyés à notre comité?
Le sénateur Corbin: Nous ne devrions formuler une demande en ce sens qu'au cas par cas. Si un sénateur fait état de graves préoccupations vis-à-vis de question telles que celles qui ont été évoquées devant le comité, je conviens qu'il y aurait lieu de demander à ce que le texte soit renvoyé devant le comité. Compte tenu, cependant, des autres travaux que nous avons à accomplir, je ne pense pas qu'il y ait lieu de prévoir un renvoi automatique.
À plusieurs occasions, les sénateurs ont manifesté le désir de créer un comité sénatorial des droits de la personne. Si jamais nous sommes partagés sur des questions ayant trait à ce domaine, c'est au sein d'un tel comité qu'on devrait en débattre.
Le sénateur Di Nino: Il me suffirait de savoir que ces questions seront examinées par un autre comité. Je suis d'accord avec mon collègue. Nous avons déjà fort à faire. Cela dit, il conviendrait de demander au comité appelé à se pencher sur ces projets de loi de tenir compte des problèmes qui se posent au niveau des droits de la personne.
Le président: Sénateur Di Nino, vos collègues sénateurs et les collaborateurs ministériels ici présents vous ont entendu. Comme vous le savez, les leaders discutent entre eux pour décider à quel comité il conviendrait de confier l'examen des divers projets de loi.
La séance est levée.