LE POINT SUR LEUROPE :
LES IMPLICATIONS DUNE INTÉGRATION ACCRUE DE LEUROPE POUR LE CANADA
RESSERRER LES LIENS ÉCONOMIQUES TRANSATLANTIQUES
Après la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants politiques des deux côtés de lAtlantique ont reconnu la nécessité de créer de solides liens interrégionaux ainsi que de réaliser lintégration de lEurope elle-même. Ces liens transatlantiques devaient porter sur des questions à la fois de sécurité nationale et de prospérité économique; cétait certes lintention de Lester B. Pearson avec larticle 2 du Traité de lAtlantique Nord.
Toutefois, si des progrès considérables ont effectivement été accomplis au chapitre de la sécurité transatlantique, la création dun cadre économique transatlantique commun fonctionnant parallèlement à lOTAN ne sest pas concrétisée. Comme le professeur Donald Barry de lUniversité de Calgary la dit au Comité, larticle 2 na pas pris la forme dun engagement ferme et lEurope et le Canada nont pas mis en place une vaste entente économique en bonne et due forme. La vision dun lien transatlantique dynamique a été largement supplantée par une série de longs différends commerciaux bilatéraux et de liens économiques rien moins quoptimaux.
Le Comité est davis que même si les forces naturelles de lintégration économique attirent de plus en plus le Canada vers le sud, il vaut la peine de tenter de resserrer nos liens économiques avec lEurope. La question critique a été posée par un des membres du Comité : comment le Canada maintiendra-t-il léquilibre entre ses relations étroites avec les États-Unis dans le commerce, linvestissement, la culture et les affaires sociales et celles quil entretient avec lEurope, où se trouvent nombre de nos racines? Mais avant de pouvoir poser un jugement éclairé sur ce quil convient de faire pour resserrer les liens transatlantiques, il faut dabord comprendre les relations qui existent à lheure actuelle.
A. Les relations actuelles en matière de commerce et dinvestissement
On pourra sétonner dapprendre que lUE est le plus grand marché au monde. Cette économie régionale, évaluée à 8,6 billions de dollars US, devrait continuer de croître, à mesure que ses projets dexpansion et ses réformes économiques se concrétiseront.
LEurope demeure le deuxième partenaire économique et commercial du Canada, après les États-Unis. Les échanges bilatéraux de biens et de services entre le Canada et lUE ont dépassé 59 milliards de dollars en 1998, nos exportations de marchandises sélevant à 17,8 milliards et nos importations à 25,4 milliards. Les exportations de services équivalaient à 7,1 milliards de dollars, tandis que les importations totalisaient 9,2 milliards.
Cependant, compte tenu du potentiel du marché européen, il ne serait pas exagéré de dire que nos relations commerciales avec lUE ont besoin dun coup de pouce. Si le Canada exporte annuellement pour près de 18 milliards de dollars de marchandises vers lEurope, ses exportations vers les 15 pays membres de lUE nont pas progressé au même rythme que la croissance économique européenne. Daprès une analyse de Statistique Canada de mai 1998 sur le commerce entre le Canada et lUE fournie au Comité, la valeur des exportations canadiennes vers lEurope est minime comparativement à la valeur totale des importations de lUE (2 p. 100 en 1997). Le Canada et les États-Unis ont vu leur part du marché européen seffriter à mesure que les échanges commerciaux entre pays européens se sont intensifiés, au point que, en 1996, 63 p. 100 des exportations européennes étaient destinées à dautres pays de lUE. Le Canada exporte annuellement vers lUE pour au-delà de 23 milliards de dollars en biens et services, mais en proportion de nos exportations totales de marchandises, la part de lUE na pas cessé de diminuer, passant de 12,6 p. 100 à 5,1 p. 100 entre 1980 et 1997.
Certes, il y a de bonnes raisons à la baisse de la pénétration du marché européen par le Canada. La diminution de la part des exportations canadiennes destinées aux marchés européens est imputable en partie à lappréciation du dollar canadien, qui a coïncidé avec celle de la devise américaine. Elle pourrait aussi être attribuable au ralentissement économique en Europe durant la majeure partie des années 90. Il est permis de penser que laugmentation spectaculaire des échanges régionaux, tant dans les Amériques quen Europe, a eu à ce chapitre une incidence plus déterminante. Par exemple, lintégration accrue de léconomie nord-américaine, découlant des accords de libre-échange, de considérations géographiques et dautres facteurs, a fait augmenter considérablement nos exportations vers les États-Unis. Nos ventes aux États-Unis représentent maintenant au-delà de 85 p. 100 de nos exportations totales, comparativement à 63 p. 100 en 1980.
Il est toutefois déconcertant de constater que la présence commerciale du Canada en Europe diminue en termes relatifs au moment même où le marché européen est sur le point de prendre de lexpansion grâce à laugmentation du nombre des membres de lUE et à la nouvelle monnaie unique. Comme le conclut un récent rapport du Conference Board sur les relations commerciales entre le Canada et lUE (Strengthening Canada-Europe Business Relations), le Canada doit sefforcer de saisir les débouchés que lui offre le marché européen.
Autre source dinquiétude, le déficit sur marchandises avec lUE continue de saccroître et le commerce des services est lui aussi déficitaire. Contrairement au revirement observé dans les exportations, la part des importations totales (environ 10 p. 100) en provenance de lUE na pas beaucoup changé durant les années 80 et 90, doù un déficit croissant du commerce des marchandises, qui sélevait à 7,6 milliards de dollars en 1998. Le commerce des services est lui aussi en position déficitaire, denviron 1,5 milliard en 1996.
Il convient de noter que les relations bilatérales entre le Canada et lUE sont minées par une série de litiges commerciaux qui traînent en longueur. Comme lont souligné les représentants du MAECI, les différends bilatéraux sont tout à fait normaux entre deux entités dont les échanges commerciaux atteignent près de 60 milliards de dollars (biens et services). Même si cest le cas, compte tenu de limportance des relations économiques en cause, il ne faut pas non plus nier le fait que les rapports commerciaux entre le Canada et lUE ont été marqués, ces dernières années, par une longue liste de différends commerciaux.
Toutes sortes dobstacles continuent dentraver le commerce du Canada avec lUE, en particulier dans lagriculture, les ressources naturelles et les produits pharmaceutiques. Actuellement, les zones sensibles des échanges bilatéraux concernent entre autres lamiante, les produits organiquement modifiés comme le canola et linterdiction décrétée par lUE sur limportation de buf élevé aux hormones de croissance. Dans ce dernier dossier, le Canada a imposé en juillet 1999 une surtaxe de représailles (de 100 p. 100), avec laccord de lOMC, à légard des exportations de buf, de porc, de concombres et de cornichons en provenance de lUE.
Il est particulièrement regrettable que certains de ces différends mettent un temps infini à se régler. En effet, lélimination ou la réduction des causes de frictions commerciales est un processus long et absorbant qui risque de distraire les responsables concernés de lobjectif plus élevé qui consiste à veiller à lamélioration générale de nos relations commerciales. En fait, on pourrait dire que ces frictions, bien que plutôt mineures, ont sérieusement nuit à létablissement de relations bilatérales harmonieuses.
Il y a cependant des signes encourageants : on constate, par exemple, que la composition de nos exportations vers lEurope a changé et comporte maintenant une plus grande quantité de produits manufacturés (à plus forte valeur ajoutée). La part de ces produits dans lensemble des exportations est passée de 28 p. 100 en 1980 à environ 50 p. 100 à lheure actuelle. Selon le rapport de Statistique Canada de mai 1998, près de la moitié de nos principales exportations sont constituées de produits manufacturés. En tout, les produits forestiers, les biens industriels ainsi que les machines et le matériel représentent environ 80 p. 100 des exportations totales de marchandises vers lUE.
Côté investissements, il ne fait aucun doute que les investissements directs étrangers (IED) constituent lélément le plus dynamique de nos relations économiques. Si les flux des échanges commerciaux ont été et demeurent décevants et sont de plus en plus orientés vers le sud, en revanche, la croissance des investissements canadiens en Europe a largement dépassé la progression des investissements canadiens aux États-Unis entre 1983 et 1997 (la valeur des premiers a septuplé alors que celle des seconds na que quadruplé).
Pour le Canada, lUE vient au second rang à la fois comme source et comme destination de lIED. La valeur cumulative des investissements directs du Canada dans les pays de lUE était évaluée à plus de 43,7 milliards de dollars en 1997, tandis que lIED au Canada en provenance de lUE sélevait à 42,8 milliards. Contrairement à ce quon a fait observer plus haut au sujet des exportations, les entreprises canadiennes investissent de plus en plus en Europe. En effet, lUE accapare plus de 42 p. 100 de nos investissements directs à létranger en dehors des États-Unis. Si lon compte nos investissements aux États-Unis, la proportion est ramenée à un chiffre très respectable de 20 p. 100 (comparativement à 12 p. 100 en 1983). Les investissements du Canada en Europe sont concentrés dans quatre grands secteurs : finances et assurance (23 p. 100); minerais métallifères et produits métallurgiques (16 p. 100); industries des communications (16 p. 100); et aliments, boissons et tabac (13 p. 100). Ensemble, le Royaume-Uni et lIrlande comptent pour les deux tiers des investissements directs totaux du Canada en Europe. Nous avons de plus en plus tendance à investir dans ces deux pays de façon à pouvoir desservir le marché européen.
De même, au-delà de 20 p. 100 de linvestissement étranger au Canada provient de lUE. Le Royaume-Uni, avec 41 p. 100 de linvestissement direct total de lUE au Canada en 1997, est le plus important investisseur au Canada de toute lUE. Linvestissement direct de lUE au Canada se concentre dans les secteurs des finances et des assurances, des aliments et boissons et du tabac, de lénergie, des produits chimiques et des textiles.
La théorie veut que le commerce suive linvestissement, mais à en juger par la piètre augmentation des exportations en Europe dans les années 90, cette relation de cause à effet ne semble pas jouer ici. Les auteurs du rapport du Conference Board soulèvent la possibilité que les investissements canadiens en Europe remplacent une partie des échanges commerciaux au lieu den susciter. La question quils posent est la suivante : étant donné labsence de lien commercial en bonne et due forme entre les membres de lALENA et lUE, les entreprises canadiennes sinstallent-elles en Europe surtout pour y faire du commerce intra-européen? Comme lont indiqué des témoins de Statistique Canada, il est tout à fait concevable que des entreprises canadiennes investissent à létranger afin déchapper aux droits de douane ou pour rapprocher la production de la clientèle. Ces mêmes témoins soutiennent quil est probablement plus facile de construire une usine à létranger que dy exporter le produit fabriqué à partir du Canada.
B. Améliorer les liens commerciaux transatlantiques
Bien que nos échanges commerciaux avec lEurope aient progressé modestement, on dit que le Canada nest pas vraiment dans la course pour ce qui est de lEurope. Sans doute le Canada est-il trop petit pour intéresser lEurope. Selon le rapport du Conference Board, il est urgent que les entreprises des deux côtés de lAtlantique surmontent ce qui semble constituer un « déficit dinformation » sur leurs marchés respectifs. Par exemple, un sondage auprès des cadres dentreprise européens, mené en 1998 par un sondeur privé pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, indique que ces cadres connaissent mal le Canada et son économie. Pour la plupart, ils y voient un pays qui est demeuré essentiellement une économie de ressources naturelles, alors quen fait quelque 70 p. 100 de nos exportations sont des produits industriels. Or, une stratégie commerciale visant à décrocher des parts de marché est vouée à léchec si elle ne repose pas sur une information exacte.
Il se peut toutefois que les grandes entreprises canadiennes ne voient pas lintérêt dintensifier les échanges commerciaux transatlantiques. Comme le professeur Barry la dit au Comité, les rapports Canada-UE ont été surtout des échanges entre les gouvernements, le dialogue commercial transatlantique brillant par son absence. Dans bien de cas, les entreprises canadiennes sont déjà solidement implantées sur le continent européen ou se sont donné une orientation carrément nord-sud et elles montrent peu dempressement à sassurer une part accrue du nouveau marché européen à monnaie unique. Parce que personne, parmi les grandes entreprises, ne milite pour un resserrement des liens transatlantiques, les petites entreprises se trouvent peut-être plutôt démunies à ce chapitre. Le Canada doit rapidement déterminer quels sont les chefs de file du secteur privé qui pourront amorcer ce dialogue et défendre efficacement les intérêts du Canada.
À cet égard, deux faits récents sont relativement encourageants. Dabord, lUE et le Canada explorent des façons de promouvoir le commerce et linvestissement entre petites et moyennes entreprises (PME). Une première réunion de petites entreprises européennes et canadiennes a eu lieu en juin 1998, et le gouvernement fédéral collabore aussi avec lAssociation canadienne de technologie de pointe (CATA) pour défendre les intérêts communs en matière de commerce et dinvestissement des entreprises dinformation, des entreprises de technologie et des fabricants dappareils médicaux. Après tout, le Canada se considère comme un chef de file dans les industries de pointe comme les télécommunications, laérospatiale, lélectronique et la technologie de linformation. Deuxièmement, les milieux daffaires des deux côtés de lAtlantique ont créé une table ronde Canada-Europe, dont le rôle est de conseiller lUE et le Canada sur les questions de commerce et dinvestissement. Le professeur Barry a indiqué que lefficacité de cette nouvelle initiative nétait pas encore avérée.
Le Canada doit faire encore plus. Il doit tenter de créer un climat propice à lintensification des relations commerciales transatlantiques, ou il risque de voir des débouchés européens lui échapper. Le rapport du Conference Board trouve inquiétant le déclin relatif constant des exportations canadiennes vers lEurope. Les activités du secteur des affaires canadien semble « braquées » sur les États-Unis. Si les entreprises et les gouvernements canadiens continuent de concentrer leur attention sur les États-Unis et négligent lEurope, note-t-il, ils passeront à côté de débouchés commerciaux intéressants. Ce point de vue semble être partagé par Mme Smadja, qui affirme que le Canada est trop fortement orienté vers les États-Unis et que les entreprises canadiennes doivent faire davantage defforts pour pénétrer les marchés européens.
En ce qui a trait aux efforts de libéralisation des échanges, lEurope continue de chercher à établir des liens commerciaux transatlantiques distincts avec chacun des trois États signataires de lALENA. Les discussions bilatérales qui ont eu lieu entre lUE et le Mexique et, plus important encore, entre lUE et les États-Unis au sujet de la libéralisation des échanges, sont devenues une source de préoccupation pour le Canada. Même dans les meilleures circonstances, il est difficile de prédire quelle orientation prendront les relations commerciales avec lUE. Quoi quil arrive, le Canada devra veiller à ce que ses intérêts ne soient pas relégués au second plan dans toute éventuelle entente commerciale distincte entre lEurope et nos partenaires commerciaux de lALENA.
Le Mexique et lUE, qui se sont donné le programme le plus ambitieux, espèrent faire aboutir dici la fin de lannée la négociation dun accord de libre-échange sectoriel, qui donnerait à lUE un accès au marché mexicain équivalent à celui des membres de lALENA. Trois détails méritent toutefois dêtre soulignés. Dabord, comme lont indiqué au Comité les hauts fonctionnaires du MAECI, lurgence de renforcer les liens entre lUE et le Mexique peut être directement attribuable au fait que laccès de lUE au marché mexicain a été réduit par suite de ladhésion de ce pays à LALENA. De plus, comme la souligné Mme Smadja devant le Comité, les relations avec les pays sud-américains commencent à peine à se développer, alors que les relations entre lUE et le Canada ont des racines beaucoup plus profondes. En dernier lieu, il y a lieu de mentionner que malgré lempressement des Européens à consolider leurs liens avec le Mexique, rien nindique que le calendrier de négociation sera respecté, compte tenu des sérieuses divergences de vues sur des enjeux importants qui nont pas encore été aplanies.
Du côté américain, ce qui devait devenir un important partenariat économique transatlantique entre lUE et les É.-U. a été sérieusement remis en question en raison de lopposition que suscite le projet des deux côtés de lAtlantique en Europe, la France critique vivement ce projet et de profondes divergences de vues dans les secteurs de la culture et de lagriculture (par ex., différends au sujet des hormones bovines, des bananes et des subventions aux agriculteurs). En mars 1998, lUE avait annoncé son intention dexplorer un nouveau partenariat audacieux avec les États-Unis, une initiative visant la libéralisation des échanges de services commerciaux dici lan 2000, le retrait des tarifs douaniers applicables aux biens industriels dici 2010, la réduction des obstacles au commerce en matière de normes, ainsi que ladoption de mesures dans les domaines de linvestissement, de la propriété intellectuelle et des marchés publics. Le projet na toutefois pas reçu lappui politique nécessaire, ni au Congrès américain, ni à lUE. Pour le moment, le partenariat projeté se concentre sur les normes et la coopération en matière de réglementation.
Le Canada a conclu sa propre entente bilatérale, en loccurrence lInitiative commerciale CanadaUE (ICCU), qui sapparente au partenariat économique transatlantique. Lancée en décembre 1998, linitiative fait suite à la signature du Plan daction commun Canada-UE (décembre 1996), qui avait un double but : a) résoudre les différends commerciaux bilatéraux et examiner des façons daméliorer le climat des échanges en supprimant les obstacles existants et b) faciliter les échanges. Un certain nombre de réunions de haut niveau avec des représentants de lUE ont eu lieu depuis décembre 1998.
Les travaux de lICCU visent à améliorer la coopération dans plusieurs domaines : reconnaissance mutuelle des normes, équivalence et coopération en matière réglementaire; services, marchés publics, droits de propriété intellectuelle; concurrence, coopération culturelle et contacts interentreprises, en particulier dans le secteur des PME. Comme dans le cas du partenariat économique transatlantique, lentente CanadaUE prévoit que des discussions sur les questions de commerce multilatéral à négocier se tiendront durant la période préparatoire à la rencontre de lOMC à Seattle.
Certaines personnes soutiennent que lélimination des barrières non tarifaires à caractère discriminatoire améliorerait davantage les relations Canada-UE quun accord de libre-échange prévoyant labolition des tarifs douaniers. Selon Mme Smadja, comme la question tarifaire pose peu de problèmes à cet égard, les deux entités se concentrent sur des questions comme la reconnaissance mutuelle des normes et la coopération en matière de réglementation. À mesure que les droits de douane baissaient par suite des rondes successives de négociations commerciales multilatérales, les obstacles non tarifaires ont pris le relais pour faire entrave au commerce. Bien des exportateurs voient dans lincompatibilité des normes et de la réglementation technique un obstacle majeur au commerce. Mme Smadja fait observer que, à cet égard, les relations Canada-UE semblent plus avancées que celles entre lUE et les É.-U.
Le Comité continue néanmoins de sinterroger sur la pertinence du lien bilatéral actuel, un de ses membres estimant même que nous sommes en retard sur nos deux partenaires de lALENA. Nous notons aussi que les déclarations dintention Canada-UE ont tendance à ne pas donner de grands résultats. Le Comité recommande donc :
Recommandation 5 : Que le gouvernement du Canada accélère les travaux dans le cadre de lInitiative commerciale CanadaUE afin dessayer dobtenir rapidement des résultats concrets au niveau de laccroissement du commerce transatlantique. |
Les représentants du MAECI ont indiqué au Comité quils étaient disposés à resserrer les liens commerciaux avec lEurope, mais pas au détriment de nos relations prospères avec les É.-U. Pour eux, il ne vaut pas la peine de diluer une part de plus de 85 p. 100 pour en améliorer une autre de 8-9 p. 100, même si lUE demeure le plus grand marché au monde. Le gouvernement fédéral lui-même semble orienter sa politique commerciale ailleurs que vers lEurope, alors que simultanément les forces naturelles de lintégration économique tirent lactivité commerciale vers le sud.
Cependant, même si le gouvernement fédéral se montrait plus déterminé à développer les liens Canada-UE, la conclusion dun accord de libre-échange global avec lUE constituerait-elle un objectif réaliste? Sil est peut-être vrai quun accord de libre-échange transatlantique (ALET) apaiserait les craintes au sujet dune « forteresse Europe », des témoins nous affirment que cette solution nest pas plausible. Selon M. Jacquet, lidée dun ALET nest pas réaliste : dabord parce quelle suscite des inquiétudes en Europe; ensuite, parce que cela se ferait au détriment des efforts de libéralisation des échanges actuellement en cours au niveau multilatéral à lOMC. Il sinterroge aussi sur les avantages que présenterait une telle entente bilatérale. À son avis, même si un ALET devait aboutir, on nen tirerait aucun gain sur le plan de la libéralisation du commerce des produits agricoles étant donné que lagriculture et, par extension, la réforme de la PAC, en seraient exclues.
M. John Beck (directeur, Direction générale I, Relations extérieures/Direction B, Commission européenne, Bruxelles) partage le point de vue selon lequel le Canada na pas une importance économique suffisante aux yeux des Européens, puisquil ne représente quun maigre 1,7 p. 100 des échanges commerciaux de lEurope, comparativement au commerce avec les États-Unis qui dépasse 20 p. 100. Il croit lui aussi que la conclusion dun ALET avant le prochain cycle de lOMC est peu probable, compte tenu notamment de la position protectionniste de lactuel Congrès à Washington. Il nest pas clair non plus si les Européens ou les Américains inviteraient les Canadiens « à la table » lors déventuelles discussions de libre-échange.
Bien que conscient de ces obstacles, le Comité sinquiète de la quasi-invisibilité du Canada et de la fausse perception de sa structure industrielle en Europe, du fait quil soit de plus en plus tenu pour quantité négligeable par les États-Unis et par lUE et de sa dépendance croissante à légard des États-Unis. Le gouvernement fédéral ne donne pas limpression de chercher activement à améliorer nos relations commerciales avec lUE, à un moment où sopère une intégration économique plus étroite avec les États-Unis. Le problème est exacerbé par lérosion des liens entre le Canada et lEurope en matière de sécurité depuis la fin de la guerre froide, par leffritement des liens démographiques traditionnels et par le caractère de plus en plus autocentré des politiques canadiennes et européennes. Le Comité est davis quil faut corriger cette perception/erreur stratégique et insuffler un dynamisme nouveau dans nos liens transatlantiques. Le Comité recommande :
Recommandation 6 : Que, pour assurer une diversification accrue de lactivité économique du Canada, le gouvernement fédéral semploie énergiquement à améliorer les liens du Canada avec lEurope en matière de commerce et dinvestissement. Ce faisant, il devrait adopter une approche plus dynamique et mieux cibler ses efforts de promotion du commerce et de linformation sur des secteurs et des pays à fort potentiel de croissance. Le cas échéant, il faudrait mettre en valeur le fait que le Canada est une économie moderne fondée sur le savoir. |
Recommandation 7 : Que, même sil nest pas opportun denvisager une initiative de libéralisation du commerce transatlantique en ce moment, étant donné lamorce prochaine dune nouvelle ronde de négociations commerciales multilatérales à lOrganisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle en novembre, lidée dun accord de libre-échange transatlantique (ALET) soit remise à lordre du jour en cas déchec des négociations à lOMC. Dans lintervalle, le gouvernement du Canada devrait préparer une analyse détaillée des avantages et des coûts dun éventuel ALET. |
C. Les relations Canada-UE en matière de pêche
La guerre du flétan du milieu des années 90 continue dassombrir les relations Canada-Union européenne, bien que, daprès le professeur Barry, ce ne soit pas un obstacle majeur au développement de leurs relations. Comme la signalé Mme Smadja, lUE est préoccupée par une mesure législative (projet de loi C-27) adoptée cette année afin de permettre au Canada dappliquer les dispositions de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer concernant les stocks chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs. Ce sont les implications extraterritoriales de cette mesure qui inquiètent lUE, ainsi que le libellé de certaines dispositions.
À propos de ces inquiétudes, M. Earl Wiseman (directeur général, Affaires internationales, Pêches et Océans Canada) a dit au Comité quil avait fait savoir à lUE que le gouvernement du Canada avait lintention de ratifier la Convention de lONU conformément à nos droits et obligations en vertu de cette entente. Il a ajouté que les objections de lUE quant à linterprétation donnée à lentente par le Canada, le cas échéant, pourraient être résolues grâce à lactuel mécanisme de règlement des différends. Malgré ces garanties, les réserves de lUE subsistent, alimentées quelles sont par les inquiétudes « chroniques » des responsables des pêches espagnoles, dont le pays représente une bonne moitié des activités de pêche de lUE. Selon M. Wiseman, le gouvernement espagnol veut que le Canada lui donne lassurance quaucune mesure ne sera jamais prise contre des bateaux de pêche espagnols; daprès lui, ce genre de garantie à toute épreuve ne peut leur être donné.
Mme Smadja, M. Wiseman et M. Barry ont dit au Comité que les deux parties étaient heureusement en voie de prendre des mesures pour établir des relations plus positives et constructives dans lindustrie de la pêche. Depuis 1997, des consultations bilatérales de haut niveau sur les pêches ont lieu chaque année. Nul doute quil faudra du temps pour bâtir un tel lien, et il faut sattendre à ce que de petits accrochages ou désaccords (comme à propos du projet de loi C-27) se reproduisent à loccasion.
Comme nous lavons indiqué, lEurope a entrepris dimportantes réformes économiques et politiques pour faire avancer ce programme dintégration qui est le sien depuis longtemps et accroître le bien-être de ses populations. Le lancement de lUEM et de lAgenda 2000, avec les éventuelles réformes économiques au niveau des divers pays, sont des initiatives qui, si elles rencontrent le succès, seront considérées par les historiens à lavenir comme des réalisations qui feront date.
Nous avons également noté dans notre rapport que lUE, même avant son élargissement éventuel, est déjà devenue le principal marché du monde. De toute évidence, larrivée de nouveaux membres, ainsi que le succès des réformes économiques, vont faire de lUE une puissance économique encore plus forte.
Face à ces passionnants développements sur la scène européenne, nous sommes troublés par le manque dintérêt pour lEurope des décideurs canadiens et des milieux daffaires canadiens. LEurope est une région à la fois trop importante et prospère pour quon ne sy intéresse quà moitié et quà loccasion. Il y a péril à ne pas le reconnaître.
En concentrant ses échanges sur les États-Unis, le Canada court aussi le risque de «mettre tous ses ufs dans le même panier». Le Comité est davis que nous devons diversifier nos échanges et adopter une approche résolument globale. Dans ce sens, lEurope représente une solution intéressante face au poids de plus en plus grand de nos rapports économiques avec notre voisin du Sud. Il est temps que le Canada sattaque à la tâche de dynamiser ses liens transatlantiques et que le gouvernement propose des initiatives nouvelles et novatrices dans le but de promouvoir des liens plus efficaces.
- Que le gouvernement fédéral ne conclue aucun arrangement monétaire commun avec les
États-Unis sil na pas la preuve concrète que les conditions requises pour
une « zone monétaire optimale » sont en place.
- Que le Canada sefforce de préserver son rang et son influence en tant que membre
de diverses organisations internationales comme le G-7. Il faut résister énergiquement
à toute perte dinfluence du Canada sur les questions monétaires internationales ou
sur dautres questions économiques de portée plus générale qui serait attribuable
à la formation éventuelle dune structure monétaire mondiale tripolaire (ou
autre).
- Que le gouvernement fédéral formule une stratégie politique énergique en vue de la
nouvelle ronde de négociations commerciales multilatérales de lOrganisation
mondiale du commerce afin de mettre en relief les graves répercussions des subventions
actuelles à lagriculture sur léconomie mondiale et dobtenir
lappui de la communauté internationale à une vaste opération de lutte contre le
maintien des subventions qui faussent les échanges, en visant en particulier les
subventions à lexportation. Il importe aussi de renforcer les alliances
stratégiques avec des pays animés du même esprit de manière à intensifier les
pressions exercées sur les principaux pays qui offrent des subventions pour les
convaincre de faire disparaître les disparités entre pays sur le plan des subventions à
lagriculture.
- Que le gouvernement du Canada effectue une analyse dimpact détaillée afin
dessayer de prévoir les répercussions de lélargissement de lUE sur
les liens du Canada avec lEurope sur les plans du commerce et de
linvestissement. Le gouvernement devrait en outre faire tout ce qui est en son
pouvoir pour éviter que ladhésion de nouveaux membres à lUE nuise aux
intérêts économiques du Canada. Le cas échéant, le gouvernement devrait demander à
lUnion européenne de lindemniser en conséquence.
- Que le gouvernement du Canada accélère les travaux dans le cadre de lInitiative
commerciale CanadaUE afin dessayer dobtenir rapidement des résultats
concrets au niveau de laccroissement du commerce transatlantique.
- Que, pour assurer une diversification accrue de lactivité économique du Canada,
le gouvernement fédéral semploie énergiquement à améliorer les liens du Canada
avec lEurope en matière de commerce et dinvestissement. Ce faisant, il
devrait adopter une approche plus dynamique et mieux cibler ses efforts de promotion du
commerce et de linformation sur des secteurs et des pays à fort potentiel de
croissance. Le cas échéant, il faudrait mettre en valeur le fait que le Canada est une
économie moderne fondée sur le savoir.
- Que, même sil nest pas opportun denvisager une initiative de libéralisation du commerce transatlantique en ce moment, étant donné lamorce prochaine dune nouvelle ronde de négociations commerciales multilatérales à lOrganisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle en novembre, lidée dun accord de libre-échange transatlantique (ALET) soit remise à lordre du jour en cas déchec des négociations à lOMC. Dans lintervalle, le gouvernement du Canada devrait préparer une analyse détaillée des avantages et des coûts dun éventuel ALET.
ANNEXE A
CHRONOLOGIE DES RELATIONS ÉCONOMIQUES CANADA-UE
DATE |
ÉVÉNEMENT |
Juin 1999 |
Accord sur la concurrence |
Décembre 1998 |
Lancement de lInitiative commerciale Canada-Europe, similaire au Partenariat économique transatlantique conclu plus tôt dans lannée entre lUE et les États-Unis |
Décembre 1998 |
Accord vétérinaire et entente de coopération en matière de recherche nucléaire |
Mai 1998 |
Entente de reconnaissance mutuelle et entente Canada-UE interdisant les pièges à machoires |
Décembre 1997 |
Accord de coopération douanière et dassistance administrative mutuelle |
Octobre 1997 |
Le premier ministre Chrétien, de passage à Londres, propose de nouveau la création dun libre-échange transatlantique |
Décembre 1996 |
Déclaration politique commune et Plan daction Canada-UE, similaire au Plan Daction EU-É.-U. signé en décembre 1995 |
Juin 1995 |
Accord de coopération scientifique et technologique |
Avril 1995 |
Entente Canada-UE de surveillance et dapplication dans le secteur de la pêche |
Décembre 1994 |
Dans une allocution devant le Sénat français, le premier ministre Chrétien prône une entente de libre-échange entre les membres de lALENA et lUE |
Automne 1994 |
Accord de libre-échange Canada-UE proposé par le ministre du Commerce MacLaren |
1991 |
Premier sommet CE-Canada |
Novembre 1990 |
Déclaration transatlantique par la CE et le Canada |
1983 |
Accord de recherche sur les déchets radioactifs |
1980 |
Accord sur la gestion des déchets radioactifs |
1979 |
Accord sur les pêches Canada-CE |
Juillet 1976 |
Accord-cadre de coopération commerciale et économique entre le Canada et la CE |
Source : Informations fournies au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères par le professeur Donald Barry de lUniversité de Calgary, le 2 novembre 1999; Délégation de la Commission européenne au Canada, Relations Union européenne-Canada, juin 1999.
FASCICULE No | DATE | TÉMOINS |
Deuxième Session, trente-sixième Législature | ||
3 | Le 2 nov. 1999 | De l'Université de Calgary : Professeur Donald Barry. |
Première session, trente-sixième Législature | ||
38 | Le 26 mai 1999 | De la délégation de la Commission
européenne au Canada : Son Excellence Danièle Smadja, ambassadrice et chef de délégation; M. Frederick Kingston, conseiller, Affaires économiques et commerciales. De Pêches et Océans Canada : M. Earl Wiseman, directeur général, Direction générale des affaires internationales. |
34 | Le 27 avril 1999 | De la Banque du Canada :
|
24 | Le 29 sept. 1999 | Une délégation de parlementaires européens
:
|
22 | Le 2 juin 1998 | Du ministère des Affaires étrangères et du
Commerce international :
|
19 | Le 13 mai 1998 | Du ministère des Affaires étrangères et du
Commerce international :
|
18 | Le 12 mai 1998 | De la Banque du Canada :
|
16 | Le 5 mai 1998 | De Statistique Canada :
|
9 | Le 25 février 1998 | Du Conseil de l'Europe :
Du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international :
|
5 | Le 27 nov. 1997 | Du ministère des Affaires étrangères et du
Commerce international :
D'Industrie Canada :
Du ministère des Finances :
|
MISSION DENQUÊTE À LONDRES, R.-U.; PARIS, FRANCE; BONN, ALLEMAGNE; ET BRUXELLES, BELGIQUE
(DU 21 JUIN AU 2 JUILLET 1999)
LONDRES,R.-U.
Le très honorable Lord Owen.
De Solomon, Smith, et Barney :
M. Michael Saunders, Chef de la recherche économique européenne
PARIS, FRANCE
De lAmbassade du Canada en France :
Son Excellence lambassadeur Jacques Roy;
M. Ian McLean, ministre plénipotentiaire.
De la Banque de France :
M. Jean-Claude Trichet, gouverneur.
Du Centre détudes prospectives et dinformations internationales :
Mme Stéphanie Guichard.
Du Centre dobservation économique, Chambre de commerce et de lindustrie de
Paris :
M. Christian de Boissieu, directeur scientifique
De lInstitut français des Relations internationales :
M. Pierre Jacquet, directeur adjoint (économie).
BONN, ALLEMAGNE
De lAmbassade du Canada en Allemagne :
Son Excellence lambassadeur Gaëtan Lavertu.
Du Conseil allemand de l'industrie et du commerce :
M. Günther Albrecht.
De la « Deutscher Sparkassen und Giroverband e. V. » :
Professeur Manfred Neumann.
De la Direction des Relations étrangères de la Banque centrale européenne :
M. Heniz-Jurgen Scheid.
De lInstitut pour la politique internationale, Université de Bonn :
M. Wolfgang Neumann.
BRUXELLES, BELGIQUE
De lAmbassade du Canada auprès de la Communauté européenne :
Son Excellence lambassadeur Jean-Pierre Juneau.
De la Commission européenne :
M. John Beck, directeur, Direction générale I, Relations extérieures/Direction B;
M. Gunter Grosche, secrétaire du Comité des politiques monétaires et économiques;
M. Jan Host Schmidt, directeur, Direction générale II/B, Affaires économiques et
financières.
Du Parlement européen :
M. Julien Priestley, secrétaire général.