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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 18 - Témoignages du 14 juin 2000


OTTAWA, le mercredi 14 juin 2000

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-22, Loi visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law, le projet de loi C-445, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski--Mitis, et le projet de loi C-473, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales, se réunit aujourd'hui, à 15 h 36 pour étudier ces projets de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte. Nous allons étudier un certain nombre de projets de loi aujourd'hui; nous allons commencer par le projet de loi S-22.

Nous avons avec nous aujourd'hui l'honorable Anne MacLellan. Bienvenue, madame la ministre, encore une fois. Vous êtes libre de commencer.

[Français]

Mme Anne McLellan, c.p., députée, ministre de la Justice et procureure générale du Canada: Il me fait plaisir de prendre la parole devant vous afin de vous présenter le projet de loi S-22, Loi visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law. Avant de vous inviter à poser des questions, je voudrais vous parler du programme d'harmonisation et des origines du projet de loi S-22.

Le projet de loi S-22 est le résultat du programme d'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil québécois. L'objet du programme est de refléter dans la législation fédérale, tant dans les lois que dans les règlements, la réalité du bijuridisme canadien. Ce projet de loi a été précédé par le projet de loi C-50 qui avait été déposé à l'autre Chambre en juin 1998 et qui est mort au Feuilleton lors de la dernière session parlementaire.

[Traduction]

Le projet de loi S-22 que vous avez devant vous, est essentiellement une version enrichie du projet de loi C-50. Il inclut l'essentiel du contenu de celui-ci ainsi que les modifications proposées à 25 autres lois.

Le Canada est plus qu'un pays bilingue, il est un pays bijuridique. Nous avons la chance unique d'être les héritiers, en matière de droit privé, de deux grandes traditions juridiques. La province de Québec bénéficie d'un système de droit civil alors que les autres provinces et territoires bénéficient de systèmes de common law.

La coexistence au Canada des deux grandes traditions juridiques renforce notre système juridique. Il s'agit d'un avantage indéniable pour tous les Canadiens et Canadiennes qui leur permet de mieux comprendre les systèmes juridiques des autres nations qui sont basés sur l'une ou l'autre de ces traditions, ce qui est le cas de plus de 80 p. 100 des nations du monde.

Honorables sénateurs, vous voyez ici une carte. J'ai pensé qu'il vous serait utile de voir les systèmes juridiques en vigueur et les pays qui les utilisent. C'est mon ami, M. Louis Perret, doyen de la faculté de droit, section civile, de l'Université d'Ottawa, qui m'a fourni cette carte. Elle vous vous donne une idée claire de l'importance des systèmes de common law et de droit civil à travers le monde et vous montre pourquoi le Canada est tellement chanceux d'avoir ces deux systèmes et d'être à l'aise avec les deux.

Lors de son allocution de deuxième lecture, le sénateur Beaudoin a expliqué avec éloquence le contexte historique qui a fait du Canada un pays bijuridique. Aussi, je me contenterai d'ajouter que, puisque la législation fédérale interagit considérablement avec le droit provincial, une interaction efficace doit être assurée.

Ceci est le but ultime du travail d'harmonisation effectué par mon ministère avec la coopération de plusieurs partenaires des secteurs public et privé.

[Français]

J'aimerais profiter de cette tribune pour remercier nos collègues du ministère de la Justice du Québec, du Barreau du Québec, de la Chambre des notaires du Québec et de l'Association du barreau canadien, plus particulièrement sa section du Québec.

Permettez-moi d'exprimer une reconnaissance toute particulière aux nombreux professeurs et experts en droit civil et comparé des universités de Moncton, Montréal, McGill, Ottawa et Sherbrooke. Leur expertise a contribué aux travaux d'harmonisation dont le résultat est le projet de loi S-22.

[Traduction]

Avant de poursuivre, je voudrais remercier aussi les personnes derrière moi qui travaillent pour le ministère de la Justice et des Affaires intergouvernementales. En votre nom, je voudrais les remercier toutes sincèrement. Elles ont consacré des efforts considérables à ce projet et travaillent maintenant à la prochaine étape du projet. Je voudrais aujourd'hui leur témoigner ma gratitude.

Tous ces intervenants partagent avec nous un engagement commun, celui d'améliorer et de renforcer notre système juridique.

Le projet de loi S-22 est le fruit d'un long processus que j'ai lancé officiellement à Montréal à l'automne de 1997 à l'occasion du Colloque sur l'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien. Comme plusieurs des experts l'ont alors souligné, une analyse comparative des versions anglaise et française des lois a révélé que la version anglaise ne reflète pas toujours fidèlement les notions de droit civil. De même, la version française ne rend pas toujours bien les notions de common law.

Des études techniques commandées par mon ministère montrent que le succès de l'harmonisation législative repose sur la recherche de solutions au problème d'interprétation.

Le bijuridisme exige que la rédaction des lois fédérales soit harmonisée avec le droit privé provincial, qu'il s'agisse du droit civil de la province de Québec ou de la common law des autres provinces et territoires. Cette approche permet d'assurer l'harmonisation de toutes les lois fédérales pour qu'elles s'appliquent également et clairement à tous les citoyens canadiens, peu importe leurs diverses cultures et patrimoines.

Le Code civil du Bas-Canada a constitué, à partir de 1866, le fondement du droit civil dans la province de Québec. Lorsque le Code civil du Québec l'a remplacé le 1er janvier 1994, la terminologie, les concepts et les institutions du droit civil ont aussi été réformés. Tous ces changements ont eu un effet important sur l'application des lois fédérales qui ont une incidence sur le droit civil. Il est vite apparu qu'il faudrait modifier les lois et les règlements fédéraux pour compléter cette situation et voilà pourquoi mon ministère a créé une section du Code civil.

La section du Code civil a pour mandat d'harmoniser les lois fédérales avec les lois civiles de la province de Québec. Voici les quatre principaux objectifs du programme d'harmonisation: premièrement, adapter les lois fédérales qui traitent du droit privé pour adapter ces concepts aux nouveaux concepts, institutions et termes figurant dans le Code civil du Québec; deuxièmement, veiller à ce que les utilisateurs du droit civil et de la common law puissent comprendre les lois et les règlements fédéraux quelle que soit leur langue officielle; troisièmement assurer une mise en oeuvre plus facile des politiques législatives fédérales et réduire les problèmes de mise en oeuvre et d'interprétation des lois et des règlements fédéraux dans l'ensemble du Canada; et quatrièmement, rendre la mise en oeuvre des lois fédérales plus efficace et réduire ainsi les litiges inutiles et les dépenses liées à l'administration de la justice.

Comme nous l'avions prévu, le processus d'harmonisation a créé un certain nombre de défis. Nous avons dû mettre au point une méthode pour nous aider à revoir les lois fédérales. Il nous a aussi fallu créer une nouvelle terminologie pour désigner les problèmes d'harmonisation et leurs solutions.

Toutes ces innovations permettent à mon ministère d'établir une base solide dans le domaine de l'harmonisation. Ce travail sera utile pour les projets futurs et permettra au Canada de jouer un rôle de chef de file dans les travaux d'harmonisation juridique entrepris par les organismes internationaux ainsi que dans le cours des négociations en vue de la signature d'accords internationaux.

J'ai participé à des réunions internationales de ministres de la Justice -- auxquelles participaient les pays de l'OEA dont la vaste majorité sont des pays de droit civil, ou les pays du G-8, dont la majorité sont des pays européens qui suivent le droit civil --, j'ai pu me rendre compte à quel point il est intéressant et gratifiant de voir que nos fonctionnaires, peu importe le sujet à l'étude, sont à l'aise dans les deux grands systèmes juridique du monde. Le fait que les Canadiens soient non seulement à l'aise en français et en anglais, mais aussi en common law et en droit civil leur permet de servir d'intermédiaires et d'aider les autres à se comprendre. Cela nous permet de comprendre pourquoi nos amis de France ou d'Allemagne peuvent avoir des difficultés avec ce que Mme Reno ou moi pouvons suggérer en ce qui touche la protection de la vie privée, le droit des biens et la lutte transnationale contre le crime organisé.

Je m'écarte un peu ici de mon discours, mais je veux simplement souligner à quel point notre pays est chanceux d'avoir accès aux deux grands systèmes juridiques du monde et de pouvoir compter sur de plus en plus de gens qui connaissent bien ces deux systèmes. Cela nous est utile non seulement au pays, mais dans nos travaux à l'échelle internationale.

J'aimerais maintenant vous décrire brièvement les principaux éléments du projet de loi S-22

Compte tenu du caractère innovateur du programme d'harmonisation, on a jugé utile de mettre le projet de loi en contexte. Voilà pourquoi il comporte une préambule. Comme il s'agit d'un projet permanent, nous ne comptons pas inclure un préambule à tous les projets de loi omnibus. Nous espérons adopter chaque année des lois portant sur l'harmonisation. Comme il s'agit du premier d'une série de projets de loi qui portera sur le même sujet, nous avons cependant estimé qu'il convenait de prévoir dans ce cas-ci un préambule expliquant la raison d'être de cette initiative.

Lorsque le Code civil du Québec a été adopté en 1991, l'Assemblée provinciale n'avait pas les pouvoirs voulus pour abroger la centaine de dispositions qui, depuis la Confédération, ressortissaient à la compétence du Parlement. Le projet de loi S-22 abroge toutes ces dispositions.

Le seul domaine pour lequel il est nécessaire de créer de nouvelles dispositions pour remplacer celles qui existent sont les dispositions relatives au mariage. Plusieurs de nos partenaires craignaient qu'en l'absence de ces dispositions, un vide juridique soit créé.

Le projet de loi S-22 modifie aussi la Loi d'interprétation. La première disposition qui est ajoutée est le paragraphe 8.1 qui annonce clairement qu'en l'absence de règles fédérales et sauf indication contraire, la loi qui s'applique, si un vide est créé par une loi ou un règlement fédéral, est celle de la province. Le paragraphe 8.2, pour sa part, facilite la compréhension de nouvelles techniques de rédaction visant à appuyer et à améliorer la mise en oeuvre du bijuridisme dans la rédaction des lois fédérales. Ces ajouts à la Loi d'interprétation affirment le fondement législatif du bijuridisme et des techniques de rédaction auxquelles nous avons recours.

Les travaux effectués par la section du Code civil ont aussi fait ressortir la nécessité de modifier d'autres lois dans le domaine du droit de la responsabilité civile, des sûretés et des biens.

De nouvelles techniques de rédaction ont été utilisées pour modifier le libellé des dispositions de certaines lois fédérales afin de les adapter aux nouvelles institutions, concepts et termes figurant dans le droit civil du Québec. Certaines modifications ont donc été apportées à la Loi sur les immeubles fédéraux, à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et à la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif.

À titre d'exemple, il a été nécessaire de mettre à jour la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour tenir compte des importants changements apportés dans le domaine du droit des sûretés au Québec dans le nouveau code civil de 1994. Voilà pourquoi il a fallu modifier la définition de «créancier garanti».

Comme je l'ai mentionné, le projet de loi S-22 est le premier d'une série de projets loi d'un ensemble de projet de loi visant à harmoniser les lois et les règlements fédéraux. Les Canadiens auront ainsi accès à des lois et des règlements fédéraux qui tiennent compte de leurs traditions juridiques.

La section du Code civil s'est aussi fixé comme priorité l'harmonisation des projets de loi au stade de leur élaboration. Comme vous pouvez le comprendre, la mesure dont vous êtes saisis fait en grande partie du rattrapage. Nous devons modifier des lois qui ont déjà été adoptées. Nous allons maintenant insister sur l'harmonisation des projets de loi au cours de leur élaboration.

Le 5 juin dernier, une motion des voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, les règles d'application de l'impôt sur le revenu et certaines lois se rapportant à la Loi de l'impôt sur le revenu, a été présentée à l'autre endroit. C'est la première fois qu'une proposition de modification à une loi fiscale est harmonisée.

En terminant, j'aimerais remercier et féliciter publiquement tous ceux et celles d'entre vous qui ont contribué au succès du programme d'harmonisation. Comme j'espère l'avoir fait bien ressortir, le succès du programme est attribuable au travail acharné de plusieurs personnes. Il s'agit d'un projet novateur, le seul de son genre dans le monde entier, qui permettra au Canada de jouer un rôle de tout premier plan dans un monde en pleine globalisation.

[Français]

Je vous demande donc d'accorder votre appui au projet de loi S-22 et je vous encourage à prendre avantage de la présence parmi nous aujourd'hui de nos experts en matière de bijuridisme et d'harmonisation.

[Traduction]

Je me ferai un plaisir d'entendre vos commentaires et de répondre à vos questions.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Ce n'est pas tous les jours que nous avons devant nous un projet de loi basé sur le caractère distinctif de notre pays, c'est-à-dire où nous retrouvons deux traditions juridiques. Ce sont certainement les deux meilleurs systèmes dans le monde occidental, sinon dans le monde, quoiqu'il y ait encore d'autres domaines du droit et d'autres systèmes. Vous méritez des félicitations, parce que c'est un travail immense. Je n'ai qu'à lire le document pour m'en rendre compte. Ce projet de loi arrive à une période intéressante de notre histoire alors que nous parlons beaucoup de bilinguisme, de bijuridisme, et cetera. C'est ancré dans nos lois et je l'apprécie.

Avez-vous dit que le Barreau du Québec, la Chambre des notaires et le Barreau canadien ont été consultés et qu'ils sont d'accord avec les principes du projet de loi?

[Traduction]

Mme McLellan: Oui, ils ont participé de très près. En fait, nous avons travaillé très étroitement avec eux, comme d'ailleurs le ministère de la Justice de la province de Québec. Il ne fait aucun doute que le Barreau et la Chambre des notaires sont nos partenaires à part entière dans ce projet. Il est juste de dire qu'ils sont de solides partisans de notre initiative. Cela facilitera l'exercice du droit, la compréhension du droit et l'interprétation du droit dans la province de Québec.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: C'est la question du préambule. Je ne crois pas que nous devions nous excuser, car dans une loi aussi importante, j'aime bien qu'il y ait un préambule. Il s'agit d'une loi unique. Le fait que tous les Canadiens doivent avoir accès à une législation fédérale qui tienne compte des traditions de droit civil et de common law est une des raisons d'être de notre pays.

Ma question concerne l'article 8 et d'autres. Le texte modifie la loi d'interprétation pour reconnaître le bijuridisme canadien et préciser que la législation fait appel à titre supplétif aux règles du droit des provinces en matière de propriété et de droit civil. Je me rappelle mes premières années au ministère de la Justice. Nous nous demandions souvent dans quelle mesure, si nous avions à signer un contrat, le Code civil s'appliquait au Québec et la common law à l'Ontario ou à une autre province. J'aimerais avoir un peu plus d'explications. Si le gouvernement fédéral légifère dans son domaine, évidemment sa législation est prépondérante. Si sa législation ne couvre pas tout le champ de ce domaine, dois-je comprendre qu'en cas de silence de la loi, le Code civil au Québec et la common law ailleurs deviennent supplétifs? Autrement dit, nous nous en remettons au Code civil, à moins que nous y dérogions par une loi?

M. Mario Dion, sous-ministre adjoint: D'abord, beaucoup de recherches ont été effectuées sur cette question. Il a été décidé, pour des raisons de clarté, lorsqu'il y a interaction entre les législations fédérale et provinciales en matière de propriété et de droit civil, qu'il serait avantageux d'avoir un article comme celui-là pour régler tout doute à cet égard. Il y a plusieurs types de dispositions fédérales: des dispositions silencieuses -- comme vous le mentionniez -- et des dispositions qui renvoient aux notions des institutions de droit provincial, ou de droit civil dans le cas du Québec.

Le meilleur exemple est la Loi de la faillite qui utilise une série de notions -- comme par exemple le créancier garanti <#0107> selon lesquelles nous devons nous rapporter au droit en vigueur dans la province afin de saisir la portée de ces mots. Cette règle a été édictée à la loi d'interprétation afin qu'il soit clair que le droit provincial agit à titre supplétif, dans l'interprétation de toutes les lois et règlements fédéraux, dans de telles circonstances.

Le sénateur Beaudoin: Le Code civil est entré en vigueur un an avant la Confédération, soit le 1er août 1866, donc lorsque nous avons ajouté, à l'article 92(13), «propriété» et «droit civil». Comme l'a si bien dit le Conseil privé, cela a le même sens que dans l'Acte de Québec de 1774. À ce moment, nous avions la législature du Canada et, après, nous avions celle de l'Ontario, du Québec et des autres provinces.

Pendant un certain temps, le gouvernement fédéral a très peu légiféré dans les domaines tels que le mariage, par contre, vous avez senti le besoin d'abroger les dispositions antéconfédératives de compétence fédérale, comme par exemple le mariage et le divorce. C'est une bonne chose. Pendant de nombreuses années nous nous sommes demandé si certains articles du nouveau Code civil du 1er janvier 1994 respectaient le partage des pouvoirs. En fait, il y avait des intrusions. Est-ce pour cette raison que vous avez abrogé de façon globale les dispositions antéconfédératives?

M. Dion: Sur la foi de recherches approfondies, il a été recommandé à la ministre de faire tabula rasa et d'abroger toutes les dispositions du Code civil du Bas-Canada qui étaient de juridiction fédérale et ce, depuis la Loi constitutionnelle de 1867. Des dispositions de remplacement ne figurent qu'à trois endroits, soit aux articles 5, 6 et 7 du projet de loi. Nous abrogeons en bloc et nous ne remplaçons qu'un seul secteur.

Le sénateur Beaudoin: Si je comprends bien, d'autres projets de loi omnibus suivront pour d'autres secteurs?

Mme McLellan: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Je suis tout à fait d'accord avec ce principe et je n'ai aucun problème avec cette harmonisation.

[Traduction]

Nous aurons un ou deux spécialistes du domaine universitaire.

Le sénateur Cools: Un assez bon nombre. C'est un domaine complexe.

Le sénateur Beaudoin: Cela devra être attesté par un ou deux spécialistes. Je crois comprendre que le Barreau du Québec et le Barreau canadien ne souhaitent pas comparaître. Est-ce parce qu'ils sont entièrement d'accord?

La présidente: Nous avons fait des démarches auprès des deux groupes et les deux ont dit qu'ils étaient satisfaits du projet de loi et ne souhaitaient pas comparaître.

Mme McLellan: Oui, c'est exact.

La présidente: Le Barreau du Québec est en train d'écrire une lettre en ce sens. Ces deux groupes ont tous les deux décliné notre invitation à comparaître. À ce stade, nous sommes à la recherche de témoins. Après avoir entendu la liste de personnes que vous avez consultées lorsque vous avez rédigé le projet de loi, je pourrai comprendre pourquoi nous avons tant de difficulté à trouver des témoins.

Étant donné que certains des membres du comité sont arrivés après que vous ayez indiqué le nom des gens que vous avez consultés, il serait peut-être utile que vous répétiez leurs noms.

Mme McLellan: Nous avons travaillé étroitement avec le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec, et nous avons travaillé très étroitement aussi avec le ministère de la Justice, le ministre de la Justice et la procureure générale du Québec. Nous avons également travaillé en collaboration avec un vaste éventail de spécialistes juridiques des universités qui sont spécialisés dans ce domaine. Je citerai à titre d'exemple l'Université d'Ottawa, qui est l'ancienne université du sénateur, et qui compte de toute évidence un grand nombre de spécialistes de réputation internationale dans ce domaine, mais aussi des universités comme Laval, Sherbrooke, McGill, Montréal et Moncton. Je ne veux oublier personne. De plus, la section du Québec du Barreau canadien nous a aussi aidés avec le code civil.

Le sénateur Beaudoin: Nous sommes donc en terrain solide.

La présidente: À en juger par le nombre de personnes qui ont refusé de comparaître devant nous, cela ne fait aucun doute.

[Français]

Le sénateur Joyal: Vous avez mentionné que sur un total de 700 lois fédérales sous étude, le ministère de la Justice avait identifié 300 lois devant être harmonisées. Votre intention était de procéder à l'harmonisation de ces lois au rythme d'un projet de loi par année sur une période de neuf ans, n'est-ce pas?

[Traduction]

Mme McLellan: Oui, sur une période de huit ou neuf ans. De toute évidence, s'il est possible de faire le travail plus rapidement, ou si nous constatons que le travail est plus complexe en ce qui concerne certains aspects, cela risque de prendre un peu plus de temps. Notre objectif est de terminer ce travail puis d'assurer l'harmonisation avec les nouvelles lois au cours des huit prochaines années. Nous aimerions qu'au cours des huit prochaines années, se déroule le processus nous permettant de nous assurer que les lois en vigueur sont conformes au principe du Code civil.

[Français]

Le sénateur Joyal: Je voudrais obtenir des précisions à ce sujet. Vous effectuez deux opérations simultanées. D'une part, vous opérez un rattrapage progressif sur une base annuelle et, d'autre part, vous appliquez les mêmes critères pour la législation, qui est en rédaction continue au Parlement du Canada.

Mme McLellan: Oui.

Le sénateur Joyal: Nous pouvons donc conclure que le travail d'harmonisation d'un projet de loi est conclu lorsqu'il est déposé et qu'il obtient l'autorisation du ministre de la Justice, telle que la réglementation de la Chambre le stipule. Avant le dépôt d'un projet de loi, le Règlement prévoit que le ministre de la Justice certifie qu'il est conforme aux dispositions de la Charte. Au moment de la signature, nous devons présumer que le projet de loi est conforme aux objectifs de l'harmonisation, n'est-ce pas?

[Traduction]

Mme McLellan: Je laisserai M. Bisson répondre à cette question. Bien que notre objectif soit d'harmoniser toutes les lois, M. Bisson peut vous expliquer les pressions auxquelles nous faisons face compte tenu de la nature de notre travail.

[Français]

M. Bisson: Le travail que nous accomplissons est innovateur. Pour le premier projet de loi, en nous référant à trois livres du Code civil, nous nous sommes concentrés sur trois domaines, à savoir les biens, la sûreté et la responsabilité civile. Il s'agit maintenant de développer une expertise à la section du Code civil avec les autres livres du Code civil. Dans une deuxième phase, nous harmonisons les lois que vous avez devant vous dans leur entièreté avec tous les livres du Code civil. Il en va de même avec les règlements.

Tout en poursuivant ce travail, en ce qui a trait aux lois nouvelles du domaine fiscal, eut égard à l'inventaire de la jurisprudence que nous avons établi, nous avons identifié de réels conflits entre la Loi fédérale sur l'impôt et le droit civil du Québec.

Nous travaillons étroitement avec Revenu Québec, Revenu Canada, le ministère des Finances, le Barreau du Québec ainsi qu'avec l'Association de planification financière et fiscale. Pour l'année 2000, nous allons, d'une part, façonner les lois existantes et développer une expertise avec les dix livres du Code civil et, d'autre part, travailler sur les lois nouvelles du domaine fiscal.

Le sénateur Joyal: Vous avez développé une expertise dans un certain nombre de domaines du Code civil. Pour certains chapitres du Code civil, des lois pour lesquelles l'expertise n'aurait pas encore été développée pourraient être déposées par le ministre de la Justice. Ces lois devraient éventuellement se rajouter à celles qui auront été harmonisées une fois que l'expertise correspondante aura été développée. N'est-ce pas exact?

M. Bisson: Oui, effectivement.

Le sénateur Joyal: Vous dites qu'il existe des conflits entre le droit civil et l'actuelle Loi fédérale de l'impôt. Lorsque vous faites face à une situation conflictuelle, quel principe appliquez-vous pour régler le conflit d'interprétation?

Habituellement, lorsque nous avons les versions anglaise et française d'une loi, c'est la version originale qui prévaut ou c'est le texte anglais qui fait foi.

Dans les dispositions du droit privé, nous retrouvons toujours une façon d'arbitrer. Si un conflit survient, comment procédéz-vous pour le régler? Quelle grille de critères avez-vous développée?

M. Bisson: La législation fédérale s'inspire de notions de common law. Donc notre première étape établira s'il existe une notion équivalente en droit civil du Québec. Sinon, nous tenterons de développer des consensus. Par exemple, si nous prennons le domaine fiscal, nous tenterions d'établir des consensus entre Revenu Québec, Revenu Canada et les experts dans ce domaine pour voir si nous devrions créer une nouvelle institution ou si nous devrions utiliser un terme neutre qui ne fasse pas injure ni au droit civil ni au common law. Nous explorons différentes techniques pour en arriver à un consensus qui respecte les deux traditions juridiques. Il n'y a pas de recette magique.

Le sénateur Joyal: Est-ce que vous arbitrez ce consensus?

M. Bisson: Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas procédé lorsqu'il n'y avait pas consensus. Nous attendons. Nous faisons des recherches approfondies. Nous avons déjà tenu deux consultations publiques: la première avec le projet de loi C-50 et la deuxième avec le projet de loi S-22. Donc le Barreau, la Chambre des notaires, le milieu universitaire et les procureurs généraux des provinces ont été consultés déjà à deux reprises sur les éléments essentiels du projet de loi S-22. Si une matière est encore controversable, nous attendrons avant de procéder.

Le sénateur Joyal: Vous laissez cette décision en suspens?

M. Bisson: Nous attendons de trouver une solution acceptable pour tout le monde.

[Traduction]

Mme McLellan: Il importe que les sénateurs se rendent compte du précédent que représente la tâche que nous entreprenons. Personne d'autre au monde n'a tâché de faire ce que nous sommes en train de faire. Par conséquent, personne ne devrait s'étonner, ni s'offusquer s'il faudra plus de temps, dans certains cas, ne serait-ce que pour élaborer le libellé qui permettra d'exprimer fidèlement la notion. C'est pourquoi nous avons travaillé si étroitement avec des professeurs et avec le Barreau et la Chambre des notaires, entre autres. Ce n'est pas une tâche facile, comme le savent le sénateur Beaudoin et le sénateur Joyal. Nous sommes en train de créer de nouveaux dictionnaires et un nouveau lexique.

Le sénateur Joyal: C'est pourquoi j'ai soulevé la question. Je peux imaginer la difficulté que cela représente. C'est pourquoi je vous ai demandé comment vous arrivez à trancher lorsque vous êtes devant une situation qui ne vous fournit pas de réponse.

Mme McLellan: Ce n'est pas une science.

Le sénateur Joyal: Non, ce n'est pas une science exacte.

Mme McLellan: Je considère qu'il s'agit plutôt d'un art, sénateur, mais il ne fait aucun doute que ce n'est pas une science exacte.

Ce projet est d'une telle importance, et pourtant tellement novateur, au niveau de ce que nous tâchons de faire, c'est-à-dire travailler avec deux remarquables systèmes juridiques. Ce n'est pas facile. Ces personnes ont travaillé de façon assidue avec des spécialistes de l'extérieur pour arriver aux conclusions que vous voyez ici. Ces travaux se poursuivront.

Au nom du gouvernement du Canada, je suis ici pour vous dire que nous considérons ce travail très important. Il s'agit d'un travail novateur qui reconnaît et concrétise l'existence des deux systèmes juridiques remarquables qui existent dans notre pays, d'une façon inédite tant dans notre pays qu'ailleurs dans le monde. Nous serons en mesure d'apporter une contribution particulière aux autres pays où ces deux systèmes sont en vigueur. Il y a d'autres exemples, mais notre contribution sera d'une grande portée. Cela fait partie du travail que nous effectuons ici.

Le sénateur Joyal: Mon autre question concerne le deuxième paragraphe du préambule du projet de loi.

[Français]

Je le lis en français et en anglais:

[...] que la tradition de droit civil de la province de Québec, qui trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec, témoigne du caractère unique de la société québécoise;

Et en anglais, nous lisons:

[Traduction]

Attendu que la tradition de droit civil de la province de Québec, qui trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec, témoigne du caractère unique de la société québécoise;

Je n'aime pas le mot «société» dans ce contexte.

Le sénateur Cools: Très bien.

Le sénateur Joyal: À mon avis, il faudrait dire plutôt «témoigne de son caractère unique». Le mot «société» n'est pas une notion juridique. Selon la Constitution, la «province de Québec» est une notion juridique dont la Loi constitutionnelle mentionne le contexte. Je crois qu'il ne convient pas d'introduire la notion de société dans un débat comme celui-ci. Ce paragraphe devrait se lire comme suit:

[Français]

Que la tradition de droit civil de la province de Québec, qui trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec, témoigne de son caractère unique.

[Traduction]

Un point c'est tout. À mon avis, cela est nettement préférable que d'essayer de débattre du caractère distinct de la société québécoise. Cela serait plus approprié et conforme au texte juridique de la Constitution actuellement en vigueur.

[Français]

M. Yves DeMontigny, conseiller principal au sous-ministre adjoint principal, ministère de la Justice: Un préambule n'a pas de portée juridique comme telle. La raison pour laquelle nous avons utilisé le «caractère unique de la société québécoise», c'est pour référer à un certain nombre de discussions qui ont eu lieu au cours des dernières années, notamment au sujet de la Déclaration de Calgary. Ce texte, en fait, est presque calqué sur le texte de la Déclaration de Calgary. Nous retrouvons aussi les mêmes concepts dans la résolution adoptée par le Parlement en 1995, où nous parlons effectivement du fait que la Chambre reconnaisse que le Québec forme au sein du Canada une société distincte. Nous parlons ensuite de la société distincte qui comprend une majorité de citoyens d'expression française, une culture unique et une tradition de droit civil. Nous nous entendons tous pour dire que le droit s'applique à une société et non à quelque chose d'abstrait. C'est simplement ce que nous voulions traduire dans ce texte. Il ne faut pas y voir plus que cela.

Le sénateur Joyal: Non, mais les mots sont là pour dire quelque chose. Je connais très bien la résolution qui a été votée. Il y a un élément fondamental au fait que lorsque nous reconnaissons dans la Constitution du Canada que la province de Québec, au sens de la Loi constitutionnelle, a un système juridique qui est celui du droit civil, c'est qu'il ne s'agit pas uniquement d'un caractère distinctif du Québec, mais aussi d'un caractère distinctif du Canada. C'est la raison pour laquelle vous êtes engagés dans cette initiative tout à fait louable que je ne peux qu'appuyer. Cela fait partie de l'ensemble de la réalité juridique canadienne.

[Traduction]

La présidente: Sénateur Joyal, nous avons un problème. On nous avait avertis que la ministre devait nous quitter après trois quarts d'heures.

Mme McLellan: Je peux rester jusqu'à 16 h 30.

Le sénateur Joyal: J'arrêterai ici pour permettre à mes collègues de poser leurs questions.

Le sénateur Cools: Sauf votre respect, la ministre pourrait peut-être revenir, parce que les questions que le sénateur Joyal a posées concernant la société québécoise et la société distincte, toute cette série de questions connexes, sont extrêmement politiques.

Mme McLellan: Si le sénateur Joyal veut poursuivre cette discussion avec mes collaborateurs, je n'y vois pas d'objection. Je serai prête à prendre en délibération la question qu'il a soulevée. Nous pourrions peut-être lui répondre plus tard ainsi qu'au comité. Il pourrait peut-être mettre les sujets qui le préoccupent par écrit à notre intention, et nous pourrons y travailler ensemble.

Le sénateur Joyal: Cela me convient.

Le sénateur Pearson: C'est une question assez complexe pour moi car je ne suis pas avocate.

Mme McLellan: Même pour ceux d'entre nous qui sont avocats, c'est très complexe.

Le sénateur Pearson: J'ai trouvé particulièrement intéressant ce que vous avez dit à propos de l'aspect international, car il est fascinant que nous ayons deux systèmes juridiques dans notre pays. Dans mes voyages, surtout en Amérique latine, j'ai été frappée par les différentes façons dont on traite les traités internationaux selon que l'on a affaire à une tradition de droit civil ou à une tradition de common law.

Si nous signons un traité international, notre procédure actuelle consiste à demander aux provinces de nous envoyer des lettres indiquant que leurs lois y sont conformes.

Mme McLellan: Lorsque cela relève de leur compétence, effectivement.

Le sénateur Pearson: Mon exemple préféré est la Convention des droits de l'enfant. Allez-vous travailler à des traités internationaux portant là-dessus? Prévoit-on faire certains travaux qui faciliteront le processus pour permettre aux personnes d'une tradition de comprendre ce qui se passe dans l'autre tradition? Je crois que les gens ne comprennent pas les différences.

Mme McLellan: Pas en ce qui concerne la tâche précise que nous entreprenons, à savoir l'harmonisation des notions de droit privé dans le Code civil avec le droit fédéral pertinent. Il s'agit d'une tâche énorme mais néanmoins distincte.

La question que vous soulevez est importante. De plus en plus, nous tâchons, dans le cadre de notre travail sur la scène internationale, de sensibiliser les gens de toutes les traditions. Vous avez soulevé toute la question des traités internationaux et de la compétence en matière de mise en oeuvre, ainsi de suite. Nous devons expliquer tout cela, de même que notre situation constitutionnelle assez unique, à nos amis des États-Unis, qui a une tradition de common law mais dont la fédération constitutionnelle revêt une forme différente. Nous devons donc leur expliquer tout cela, de même qu'à nos collègues d'autres systèmes juridiques.

Il est très important qu'en tant que membre responsable de la communauté internationale, notre pays aille de l'avant et prenne des engagements par le biais de convention internationale de façon à ce que non seulement les personnes appartenant à d'autres systèmes juridiques comprennent ce que cela signifie pour nous mais aussi que nous comprenions à quoi elles s'engagent lorsqu'elles adhèrent à diverses conventions. Il y a eu des malentendus quant à ce que signifie la ratification par le gouvernement fédéral et la mise en oeuvre par les provinces. Nous devons nous assurer que nous tâchons constamment d'éclaircir ces questions, indépendamment du fait que le pays avec lequel nous traitons a un système juridique civil ou un système juridique musulman ou un mélange des deux.

Le sénateur Pearson: Je songeais en particulier aux cas de garde et d'accès, d'enlèvement, et toutes ces choses qui sont prévues par la Convention de La Haye que nous avons ratifiée, plutôt qu'aux conventions générales des droits de la personne.

Mme McLellan: C'est effectivement un défi.

Le sénateur Pearson: Oui.

Le sénateur Fraser: J'ai deux observations à faire. Malgré mon très grand respect pour l'opinion de mon collègue, le sénateur Joyal, je suis ravie que le deuxième paragraphe du préambule ait été inclus. Je constate qu'il fait allusion à la province de Québec.

Ma deuxième observation, c'est que de toute évidence, à un niveau élevé, il s'agit d'une réalisation monumentale qui reflète le caractère de notre pays, et c'est merveilleux. Cependant, sur un plan plus pratique, je soupçonne que ce projet de loi sera d'une grande aide immédiate aux communautés de langue minoritaire et en particulier aux avocats anglophones au Québec et aux avocats francophones dans les autres provinces. Comme je crois être la seule membre d'une minorité linguistique ici, je tiens à vous dire, en leur nom, «Bravo!»

Mme McLellan: Je vous remercie.

J'aimerais enchaîner sur les aspects pratiques du projet de loi. Sénateur Beaudoin, je pense que parfois ceux d'entre nous qui sommes d'anciens universitaires se perdent -- si je peux parler ainsi en notre nom -- dans des questions abstraites, de portée plus générale.

Le sénateur Beaudoin: Ce n'est pas faux.

Mme McLellan: Non. En fait, il s'agit d'un travail important qui a une application pratique considérable, par exemple, pour ceux qui exercent le droit au Québec, ou pour les notaires, qui doivent s'occuper de transactions immobilières et d'hypothèques, et qui doivent traiter de cas de faillite et d'insolvabilité. Ce n'est peut-être pas un travail prestigieux, mais c'est le travail qui assure aux avocats et aux notaires leur pain quotidien. Ils seront désormais en mesure de mieux servir leurs clients et de mieux servir les résidents du Québec lorsque nos lois fédérales qui s'appliquent au Québec refléteront les principes, les notions et la terminologie du droit civil. Je ne veux pas que l'on croit qu'il s'agit d'un exercice intellectuel dans lequel nous nous lançons uniquement parce que tous ces braves gens ont besoin d'un emploi. En fait, nous avons beaucoup de travail à faire au ministère de la Justice. Ce projet de loi veut en fait aider les avocats, les notaires et la population du Québec à mieux comprendre leurs droits et obligations et à les exercer dans des domaines où il y a recoupement entre la législation fédérale et le droit privé du Québec.

Le sénateur Cools: J'ai tant de questions mais comme nous avons si peu de temps, je vais vous donner une idée de mes préoccupations.

Avant même de parler des dispositions du projet de loi, je trouve de nombreux aspects du préambule très préoccupants. Je suis très consciente des tensions traditionnelles qui existent au ministère de la Justice et au Conseil privé entre les traditions de droit civil et de common law. Je suis aussi très consciente de l'ascendance qu'a exercée ces dernières années la tradition du droit civil. J'aimerais savoir pourquoi, après un certain nombre d'années, on juge nécessaire de procéder à l'harmonisation, car j'avais l'impression que le Code civil était un élément du caractère distinct du Québec. J'avais l'impression que l'application du Code civil par tous les différents moyens qui ont permis de le faire, visait à éviter l'assimilation au reste des traditions juridiques du Canada. C'est mon interprétation de l'histoire. La vôtre est peut-être différente. En raison de ma propre interprétation de l'histoire et de l'existence du Code civil au Canada, et des efforts soutenus déployer par les Québécois pour conserver le Code du Québec, cette initiative suscite tout naturellement chez moi de nombreuses questions de même qu'une certaine méfiance, qui s'accentuera ou diminuera au cours des prochaines semaines pendant lesquelles nous étudierons ce projet de loi.

J'aimerais commencer par l'examen du préambule.

Passons au deuxième paragraphe dont a parlé le sénateur Joyal lorsqu'il a exprimé sa préoccupation à propos de l'utilisation du mot «société». L'emploi des mots «société distincte» a soulevé une grande préoccupation au Sénat, car, comme en témoignent les débats qui se sont déroulés ici, certains sénateurs très érudits partaient du principe que le mot «société» avait été préféré à l'expression «société distincte» pour des raisons politiques et juridiques. Certains sénateurs n'approuvaient pas alors l'emploi de cette expression, et ne l'approuvent toujours pas.

J'ai écouté l'explication fournie par M. DeMontigny sur le texte de la déclaration de Calgary. Cependant, la déclaration de Calgary était en grande mesure une déclaration politique. Je me pose toujours des questions lorsque des déclarations politiques font leur apparition dans des lois. J'éprouve une scepticisme légitime.

Un grand nombre de ces techniques m'inquiètent beaucoup, surtout que ce projet de loi est présenté à un moment où on a préparé le terrain à mon avis pour ce que je considère être la séparation illégale du Québec du Canada. Je considère que l'élaboration des lois comporte plusieurs facettes.

Je tenais à ce que vous sachiez que j'ai certaines inquiétudes à propos de ce projet de loi. Comme il s'agit d'un projet de loi complexe, je suis sûre que nous l'étudierons encore pendant de nombreuses semaines, donc nous aurons amplement le temps d'obtenir des éclaircissements.

Mme McLellan: J'aimerais répondre à une chose que vous avez dite au début, même si des avocats du Québec ici présents pourraient en parler mieux que moi. Cependant, ce projet de loi n'est absolument pas une tentative d'assimilation. Il s'agit d'une reconnaissance claire de l'existence de deux importantes traditions juridiques dans notre pays. Malheureusement, pendant de nombreuses années, notre droit fédéral n'a pas rendu compte de façon fidèle de la présence de notions propres au droit civil concernant les questions de droit privé dans les provinces.

Nous tâchons de reconnaître que le système civil au Québec est un élément clé du caractère unique de cette province. C'est la seule province du Canada qui applique le droit civil. Comme il s'agit d'un aspect important de l'identité du Canada, nous tenons à nous assurer que nos lois fédérales reflètent les principes et les notions de droit civil là où cela est pertinent.

Je tiens à bien préciser que ce projet de loi est le contraire de l'assimilation. Par exemple, nous avons adopté par le passé des lois fédérales sur la faillite et l'insolvabilité qui traduisent uniquement les principes de common law. Certains pourraient prétendre qu'il s'agissait d'assimilation, en ce sens qui nous n'avions pas reconnu l'existence de principes comme celui du droit des sûretés et d'autres en matière de faillite et d'insolvabilité exprimés dans le Code civil et le droit civil.

Nous voulons que ce projet de loi reflète les principes et les notions de nos deux grandes traditions juridiques, là où cela est pertinent. J'espère que nous permettons, grâce à cette modeste contribution, au système de droit civil de s'enraciner davantage dans notre pays, en reconnaissant que ce système est sur le même pied d'égalité que le système de common law en ce qui concerne la législation fédérale.

Le sénateur Cools: Je suis heureuse que vous nous ayez offert ces paroles de consolation. Une chose m'intrigue. Le gouvernement provincial devra-t-il alors modifier ses lois civiles et son Code civil pour suivre la série de principes que vous venez d'énoncer, entre autres reconnaître l'importance de la tradition de common law, ainsi que la valeur de l'harmonisation? Autrement dit, votre initiative sera-t-elle accompagnée d'une série équivalente de modifications provinciales qui reconnaîtront l'importance de la tradition de common law et le caractère bijuridique du pays dans le droit civil du Québec?

Mme McLellan: Il ne faut pas oublier qu'il s'agit ici du droit privé des provinces de common law ou de la province de Québec. Le droit privé est régi par le droit civil, et par conséquent par le Code civil, au Québec, et par la common law dans neuf provinces et dans les territoires. Il n'est pas nécessaire que le Québec fasse quoi que ce soit. Il a modernisé son Code civil, ce qui s'est avéré une tâche monumentale. D'autres pays tâchent de le faire et on dû recommencer à zéro. J'ai rencontré le ministre de la Justice de la Slovaquie, pays qui a voulu moderniser son Code civil mais qui a été tellement mécontent des résultats qu'il a recommencé le processus, en fonction de conseils de spécialistes du Québec et du ministère fédérale de la Justice qui ont participé à l'expérience ici au Québec et au Canada.

Il est absolument important que vous compreniez notre point de départ. Les droits et obligations prévus par le droit privé sont régis par le Code civil au Québec. Les neuf autres provinces et les territoires sont régis par la common law. Le gouvernement fédéral s'efforce de mieux reconnaître les principes du Code civil et du droit civil tels qu'ils se rapportent au droit privé dans nos lois fédérales. Nous avons reconnu les principes de common law. Comme je l'ai dit, je pense que trop souvent nos lois fédérales se sont contentées de refléter les notions et les principes de common law. Aujourd'hui, nous disons qu'il existe un autre système et nous tenons à ce que l'on en rende compte.

La présidente: Sénateur Cools, comme nous avons dépassé de dix minutes le temps qui nous est alloué, je vous encourage à suivre l'exemple du sénateur Joyal et à présenter certaines questions par écrit.

Le sénateur Cools: Non, je préfère parler à la ministre. Je suis sûre que la ministre peut revenir ici à un autre moment. Pourquoi devrais-je alors prendre la peine de venir assister à la réunion du comité? Je pourrais écrire à la ministre à n'importe quel moment et lui poser un certain nombre de questions.

La présidente: Je vous encourage à le faire.

Le sénateur Cools: La raison d'être d'un comité c'est de permettre le dialogue et d'encourager le débat.

Mme McLellan: Mes collaborateurs sont plus que disposés à rester. J'ai tâché de vous décrire les grandes lignes de ce que le gouvernement tâche d'accomplir, les raisons pour lesquelles nous avons pris cette initiative et les aspects du projet que nous avons entrepris, que nous jugeons importants. En ce qui concerne les aspects techniques de certaines dispositions et les raisons pour lesquelles nous avons préféré un mot plutôt qu'un autre, mes collaborateurs, qui ont travaillé sans relâche à ce projet de loi sont ceux à qui vous devriez parler car ils sont spécialistes dans ce domaine. Si vous voulez parler de questions plus générales de politique et des raisons pour lesquelles le gouvernement considère ce projet de loi important, je suis celle qui peut vous répondre.

Le sénateur Cools: Nous sommes tout à fait conscients des sujets dont nous devrions vous parler et de ceux dont nous pouvons parler à vos collaborateurs. Je m'intéresse à certaines des questions de politique plus générales.

Par exemple, vous parlez de «fenêtre sur le monde» au paragraphe 4 du préambule. Pourquoi un tel préambule fait-il partie des modifications apportées à la loi? Il me semble qu'il s'agit en grande partie d'application intérieure.

Mme McLellan: Oui, en ce sens que les lois fédérales dont on traite ici s'appliquent uniquement au Canada.

Cependant, comme je l'ai mentionné au début de mes remarques, je me suis rendu compte, lors de mes voyages un peu partout dans le monde pour assister à diverses réunions de ministres de la Justice, qu'au Canada nous vivons une situation exceptionnelle, où deux systèmes coexistent, sont vivants et entièrement opérationnels.

Cela nous donne la possibilité de parler aux avocats et de comprendre. Il est remarquable, sénateur Cools, lorsque vous assistez à une réunion des ministres de la Justice de l'OEA ou du G-8 et que vous peinez sur des questions difficiles concernant le droit à la protection de la vie privée, d'être accompagné d'un avocat ou d'un responsable des politiques qui possède une formation à la fois en droit civil et en common law, qui est complètement bilingue -- ou trilingue, car lorsque nous allons à l'OEA, les séances se déroulent en français, en espagnol et en anglais -- qui est capable de comprendre les préoccupations exprimées.

J'aimerais pouvoir mieux l'exprimer. C'est leur quotidien. C'est leur formation. Ils ont un sens inné de la façon dont cet autre système fonctionne et des influences qui en émanent. Ils ont également un sens inné des influences qui émanent du système de la common law. Ils arrivent à aborder ces deux systèmes, à en parler et à les expliquer de façon vraiment remarquable. Beaucoup d'entre nous ne comprenons pas à quel point cela est important pour combler des lacunes et établir un rapprochement avec d'autres pays et travailler en collaboration avec eux.

Lorsque vous voyez ces personnes à l'oeuvre -- et je ne suis souvent pas là, puisqu'ils travaillent bien longtemps après que les ministres se soient fait photographier et soient rentrés chez eux -- leur apport est une valeur inestimable car ils sont formés aux deux systèmes et sont capables de travailler dans plus d'une langue, souvent dans trois langues.

Je ne m'excuse pas d'avoir inclus cela dans le préambule du projet de loi. Il est important de rappeler aux gens que c'est un autre avantage que nous possédons comme Canadiens et dont sont privés la plupart des autres gens du monde.

Le sénateur Cools: Je vous remercie. Je m'y connais un peu en droit civil parce que j'ai grandi au Québec.

La présidente: Sénateur Cools, la ministre s'est montrée plus que généreuse et nous a accordé beaucoup de temps. Il y a une heure et quart qu'elle est ici, et elle nous a attendus assez longtemps avant que nous arrivions.

Je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous.

Mme McLellan: Je vous en prie. Je suis toujours heureuse d'être ici. J'aime beaucoup vous rencontrer et j'espère revenir.

Mes collaborateurs vont rester ici pour répondre aux autres questions que vous pourriez avoir.

La présidente: Avons-nous des questions pour les collaborateurs de la ministre?

[Français]

Le sénateur Nolin: J'ai commencé à glaner le texte français. Le Code civil du Québec existe en versions anglaise et française. Dans la version anglaise, nous retrouvons des néologismes anglais pour refléter les mots français correspondants. Dans la version anglaise du projet de loi S-22, je retrouve le mot «resiliation». Ce mot signifie-t-il la même chose dans les deux langues?

M. Vauclair: Lorsque nous comparons les deux versions dans le projet de loi S-22, à la page 12a (2)d), dans la version anglaise, nous traitons du concept de «surrender of leases» alors que, dans la version française, nous traitons de «rétrocession de baux».

Nous constatons en premier lieu que, du point de vue du droit civil, ni l'un ni l'autre de ces termes ne correspond à des institutions ou des concepts connus. Le concept de «surrender», dans la version anglaise, réflète l'influence de la common law alors que le concept de «rétrocession», dans la version française, ne reflète pas l'intention visée par le texte. Nous devons donc rechercher le concept adéquat pour les fins du droit civil. Le concepts «resiliation» en anglais et «résiliation» en français sont appropriés dans un contexte de droit civil. Vous avez donc la common law en anglais pour «surrender» et le droit civil en anglais pour «resiliation». Vous retrouvez également le terme «résiliation», qui est ajouté pour les fins du droit civil en français et le terme «résignation», qui est aussi ajouté pour les fins de la common law d'expression française. Nous couvrons donc les quatre auditoires: le droit civil en anglais et en français et la common law, présente dans la version anglaise et ajoutée dans la version française.

Après cette illustration, la réponse à votre question est: oui, la «résiliation», «resilisation», vise le droit civil d'expression anglaise dans la version anglaise.

Le sénateur Nolin: J'ai pris un exemple au hasard, mais je présume que si je m'arrêtais un peu plus longtemps au texte, j'en trouverais d'autres. Avez-vous appliqué cette recette aux quatre communautés juridiques?

M. Bisson: Oui, aux quatre communautés juridiques.

Le sénateur Nolin: Cela a été votre façon de prodéder et il en sera de même pour tout le programme d'harmonisation?

M. Bisson: Oui.

M. Dion: L'objectif est que tout Canadien, dans quelque province ou territoire qu'il se trouve, puisse comprendre, dans l'une ou l'autre des deux langues officielles, ce que la loi fédérale dit à ce sujet. Donc le civiliste, ou résident du Québec de langue anglaise, pourra s'y retrouver dans la législation fédérale, tout comme le francophone de la Colombie-Britannique retrouvera des notions de common law en français dans les textes fédéraux où cela s'applique.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk: J'ai une question du même ordre. Lorsque vous utilisez le terme «résiliation», existe-t-il un mot équivalent en anglais? Autrement dit, puis-je trouver cette expression dans un dictionnaire?

Il est toujours possible de trouver un autre groupe de mots pour se rapprocher d'une notion, mais il semblerait difficile de trouver les mots en tant que tels s'ils ne sont pas utilisés.

Le sénateur Fraser: Je pense que ce mot existe dans la version anglaise également.

Le sénateur Andreychuk: C'est ce que je veux savoir. Vous essayeriez alors de trouver le mot identique ou approximatif qui correspondrait au mot français?

M. Vauclair: Nous tâcherions de trouver le mot approprié. Nous tâchons d'éviter l'approximation, si possible.

Nous utilisons aussi d'autres techniques. Il y a la technique du «double simple» qui signifie que nous avons les quatre auditoires, la version française et anglaise de la common Law, la version française et anglaise du droit civil, comme je l'ai mentionné plus tôt, dont le texte rend compte.

Nous avons d'autres techniques où nous tâchons d'utiliser un terme neutre qui s'appliquerait et qui aurait un sens tant au niveau du droit civil que de la Common Law dans les deux langues officielles. Les techniques varient, selon ce qui existe au niveau des notions et de la terminologie juridique.

Comme la ministre l'a dit, nous avons des règles d'interprétation qui permettront aux spécialistes de la common law et du droit civil de s'y retrouver dans cette nouvelle façon d'élaborer des lois fédérales.

La présidente: Les règles d'interprétation y sont-elles incorporées?

M. Vauclair: Oui.

La présidente: Avez-vous ajouté des définitions? Vous nous citez des mots que je ne connais pas.

Le sénateur Andreychuk: Je me préoccupe de la créativité qui semble imprégner le texte de la loi ainsi que des bases linguistiques du français ainsi que de l'anglais. Vous dites que la réponse est oui?

M. Vauclair: Oui, absolument.

M. Dion: Il serait juste de dire que, sauf s'il existe une raison pour l'éviter, nous nous sommes inspirés de la version anglaise du Code civil, aussi imparfaite qu'elle soit, aux dires de certains. Cependant, elle demeure une des meilleures sources disponibles.

Le sénateur Nolin: Il serait bon d'expliquer à nos collègues qui ne sont pas du Québec que les avocats québécois en ont l'habitude. Les versions anglaises de nos lois rédigées en français ne sont pas reproduites dans un anglais impeccable.

La présidente: Vous avez l'habitude de faire de l'interprétation.

Le sénateur Nolin: Les avocats anglophones qui exercent la profession au Québec vous diront qu'il y a certains termes qu'ils n'utilisent que devant les tribunaux québécois. Ces termes ne sont utilisés nulle part ailleurs dans le monde.

Le sénateur Fraser: C'est ce que je voulais dire. Il y a une version anglaise du Code civil.

Le sénateur Nolin: Oui.

Le sénateur Beaudoin: J'aimerais revenir sur la question soulevée par le sénateur Pearson. Je crois que la réponse est assez simple. Il s'agit du quatrième «attendu que», qui dit:

QUE le plein épanouissement de nos deux grandes traditions juridiques ouvre aux Canadiens une fenêtre sur le monde et facilite les échanges avec la grande majorité des autres pays;

Cela me plaît beaucoup.

[Français]

Je dis toujours que nous avons l'immense avantage d'avoir deux caisses de résonnance au Canada: une dans le monde anglophone et l'autre dans le monde francophone Cet avantage concerne non seulement la langue mais le monde juridique puisque nous disposons du Code civil et de la common law. J'ignore si c'est unique, mais c'est sûrement très rare.

Lorsque vous avez rédigé ce quatrième paragraphe, aviez-vous en tête ou étiez-vous guidé par la question de la mise en <#0139>uvre -- «implementation of treaties»? Au Canada, le gouvernement fédéral peut conclure un traité, cependant, pour le mettre en <#0139>uvre, il faut suivre le partage des pouvoirs. Au Québec, c'est la tradition civiliste qui prédomine et dans les autres provinces, c'est la tradition du common law. Cela compte beaucoup si nous rédigeons un traité en droit du travail, car nous savons fort bien que les lois civiles sont importantes dans ce domaine. Est-ce cela que vous vouliez préserver dans ce quatrième attendu? J'imagine que vous allez revenir peut-être sur la question des traités.

M. Dion: Nous avions d'abord en tête la mondialisation et le fait de l'existence de ces deux traditions juridiques au Canada. Le Canada se retrouve dans une position très avantageuse pour traiter avec 80 p. 100 des pays du monde qui ont le droit civil, la common law, ou les deux. Ce pourcentage représente plus de 65 p. 100 de la population mondiale, ce qui est considérable. Nous gardions en tête cette situation très avantageuse dans laquelle se trouve le Canada, surtout en cette époque de mondialisation où les échanges se multiplient. Pensons à l'Amérique du Sud, l'Amérique latine et l'Europe où l'existence du droit civil et de la common law représente un avantage réel.

M. DeMontigny: L'objectif consiste à faciliter les échanges commerciaux, culturels et autres.Cela a eu un effet incident sur les traités. Il n'en demeure pas moins que dans les compétences provinciales, les lois de mise en oeuvre seront provinciales. Cela n'affectera donc pas vraiment le Parlement à cet égard, sauf pour ce qui est, encore une fois, de s'assurer que la législation fédérale applicable tienne compte des deux traditions.

Le sénateur Beaudoin: Sauf que cela favorise le Code civil et la common law sur le plan international. Loin d'être un domaine d'assimilation, c'est exactement l'inverse. Cela donne plus de visibilité aux deux systèmes que nous avons au Canada.

M. DeMontigny: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Donc cela améliore les choses.

[Traduction]

La présidente: Nous sommes uniques. Si nous avons d'autres questions à poser aux fonctionnaires, nous pourrons les inviter à revenir. Il ne nous reste plus de témoins. Si nombreux furent les intervenants dans la rédaction de ce projet de loi que, lorsque nous avons communiqué avec des témoins possibles, on nous a répondu, «Nous sommes d'accord avec le projet de loi». Si vous pensez à d'autres témoins, nous vous demandons de nous en communiquer les noms avant la fin de la semaine.

Le sénateur Joyal: Puisque les témoins sont encore ici, pourrions-nous leur demander de nous faire parvenir le documents suivants?

[Français]

Vous avez étudié trois chapitres du Code civil, les biens et sûreté et la responsabilité civile. Quel est votre agenda quant aux sept autres chapitres demeurant du Code civil? Quel sera, en définitive, votre programme, pour les sept, huit ou neuf prochaines années? Il serait important de savoir cela.

[Traduction]

La présidente: La ministre a dit qu'il s'agissait d'un processus qui allait durer neuf ans.

Le sénateur Joyal: J'aimerais savoir ce qu'il en est des autres chapitres. Cela serait utile à nous tous.

[Français]

M. Bisson: Nous travaillons actuellement à l'harmonisation des lois fédérales dans leur entièreté avec tous les livres du Code civil. Nous travaillons aussi simultanément à l'harmonisation des lois et des règlements. En plus, nous travaillons sur le premier groupe de lois, au nombre de 49, contenues dans le projet de loi S-22. Nous compléterons le travail déjà amorcé en ce qui concerne tous les livres du Code civil. Par la suite, en ce qui concerne les nouvelles lois, le tiers des troupes travailleront dans la législation fiscale.

Nous ouvrirons d'autres domaines, dont celui de la propriété intellectuelle, qui est prioritaire. Compléter la faillite est aussi prioritaire. Cela contribuera à mieux nous positionner dans le cadre d'accords internationaux.

Nous devons revoir nos lois dans le domaine des lettres de change et des sociétés par actions. Nous établirons des lois-cadre qui nous permettront de négocier plus efficacement des conventions internationales bijuridiques. Nous voulons éviter de traiter de nouveau avec 22 ministères pour faire avancer un projet de loi. Nous ciblerons nos interventions. Nous avons identifié les domaines de l'agroalimentaire et de l'environnement également. Nous procéderons de cette façon dorénavant.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup d'être venus. Nous allons peut-être vous convoquer à nouveau.

Sénateurs, nous allons maintenant examiner les projets de loi C-445 et C-473. Ces deux projets de loi ont une incidence sur 13 circonscriptions au Canada.

Nous accueillons encore une fois M. Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections, Élections Canada, accompagné de Herschell Sax, conseiller principal en politique.

Demain, nous allons commencer l'examen de ces deux projets de loi. Nous avons demandé aux députés visés par ces changements de comparaître devant le comité afin de répondre à nos questions. Malheureusement, certains ne pourront pas se présenter. Cependant, j'imagine que ceux qui nous intéressent le plus viendront. À la fin de la réunion, je vous donnerai la liste de ceux qui se sont dits disposés à comparaître.

Monsieur Kingsley, vous avez maintenant l'occasion d'exprimer votre point de vue au sujet de ces deux projets de loi.

M. Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections, Élections Canada: Honorables sénateurs, je suis toujours ravi de comparaître devant votre comité.

Plutôt que de faire la relecture d'une déclaration que j'ai déposée il y a plus d'un an au sujet de projets de loi semblables, nous allons tout simplement redistribuer les documents dans la langue officielle de votre choix.

Je traîne aussi avec moi, au cas où on en aurait besoin, un exemplaire de la lettre du 7 juin que je vous ai envoyée concernant le vote électronique. Il n'y a pas de lien direct avec le sujet qui nous occupe et je ne veux pas nous distraire du but premier de la réunion, mais si tous les députés n'en ont pas reçu un exemplaire, j'en ai ici et je puis répondre aux questions.

La présidente: On les a distribués.

M. Kingsley: Voici l'essentiel de ma prestation précédente: tout d'abord, il n'est pas trop tard pour changer les noms. Deuxièmement, il y a une commission sur la toponymie du Canada qui a passé en revue les 301 noms et s'est prononcée à leur sujet.

La présidente: Il s'agit des noms actuels?

M. Kingsley: Oui. Cela comprend aussi les noms qui ont précédé les 44 qui ont été changés précédemment. La commission a recommandé de ne pas employer plus de trois désignations toponymiques. Cela a été mis de côté et il revient maintenant au Parlement de prendre cette décision.

La chose essentielle que je dois vous signaler c'est que tout, à Élections Canada, est désormais informatisé sauf le geste même de voter; je vous ai fait parvenir une lettre à ce sujet la semaine dernière. Notre programme permet l'emploi de 50 caractères. Cela comprend les espaces, les traits d'union et les tirets. Un des noms que vous avez devant vous aujourd'hui contient 53 caractères; il s'agit de Verdun--Saint-Henri--Saint-Paul--Pointe-Saint- Charles.

Nous avons une solution à ce problème. Nous transformons le tiret en trait d'union. Ce n'est pas tout à fait conforme aux normes; cependant, il en coûterait un demi-million de dollars pour changer le programme de l'ordinateur. Certains programmes concernent la géographie tandis que d'autres contiennent les listes permanentes d'électeurs, y compris les noms des circonscriptions. Tous les logiciels contenant les noms des circonscriptions se limitent à 50 caractères.

Nous avons choisi 50 caractères, à l'époque, en nous fondant sur la moyenne du nombre des caractères qui étaient alors de 35 environ. Nous avons cru que 50 caractères ne feraient pas problème.

[Français]

Évidemment, il revient au comité de prendre la décision qu'il veut, et il me fera grand plaisir de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

[Traduction]

La présidente: Dans le cas de Verdun--Saint-Henri-- Saint-Paul--Pointe Saint-Charles, si vous remplacez les tirets et l'espace par trois apostrophes, vous économisez six espaces.

M. Kingsley: Nous l'avons réglé à notre façon en remplaçant les tirets par des traits d'union.

La présidente: Aurons-nous besoin d'un amendement pour faire cela?

M. Kingsley: Non. Vous n'avez pas besoin de modifier le projet de loi à l'étude. Nous pouvons régler le problème au niveau administratif à Élections Canada. C'est une solution simple. Il s'agit de la solution administrative que nous avons choisie pour régler ce problème.

Le sénateur Fraser: Vous avez répondu à ma question à propos des tirets et des espaces versus les traits d'union et l'absence d'espaces.

En ma qualité de sénateur, j'hésite à intervenir dans un domaine qui est on ne plus clairement du ressort de la Chambre des communes, c'est-à-dire le nom à donner aux circonscriptions. Je n'ai pas à me faire élire. Heureusement, je ne vis pas dans une de ces circonscriptions.

Avez-vous comparu devant un comité de l'autre endroit pour donner des explications concernant non seulement la limite des 50 caractères, mais aussi concernant certains détails qui figuraient dans votre document, il y a environ un an, sur les directives de la commission? Par exemple, qu'on devrait éviter les noms de circonscriptions comprenant quatre noms toponymiques ou plus. Vous leur avez bien expliqué cela?

M. Kingsley: Oui, en effet.

Le sénateur Nolin: C'est pour cela qu'il doit se retrouver devant nous.

M. Kingsley: J'ai envoyé une lettre au président et je lui ai parlé. Ces précisions ont déjà été données auparavant.

Pour lécher le tableau, lors du prochain remaniement électoral, j'entends m'assurer que tout député en poste comprendra bien que le moment de revoir le nom d'une circonscription est lorsque le comité de la Chambre étudie la question et saisit les commissions provinciales de ses idées. À mon avis, les commissions devraient prendre les décisions finales, comme elles le font pour les limites. Le nom de la circonscription ne changerait plus jusqu'au prochain redécoupage.

Cela donnerait aux députés en poste l'occasion d'influencer les commissions lors d'un changement de nom. La toponymie a son importance. Nous devons nous servir de cet organisme, créé par le Canada, afin d'assurer une certaine logique toponymique dans les circonscriptions. Voilà donc ce que j'essaierai de faire, c'est-à-dire éviter cette perception d'une nécessité.

Le sénateur Andreychuk: Si la commission en est responsable, cela réglerait-il les problèmes qui sont soulevés dans les lettres qui me sont adressées, c'est-à-dire, le fait que les députés ne consultent pas leurs circonscriptions, qu'ils s'agissent de leurs associations de comté ou de leurs électeurs?

M. Kingsley: La réponse est oui, mais il faut aussi se rappeler que, lors du dernier remaniement électoral, la Chambre des communes ainsi que le Sénat ont été saisis d'un projet de loi qui aurait éliminé ce processus. Ce projet de loi n'a pas été approuvé, malgré les attentes dans ce sens, et j'ai l'impression que cela a refroidi l'ardeur d'un bon nombre de personnes, dont les députés, qui se seraient intéressés à la possibilité d'un remaniement. Manifestement cela a eu un effet, parce que nous avons reçu un plus grand nombre de plaintes de cette nature.

La présidente: En effet, la commission tient des audiences publiques, j'y ai déjà assisté moi-même pour donner des raisons en faveur d'un changement de nom, sans succès.

Le sénateur Beaudoin: J'ai toujours pensé que la question de la désignation...

[Français]

La désignation d'un comté doit reposer sur l'histoire et la géographie. Je suis toujours scandalisé lorsque je constate que ce n'est pas le cas dans bon nombre de comtés. L'histoire et la géographiene sont-ils des critères que le comté ou la circonscription doit respecter avant tout autre n'ayant rien à voir avec cela? Peut-être est-ce trop demander, mais un pays se fonde sur son histoire et sa géographie.

M. Kingsley: Vous avez raison. La commission chargée de la toponymie est aussi empreinte de ce besoin de refléter l'histoire. D'ailleurs, plusieurs endroits sont nommés en fonction de l'histoire. Les commissaires, dans leurs recommandations, sont conscients du fait que les noms doivent refléter l'histoire aussi. La difficulté survient lorsque nous essayons d'en faire trop. À force d'incorporer davantage d'informations, nous n'en finissons plus. Nous sommes sensibilisés à l'histoire du pays et c'est ce que nous voulons refléter dans les noms choisis.

Le sénateur Beaudoin: Quand nous voulons modifier un nom, nous héritons du fardeau de la preuve pour changer le nom?

M. Kingsley: Cette détermination est entièrement la vôtre et non pas la mienne. C'est la raison du projet de loi devant vous.

Le sénateur Beaudoin: Autrement dit, si nous voulons changer le nom d'un comté en nous basant sur la géographie, nous devons établir que géographiquement le nom n'est pas correct. Si nous voulons changer le nom d'un comté qui serait basé sur l'histoire, par exemple, Laurier ou Cartier, lesquels sont des noms historiques, je peux comprendre cela, sauf qu'à un moment donné, nous ajoutons ou réduisons le nombre de votes. Le principe fondamental ne demeure-t-il pas l'histoire et la géographie?

M. Kingsley: C'est un principe qui devrait demeurer.

Le sénateur Nolin: Quant à la longueur du nom, sur le plan administratif, sans nécessité d'un amendement, vous serez capable de compresser Verdun et compagnie sans que cela ne dénature la décision du Parlement?

M. Kingsley: Oui.

Le sénateur Nolin: Le système étant ce qu'il est, si la commission était l'instance à laquelle devrait s'adresser tout le monde, incluant les députés qui veulent changer les noms de leur circonscription électorale, peut-être que cela réglerait certaines des préoccupations que le sénateur Beaudoin et d'autres ont soulevées.

Le Parlement étant souverain, nous devrons trouver une façon d'arrimer tout cela. Nous devrions demander à ce que la Commission de toponymie, ou son représentant, avec le directeur général des élections soient consultés pour nous informer de leur appui ou non à un changement ou l'autre. Cela pourrait peut-être influencer la décision du Parlement.

Maintenant, les circonscriptions ontariennes épousent la géographie des circonscriptions électorales fédérales.

M. Kingsley: C'est cela.

Le sénateur Nolin: Les grands quartiers de la ville de Toronto épousent également la même géographie que les circonscriptions fédérales et provinciales.

M. Kingsley: J'ai ouï-dire la même chose.

Le sénateur Nolin: Comme il existe déjà une harmonisation entre vous et ceux qui voient à la mise en oeuvre des lois électorales, avec tout ce que cela comporte tant sur le plan fédéral que provincial, n'y aurait-il pas un besoin alors d'harmoniser aussi ce travail avec les parlementaires de ces circonscriptions, qui sont des acteurs importants de ce système?

M. Kingsley: Lors du prochain effort de redistribution, en Ontario en particulier, il sera important que la commission soit sensible aux représentations que voudront lui faire les politiciens ontariens, qu'elle écoute leur point de vue et qu'elle fasse une détermination en fonction de leur mandat fédéral. Cela ne leur coûtera rien d'écouter ces gens. J'organiserai des sessions de sensibilisation avant que la redistribution ou le redécoupage ne commence avec les commissions. Je tiens à recevoir, ici à Ottawa, les membres de la commission, qui sont des juges, pour leur expliquer exactement le fonctionnement des commissions et quels seront leurs mandats d'attributions.

Pour rejoindre votre autre idée, suite au prochain exercice, les changements de nom, en Ontario ou ailleurs, quoique cela produise un double impact en Ontario, devraient être accompagnés d'une approbation.

Le sénateur Nolin: Une sorte de certification?

M. Kingsley: Justement, par cette commission, qui s'est donnée la peine de revoir les 301 noms initialement et qui s'est prononcée en faveur de ces 301 noms. Pour voir si l'ajout respecte les normes. J'ai déjà partagé toute une série de normes avec le comité. C'est important que nous respections le travail de ces commissions dans la mesure où les parlementaires croient qu'il est important de les respecter. Il y a moyen de marier ces deux choses, et c'est mon objectif de sensibiliser les commissions à ces besoins.

Le sénateur Nolin: Nous recevons souvent, malheureusement, ces projets de loi à la dernière minute et ils sont introduits à la Chambre des communes un peu aussi à la fin. C'est le résultat souvent d'une «négociation».

Dans certains cas, une vaste consultation s'est opérée. Un député du Québec a utilisé son envoi collectif pour sonder l'électorat. Un député de la région d'Ottawa a également entrepris une vaste consultation alors que d'autres n'ont rien fait.

J'ai reçu beaucoup de courrier de gens d'un de ces comtés qui me disaient qu'ils avaient pris connaissance du changement de nom dans le journal. Ils n'acceptent pas de ne pas avoir été consultés et se demandent pourquoi ils ne l'ont pas été.

Malheureusement, nous n'y pourrons pas grand chose. Nous devons trouver une solution acceptable de sorte que les gens n'ont pas l'impression encore une fois que la grosse machine parlementaire les écrase et leur impose une décision qui aurait pu faire l'objet, logiquement, d'une consultation raisonnable.

M. Kingsley: Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Nolin: Le Sénat, lors de la dernière série de révisions concernant les limites des circonscriptions, avait pris part activement dans ce travail dans l'intérêt des Canadiens. Nous avions pu mettre de côté la partisanerie et garder en tête l'intérêt des Canadiens. Le processus s'amorce avec la consultation auprès de la population. Les commissaires entendent les représentations des gens qui désirent comparaître. Selon le système parlementaire actuel, souvent des projets de lois arrivent dans les derniers jours de la session du Parlement. Là, un projet de loi arrive, et nous avons 12 comtés à changer. Après cette loi-ci, il y en aura 57 à changer.

M. Kingsley: Avec celui-là, on a un total de 57. Donc 57 sur 301. Il faut se rappeler que l'électeur ne suit pas tous les jours les changements de nom des circonscriptions. Il ne faut pas confondre l'électeur. Il ne fait pas référence quotidiennement au nom de sa circonscription. Ce n'est pas comme le nom de sa ville ou de sa province. C'est un élément dont il faudra tenir compte.

[Traduction]

La présidente: Ces changements de nom ont des répercussions à trois niveaux dans la ville de Toronto parce qu'il y a aussi des circonscriptions municipales.

[Français]

Le sénateur Joyal: J'aimerais vous exprimer notre préoccupation à l'égard de ces projets de loi. Le Sénat a comme fonction essentielle de réviser les projets de loi adoptés à la Chambre des communes. Lorsque nous assumons cette responsabilité, nous voulons le faire de façon générale, selon les objectifs précis, en considérant les principes de la Charte des droits et libertés ou en réévaluant les objectifs des politiques poursuivies par le projet de loi. Nous essayons de définir des approches rationnelles et des critères objectifs pour que nous arrivions à des conclusions justifiées aux yeux du Parlement du Canada lors de notre révision.

Lorsque nous étudions des projets de loi qui changent les noms des circonscriptions, nous trouvons difficile de préciser les critères. Vous nous en donnez qui nous rassurent, d'une certaine façon, mais ces critères ne semblent pas avoir été élaborés de façon cohérente dans un règlement qui lierait la Commission de délimitation des circonscriptions électorales. Si vous considérez éventuellement les amendements à apporter aux lois qui gouvernent le système électoral au Canada, je crois qu'il serait avantageux d'établir un certain nombre de critères, même si la liste n'est pas exhaustive, pour qu'il y ait une certaine forme de rationalité dans les modifications. Ce qui va se produire -- et je le vois en regardant les noms --, c'est qu'un député va représenter une circonscription qui regroupera beaucoup de quartiers comme, par exemple, Verdun - Saint-Henri - Saint-Paul - Pointe Saint-Charles. À un moment donné, il se développe une sorte de rivalité locale. Si Pointe Saint-Charles est mentionnée, il faut que Saint-Henri le soit également parce que ce sont deux quartiers situés côte à côte, jaloux de leur identité. Évidemment, ils feront pression auprès du député pour être rajoutés.

Je n'ai pas d'objection à cela. Cependant, la commission ne devrait-elle pas développer des critères -- comme le soulignaient précédemment mes collègues -- soit sous la forme d'une référence au caractère historique et géographique, soit sous la forme d'un appui populaire? Si nous incluons les noms de toutes les municipalités dans les comtés, vous n'aurez pas suffisamment d'une page pour les bulletins de vote afin d'identifier les circonscriptions.

Au sujet des questions de références historiques, si vous prenez par exemple le comté Marguerite-Bourgeoys, il s'agit d'une personnalité historique importante, mais elle n'a peut-être jamais mis les pieds dans cette circonscription. En pratique, il n'y a aucune relation entre le personnage et la région. C'est différent si nous donnons le nom de la région touristique ou administrative. Là, nous retrouvons une certaine relation. Ne serait-il pas possible de recommander au Parlement du Canada une approche rationnelle à suivre?De cette façon, lorsque nous aurions à réévaluer ces projets de loi, nous pourrions observer un minimum de critères afin d'éviter d'avoir l'air capricieux ou de prendre une décision discrétionnaire non fondée sur des éléments réels?

Comme le disait plus tôt le sénateur Fraser, si nous refusons un projet de loi comme celui-ci, nous devons avoir de très bonnes raisons. Où les trouve-t-on ces bonnes raisons? Nous avons le rôle de réviser. Si nous révisons, comme en appel, il faut être certain que ce nous refusons a des raisons d'être refusé. Nous devons vérifier des critères qui existent plus ou moins dans la réalité politique. Vous qui avez la responsabilité de conseiller la commission dans son travail, vous pourriez l'assister doublement si les critères faisaient partie de la réglementation que la commission est chargée d'approuver.

M. Kingsley: Les critères que la Commission de toponymie établit sont partagés avec les différentes commissions qui font le redécoupage des circonscriptions. Il y a quelques critères dont j'ai fait l'élaboration. Ils se retrouvent dans un document précis que nous remettons à ces commissions et dont je peux vous faire parvenir une copie.

Le sénateur Joyal: Est-ce qu'ils sont distribués aux députés lorsqu'un député propose un changement de nom d'une circonscription? Est-ce qu'un député doit consulter la commission au préalable ou obtenir d'un comité relativement responsable un avis sur la base de l'application de ces critères?

M. Kingsley: Ni la commission ni le directeur général des élections ne doivent être consultés par un député ou par le gouvernement avant de faire des propositions de changement de nom. Rien n'est requis selon la loi ou selon les us et coutumes.

Le sénateur Joyal: N'y aurait-il pas lieu de le proposer lorsque nous apporterons d'autres amendements à la loi?

M. Kingsley: Dans la Loi sur la redistribution, possiblement. Cependant, je tenterai plutôt, sur le plan administratif, de sensibiliser davantage les parlementaires au rôle des commissions en ce qui a trait aux noms donnés aux circonscriptions et à la fenêtre de temps qu'ils ont pour en faire appel. Par la suite, si jamais il y a des propositions de noms, je tenterai de sensibiliser le comité de la Chambre des communes chargé de les examiner sur ces mêmes critères.

Le sénateur Joyal: Lorsque j'étais député, j'ai changé le nom de ma circonscription de Hochelaga à Hochelaga-Maisonneuve parce que cela regroupait les deux quartiers. C'est exactement cette même réalité que d'autres députés ont vécu. Les habitants du quartier Maisonneuve disaient: «On n'est pas dans Hochelaga, on est dans Maisonneuve, alors on veut être identifiés là où nous vivons.» À l'époque, je n'étais pas au courant des critères proposés par la commission. Il m'apparaît essentiel de sensibiliser les députés au moment opportun pour éviter une prolifération de noms. À mon avis, si nous avons un minimum de critères objectifs qui sont déjà appliqués, nous avons une base pour porter un jugement raisonnable sur le résultat qu'on nous demande de sanctionner.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: J'aimerais poser quelques questions d'ordre technique. Nous avons tous hâte d'interroger demain nos prochains témoins.

Pour commencer, ce sont des mesures d'initiative parlementaire, n'est-ce pas?

M. Herschell Sax, conseiller sénior, Politiques, Direction du registre et de la géographie, Élections Canada: Non, je pense qu'ils ont été regroupés. Ils ont été présentés en tant que mesures d'initiative parlementaire, mais je pense qu'il s'agit maintenant de projets de loi émanant du gouvernement.

Le sénateur Pearson: Alors s'agit-il de projets de loi d'intérêt public émanant d'un député?

La présidente: Des projets de loi d'intérêt public émanant d'un député.

Le sénateur Pearson: Je me demandais comment ils avaient réussi à les faire inscrire au Feuilleton? J'ai eu la réponse, notamment qu'il n'y a pas de procédure précise.

Ma deuxième question a déjà été posée mais on n'y a répondu qu'en partie, dans mon esprit. Est-ce l'un ou l'autre de ces projets de loi concerne une circonscription de l'Ontario?

M. Kingsley: Il y en a quatre de l'Ontario.

La présidente: La circonscription d'Ovide Jackson, celle de Dennis Mills, celle d'Eugène Bellemare ainsi que celle de John Bryden.

Le sénateur Pearson: Dennis Mills vient de Toronto. Si ce nom change, est-ce le nom utilisé pour les élections provinciales en Ontario changera?

M. Kingsley: Oui.

Le sénateur Pearson: Ainsi que le nom qui est utilisé au niveau municipal?

M. Kingsley: Oui.

Le sénateur Pearson: Nous devons faire quelques observations dans notre rapport au Sénat. Il est peu probable que nous modifions ces projets de loi, cependant nous devons exprimer nos commentaires de façon officielle afin de contribuer à la rationalisation du processus à l'avenir. Est-ce que cela serait utile?

M. Kingsley: oui.

La présidente: Lorsqu'on parle des élections en Ontario, les circonscriptions sont inscrites comme Toronto-Greenwood, et cetera. Celle de M. Mills sera inscrite comme Toronto-Danforth.

Le sénateur Fraser: Pour revenir à votre commentaire sur les pauvres électeurs, puisque vous êtes responsable des élections, vous et votre personnel ont plus de contacts que qui que ce soit avec les électeurs dans l'ensemble du Canada. Existe-t-il des données précises ou des études sur les noms de certaines circonscriptions au Canada qui porteraient à croire que les électeurs sont mécontents ou déconcertés lorsqu'on rajoute trop de noms géographiques au nom de leur circonscription?

M. Kingsley: Il n'y a pas eu d'étude à ce sujet.

Le sénateur Fraser: Pourriez-vous en faire?

M. Kingsley: Je suppose qu'on pourrait en faire. Cependant, comme je l'ai dit plus tôt, je préférerais de loin travailler avec plus d'acharnement afin d'éviter ces changements la prochaine fois. Je suis sûr que certains les considèrent comme nécessaires, mais dans l'ensemble ils consomment beaucoup d'énergie. Nous n'avons pas examiné la question en détail pour savoir si ces changements prêtent à confusion mais il est raisonnable de supposer que ce pourrait être le cas de la part de certains électeurs lorsque le nom de la circonscription a changé entre les élections mais qu'il n'y a pas eu de remaniement électoral.

Le sénateur Fraser: Oui, et on se retrouve avec des noms démesurément longs. Depuis que vous êtes venu ici la dernière fois, j'ai fait plusieurs discours dans lesquels j'ai vanté les gloires du Sénat et le travail fascinant que nous faisons, et j'ai cité quelques observations que vous avez faites sur les noms et les 50 caractères, et cetera. J'ai lu les noms des circonscriptions. J'ai fait une série de ces discours pendant une courte période. Malgré tout, à la fin, je ne pouvais tout de même pas me rappeler ces noms affreux. J'ai dû les écrire au complet. Même si j'avais prononcé le même discours à plusieurs reprises, je ne pouvais pas me rappeler le nom de la circonscription de Musquodoboit, même si je connais cette partie du monde; ce n'est pas un territoire qui m'est étranger. Je me demande si les électeurs dans ces circonscriptions-là commencent à trouver cela aussi ridicule -- vous me pardonnerez -- que tous mes auditoires.

M. Kingsley: Vous voudrez peut-être inviter le Président de la Chambre des communes à témoigner au sujet des changements de nom, parce qu'il doit accorder la parole aux députés en précisant leur circonscription.

Le sénateur Nolin: Cela écourte la période des questions!

Le sénateur Fraser: Sans blague, je suggère que vous fassiez des études au cours de la prochaine période électorale, parce que vous serez obligé de travailler avec les noms. Vous pourrez peut-être demander à vos employés de noter des cas de confusion ou de réticence de la part des électeurs.

M. Kingsley: Ou des commentaires qu'on recevra.

Le sénateur Fraser: Oui, cela pourrait être utile aux députés.

M. Kingsley: Oui, on pourrait facilement le faire. Merci de la suggestion.

La présidente: Merci beaucoup.

La séance est levée.


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