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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le 11 avril 2000

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 09 h 30 pour étudier le projet de loi S-17, Loi concernant la responsabilité en matière maritime et la validité de certains règlements.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Nous étudions le projet de loi S-17, Loi concernant la responsabilité en matière maritime et la validité de certains règlements.

Nos témoins sont M. André Pageot, directeur général, Politiques et programmes maritimes à Transport Canada; M. Gerry Rysanek, directeur, Politique maritime internationale et responsabilité civile, ainsi que M. Mark Gauthier, conseiller juridique, Services juridiques.

Nous allons entendre vos commentaires et par la suite, les membres du comité pourront poser leurs questions.

M. André Pageot, directeur général, Politiques et programmes maritimes, Transport Canada: Il me fait plaisir d'être accompagné d'une équipe qui peut discuter d'un projet de loi assez technique dans le domaine de l'assurance maritime.

L'importance des projets de loi, même de nature technique, demeure aussi grande. Tel un édifice, chaque brique, chaque pierre a son importance. Pour l'industrie maritime, le projet de loi sur l'assurance maritime répond à un besoin très évident.

[Traduction]

Merci de prendre le temps de parler avec nous de ce que l'industrie maritime considère comme un projet de loi très important régissant les régimes d'assurance sur la responsabilité dans la plupart des secteurs des transports maritimes.

Il est important de moderniser le régime de la responsabilité en matière de transport de passagers. Dans ce projet de loi, vous verrez que la partie 4, qui concerne le transport des passagers, l'industrie des croisières et le secteur du tourisme, constitue la nouvelle partie la plus importante. Contrairement aux régimes applicables aux compagnies aériennes et aux autres modes de transport, nous n'avons pas de régime de responsabilité bien défini pour le transport de passagers dans le domaine des croisières, du tourisme et des traversiers; nous n'avons pas de régime de responsabilité approprié pour les passagers en cas d'accident. Heureusement, grâce à un régime de sécurité relativement solide, nous n'avons pas connu d'accidents graves ces dernières années, mais à défaut de ce régime de responsabilité pour les passagers, nous pourrions rencontrer de graves difficultés à l'avenir.

Les passagers qui montent à bord d'un bateau de croisière, par exemple pour l'observation des baleines ou pour quelque activité touristique, peuvent constater que certaines compagnies ont fait imprimer directement sur le titre de transport une décharge indiquant qu'elles ne sont pas responsables vis-à-vis des passagers. Le présent projet de loi vise à faciliter la mise en place d'un régime d'assurance protégeant tous les passagers qui montent à bord des navires commerciaux et se livrant à différentes activités au Canada.

Au fil des années, nous avons procédé à d'importantes consultations sur ce projet de loi. Nous avons rencontré l'Association canadienne du droit maritime, les propriétaires de navires au Canada, de même que les propriétaires de navires étrangers dont les bateaux de croisière naviguent ici. L'ensemble de l'industrie a accordé un appui très solide aux nouvelles dispositions du projet de loi.

Le deuxième élément concerne les règles applicables en cas de responsabilité partagée. Il peut arriver que plusieurs entités ou plusieurs compagnies soient responsables de dommages, de négligence, et cetera. Le projet de loi propose un régime qui permettra une répartition du risque et des versements à effectuer en cas d'accident. Il peut arriver que plusieurs personnes soient responsables des dommages causés, et la loi permettra de porter des accusations contre les personnes qui ont contribué aux pertes.

Ce régime nécessite une législation nationale. Il y a eu plusieurs décisions judiciaires dans le domaine dont nous parlons, notamment l'arrêt Bow Valley de 1998. Des lois provinciales peuvent régir certains de ces régimes, mais elles sont jugées insuffisantes par les tribunaux. C'est pourquoi le deuxième élément nouveau du projet de loi que nous proposons aujourd'hui couvre le partage des responsabilités dans le cas où il y a eu partage du risque entre plusieurs personnes.

Il y a un autre aspect sur lequel je dois insister: dans le projet de loi sur la responsabilité en matière maritime, nous intégrons dans la Loi sur la marine marchande du Canada tous les régimes de responsabilité précédemment dispersés dans différentes lois. Nous y incluons les lois déjà adoptées. On y trouve certaines dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada, ainsi que la Loi sur le transport des marchandises par eau, adoptée il y a quelques années. Et nous regroupons dans ce projet de loi les régimes de responsabilité et d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution.

Le sénateur Spivak: Pouvez-vous indiquer les projets de loi inclus dans le S-17? Je n'en vois qu'un, le projet de loi S-4. Quels sont les autres?

M. Pageot: Nous y regroupons la plupart des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada. Comme l'indique ce document, nous reprenons les éléments de la Loi sur la marine marchande concernant les dommages dus à la pollution -- pour l'essentiel, ce sont des lois, la Loi sur la marine marchande du Canada et la Loi sur le transport des marchandises par eau, qui sont intégrées dans ce nouveau projet de loi sur la responsabilité. Voilà les deux documents source.

Nous avons repris plusieurs dispositions de ces lois dans le nouveau régime de responsabilité, et nous n'avons apporté que des rajustements mineurs au régime qui existait précédemment.

En ce qui concerne, par exemple, les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures provenant d'un pétrolier ou d'un autre navire, nous précisons certains points, notamment à propos de l'unité de stockage flottante. Pour les activités pétrolières offshore et celles qui se déroulent dans les eaux territoriales canadiennes, on fait venir des pétroliers à plates-formes qui sont utilisés pour le stockage. Nous avons ajouté une disposition prévoyant que les unités de stockage flottantes sont incluses dans le projet de loi sur la responsabilité.

L'avantage du regroupement, c'est que nous pourrons ajouter de nouvelles initiatives au fil des années. Par exemple, au niveau international, on est en train de mettre au point une convention concernant les soutes, c'est-à-dire les unités de stockage situées dans la coque des navires qui contiennent le carburant destiné aux moteurs, et on a défini un régime applicable en cas de pollution causée par les déversements provenant de ces soutes.

Ce projet de loi, qui propose la formule du guichet unique, va faciliter notre travail législatif ainsi que l'amélioration de la législation actuelle. Pour l'essentiel, nous proposons des modifications de forme à un grand nombre de dispositions, ainsi que deux nouveaux régimes importants pour les passagers et pour la répartition du risque devant les tribunaux. Nous avons profité de l'occasion pour faire le ménage dans certaines situations qui ont été portées à notre attention par le comité mixte qui étudie les règlements.

Lorsqu'on est passé du Conseil des ports nationaux des années 60 à la nouvelle Société canadienne des ports en 1983, on a fait une erreur dans l'émission des décisions sur l'utilisation des ports. La même chose s'est reproduite quelques années plus tard. En 1994, les droits de pilotage sur le Saint-Laurent ont été contestés, et on a fait une erreur à cause d'une méprise fondamentale sur les événements et sur les droits de pilotage. C'est pourquoi nous avons ajouté au projet de loi une partie 7 qui fait le ménage dans ces erreurs commises de bonne foi. Les tarifs appliqués étaient tout à fait légitimes et conformes à un régime de délégation de pouvoirs à chaque société de ports pour l'utilisation des installations et les droits de pilotage, qui visaient à assurer l'autosuffisance des sociétés de ports. Il fallait donc procéder à ces rajustements. Au fil des années, nous avons eu affaire à des milliers de propriétaires étrangers de navires, mais la Société canadienne des ports n'existe plus, et il faut corriger certaines erreurs commises de bonne foi il y a quelques années.

Mes collègues sont plus au courant que moi des aspects juridiques du projet de loi, mais je peux indiquer que nous avons cherché à y moderniser le régime de la responsabilité. Les transports maritimes de passagers sont en plein essor. Que ce soit les croisières en Alaska, l'observation des baleines sur le Saint-Laurent ou les croisières dans les Mille-Îles, il faut protéger les nombreux citoyens qui prennent le bateau et leur proposer un régime grâce auquel ils seront traités équitablement par les tribunaux. Ce projet de loi met en place un régime plus conforme aux règles appliquées par nos partenaires commerciaux au plan international.

Le sénateur Callbeck: Vous dites que nous n'avons pas de régime approprié de responsabilité pour les navires de croisière, et vous donnez l'exemple de l'observation des baleines. Les billets des passagers indiquent souvent que la compagnie maritime n'est pas responsable. Je suppose qu'en vertu de la nouvelle loi, elle devient responsable. Même si le billet indique le contraire, elle va devenir responsable dans le cadre de cette loi.

M. Mark Gauthier, conseiller juridique, Services juridiques, Transports Canada: Oui, exactement. Le principe de l'exonération contractuelle est aboli. Ce n'est plus permis.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que vous avez consulté les propriétaires de navires et d'autres groupes en préparant ce projet de loi. En avez-vous aussi parlé avec les provinces? Dans l'affirmative, est-ce qu'elles sont satisfaites de cette loi?

M. Jerry Rysanek, directeur, Politique maritime internationale et responsabilité civile, Transports Canada: Oui, nous avons consulté toutes les provinces en leur soumettant un document de travail publié lors de l'adoption de ce projet de politique, et les provinces se sont prononcées. Certaines d'entre elles ont posé des questions très précises; elles voulaient notamment savoir si la loi s'appliquerait aux navires publics, aux navires appartenant aux provinces parce que les provinces assurent un service de transport, et la réponse est oui. Nous avons veillé à l'uniformité et le régime sera d'application universelle pour assurer la protection des passagers, quelle que soit la compagnie qui les transporte.

Le sénateur Callbeck: Est-ce qu'elles sont satisfaites de la loi?

M. Rysanek: Oui.

Le sénateur Callbeck: Je suis sûre que vous vous souvenez du naufrage de l'Irving Whale et du débat et des négociations auxquels il a donné lieu. Si cette loi avait alors été en vigueur, les choses se seraient-elles passées différemment?

M. Rysanek: Sénateur, il s'agit là d'une question juridique, et vous faites référence à une action en justice. Je vais laisser à M. Gauthier le soin de vous donner de l'information à ce sujet, mais cette loi n'aurait rien changé à la situation de l'Irving Whale. La partie de la loi concernant les cas de pollution passe simplement de la Loi sur la marine marchande du Canada à la Loi sur la responsabilité en matière maritime. C'est pourquoi la loi dont vous êtes saisis n'y aurait rien changé.

Pour ce qui est de son application dans une situation particulière comme celle de l'Irving Whale, je cède la parole à M. Gauthier.

M. Gauthier: M. Rysanek a bien planté le décor. En réalité, ce que l'on trouve dans le projet de loi S-17 est une reprise de la législation actuelle. Il n'y a aucun changement par rapport aux règles applicables dans une situation antérieure. Je crois que l'Irving Whale a fait naufrage en 1970 ou 1971, bien avant que la législation canadienne n'édicte un régime sur la pollution. Pour autant que je sache, le gouvernement du Canada intente des poursuites en common law en invoquant la notion de nuisance publique, et la common law n'est nullement remise en cause dans cette loi. Le procès n'en est encore qu'à l'étape préliminaire, à l'interrogatoire préalable, je crois.

Le sénateur Callbeck: Je comprends. Les choses seront-elles différentes si une autre situation comme celle de l'Irving Whale se produit après l'adoption de cette loi? La loi va-t-elle y changer quelque chose? Je ne veux pas parler de ce qui s'est passé, mais si une autre situation semblable comportant un naufrage se produit un jour, est-ce qu'on va voir une différence?

M. Rysanek: La loi actuelle que nous avons reprise dans la Loi sur la responsabilité en matière maritime prévoit des situations comme celle de l'Irving Whale et les conséquences que peut avoir un tel incident, les mesures à prendre pour éviter les dommages ou pour y remédier, notamment les dommages environnementaux et tous les coûts connexes. Le régime est en place. Il est fondé sur une convention internationale et s'appliquera à l'avenir à des navires comme l'Irving Whale.

Voilà, à mon sens, l'effet de cette loi. Le procès auquel M. Gauthier a fait allusion est en cours. Peut-être est-ce parce que cette loi n'était pas en vigueur au moment du naufrage, mais elle existe désormais; je pense donc que ce régime permettra de régler à l'avenir des cas comme celui de l'Irving Whale.

[Français]

Le sénateur Poulin: Votre présentation nous aide à saisir l'importance de la législation. La responsabilisation des propriétaires de petits et moyens navires en est l'aspect le plus important.

C'est l'an 2000 et le Canada est possède de nombreux lacs et rivières. Il y a également le fleuve et les deux océans. Pourquoi a-t-on mis tant de temps à légiférer? Deuxièmement, que ce soit par obligation ou par plaisir, est-ce que d'après vos statistiques les gens utilisent davantage les voies maritimes qu'il y a 25 ans?

Troisièmement, combien une compagnie touristique de Rimouski devra-t-elle débourser pour assurer ses navires?

M. Pageot: Quant à votre première question à savoir pourquoi on a mis tant de temps à développer la loi, il faut réaliser que l'industrie touristique est saisonnière. Les navires, par souci de rentabilité, doivent souvent aller aux Bermudes ou dans des climats plus propices lorsque vient l'été.

Le régime d'inspection des navires très élaboré du Canada a d'abord mis l'accent sur la sécurité. On a également appuyé les conventions internationales et les normes sur la sécurité maritime. Toutefois, le côté assurance n'a pas beaucoup été touché, la raison étant qu'il y avait très peu de propriétaires canadiens de navires de passagers; la majorité était des navires enregistrés en Norvège, aux endroits où les normes internationales s'appliquaient.

La croissance du trafic maritime de passagers est très rapide. La Société des traversiers du Québec rapportait une croissance exceptionnelle cette année. On vient d'envisager l'achat d'un navire de traversiers pour Terre-Neuve parce qu'il y a une augmentation rapide des services et c'est également le cas aux Îles-de-la-Madeleine.

En Colombie-Britannique, l'industrie de la croisière est en plein essor économique. Il y a définitivement une croissance importante, d'où l'importance d'agir rapidement pour mettre sur pied un régime d'assurance maritime.

La sécurité maritime n'a jamais été négligée parce selon les dossiers canadiens en sécurité, nos normes sont reconnues comme étant à l'avant-garde. Finalement, votre dernière question touchait le coût de l'assurance maritime.

Le sénateur Poulin: Oui, pour les petits entrepreneurs.

M. Pageot: Le coût de l'assurance, c'est un peu comme l'assurance automobile. Il n'est pas très coûteux d'acheter une prime de responsabilité d'un million de dollars supplémentaire. Les grandes sociétés de traversiers détiennent déjà des assurances qui, pour la majorité, sont adéquates.

Dans le secteur des navires de croisière où un billet peut coûter au-delà de 2 000 $, le coût de l'assurance demeure encore modeste. Il y aura un léger supplément pour l'assurance, mais cette assurance n'est pas tellement pour le passager qui a des frais exceptionnels. Elle se base plutôt sur les pertes et les accidents qui n'ont pas été fréquents au Canada. Il y aura un ajustement des coûts d'assurance, mais rien qui pourra détruire la situation concurrentielle des entreprises.

Le sénateur Poulin: Pouvez-vous nous donner un exemple?

[Traduction]

M. Rysanek: Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qu'a dit M. Pageot. Il est très difficile de faire une estimation. La question de l'assurance doit être considérée en perspective. Normalement, pour les gros navires, les coûts d'assurance représentent un petit pourcentage des frais d'exploitation. On estime qu'ils sont de l'ordre d'un pour cent. Ce n'est pas une proportion bien forte. Je me rends bien compte, évidemment, que dans le cas d'un petit bateau...

Le sénateur Poulin: Je pensais principalement aux petites entreprises.

Madame la présidente, nous pouvons peut-être demander une réponse par écrit qui nous donnera une idée approximative des coûts en cause.

M. Rysanek: Nous pourrons vous la donner. Cependant, ce que je voulais dire, madame la présidente, c'est que le secteur des assurances va être invité à comparaître devant le comité. Je crois qu'il serait mieux placé pour vous donner une réponse sur le marché actuel.

M. Pageot: La seule chose que je souhaite ajouter, c'est que nous nous sommes occupés de ces petits traversiers comme ceux de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-Édouard. Généralement, le carburant représente 25 p. 100 des frais des gros traversiers. L'équipage en absorbe 25 à 40 p. 100. Sur le budget annuel d'environ 2 millions de dollars d'un traversier, on peut trouver un montant de l'ordre de 25 000 $ pour l'assurance de la coque. Dans le prix du billet, c'est un montant minime, mais vous devriez pouvoir reposer cette question aux experts des assurances.

Le sénateur Poulin: Cette loi s'applique-t-elle aux navires qui ne sont pas immatriculés au Canada? Nous savons tous qu'il est plus facile de s'immatriculer ailleurs dans le monde.

Le sénateur Perrault: Comme au Libéria.

M. Rysanek: De façon générale, oui. Je dis «de façon générale» parce que la loi s'applique à différentes situations de responsabilité. Si nous nous limitons au régime dont nous parlons actuellement et qui vous amène à poser des questions sur le coût de l'assurance des navires de passagers, il n'y a pas de doute que ce régime s'applique indépendamment de l'immatriculation et du pavillon du navire. Pour présenter les choses différemment, il protège les Canadiens indépendamment de l'immatriculation du navire.

Le sénateur Poulin: Si un Canadien voyage aux Bermudes sur un navire d'un autre pays, il n'est plus protégé, n'est-ce pas?

M. Rysanek: Sénateur, je transmets la question à M. Gauthier, car c'est une question de politique ainsi qu'une question juridique. Si le titre de transport ou le billet a été acheté au Canada, par exemple auprès d'un agent de voyage de Montréal, la protection de la loi s'applique, même si le navire est aux Bermudes. Évidemment, il s'agit alors de savoir où les poursuites en dommages contre le propriétaire du navire devront être intentées. M. Gauthier va vous dire comment le régime fonctionne.

M. Gauthier: Comme l'a indiqué M. Rysanek, le lieu de la conclusion du contrat de transport est un facteur déterminant. On essaie actuellement d'intégrer la Convention d'Athènes à la législation canadienne, même si le traité n'a pas nécessairement été signé par tous les autres États, comme les Bermudes. Pour savoir où il convient d'intenter l'action et s'il est possible d'obtenir un dédommagement, il faut d'abord déterminer si on a affaire à un État qui a ratifié le traité. Si le Canada ratifie le traité, ce sera très simple. Par exemple, si les Bermudes et le Canada l'ont ratifié tous les deux, on pourra sans problèmes intenter les poursuites aux Bermudes.

L'autre problème, c'est évidemment de déterminer où se trouvent les biens de la compagnie maritime. C'est beaucoup plus facile lorsque les victimes subissent des dommages dans leur propre pays car, dans ce cas, conformément aux principes du droit maritime, on peut arraisonner le navire et exiger des garanties, et prendre toutes sortes d'autres mesures. Néanmoins, le passager qui navigue dans les Caraïbes et qui subit des dommages pourra sans doute intenter son action en vertu du droit canadien. S'il constate que le propriétaire du navire a des biens ailleurs, il se retrouvera dans la même situation qu'un homme d'affaires canadien qui doit faire exécuter un jugement contre un débiteur étranger. Il devra veiller à faire exécuter le jugement dans la juridiction en cause. C'est une situation un peu compliquée.

L'avantage de ces traités, c'est qu'à mesure qu'un nombre croissant de pays en deviennent signataires, les mécanismes d'application se simplifient.

Le sénateur Spivak: Je n'ai malheureusement pas lu tout le document, et ma question paraîtra peut-être naïve, mais dans le contexte de la consolidation des régimes actuels de responsabilité en matière maritime, cette mesure s'applique-t-elle également aux eaux intérieures? Quelle est la portée de la consolidation?

M. Rysanek: Elle est très vaste. La loi s'applique à toutes les eaux canadiennes, y compris les eaux intérieures.

Le sénateur Spivak: La consolidation n'a donc entraîné aucun renforcement. On a consolidé ce qui existait antérieurement, mais il n'y a pas eu de changement. Je parle ici de la responsabilité maritime, et non pas vis-à-vis des passagers. Est-ce bien exact?

M. Rysanek: C'est exact. La consolidation a un avantage, c'est qu'on trouve tout dans le même document: les régimes sont intégrés et on peut s'y reporter facilement.

Le sénateur Spivak: Dans une loi récente sur l'environnement -- dont le nom m'échappe -- on trouve une disposition concernant les déversements. Est-ce que vous connaissez cette loi, qui concerne les substances toxiques? On y trouve une disposition concernant les déversements faits par les navires et la disposition est assortie de pénalités.

Y a-t-il un rapport entre les deux lois? Est-ce que vous en avez tenu compte? Il y a dans le projet de loi S-17 une disposition concernant également la pollution.

M. Rysanek: Malheureusement, sénateur, je ne connais pas la loi dont vous parlez.

Le sénateur Spivak: La disposition concerne les navires.

M. Rysanek: Dans la Loi sur la responsabilité en matière maritime, il est question de responsabilité civile, et non pas de pénalités.

Le sénateur Spivak: C'est précisément pour cela que je pose ma question.

M. Rysanek: Je ne connais pas la loi dont vous parlez. Je sais qu'une disposition du projet de loi S-17 établit un rapport entre la Loi sur la responsabilité en matière maritime et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. On y précise que les propriétaires de navire ne peuvent pas être poursuivis pour dommages en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement s'ils sont régis par la présente loi. Voilà le rapport entre les deux.

Le sénateur Spivak: Je m'en souviens. À l'époque, on a prévu certaines exemptions, que certains d'entre nous n'ont pas trouvé très satisfaisantes, mais je sais que la loi a poursuivi sa progression. Dans la législation canadienne concernant les toxines, on trouve des pénalités en cas de déversements à partir des bateaux à moteur et des navires. Est-ce que le projet de loi S-17 s'applique également à ces déversements? Est-ce qu'il y a chevauchement entre les deux lois? Est-ce dans l'autre loi ou dans celle-ci qu'on trouve les pénalités les plus lourdes?

Je pose cette question à dessein, car la pollution dans nos lacs atteint des niveaux très graves, particulièrement à cause des embarcations personnelles qui provoquent différentes sortes de pollution. Peut-être pourriez-vous étudier la question et nous faire parvenir votre réponse. Je sais que cette loi prévoit des pénalités en cas de déversement à partir des bateaux.

En ce qui concerne les eaux de ballast, je ne me souviens pas des dispositions où il en est question dans la Loi sur la marine marchande du Canada, mais est-ce que les pénalités sont suffisamment fortes pour prévenir l'introduction d'espèces exotiques dans nos eaux, comme la moule zébrée? Les problèmes de ce genre nous coûtent des millions de dollars et entraînent la destruction de nos espèces indigènes. Est-ce que la loi prévoit des mesures de surveillance pour prévenir les problèmes causés par les eaux de ballast?

M. Gauthier: Pour répondre brièvement à votre question, sénateur, ainsi qu'à la question précédente, puisqu'elles sont connexes, la présente loi n'aborde absolument pas cette question. Il s'agit d'une loi sur la responsabilité civile.

Prenons l'exemple de quelqu'un qui subit un préjudice personnel à cause de la pollution de l'air. Une personne qui subit un préjudice en absorbant des produits chimiques libérés par un navire peut intenter des poursuites et le propriétaire du navire pourrait exercer des droits dans le cadre de la loi. Cependant, si l'émission des substances en question contrevient à une règle, une pénalité prévue dans la réglementation ou dans le domaine quasi criminel pourra s'appliquer, mais il ne sera plus question de responsabilité civile. Disons, pour simplifier, qu'il y aura responsabilité criminelle, même si ce n'est pas tout à fait du domaine criminel.

Quoi qu'il en soit, ce sont deux domaines tout à fait différents. La présente loi concerne les conséquences financières du tort causé, alors que vous parlez d'un événement concernant l'imposition d'une pénalité -- une amende ou peut-être même une peine de prison -- pour infraction à une règle.

Les dispositions pénales concernant les navires se trouvent soit dans la Loi sur la marine marchande du Canada, soit dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, je crois.

Le sénateur Spivak: Ce serait donc la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et non pas la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

M. Pageot: Le ministère des Transports s'est organisé pour séparer les questions de réglementation économique, c'est-à-dire le régime civil, l'enregistrement et les aspects économiques de la marine marchande qui sont régis par ce projet de loi, et les questions concernant la Garde côtière, le ministère des Pêches et des Océans et notre propre sécurité maritime, qui sont des questions plus techniques.

Vous avez soulevé des questions importantes concernant les déversements provenant des moteurs, les réservoirs de confinement et l'évacuation des eaux usées. Nous sommes en train d'étudier la question des eaux usées des navires avec les responsables de la marine marchande. L'État du Michigan a un projet de loi à ce sujet. L'Ontario envisage différentes options. La Commission mixte internationale a établi un régime concernant l'évacuation des eaux. Ce sont là des questions très importantes. Leurs solutions sont sans doute très techniques. On pourrait concevoir un nouveau réservoir de confinement pour les navires. On pourrait construire sur les côtes des stations d'épuration où les eaux usées pourraient être déchargées, et on pourrait imposer de nouvelles normes de déversement aux fabricants.

À cause de la nature des problèmes, nous traitons les aspects techniques en vertu d'un régime différent qui relève de la Loi sur la marine marchande du Canada, de la Garde côtière ou de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Nous évitons de mélanger ces événements aux outils commerciaux qui sont prévus dans ce projet de loi.

Le sénateur Spivak: Je le comprends tout à fait. Je ne parle ici que des mesures d'application de la loi et des pénalités. Voilà ce dont je parle. Il est ici question de responsabilité et d'indemnisation en cas de pollution. Est-ce que vous voulez dire que la responsabilité civile est abordée ici alors que la responsabilité pénale serait abordée ailleurs? Est-ce là votre réponse?

M. Gauthier: Oui, c'est la réponse.

Le sénateur Spivak: Pourquoi?

M. Gauthier: Tout se passe au même endroit, évidemment, comme M. Pageot va vous l'expliquer. Toute cette législation relève du ministère des Transports, qui a entrepris de l'organiser d'une certaine façon. Par exemple, la Loi sur la marine marchande du Canada s'applique à l'exemple de déversement de pétrole que vous avez évoqué. Il s'agit d'un déversement illégal qui peut être contraire à un traité international et qui, manifestement, constitue une infraction à la législation canadienne. Les pénalités sont très lourdes et elles figurent dans la Loi sur la marine marchande du Canada.

Le sénateur Spivak: S'agit-il de dispositions pénales?

M. Gauthier: Ce sont des dispositions pénales et quasi réglementaires.

Le sénateur Spivak: Les recours civils figurent dans le projet de loi S-17, n'est-ce pas?

M. Gauthier: C'est exact.

Le sénateur Spivak: Les responsabilités civile et pénale peuvent-elles être engagées pour une même action?

M. Gauthier: Absolument.

Le sénateur Spivak: Est-ce que pour le même incident, on peut intenter deux actions différentes?

M. Gauthier: Oui.

Le sénateur Roberge: À mon avis, cette loi ne prête pas à controverse, mais il est dommage qu'elle arrive si tard. Il y a des années que nous avons signé le protocole d'Athènes.

En ce qui concerne les questions administratives, vous dites qu'entre 1983 et 1985, on a pris des décrets du conseil en vertu de procédures incorrectes pour augmenter les droits de pilotage. Comment une telle chose a-t-elle pu se produire? Deuxièmement, quelles mesures a-t-on prises dans votre ministère pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise? Ces décrets du conseil ont-ils été soumis au contrôle du comité mixte des règlements et des textes réglementaires? Dans la négative, pourquoi?

On pourrait poser les mêmes questions, je suppose, à propos de l'erreur concernant les droits de pilotage sur le Saint-Laurent qui s'est produite en 1992.

M. Pageot: Tout le monde a agi de bonne foi sur ces questions. En ce qui concerne les droits de pilotage, vous vous souvenez que lors de la refonte de la loi maritime, la marine marchande canadienne a vigoureusement contesté les droits de pilotage et a obtenu la suppression de certains d'entre eux. Nous nous sommes adressés au gouverneur en conseil pour demander une augmentation de tarif de 8,9 p. 100, et non de 10 p. 100. C'était sans doute une première en matière de modification d'une recommandation. En définitive, les droits supplémentaires ont été perçus immédiatement et on s'est rendu compte par la suite qu'aux termes de la Loi sur le pilotage -- ou c'était peut-être la Loi sur les transports nationaux; il faudrait que je vérifie -- le ministère aurait dû donner un préavis. Mais tout cela a été fait de bonne foi.

Entre-temps, le pilotage a fait l'objet de deux études. La première a été effectuée en vertu de la loi maritime, qui a été adoptée il y a quelques années, et l'autre, que l'Office des transports du Canada a achevée l'automne dernier seulement, assurant un meilleur dialogue sur certaines des questions qui se posent. Nous avons bon espoir que les erreurs du passé ne se reproduiront pas.

Il en est de même pour les ports. Nous comptons maintenant 17 grands ports qui sont administrés par des autorités portuaires indépendantes ayant des pouvoirs délégués, notamment pour ce qui est de la tarification. Essentiellement, il en coûte sans doute moins cher de corriger les lacunes législatives que de mettre sur pied un mécanisme de remboursement rétroactif, étant donné que, quand on en a besoin bien des années plus tard, il est impossible de retrouver des dossiers convenables pour des milliers de navires.

Je ne sais pas trop ce que nous aurions pu faire il y a trois ou quatre ans, mais les circonstances étaient telles que c'est seulement maintenant que nous sommes en mesure de corriger des erreurs qui ont été commises de bonne foi.

Le sénateur Roberge: Je comprends qu'on puisse commettre une erreur de bonne foi; personne n'est à l'abri de telles erreurs, mais quelles modifications apporterez-vous à vos procédures pour éviter que de nouvelles erreurs ne soient commises?

M. Pageot: Pour ce qui est du pilotage, je pourrais consulter mes collègues, mais le régime que nous avons maintenant est bien plus convivial à cause de l'étude que nous avons faite l'automne dernier et des discussions que nous avons eues sur les mécanismes d'examen. Quant aux erreurs commises aux ports, je ne crois pas qu'elles puissent se reproduire, car les ports sont maintenant administrés de façon autonome, tant pour la tarification que pour l'utilisation, si bien qu'il n'est plus nécessaire de passer par le gouverneur en conseil. Grâce à la réforme du pilotage, nous avons maintenant un bien meilleur dialogue avec l'industrie, et il semble qu'il y ait beaucoup plus de collaboration entre l'industrie et les administrations de pilotage. Nous devrions pouvoir éviter de nouveaux appels et d'autres problèmes semblables.

C'est que, dans l'examen que nous faisons des plans d'entreprises et des propositions de tarification des administrations de pilotage, nous faisons simplement preuve d'une plus grande vigilance, ce qui est devenu possible grâce au nouveau régime beaucoup plus axé sur la collaboration.

Le sénateur Adams: Ma question concerne la responsabilité en matière maritime. Dans ma région, nous avons beaucoup de petites entreprises touristiques. Je veux en savoir un peu plus au sujet des billets. Les bateaux qui font l'observation des baleines comptent parfois seulement quatre ou cinq passagers. Comme vous le savez peut-être, un de ces bateaux a été détruit à la suite d'un accident. Le propriétaire a survécu, mais d'autres personnes sont mortes. Les Américains aiment bien les poursuites. Le régime a-t-il changé en ce qui a trait à la responsabilité et aux poursuites?

M. Rysanek: Je peux certainement vous dire, sénateur, que la portée du régime est telle qu'il inclura tous ces bateaux, peu importe la nature de leur activité. Il inclura les bateaux utilisés pour les excursions d'observation des baleines. Il servira de fondement à la responsabilité en matière maritime, fondement qui n'existe pas à l'heure actuelle. Comme vous avez entendu M. Gauthier le dire tout à l'heure, il interdira assurément de faire porter la responsabilité à une tierce partie, si bien qu'il sera illégal d'inclure un désaveu de responsabilité sur le billet.

Le régime s'appliquerait à tous les passagers à bord d'un navire, qu'ils soient canadiens ou américains. L'avantage pour le propriétaire d'un bateau utilisé pour l'observation des baleines tient à la prévisibilité qu'il assure et au fait que le degré de risque puisse être évalué en fonction de la capacité du navire, de la fréquence de ses sorties, et cetera. Les passagers ne seront pas les seuls à bénéficier du nouveau régime. Les propriétaires des navires pourront mesurer et évaluer le degré de risque, et il est à espérer qu'ils pourront souscrire une assurance convenable, eu égard au risque. C'est ce que devraient faire les propriétaires prudents. Voilà comment le régime s'appliquerait aux bateaux utilisés pour l'observation des baleines.

Je ne sais pas si M. Gauthier a quelque chose à ajouter en ce qui a trait à l'application du régime aux touristes étrangers, notamment aux touristes américains.

M. Gauthier: À vrai dire, non. Votre réponse était complète. Que le passager soit américain ou d'une autre nationalité, la loi canadienne s'appliquerait. Le résultat serait le même que l'observateur de baleines soit américain ou canadien. Si l'incident se produit ici et qu'il est visé par notre loi, le régime s'appliquera.

Le sénateur Adams: Nous avons beaucoup de touristes qui viennent dans le Nord, tant des Canadiens que des Américains. Il pourrait y avoir des accidents causés par la houle ou la glace ou bien d'autres facteurs, et il pourrait en résulter des morts. À qui revient la responsabilité? Est-ce au guide ou au propriétaire de la petite entreprise? Y a-t-il un changement de ce côté-là? Le touriste devrait-il souscrire une assurance avant de s'embarquer? J'aimerais savoir en quoi le système actuel changerait.

M. Rysanek: Tout ce qui change, c'est qu'on précise de façon très claire quelle est la responsabilité du propriétaire du navire, et c'est à lui d'obtenir l'assurance qui convient au degré de risque. C'est la seule chose qui change ici. Le passager peut avoir toutes les assurances qu'il veut pour toutes les éventualités possibles, y compris pour l'observation des baleines, mais c'est là une décision qui lui appartient. Ce qui change ici, c'est que le propriétaire est maintenant expressément responsable jusqu'à une certaine limite, et il me semble que le propriétaire prudent aurait intérêt à souscrire une assurance en fonction de la limite fixée.

Le sénateur Adams: Qu'arriverait-il si le propriétaire avait une assurance de quelques millions de dollars seulement et qu'il était poursuivi pour 20 millions de dollars?

M. Rysanek: Le propriétaire sait que chacun de ses passagers ne peut le poursuivre que jusqu'à concurrence de la limite fixée par la loi.

Si le bateau utilisé pour l'observation des baleines peut accueillir 10 passagers et que la limite par passager est d'environ 350 000 $ canadiens, le propriétaire aurait intérêt à souscrire une assurance minimale de 3,5 millions de dollars. C'est ainsi que le régime devrait fonctionner.

Le sénateur Furey: Ma question fait suite en quelque sorte à celle du sénateur Roberge, mais elle rejoint une question que le sénateur Angus a soulevée à la Chambre, dans la réponse qu'il a faite au projet de loi, quand il a parlé de l'effet rétroactif de la partie 7. En notre qualité de législateurs, honorables sénateurs, nous savons tous que le simple fait de parler de rétroactivité évoque une foule de scénarios cauchemardesques. Ainsi, c'est sans doute à M. Gauthier que je devrais poser ma question.

Je me demande quelles seront les répercussions, si tant est qu'il y en a, pour les usagers actuels des services de l'ancienne Société canadienne des ports et de l'Administration de pilotage des Laurentides?

M. Gauthier: Je n'ai pas une connaissance intime de la partie 7. Je serais le premier à l'admettre. D'après ce que j'en sais, cependant, des préoccupations avaient été soulevées devant le comité mixte permanent au sujet du fait que les frais en question avaient été imposés illégalement. Pour rétablir la situation, on a donc décidé d'inclure dans la partie 7 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, comme vous l'avez dit à juste titre, des dispositions visant à valider rétroactivement des procédures et des pratiques que le comité mixte permanent avait jugées inacceptables ou illégales. C'est là le but de ces mesures législatives. Elles permettront de remettre les pendules à l'heure et d'effacer, en quelque sorte, ce qu'on corrige rétroactivement, sans plus. L'effet rétroactif est quand même limité.

Le sénateur Furey: On peut donc raisonnablement supposer qu'il n'y aura pas de répercussions pour les usagers actuels, que la loi vise seulement, malgré son implication rétroactive, à corriger des erreurs d'ordre technique.

M. Gauthier: C'est juste.

M. Pageot: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, les chiffres que nous avons remontent aux années 80 et il s'agit des montants perçus sur une période de plusieurs années à divers ports, comme ceux de Vancouver et de Montréal. Le montant total est de 1,5 million de dollars, mais il est réparti entre beaucoup de ports -- dont certains étaient administrés par l'ancienne Société canadienne des ports et d'autres, par des sociétés d'État.

Dans le cas du pilotage, les frais perçus par l'Administration de pilotage des Laurentides s'élèvent à quelque 450 000 $. S'il fallait rembourser ces deux millions de dollars, cela créerait des problèmes techniques, parce que maintenant que le régime d'administration portuaire a été modifié, nous n'avons plus de secrétariat qui serait en mesure de nous dire quels étaient les usagers.

Dans le cas du pilotage, après deux ou trois examens du pilotage, nous nous retrouverions avec une société d'État qui aurait un manque à gagner alors que sa loi habilitante exige qu'elle soit financièrement autonome. Nous ne nous réjouissons pas à l'idée d'utiliser un mécanisme législatif, mais l'autre possibilité entraînerait des difficultés financières pour une société d'État et créerait une situation impossible puisque l'ancienne Société canadienne des ports n'existe plus.

Toujours est-il que, dès que les ports ou les groupes en cause se sont rendu compte de cette erreur technique, ils ont pris les mesures qui s'imposaient -- et l'erreur n'était pas énorme dans le cas des ports. Autrefois, c'est le gouverneur en conseil qui établissait les tarifs. Avec le nouveau régime, une nouvelle société d'État a été créée qui a été chargée de fixer les tarifs, mais ces tarifs devaient être approuvés par le gouverneur en conseil. Ce qui est arrivé, c'est qu'on s'est simplement servi de l'ancien formulaire, celui qui existait à l'époque du Conseil des ports nationaux, et qu'on s'est rendu compte seulement après que ce n'était pas le bon formulaire, d'où l'erreur technique.

Nous nous excusons de passer par cette voie-là, qui n'est pas celle que nous préférons, mais nous devons faire quelque chose et la situation est telle qu'elle nous causera des difficultés si nous essayons de régler le problème d'une autre façon.

Le sénateur Furey: Merci beaucoup.

Le sénateur Perrault: Madame la présidente, nous semblons être loin de l'époque du Titanic et de l'Empress of Ireland, où ces catastrophes ont donné lieu à des indemnisations scandaleusement injustes d'après les avocats. Nous semblons avoir fait des progrès.

Je vis sur la côte Ouest et, là-bas, nous nous sentons particulièrement vulnérables face aux accidents en mer. Nous avons une des industries de navires de croisière des plus prospères au Canada, et c'est bien pour le pays tout entier que ces recettes continuent à affluer. Par conséquent, nous avons tout intérêt à assurer la sécurité en mer et à protéger les passagers qui prennent place à bord des navires.

La nouvelle loi est-elle une amélioration par rapport au statu quo en ce qui a trait à la sécurité des passagers et à la responsabilité des excursionnistes?

M. Rysanek: Assurément, du point de vue des passagers, c'est une importante amélioration, car à l'heure actuelle, ils ne savent pas à quoi ils ont droit comme indemnisation en cas d'accident. Il n'y a aucune mention dans la loi du montant auquel ils auraient droit, si bien que la nouvelle loi constitue un progrès important.

Le sénateur Perrault: Elle établit une certaine certitude.

M. Rysanek: Oui, elle apporte une certaine certitude. En ce qui a trait à la question de la sécurité dont vous avez parlé, la loi ne traite pas de la sécurité en tant que telle, mais le régime, comme n'importe quel autre régime de responsabilité, constitue une incitation considérable à la sécurité. Nous pensons bien que les propriétaires de navires, gros ou petits, seront très prudents.

Le sénateur Perrault: Vous dites que l'entreprise maritime qui munirait ses navires de deux coques pourrait avoir droit à des primes d'assurance moins élevées. Est-ce bien le cas?

M. Rysanek: Je le répète, pour toutes les questions concernant le coût de l'assurance ou l'effet sur le coût de l'assurance, je préfère m'en remettre aux témoins de l'industrie qui viendront témoigner devant vous. Il me semble que c'est là une question tout indiquée pour eux. Je crois que M. Pageot l'a dit tout à l'heure, tout dépend de la feuille de route antérieure. Si les antécédents du risque sont bons, il y aura certainement un effet favorable sur les primes futures.

Le sénateur Perrault: Vous vous souviendrez peut-être de ce déversement de pétrole catastrophique en Alaska et de tous les problèmes qui y étaient associés. Voilà maintenant qu'il est question de faire du forage pétrolier sur la côte ouest du Canada, où il semble sûr qu'on trouve des gisements de pétrole. Il y aura des navires stationnés là en train de forer. Je crois que nous en avons parlé tout à l'heure. Il y aura une exemption. Pouvez-vous nous décrire les détails de cette exemption? Le programme s'appliquera-t-il aux hommes et aux femmes qui travailleront sur ces plates-formes qui seront stationnées là pour faire le forage?

M. Rysanek: Encore là, il s'agit de pollution accidentelle. L'exemption dont M. Pageot a parlé dans son exposé préliminaire vise les opérations des navires de forage quand ils sont en mode stationnaire, auquel cas il ne s'agit pas de transport.

Le sénateur Perrault: Il s'agit donc de plates-formes dans ce cas-ci.

M. Rysanek: C'est juste. La modification que nous proposons dans le projet de loi vise à tenir compte de la nouvelle technologie, de ce qu'on appelle les unités flottantes de stockage et les plates-formes hauturières, qui pourraient désigner un navire ou un contenant destiné à stocker les hydrocarbures. Nous disons dans la loi que tout comme dans le cas d'un navire de forage, la loi ne s'applique pas à ces plates-formes lorsqu'elles sont stationnaires. Cependant, quand elles se déplacent comme un navire, elles sont visées par la loi et par le régime de responsabilité, ce qui est conforme au droit international.

Le sénateur Perrault: C'est ainsi que la technologie a évolué.

M. Rysanek: Exactement, et il faut tenir compte de ces progrès technologiques.

[Français]

Le sénateur Maheu: Cela fait tout près de 40 ans que le ministère n'a pas cru bon de reviser la loi. Lorsque M. Rysanek a répondu à une question un peu plus tôt que les propriétaires des petits navires seront obligés d'acheter l'assurance responsabilité, j'ai eu l'impression que peu importe ce que cela leur coûtera, ils devront l'acheter. Compte tenu du nombre de petites entreprises que nous avons au pays, surtout celles sur les rives du Saguenay, par exemple, qui offrent des croisières à prix modique, vous n'avez pas pensé ce que cela peut leur coûter. C'est bien beau de laisser aux compagnies d'assurance et à l'entrepreneur de trouver les moyens de payer les coûts, mais je trouve qu'après 40 ans vous auriez pu penser à l'ensemble des coûts que cela entraînera pour nos PME. Pourriez-vous faire des commentaires là-dessus?

[Traduction]

M. Rysanek: Merci, sénateur, pour cette question qui est d'une importance critique. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit là d'un point très important. Nous l'avons examiné attentivement et de façon approfondie. Je dirais au départ, et je veux bien insister là-dessus, que la loi ne contient pas de disposition prévoyant une assurance obligatoire. Si c'est l'impression que je vous ai donnée, je vous demande de m'en excuser. Nous disons ici que nous légiférons la responsabilité, mais que nous laissons aux propriétaires le soin de prendre de l'assurance. Nous espérons que les propriétaires prudents vont s'assurer. Nous espérons qu'ils évalueront leur degré de risque et décideront de la meilleure façon de se protéger, mais ils n'y sont pas contraints.

Certains des petits propriétaires de navire, je peux vous le dire par expérience -- puisque c'est là l'essentiel de votre question -- exploitent leurs navires comme s'il s'agissait de véhicules personnels. Dans certains cas, ils prennent de 15 à 20 personnes à bord et leur assurance responsabilité est moindre que celle que j'ai pour ma voiture.

À un moment donné, il faut réfléchir à la protection du public et à ce qu'elle comporte. Nous avons eu de longues discussions avec les associations, notamment avec les petits propriétaires et l'association qui les représente. C'est surtout eux qui avaient des préoccupations. Il me semble que nous avons opté pour une démarche graduelle. Nous partons de zéro, d'une situation où il est pratique courante de faire porter la responsabilité à une tierce partie, pour prévoir une certaine responsabilité, sans toutefois aller jusqu'à obliger les propriétaires à prendre une assurance.

C'est ce qui a fait que l'association a pu donner son appui au projet de loi ou à tout le moins ne pas s'y opposer.

Certains propriétaires pourraient ne pas prendre d'assurance. C'est tout ce que je peux vous donner comme réponse. Certains propriétaires pourraient ne pas prendre d'assurance. Certains pourraient ne pas tenir compte de la loi.

Le sénateur Maheu: J'ai lu quelque part ou quelqu'un m'a fait remarquer que la responsabilité maximale pour un petit navire est de 350 000 $. C'est là tout ce qu'on obtient dans la région du Saguenay? Ce montant de 350 000 $ serait une insulte pour le père qui serait tué à bord du bateau et qui laisserait quelques enfants dans le deuil. Pourquoi le montant maximal est-il si peu élevé? Nos tribunaux n'ont pas l'habitude d'opter pour le maximum. Vous pourriez fixer le maximum à 50 millions de dollars, sans qu'il soit nécessairement imposé par les tribunaux. On n'a pas l'habitude au Canada d'imposer le montant maximal. Pourquoi donc avoir fixé le maximum aussi bas? C'est beaucoup d'argent à première vue, 350 000 $, mais pas pour un père de famille, quand le montant doit être divisé parmi toutes ses personnes à charge.

M. Rysanek: La question est difficile. Le régime que nous proposons vise à assurer au public canadien une certaine protection, à nous faire passer du XIXe au XXIe siècle. Le régime tire son fondement d'une convention internationale que le Canada souhaite ratifier au moment opportun. Cette convention crée un régime uniforme sur le plan non seulement des règles de responsabilité, mais aussi des montants.

Ce montant de 350 000 $ que vous évoquez, est bien le montant, converti, qui se trouve dans la convention. Le montant pourrait, dans certains cas, ne pas être suffisant. Je ne sais toutefois s'il y a un montant dont on pourrait dire qu'il serait suffisant. Il s'agit de trouver un juste milieu entre une forme quelconque de protection et les motifs pour lesquels on aurait droit à une indemnisation et, d'autre part, le maintien de la viabilité commerciale du transport maritime. Il s'agit d'équilibrer l'intérêt des propriétaires de navire et celui des passagers.

Je peux toutefois vous dire que, comme il s'agit d'une convention qui a été élaborée par l'Organisation maritime internationale à Londres, des travaux sont déjà en cours en vue de revoir la convention et d'accroître considérablement le montant de la responsabilité maximale. Je ne sais pas quel est le montant qui sera retenu au bout du compte, mais nous en proposerons l'adoption par le Canada.

Vous n'êtes pas la seule à penser ainsi. Le Canada participe au travail de révision, mais il faudra un certain temps avant que la révision ne se rende jusqu'ici.

Le sénateur Maheu: Je ne peux pas croire que les États-Unis seraient signataires d'un accord où les montants seraient aussi bas.

M. Rysanek: Ils n'en sont pas signataires pour le moment.

Le sénateur Spivak: Pourriez-vous brièvement nous parler de la partie 6 et de la responsabilité civile? Également, pour faire suite à la question du sénateur Perrault, où se situe la responsabilité en cas de déversements d'hydrocarbures d'un navire stationnaire ou d'une plate-forme? Où ces déversements sont-ils visés au titre de la responsabilité civile ou criminelle? S'ils font l'objet d'une exemption ici, où sont-ils visés?

M. Gauthier: Je pourrais peut-être répondre à votre dernière question en premier, sénateur. La Loi sur la marine marchande du Canada prévoit des exemptions qui permettent de tenir compte des aspects techniques du transport maritime.

Le projet de loi traite de la responsabilité civile relative au transport maritime. C'est ce qui nous a amenés à cette exclusion, qui fait que les plates-formes semi-submersibles utilisées pour le forage et les déversements accidentels d'hydrocarbures ne sont pas visés par la Loi sur la marine marchande du Canada ni par les dispositions relatives à la responsabilité civile qui sont prévues dans la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Ces cas-là sont plutôt visés par des lois qui relèvent du ministère de l'Énergie.

Il me vient aussitôt à l'esprit deux exemples: la Loi sur l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers et la Loi sur les ressources offshore Canada-Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Spivak: Qu'en est-il de la Colombie-Britannique?

M. Gauthier: Je ne fais que deviner. Je ne travaille pas à ce ministère, mais cela se trouve sans doute dans la Loi sur l'énergie ou dans une loi pancanadienne dont l'application est confiée au ministère de l'Énergie. Nous ne faisons que maintenir des exclusions qui ont été prévues dans la loi il y a longtemps. Je me souviens du débat acrimonieux au moment du dépôt de la loi initiale, ces autres ministères ayant dit au ministère des Transports de ne pas s'en occuper puisque cela relevait de leur compétence.

Le sénateur Spivak: Cela vaut pour la responsabilité tant civile que criminelle, le savez-vous?

M. Gauthier: Cela vaut au civil. Au pénal, je ne sais pas.

Le sénateur Spivak: Bien sûr, je me demande ce qu'il en est d'autres lois. Y a-t-il double emploi ou chevauchement ou omission par rapport à d'autres lois, comme la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale? Je suis aussi préoccupée par la portée. Quel est le niveau de responsabilité?

Je sais que ce sont d'autres lois qui s'appliquent, mais pourriez-vous simplement nous résumer la situation?

M. Rysanek: La partie 6 du projet de loi crée tout un régime à l'égard de la pollution causée par les navires qui, jusqu'à maintenant, était visée par la Loi sur la marine marchande du Canada. Il y est question de responsabilité civile, comme on nous l'a dit. Il s'agit d'un régime dont l'assise est assez vaste et qui se fonde sur des conventions internationales que le Canada a rectifiées il y a déjà un certain temps. Il établit la responsabilité des propriétaires de navires à l'égard de la pollution causée par les cargaisons d'hydrocarbures, si bien qu'il s'applique principalement aux pétroliers, dont l'incident qui s'est produit récemment en France et dont vous avez peut-être entendu parler. C'est le régime qui s'applique à ces cas-là, et il fixe des limites de responsabilité assez considérables.

Ainsi, à la partie 6 qui, pour l'instant, s'applique à tous les incidents de pollution au Canada, la limite est d'environ 270 millions de dollars par incident. La protection est donc assez considérable. Elle s'applique aussi à la pollution causée par les navires commerciaux, qu'il s'agisse de déversements ou de rejets de combustible de soute. Il s'agit là encore d'un élément important. Elle traite des dommages causés à l'environnement, en ce sens qu'elle fait porter par les propriétaires de navires la responsabilité des mesures environnementales nécessaires pour remédier à des incidents de pollution. Sa portée est vaste. Elle s'applique à tout ce qui se trouve à l'intérieur de nos ZEE, de nos zones économiques, si bien que son application s'étend jusqu'à 200 milles au large de nos côtes. Une cinquantaine d'autres pays maritimes du monde, exception faite des États-Unis, souscrivent au régime. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il s'agit d'un aspect très important du projet de loi.

Il n'y a pas de changements dans le projet de loi, pas de changements au régime, sauf pour les plates-formes flottantes dont j'ai parlé. Des discussions sont aussi en cours à l'Organisation maritime internationale sur la possibilité de relever les limites à l'avenir.

Le sénateur Spivak: Avez-vous une idée du nombre de cas qui sont tombés sous le coup de la Loi sur la marine marchande du Canada? Combien de cas ont fait l'objet de poursuites? Quelles ont été les amendes?

M. Rysanek: Il y a très peu d'incidents de pollution causée par des pétroliers, mais pour ce qui est des cas de pollution causée par le combustible de soute des navires, je crois que la Garde côtière intervient chaque année dans 300 ou 400 déversements auxquels cette loi s'applique.

Le sénateur Spivak: Les déversements ont-ils fait l'objet de poursuites?

M. Rysanek: Ils ont fait l'objet de poursuites pour le recouvrement des frais. Je ne suis pas sûr des détails, je ne sais pas si, chaque fois, on est allé devant les tribunaux ou si on en est arrivé à un règlement extrajudiciaire avec le propriétaire du navire. C'est une loi dont la portée d'application est très vaste.

Le sénateur Spivak: Je me demande si nous pourrions obtenir des renseignements à ce sujet, madame la présidente, pour voir à combien se chiffrent les amendes. Nous n'avons pas besoin d'informations détaillées, mais nous devrions avoir une idée de ce qu'elles représentent.

M. Rysanek: Vous voulez parler du nombre de cas?

Le sénateur Spivak: Et de l'importance des amendes.

Le sénateur Callbeck: Je veux revenir à cette question de l'assurance. Vous avez parlé des limites de responsabilité, et il a été question d'un montant de 350 000 $. Nous savons tous, bien entendu, qu'il s'agit là d'un montant peu élevé comparativement aux règlements dans les cas d'accidents de la route. Vous dites qu'on s'est fondé sur une certaine convention, mais pourquoi le montant est-il si bas? Est-ce parce que les frais d'assurance sont si élevés? Est-ce surtout pour cette raison que le montant est si bas?

M. Rysanek: À vrai dire, c'est une question d'attitude. Le montant a été choisi en fonction de ce qui se trouve dans la convention internationale, qui a été révisée la dernière fois en 1990. En 1990, il semble que ce montant était acceptable à quelque 70 États membres, si bien qu'il a été adopté. C'est le montant que nous avons retenu, et c'est celui qui vous est proposé aujourd'hui. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question d'assurance en tant que telle. En tout cas, je ne pense pas que l'effet sur le coût de l'assurance a été un facteur pour ce qui est des gros navires qui transportent des centaines ou des milliers de passagers. Il s'agit d'une entente ou d'un traité qui a été négocié, avec tous les avantages et les inconvénients que cela comporte. C'est le montant sur lequel la communauté internationale s'est entendue.

Le sénateur Callbeck: C'était il y a dix ans. Pensez-vous que le montant serait le même si la réunion devait avoir lieu aujourd'hui?

M. Rysanek: Je peux vous assurer qu'il ne le serait pas. On est assez peu satisfait de ce montant maintenant. Le montant soulève des préoccupations au sein de la communauté maritime internationale, et l'Organisation maritime internationale a déjà entrepris de le réviser. Je pense bien que le montant sur lequel on s'entendra aux prochaines négociations sera considérablement plus élevé.

Le sénateur Callbeck: Quel sera d'après vous le montant sur lequel on s'entendra?

M. Rysanek: Je sais que, pour l'instant, certains États membres ne veulent même pas discuter d'un montant qui serait inférieur à 500 000 $, calculé en droits de tirage spéciaux. Cela équivaudrait à environ un million de dollars CAN. Il s'agit là d'un changement important dont la communauté internationale discute.

Le sénateur Callbeck: J'ai cru vous entendre dire que le propriétaire de navire n'est pas tenu de souscrire une assurance. Ainsi, le passager qui montrerait à bord d'un navire pour aller observer des baleines, ou je ne sais quoi encore, pourrait n'avoir aucune protection. Je sais qu'il pourrait poursuivre le propriétaire, mais qu'arriverait-il si le propriétaire n'avait rien à son actif?

M. Rysanek: Cela revient à la question de l'équilibre dont je parlais tout à l'heure, sénateur. C'est juste, la loi ne l'oblige pas à souscrire une assurance. La loi ne prévoit aucune obligation à cet égard. Nous espérons que les propriétaires prudents voudront se protéger. S'ils ne le font pas et qu'il arrive quelque chose à leur navire, les passagers ne seraient pas protégés par ce projet de loi. Je serais certainement d'accord avec vous là-dessus.

Le sénateur Roberge: N'y a-t-il pas des lois provinciales qui obligent le propriétaire d'un bateau à être assuré sans quoi il ne peut obtenir son permis?

M. Rysanek: À notre connaissance, il n'y a dans les provinces ni loi, ni règlement concernant l'assurance obligatoire en matière maritime, par opposition à ce qui se passe dans le secteur automobile, par exemple. Il n'y a rien de ce genre au niveau provincial.

J'aurais peut-être dû signaler plus tôt que le projet de loi contient une disposition permettant, si nécessaire, l'adoption ultérieure de règlements par décret du conseil afin de préciser la notion d'assurance suffisante. Elle figure dans le texte pour que nous puissions l'invoquer en cas de problèmes, si nous constatons que les propriétaires se conduisent de façon déraisonnable, s'il y a par exemple des réclamations laissées sans suite. Cette disposition de la loi pourra être invoquée pour imposer l'assurance obligatoire ou toute autre mesure permettant de vérifier si la police d'assurance est suffisante. Mais pour l'instant, ce n'est qu'une disposition.

Le sénateur Roberge: Devons-nous attendre qu'il y ait une catastrophe avant de mettre en route ce genre de chose?

M. Rysanek: Il faut espérer qu'il n'y aura pas de catastrophe et que les propriétaires de navire agiront avec prudence. Ils liront la loi et ils verront bien ce qui les attend étant donné qu'ils ont une responsabilité civile et qu'ils ont intérêt à s'assurer en conséquence. Il s'agit d'une démarche progressive, sénateur, et qui n'est peut-être pas parfaite, mais nous partons littéralement de zéro dans l'industrie du transport maritime étant donné que jadis, la Loi sur la marine marchande permettait expressément aux armateurs de se dégager de toute responsabilité. Il y en a encore dans le monde qui fonctionnent ainsi, de sorte que cette démarche progressive est ce que nous proposons.

Le sénateur Roberge: Je voudrais simplement signaler pour mémoire qu'à mon avis, c'est là une erreur. L'avenir nous montrera peut-être que c'est une erreur regrettable, et peut-être aussi nous le reprochera-t-on un jour.

M. Pageot: Je voudrais dire quelques mots au sujet de la politique maritime d'ensemble en vigueur au Canada. Chaque mesure peut paraître insuffisante lorsqu'elle est prise séparément, mais nous avons décidé de propos délibéré d'avoir un régime maritime international ouvert permettant la libre navigation et le libre enregistrement. Comme c'est le cas depuis la Seconde Guerre mondiale, nous avons décidé de nous aligner sur les autres pays, en particulier les pays de l'OCDE ainsi que nos partenaires commerciaux. Ayant ainsi décidé de travailler de concert avec le reste du monde, nous ne pouvons plus faire cavalier seul et adopter un régime différent, même si nous savons que celui-ci n'est pas idéal. Par ailleurs, nous avons également des compatriotes influents à l'Organisation maritime internationale ainsi qu'à la commission législative de l'OMI.

Vous devez bien comprendre que, dans l'industrie du transport maritime, il y a énormément de règlements. Il y a un règlement sur le pilotage mais un beau jour, vous constatez que pour les gros paquebots, il faut deux pilotes. Nous avons une convention qui a été ratifiée ainsi que les inspections sous le régime de Contrôle par l'État du port, et tout cela signifie qu'ils doivent être plus attentifs à leurs frais. Après les naufrages catastrophiques de certains traversiers en Europe, la nouvelle Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, la Convention SOLAS, a imposé une norme sur les portes étanches pour empêcher précisément ce genre de navire d'embarquer des paquets de mer. Il faut également une soute pour les eaux usées et ainsi de suite. Lorsque nous évaluons l'impact d'ensemble de ce genre de mesures sur une industrie, nous devons bien faire attention à ne pas aller trop loin en imposant une multitude de règlements qui, en définitive, risqueraient de limiter sa compétitivité.

Comme vous l'a dit M. Rysanek, il s'agit d'arriver à un juste milieu. En mettant ensemble la multitude de conditions que nous imposons au niveau de la qualité des navires, les inspections sous le régime de Contrôle par l'État du port, les règlements qui s'appliquent au moment de la conception et de la construction des navires, nous sommes convaincus que le Canada offre un excellent environnement concurrentiel et présente un fort bon potentiel, surtout pour ce qui est du transport des passagers. Malheureusement, comme nous voulons assumer nos responsabilités collectives dans une industrie intrinsèquement internationale, voire planétaire, nous risquons parfois de devoir accepter des compromis dans certains domaines.

Le sénateur Roberge: Je suis d'accord avec vous au sujet des traités internationaux. Je pense que cela fait partie du processus de négociation et que cela s'inscrit également dans le droit fil des engagements que nous prenons sur le plan international lorsque nous signons des traités. Mais je pense également que nous devons faire mieux que cela encore pour nos compatriotes sur notre propre territoire. Ainsi, nous ne pouvons plus accepter qu'on puisse acheter un bateau et amener des touristes voir les baleines sans être assuré. Je ne pense pas que cela soit tolérable.

M. Pageot: Ici encore, nous ne sommes pas nécessairement en désaccord. Votre observation est tout à fait valable. Par contre, il faut se souvenir que le tourisme est une industrie extrêmement volatile. Les gens peuvent facilement aller en croisière à l'étranger, prendre leur voiture pour aller aux États-Unis, visiter l'Europe et ainsi de suite. Il faut donc un juste milieu raisonnable. Comme je l'ai dit plusieurs fois en parlant de ce que le ministère a fait pour garantir la qualité des navires eux-mêmes, notre régime d'inspection dans le cadre du Contrôle de l'État du port est beaucoup plus vigoureux.

Sur la côte Ouest, l'industrie des croisières vers l'Alaska est un excellent exemple. Une autre solution serait peut-être pour ces bateaux de partir de Seattle ou d'autres port américains. Une des raisons pour lesquelles le Canada a offert des options de toute première qualité, c'est que nous avons été raisonnablement souples au niveau de l'infrastructure. Dans le cas du port de Vancouver, par exemple, le fait d'offrir des règles à la fois souples et bien conçues a favorisé l'essor de l'industrie à Vancouver et sur toute la côte Ouest.

Certes, c'est une question de dosage. Ce projet de loi nous donnera un meilleur outil pour développer ces industries. Si, dans quelques années, l'opinion générale est favorable à plus de rigueur, par exemple dans le cas de l'assurance obligatoire, le projet de loi nous permettra de nous adapter. Lorsqu'on essaie d'implanter un régime idéal, on court le risque de susciter la résistance de certains exploitants qui rejetteraient nos propositions.

Le sénateur Perrault: Pour commencer, cette question d'assurance porte à croire que votre chien de garde risque fort bien de n'être pas très efficace. On me dit que nous demanderions aux armateurs de jouer le jeu et qu'ils assumeront ainsi leurs responsabilités. Allez donc dire cela à l'armateur du cargo grec qui a jeté l'ancre l'été dernier dans le port de Vancouver. L'équipage n'avait pas été payé depuis des semaines, il n'y avait pratiquement pas de vivres à bord et l'armateur avait ni plus ni moins abandonné son navire. Je pense qu'il y a bien des pays étrangers qui auraient envoyé des soldats contre ces marins, mais dans ce cas-ci, il fallait littéralement sauver l'équipage et le ravitailler. Que se serait-il produit si, en entrant dans le port de Vancouver, ce navire était entré en collision avec un autre navire sortant du port? Qui aurait été responsable? Manifestement, ce cargo grec n'était pas assuré. Les armateurs qui fonctionnent de cette façon devraient voir leurs navires interdits d'entrée dans les ports canadiens s'ils ne peuvent pas nous donner des garanties de sécurité raisonnables. L'incident en question, l'été dernier, a été atroce. L'équipage n'avait pas quitté son bord depuis des semaines et il mourait littéralement de faim. Qui donc est responsable dans ce cas-là?

Ma seconde question sera celle-ci: avons-nous copié ces réformes sur ce qui existe dans d'autres pays? Si oui, de quels pays nous sommes-nous inspirés?

Troisièmement, y a-t-il actuellement des pays qui exigent l'assurance obligatoire?

M. Rysanek: À l'heure actuelle, toutes les conventions dont je viens de vous parler et qui regroupent environ 45 pays exigent une assurance obligatoire dans le cas du transport maritime commercial. Tous les pays qui ont une flotte marchande ont adopté ce régime qui prévoit également une assurance obligatoire en cas de réclamation pour cause de pollution.

Le sénateur Perrault: Mais pas nous.

M. Rysanek: Mais si, cela se trouve ici.

Pour ce qui est des autres types de réclamations, par exemple dans le cas de collision ou de responsabilité civile de l'équipage, il n'existe actuellement dans le monde aucun régime d'assurance obligatoire. La principale organisation qui s'en occupe -- l'Organisation maritime internationale -- a déjà préparé le terrain pour implanter un régime d'assurance obligatoire autre que dans les cas de pollution. Le troisième élément actuellement en discussion est la convention que nous avons sous les yeux, la Convention d'Athènes, qui concerne le transport maritime des passagers. Il s'agit en l'occurrence ici d'imposer non seulement une nouvelle limite à l'avenir, mais également une assurance obligatoire pour les passagers.

Le sénateur Perrault: Et l'équipage?

M. Rysanek: S'agissant de l'équipage et des autres réclamations en cas de dommage aux biens par exemple, et pour ce qui est des réclamations faites par d'autres navires, la seule chose qui soit survenue jusqu'à présent, c'est un bon nombre de discussions au sein de l'OMI ainsi que certaines manifestations d'intérêt. Je ne veux nullement vous induire en erreur. Que je sache, la communauté internationale n'est pas prête à accepter le principe de l'assurance obligatoire avec tout ce que cela suppose pour tous les autres types de réclamations.

Le sénateur Perrault: Il y a des navires chinois qui arrivent à toute vapeur dans le port de Vancouver -- nous en attendons plusieurs d'ici un mois -- mais ils n'ont aucune assurance. Certains d'entre eux auront bien de la chance de ne pas couler avant leur arrivée. Il me semble que nous devrions être plus exigeants à leur sujet. Pourquoi devraient-ils recevoir l'autorisation d'entrer dans un port de la côte Ouest? Dans le cas des Chinois, ce sont évidemment des clandestins, mais pourquoi devrait-on leur permettre d'entrer au port s'ils ne respectent aucune de nos conditions minimales de bon fonctionnement?

M. Pageot: En tant que fonctionnaires, nous partageons les mêmes préoccupations que vous. Ces navires représentent un gros problème pour nos politiques d'immigration. Malheureusement, dans notre modeste projet de loi sur un régime pour le transport maritime civil, nous ne saurions apporter une solution à tous les problèmes ni régler tous les abus qui risquent d'exister dans un secteur donné. Nous ne nions pas par ailleurs qu'il y ait eu des cas dont nous aurions préféré pouvoir nous passer.

Le sénateur Maheu a parlé un peu plus tôt des quatre ans. Je suis probablement un des rares qui ait connu toute cette période. Cela fait de nombreuses années que je suis là. Je puis vous confirmer le fait que, au Canada, le secteur du transport maritime des passagers a un sens très élevé de ses responsabilités. Nous avons des compagnies de traversier comme B.C. Ferries et des compagnies nationales comme Marine Atlantic Inc., nous avons également la Holland America et une série de compagnies maritimes privées qui travaillent sur la côte Ouest et qui ont en service certaines des meilleures unités pour offrir des croisières au Canada. Sur le Saint-Laurent, on construit de nouveaux navires.

La communauté maritime a donc été à l'écoute. Je pourrais vous dire que les principaux ports -- qu'ils offrent ou non des installations terminales comme c'est le cas à Vancouver, Halifax, Québec et Montréal -- constatent tous que leurs partenariats avec l'industrie des croisières et du tourisme sont extrêmement solides et animées par un sens très élevé des responsabilités. Plusieurs associations se sont constituées comme la North West Cruise Ship Association. J'aimerais demander aux sénateurs de ne pas nécessairement mettre dans le même sac des voyages infernaux qu'ont faits quelques immigrants clandestins l'industrie extrêmement dynamique et bien vivante que nous avons dans le secteur touristique.

M. Gauthier: Sénateur, je crois que l'une de vos questions concernant votre scénario d'une collision entre deux navires est toujours sans réponse.

Le sénateur Perrault: L'un de ces deux navires pourrait fort bien être un vieux cargo à vapeur.

M. Gauthier: Oui, il en existe encore. En ce qui concerne les armateurs de ces navires et les gens qui se trouvent à bord -- je ne parle pas de la cargaison -- ils sont assujettis au droit maritime normal. Celui qui aurait commis une faute serait vraisemblablement jugé responsable. Si les deux sont jugés responsables, la règle de la proportionnalité qui figure dans le texte de loi serait applicable. Mais en définitive, on se livre à un véritable jeu de massacre pour découvrir le responsable.

Le sénateur Perrault: Avant d'en terminer avec cette question, dans ce cas-ci l'armateur s'est dégagé de toute responsabilité et a refusé de rapatrier l'équipage en Grèce ou dans leurs pays d'origine.

M. Gauthier: Si vous voulez parler du traitement réservé à l'équipage, c'est une tout autre chose. Cette question est couverte par une série de conventions auxquelles le Canada est partie si je ne me trompe pas. Ces conventions ne relèvent pas du ministère des Transports. Il s'agit de traités internationaux adoptés par l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Plusieurs autres traités comme ceux-là sont administrés par le ministère canadien du Travail et ils concernent notamment le rapatriement des gens de mer, les questions d'intervention médicale, et cetera.

Le ministère des Transports n'interviendrait que si une épave comme celle que vous avez décrite essayait d'entrer dans nos eaux territoriales sans être en état de naviguer ou encore en contravention d'un traité international relatif aux voyages internationaux. Mes collègues du ministère des Transports qui s'occupent des aspects techniques de la chose ont des inspecteurs qui ont le pouvoir d'arrêter un navire et de l'empêcher de poursuivre sa route tant qu'il n'a pas été remis en état de naviguer. Le ministère des Transports a un rôle à jouer dans ce domaine, alors que c'est le ministère du Travail qui devrait intervenir dans le cas que vous signalez.

M. Rysanek vous a répondu qu'en ce qui concerne l'assurance obligatoire, le Canada ne l'exige que dans le cas de déversements pétroliers commis par des bateaux-citernes comme le précise exclusivement la partie 6.

[Français]

Le sénateur Poulin: Monsieur Pageot, vous avez parlé de l'objectif du ministère d'être équilibré et raisonnable en ce qui a trait à toutes les questions de voie maritime parce que l'industrie du tourisme est en pleine croissance et que depuis 40 ans, l'industrie des voies maritimes a toujours été responsable et de première qualité.

À Sudbury, le Cortina, offre des excursions, du même genre d'excursions offertes aux touristes du Saguenay. Si je veux démarrer une entreprise à Sudbury, où dois-je me procurer un permis pour avoir le droit de prendre des passagers?

M. Pageot: En général, il y a une liberté de marché. Le gouvernement fédéral ne limite pas, par un système de réglementation de permis, l'octroi des activités. Il faut trouver un navire adéquat rencontrant toutes les normes de sécurité du ministère. Lorsque les normes de sécurité et les arrangements bancaires ont été faits, il y a une grande liberté d'opération. La Loi sur le cabotage qui, à l'intérieur des points au Canada, demande que ce soit un pavillon canadien, mais en général, il n'y a pas de système de permis. Au Québec, entre deux points sur le Saint-Laurent, le gouvernement provincial a un système de permis pour les exploitants de navires de croisière. Dans le cas de navigation sur un lac, cela dépendrait des lois provinciales, mais en général, le gouvernement fédéral n'a pas de régime de permis.

Le sénateur Poulin: Ne dois-je pas aller à ma province de l'Ontario pour me procurer un permis d'opération de bateau à passagers naviguant sur un lac ou une rivière en Ontario?

M. Pageot: Je ne pourrais pas vous répondre.

M. Gauthier: Le pouvoir d'exploitation d'un commerce de navires à passagers à l'intérieur d'une province, quand il n'y a pas un transport interprovincial ou international, relève des provinces. C'est une question purement constitutionnelle. Le gouvernement fédéral n'a pas compétence dans ce domaine. Je ne sais pas si la province de l'Ontario a une loi semblable.

Le sénateur Poulin: Lorsque le sénateur Callbeck vous a demandé si vous aviez consulté les provinces, vous avez répondu que vous les aviez consultées et qu'elles étaient toutes d'accord. J'ai admis au départ que le gouvernement fédéral avait obtenu, de toutes les provinces, une évaluation du nombre d'embarcations ou d'entreprises qui seraient affectées par cette loi. Voilà la raison pour laquelle je suis un peu surprise de votre réponse.

M. Pageot: Les discussions avec les provinces ne vont pas dans ces détails. Dans plusieurs cas, certaines provinces ne pourraient pas vous donner le nombre précis d'embarcations. En général, la consultation consiste à informer les provinces du but du projet de loi et du rôle du gouvernement fédéral non pas d'aller au-delà et de s'engager dans les juridictions locales ou provinciales. Les provinces ont été bien informées du rôle fédéral et des ententes internationales et ne se sont pas objectées.

Le sénateur Poulin: Ma question est un peu politique. Je veux mieux connaître l'impact d'un projet de loi sur les Canadiens et les Canadiennes du nord de l'Ontario. Lorsque j'ai posé ma première question, je parlais des types d'entreprises. Je pensais aux camps de pêche du nord de l'Ontario. Il y en a beaucoup parce qu'on a de la bonne pêche et des bonnes rivières et je m'inquiétais de l'impact de ce projet de loi sur les petits entrepreneurs? C'est la raison pour laquelle, lorsque j'ai posé la question sur l'assurance, je pensais aux petits entrepreneurs.

Je m'aperçois que je n'ai pas reçu de réponses satisfaisantes aux questions que j'ai réussi à poser. Vous avez dit que l'objectif de ce projet de loi était de responsabiliser les compagnies. Pouvons-nous savoir quel en sera l'impact sur les petites entreprises? Combien cela coûtera-t-il, car nous apprenons qu'elles ne seront pas obligées de payer?

Premièrement, nous n'avons aucun chiffre à l'appui pour nous dire combien de compagnies canadiennes seront affectées par ce projet de loi; deuxièmement, de quelle façon elles en seront affectées; et troisièmement, quels en seront leurs coûts.

[Traduction]

M. Rysanek: Je vais essayer de mon mieux de répondre à vos questions. C'est de toute évidence non seulement par l'entremise des provinces, mais surtout par l'entremise des différentes associations industrielles que nous avons fait connaître la proposition de loi. Je pense que les parties intéressées savent que cette loi s'en vient et ils en connaissent également pour la plupart la portée, et je pense notamment aux pourvoyeurs, aux petits exploitants et à tous ceux qui font partie de l'une ou l'autre association industrielle ou professionnelle.

S'agissant du nombre de navires ou de compagnies, je n'ai pas ce renseignement ici, mais je serais heureux de vous le faire parvenir. Nous savons par exemple combien de membres compte l'association qui représente surtout les petits bâtiments. À l'heure actuelle, il y a environ 80 compagnies. Quoi qu'il en soit, nous allons vérifier et nous vous ferons parvenir des données plus complètes.

Votre dernière question est extrêmement complexe. Quel sera l'impact de la loi sur les petits exploitants? Pour ceux qui sont déjà assurés et qui exploitent des bateaux, l'impact sera nul. Leurs frais d'assurance ne changeront pas. Par contre, ceux qui vont devoir s'assurer pour la première fois connaîtront un impact, mais je suis mal placé pour vous donner une estimation. Il faudra que le marché et le secteur de l'assurance fassent des estimations et donnent une idée générale de la chose. Cela aura peut-être des répercussions pour les propriétaires qui n'ont jamais été assurés, des gens qui travaillaient sans assurance, mais ce sont là des cas exceptionnels. Je ne pense pas qu'un grand nombre de propriétaires soient touchés. Il y en a, certes, mais d'après ce que nous avons pu constater de notre côté, la plupart d'entre eux travaillent déjà dans des conditions raisonnables et sont bien assurés. Pour ceux-là, l'impact sera nul.

[Français]

M. Pageot: J'ajouterai que dans les témoignages que nous avons reçus, les seuls points de réserve qui ont été exprimés concernaient les opérateurs de petits navires de plaisance, pour des activités que l'on retrouve sur les lacs ou les pourvoiries. C'est le groupe qui, en général, marquait le plus de réserve quant à un régime universel et obligatoire. Il faut comprendre leur position, il y a toujours une décision à prendre quant au rôle de l'État. Une semaine vous leur demandez de suivre un cours pour opérer les moteurs hors bord, une autre semaine un autre cours pour le maniement des armes à feu s'il s'agit d'une expédition de chasse, et cetera.

Encore une fois, c'est une question de dosage. Le régime, en laissant cette option, permet ce dosage pour les petits opérateurs. De plus, les opérateurs commerciaux qui investissent de façon plus importante dans des navires plus onéreux réagissent très bien au régime proposé.

Le sénateur Poulin: Dans le sud de l'Ontario il existe une industrie touristique extrêmement importante autour des Grands Lac, que ce soit à Niagara, à Toronto ou à Sault Ste. Marie. Mes collègues du sud de l'Ontario auront beaucoup de questions concernant ce projet de loi et son applicabilité aux petites entreprises commerciales.

M. Pageot: Les activités de croisière dans cette région sont en pleine expansion. Les propriétaires de navires qui ont une capacité importante de passagers, pour la majorité, réagissent bien au régime proposé. Là où on a mis des limites, c'est aux propriétaires de marinas de Toronto, où on retrouve des navires appartenant à des corporations ou à des individus. La question qu'on se posait était de savoir où se situait la limite. Si quelqu'un fait une excursion le samedi après-midi avec quelques amis à bord d'un bateau, nous ne voulons pas assujettir des activités de ce genre à un régime essentiellement commercial.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé d'acheter un bateau ou un navire et d'assurer sa conformité en matière de sécurité. Mais si le bateau est utilisé sur le territoire d'une province, les conditions à respecter sont celles qui sont fixées par la province. Si le bateau est utilisé hors de la province, ce sont les conditions imposées par le fédéral. Est-ce que je me trompe?

M. Gauthier: Non. Effectivement, les critères de sécurité font partie intégrante du domaine du transport maritime et sont régis par la loi fédérale.

Le sénateur Callbeck: Par conséquent, si quelqu'un veut emmener des touristes voir les baleines, il faut qu'il respecte ces critères de sécurité. Quoi d'autre?

M. Rysanek: Selon le projet de loi, sénateur, le propriétaire ne doit rien faire d'autre. Il faut simplement qu'il sache qu'il y a maintenant un régime de responsabilité civile et qu'il doit s'assurer en conséquence.

Le sénateur Callbeck: Mais hors du cadre exclusif du projet de loi, si quelqu'un veut travailler à la petite semaine, il n'a qu'à acheter un bateau. Mais pour pouvoir mettre son bateau à l'eau et demander de l'argent aux gens pour aller voir les baleines, il doit quand même respecter les conditions prescrites en matière de sécurité. Y a-t-il autre chose?

M. Rysanek: Je ne suis pas compétent dans ce domaine, sénateur. Je suis persuadé qu'il y a une pléthore de conditions et de règlements régissant la sécurité, l'aspect technique et la prévention des pertes, mais je ne les connais pas car ce n'est pas mon domaine. J'essaie simplement de répondre à votre question dans le contexte du projet de loi.

Le sénateur Callbeck: Ces conditions et règlements sont-ils tous fédéraux ou y en a-t-il également qui relèvent des provinces?

M. Gauthier: Je pense que c'est ce que je vous disais un peu plus tôt. S'il s'agit d'une question de sécurité, ce sont exclusivement des règles fédérales adoptées en vertu de la réglementation d'application de la Loi sur la marine marchande. Ainsi, un navire transportant des passagers est tenu d'avoir des compartiments étanches, un nombre déterminé de gilets de sauvetage, voire des canots de sauvetage. Je pense que mon collègue vous a dit qu'il y avait une pléthore de règles les plus diverses et si je ne me trompe pas, il devrait y avoir entre 100 et 115 règlements différents en vertu de la Loi sur la marine marchande. Il y a des règlements qui concernent la nourriture servie à bord et toute une série d'autres domaines qui sont couverts par le volet technique du ministère des Transports, les services qui s'occupent de la sécurité et de la protection. La prévention de la pollution est un autre exemple. Il faut que les navires aient des pompes de cale et ainsi de suite. Il y a une foule de règlements, exclusivement fédéraux, et tous doivent être respectés. Certains règlements doivent non seulement être respectés, mais ils exigent également que certains exploitants aient un certificat. Il faut des inspections. Il faut un bout de papier qui y dise que vous pouvez faire la demande et ainsi de suite. Tout dépend du tonnage du bateau et de l'usage qui en sera fait. C'est une longue histoire. Je puis vous assurer qu'il y a un nombre énorme de règles qui s'appliquent.

Le sénateur Callbeck: Si vous achetez un bateau pour faire des excursions afin d'observer des baleines, est-ce que toutes les exigences sont fédérales? Vous n'avez pas du tout à communiquer avec le gouvernement provincial?

M. Gauthier: Je ne suis pas sûr à 100 p. 100. Si l'excursion pour l'observation de baleines était au Québec, dans les eaux intérieures comme au lac Saint-Jean, par exemple, ou à un endroit semblable, s'il y avait des baleines, ou si vous sortiez pour voir les saumons sauter, comme il s'agit d'eaux interprovinciales, tout exploitant qui veut offrir ce service serait peut-être obligé de communiquer avec un ministère du gouvernement québécois afin d'obtenir un permis. Je ne suis pas au courant de telles exigences en Ontario, mais elles pourraient exister.

L'opération sécuritaire du navire et la sécurité des passagers relèvent de la navigation et l'activité maritime, qui sont de compétence fédérale.

Le sénateur Furey: Ma première question découle des commentaires du sénateur Poulin. À la suite des discussions des fonctionnaires avec les propriétaires de petites embarcations, avons-nous des statistiques sur les coûts moyens d'assurance en tant que pourcentage des coûts d'exploitation?

Voici ma deuxième question: dans le secteur des petites embarcations, ne croyez-vous pas que le marché finira par encadrer bien des préoccupations qui ont été exprimées ici ce matin? Par exemple, si je pense réserver avec la compagnie A, et je sais que la documentation sur la compagnie A prévoit une assurance pour les passagers et que ce n'est pas le cas pour la compagnie B, et bien je sais avec qui je vais faire cette excursion pour aller voir des baleines. À court terme, le marché pourrait s'occuper de bien des préoccupations soulevées à propos de l'assurance.

M. Rysanek: Je vais commencer par votre dernière question.

Une fois que le régime sera bien établi, que l'industrie s'y habituera, et qu'elle aura eu l'occasion d'obtenir des estimations pour les primes d'assurance, nous nous attendons à ce que les propriétaires agissent de façon responsable. Ceux qui ne le font pas vont quitter le marché. Avec le temps, il est raisonnable de s'attendre à cela. Je ne sais pas si l'industrie, dans sa stratégie de commercialisation, va parler ouvertement du fait qu'elle respecte la loi, mais ce serait une attente raisonnable.

Quant à votre première question, sénateur, tout ce que je peux vous dire c'est que nous essayerons de vous fournir une réponse après la comparution de l'industrie de l'assurance. Si l'industrie ne vous fournit pas suffisamment de réponses quant aux coûts d'assurance actuels et futurs, nous ferons des recherches.

Le sénateur Furey: Ce serait une bonne idée de savoir, dans ce cas particulier, s'il s'agit de 5 p. 100, 10 p. 100 ou 15 p. 100 des coûts d'exploitation.

La présidente: Merci beaucoup d'avoir répondu à nos questions. Nous entendrons d'autres témoins, car il y a tant de questions pour lesquelles nous voulons des réponses.

La séance est levée.


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