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Sous-comité de mise à jour de "De la vie et de la mort"

 

Délibérations du sous-comité de
mise à jour de «De la vie et de la mort»

Fascicule 4 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 28 février 2000

Le sous-comité de mise à jour de «De la vie et de la mort» du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 13 h 03 pour étudier les faits nouveaux survenus depuis le dépôt, en juin 1995, du rapport final du comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide intitulé: «De la vie et de la mort».

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente Bon après-midi. Nous tenons aujourd'hui notre quatrième réunion pour mettre à jour les recommandations unanimes formulées dans le rapport paru en juin 1995 du comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide intitulé «De la vie et de la mort». J'aimerais rappeler à tous -- aux honorables sénateurs, à nos témoins et aux téléspectateurs -- que le comité ne rouvre pas le débat sur l'aide au suicide et l'euthanasie; il examine exclusivement les questions abordées dans le rapport qui ont donné lieu à des recommandations unanimes. J'aimerais que vous en teniez compte au cours de nos délibérations.

Nous avons invité aujourd'hui trois groupes de témoins à nous entretenir des questions soulevées dans le rapport qui ont donné lieu à des recommandations unanimes. Nous accueillons d'abord des représentants de Santé Canada. Plus tard cet après-midi, nous entendrons des représentants du Centre de santé Elizabeth Bruyère. Enfin, nous entendrons M. Peter Singer, professeur à l'Université de Toronto, et M. Harvey Chochinov, professeur à la Faculté de psychiatrie de l'Université du Manitoba.

Nous entendrons d'abord les représentants du ministère de la Santé. Mme Barbara Ouellet est directrice des soins à domicile et des produits thérapeutiques au ministère. Nous demandons à tous nos témoins d'être aussi brefs et succincts que possible parce que nous voudrons leur poser de nombreuses questions.

Je vous prie de bien vouloir commencer.

Mme Barbara Ouellet, directrice, Soins à domicile et produits thérapeutiques, Direction générale des politiques et de la consultation, Santé Canada: Notre déclaration préliminaire sera brève aujourd'hui. Après cette déclaration, nous répondrons ensemble à vos questions. Je vous parlerai surtout aujourd'hui des soins à domicile et des soins communautaires, lesquels comprennent les soins palliatifs.

Je suis heureuse aujourd'hui de pouvoir vous entretenir de nos derniers travaux et de vous expliquer brièvement comment ils s'intègrent au rapport sénatorial «De la vie et de la mort» qui a été déposé en juin 1995. À l'issue du dépôt du rapport, Santé Canada a mis sur pied un comité interministériel chargé d'examiner les recommandations et de voir comment on pouvait les intégrer aux activités du ministère. Nous nous sommes rendu compte que bon nombre des recommandations du comité portant sur les soins palliatifs avaient un rapport direct ou indirect avec les activités du ministère. Mes collègues et moi-même ferons le point aujourd'hui pour vous sur ces initiatives. Je vous signale que nous préparons actuellement un résumé des travaux que nous avons menés jusqu'ici dans le domaine des soins palliatifs. Lorsque le résumé sera prêt, je m'assurerai de le faire parvenir aux membres du comité.

L'une des recommandations clés du rapport sénatorial était que les gouvernements accordent une priorité élevée aux soins palliatifs dans la restructuration du système de soins de santé. En septembre 1998, tous les ministres de la Santé ont convenu que les soins prolongés, lesquels comprennent les soins à domicile, les soins communautaires et les soins institutionnels de longue durée, constitueraient l'une de leurs priorités clés dans le cadre d'initiatives de collaboration. En septembre 1999, les ministres de la Santé ont examiné les progrès réalisés jusqu'ici dans le cadre de ces initiatives et ont réaffirmé ces priorités.

Les fonctionnaires de notre ministère ont collaboré avec leurs homologues des ministères de la Santé provinciaux et territoriaux dans le but d'établir quels sont les besoins les plus pressants et les changements qui se constatent dans le domaine des soins à domicile et des soins communautaires et en vue de cerner les orientations et les priorités qui permettraient d'améliorer les services à cet égard. Nous cherchons également à assurer une meilleure coordination des services au sein des autres secteurs du système de la santé et entre ces secteurs -- entre, d'une part, les soins à domicile et les soins communautaires et, d'autre part, les soins primaires, les soins actifs et les soins de longue durée, par exemple -- pour faire en sorte que les Canadiens aient plus facilement accès à une gamme de services intégrés répondant à leurs besoins de santé.

Nous préparons actuellement une analyse détaillée des programmes en vigueur dans le domaine des soins à domicile et des soins communautaires pour établir notamment la gamme de services offerts, les critères d'admissibilité pour ces programmes et les budgets qui y sont actuellement affectés. Nous avons également commencé à cerner les objectifs communs que les administrations pourraient se fixer et qui constitueraient une vision réaliste mais progressiste des moyens à prendre pour renforcer les soins à domicile et les soins communautaires à court et à long terme.

Les soins palliatifs constituent l'un des types de services qui sont normalement dispensés par l'intermédiaire des programmes de soins à domicile et de soins communautaires. Nous visons dans ce domaine l'intégration des services au sein des secteurs du système de santé, ce qui cadre avec les recommandations portant dans le rapport sénatorial sur les soins palliatifs.

Le rapport recommandait également de favoriser et d'appuyer la recherche sur les soins palliatifs. Je signale au sous-comité que les soins à domicile constituent l'un des quatre secteurs dont le financement est prioritaire dans le cadre du Fonds pour l'adaptation des services de santé. Ce fonds de 150 millions de dollars, dont la création a été annoncée dans le budget de 1997, devait servir à financer des projets pendant les trois à quatre années suivantes. Outre les soins à domicile, les soins primaires, les produits pharmaceutiques et l'intégration des services constituent d'autres secteurs de financement prioritaires dans le cadre de ce fonds.

Un certain nombre de projets mis en oeuvre dans le domaine des soins à domicile et de l'intégration des services portent sur les soins palliatifs. À titre d'exemple, les ministères de la Santé de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard appuient conjointement un projet pilote dans le domaine des soins palliatifs ruraux. Un CLSC du Québec prépare aussi un guide d'information et de formation sur les soins et les services à domicile destiné aux cancéreux. Un autre CLSC mène un projet visant à mettre sur pied un programme de soins et de services de santé continus destinés aux malades adultes. Enfin, un projet mis en oeuvre en Saskatchewan vise à évaluer le programme de soins palliatifs mis en oeuvre à l'heure actuelle dans l'un des districts de santé de la province.

En résumé, nous menons déjà un certain nombre de travaux que nous comptons poursuivre dans le domaine des soins palliatifs. Compte tenu de l'engagement qu'ont pris les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux d'accorder la priorité aux soins à domicile et aux soins communautaires, l'accent sera mis sur des travaux de collaboration visant à renforcer la disponibilité et l'intégration de ces services, y compris dans le domaine des soins palliatifs.

Mme Nancy Garrard, directrice, Division du vieillissement et des aînés, Direction générale de la promotion et des programmes de la santé, Santé Canada: Je suis aussi heureuse de vous entretenir aujourd'hui de cette importante question.

Notre direction joue dans le domaine des soins palliatifs un rôle varié qui comprend le soutien aux initiatives communautaires, l'éducation du public et des spécialistes de la santé, le développement et la diffusion des connaissances et la collaboration entre les gouvernements et les organismes à la mise en oeuvre de projets communs. La direction se penche sur les questions de santé qui se posent au cours de toute une vie en se fondant sur l'approche axée sur la santé de la population.

Ayant adopté cette approche, Santé Canada reconnaît l'importance des questions relatives à la cessation de la vie humaine à diverses étapes de la vie: l'enfance et la jeunesse, l'âge adulte et la vieillesse. Nous constatons en particulier qu'il est nécessaire d'y attacher une importance particulière dans le cas des aînés canadiens. Comme vous le savez sans doute, plus de 75 p. 100 des décès enregistrés au Canada sont dans le groupe de personnes de plus de 65 ans. Compte tenu du vieillissement de la génération du baby-boom au Canada, les questions relatives à la cessation de la vie humaine, y compris celles des soins palliatifs, revêtiront encore plus d'importance au cours des prochaines décennies.

Dans le secteur d'activité de la «Promotion de la santé de la population» que notre ministère s'est donné en 1997, les questions relatives à la cessation de la vie humaine constituent l'une des quatre priorités du ministère en ce qui touche les aînés. La priorité accordée à cette question a été maintenue au cours des trois dernières années en partie en raison des conclusions et des recommandations figurant à cet égard dans le rapport du comité sénatorial spécial intitulé «De la vie et de la mort».

Nous mettons l'accent dans nos travaux sur l'appui des projets communautaires innovatifs visant à sensibiliser les milieux de la santé et les autres intervenants aux questions relatives à la cessation de la vie humaine. Nous avons également appuyé la préparation de matériel visant à faire l'éducation du public, les activités de diffusion des connaissances et les projets mis en oeuvre sur le terrain par les organismes bénévoles nationaux qui oeuvrent dans le domaine de la santé. Au total, nous avons affecté à ces initiatives plus de 2,9 millions de dollars au cours des cinq dernières années. En particulier, nous avons financé 10 initiatives communautaires importantes directement liées aux questions relatives à la cessation de la vie visant à répondre aux besoins des aînés ainsi que six projets d'envergure portant sur les soins offerts aux patients atteints du VIH/sida. Ces projets correspondent aux types de projets dont le financement a été recommandé par le comité sénatorial spécial.

Mentionnons en exemple l'élaboration de lignes directrices nationales portant sur les soins relatifs à la cessation de la vie destinés aux aînés. Ce projet est parrainé par le Centre des sciences de la santé Sunnybrook de l'Université de Toronto. Ces lignes directrices nationales, dont l'élaboration a été recommandée par le comité, devraient être rendues publiques au printemps.

Nous appuyons aussi la tenue d'un colloque international sur les soins destinés aux mourants. Ce projet est parrainé par les Services de santé des Soeurs de la Charité d'Ottawa. Le colloque aura lieu en avril 2000. Cette initiative donne suite à la recommandation du comité voulant que les soins palliatifs soient élargis et améliorés et qu'il y ait diffusion de l'information s'y rapportant auprès des intéressés.

Nous avons également mis au point à l'intention des travailleurs de soutien du domaine de la santé un programme de formation national sur les soins de santé comportant 17 modules et nous avons créé un réseau national de formateurs pouvant dispenser cette formation. Ce projet qui s'échelonnera sur plusieurs années sera mis en oeuvre par l'Association canadienne des soins palliatifs ainsi que la Canadian Association for Continuing Care. Ce projet cadre avec la recommandation faite par le comité voulant qu'on augmente la formation dispensée aux spécialistes des soins de santé en ce qui touche à tous les aspects des soins palliatifs. Les milieux des soins de santé ont jusqu'ici réservé un bon accueil à ce programme.

Notre direction a également facilité la diffusion de l'information destinée au grand public par la publication d'une feuille d'information sur les soins palliatifs destinés aux aînés. J'ai remis copie de ce feuillet à la greffière. Il s'agissait d'un projet conjoint mis en oeuvre avec les provinces et les territoires sous les auspices des ministres fédéral-provinciaux et territoriaux chargés des questions liées aux aînés. Santé Canada a également parrainé le Symposium sur invitation sur les soins palliatifs: tendances et questions relatives à l'établissement de programmes communautaires dans les provinces et les territoires, qui a eu lieu en mars 1997 à Ottawa. On peut consulter le rapport de ce symposium sur invitation sur le site Web de Santé Canada sous la rubrique «Division du vieillissement et des aînés.»

Nous avons également appuyé la mise en oeuvre de soins palliatifs communautaires dans le cadre de programmes destinés aux patients atteints de VIH/sida. Nous avons aussi appuyé des travaux préparatoires sur les soins palliatifs institutionnels, entamés par l'Association canadienne des soins palliatifs. Entre 1995 et aujourd'hui, nous avons accordé 338 000 $ à cette association, une importante organisation nationale bénévole du domaine de la santé, pour lui permettre de couvrir ses frais d'exploitation et de consolider sa structure administrative et sa base de bénévoles sur laquelle elle compte pour élargir ses moyens d'intervention communautaire dans tout le Canada.

Les questions relatives à la cessation de la vie et aux soins palliatifs figurent aussi au programme d'autres organismes du domaine de la santé. Ainsi, le Conseil consultatif national sur le troisième âge, un organisme constitué par décret, a consacré la livraison du printemps 1998 de son bulletin, Expression, aux questions concernant les aînés et les soins palliatifs. J'ai aussi fourni des exemplaires de ce bulletin à la greffière. Le Conseil reconnaît aussi l'importance du défi que posent les soins palliatifs dans sa publication récente intitulée 1999 et au-delà: défis que pose le vieillissement de la société canadienne.

En conclusion, nous pensons qu'il importe de se pencher sur les questions relatives à la cessation de la vie pour s'assurer que les Canadiens peuvent compter sur un système de soins de santé complet qui les soutient pendant toute leur vie. Dans les années à venir, nous comptons continuer de faire des recherches sur les soins palliatifs et les autres questions relatives à la cessation de la vie et de diffuser de l'information s'y rapportant et nous continuerons d'aider les collectivités à développer leurs services dans ce domaine.

Dre Christina Mills, directrice, Bureau du cancer, Laboratoire de lutte contre la maladie, Direction générale de la protection de la santé, Santé Canada: Le Bureau du cancer a la responsabilité de développer les données à l'appui d'une vaste gamme d'activités de lutte contre le cancer allant de la prévention primaire jusqu'aux soins palliatifs. Nous cherchons à développer des données dans les domaines où celles-ci manquent, à renforcer les données là où le besoin se fait sentir et à faciliter l'utilisation de l'information et des données recueillies à des fins de planification et d'élaboration des politique et des programmes.

Les soins palliatifs sont l'un des six éléments de la lutte contre le cancer. Ils sont cependant considérés l'élément le plus important. Ils permettent d'améliorer la qualité de vie des patients atteints de cancer en phase terminale. En effet, les cancéreux représentent la vaste majorité des patients ayant besoin de soins palliatifs.

Avec le vieillissement de la population, nous savons que même si les taux de cancer demeurent les mêmes qu'aujourd'hui, le nombre de Canadiens mourant du cancer et, par conséquent, le nombre de patients ayant besoin de soins palliatifs dans l'avenir augmenteront de façon considérable. Les notes que j'ai remises à la greffière font ressortir cette tendance.

Si l'on entend souvent dire que seulement 5 p. 100 des patients atteints de cancer en phase terminale ont accès aux soins palliatifs, nous savons que la situation s'est considérablement améliorée dans certaines administrations depuis que ces études ont été menées, mais il n'en demeure pas moins que nous ne sommes pas suffisamment renseignés sur la disponibilité de ces services à l'échelle du pays. Nous savons qu'il existe des écarts considérables entre les différentes régions, mais nous n'avons encore aucun système d'information qui permette d'avoir un tableau complet de la situation.

Les activités du Bureau du cancer se rapportent directement à la recommandation du comité du sénat voulant qu'on intensifie la recherche dans le domaine des soins palliatifs et qu'on parraine un programme national d'information. Nous espérons participer à l'élaboration de ce programme national d'information.

De plus, les données de surveillance, si elles existaient, pourraient contribuer directement à donner suite aux recommandations du comité concernant l'élaboration et la mise en oeuvre de lignes directrices et de normes nationales, la formation des professionnels de la santé et une approche intégrée des soins palliatifs.

Depuis le dépôt du rapport dans lequel figurent ces recommandations, le bureau a parrainé seul ou conjointement diverses réunions nationales portant sur des questions entourant la surveillance des soins palliatifs, ou nous y avons contribué. Bon nombre de ces réunions ont été spécifiquement consacrées à la question de l'élaboration des normes et à l'adoption d'une définition normative de la surveillance dans ce domaine. Le bureau a conclu des contrats avec des chercheurs pour qu'ils mènent des études et élaborent des méthodes ayant trait aux soins palliatifs et aux soins aux personnes en fin de vie.

Le bureau a notamment financé un projet pilote visant à étudier la faisabilité de recueillir l'information nécessaire pour surveiller la qualité des soins palliatifs au Canada. Six centres ou programmes de soins palliatifs situés dans cinq villes réparties aux quatre coins du Canada ont accepté volontairement de fournir des données tirées des bases de données de leur programme pour qu'on puisse les analyser afin de voir si elles pourraient servir de base à une surveillance des soins palliatifs.

Par l'entremise du Programme canadien de surveillance et de lutte contre le cancer chez les enfants, nous avons effectué une enquête auprès des parents concernant l'accès aux soins de soutien et les types de soins de soutien fournis à leurs enfants avant leur décès. Les résultats de cette enquête ne sont pas encore disponibles.

Dans le cadre des partenariats que nous avons forgés avec la Coalition canadienne pour la surveillance du cancer et la Stratégie canadienne pour la lutte contre le cancer, nous avons décidé d'accorder la priorité à l'étude des soins palliatifs.

Les projets pilotes nous ont appris que les patients atteints de cancer représentaient plus de 90 p. 100 des personnes recevant des soins palliatifs; et presque toutes ces personnes présentaient un cancer métastatique. La distribution des sièges de cancer chez les patients cancéreux recevant des soins palliatifs correspond à la distribution des principales causes de mortalité par cancer.

Nous avons appris que les programmes s'orientent de plus en plus vers une meilleure intégration des soins en établissement et des soins à domicile. Les témoins précédents ont fait allusion à cet objectif. Nous espérons que cette intégration permettra aux patients de recevoir les types de services qui correspondent le mieux à leurs besoins et qui leur assureront la meilleure qualité de vie possible. Étant donné que les services peuvent être fournis dans toute une variété de milieux, cela pose un réel défi lorsqu'il s'agit de recueillir de l'information cohérente et comparable.

Les programmes peuvent être partiellement intégrés pour divers services ou fonctionner comme des structures parallèles. On a déjà fait en partie la preuve que l'un des effets bénéfiques d'un programme de soins palliatifs est qu'il réduit la demande de lits de soins actifs très coûteux.

Les études pilotes ont fait ressortir l'étendue des besoins en information. Chaque fois qu'on recueille de l'information, on se rend compte qu'on en a besoin davantage. Il faut avoir de l'information pour être en mesure de planifier et de surveiller les programmes et d'améliorer les connaissances sur les façons de fournir des soins palliatifs efficaces. À l'heure actuelle, il n'existe aucun système d'information unique ou combiné qui permette de recueillir de l'information sur les soins palliatifs dans l'ensemble de la population à l'échelle nationale. Au mieux, seules quelques régions sanitaires peuvent être en mesure de brosser un tableau assez complet, mais même les meilleurs systèmes présentent des lacunes.

Il nous faut de l'information qui nous permette de suivre les tendances dans l'utilisation de ces services, de surveiller le développement de nouveaux services, d'évaluer l'efficacité des services par rapport à des modèles de prestation de services et d'aider à prévoir les services et la prestation des services dans l'avenir.

Lors du développement des systèmes d'information, il faudra tenir compte des divers milieux, de la nature locale du développement des programmes de soins palliatifs ainsi que des diverses maladies autres que le cancer qui créent une demande pour les soins palliatifs. Comme vous le savez, les personnes atteintes du sida et de démence exigent des soins palliatifs.

Nous devons établir des normes reconnues qui permettent de recueillir et de compiler des informations comparables. Dans mon mémoire, j'ai fait ressortir les façons dont nous pourrions nous y prendre. Il s'agit d'adopter deux approches, l'une progressive comme nous avons tenté de le faire et l'autre stratégique en vue d'établir les domaines où nous devons affecter le plus de ressources et la façon de développer les capacités. Je ne m'étendrai pas davantage là-dessus.

Planifier des programmes et élaborer des politiques en l'absence de l'information pertinente et appropriée sur la surveillance et le faire lorsqu'on possède ces données se comparent à viser une cible dont on connaît la taille et l'emplacement par opposition à viser au hasard. Dans le domaine des soins palliatifs, nous ne pouvons pas nous en remettre au hasard.

Mme Debra Gillis, directrice, Division du soutien des programmes de santé, Direction générale des services médicaux, Santé Canada: Je vous remercie de m'offrir la possibilité de m'adresser au comité. La Direction générale des services médicaux de Santé Canada est la direction générale qui assume la responsabilité de la dispensation des services de santé aux membres des Premières nations et aux Inuits.

Aujourd'hui, je veux informer le comité des démarches qui ont été entreprises pour traiter des questions relatives aux autochtones soulevées dans «De la vie et de la mort», en particulier dans le domaine des soins palliatifs.

Aujourd'hui au Canada, on compte environ 630 000 membres des Premières nations et 45 000 Inuits. Un peu plus de la moitié seulement des membres des Premières nations vivent sur des réserves. Comme bon nombre d'entre vous le savent, les questions relatives à la santé sont particulièrement préoccupantes dans le cas des Premières nations et des Inuits, car le taux de maladies transmissibles et chroniques est beaucoup plus élevé dans leur population que dans la population canadienne en général. Les problèmes de santé qui sont devenus les plus courants au cours de la dernière décennie sont notamment le diabète, le cancer, le VIH/sida et les maladies cardiovasculaires.

Même si, dans la population des Premières nations, le taux de mortalité est semblable à celui de l'ensemble du Canada, il existe certaines exceptions: en effet, la mortalité infantile y est deux fois plus élevée et les décès par suicide chez les jeunes y sont de 5 à 8 fois plus fréquents. En conséquence, les questions relatives à la vie et à la mort sont très importantes pour les Premières nations et les Inuits.

Le mandat de Santé Canada concernant la dispensation des services de santé est orienté spécifiquement vers les Premières nations et les Inuits. Tous les membres des Premières nations et tous les Inuits, qu'ils vivent sur des réserves ou non, reçoivent des services hospitaliers et médicaux grâce aux services de santé assurés des provinces et territoires. Les autochtones vivant hors réserve ont accès aux services de santé communautaire, tels que la santé publique et les services de soins à domicile, grâce aux systèmes de santé provinciaux et territoriaux.

Santé Canada, et particulièrement la Direction générale des services médicaux sont responsables de la dispensation, sur les réserves, des services de santé communautaire ainsi que des services de santé non assurés, y compris les médicaments sous ordonnance, les fournitures médicales et l'équipement sanitaire, offerts à tous les membres des Premières nations et à tous les Inuits. Il a été établi que pour les autochtones, le manque de disponibilité des services de soins palliatifs constitue un problème crucial.

Je suis heureuse d'informer le sous-comité que Santé Canada a entrepris des démarches importantes pour résoudre ce problème sur les réserves. Le budget de février 1999 a annoncé que des fonds étaient affectés à l'élaboration et à la mise en place d'un programme de soins à domicile et en milieu communautaire sur les réserves et dans les communautés inuites. Auparavant, les services de soins à domicile étaient limités à des services domestiques, dispensés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et à des soins infirmiers à domicile limités, fournis par Santé Canada. Grâce à l'introduction de ce nouveau programme -- qui bénéficiera de 90 millions de dollars par année à partir de 2002-2003 -- les Premières nations et les Inuits pourront offrir la gamme complète de soins à domicile dont bénéficient actuellement les autres Canadiens.

Même si ce programme ne comporte pas de volet spécial sur les soins palliatifs, les volets «soins infirmiers à domicile», «soins personnels» et «services de relève à domicile» du programme contribueront énormément au soutien des personnes qui désirent mourir à domicile et recourir aux soins palliatifs ainsi que de leur famille. Au fur et à mesure que les Premières nations mettent en place le programme de soins à domicile et en milieu communautaire, nous discutons avec elles de la façon dont les besoins en soins palliatifs peuvent être intégrés à leur programme.

Les membres des Premières nations vivant hors réserve et les Inuits ont accès aux programmes de soins palliatifs offerts par les services de santé provinciaux et territoriaux, là où ils existent. Les Premières nations et les Inuits ont établi que ces programmes doivent intégrer des approches plus proches de la tradition autochtone entourant le décès des membres et ils travaillent dans ce sens lorsque c'est possible.

La Direction générale des services médicaux soutient également les soins palliatifs grâce au programme de services de santé non assurés. Ce programme, qui est offert à tous les membres des Premières nations et à tous les Inuits, sans aucune restriction liée à leur lieu de résidence ou à leur revenu, couvre une large gamme de médicaments utilisés pour le soulagement de la douleur, y compris les agents narcotiques, qui sont disponibles dans une variété de formes posologiques, dont les formes orales et injectables. Dans le cadre de ce programme, les stupéfiants de même que tous les produits pharmaceutiques doivent être prescrits par un médecin et respecter les lois et règlements fédéraux, provinciaux et territoriaux. Ainsi, pour les membres des Premières nations et les Inuits, l'accès à une grande variété de produits pharmaceutiques utilisés dans les soins palliatifs n'est pas restreint, à la condition que ces produits soient prescrits par le médecin traitant.

La Direction générale des services médicaux s'est également occupée des besoins en soins palliatifs des autochtones atteints du sida et de leurs fournisseurs de soins. Dans de nombreux cas, les patients autochtones atteints du sida désirent retourner dans leurs communautés au cours des dernières phases de leur maladie. Afin de venir en aide aux familles et aux autres fournisseurs de soins, nous avons accordé, conjointement avec la Direction générale de la promotion et des programmes de santé, des fonds à l'organisme Two-Spirited People of the First Nations pour qu'il produise Nashine Ginwenimawaziwin -- Soins assidus, un manuel sur les soins palliatifs. Cette publication est largement disponible et utilisée.

Pour conclure, la Direction générale des services médicaux a entrepris de nombreuses démarches afin d'améliorer l'accès aux services de soins palliatifs pour les membres des Premières nations vivant sur des réserves et pour les Inuits. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

M. Cliff Halliwell, directeur général, Direction de la recherche appliquée et de l'analyse, Direction générale de l'information, de l'analyse et de la connectivité, Santé Canada: Honorables sénateurs, la Direction de la recherche appliquée et de l'analyse est une nouvelle direction au sein de Santé Canada. Son rôle est d'appuyer l'analyse quantitative, en particulier l'analyse économique, sur laquelle reposent l'élaboration des politiques et le processus de reddition de comptes en matière de programmes et d'activités relevant de Santé Canada.

Bien que la direction ait été créée en novembre 1998, elle n'a commencé à recruter du personnel qu'au printemps 1999. Ce processus est toujours en cours. La direction mène déjà certaines activités de recherche qui portent surtout sur le vieillissement, les questions liées aux ressources affectées à la santé humaine et le renouvellement en général du système de santé.

Le Programme national de recherche et de développement en matière de santé, le PNRDS, existait avant même la création de cette direction. Ce programme vise à appuyer la recherche d'investigation dans le domaine de la santé au Canada et à appuyer les travaux de jeunes chercheurs par l'intermédiaire d'un programme de bourses.

Bien que le PNRDS finance surtout de la recherche d'investigation, Santé Canada demande aussi à des chercheurs de mener des recherches complémentaires aux siennes dans certains domaines. Les propositions de recherche acceptées font l'objet d'une évaluation par les pairs rigoureuse.

Depuis la publication du rapport du comité en 1995, le PNRDS a financé des projets de recherche portant sur les questions relatives à la cessation de la vie et aux soins palliatifs. Certains des projets de recherche les plus utiles que finance le programme sont des projets de synthèse. Ces projets visent à faire le point sur l'état des connaissances dans certains domaines.

En 1997, le PNRDS a invité les chercheurs à proposer des projets de synthèse portant sur la cessation de la vie et les soins à domicile. Le programme citait la recommandation du comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide voulant que des recherches soient entreprises pour établir le nombre de personnes faisant une demande d'aide au suicide, les raisons motivant leur demande et les solutions de rechange qui pourraient être acceptables à ces personnes.

Cette partie de la demande de propositions précisait que deux types de projets de synthèse seraient acceptables. Le premier type de projets portait sur la synthèse des recherches et de l'information portant sur les facteurs amenant les malades en phase terminale et les personnes atteintes d'une maladie chronique grave à vouloir mettre fin prématurément à leurs jours. Le deuxième type de projets était des projets faisant la synthèse de la recherche et des données portant sur la gestion de la douleur chronique.

La section des soins à domicile s'est concentrée sur l'appui à fournir aux aidants naturels. Deux projets ont été mis sur pied. Le premier visait à faire une synthèse des conclusions des recherches relatives aux incidences des services professionnels de soins palliatifs sur la santé et le bien-être physique et mental des aidants de la famille. Le deuxième visait à faire la synthèse des recherches relatives aux incidences de l'indemnisation ou des paiements financiers sur chacun des aidants et des prestataires des soins par opposition aux effets des autres systèmes d'appui, notamment les services communautaires. Cinq projets ont été retenus pour les deux concours.

Trois autres projets de synthèse découlant des recommandations du comité ont été financés au cours des trois dernières années.

Le PNRDS organise aussi des concours annuels généraux pour examiner des propositions de recherche dans des domaines précis. Depuis 1995, le PNRDS a financé neuf projets qui donnent suite aux recommandations du comité et l'on n'a pas encore terminé l'examen des propositions de recherche issues du dernier concours.

Grâce à son programme de bourses, le PNRDS a aussi financé au moins deux chercheurs qui ont effectué des travaux sur les soins palliatifs et le contrôle de la douleur.

Depuis 1997, le PNRDS a financé pour quelque 1,2 million de dollars de travaux de recherche et de bourses dans ce secteur. Nous comptons dresser une liste des divers projets que nous remettrons au comité. Les membres du comité pourront alors demander soit les résumés des études ou les études au complet.

Pour vous donner une idée du sujet de ces études, les deux premiers projets de synthèse à être financés étaient intitulés «Le désir de mourir ou de hâter la mort en cas de maladie terminale: une synthèse de la documentation», étude préparée par l'Université Queen's, et «Synthèse de la recherche et des données relatives aux facteurs poussant les personnes en phase terminale ou atteintes de maladies chroniques graves pour hâter la mort», étude préparée par l'Université du Québec à Montréal.

Le PNRDS s'efforce aussi de sensibiliser les chercheurs aux sujets qui concernent les soins palliatifs. Lorsque nous avons annoncé le concours général annuel de 1999, nous avons demandé des lettres d'intention dans des secteurs où l'on examinerait des questions comme le vieillissement, les soins à domicile et le financement du régime des soins de santé.

Dans nos demandes de propositions, nous demandions de façon plus particulière des projets portant sur l'intégration des soins palliatifs et des soins chroniques. À l'issue de ce concours, nous avons reçu au moins 11 propositions de recherche liées aux soins au terme de la vie, à l'euthanasie, à l'aide au suicide par un médecin et aux soins palliatifs. Ces propositions en sont encore à l'étape de l'examen par les pairs et il faudra un certain temps avant qu'on connaisse les résultats.

La présidente: Vous nous avez fourni beaucoup d'information. Pendant les trois premiers exposés, on nous a dit que peu de progrès avaient été accomplis. C'est assez rassurant qu'on nous dise maintenant que les gens au ministère de la Santé ont tenu compte du rapport du comité sénatorial spécial. Je suis particulièrement heureuse de savoir qu'on s'en ait servi pour décrire certaines situations à l'occasion. Par ailleurs, le fait que vous reconnaissiez vous-mêmes qu'il reste encore beaucoup à faire reflète les témoignages que nous avons entendus pendant les trois premiers jours d'audience.

Le sénateur Beaudoin: Nous sommes tous en faveur des soins palliatifs. Qui pourrait s'y opposer? C'est ce que les membres du comité pensaient en 1995. Nous avons accompli certains progrès, mais nous devons immédiatement prendre des mesures pour améliorer la situation. Que devons-nous faire immédiatement dans le domaine des soins palliatifs? Le rapport date d'il y a cinq ans. Devons-nous adopter des mesures législatives? Devons-nous consulter les provinces ou faire autre chose? Que devons-nous faire pour améliorer la situation à l'égard des soins palliatifs? J'ai pris note de tout ce que vous avez dit et je constate qu'on a accompli bien des choses, mais que devrait-on faire d'autre?

M. Halliwell: Comme l'a bien dit le docteur Mills, ce serait utile d'avoir des renseignements plus complets. Nous ne savons toujours pas vraiment si le genre de problèmes qu'on mentionne quand de tels cas font les manchettes sont des problèmes communs pour les malades en phase terminale ou s'ils sont plutôt rares. Les lignes directrices qu'applique la profession médicale permettent de s'occuper d'une bonne partie des cas possibles.

Bien sûr, vous venez d'entendre à quel point c'est difficile d'obtenir ces renseignements. C'est particulièrement difficile parce que ces questions sont très délicates. La première chose à faire serait certainement d'essayer d'obtenir plus de renseignements grâce à des projets pilotes comme ceux qu'on vous a décrits pour avoir une idée de l'étendue du problème.

Deuxièmement, c'est une question extrêmement délicate qui est liée de très près aux valeurs chères aux Canadiens. Cela touche à des questions d'ordre moral qui surgissent à l'un des moments les plus difficiles de la vie, soit le moment où l'on est sur le point de perdre un être cher.

Je ne sais pas vraiment dans quelle mesure la recherche peut nous aider à mieux définir les valeurs dont on doit s'inspirer pour prendre de telles décisions. Cela doit venir d'un processus qui permettrait de déterminer quelles sont les valeurs canadiennes dans ce domaine et qui viserait à obtenir un consensus sur ces questions. Je ne pense pas que cela puisse venir à l'issue d'un simple programme de recherche ou plus particulièrement d'un programme de collecte de données. Ce serait utile d'avoir de tels programmes, mais cela ne répondrait pas à toutes les questions.

Le sénateur Beaudoin: Avez-vous songé à la possibilité qu'on adopte de nouvelles lois relatives aux soins palliatifs? Comme ce problème touche les provinces aussi bien que le gouvernement fédéral, avez-vous rencontré vos homologues dans les diverses provinces?

Si je ne m'abuse, vous avez parlé des régimes qui existent au Québec, entre autres, et le docteur Gillis a parlé des autochtones. Il me semble que nous devrions adopter des mesures législatives dans ce domaine et que nous devrions en discuter avec les provinces. Puisque tout le monde convient qu'il faut des soins palliatifs et puisque le problème touche aussi bien les provinces que le gouvernement fédéral, pensez-vous que nous devrions adopter des lois quelconques? À mon avis, nous devrions le faire.

L'autre jour, le docteur Brazeau nous a dit que ce n'était pas nécessaire de modifier le Code criminel. Cela m'a quelque peu étonné, mais je respecte beaucoup son point de vue. Qu'en pensez-vous?

Mme Ouellet: Puisque c'est souvent moi qui discute avec les représentants des provinces, je peux peut-être répondre à votre question.

Nous avons examiné la question des soins palliatifs de concert avec les provinces. L'une des choses que vous recevrez est justement un rapport que nous avons préparé en 1997 pour donner un aperçu des programmes de soins palliatifs dans les provinces et les territoires.

Les problèmes relatifs aux soins palliatifs sont, sous bien des aspects, les mêmes problèmes qu'éprouvent maintenant les provinces pour fournir de bons services à domicile et communautaires qui puissent répondre à toutes sortes de besoins. Le fait est que nous avons pris d'importantes mesures dans le cadre de notre régime de soins de santé pour mieux organiser et restructurer et même pour réduire dans certains cas notre système de soins de courte durée. Par ailleurs, les services communautaires et à domicile n'ont pas de leur côté pris l'expansion nécessaire pour nous permettre de bien répondre aux besoins.

J'ai l'impression, même si je n'ai pas moi-même de données là-dessus -- peut-être que ma collègue Nancy Garrard en a -- que bien des gens en phase terminale qui sont maintenant hospitalisés préféreraient pouvoir mourir à la maison, en milieu communautaire, si les services appropriés étaient disponibles, plutôt que de rester à l'hôpital. Nous devons continuer de nous poser les questions suivantes: quels besoins relatifs aux soins pouvons-nous maintenant satisfaire au niveau communautaire et quels besoins ne pouvons-nous pas satisfaire? D'après mes entretiens avec les provinces, il est évident que les services à domicile et de soins communautaires disponibles varient énormément d'un bout à l'autre du pays. Dans presque toutes les provinces, ces services sont mis à l'épreuve à cause de la réduction des services de soins actifs puisqu'on ne veut pas non plus trop augmenter l'importance du secteur des soins de longue durée.

Je ne suis pas certaine que légiférer améliorerait nécessairement la situation. Selon moi, nous devons adopter une approche beaucoup plus intégrée et songer à la possibilité que les pressions exercées sur d'autres secteurs sont transférées vers d'autres parties du régime où l'on n'est pas encore en mesure de répondre aux besoins, ou que le fait de tarder à prendre certaines autres initiatives cause un problème.

Mme Gillis: Dans le cas des autochtones, deux choses sont en jeu. Il y a d'abord les liens avec le nouveau programme de soins à domicile et communautaires mis au point par les autochtones, c'est-à-dire les Premières nations et les Inuits. Cela représente des progrès énormes pour les soins palliatifs, mais c'est encore trop tôt pour savoir quels problèmes vont surgir et comment le programme va réussir à satisfaire aux besoins de soins palliatifs.

On voudrait que ce programme parvienne à pleine maturité d'ici deux ou trois ans. La façon dont on pourra répondre aux besoins au niveau communautaire va varier d'un bout à l'autre du pays. C'est encore trop tôt pour savoir si le programme répondra vraiment aux besoins de soins palliatifs sur les réserves. Je pense que cela nous permettra d'accomplir beaucoup de progrès. D'ici quatre ou cinq ans, nous aurons une bonne idée des services fournis et de la façon dont ils répondent aux besoins de soins palliatifs, des problèmes qui existent et des mesures à prendre pour répondre à tous les besoins.

L'autre aspect de la question touche les autochtones qui n'habitent pas sur une réserve; les problèmes à ce moment-là sont les mêmes que ceux dont Mme Ouellet a parlé parce que ces personnes doivent compter sur le système de santé provincial. Les pressions exercées sur les régimes de soins de santé provinciaux et territoriaux se reflètent sur la capacité des autochtones d'avoir accès à des services de soins palliatifs au niveau communautaire. De plus, très souvent, les services provinciaux ne tiennent pas compte des considérations culturelles, comme les Premières nations, les Inuits et les autres autochtones l'ont déjà signalé. On essaie maintenant de rectifier la situation. Je suis cependant au courant de cas et l'on m'en a signalé d'autres où les hôpitaux commencent à tenir beaucoup mieux compte des besoins des malades en phase terminale et font venir des guérisseurs traditionnels et des aînés à l'hôpital et permettent aux familles d'être là au moment de la mort, comme elle le serait en milieu communautaire. Les hôpitaux commencent à tenir mieux compte de la culture et des traditions des autochtones. C'est une amélioration. Il y a encore beaucoup à faire, mais je pense que les choses s'améliorent progressivement.

Le sénateur Beaudoin: Combien y a-t-il de réunions des ministres de la Santé ou de fonctionnaires comme les sous-ministres, sous-ministres adjoints ou directeurs de la Santé chaque année? Il doit y en avoir beaucoup.

Mme Ouellet: Oui. Il y a des rencontres à tous les niveaux y compris au niveau des ministres et des sous-ministres. Il y aussi quatre comités consultatifs de haut niveau qui regroupent divers secteurs. Je pense pouvoir affirmer qu'il y a un grand nombre de réunions fédérales-provinciales chaque mois de même que de nombreuses conférences téléphoniques.

Dre Mills: Je voudrais répondre à la question précédente du sénateur. Comme médecin de la santé publique, je peux vous dire qu'on a élaboré un code de déontologie relativement systématique pour déterminer quelles interventions sont appropriées du point de vue de la santé publique. Nous examinons les diverses options disponibles, y compris les mesures législatives, la réglementation, l'éducation, la fourniture de renseignements, et ainsi de suite. Nous choisissons la méthode la moins intrusive possible pour atteindre le résultat voulu.

Nous savons que l'obtention d'informations peut faire beaucoup pour favoriser le changement. Le Conseil canadien d'agrément des services de santé comprend maintenant la documentation du contrôle des symptômes parmi les critères pour l'agrément des établissements de santé. Nous pensons que ce seul élément aura des conséquences importantes pour le soin des malades au terme de la vie parce que, pour obtenir son agrément, l'établissement de soins de santé devra dire si les malades souffraient, s'ils vomissaient, et ainsi de suite.

Dans l'ensemble, on peut comparer cette situation à l'accès qui existe aux soins palliatifs. On considérait récemment que 5 p. 100 des Canadiens avaient accès aux soins palliatifs. C'est peut-être le cas dans certaines provinces, mais pas dans toutes. Si nous avions des renseignements à jour sur les niveaux réels d'accès aux soins palliatifs partout dans le pays, cela inciterait les provinces qui ont un faible pourcentage d'accès à instaurer des politiques et des programmes pour améliorer l'accès sur leur territoire. Si ces provinces ne faisaient pas le nécessaire, les habitants de la province insisteraient rapidement pour qu'elles s'en occupent.

[Français]

Le sénateur Corbin: Il aurait été utile que l'on nous présente l'organisation, en général, du ministère de la Santé, spécifiquement en ce qui a trait à aux soins, à la recherche, et caetera. Je constate que nous avons des porte-parole de cinq directions générales du ministère. Dois-je présumer qu'il y a d'autres directions générales au ministère? Franchement, c'est une jungle bureaucratique. Je ne sais pas où donner de la tête quand j'entends parler du ministère de la Santé. Y a-t-il un directeur au ministère de la Santé? Évidemment, le ministre, le sous-ministre et les sous-ministres adjoints font partie du ministère. Toutefois, quelqu'un peut-il répondre directement à cette question: Y a-t-il un coordonnateur des soins palliatifs au ministère de la Santé qui rassemble tout ce beau monde sur une base régulière pour développer des priorités, coordonner les activités dans tous les domaines, présenter des analyses et nous faire part des progrès dans le domaine qui nous préoccupe aujourd'hui? J'apprécie les renseignements que vous nous avez transmis, mais cela me prendra une relecture et une analyse de vos différents intérêts afin d'en dresser un portrait d'ensemble.

[Traduction]

Mme Ouellet: Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, après la publication du rapport de 1995, Santé Canada a mis sur pied un comité ministériel chargé d'examiner les recommandations contenues dans le rapport du comité. Le comité s'est penché sur la façon dont la structure actuelle du ministère, qui regroupe cinq directions générales, permettait déjà de donner suite aux recommandations du comité et il s'est aussi penché sur les autres initiatives prises par le ministère. Je ne présidais pas ce comité ministériel, mais les activités dont j'ai offert de vous fournir la liste sont le résultat du travail de coordination et de collaboration que nous avons fait au ministère depuis.

Le fait que le ministère ait envoyé cinq témoins devant votre comité aujourd'hui reflète l'importance que nous accordons aux soins palliatifs partout au ministère. À mon avis, c'est une bonne chose que cinq directions générales du ministère se penchent activement sur cette question à l'heure actuelle.

Je répète que nous avons un comité ministériel qui s'occupe de tout cela dont les membres communiquent régulièrement entre eux pour se tenir au courant des progrès accomplis individuellement et collectivement.

[Français]

Le sénateur Corbin: Devez-vous faire face à des problèmes de juridiction fédérale-provinciale dans la mise en place de vos différents programmes, que ce soit dans le domaine de l'administration des services, des analyses, de l'information? Quel est le degré de coopération ou d'absence de coopération, si c'est le cas, dans vos démarches en vue d'aider à mettre sur pied un système national pour dispenser les soins palliatifs? Est-ce un problème?

[Traduction]

Mme Ouellet: Je répondrai à sa question du point de vue des services de soins de santé, et M. Halliwell voudra peut-être ajouter quelque chose au sujet de la recherche.

Je vous ai déjà mentionné les comités consultatifs de politique et nous avons justement un comité consultatif fédéral-provincial qui s'occupe des questions reliées à la santé. Le comité s'occupe de toute la gamme des services, que ce soit les services hospitaliers, communautaires, de soins primaires ou autres. Le comité se réunit régulièrement et il est très proactif. Il s'intéresse notamment aux soins prolongés et aux soins à domicile qui peuvent inclure une bonne partie des soins palliatifs.

Cela fait déjà bien des années que je préside le groupe de travail fédéral-provincial qui examine les soins prolongés. Mes adjoints et moi discutons maintenant des soins à domicile et des soins communautaires avec les provinces. Cela se fait dans un très bon esprit de collaboration. Toutes les provinces et tous les territoires à qui reviennent essentiellement le soin de fournir ces services, veulent apprendre ce qu'on réussit à faire ailleurs compte tenu des ressources disponibles, quels modèles de service semblent fonctionner convenablement et quels défis on a réussi à relever dans certaines provinces et certains territoires.

Tous les intervenants tiennent à savoir ce qui se passe ailleurs. Ils savent que les soins à domicile et les soins communautaires sont ceux qui vont prendre le plus d'importance à mesure que la population vieillit et que l'on insiste davantage sur les soins au niveau communautaire pour les soins de santé. Ce travail s'est trouvé renforcé par l'engagement des ministres de la Santé à faire des soins à domicile, communautaires et prolongés une question prioritaire. Comme je l'ai déjà, ils s'étaient entendus là-dessus en 1998. Lors de leur réunion de septembre 1999, ils ont confirmé que c'était une priorité pour leur travail collectif et individuel.

Il y a donc déjà collaboration entre les intervenants. Il existe des défis particuliers dans chaque province ou territoire et il faut certainement s'en occuper à ce niveau-là. Il déjà beaucoup de choses que nous apprenons les uns des autres. C'est aussi un instrument utile pour travailler en collaboration.

[Français]

M. Halliwell: Pour la recherche, plus particulièrement, et l'information, il existe une atmosphère de collaboration. Tous les projets financés par Santé Canada sont du domaine public et peuvent donc être consultés par quiconque le désire. Nous pourrions peut-être faire un meilleur travail en ce qui concerne la publicité au travail. Cette information est disponible pour toutes les autorités provinciales.

Dans le domaine de la recherche surtout, il est possible que les ministères provinciaux, à cause des compressions budgétaires, soient limités dans l'étude des projets de recherche amorcés auprès des communautés, surtout ceux entrepris par des chercheurs universitaires. Ce problème devrait être réglé maintenant.

La Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé oeuvre beaucoup à faciliter l'échange d'information entre les chercheurs et les instances gouvernementales. Elle a démontré que ce service était sous-utilisé une fois que des projets de recherche avaient reçu l'assentiment d'aller de l'avant. La majeure partie de l'information provient de trois sources principales: Statistique Canada, les services d'information en santé de l'ICIST et les bases de données administratives, pour la plupart provinciales. La tradition a toujours été de partager ces informations lorsque cela est possible, mais nous devons respecter le principe de la confidentialité, surtout quand il s'agit du domaine de la santé.

Toutefois, il n'est pas facile de simplement échanger de l'information avec d'autres chercheurs. Par exemple, beaucoup de bases de données détaillées de Statistique Canada ne sont pas facilement disponibles à Santé Canada.

Le sénateur Corbin: C'est une question importante, et vous devez avoir accès à ces renseignements pour parfaire votre recherche. Comment contournerez-vous ces difficultés?

[Traduction]

Mme Leslie Gaudette, chef de la section, Traitement et palliation, Division de la surveillance et de la lutte contre le cancer, Bureau du cancer, Laboratoire de la lutte contre la maladie, ministère de la Santé: Nous avons rencontré récemment des représentants de nos centres de soins palliatifs et je voudrais vous dire deux choses à ce sujet. La première a trait à l'étendue de l'organisation des services et la possibilité pour nous de la mesurer en conséquence. La deuxième a trait à certaines bases de données dont M. Halliwell a parlé.

Ce qui m'a frappée quand nous avons rencontré les représentants des centres, et vous en entendrez un plus tard cet après-midi, c'est qu'il s'agit surtout d'organisations locales, ce sont des services communautaires. Avec un peu de chance, ils sont peut-être organisés et coordonnés au niveau régional. Je ne peux pas vraiment vous dire ce qui se passe au niveau provincial. Cependant, dans la plupart des provinces, il est bien évident qu'on ne rassemble pas de données au niveau provincial. C'est bien différent de ce qui se passe dans le cas de la plupart des systèmes de données au Canada, où l'on obtient des données provinciales qu'on fournit à un organisme national, comme Statistique Canada, l'Institut canadien d'information sur la santé ou Santé Canada.

Comme les services vont des soins à domicile aux soins en établissement, les données elles-mêmes sont organisées de façon bien différentes. Il peut y avoir de bons renseignements sur les soins en établissement, mais pas nécessairement sur les soins à domicile. C'est donc difficile d'obtenir une vue d'ensemble. Quand nous analysons les données, nous avons notamment un grave problème pour essayer de voir ce qui arrive aux malades en diverses situations de soins en établissement et de soins à domicile pour avoir une bonne vue d'ensemble. Même si bien des malades préfèrent mourir à la maison, dans certains cas, il peut être nécessaire de les hospitaliser.

Je voudrais parler un peu des bases de données administratives. Je suis détachée de Statistique Canada où j'ai longuement travaillé au Registre canadien du cancer. Nous possédons d'excellentes données sur l'incidence du cancer et de mortalité. Nous obtenons des données sur la survie. Nous avons aussi des données sur l'hospitalisation. Statistique Canada fait le lien entre toutes ces données et cela nous permet d'avoir des dossiers sur les soins donnés aux malades à compter de 1992 environ. Nous venons de signer un contrat avec Statistique Canada pour permettre à Santé Canada de faire d'autres analyses par l'entremise de Statistique Canada. L'un des secteurs qui nous intéressent est celui des soins palliatifs.

On manque beaucoup de données sur les soins à domicile. Par ailleurs, l'Institut canadien d'information sur la santé est en train d'élaborer des bases de données qui ne sont pas encore installées.

Dre Mills: Cela me ramène à la question du sénateur Beaudoin au sujet des choses qu'on pourrait faire. Il y a quelques années, j'ai effectué une enquête auprès de témoins privilégiés à Ottawa-Carleton sur le besoin de soins palliatifs dans la région. L'une des conclusions importantes de cette enquête, c'est qu'il fallait trouver un moyen de garantir que les malades ne soient pas laissés pour compte lorsqu'ils passaient du milieu familial à l'hôpital, qu'ils rentraient chez eux, qu'ils entraient à l'hospice ou qu'ils allaient peut-être en salle d'urgence pour un problème quelconque. On les perdait constamment de vue parce qu'il n'y avait pas de système unique d'information. Il n'existait pas de façon facile de suivre leurs pistes. Certains ont proposé d'utiliser une carte à puce. Nous avons besoin de données de ce genre parce que ces malades ne restent pas toujours au même endroit. Ils passent d'une situation à une autre. Il existe d'énormes obstacles, même sur le plan administratif, pour obtenir une base de données cohérente. Ces difficultés reflètent les problèmes à fournir des services de bonne qualité, cohérents et complets.

[Français]

M. Halliwell: J'appuie les commentaires de madame Gaudette. Statistique Canada qui connaît très bien le problème est à mettre en oeuvre des moyens par lequels les chercheurs pourraient avoir accès aux bases de données. En effet, par le Projet de libération des données, des chercheurs universitaires, en cours de projets de recherche auraient accès aux bases de données de Statistique Canada comme s'ils étaient eux-mêmes des employés de Statistique Canada.

Une des priorités du ministère de la Santé du Canada, dans le domaine de l'informatique avec les provinces, est de promouvoir le développement des moyens d'identification des Canadiens lors de l'utilisation des différents services de santé par l'obtention d'une carte d'identification ou d'un numéro d'identification. Cela donnerait des bases de données administratives plus complètes et reliées de façon plus constantes entre elles. Cela est plus important pour le client, mais cela est aussi important pour faciliter l'accès aux grandes bases de données administratives pour des projets de recherche.

Le sénateur Corbin: Un changement de ministre peut-il affecter la nature de votre travail dans le sens qu'on pourrait accentuer la recherche ou le soutien ou la livraison de services dans un domaine plutôt que dans un autre, et ceci spécifiquement en ce qui a trait aux soins palliatifs?

Si un ministre vous disait qu'il veut absolument que son ministère se concentre de façon très sérieuse sur un service en particulier, sur ses lacunes, ses possibilités, son déploiement régional, et le niveau de coopération intergouvernementale qu'il faut mettre en place pour assurer un bon système de soins palliatifs au Canada, je présume que l'ensemble de la bureaucratie du ministère va prendre les moyens qu'il faut pour réagir aux attentes et aux v<#0139>ux du ministre.

Est-ce effectivement de cette façon que se déroule le scénario? Ou est-ce que chaque direction décide de l'importance à attacher à un rapport comme celui du Sénat sur les soins palliatifs? Qui est le maître-d'<#0139>uvre de ce genre de politique?

Ce n'est pas un doigt accusateur que je pointe aujourd'hui, mais j'ai l'impression qu'en dépit de tout le travail et le progrès que vous avez faits, cela ne bouge pas assez vite. Pouvez-vous me dire quelles sont les relations politiques et bureaucratiques dans un domaine comme celui-ci?

[Traduction]

Qui vous donne vos directives? Recevez-vous des directives?

La présidente: C'est une question que chacun d'entre vous peut trouver difficile. Mme Ouellet peut peut-être essayer de répondre.

Mme Ouellet: Comme notre direction générale s'occupe de politiques, nous aimons croire que nous savons un peu ce qui se passe.

Le ministère a un vaste mandat et un grand nombre de priorités. En partie, notre structure organisationnelle reflète le fait qu'il existe d'énormes pressions et un grand nombre de priorités dans le domaine de la gestion des risques et des services de santé et des soins de santé aux membres des Premières nations. Il est certain que le ministère doit gérer ses efforts et ses ressources dans tous ces secteurs et que nous ne pouvons pas non plus négliger les obligations que nous impose la loi.

Cela étant dit, tout ministère doit tenir compte des priorités qu'établit son ministre. Nous nous efforçons de présenter au ministre des options et des initiatives qui tiennent compte non seulement des priorités elles-mêmes, mais aussi de la rapidité avec laquelle les ministres veulent qu'on s'occupe de certaines choses.

Notre rôle ultime consiste à fournir de bonnes analyses et de bons conseils, mais il peut y avoir toutes sortes de facteurs qui interviennent pour déterminer combien rapidement on peut prendre certaines initiatives. Il y a notamment nos propres ressources, notre propre capacité et les ententes qu'il peut y avoir avec les provinces et les territoires. Comme vous le savez certainement, puisque les soins de santé relèvent des provinces, le rôle du gouvernement fédéral est un rôle d'appui, de facilitation et de leadership, mais il doit toujours collaborer avec les provinces et les territoires.

La présidente: Il s'agissait d'une question bien délicate et je vous remercie de votre réponse.

[Français]

Le sénateur Pépin: Je vous entends tous dire qu'il existe une excellente collaboration entre les provinces. Toutefois, si on se fie aux présentations des témoins la semaine dernière et aux journaux de la fin de semaine, trois choses ressortent: l'accès physique des centres, les médicaments qui ne sont pas disponibles pour tout le monde, la pénurie du personnel qui donne ces services de soin à domicile.

On nous dit que suivant la région ou la province dans laquelle nous demeurons, nous n'avons pas ou n'aurons pas les mêmes soins. Une des choses qui nous préoccupe, c'est comment doit-on procéder pour s'assurer que des personnes dont une demeurera à Halifax, une autre à Québec, une autre à Toronto, et une autre à Vancouver, auront des services semblables avec une accessibilité semblable?

C'est vrai, la collaboration est bonne, mais du côté pratique, lorsqu'on a les deux pieds sur terre, comment peut-on organiser cela et vous aider à coordonner ces soins? D'après les témoignages entendus à ce jour, la qualité et l'accessibilité des soins, ainsi que la distribution des bons médicaments, dépendent de la région dans laquelle vous vivez. Que devons-nous faire pour vous faciliter la tâche et surtout, pour que tout le monde puisse avoir accès, à peu près au même niveau, aux soins palliatifs?

[Traduction]

Mme Ouellet: À bien des points de vue, dans le cadre de notre analyse des programmes de soins à domicile et de soins communautaires, nous avons découvert une bonne partie des problèmes dont vous avez parlé. Le niveau d'accès à l'heure actuelle varie énormément d'une province à l'autre, du moins en ce qui concerne les services visés par les régimes publics. Dans certaines provinces, l'accès aux services se résume aux services professionnels et surtout aux services de soins infirmiers. Dans d'autres provinces et d'autres territoires, les services disponibles peuvent être très variés.

Les services de soins à domicile et de soins communautaires dépendent de toutes sortes de facteurs. Cela dépend de la façon dont les provinces elles-mêmes ont décidé d'organiser leur régime de soins de santé, des secteurs sur lesquels elles ont décidé d'insister et, sous bien des aspects, des ressources disponibles dans leurs budgets de santé pour mettre l'accent sur le secteur des soins à domicile et des soins communautaires. Dans d'autres cas, cela peut dépendre de décisions politiques ou autres quant au rôle du système public par opposition au système privé.

Une très grande partie des soins à domicile et des soins communautaires sont aussi fournis par des organismes du secteur privé. Mes collègues ont déjà parlé du manque de renseignements sur les services publics, mais nous avons encore beaucoup moins de renseignements sur les services privés, même si cette information n'est pas entièrement inexistante. Pour obtenir ces renseignements, il faudrait communiquer avec un grand nombre de fournisseurs du secteur privé au niveau communautaire partout dans le pays. Il est très difficile de savoir exactement ce que représentent ces services.

Quant à savoir ce que nous pouvons faire pour faciliter et promouvoir l'accès à ces services, le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces pour déterminer quels sont les problèmes et les défis et quels problèmes ont une envergure davantage nationale. Dans le domaine de la santé, certains défis relatifs aux ressources humaines, aux fournisseurs de soins et aux professionnels se retrouvent dans tous les secteurs de compétence et c'est la même chose pour les systèmes d'information et les normes relatives à la qualité des soins. Nous essayons de collaborer avec les provinces pour nous attaquer à certains de ces problèmes d'envergure nationale.

Ce faisant, on se rend compte que -- du moins en théorie -- on s'entend de façon assez unanime sur le type de services de soins à domicile ou de soins communautaires que nous souhaitons éventuellement avoir. Actuellement, le problème en est un de ressources dans les provinces. On se préoccupe également des autres pressions qui s'exercent, particulièrement dans les hôpitaux. Par conséquent, certaines provinces sont prêtes à bouger plus vite que d'autres.

La volonté du ministre de rassembler ses collègues pour en discuter devrait permettre de faire avancer la réflexion. Les ministres fédéral et provinciaux s'entendent déjà pour dire que ce dossier est prioritaire -- c'est peut-être cette information-là qui vous manquait. Ils conviennent que c'est ce secteur qui fait face aux plus grandes pressions et qui se ressentira le plus du vieillissement de la population. Il nous faudra donc offrir les services voulus; mais en dernière analyse, c'est aux provinces à décider comment elles offrent ces services, comment elles les organisent et à quelle vitesse elles les élargiront pour répondre aux besoins des Canadiens.

[Français]

Le sénateur Pépin: Il n'est pas rare de nos jours de voir les membres d'une famille quitter leur province natale pour aller travailler dans d'autres provinces. Il est donc probable qu'ils souffrent d'une maladie semblable et ne recoivent pas les mêmes soins parce que ceux-ci varient d'une province à l'autre.

[Traduction]

Mme Ouellet: C'est vrai, et c'est dû à un autre facteur du système qui complique les choses. Nombre de provinces, à l'exception de l'Ontario, ont décidé de régionaliser la prestation des services. Cela signifie dans les faits que les provinces fourniront aux autorités sanitaires régionales ou aux administrations de santé communautaire des budgets globaux afin qu'elles puissent desservir leurs populations. Dans une même province, il peut y avoir des variations d'une région à l'autre, selon la façon dont on a évalué les besoins de la population et selon que l'on a choisi de mettre l'accent sur tels ou tels services et d'en offrir certains plutôt que d'autres.

Même dans un cadre de responsabilité global et général, il peut y avoir des variations d'une région à l'autre d'une même province.

[Français]

Le sénateur Pépin: Pourrait-on retrouver la même chose ici avec l'usage de certains médicaments? Est-ce qu'une province peut décider de restreindre la distribution de certains médicaments plus dispendieux à moins que le patient dispose d'une assurance privée? Est-ce que certaines provinces sont plus portées que d'autres à donner certains médicaments?

[Traduction]

Mme Ouellet: Il est évident qu'il y a des variations d'une province à l'autre, pour ce qui est des régimes d'assurance-médicaments s'appliquant aux médicaments remboursés par l'État. Mais à l'intérieur d'une même province, puisque la gestion reste à l'échelle provinciale, les critères d'admissibilité, de même que les quote-part ou les franchises restent les mêmes partout dans la province.

Mme Gillis: J'ai déjà dit que la province de résidence ne sert pas à déterminer si un membre des Premières nations ou un Inuit peut avoir accès ou pas à un médicament. L'accès dépend du médecin prescripteur. Tout médicament prescrit par un médecin qui sert à gérer la douleur ou à la maîtriser à domicile est subventionné par le programme des soins de santé non assurés s'appliquant aux Premières nations et aux Inuits.

Il y a toutes sortes de médicaments inscrits au formulaire. Si un médicament ne s'y trouve pas parce qu'il est d'usage extrêmement limité, il est possible pour le médecin de faire une demande particulière et de se le faire envoyer rapidement par une pharmacie. Pour avoir parlé aux gestionnaires de la direction générale qui s'occupent du programme, il semble que, de l'avis des pharmaciens, peu de gens se font refuser la demande. Autrement dit, ils ont accès à tous les médicaments.

La présidente: Docteure Mills, vous dites que 90 p. 100 des patients de soins palliatifs sont des cancéreux. Dans notre premier rapport, nous avions parlé de la nécessité d'élargir les soins palliatifs pour qu'ils s'appliquent non seulement aux cancéreux mais également aux victimes de la sclérose latérale amyotrophique, de l'Alzheimer et d'autres maladies encore. Si je vous comprends bien, cela n'a pas été le cas depuis les cinq dernières années, n'est-ce pas?

Dre Mills: Ce n'est pas tant que les soins palliatifs sont réservés de préférence aux cancéreux. C'est plutôt que le cancer est une maladie beaucoup plus répandue que les autres et que ce sont les cancéreux qui occupent le plus grand nombre de lits. Les Canadiens ont une chance sur trois d'attraper le cancer au cours de leur vie. Autrement dit, il y a toujours beaucoup de gens qui ont le cancer. Par conséquent, il y aura en tout temps toujours plus de cancéreux ayant besoin de soins palliatifs que tout autre type de malades. Ce sont donc les cancéreux qui, dans un avenir prévisible, formeront la clientèle dominante des soins palliatifs. Mais vous avez tout à fait raison: ce n'est pas là la seule clientèle des soins palliatifs et nous devons faire en sorte que ces services palliatifs soient offerts à tous ceux qui en ont besoin.

La présidente: Lors de notre étude précédente, nous avons trouvé des cas isolés de gens qui n'avaient pas pu avoir accès aux soins palliatifs dont ils avaient besoin, parce qu'ils n'étaient pas cancéreux. Autrement dit, le critère d'admission aux soins palliatifs, c'était avoir le cancer.

Mme Gaudette: Seulement un des six centres que nous avons étudiés limitait de façon spécifique son programme de traitement aux cancéreux. La plupart des autres acceptaient d'autres types de malades. Il y a quelques semaines, on a assisté à des discussions très intéressantes sur le besoin relatif qu'avaient les cancéreux de soins palliatifs.

Le cancer métastatique donne souvent lieu à des douleurs aiguës. C'est une maladie de longue durée, et le traitement curatif à des fins de thérapie est normalement dispensé dans une agence centrale ou dans des centres de traitement qui sont parfois bien loin du domicile du patient. Vers la fin de sa vie, le cancéreux est d'habitude traité près de chez lui et peut, avec un peu de chance, être placé dans un centre de soins palliatifs.

La présidente: Madame Gillis, j'ai été surprise de vous entendre dire que le programme de soins communautaires destinés aux autochtones n'entrera en vigueur qu'en 2002-2003. Est-ce que je vous ai mal comprise?

Mme Gillis: On a annoncé que le programme atteindrait 152 millions de dollars répartis sur trois ans. Le financement grimpe avec les années. Le financement permanent commence en 2002-2003. Cette année, il existe un budget, et l'on est à préparer la planification. L'année prochaine, il y aura plus de travaux de planification, d'élaboration et de prestation de services dans les régions qui sont déjà prêtes. Cela veut dire que l'on formera tous les travailleurs en santé, que l'on répondra à certains besoins en immobilisations, et cetera.

Au fur et à mesure que l'on dispensera des services et que le programme sera mis au point, chaque collectivité participera à son propre rythme. Toutefois, le financement complet ne se fera qu'en 2002-2003.

La présidente: Je viens du Manitoba, et tous les petits autochtones du Manitoba qui sont gravement malades sont transportés jusqu'à l'Hôpital des enfants de Winnipeg. Dans bien des cas, on y garde les enfants plutôt que de les renvoyer chez eux parce qu'ils n'y trouveraient aucun service.

Nous savons bien que les lits d'hôpitaux réservés aux soins aigus constituent le facteur de dépenses le plus élevé dans le système de prestation de soins; il est inutile d'en refaire la preuve. Toutefois, on accorde parfois ces lits destinés aux soins aigus à des petits autochtones de trois ans qui seraient bien plus heureux chez eux, dans leurs collectivités autochtones, où ils trouveraient une certaine stabilité. J'imagine que c'est ce genre d'anomalies que vous voulez corriger, n'est-ce pas?

Mme Gillis: Tout à fait. Au Manitoba, la Direction générale des services médicaux de Santé Canada, le ministère des Affaires indiennes et la province ont lancé un programme spécial destiné aux Premières nations manitobaines. Ce programme s'applique à plusieurs enfants qui ont de grands besoins de soins médicaux et qui ont été placés dans des hôpitaux et dans des centres de soins spéciaux pendant un certain temps. Le programme vise à renvoyer ces enfants chez eux, dans leur propre collectivité, en leur donnant accès dans bien des cas à des services de soutien 24 heures sur 24. Je vous parle ici d'un programme pilote qui ne dépend pas de la nouvelle initiative de soins à domicile.

Les collectivités des Premières nations nous pressent pour que nous fassions démarrer ce programme le plus rapidement possible. Mais elles sont également très sensibles à la nécessité de bien planifier le programme, pour que ses assises soient solides et lui permettent d'être mené à bien. Mais les pressions sont énormes, et les collectivités les ressentent. Nous travaillons de concert avec elles pour tenter de faire accélérer les choses.

La présidente: Les lettres que j'ai écrites pourront peut-être aider. On ne sait jamais.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: En matière de santé, les relations entre les gouvernements fédéral et provinciaux sont très importantes. Chacun a un rôle à jouer, le gouvernement fédéral, par exemple, sur le plan du Code criminel, du pouvoir de dépenser, et cetera.

Vous nous dites que des rencontres ont lieu chaque mois entre ces deux paliers. Que vous disent les gouvernements provinciaux? Y a-t-il des conflits? Sont-ils satisfaits de ce qui se fait à travers le pays? J'imagine que les provinces n'ont pas toutes le même système, certaines, peut-être plus riches que d'autres, ayant plus de facilité.

Le Canada est reconnu mondialement en ce qui a trait aux questions de santé, mais il n'y a pas de système parfait. Quels reproches les provinces vous font-elles, quelles louanges?

[Traduction]

Mme Ouellet: C'est toute une question.

Le sénateur Beaudoin: Vous pouvez en couper des bouts, si vous voulez.

Mme Ouellet: Quand j'ai dit que nous nous voyons tous les mois, ce n'est évidemment pas le même groupe qui se réunit aussi fréquemment. Ce que j'ai voulu dire, c'est que sous l'égide des comités fédéral et provinciaux de la santé, il existe des comités de ministres, un comité de sous-ministres et quatre comités consultatifs. Ceux-ci chapeautent également des sous-comités qui s'occupent de sujets précis, dont l'un est celui qui nous intéresse aujourd'hui, soit les soins de longue durée et les soins à domicile.

Donc, ces comités se réunissent très fréquemment pour faire avancer les dossiers en matière de santé et, plus particulièrement, pour faire avancer le système de santé partout au pays. Leurs mandats découlent d'accords conclus entre les ministres et, dans ce cas-ci, il ne fait aucun doute que les soins communautaires et les soins à domicile constituent une priorité et que c'est ce vers quoi devraient tendre les efforts. En fait, cela a même fait accélérer la fréquence de nos réunions et celle de nos conférences téléphoniques là-dessus.

Essentiellement, les provinces veulent savoir comment nous pouvons les aider à déterminer ce qui donne des résultats ou pas en termes de modèles servant efficacement à la prestation de soins. Les provinces veulent également savoir quelles sont les économies que pourrait permettre le système. Ainsi, nous subventionnons actuellement une étude par le truchement du Fonds pour l'adaptation des services de santé, dont j'ai parlé plus tôt, qui se penche sur la rentabilité des soins à domicile et des soins communautaires. Autrement dit, pour quels patients et dans quelles situations ces soins sont-ils les plus rentables, et lorsqu'ils ne sont pas rentables, dans quels cas ne sont-ils pas non plus appropriés par rapport aux besoins du patient?

Nous aidons les provinces en soutenant des projets de démonstration associés à de la recherche et nous aidons à faciliter l'échange d'information. Nous les aidons également à élaborer des stratégies pour leur permettre d'aller de l'avant, même si ces stratégies relèvent véritablement de leur compétence et qu'il revient à ces mêmes provinces de décider individuellement quand elles mettront en vigueur ces initiatives et à quel rythme.

La difficulté vient de ce que même si les défis sont relativement communs à toutes les provinces, celles-ci n'en sont pas toutes au même point dans le développement de leur propre système de santé, ni dans leur seuil de préparation. Mais nous essayons de les aider là où c'est possible. Le manque de financement du système de santé est toujours problématique, mais les provinces seraient les premières à reconnaître que la solution ne consiste pas à financer davantage des programmes inadaptés.

Il faut définir quelles sont les meilleures façons de développer ce secteur dans le but de répondre aux besoins de notre mieux, dans les limites de nos ressources. Nous savons que les soins sont de bonne qualité, et nous sommes en mesure de faire le suivi des soins reçus en collectivité par la population et d'en évaluer la qualité. Nous savons que cette partie-là du système s'intègre de mieux en mieux avec les autres secteurs du système, de sorte que si le patient quitte un centre il ne sera pas laissé pour compte jusqu'à ce qu'un autre centre le prenne en charge et lui offre des soins.

Il se fait actuellement du travail qui sera utile sur le plan stratégique et pratique. En dernière analyse, le gouvernement fédéral peut évidemment jouer un grand rôle, la plupart du temps, en collaborant avec les provinces.

La présidente: Merci beaucoup à tous ceux qui ont participé à cette table ronde. Nous espérons que vous accepterez de répondre à d'autres questions que nous pourrions avoir, soit par lettre soit en comparaissant à nouveau.

Madame Ouellet, vous nous avez promis un résumé des travaux que faisait le comité inter-directions générales et qui pourrait nous intéresser dans notre réflexion.

Monsieur Halliwell, vous avez dit que vous nous enverriez certains résumés -- voire les études au complet, si c'est ce qui intéresse les membres du comité. J'ai déjà vu moi-même certaines des études du PNRDS.

Si l'un ou l'autre des autres témoins pensent que certains documents pourraient nous être utiles dans notre réflexion, n'hésitez pas à nous l'envoyer. Je le ferai distribuer sans faute à tous les membres du comité.

Le sénateur Corbin: Avant que Mme Gaudette ne parte, j'aimerais déposer une plainte. Les parlementaires qui souhaitent obtenir certaines analyses de Statistique Canada doivent payer pour l'obtenir. J'ai dû moi-même payer pour obtenir de l'information. Or, vous affirmez que les universitaires, lorsqu'ils prétendent être associés à Statistique Canada dans le cadre d'une recherche, peuvent avoir accès à vos banques d'information sans frais.

Nous avons entendu dire plus tôt qu'un ministère client comme Santé Canada avait conclu un contrat avec Statistique Canada. Je ne sais si cela lui a coûté quelque chose ou pas. Mais, madame la présidente, j'estime que dans le cadre de nos fonctions et de nos recherches, comme parlementaires qui ont à coeur leur travail, nous ne devrions pas avoir à payer pour obtenir de l'information qui est essentielle pour nous permettre d'évaluer et de juger les programmes gouvernementaux.

La présidente: J'ai entendu votre plainte, et je suis convaincue qu'au bon moment, elle sera transmise aux gens concernés. Merci beaucoup à tous.

Mesdames et messieurs du comité, nous avons l'extrême plaisir de recevoir des représentants du Centre de santé Elisabeth-Bruyère. Ceux d'entre vous qui habitent dans la région d'Ottawa connaissent bien le beau travail qui y est fait. J'ai moi-même connu des gens qui y ont séjourné et d'autres qui y ont fini leurs jours. En leur nom et au nom de leurs familles, je remercie les représentants du Centre Elisabeth-Bruyère et son personnel des merveilleux soins qui leur ont été prodigués.

Après cette note personnelle, j'accueille aujourd'hui le Dr Ray Viola, le Dr Cori Shchroder, Mme Maryse Bouvette et Mme Diane Hupé, qui représentent tous le Programme des soins palliatifs.

Mme Maryse Bouvette, infirmière, coordinatrice de l'équipe d'évaluation de la douleur et des symptômes, Programme de soins palliatifs, Service de santé des Soeurs de la Charité d'Ottawa: Mesdames et messieurs du Sénat, nous représentons le Centre régional de soins palliatifs qui comprend 45 lits réservés aux soins palliatifs au Centre de santé Elisabeth-Bruyère, qui fait partie du Service de santé des Soeurs de la Charité d'Ottawa, et qui inclut un service de consultation téléphonique et de consultation à domicile 24 heures par jour, de même que l'Institut des soins palliatifs. Ces trois services composent donc la Centre régional de soins palliatifs.

Pour vous faire part de notre expérience et vous exposer nos doléances, j'ai pensé vous décrire un cas spécifique. Nous espérons qu'en vous donnant les détails du cas, vous comprendrez ce qui nous tient à coeur. Le cas dont je vous parlerai est celui d'un mécanicien de 45 ans du nom de John, chez qui on a diagnostiqué un cancer du poumon. John a deux fils de 12 et 15 ans et sa femme travaille à temps partiel. Dès le diagnostic, John fut traité par chirurgie et par chimiothérapie, de même que par radiation. Puis, sa maladie est réapparue, et son oncologue lui a offert un traitement de chimiothérapie secondaire.

La chimiothérapie vise avant tout à traiter les symptômes et à prévenir ceux-ci. Elle peut éventuellement prolonger la vie d'un mois ou deux. Toutefois, John a décidé de refuser cette chimiothérapie secondaire en raison de tous les effets secondaires qu'il avait dû subir lors de son premier contact avec la chimiothérapie. Son oncologue le recommande donc à l'équipe de la médecine palliative de la clinique du cancer, pour qu'il puisse apprendre comment gérer ses symptômes et sa douleur et pour qu'il puisse en savoir plus sur les soins palliatifs.

Un mois plus tard, John a très mal à l'épaule. Sa douleur va de moyenne à sévère, mais elle se traduit par une douleur aiguë qui le fait souffrir en permanence. La douleur l'empêche de dormir, car elle se fait sentir lorsqu'il change de position. Elle est plus grave lorsqu'il tousse et lorsqu'il respire à fond. Le médecin de famille recommande des radiographies pulmonaires pour que l'on essaie de savoir ce qui s'est passé et lui prescrit de la morphine sur une base régulière, de même qu'une dose supplémentaire au besoin, pour alléger sa souffrance. Son médecin de famille se tourne également vers la clinique de médecine palliative que John a consultée au départ. Il obtient une consultation avec le médecin des soins palliatifs.

Lorsque John est vu par le médecin des soins palliatifs, les radiographies montrent une grande masse qui s'étend jusqu'aux côtes, ce qui explique certains des symptômes qu'il présentait. On constate également d'autres symptômes, tels que la nausée et la constipation. Le médecin des soins palliatifs recommande d'augmenter la dose de morphine et d'ajouter quelques coanalgésiques, qui ne sont pas vraiment des analgésiques mais qui peuvent soulager la douleur. John se fera également évaluer par le radio-oncologue en vue de subir éventuellement une radiothérapie qui pourrait l'aider à contrôler les symptômes de sa maladie.

En parallèle, le tableau s'assombrit pour la famille, en même temps qu'il s'assombrit pour John. Il est donc opportun de faire intervenir le Centre d'accès aux soins communautaires. Une infirmière doit donc désormais surveiller régulièrement ses symptômes et sa douleur, et un travailleur social doit désormais aider John dans son questionnement psychosocial et spirituel. Un physiothérapeute intervient également pour l'aider à trouver la bonne posture et pour aborder la gestion de sa douleur sous un angle non pharmacologique. L'hospice concerné offre enfin à la famille l'aide de bénévoles.

John et sa famille sont tout disposés à accepter toute l'aide qu'on leur offrira, car ils en ont besoin. Comme la femme de John continue à travailler, elle est rassurée de savoir que tous ces gens peuvent aller chez elle pour aider son mari, et elle sait qu'il n'est jamais longtemps seul.

Même si les symptômes s'allègent, la santé de John ne cesse de se détériorer. Comme John s'affaiblit, le médecin de famille accepte d'aller le voir chez lui. Un autre symptôme survient: un essoufflement constant qui inquiète beaucoup. C'est alors que le médecin de famille demande une consultation à domicile. Le symptôme est de nature à inquiéter énormément la famille, qui voudrait le voir corrigé. L'équipe de consultation en soins palliatifs se rend donc chez John et s'attaque au symptôme de l'essoufflement en lui administrant de la morphine grâce à une pompe qui permet à John de recevoir de façon continue le médicament auquel on a ajouté des stéroïdes et de l'oxygène. L'infirmière présente montre à la famille comment contrôler l'angoisse de John par des moyens non pharmacologiques, tels que la respiration de détente, le compagnonnage et la relaxation. Ces méthodes sont très utiles, tout comme l'est le médicament administré à John pour diminuer son angoisse.

La femme de John décide alors de quitter son emploi car elle doit être plus souvent au chevet de son mari. Il en découle des difficultés d'ordre financier. Toutefois, le travailleur social peut essayer de l'aider, de même qu'aider les deux enfants. Au fil des jours, John devient de moins en moins conscient, et sa femme craint qu'il ne mange ni ne boive suffisamment. Il se pose alors le problème de la déshydratation. Pour le régler, nous lui faisons de l'hypodermoclyse -- c'est-à-dire que nous l'hydratons de façon hypodermique -- à la maison, ce qui rassure sa femme qui craignait la déshydratation. Nous devons également nous demander si cette procédure en vaut vraiment la peine. Nous intervenons de cette façon en sachant que si l'intervention ne réussit pas, nous la cesserons. L'infirmière intervient de son côté pour assurer les soins buccaux -- c'est-à-dire veiller à ce que la bouche de John soit bien hydratée -- et elle montre à la famille comment faire.

Les choses se tassent ensuite jusqu'à ce qu'apparaisse le symptôme suivant, l'agitation et la nervosité: c'est l'état délirant. À nouveau, le médecin de famille demande aux spécialistes des soins palliatifs de s'occuper du problème à domicile, ce qui donne de bons résultats.

Dès le début de la maladie, il fut décidé que John resterait le plus longtemps possible chez lui. Toutefois, il ne voulait pas mourir à la maison. Même si ses symptômes sont mieux contrôlés, la détérioration de son état saute aux yeux; par conséquent, on prévoit l'admettre à l'unité spécialisée des soins palliatifs. C'est là que John meurt, trois jours après y avoir été admis. Après son décès, il faut quand même s'occuper de la famille. Le soutien aux endeuillés est fourni non seulement à l'hospice, mais aussi à l'unité spécialisée des soins palliatifs qui s'occupe des appels téléphoniques, des services commémoratifs et qui fait intervenir un groupe de soutien aux personnes endeuillées.

Voilà l'histoire d'un de nos cas. Ils ne sont pas tous aussi bien coordonnés que celui-ci, mais il serait préférable qu'ils le soient tous.

Je suis ici pour vous parler des soins cliniques et du travail d'équipe requis pour prendre soin d'une personne chez qui on a diagnostiqué une maladie terminale. Il y a certains éléments clés dont je voudrais vous faire part. D'abord, il y a les besoins du patient. Patient et famille font partie de l'équipe, et il faut donc qu'ils aient accès à toute l'information voulue et qu'ils puissent partager leurs inquiétudes pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées.

En second lieu, il est essentiel que l'on puisse avoir accès à des spécialistes interdisciplinaires en soins palliatifs. Patient et famille représentent une unité de soins, et notre rôle est de les aider à atteindre leur objectif. Autrement dit, la «qualité de vie» dépend de leur interprétation, et chaque vision doit être individualisée. L'équipe de soins de santé doit reconnaître les besoins de cette unité et lui offrir d'avoir accès aux services, lorsqu'ils sont disponibles. Une collaboration permanente entre l'oncologue et le médecin de famille est essentielle. L'approche interdisciplinaire et holistique est également essentielle pour répondre aux besoins des intéressés. Par «holistique», on entend global. La personne n'est pas seulement un corps, mais elle est aussi un être psychosocial, émotif et spirituel.

L'exemple de John peut servir à illustrer certains de mes propos. Dans le cas qui nous occupe, John était bien informé. Il a pu exercer son choix plus d'une fois. C'est lui qui a décidé de son traitement, de la façon dont sa famille suivrait sa maladie et de l'endroit où il voulait mourir. Il arrive souvent que l'insatisfaction ressentie lors des soins aux patients découle du fait que ceux-ci ne sont pas toujours bien informés et qu'ils n'ont pas toujours la possibilité de décider pour eux-mêmes.

Le rôle des médecins de famille est essentiel. Personne ne peut espérer mourir à la maison s'il n'y a pas un médecin de famille qui vienne sur place pour donner des soins à domicile. Toutefois, beaucoup de médecins se sentent mal à l'aise dans ces cas et refusent de faire des visites à domicile. D'après mon expérience, j'ai constaté que les médecins peuvent changer d'avis lorsqu'ils se rendent compte qu'il existe un service prêt à les épauler. Il faut donc essayer de changer les attitudes.

L'équipe des premiers recours doit avoir accès aux spécialistes, car on ne peut s'attendre à ce que tous soient des experts. Mais tous peuvent apprendre. Le nombre de patients en phase palliative qu'un médecin de famille peut rencontrer en une année ne suffit peut-être pas pour faire de lui un expert en la matière. Toutefois, s'il sait qu'il peut s'appuyer sur toute une équipe, le médecin se sentira rassuré. John était privilégié, car il a pu avoir accès à ce service et qu'il a été bien traité chez lui.

La gestion des symptômes et de la douleur doit être abordée de façon holistique. Vous avez peut-être entendu parler du principe de la douleur globale. Même si nous avons parlé uniquement de douleur physique, il faut savoir que la douleur physique peut être aggravée par des malaises psychosociaux et émotifs. Autrement dit, il est possible de réduire partiellement la douleur physique en traitant les malaises psychosociaux et émotionnels et en n'utilisant pas uniquement les méthodes pharmacologiques.

La collaboration et la communication entre le médecin de famille et l'oncologue sont essentielles. Cette collaboration est souvent réelle. Lorsqu'un patient est suivi par un médecin de famille et qu'on lui a diagnostiqué un cancer, il est ensuite suivi par un spécialiste pendant des mois, voire des années. Or, lorsqu'il atteint, par exemple, la phase des soins palliatifs et qu'on ne peut plus lui offrir de chimiothérapie, vers qui se tourne-t-il? Il se tourne alors vers son médecin de famille qu'il avait perdu de vue depuis quelques mois ou années. Le système n'est pas uniforme, et c'est pourquoi il faut qu'il y ait continuité, collaboration et communication entre le médecin de famille et l'oncologue ou autre spécialiste.

Il faut pouvoir accéder à des ressources interdisciplinaires. On a beau recommander au patient de voir un travailleur social ou un physiothérapeute chez lui, à son domicile, mais le service existe-t-il dans la collectivité du patient? Autrement dit, sommes-nous en train de lui suggérer des services qui ne sont pas disponibles? Nous devons nous assurer qu'ils le sont au contraire.

Il est également important qu'il y ait un maximum de communication entre le patient, la famille et tout le régime de soins de santé. Le cas que je vous ai raconté est un bon exemple des bons résultats que l'on peut obtenir grâce à de bonnes communications. Les symptômes ont été bien traités, les soins ont été augmentés en fonction de la progression de la maladie et les communications ont bien fonctionné.

Il n'existe pas d'endroit idéal où mourir. C'est à chacun de nous de définir ce qui nous convient, selon notre expérience, nos valeurs et notre état réel.

Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'aide aux endeuillés. La mort d'une personne ne résout pas tous les problèmes. Les autres continuent de vivre avec les séquelles. Nous devons les aider à traverser ces moments difficiles et à trouver du réconfort. Il faut parfois toute une vie pour trouver un sens aux événements de notre vie. Par le partage et le souvenir, nous pouvons aider les membres des familles en deuil et à avoir peut-être une attitude plus positive envers la vie.

Dr Cori D. Schroder, médecin, Programme de soins palliatifs, Service de santé des Soeurs de la Charité d'Ottawa: Je suis médecin dans le domaine des soins palliatifs. Je dispense des soins cliniques aux patients de l'unité et j'offre des services d'expert-conseil aux Soeurs de la Charité d'Ottawa. Je suis également éducatrice. Puisque je m'intéresse énormément à l'enseignement relatif aux soins palliatifs, mes propos se situeront donc dans une perspective d'enseignement et de formation.

À l'échelle régionale, puisque cet enseignement est généralement offert à l'échelle régionale et que c'est la situation que je connais, j'estime que l'objectif général des programmes d'enseignement en soins palliatifs devrait être de rehausser le niveau général des compétences de tous les dispensateurs de soins de santé et de leur offrir des cours de perfectionnement afin d'améliorer la prestation des soins palliatifs auprès de tous les patients mourants de la région. L'enseignement et la formation en soins palliatifs posent certaines difficultés. L'une de ces difficultés, c'est de comprendre toute la complexité des soins qui sont compris dans les soins palliatifs. Ces soins portent non seulement sur la douleur ou les symptômes physiques, mais aussi sur les aspects psychosociaux et spirituels.

Les soins palliatifs sont encore plus complexes du fait que leurs exigences peuvent varier. À l'origine, les soins palliatifs étaient destinés aux patients atteints d'un cancer, mais ils sont maintenant étendus, ou pourraient l'être, à d'autres patients qui souffrent de maladies chroniques dont des maladies mortelles cardiaques, pulmonaires, musculo-squelletiques et neuromusculaires. Il est devenu difficile d'acquérir suffisamment de connaissances dans ces domaines. Comment peut-on appliquer aux autres maladies chroniques les leçons que nous avons tirées de notre expérience dans le domaine du cancer et des soins en fin de vie?

Ces soins sont également complexes du fait du milieu où ils sont offerts. On nous a dit également que les soins palliatifs peuvent être offerts dans divers milieux, non seulement dans des établissements, mais dans les collectivités, que ce soit dans un centre urbain ou un centre rural; cela ajoute à la complexité de ce que nous devons enseigner.

Les étudiants doivent acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour prendre soin de ces patients. Il est essentiel de leur enseigner une nouvelle mentalité, et c'est extrêmement difficile. Dans le cas de la gestion de la douleur, nous avons enseigné pendant des années aux gens comment bien utiliser les opiacés et les analgésiques. Tant que nous ne commencerons pas à changer les mentalités, il n'y aura pas de progrès dans le niveau des soins palliatifs. Des études révèlent que le contrôle de la douleur n'est pas adéquat. Par contre, on nous rappelle qu'il faut du temps pour changer les mentalités et que cela ne peut se faire dans le cadre des cours théoriques qui constituent la méthode normale d'enseignement.

Dans l'enseignement et la formation en soins palliatifs, il faut enseigner aux gens comment collaborer et travailler en équipe. Vous avez entendu parler d'équipes virtuelles dans les communautés; c'est certes le cas des équipes dans les unités de soins palliatifs, mais il faut enseigner aux gens comment travailler en équipe et comment coordonner leurs efforts. Cela ne va pas de soi. Il faut offrir une formation spécialisée. C'est une bonne chose que tous les dispensateurs de soins de santé reçoivent une formation de base, mais il faut aussi des experts qui puissent servir de personnes ressources dans les consultations, l'enseignement et la recherche.

Nous devons évaluer les résultats. Nous ne savons pas si les programmes actuels d'enseignement sont efficaces parce que personne ne les a évalués. La mesure ultime de ces programmes, ce sont les avantages que peuvent en retirer les personnes mourantes dans la collectivité. Ce n'est que de cette façon que l'on peut évaluer l'enseignement qui est offert et diffuser de bonnes méthodes d'enseignement.

Enfin, pour ce qui est des programmes régionaux, il est certain que nous avons besoin de la participation de la population à la planification, à la mise en oeuvre et à l'évaluation de ces programmes. Dans le cas mentionné, l'oncologiste et le médecin de famille se sont concentrés sur les soins plutôt que sur la guérison. Ils ont démontré l'importance du partage des soins, de la collaboration et d'une bonne communication. Ils possédaient des connaissances de base sur le contrôle des symptômes et se sont montrés sensibles aux aspects physiques, c'est-à-dire psychosociaux et spirituels. Ils connaissaient les ressources à leur disposition et savaient quand les utiliser, et ils ont pu travailler en équipe.

Où ont-ils appris à faire tout cela? Il n'existe malheureusement pas d'uniformité dans l'offre, la forme ou le sujet de l'enseignement des soins palliatifs destiné aux étudiants de premier cycle en médecine, et ce, malgré la recommandation faite dans le rapport de 1995. Il n'existe pas non plus de formation sur la façon de travailler en équipe pour résoudre des problèmes complexes. Dans certains programmes de formation médicale de deuxième et de troisième cycle, il existe des stages obligatoires en soins palliatifs, mais là encore, il n'y a pas d'uniformité dans l'enseignement. Bon nombre de médecins, surtout les médecins de famille qui offrent la majeure partie des soins, ne sont même pas certains d'obtenir la formation obligatoire en soins palliatifs. Et de toute façon, il n'existe pas de formation sur la façon de travailler en équipe.

Pour ce qui est de l'éducation permanente en médecine, il existe en Ontario quelques petites initiatives, mais puisque ces initiatives doivent être renouvelées chaque année, on ne sait jamais si elles seront financées ou non. Elles sont tout au plus sporadiques et sont appliquées différemment selon les régions, en plus d'être limitées par le manque de financement. Ces initiatives ne sont pas adaptées à des milieux précis. Par exemple, on peut mettre sur pied une initiative qui fonctionne bien dans un centre urbain, mais on n'est pas certain de pouvoir offrir les cours aux gens des centres ruraux parce que le milieu et les ressources y sont différents. Il n'y a pas eu non plus d'évaluation des initiatives qui sont mises en oeuvre en Ontario, par manque de fonds et, à l'heure actuelle, par manque d'intérêt.

L'expert-conseil en soins palliatifs possède des connaissances spécialisées dans le contrôle des symptômes -- c'est-à-dire les soins holistiques. Cet expert apporte une aide importante à l'équipe des soins primaires, joue le rôle de personne-ressource et d'éducateur et est en mesure de travailler au sein de l'équipe. Où ces compétences sont-elles enseignées? Quelques rares centres ont offert une formation de deuxième ou troisième cycle. Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et le Collège des médecins de famille du Canada ont récemment accrédité un programme de formation en médecine palliative pour les étudiants de deuxième et troisième cycle. Sept des 15 facultés ont demandé à offrir le programme, mais ce programme n'est pas financé.

Le sénateur Corbin: Qu'entendez-vous par là?

Mme Schroder: Il n'y pas de financement pour le salaire des résidents non plus que des ressources pour l'infrastructure nécessaire à ce programme.

Les membres de l'équipe pluridisciplinaire qui s'occupent du patient ou de sa famille sont aussi importants que les médecins. Ils se concentrent sur les soins plutôt que sur la guérison, ils doivent posséder des connaissances et une compréhension de base des soins palliatifs selon leurs fonctions et ils doivent être capables de travailler en équipe. Nous ne savons pas où ils acquièrent la formation nécessaire. La formation des infirmiers et infirmières, des travailleurs sociaux, des pharmaciens et des travailleurs de la pastorale ne comporte pas de cours obligatoires en soins palliatifs. Leur éducation permanente est limitée et on ne leur enseigne pas le travail pluridisciplinaire. La formation des dispensateurs non professionnels de soins de santé est encore plus limitée. Tous les dispensateurs des soins de santé doivent posséder des compétences de base afin que les patients puissent jouir de soins de bonne qualité. Nous devons financer des programmes spécialisés et appuyer des initiatives qui donneront à tous les dispensateurs de soins de santé l'occasion de recevoir la formation. Cette formation doit être axée sur le milieu et tenir compte du caractère pluridisciplinaire des soins palliatifs. Mais nous devons surtout évaluer les programmes de formation et d'enseignement qui existent déjà pour vérifier leur efficacité.

Dr Raymond A. Viola, médecin, Programme de soins palliatifs, Service de santé des Soeurs de la Charité d'Ottawa: Je vais vous parler de la recherche et de l'évaluation des programmes de soins palliatifs au Canada.

C'est grâce à la recherche et aux évaluations que les soins de santé peuvent être améliorés. Sans recherche et sans évaluation, ces soins cessent d'évoluer et perdent leur pertinence pour leur clientèle. La recherche peut être simple, comme dans le cas de l'observation clinique et de la documentation, ou très complexe, comme dans le cas des effets multicentriques sur échantillon aléatoire et contrôlé.

Les soins palliatifs sont un domaine de soins de santé récent et en pleine évolution. Ils ont beaucoup progressé en peu de temps grâce à la capacité des cliniciens de ce domaine à innover dans les soins destinés aux mourants et à observer soigneusement les effets apparents de leurs innovations. C'est de cette façon par exemple qu'on a révolutionné au cours des 30 dernières années le traitement de la douleur chez les patients souffrant d'un cancer avancé. C'est grâce à la vaste expérience qu'ont acquise les cliniciens en soins palliatifs au cours des trois dernières décennies qu'on a pu traiter de façon sûre et efficace la souffrance de John au moyen de morphine et d'autres médicaments. L'utilisation régulière de doses de morphine par voie orale, l'administration élective d'opiacés, l'augmentation progressive des doses et l'usage d'infusions continues de remèdes sont tous issus des méthodes cliniques, de l'innovation, du dévouement, de l'observation, de la documentation et des rapports des cliniciens qui s'occupent des mourants.

On a également précisé les thérapies qui permettent d'évaluer et de gérer d'autres symptômes. Par exemple, on sait maintenant que l'angoisse respiratoire est, comme dans le cas de John, un symptôme commun chez les mourants. Le délire est également très fréquent à l'approche de la mort. Il y a eu des progrès dans l'évaluation, la prévention et la gestion de ces problèmes, même si ces progrès ont été moins considérables que ceux du traitement de la douleur. La faiblesse, la perte d'appétit et de poids sont très fréquents chez les mourants, et ce parfois des mois avant la mort. Nous sommes encore loin de pouvoir aider les mourants qui éprouvent ces problèmes ou de pouvoir les aider à vivre de façon satisfaisante malgré la débilité grave qui en résulte.

L'administration de liquides par perfusion lorsqu'une personne est mourante et qu'elle ne peut à peu près rien absorber par voie orale est controversée. C'est l'un des problèmes auxquels ont été confrontés la famille de John et les professionnels de la santé qui se sont occupés de lui. Il est important de comprendre les problèmes cliniques de chaque cas mais il est également important de comprendre les patients et leur famille et de les aider à prendre les décisions qui s'imposent en fin de vie. Ce sont des questions qui commencent à peine à être examinées de façon systématique par les chercheurs dans le domaine des soins en fin de vie, et il reste encore énormément à faire.

Les soins offerts aux mourants à domicile par la famille ont un effet énorme, que nous avons essayé de décrire dans l'histoire de John. Il est toutefois urgent de comprendre en détail les meilleurs moyens d'aider les familles à offrir ces soins, surtout en cette époque de post-restructuration des soins de santé. Quels sont les effets de ces soins sur le deuil, chez les adultes et les enfants? Quelles sont les conséquences financières à court terme et à long terme? Quels sont les services nécessaires et lesquels sont superflus? Comment peut-on respecter le choix des patients et de leur famille quant à l'endroit de recevoir les soins et mourir? Le plus souvent, le mourant veut être chez lui. Quels sont les meilleurs moyens d'aider les survivants avant le décès et durant le deuil? Ce sont des questions que se posent chaque jour les équipes de soins palliatifs et les chercheurs.

Toutefois, la majeure partie de la recherche en matière de soins en fin de vie, sinon toutes, a été menée à partir de l'observation clinique et de cas isolée. Cela n'a pas beaucoup évolué au Canada au cours des cinq dernières années. Il est demeuré très difficile de planifier et d'exécuter soigneusement des études qui prouvent l'efficacité thérapeutique des soins ou les nombreuses dimensions de l'expérience des mourants. La plupart des éléments sur lesquels se fonde le traitement des symptômes physiques sont extrapolés à partir de bonnes recherches réalisées auprès d'autres types de patients. On suppose que ces éléments s'appliquent également aux mourants, mais ce n'est pas prouvé.

Pour continuer d'améliorer la situation des soins aux mourants et à leur famille, il est maintenant nécessaire d'accroître considérablement les recherches et de planifier des études qui fournissent des preuves valables, fiables et généralisables qui soient pertinentes aux soins offerts aux mourants. Ces recherches doivent être faites au Canada afin de pouvoir s'appliquer au régime canadien de soins de santé et à notre société. Dans la même optique, les programmes doivent également comporter des évaluations approfondies des services offerts.

Il existe de nombreux obstacles à la recherche en soins palliatifs, entre autres la croyance qu'il est impossible de faire des recherches auprès des mourants et de leur famille, la crainte déontologique d'effectuer de telles recherches, le manque d'un financement suffisant réservé à la recherche en soins palliatifs, le manque de chercheurs spécialisés dans le domaine, le manque d'accès des chercheurs à un nombre de mourants suffisant pour réaliser les études et l'absence de méthodes de mesure pertinentes, pratiques et validées des résultats.

La recherche auprès des mourants et pour les mourants est possible et nécessaire. Sans ces recherches, nous ne saurons jamais comment améliorer les soins aux mourants et à leur famille et nous ne connaîtrons pas le meilleur moyen de tenir compte des aspects complexes et des interactions entre la souffrance physique, psychologique, sociale et spirituelle.

Il se fait de la recherche et de l'évaluation, mais de façon relativement limitée et seulement dans certains milieux. On a réalisé certains progrès dans l'élaboration des méthodes de mesure des résultats pertinentes aux soins palliatifs, mais en général, ces progrès ont été lents. La recherche est mieux acceptée dans les milieux de soins palliatifs, depuis quelques années, mais la capacité des équipes de soins palliatifs de faire des recherches et de l'évaluation est limitée. Pour qu'il puisse y avoir de la recherche et de l'évaluation dans des programmes cliniques, il faut que les chercheurs aient reçu la formation adéquate et qu'on leur réserve suffisamment de temps à cette fin. Sinon, le temps disponible est à peu près entièrement consacré aux soins cliniques et au travail administratif, et il n'y a pas de recherche. Dans la plupart des programmes, le financement est si limité que c'est à peine si les soins cliniques peuvent être offerts. Il ne reste rien pour l'enseignement, la recherche et l'évaluation. Les rares chercheurs qui se consacrent uniquement à cette tâche doivent souvent travailler seuls, avec peu de ressources additionnelles, et il leur est difficile d'obtenir un financement constant des projets de recherche.

Pour que la recherche sur les soins en fin de vie puisse progresser, il faut offrir un financement constant aux programmes qui peuvent permettre de diriger cette recherche. À l'heure actuelle, ce financement est surtout interne et il est de ce fait limité à quelques programmes et à des petits montants. Il faut accroître la formation des chercheurs qui s'intéressent aux soins en fin de vie afin que nous ayons suffisamment d'experts pour diriger ces recherches. Il faut élaborer et appuyer un réseau pancanadien de programmes de soins palliatifs afin que l'on puisse faire des études portant sur un nombre suffisant de patients pour obtenir des réponses définitives à des questions importantes relatives aux soins cliniques et aux services de santé. Récemment, un tel réseau national s'est vu octroyer un financement annuel de 60 000 $ au titre de l'infrastructure par la Société canadienne du cancer et l'Institut national du cancer du Canada, qui font partie du Sociobehavioural Cancer Research Network. C'est un point de départ.

Les cliniciens, les chercheurs, les patients, les familles et le grand public doivent tous participer à la planification des recherches afin que soient entreprises et achevées des études pertinentes, valables et efficaces. Il faut également évaluer les services offerts par les programmes actuels et les nouveaux programmes afin d'améliorer constamment les services.

Pour conclure, l'avenir des soins en fin de vie et des soins palliatifs au Canada dépend de notre capacité de chercher des réponses aux questions importantes sur la mort et le passage à la mort. Il est essentiel que le Canada puisse disposer d'un programme de recherche durable et adapté à sa situation pour que puissent continuer de s'élaborer et d'exister des soins palliatifs crédibles au Canada. Sans cela, les progrès seront trop lents pour suivre l'évolution des besoins des Canadiens en matière de soins de santé.

Mme Diane Hupé, infirmière, vice-présidente, Programme de soins palliatifs, Service de santé des Soeurs de la Charité d'Ottawa: Je vais vous parler de la coordination et de l'intégration, deux questions qu'il est très difficile de distinguer des soins. Je vais les traiter sous trois grands angles dont le premier est l'interface entre les soins spécialisés et les soins primaires.

Dans l'étude de cas présenté par Mme Bouvette, où il y a eu un maximum de soins, on constate que l'oncologue oriente le patient envers les soins palliatifs lorsqu'il n'y a plus de traitement pour soigner la maladie récurrente. Le patient a l'occasion de discuter les options de traitements oncologiques avec son médecin de famille. Le médecin de famille et l'équipe de soins primaires participent activement à la gestion constante des symptômes, avec l'aide de l'équipe de consultation en soins palliatifs.

Malheureusement, c'est loin d'être toujours le cas. Trop souvent, les patients sont orientés vers les soins palliatifs lorsqu'est prononcé le verdict final «on ne peut plus rien faire», et les soins palliatifs sont considérés comme un dernier recours. Il y a généralement un manque de communication entre les spécialistes du traitement du cancer et les médecins de famille. Il est assez fréquent qu'un patient qui ne peut plus bénéficier d'un traitement oncologique soit retourné à son médecin de famille; celui-ci n'a pas été informé des traitements ou n'y a pas participé et il doit tout à coup prendre en main le traitement complexe d'un patient en phase terminale. Il n'est pas étonnant que les médecins de famille hésitent souvent à offrir des soins à domicile aux patients en phase terminale. Le manque de connaissances, une lourde charge de travail, le manque d'un réseau d'appui et une rémunération limitée sont tous des facteurs qui contribuent à ce problème.

On a déjà dit que l'accès aux équipes spécialisées en soins palliatifs, surtout la consultation de ces équipes dans la collectivité, est très limité dans bon nombre des régions et même inexistant dans les régions rurales.

Voici nos recommandations, du point de vue de l'interface entre les soins spécialisés et les soins primaires. Tout d'abord, les soins palliatifs devraient être intégrés aux soins offerts aux patients souffrant de cancer et ce, plus tôt dans le traitement. Cela s'appliquerait également aux autres maladies mortelles. Pour cela, il faudrait changer la mentalité voulant que les soins palliatifs ne sont offerts que durant les dernières semaines de vie. Deuxièmement, il faut reconnaître le rôle essentiel du médecin de famille et des autres membres de l'équipe de soins primaires dans l'ensemble des soins. Leur fonction est d'offrir des soins de base en fin de vie. Troisièmement, le médecin de famille et l'équipe de soins primaires devraient pouvoir consulter des spécialistes des soins palliatifs, que ce soit en zone urbaine ou en zone rurale.

Le second grand angle porte sur l'accès aux soins palliatifs dans tous les milieux et dans le cadre d'un régime de prestation intégré, comme le recommandait votre rapport. Dans le cas de John et de sa famille, il était possible de consulter les spécialistes de soins palliatifs par divers moyens -- une clinique de soins palliatifs ambulatoire, des conseils par téléphone, une équipe de consultation à domicile et un suivi de deuil pour la famille. Il semble que John ait reçu les soins primaires et palliatifs adéquats, en temps opportun, dans le milieu qui répondait le mieux à ses besoins et à ceux de sa famille. Les soins semblaient être offerts de façon bien intégrée dans un cadre cohérent.

Mais qu'en est-il en réalité? Dans bien des milieux et dans bien des régions du pays, les soins palliatifs ne sont pas offerts. En voici quelques exemples. Bon nombre d'hôpitaux de soins aigus, surtout depuis la restructuration, manquent du financement nécessaire pour conserver une équipe de soins palliatifs de base composée d'une infirmière et d'un médecin; il va sans dire que ces hôpitaux n'ont pas d'équipe pluridisciplinaire. Dans bon nombre de régions, il existe peu d'équipes capables d'offrir des services de consultation à domicile ou dans des établissements de soins de longue durée. Cela touche plus particulièrement les zones rurales. Il existe un besoin considérable de services communautaires en hospice comprenant des visites par des bénévoles, des programmes de jour et des programmes de répit pour les familles. Cela signifie qu'il reste à combler des besoins importants simplement au titre du contrôle de la douleur et des symptômes, sans parler des besoins psychosociaux, émotionnels et spirituels.

Trop souvent, les soins palliatifs limités qui sont actuellement disponibles sont offerts de façon fragmentée et mal coordonnée et sont difficiles d'accès pour les patients et leurs familles. Certaines collectivités canadiennes ont fait des efforts importants pour mettre au point des systèmes de prestation intégrés. C'est le cas d'Edmonton, de Calgary, de Winnipeg, de Montréal et d'Ottawa. Toutefois, il s'agit davantage de projets régionaux que d'initiatives de planification à long terme par les provinces.

C'est pourquoi nous recommandons que les gouvernements provinciaux et les régions évaluent les quelques modèles intégrés qui existent et en tirent des leçons. Nous avons besoin d'une politique et de financement pour élaborer et offrir les services essentiels de soins palliatifs à l'échelle régionale. Il faut en outre que les éléments des services de soins palliatifs soient bien coordonnés et bien intégrés afin qu'ils s'inscrivent au mieux dans le régime général des soins de santé. En outre, il faut mettre en place des mécanismes qui facilitent cette intégration. Il pourrait s'agir entre autres de normes générales, de lignes directrices cliniques, de renseignements, de l'accès à un meilleur transport des patients, d'une utilisation maximale de la technologie et d'outils d'évaluation normalisée.

Le dernier angle est celui des soins dans la communauté, y compris de l'aide aux dispensateurs de soins. Dans le cas de John et de sa famille, le patient a reçu des soins à domicile. Cela signifie qu'il a reçu chez lui des visites d'infirmières, de l'aide, des médicaments, des fournitures et de l'équipement en fonction des limites de service du programme de soins à domicile de sa région. Puisque John n'avait pas d'assurance-maladie supplémentaire pour payer les soins infirmiers additionnels, lorsque son état s'est détérioré, sa femme a dû quitter son emploi, ce qui a accru le fardeau physique, émotif et financier déjà lourd que représentent les soins à domicile à un mourant. C'est sans parler des soins qui doivent continuer d'être offerts aux enfants et de l'aide qu'il faut leur donner pour les aider à vivre avec un père mourant.

Dans ce cas, le médecin de famille et l'infirmière de soins primaires s'occupaient du patient, géraient les symptômes et enseignaient à la femme comment offrir les soins. Ils étaient aidés par une équipe interdisciplinaire qui pouvait faire des visites à domicile. Quand l'état du patient s'est détérioré et qu'il a exprimé le voeu de ne pas mourir chez lui, un lit était prêt pour lui dans une unité spécialisée de soins palliatifs.

Qu'en est-il en réalité? Au cours des dernières années, les soins de santé ont de plus en plus été dévolus à la communauté. Les études réalisées montrent que souvent, les malades en phase terminale veulent retourner chez eux et y mourir. Il y a de nombreux obstacles graves à la dispensation de soins palliatifs dans la communauté. Les soins à domicile sont généralement mal financés. La structure de prestation est trop rigide pour les soins de 24 heures par jour qu'exige un patient en phase terminale à domicile.

À vrai dire, les soins de santé sont encore en grande partie l'apanage des hôpitaux. L'étendue et la disponibilité des services de soins à domicile varient grandement d'une région à l'autre et d'une province à l'autre, comme on vous l'a déjà dit. Le système de prestation actuel ne favorise pas la continuité des soins. Pour vous en donner un exemple, il est fréquent que de nombreuses infirmières de diverses agences s'occupent du même patient, plutôt qu'une infirmière communautaire de soins primaires s'occupe du même patient, comme cela a été le cas de John. Cela est dû en grande partie à une pénurie d'infirmières qui ne fait que s'aggraver. Cette pénurie est encore pire à l'échelle communautaire. En outre, l'allocation est effectuée dans un cadre rigide, ce qui provoque une fragmentation importante, pose un risque réel de mauvaise gestion d'un cas et ajoute au fardeau d'une famille qui doit faire affaire avec de trop nombreux dispensateurs de services.

Dans la transition vers les soins communautaires, on présuppose que la famille jouera un rôle actif dans les soins. En tout cas, cela s'applique à la famille des patients en phase terminale. Les personnes qui dispensent les soins doivent assumer un fardeau physique, émotif et financier énorme. Il existe très peu de services de répit. Souvent, leur assurance ne couvre pas les services supplémentaires, comme des services infirmiers de garde ou des services d'aide à domicile supplémentaires. Enfin, comme on l'a déjà dit, les médecins de famille ne se sentent pas tous aptes ou prêts à s'occuper d'un patient en phase terminale à domicile et à faire les visites nécessaires.

Voici ce que nous recommandons dans ce domaine. Il faut mettre en place une stratégie nationale de soins à domicile comportant des normes précises, par exemple en ce qui a trait à l'accès, comme l'a déjà mentionné l'honorable sénateur. Les provinces doivent se doter d'une politique et du financement nécessaires pour offrir des services complets à domicile qui soient suffisamment souples pour promouvoir et faciliter la continuité et l'exhaustivité des soins. Nous avons besoin de mécanismes -- notamment une rémunération et des systèmes d'aide adéquats à l'intention des professionnels qui offrent des soins à la communauté, surtout les infirmières et les médecins de famille. Nous avons besoin de services pour aider les familles et les dispensateurs de soins de santé et leur offrir un répit, des services comme des programmes de soins palliatifs de jour, des services de répit et des services d'aide psychologique, sociale et spirituelle aux familles, y compris un suivi de deuil.

L'équipe de soins primaires doit pouvoir avoir accès à des équipes de consultation de soins palliatifs. En outre, il faut créer des unités régionales spécialisées de soins palliatifs pour les patients dont la gestion des symptômes est complexe et nécessite une hospitalisation. Enfin, il faut effectuer une évaluation complète des coûts et des avantages des soins palliatifs à domicile, y compris des indicateurs de qualité de vie et de fardeau des soins.

Je veux maintenant récapituler et reprendre quelques-uns des énoncés sur lesquels notre équipe a insisté au sujet de l'histoire de John et de sa famille. Nous avons discuté de cette histoire sous l'angle des soins cliniques et de l'équipe de soins, de l'enseignement, de la recherche et de l'intégration des systèmes. Le cas de John illustre comment les soins de fin de vie devraient être offerts idéalement. Si nous devions résumer toutes nos recommandations en une seule, voici ce qu'elle serait: il faut que les patients et leurs familles aient un accès universel et intégré aux soins palliatifs de fin de vie.

Pour cela, ce qui est vraiment important, c'est qu'il nous faut une équipe de soins primaires, avec en particulier le médecin de famille, l'infirmière locale, l'établissement de soins à long terme et d'autres membres qui, dans leur formation de base, acquièrent les connaissances, aptitudes et attitudes nécessaires pour les aider à s'occuper des malades en phase terminale.

Il nous faut aussi aider cette équipe d'experts des soins palliatifs. Il nous faut de la recherche et des évaluations pour offrir une qualité de vie et de soins efficace et réelle. Ces services doivent être coordonnés et intégrés et il faut certainement pour cela des directives et un budget approprié pour que tout puisse être considéré ensemble.

La présidente: Je ne pense pas que je poserai trop de questions cet après-midi car je suis d'accord sur tout ce que vous avez dit.

[Français]

Le sénateur Pépin: Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. J'ai très bien suivi et je crois que le fait que vous nous ayez présenté un cas clinique nous aide énormément.

Il y a cependant quelque chose qui a piqué ma curiosité: lorsqu'on parle de recherche clinique, on dit qu'il n'y a pas suffisamment de personnes mourantes pour être en mesure de faire une étude clinique. Cela prend combien de personnes pour qu'une infirmière ou un médecin puisse effectuer une recherche valable?

[Traduction]

Dr Viola: Je ne parlais pas du nombre de personnes qui mouraient, mais de l'accès aux malades qui meurent par les chercheurs qui sont formés pour faire le type de recherche nécessaire.

Le sénateur Pépin: C'est donc le manque de formation.

Dr Viola: Oui, mais aussi l'accès aux lieux où l'on s'occupe des gens qui sont en train de mourir. Ces patients qu'il faut inclure dans ces études ne sont pas toujours accessibles aux chercheurs qui veulent faire ce travail. À Ottawa, nous avons une situation spéciale. Nous avons un service de soins palliatifs important avec 45 lits qui reçoit un certain nombre de patients d'un type particulier. Nous avons un centre du cancer auquel nous sommes étroitement associés et auquel nous avons accès. Nous avons des hôpitaux d'enseignement. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas dans le reste du pays. Même à Ottawa, il est difficile, lorsque nous voulons faire ces recherches, d'avoir accès à certains patients qui devraient vraiment être considérés dans nos études. C'est l'accès, et non pas le nombre total.

Le sénateur Pépin: Quelqu'un a dit que les soins à domicile sont trop rigides. Pourquoi?

[Français]

Mme Hupé: Prenons l'exemple des soins en Ontario: nous travaillons toujours d'après les politiques du ministère qui disent qu'il ne doit y avoir que tant d'heures de soins infirmiers donnés, tant d'heures de soutien en aide familiale, et ceci parce que les budgets sont limités. C'est très rigide, et de là vient mon commentaire à savoir que si on observe les soins de santé en général, on a beaucoup de changements conceptuels à faire dans la prestation des soins.

Le sénateur Pépin: Est-ce qu'on est obligé de limiter les heures de soins qu'on consacre aux malades pour être en mesure d'avoir une subvention?

Mme Hupé: C'est encore le cas en Ontario, et je pense aussi dans d'autres provinces. Si une famille a accès à un régime d'assurance privé assez compréhensif, ils peuvent utiliser ces fonds pour acheter des services additionnels, mais ce ne sont pas toutes les familles qui ont des assurances leur permettant cela. Beaucoup de compagnies d'assurance ont des politiques très rigides et ne vont donner des fonds que pour une infirmière autorisée, alors que parfois ce dont la famille ou le patient aurait besoin, c'est le support d'une aide familiale.

Le sénateur Pépin: Est-ce que la même rigidité des programmes existe pour les médicaments?

Mme Hupé: Chaque province a un régime d'accès aux médicaments si le patient obtient des soins à domicile. Il y a quand même des problèmes d'accès pour certains médicaments, entre autres certains narcotiques à certains dosages qui ne sont pas couverts par le formulaire.

Le sénateur Pépin: On a dit qu'il semble y avoir une difficulté pour les médecins de famille qui sont incapables de composer avec les visites à domicile qu'ils doivent faire et le patient qui est mourant. Est-ce parce qu'ils n'ont pas eu l'entraînement nécessaire ou bien parce qu'ils ne sont pas de la même génération que ceux qui faisaient des visites à domicile, ou encore parce qu'il y a une approche bien différente?

[Traduction]

Dr Schroder: Je dirais que c'est un mélange de choses. Face au travail que nous avons fait avec nos médecins de famille, ici, à Ottawa, nous reconnaissons que certains ne feront jamais de visites à domicile. C'est une question d'attitude, c'est peut-être quelque chose qui caractérise la nouvelle génération de médecins.

Le sénateur Pépin: Ils veulent être payés.

Dr Schroder: Pour certains, c'est qu'ils veulent être payés, mais c'est aussi quelque chose de social. Certains médecins ont décidé de travailler de 9 heures à 17 heures, ce qui n'inclut pas les visites à domicile. C'est une petite partie des médecins de famille. La plupart des médecins de famille veulent réellement faire des visites à domicile. Ils se sentent liés à leurs patients de façon incroyable. S'ils peuvent suivre un patient à domicile jusqu'à la mort et aider les endeuillés, c'est aussi thérapeutique pour lui que pour le patient et sa famille. Toutefois, beaucoup d'entre eux ont peur parce qu'ils n'ont pas reçu la formation voulue. Ils se retrouvent dans des situations inconnues, ne savent pas quoi faire et n'ont pas le soutien et l'aide que nous pouvons offrir ici.

Il y a évidemment aussi une question de rémunération. Cela doit être examiné. Ce genre de soins ne consiste pas simplement à aller s'occuper d'un symptôme physique. Cela exige beaucoup de discussions, il faut parler et écouter. Les médecins doivent être ainsi rémunérés convenablement. Il y a beaucoup de facteurs en jeu.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Je voudrais revenir au programme de National Health Care Strategy. Comment peut-on réaliser cela? Est-ce que c'est par un règlement administratif entre Ottawa et les provinces? Est-ce possible au sein des rencontres des fonctionnaires fédéraux et provinciaux? Si on veut avoir une stratégie sur les soins palliatifs dans notre pays, il va falloir que les ministres de la Santé s'entendent et adoptent une accord administrative pour savoir comment mettre cela sur pied. Je ne peux pas imaginer un moyen de faire autrement. Les provinces et le fédéral ont un rôle considérable à jouer en matière de santé.

On a parlé de standards nationaux, c'est intéressant. On a une loi fédérale sur la santé, c'est intéressant aussi, mais comment voulez-vous en arriver à une stratégie? Est-ce que ce serait une entente entre les dispensateurs de la santé au niveau fédéral et provincial? Qu'envisagez-vous? Je ne vois pas autre chose qu'une entente fédérale-provinciale.

Mme Hupé: Les experts qui pouvaient répondre à vos questions nous ont précédés. Je vais quand même essayer de répondre à ce que vous nous demandez. D'abord, beaucoup de patients en phase terminale sont à domicile. C'est leur v<#0139>u et c'est certainement la direction que nous devons prendre pour donner des soins de santé.

On a dit plus tôt qu'il y a beaucoup de différences entre les soins à domicile offerts d'une province à l'autre. Il serait important d'avoir, au pallier fédéral, l'établissement et la reconnaissance des soins à domicile en tant que services essentiels, de la même façon qu'on le fait pour les services hospitaliers. Ce serait un point de départ, de sorte qu'il y aurait des normes de base en ce qui a trait à l'accès aux services à domicile.

Le sénateur Beaudoin: Ne craignez-vous pas qu'une province comme le Québec par exemple dise: puisque la santé et les soins à domicile relèvent de notre juridiction, donnez-nous des fonds et on va les gérer. Ce point devra être réglé.

Mme Hupé: C'est sûr qu'avec les directives qui viennent avec le règlement, le financement doit suivre, cela va de paire. On a besoin de considérer, fondamentalement, que les soins palliatifs sont intégrés dans les soins de santé. À ce jour, les soins palliatifs sont encore plutôt marginaux et ne sont pas vraiment intégrés dans toute la gamme des soins de santé. Je vais vous donner un exemple très pratique d'une situation existante dans notre région. Depuis un an et demi, nous sommes à développer, et ce, grâce au bon vouloir des dispensateurs de soins palliatifs tant dans la communauté que dans le milieu hospitalier, un système intégré qu'on appelle le consortium des soins palliatifs. Pour nous aider, on l'a construit sur une très petite base de fonds disponibles à travers une association de soins palliatifs. Depuis peu, les fonds sont vraiment compromis.

Nos discussions avec les représentants du ministère de la Santé nous révèlent qu'une de leurs plus grosses difficultés est la continuité du financement. Ce n'est pas le financement direct des soins, mais bien celui des quelques personnes qui assurent une coordination. Où trouver les fonds nécessaires pour ce financement? C'est difficile à savoir. Les soins palliatifs ne tombent pas dans aucun des silos -- pour utiliser le terme -- qui existent à l'intérieur du ministère de la Santé en Ontario. À ce jour, on n'a pas considéré les soins palliatifs comme étant un service essentiel ayant besoin d'être intégré.

[Traduction]

Le sénateur Corbin: Je suis d'accord avec vous, madame la présidente, c'est là un excellent mémoire.

Le docteur Schroder a parlé de formation permanente en médecine. La semaine dernière, nous avons entendu le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Suite à leur témoignage et à certaines questions, j'ai eu l'impression qu'ils étaient sur la bonne voie pour ce qui est de la spécialisation dans le domaine des soins palliatifs. Toutefois, docteur Schroder, vous semblez ne pas être d'accord. Je sais que vous ne voudriez pas critiquer vos collègues en général. Peut-être que je comprends mal. Toutefois, j'ai l'impression qu'ils sont certainement sur la bonne voie, que l'objectif est bon, mais qu'il va falloir beaucoup plus de temps et de ressources avant que cela ne change réellement les choses.

La présidente: Avant que vous ne répondiez, il est important que les sénateurs comprennent que les représentants du collège ont dit exactement la même chose que vous, à savoir que bien qu'il y ait 15 écoles de médecine, je crois qu'ils nous ont dit que seulement 4 installations spécialisées devraient démarrer cette année et que même celles-ci n'ont pas de budget. Ils avaient donc exactement les mêmes préoccupations que vous.

Le sénateur Corbin: L'objectif semble louable, mais pourriez-vous préciser un peu les choses?

Dr Schroder: Il ne s'agirait pas en fait de formation permanente en médecine. La formation permanente, c'est lorsqu'on est diplômé et qu'on exerce. Il s'agirait plutôt ici de formation supérieure spécialisée. Certains des médecins qui viendraient suivre ces programmes pourraient avoir exercé, mais certains pourraient aussi simplement terminer leur année de résidence en médecine familiale ou en médecine interne ou autre.

Je crois qu'il y a sept facultés qui ont exprimé un certain intérêt pour ce domaine. Toutefois, la plus grosse pierre d'achoppement est le financement de ces postes en résidence. Qui paiera les salaires? D'autre part, si vous considérez les lignes directrices concernant ce qui doit être offert en formation, on en est encore à mettre au point l'infrastructure voulue pour offrir cela. En outre, la difficulté est que même si cela existe et qu'il y a des fonds et que chacune des quatre facultés forme deux spécialistes par an, il va falloir bien longtemps avant que nous ayons une masse critique de spécialistes des soins palliatifs.

L'Université d'Ottawa, par l'intermédiaire de l'Institut des soins palliatifs, offre une bourse de recherche pour former des spécialistes depuis 10 ans. Une à trois personnes par an reçoivent cette formation et cela ne suffit pas du tout. Ce qui arrive aussi, c'est que la plupart, lorsqu'ils finissent leurs études, vont dans les grands centres. Qui desservira donc les régions rurales? Comment nous occuperons-nous du Grand Nord et de la population autochtone? C'est assez incroyable quand on commence à y réfléchir.

C'est bien dommage, quand on relit le rapport de 1995 qui insiste sur les études. Il y a beaucoup de belles paroles mais pas grand-chose en pratique.

Le sénateur Roche: J'espère que la phrase de Mme Bouvette -- à savoir qu'il n'y a pas de lieu idéal pour mourir -- trouvera sa place dans notre rapport. Je trouve que c'est tout à fait approprié et révélateur. C'est probablement vrai. J'ajouterai toutefois que si l'on doit mourir, l'idéal est de mourir entouré d'amour et de confort. On ne peut pas dire qu'on l'on ne peut trouver amour et confort qu'à domicile. Les circonstances ne le permettent pas toujours. On peut aussi trouver cela dans un centre de soins palliatifs. Ainsi, comme le prouvent tous les témoignages que nous avons entendus, il devrait exister davantage de ces centres. Pratiquement tous les témoins l'ont dit.

Madame Bouvette, vous avez dit qu'à domicile, le contact avec le médecin de famille est perdu pendant que les spécialistes se livrent à leurs champs d'expertise. Lorsque l'on est en situation de phase terminale, le médecin de famille revient dans le décor. J'ai conclu de ce que vous disiez et de votre expérience d'infirmière qu'il y a beaucoup de problèmes avec les visites à domicile des médecins de famille et que c'est une des raisons pour lesquelles il est difficile de mourir à domicile, parce qu'on ne peut faire venir le médecin.

Est-il réellement nécessaire à ce stade d'avoir le médecin sur place? Si les programmes de soins à domicile étaient suffisamment poussés dans notre pays et offraient le juste mélange de soins infirmiers, agents de traitement et travailleurs sociaux pour donner les médicaments, est-ce qu'il faudrait vraiment que le médecin soit physiquement présent pour rédiger l'ordonnance, si vous voulez? Il n'est pas nécessaire que le médecin soit là pour donner les soins.

J'essaie de savoir si nous pourrions, dans notre rapport, mieux expliquer l'intérêt de mourir à domicile en demandant des systèmes de soutien plus importants pour la famille qui n'incluent pas nécessairement les médecins.

Mme Bouvette: Vous semblez faire allusion au rôle possible de l'infirmière clinicienne spécialisée, par exemple. Je crois, toutefois, qu'un minimum d'intervention de la part du médecin est nécessaire. Cela ne veut pas dire que ce devrait toujours être le médecin qui aille voir le patient à domicile. Cela peut être une infirmière spécialisée. Quand je fais des visites à domicile, je ne suis pas toujours accompagnée d'un médecin. En tant qu'infirmière, je peux évaluer, parler au médecin au téléphone et faire ma recommandation au téléphone.

Je ne pense pas qu'il serait normal de faire suivre un patient à domicile par une équipe sans qu'un médecin voie régulièrement ce patient. Cela ne veut pas dire que les visites doivent être fréquentes. Cela pourrait créer d'autres problèmes. Mes collègues voudraient peut-être ajouter quelque chose à cela.

La présidente: Est-ce en partie parce qu'il y a toujours cette relation de connaissance entre le médecin et le patient et que le patient croit réellement que le médecin en sait plus?

Mme Bouvette: C'est possible. Toutefois, nous pouvons créer un lien de confiance et lorsque nous montrons que nous savons de quoi nous parlons, cette confiance augmente beaucoup. Cela ne cause pas de problème.

Il y a aussi le fait que, c'est comme cela, une infirmière est une infirmière et un médecin est un médecin, même si une infirmière praticienne est formée pour bien évaluer les choses. Je comprends très bien ce que vous voulez dire et je suis convaincue qu'une infirmière spécialisée pourrait jouer un rôle accru afin de diminuer la nécessité des visites du médecin, pour être les yeux du médecin de famille et évaluer le patient.

Le sénateur Roche: Ce que j'essayais de dire, c'est que je ne crois pas que l'absence d'un médecin dans les soins à domicile prodigués au malade en phase terminale doive être un obstacle à ce que cette personne reste à domicile si les autres circonstances le permettent, s'il y a suffisamment de soins prodigués à domicile. C'est ce que je voulais dire.

Je reviendrai maintenant à la question du lien entre l'argent et les études. On nous dit que les écoles de médecine commencent seulement maintenant à former des spécialistes des soins palliatifs et que l'un des problèmes est le financement. Je crois que nous pouvons reconnaître que la société en général n'a pas encore bien compris l'intérêt des soins palliatifs. Je me demande, toutefois, si la profession médicale n'aurait pas besoin d'un petit coup de pouce pour faire passer les soins palliatifs sur l'écran politique.

J'entends les témoins qui nous disent, ou nous laissent entendre, que notre rapport devrait être ferme et insister sur la nécessité de financer cette formation en soins palliatifs et de faire des soins palliatifs une priorité. Est-il possible que les professionnels de la santé eux-mêmes aient traditionnellement négligé cela parce qu'ils font leurs études pour se préparer à devenir professionnels de la santé? Ils veulent sauver des vies et voir des progrès. De façon générale, les gens ne s'intéressent pas aux soins palliatifs pour s'occuper des mourants mais pour aider les gens à vivre.

J'ai une certaine expérience non médicale de proches en phase terminale. J'impression que la profession médicale n'est pas à l'aise devant la mort, comme si c'était un échec que de ne pas réussir à soigner la personne en question, à la remettre sur pied, alors que c'est vraiment ce qu'elle voudrait. Je crois que vous comprenez ce que je veux dire, à savoir que ce n'est pas simplement une question de volonté politique, même si c'est nécessaire. La profession médicale devra aussi pousser beaucoup plus -- la profession médicale, c'est-à-dire les fournisseurs de soins, les médecins, les infirmiers et tous les autres -- pour que la société comprenne mieux l'importance pour une personne en phase terminale de se sentir protégée par l'amour et le confort.

Dr Schroder: En fait, je peux retourner un peu en arrière et inclure en partie votre dernière question sur la nécessité d'avoir un médecin auprès d'un patient qui est en train de mourir à domicile. On considère que le médecin est celui qui écrit les ordonnances. En fait, ce n'est pas son rôle. Il fait partie intégrante d'une équipe et considère non seulement les questions physiques mais également peut-être celles qui touchent au psychosocial et au spirituel. C'est la raison pour laquelle il est très important d'avoir tous les éléments dans une équipe. On peut ensuite décider qui fait quoi et c'est peut-être là que l'on peut voir ce qu'il y a à faire.

Il est vrai que pour les médecins, il y a cette mentalité de la guérison que l'on acquiert durant les études et les études supérieures. Si l'on ne peut guérir, on est bon à rien. Comme je le disais tout à l'heure, cela fait partie de ce qu'il nous faut faire en matière d'éducation. Il nous faut commencer très tôt, avant la fin des études, et changer cette mentalité pour donner le goût de «soigner».

Vous avez raison, nous pourrions avoir des tas de subventions pour les soins palliatifs mais, dans les facultés de médecine, il faut que l'on comprenne que c'est un élément important de la formation. Si beaucoup dans la hiérarchie ne comprennent pas eux-mêmes l'importance des soins, cela prend plus longtemps. Ils voient cela comme un ajout au programme actuel. Ils se demandent comment, avec tout ce que l'on enseigne déjà, on peut ajouter encore les soins palliatifs.

Cela revient à ce que disait Mme Hupé à propos de la nécessité d'intégrer les services et de changer les attitudes. Il nous faut changer cette socialisation des médecins afin qu'ils comprennent que ce n'est pas un échec de ne pouvoir guérir un patient. Que l'échec est d'abandonner ce patient. Nous pouvons commencer à gagner du terrain à ce stade. Les changements d'attitude nécessitent beaucoup de travail et d'efforts et il faut commencer tôt.

Toutefois, il y a de l'espoir. Dans les contacts que nous avons avec les médecins de famille et certains des spécialistes ici, je constate qu'il y a une certaine évolution. On comprend que l'on peut toujours faire quelque chose de plus pour le patient, même si c'est simplement de l'écouter. En tant que médecin, je ne pourrai peut-être pas rédiger davantage d'ordonnances mais je peux être là à parler et à écouter, à cheminer avec cette personne, que je sois médecin ou tout autre membre de l'équipe. Il est important de le comprendre et de le faire comprendre aux étudiants en médecine, aux résidents en médecine familiale, aux résidents en médecine interne. Il faut commencer et commencer tout de suite.

Le sénateur Roche: Je crois que c'est vrai. Excusez-moi de ce que je vais dire, sans rancune, mais je n'ai jamais encore rencontré de médecins qui soient disposés à prendre le temps de parler. Quand je suis avec eux, j'ai tellement peur de leur faire perdre leur temps alors que quelqu'un d'autre pourrait en avoir plus besoin.

On a dit que les soins palliatifs avaient été traités de façon marginale. Nous essayons d'insister sur la priorité qu'il faut leur donner. Je suis sûr que le comité ira dans ce sens. Lorsque l'on a sabré les budgets de santé au début et au milieu des années 90, avez-vous constaté que cela a eu une incidence négative sur les soins palliatifs? Autrement dit, les soins palliatifs ont-ils été plus fortement touchés dans le développement de tous ces services, précisément parce qu'ils étaient considérés comme marginaux et non essentiels?

Mme Hupé: Absolument. Dans bien des cas, les soins palliatifs ont été très fortement touchés. Parce qu'il n'y avait pas de fonds désignés pour les soins palliatifs, très souvent, tout dépendait de la bonne volonté des hôpitaux ou autres organisations. Lorsque les coupures sont intervenues -- c'est-à-dire, lorsque les fonds ont diminué, il a fallu faire des choix. Très souvent, ce genre de service disparaissait parce que c'était quelque chose qui n'était pas initialement financé globalement.

Le sénateur Roche: Diriez-vous, madame, que les soins palliatifs ont souffert, financièrement, de façon disproportionnée par rapport à d'autres services de santé?

Mme Hupé: Ce qui est disproportionné, c'est qu'il y avait tellement peu de fonds. D'autre part, ils étaient tellement vulnérables que n'importe quelle compression budgétaire ne pouvait qu'avoir une incidence majeure.

La présidente: Pendant que je vous écoutais tout à l'heure, j'ai beaucoup pensé à mes parents. Ils sont morts à sept mois d'intervalle, de causes très différentes. Mon père avait été ministre de la Santé dans une province et les médecins faisaient partie de son groupe, si vous voulez. Ainsi, il voulait des médecins autour de lui. Par contre, ma mère était infirmière et elle ne voulait personne que des infirmières autour d'elle. Vous m'avez fait penser à cela en racontant vos histoires.

Votre témoignage a été très intéressant. Je l'ai trouvé très réfléchi et il touche à beaucoup des préoccupations que nous avons.

Mme Hupé: Nous avons été très honorés de prendre part à vos discussions.

La présidente: Nous avons deux chercheurs qui vont maintenant prendre la parole. Ils nous parleront l'un et l'autre de la recherche sur la fin de la vie. Cela doit être tout à fait clair. Ni l'un ni l'autre ne fait de recherches sur l'euthanasie et l'aide au suicide, mais certaines de leurs recherches les portent à poser certaines questions là-dessus. Toutefois, ce n'est pas l'objet de leurs recherches. Ils s'occupent de la fin de la vie. Je voulais que ce soit bien clair de sorte que s'ils entrent dans ces zones plus grises, vous compreniez que ce n'est pas là l'objet de leurs études et que, évidemment, certaines de ces questions doivent être posées pour obtenir le genre de réponse nécessaire dans le contexte de leurs recherches.

Nous allons commencer par le docteur Harvey Chochinov, de l'Université du Manitoba.

Dr Harvey Max Chochinov, faculté de psychiatrie, Université du Manitoba: Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de vous exprimer ma sincère gratitude pour m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Il est difficile de croire qu'un laps de temps si long s'est écoulé depuis que je me suis adressé au comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide. J'espère que ces années ont été satisfaisantes pour chacun de vous; pour nous qui oeuvrons dans le domaine des soins au terme de la vie, ces années ont été marquées par une grande activité, un certain nombre de frustrations et de déceptions et des défis continuels.

En septembre 1994, je vous disais, vous vous souviendrez, que l'organisme de recherche que je dirige étudiait les problèmes psychiatriques des malades en phase terminale. Ces études ont un lien direct avec les présentes délibérations puisque l'objectif de bon nombre d'entre elles est de comprendre pourquoi certains mourants souhaitent parfois une mort hâtive. Le comité sénatorial doit prendre connaissance de la présente mise à jour sur la recherche avant de recommander l'élargissement et l'approfondissement de la recherche sur les soins palliatifs, notamment sur la douleur, le soulagement des symptômes et sur les raisons qui poussent certains patients à demander l'euthanasie ou l'aide au suicide. J'ai également pensé qu'il était important que le comité voie un exemple de ce qu'est effectivement la recherche sur les soins palliatifs afin de constater personnellement comment ce genre de travail peut nous faire mieux comprendre les choses et améliorer les soins que nous offrons aux mourants.

Pour résumer brièvement, je vous faisais part, en septembre 1994, d'une étude menée par notre groupe à l'Université du Manitoba auprès de 130 cancéreux en phase terminale qui recevaient tous des soins palliatifs en milieu hospitalier. Cette étude était l'une des premières, et certainement l'une des plus importantes, à s'intéresser à l'épidémiologie de la dépression chez les malades en phase terminale. Dans un rapport paru dans l'American Journal of Psychiatry, nous avons indiqué que, selon la manière dont le diagnostic psychiatrique a été posé, 13 à 26 p. 100 des mourants avaient déjà souffert d'une grave dépression ou d'un syndrome de dépression. Le comité se souviendra également de l'étude dont je lui ai parlé portant sur 200 mourants à qui nous avons demandé s'ils avaient déjà souhaité une progression plus rapide de leur maladie afin de hâter la fin de leurs souffrances. Cette étude nous a appris que 55 p. 100 des mourants ne souhaitaient pas hâter leur mort. Toutefois, quelque 10 p. 100 d'entre eux ont exprimé un désir variant de modéré à profond de hâter leur mort.

Lorsque nous avons établi une comparaison entre les patients qui désiraient une mort hâtive et ceux qui ne la souhaitaient pas, nous avons constaté que la prévalence de la dépression clinique chez ceux qui souhaitaient mourir dépassait 60 p. 100 alors qu'elle s'établissait à 7 p. 100 chez ceux qui ne souhaitaient pas hâter leur mort. Nous avons également constaté que la prévalence de la douleur, qui était d'une intensité modérée ou plus grave, s'établissait à près de 80 p. 100; nous avons également indiqué que les patients qui désiraient mourir étaient moins soutenus par leur famille que ceux qui ne souhaitaient pas réellement mourir.

En 1995, le docteur Keith Wilson et moi-même avons publié un modèle dans la Revue canadienne de psychiatrie qui étudiait le lien entre la douleur, le soutien familial, la dépression et le désir de mourir. Ce modèle nous indique que malgré l'importance de variables comme la douleur et le soutien familial, c'est la dépression qui demeure la principale variable explicative des patients qui souhaitent une mort hâtive. Ainsi, sans minimiser l'importance de la détresse engendrée par les symptômes physiques et des facteurs sociaux, il est particulièrement important, semble-t-il, de comprendre la psychologie qui sous-tend le désir de mourir du malade.

Il est important de signaler que même si un à deux mourants sur dix présente des signes de dépression clinique, moins de 5 p. 100 d'entre eux sont traités pour dépression. À cet égard, nous avons publié une étude portant sur diverses méthodes d'examen rapide susceptibles d'aider les cliniciens à déceler la dépression chez les malades en phase terminale. Le plus intéressant, c'est qu'à l'aide d'un seul élément de sélection qui consiste, en gros, à demander aux malades s'ils se sentent déprimés la majorité du temps, nous avons pu déceler, dans une cohorte de 200 mourants, tous les malades souffrant de dépression, sans aucune erreur. Ainsi indiquons-nous sur cette diapositive que la sensibilité et la spécificité de cette méthode de sélection atteignent 100 p. 100.

Cette méthode de sélection a récemment été citée dans un article paru dans le numéro du 1er février des Annals of Internal Medecine résumant les conclusions d'un groupe consensuel d'experts de l'American College of Physicians et de l'American Society of Internal Medecine sur les soins dispensés au terme de la vie. Nous espérons que des opinions de ce genre encourageront les cliniciens à reconnaître plus promptement les malades dont les souffrances, du moins une partie, sont engendrées par une maladie dépressive sous-jacente.

Notre groupe a également tenté de déterminer dans quelle mesure les mourants connaissent ou sont capables d'évaluer le pronostic de leur maladie terminale. Nous avons mesuré leur degré d'intuition de la maladie sur une échelle de trois points, allant des malades qui n'en avaient aucune intuition -- c'est-à-dire qu'ils croyaient que leur maladie était curable -- à ceux qui étaient pleinement conscients ou au courant de la gravité de leur maladie et de l'imminence de la mort. Nous avons constaté, cela ne saurait vous étonner, que la majorité des malades était tout à fait conscients de leur état, même si 10 p. 100 d'entre eux refusaient d'admettre le pronostic de maladie terminale et leur brève espérance de vie. Le fait le plus important à retenir est peut-être que ceux qui étaient incapables d'accepter le pronostic de maladie terminale et leur mort imminente étaient également trois fois plus susceptibles de souffrir de dépression.

Ces cinq dernières années, mes collègues et moi avons aussi étudié et analysé en profondeur les fluctuations de la volonté de vivre susceptibles de se produire chez les personnes mourantes. Deux fois par jour, nous avons demandé à des malades d'indiquer, sur une échelle de zéro à 100, leur évaluation de divers symptômes, y compris de l'intensité de leur volonté de vivre.

Voici comment fluctue la volonté de vivre chez une femme de 80 ans atteinte du cancer colorectal. Signalons qu'à son arrivée à l'hôpital, ses notes étaient assez élevées, démontrant un faible désir de vivre. Les chiffres figurent à gauche sur la diapositive. Au bout de quelques jours, les notes indiquant son désir de vivre n'ont cessé de s'améliorer jusqu'à ce que la malade se trouve à l'article de la mort; à ce moment-là, son désir de vivre était devenu très fluctuant ou instable.

Chez cette même patiente, j'ai noté la courbe de son désir de vivre parallèlement aux variations temporelles de son évaluation de l'intensité de la douleur. Ce tableau est assez révélateur et démontre un lien marqué entre la douleur et le désir de vivre. Nous avons cité cet exemple dans un article sur le désir de vivre chez les malades en phase terminale que nous avons publié dans le numéro de septembre du journal The Lancet. Près de 170 patients ont participé à cette étude.

La disposition indique qu'en l'espace de 12 heures, le pourcentage maximal moyen de fluctuations du désir de vivre variait entre 30 et 40 p. 100. En observant les variations maximales moyennes selon un intervalle de 30 jours, les fluctuations se situaient entre 50 et 80 p. 100.

Il semble donc que le désir de vivre peut fluctuer rapidement au cours de l'agonie d'une personne, mais pourquoi? Nous avons constaté qu'au cours des 12 à 24 premières heures suivant leur arrivée au service des soins palliatifs -- une transition pour la plupart des malades -- les notes d'évaluation de l'anxiété semblaient être le présage des fluctuations les plus marquées du désir de vivre du malade. Après avoir suivi certains patients pendant une ou deux semaines, nous avons observé que la dépression semblait être le principal facteur annonciateur des fluctuations de l'évaluation du désir de vivre établie par le malade. Enfin, à l'approche de la mort, pendant les troisième et quatrième semaines de notre étude, la détresse engendrée par les symptômes -- surtout l'essoufflement -- semblait être la cause de l'oscillation du désir de vivre. Ce modèle empirique permet aux cliniciens de comprendre les variations du désir de vivre chez les patients à l'article de la mort.

Mon collègue, le docteur Douglas Tataryn, a récemment été invité à diriger une série de nouvelles analyses de nos données sur le désir de vivre. Comme vous pouvez le voir, nous avons observé que certains malades arrivent à maintenir un désir de vivre assez constant. Chez d'autres, par contre, le désir de vivre est très faible. Nous avons discerné trois autres groupes de personnes: celles qui manifestent un désir modéré de vivre, celles qui manifestent un désir croissant de vivre à l'approche de la mort et enfin, celles qui semblent renoncer à leur volonté de vivre à l'approche de la mort.

Les malades ayant maintenu leur volonté de vivre représentaient environ 57 p. 100 du nombre, soit de loin la plus forte majorité de malades ayant participé à l'étude. Il appert donc que la plupart des malades que nous avons étudiés manifestaient un désir élevé de vivre à leur arrivée à l'hôpital malgré leur maladie terminale. Dix-huit pour cent des patients semblaient perdre le désir de vivre à l'approche de la mort. Douze pour cent des patients semblaient manifester un désir modéré de vivre, alors qu'un petit groupe semblait acquérir un désir de vivre vers la fin de leur vie. Finalement, les groupes les moins nombreux, quoique parmi les plus intéressants, étaient les malades qui manifestaient un manque constant de désir de vivre.

Il semble y avoir une prévalence disproportionnellement élevée de cancer colorectal chez les patients qui ont trouvé ou acquis le désir de vivre; comme il fallait s'y attendre, la nausée est également un symptôme très fréquent parmi ce groupe. Ce symptôme est facile à traiter au début des soins palliatifs. Cela peut démontrer d'une manière indirecte que le traitement des symptômes de détresse, comme la nausée dans le cas présent, peut en fait aider les mourants à retrouver un désir de vivre qui était en train de s'évanouir.

Nous avons également constaté que le groupe de patients manifestant un manque constant de désir de vivre était également celui qui comptait le moins de personnes mariées. En fait, aucun de ces malades n'était marié, comparativement à près de la moitié des malades de toutes les autres catégories. Nous avons également remarqué que les patients qui avaient perdu le désir de vivre faisaient partie du groupe qui affichait les plus hauts taux d'anxiété et d'essoufflement. Cela démontrait donc que les patients qui avaient perdu le goût de vivre étaient peut-être plus isolés et présentaient davantage de symptômes. Une autre constatation intéressante, c'est que les malades qui avaient perdu le désir de vivre étaient les premiers à mourir.

Grâce à une subvention de l'Institut national du cancer du Canada, notre groupe s'est aussi penché sur la question de la dignité chez les mourants. Selon plusieurs études, la perte de la dignité est le motif le plus fréquent incitant les médecins à acquiescer à la demande d'un patient concernant l'aide au suicide ou l'euthanasie. En fait, il n'est pas rare que les défenseurs aussi bien que les adversaires de l'euthanasie invoquent des questions de dignité pour justifier leur point de vue. Dans le cadre d'une étude portant jusqu'à ce jour sur 170 patients traités dans divers établissements de soins palliatifs, nous essayons de voir ce que mourir dans la dignité signifie pour eux et quels sont les facteurs qui respectent ou qui heurtent leur sens de la dignité. Nous espérons que cette étude, que nous prévoyons terminer dans le courant de l'année prochaine, nous permettra d'offrir des soins palliatifs mieux adaptés et respectueux de la dignité des mourants et de leurs proches.

Avant de terminer, j'aimerais vous faire part d'une étude fort intéressante entreprise par mon ami et collègue, le docteur Keith Wilson, ici à l'Institut de recherche et de développement en réadaptation d'Ottawa. Cette étude porte sur 70 patients recevant des soins palliatifs dont la survie moyenne est de 44 jours, entre le début de l'étude et leur décès. On a demandé à ces personnes ce qu'elles pensaient de l'euthanasie et de l'aide médicale au suicide. Soixante-quatre d'entre elles se sont prononcées en faveur de la législation de l'euthanasie et de l'aide au suicide, et 50 p. 100 ont dit qu'elles pourraient envisager cette solution, dans des circonstances particulières, si jamais elles souffraient de douleurs incontrôlables, de graves symptômes physiques, d'une diminution de leur qualité de vie ou si elles avaient l'impression de devenir un fardeau pour autrui.

Sur les 70 patients interrogés, 12 p. 100 auraient demandé qu'on hâte leur mort au moment de l'entrevue si cet acte avait été autorisé par la loi. Leur décision reposait sur les raisons suivantes: sensation d'endormissement, faiblesse, perte de contrôle et d'intérêt, désespoir et désir de mourir. Constatation intéressante, 63 p. 100 des patients souhaitant une mort hâtive souffraient d'un trouble dépressif grave comparativement à seulement 16 p. 100 des malades n'ayant manifesté aucun intérêt pour l'aide médicale au suicide et à 21,9 p. 100 de ceux ayant manifesté un intérêt futur possible.

J'aimerais maintenant rappeler les progrès accomplis depuis cinq ans en matière de recherche sur les soins palliatifs à l'échelle nationale. Malgré les réussites ponctuelles de certains projets de recherche subventionnés et quelques publications marquantes, la recherche sur les soins palliatifs n'a guère avancé depuis cinq ans au pays. Nous déplorons la perte de certains de nos plus éminents chercheurs ainsi que l'absence d'une stratégie nationale de recherche en matière de soins palliatifs. Une initiative canadienne de recherche sur les soins palliatifs, qui a suscité un vif intérêt dans le secteur privé, n'a reçu aucune subvention du gouvernement fédéral.

Un projet mis en oeuvre par Santé Canada pour l'établissement d'un programme canadien de recherche en soins palliatifs a fait appel à un service tripartite national de consultation. Voici quelques conclusions de ce projet: l'infrastructure actuelle de la recherche canadienne ne permet pas d'assurer la production opportune de connaissances utiles reliées aux soins dispensés à la fin de la vie. Il est impératif de recruter et de soutenir de nouveaux chercheurs pour leur permettre de faire fructifier leurs idées et leurs activités de recherche et, de ce fait, de permettre des percées susceptibles d'améliorer le sort des Canadiens à l'article de la mort. La mise en place d'un programme national de soins palliatifs épargnera bien des souffrances inutiles aux mourants et à leurs proches pour de nombreuses années à venir.

En conclusion, j'espère avoir réussi à démontrer que les questions liées aux soins dispensés au terme de la vie -- même les plus délicats en apparence -- peuvent faire l'objet d'études objectives. Il est extrêmement urgent de promouvoir la recherche sur de nombreux aspects des soins palliatifs si nous voulons éviter la dispense de soins guidée par l'ignorance ou par le désespoir. La recherche responsable sur les soins prodigués au terme de la vie fournit aux cliniciens les connaissances dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées et faire des interventions palliatives adaptées aux besoins des mourants et de leurs proches.

J'aurais cinq recommandations précises à vous présenter.

Premièrement, le cadre de référence du comité sénatorial est essentiellement les soins aux personnes en fin de vie. Son rapport final doit donc s'intituler: «Le rapport sénatorial sur les soins aux personnes en fin de vie au Canada». Un titre légèrement plus provocateur serait: «Soins aux personnes en fin de vie: Une crise dans les soins de santé au Canada». En choisissant l'un ou l'autre titre, on évitera ainsi la possibilité que l'on croie à tort que ce rapport porte sur l'euthanasie ou l'aide au suicide.

Deuxièmement, que votre comité préconise des fonds affectés à des fins particulières, peut-être dans le cadre de l'ICRS, afin d'encourager la formation et la prestation de soins de santé palliatifs et plus particulièrement la recherche sur les soins aux personnes en fin de vie.

Troisièmement, que toutes les installations de formation médicale et les organismes de réglementation professionnels soient tenus d'exiger qu'un établissement ait démontré sa compétence dans les soins aux personnes en fin de vie avant d'accorder un certificat ou un permis d'exercer.

Quatrièmement, que tous les établissements de soins de santé, notamment les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée, soient tenus de démontrer qu'ils respectent les normes appropriées et qu'ils ont les compétences requises en matière de soins aux personnes en fin de vie, notamment une surveillance régulière, assortie des mesures appropriées afin d'assurer la qualité, avant d'obtenir leur agrément ou de pouvoir garder leur permis d'exploitation.

Cinquièmement, que le gouvernement fédéral et Santé Canada rendent compte des recommandations du Sénat en produisant un rapport annuel sur les progrès accomplis à l'échelle nationale dans le domaine des soins aux personnes en fin de vie.

Je crois que ces recommandations devraient permettre dans une grande mesure d'atteindre l'objectif ultime, c'est-à-dire de s'assurer que tous les Canadiens ont accès à des soins d'excellente qualité lorsqu'ils arrivent à la fin de leur vie.

Le sénateur Corbin: J'invoque le Règlement. Nous n'avons pas reçu le texte des recommandations que le témoin vient tout juste de lire. On pourrait peut-être en faire des photocopies afin de nous les distribuer.

Le sénateur Beaudoin: Voulez-vous que le rapport soit marqué?

La présidente: On va nous distribuer toutes ces recommandations et ensuite nous poserons des questions au docteur Chochinov.

Nous allons cependant entendre d'abord le docteur Singer.

Dr Peter Singer, Université de Toronto: Honorables sénateurs, chaque année il y a environ 222 000 Canadiens qui meurent. Quelle est la qualité des soins en fin de vie que reçoivent ces citoyens? Nous ne le savons font simplement pas.

J'ai le regret de signaler que lorsque je m'adresse à des groupes fournisseurs de soins de santé ou au grand public, ils accordent habituellement une cote «C» à la qualité des soins aux personnes en fin de vie au Canada, par rapport aux cotes «A», «B», «C», «D», «E» et «F» que l'on retrouverait sur un bulletin scolaire. Cela n'est pas une cote acceptable pour la chirurgie cardiaque et cela ne devrait certainement pas l'être non plus pour les soins aux personnes en fin de vie. Nous devons jeter un regard nouveau au Canada sur la façon dont nous soignons les Canadiens à l'article de la mort, et nous devons prendre des mesures actives afin d'améliorer les soins que nous leur prodiguons.

Votre rapport, intitulé «De la vie et de la mort», a apporté une contribution importante. Il a d'une part précisé la distinction entre l'euthanasie et l'aide au suicide et d'autre part toute une gamme de pratiques, notamment les soins palliatifs, la sédation et le contrôle de la douleur, l'interruption et la non-administration de traitements essentiels au maintien de la vie, et les directives préalables. Il y a là une distinction importante qu'il faut renforcer davantage et qui nécessite un débat public au sujet de la mort. Lorsqu'on lit un journal, qu'on écoute la radio ou qu'on regarde une émission de télévision, s'il y est question des personnes en fin de vie, une fois sur 10 on parle d'euthanasie et d'aide au suicide. Cependant, au chevet de ces 222 000 Canadiens qui sont à l'article de la mort, 99 p. 100 du temps, il n'est pas question d'euthanasie ou d'aide au suicide, mais plutôt des autres pratiques dont vous avez parlé dans votre rapport -- les soins palliatifs, le contrôle de la douleur et la sédation, l'interruption et la non-administration de traitements essentiels au maintien de la vie, les directives préalables, et cetera.

Je ne prends aucune position au sujet de la légalisation de l'euthanasie ou de l'aide au suicide. Je suis cependant certain que si cette pratique était légalisée demain, elle aurait un effet négligeable sur l'amélioration de la qualité des soins en fin de vie de ces 222 000 Canadiens qui meurent chaque année.

Permettez-moi de parler plus précisément des recommandations contenues dans votre rapport de 1995, «De la vie et de la mort» portant sur les soins palliatifs, le contrôle de la douleur et la sédation, l'interruption et la non-administration de traitements essentiels au maintien de la vie et les directives préalables. Dans votre rapport, vous abordez ces questions en détail et de façon efficace, mais séparément. Je pense que la principale mesure que vous devriez prendre maintenant pour mettre à jour votre rapport consiste à réunir ces questions en un seul concept intégré -- qualité des soins en fin de vie -- et voir comment on pourrait améliorer la qualité des soins aux personnes en fin de vie que reçoivent les 222 000 Canadiens qui meurent chaque année.

Qu'est-ce qui constitue des soins de qualité aux personnes en fin de vie? Plusieurs groupes d'experts, notamment le U.S. Institute of Medicine, ont tenté de répondre à cette question. Mes collègues et moi-même, notamment Douglas Martin, qui viendra demain vous parler des directives préalables, avons décidé que ces approches étaient limitées du fait qu'elles découlent toutes de la perspective d'experts. Nous avons fait une étude au cours de laquelle nous avons demandé aux patients de nous dire ce qui constituait pour eux des soins de qualité, et ils nous ont dit qu'ils comprenaient trois domaines: contrôle adéquat de la douleur et des symptômes, utilisation appropriée des procédures de maintien en vie et soutien aux patients et leurs proches. Ces domaines reprennent les diverses questions que vous avez abordées dans votre rapport de 1995, et nous avons maintenant des résultats de recherche qui nous permettent de les réunir sous un même concept de soins de qualité aux personnes en fin de vie.

Nous en sommes maintenant au point où nous reconnaissons que 222 000 Canadiens meurent chaque année, que la plupart des gens accordent une cote «C» en moyenne pour ce qui est de la qualité des soins qu'ils reçoivent en fin de vie -- il y a bien sûr des exceptions, mais en moyenne on accorde une cote «C» -- et nous avons un objectif unifié défini par les patients eux-mêmes qui peut permettre de mieux orienter l'amélioration de la qualité. Il s'agit maintenant de savoir comment améliorer la qualité des soins que reçoivent ces 222 000 patients en fin de vie. Songeons un peu à ce que nous pouvons faire à trois niveaux: au niveau clinique, au niveau organisationnel et au niveau des soins de santé.

Tout d'abord au niveau clinique, cela a été la contribution majeure mais certainement pas exclusive du mouvement des soins palliatifs au cours des 10 à 20 dernières année. En plus des fournisseurs de soins palliatifs spécialisés, il faut que tous les travailleurs de première ligne dans le domaine des soins de santé qui s'occupent des mourants aient les compétences nécessaires pour leur fournir des soins de santé de qualité à la fin de leur vie.

J'en suis un exemple. Je suis spécialiste des maladies organiques et je pratique dans un hôpital. Environ 10 p. 100 des patients qui sont admis dans un service comme le mien meurent. Je ne suis pas un spécialiste des soins palliatifs. Les initiatives en matière de soins de santé doivent cibler les travailleurs de première ligne comme moi dans le domaine des soins de santé.

L'Université de Toronto a récemment lancé le programme Ian Anderson sur les soins aux personnes en fin de vie grâce à un don de Mme Margaret Anderson d'un million de dollars. Ce programme vise à former 10 000 médecins au Canada dans le domaine des soins aux personnes en fin de vie au cours des cinq prochaines années. Le communiqué de presse à ce sujet se trouve à la fin des documents que je vous ai remis, et j'y reviendrai dans mes recommandations. Je ne dis pas que nous ayons besoin davantage de financement; nous avons le financement. Cela revient à bon nombre de questions dont vous avez parlé au cours des dernières heures. Il faut se demander comment nous pouvons travailler ensemble afin de l'utiliser le plus efficacement possible?

Deuxièmement, parlons un peu du niveau organisationnel. Au cours des cinq dernières années, la qualité des soins aux personnes en fin de vie est devenue une question de responsabilité institutionnelle. Les méthodes d'amélioration de la qualité ont été utilisées pour améliorer les soins aux personnes en fin de vie, et il y a là des possibilités très intéressantes, notamment des bulletins pour les hôpitaux sur les soins aux personnes en fin de vie, considérés comme une question de responsabilité institutionnelle.

J'explore bon nombre de ces stratégies et idées dans un document que j'ai déposé auprès du greffier du comité. Nous pourrons y revenir au cours de la période de questions si vous le voulez. Le contexte général, c'est qu'un mécanisme d'assurance de la qualité existe dans le domaine des soins de santé. Il n'est pas souvent appliqué aux soins aux personnes en fin de vie, mais il peut l'être, avec une certaine dose d'innovation. Cela pourrait conduire à d'intéressantes améliorations au niveau de la responsabilité des institutions.

Le troisième niveau dont je veux vous parler est celui des soins de santé. Le premier niveau n'est pas une innovation, il existe depuis 20 ans. Comment pouvons-nous améliorer l'éducation et nos efforts au niveau clinique? Le deuxième niveau est là depuis à peu près cinq ans. Les organisations se rendent compte que c'est une question de responsabilité. Je crois que le niveau du régime de soins de santé, lié à l'idée des soins de qualité aux personnes en fin de vie, est une innovation. Je vous présenterai une vision future des soins de santé de qualité aux personnes en fin de vie, comme une question liée au régime de soins de santé de la population.

Si on suppose que chaque décès et que la qualité des soins reçus en fin de vie affectent profondément le bien-être de cinq autres personnes en moyenne, soit les membres de la famille du mourant, alors 5 p. 100 de la population canadienne est touchée par cette question chaque année. C'est un pourcentage très élevé, beaucoup plus élevé que bon nombre des maladies auxquelles nous pouvons songer. Nous n'y songeons pas de cette façon pour les raisons dont vous parliez précédemment; cependant, il s'agit d'un problème important en matière de santé pour la population. Des soins de qualité aux personnes en fin de vie devraient être une mesure du rendement du régime de soins de santé, étant donné son importance.

Il devrait y avoir des indicateurs dans les rapports de l'Institut canadien d'information sur la santé et dans les rapports du Maclean's qui se fondent sur ces derniers, au sujet du rendement du régime de soins de santé dans le domaine des soins de qualité aux personnes en fin de vie.

Au cours d'une conversation, j'ai posé la question suivante au premier dirigeant de l'ICIS: «Que diriez-vous si je vous disais qu'il y a un problème de qualité touchant 5 p. 100 de la population chaque année et qu'aucun de vos indicateurs de qualité ne parle de ce problème?» Il a répondu qu'il serait intéressé. Voilà le genre de travail d'innovation qu'il faut faire à ce niveau.

Par ailleurs, il devrait y avoir des comparaisons transnationales dans le rapport sur la santé dans le monde préparé par l'OMS étant donné les 54 millions de décès annuels, dont 46 millions dans des pays à faible et à moyen revenu.

Permettez-moi de vous parler maintenant de ce que le Sénat du Canada pourrait faire pour améliorer la qualité des soins que reçoivent les 222 000 Canadiens qui meurent chaque année.

Tout d'abord, lorsque vous mettrez votre rapport à jour, il faudrait inclure un chapitre sur les soins de qualité aux personnes en fin de vie, en s'inspirant des chapitres précédents et en mettant l'accent sur la façon d'améliorer les soins aux personnes en fin de vie au niveau clinique, au niveau organisationnel et au niveau du système de soins de santé. Deuxièmement, au niveau clinique, soyez notre partenaire dans le programme national Anderson de l'Université de Toronto qui vise à éduquer 10 000 médecins au pays. Dans le cadre de ce programme, nous espérons tenir cinq conférences transformatrices visant des secteurs précis. L'un des secteurs que nous aimerions viser est le gouvernement. Nous devrions faire cela en partenariat.

Troisièmement, au niveau organisationnel, nous devrions encourager l'Association canadienne des soins de santé ou l'Association canadienne de soins et services communautaires ou les organisations qui établissent les normes pour les établissements de santé à élaborer des programmes d'initiatives organisationnelles en vue d'améliorer la qualité des soins aux personnes en fin de vie.

Quatrièmement, au niveau du système des soins de santé, nous devrions encourager l'Institut canadien d'information sur la santé à élaborer des indicateurs de la qualité des soins aux personnes en fin de vie selon la population et, par l'intermédiaire de Santé Canada, encourager l'OMS à incorporer ces indicateurs aux comparaisons transnationales contenues dans son rapport sur la santé dans le monde.

Puisque les recommandations précédentes exigent l'élaboration d'indicateurs des soins de qualité aux personnes en fin de vie et de stratégies afin d'utiliser l'information en vue d'améliorer ces soins, nous devrions appuyer la création d'instituts canadiens pour la recherche en santé, l'ICIS et encourager l'ICIS à financer la recherche nécessaire pour accomplir cette vision.

Honorables sénateurs, je vous ai présenté aujourd'hui une vision nouvelle et novatrice de la façon dont nous pouvons améliorer le rendement du Canada au niveau clinique, au niveau organisationnel et au niveau du système des soins de santé pour ce qui est des soins aux personnes en fin de vie. Les idées que je vous ai présentées s'appuient sur l'excellent travail que vous avez accompli dans votre rapport de 1995 intitulé: «De la vie et de la mort». Grâce au travail effectué par votre sous-comité et dans l'étude future que fera le comité des affaires sociales sur le système de soins de santé au Canada, vous pouvez améliorer considérablement la façon dont 222 000 Canadiens meurent chaque année. Notre vision collective doit être de fournir des soins aux personnes en fin de vie de toute première qualité, des soins qui mériteraient la cote A, à ces 222 000 citoyens et leurs proches.

Madame la présidente, merci beaucoup. Je suis impatient de répondre à vos questions.

Le sénateur Beaudoin: Docteur Chochinov, vous avez proposé le titre Les soins aux personnes en fin de vie au Canada et même le titre plus provocateur, Les soins aux personnes en fin de vie: Une crise dans le régime de soins de santé canadien.

À mon avis, le mot «crise» est un peu fort. Je dis cela parce qu'il y a une controverse mais non pas une crise et parce que, malheureusement, nous allons tous mourir. Je ne sais pas exactement quelle est la traduction parfaite en français, cela est très vague, à mon avis. Comment cela se traduirait-il en français?

Dr Chochinov: Je ne le sais pas. Lorsque je réfléchissais à l'autre titre, j'hésitais entre le sous-titre «Une crise dans le système de soins de santé canadien» et «Une tragédie dans le système de soins de santé canadien». Vous soulignez qu'il ne s'agit peut-être pas d'une crise ni d'une tragédie car nous allons tous mourir. C'est pour cette raison même qu'il s'agit d'une crise ou d'une tragédie.

Le fait est que nous allons tous mourir, pourtant nous savons que seulement une minorité d'entre nous aura accès à des soins complets en fin de vie d'excellente qualité. Nous savons par ailleurs que la qualité de ces soins ne peut être meilleure que les connaissances qui les sous-tendent. Pour ces raisons, si l'accès, l'éducation et la recherche sont inadéquats, il y a effectivement une crise ou une tragédie.

Le sénateur Beaudoin: Nous sommes en train de mettre à jour un rapport dans les domaines où nous étions unanimes. Comment pouvons-nous nous opposer à cela? Naturellement, c'est ce qu'il faut faire. Nous aurions dû le faire auparavant, je suis d'accord avec cela. Pourquoi changer le titre?

Dr Chochinov: Il y a une bonne raison, une raison précise pour changer le titre. J'ai lu la plupart des témoignages. Je sais que certains sénateurs et certains témoins craignent que l'on pense à tort qu'encore une fois le comité met l'accent sur la question contestée de l'euthanasie et de l'aide au suicide. Un sénateur a fait remarquer précédemment que, peut-être, la raison pour laquelle ce rapport n'a pas reçu l'attention qu'il méritait, c'est que l'euthanasie et l'aide au suicide sont des questions politiques trop chaudes et que le comité lui-même était divisé. Cela a donné au gouvernement une bonne excuse pour ne rien faire.

Si nous voulons avoir des recommandations unanimes, nous parlons en fait des soins aux personnes en fin de vie. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? Plutôt que de garder le titre précédent, qui parlait d'euthanasie et d'aide au suicide, donnez-lui un autre titre pour qu'il soit bien clair qu'il s'agit de soins aux personnes en fin de vie. Cela incitera peut-être davantage le gouvernement à passer à l'action.

Le sénateur Beaudoin: Cela est tellement général que cela semble tout inclure.

Le sénateur Carstairs: Je ne pense pas que nous devrions nous attarder à cette suggestion concernant le titre. J'ai bien peur que cela ne se traduise pas très bien en français, de toute façon; par conséquent, nous devrons peut-être choisir quelque chose de tout à fait différent. Ce que le docteur Chochinov veut dire -- cela est clair et ce que nous disons tous --, c'est que nous voulons vraiment nous pencher sur la façon dont les Canadiens meurent, peu importe le titre que nous choisirons plus tard.

Afin de rafraîchir les mémoires de nos témoins et des sénateurs, le comité n'a jamais eu l'intention d'étudier autre chose que l'euthanasie et l'aide au suicide. Ce n'est que lorsque toutes ces autres questions ont surgi au cours du débat sur l'euthanasie et l'aide au suicide que nous nous sommes retrouvés devant un vrai dilemme. Nous avons pensé qu'il n'était que juste de parler de toutes ces choses car c'est ce qui semblait préoccuper davantage les Canadiens, franchement, plus que la question de l'euthanasie et de l'aide au suicide. Ils sont préoccupés par les soins palliatifs, les directives préalables, l'interruption et la non-administration des procédures de maintien en vie et le contrôle adéquat de la douleur. C'est ce qui est ressorti dans le rapport.

Je conviens que nous devrons peut-être redéfinir tout l'objectif de façon à ce que les gens comprennent ce que nous avons vraiment examiné dans ce rapport mis à jour.

Le sénateur Beaudoin: Le titre d'un livre ou d'un rapport est très important.

Dr Chochinov: Étant donné que le mandat initial de notre comité était d'examiner l'euthanasie et l'aide au suicide, il incombe au comité de trouver un titre différent, si l'objectif de ce que nous tentons de faire est effectivement différent.

Le sénateur Beaudoin: Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, je n'ai pas de problème avec quoi que ce soit qui fasse l'unanimité parmi nous. Pour ce qui est du reste, je suis prêt à en discuter un jour, mais pas aujourd'hui.

Le sénateur Corbin: Dans sa troisième recommandation, le docteur Singer parle de conférences transformatrices. Vous me pardonnerez, mais ma culture ne comprend pas ce que cela signifie. Je n'ai jamais participé à un tel exercice. Je pense que je comprends comment cela pourrait fonctionner, mais j'aimerais ajouter également que l'une de ces conférences devrait s'adresser au gouvernement. Nous ne sommes pas le gouvernement. Nous sommes des parlementaires. On nous considère peut-être comme des critiques ou des conseillers du gouvernement, mais nous ne sommes pas le gouvernement. Vous voudrez peut-être tenir une conférence transformatrice avec les parlementaires en général, puis une autre avec les gouvernements, ce qui risque de provoquer un affrontement, car les choses ne fonctionnent pas à l'heure actuelle. J'aimerais bien que vous me parliez de ces conférences transformatrices.

Dr Singer: C'est de cela dont ont parlé les témoins précédents. Il faut inculquer diverses compétences. Toutefois, fondamentalement, une partie du problème repose sur l'attitude des gens devant la mort. C'est un phénomène culturel très, très profond qui s'exprime de façon très intéressante.

Revenons à la discussion que nous venons d'avoir afin que tous les parlementaires soient sur la même longueur d'onde que vous, monsieur le sénateur. Laissons la question de l'euthanasie et de l'aide au suicide pour des motifs, disons, d'efficacité, prenons un peu de recul et revenons à notre objectif, soit ces 220 000 personnes. Ce serait une nouvelle façon pour le secteur parlementaire de voir les choses.

J'ai fait allusion aux médias. C'est un autre secteur que nous devrions cibler. Tant que 9 reportages sur 10 sur les soins en fin de vie à la télé, à la radio et dans les journaux porteront sur l'euthanasie et l'aide au suicide, il sera difficile de mettre l'accent sur l'amélioration des soins aux mourants. Il faudrait aussi cibler les médecins, ainsi que les organisations qui font la promotion de ces idées.

En résumé, pour répondre à votre question, nous envisageons un ensemble de conférences dans le cadre de l'éducation permanente et où on rassemblerait 500 décideurs pour leur apprendre quelque chose de nouveau. Nous voulons leur montrer qu'il y a d'autres façons d'envisager ces choses. Nous voulons sortir de cette impasse qui étouffe l'innovation et l'amélioration des soins en fin de vie, certaines des questions dont nous parlons. Par le biais de ces conférences transformatives, nous tentons de nous attaquer au problème des attitudes et de la conceptualisation. Je vous ai présenté une conceptualisation des enjeux bien différente de celle que vous connaissez.

Il faut que les comités de rédaction des grands journaux, les parlementaires, et ainsi de suite, voient autrement cette question afin que les 10 000 médecins et professionnels de la santé aux compétences améliorées puissent bien faire leur travail.

La présidente: Comment formerez-vous 10 000 médecins avec un million de dollars? Cela ne fait que 100 $ par médecin.

Dr Singer: C'est une très bonne question, une question qui nous a déchirés. Nous avons commencé par 12 000 médecins pour finalement réduire ce nombre à 10 000.

Nous prévoyons employer un modèle distributif. Les dons ont été faits à l'Université de Toronto, mais nous comptons créer un partenariat national d'éducateurs en santé à l'échelle du pays, un peu comme les témoins précédents. Ils vous ont parlé de leur manque de fonds pour leurs programmes d'éducation, notamment. Nous voulons rassembler les gens par région et par spécialité, concevoir du matériel, recenser les facteurs d'influence et servir, en quelque sorte, de carrefour pour ces médecins. C'est un modèle distributif d'éducation, tout à fait conforme aux principes d'avant-garde de l'éducation permanente.

Aucun d'entre nous ne travaillera sur la ligne de front, nous établirons des partenariats avec nos collègues un peu partout au pays pour ce faire. Le système est déjà en place: c'est le réseau d'éducation permanente des collèges. Récemment, les collèges ont commencé à exiger une formation continue des professionnels de la santé, autant des omnipraticiens que des spécialistes. Nous souhaitons que certaines de ces exigences s'appliquent aux soins en fin de vie. Si nous voulions tenir ces conférences nous-mêmes, nous ne pourrions pas le faire. Toutefois, si ce million de dollars sert à appuyer le travail de bon nombre de nos dévoués collègues à l'échelle du pays et la collaboration avec les collèges, c'est faisable. De plus, notre modèle se fonde sur les principes d'avant- garde de l'éducation permanente selon lesquels le cours magistral est abandonné au profit d'une méthode prévoyant la mise sur pied de groupes de 10 médecins, dotés d'un matériel donné, à l'échelle du pays. Nous voulons créer l'infrastructure éducative pour ce faire, sans nécessairement engager des enseignants, car il y en a déjà de très compétents, comme vous l'ont indiqué bien d'autres témoins.

C'est tout un défi. Nous voulons que ce soit un programme transformateur. Nous savons, d'après les études qui ont été menées en matière d'éducation permanente, qu'il faut une proportion donnée de l'ensemble de la main-d'oeuvre -- en l'occurrence, 57 000 médecins du pays -- pour susciter un changement transformateur durable. Voilà pourquoi notre objectif est de 10 000.

La présidente: Si vous les amenez simplement à en parler, ce sera une grande réalisation.

Dr Singer: Non, pas vraiment. N'oubliez pas qu'il ne s'agit pas ici de former des spécialistes. Permettez-moi de revenir en arrière.

Quelque 220 000 Canadiens meurent chaque année au pays. Environ un quart d'entre eux meurent du cancer et trois quarts d'une autre maladie. Les soins palliatifs sont avant tout axés sur les besoins des cancéreux. Ils ne répondent donc aux besoins que d'un quart des mourants. Je ne prétends pas que c'est bon ou mauvais, je vous indique seulement qu'il en est souvent ainsi, pour des raisons d'ordre historique. Disons, pour être généreux, que la moitié de ces personnes qui meurent du cancer ont accès à de bons soins palliatifs. Cela signifie dans l'ensemble que 12,5 p. 100 des mourants ont accès à des soins palliatifs. Le financement devrait être accru, et c'est ce que vous devriez recommander.

Dans les faits, la plupart des mourants seront traités par des médecins comme moi. Nous voulons donc rehausser un peu les compétences des médecins comme moi. Il ne s'agit pas d'une formation approfondie de deux ans comme celle que reçoit un spécialiste. Il s'agit plutôt de 10 à 12 heures de formation ciblée sur les cas et les enjeux critiques, dispensée dans une forme convenable à 10 000 médecins qui pourront ensuite mettre sur pied un réseau leur permettant de continuer à apprendre les uns des autres. L'usage de serveurs de listes électroniques, de sites Web et d'autres moyens de ce genre aura une grande incidence sur la façon dont les autres patients mourront au pays car ce sont des gens comme moi qui leur dispensent des soins à la fin de leur vie.

La présidente: Docteur Chochinov, voilà cinq à huit ans que vous menez des recherches sur les effets de la dépression sur les attitudes des mourants. Je sais que vous êtes en contact avec tous les médecins et les centres de soins palliatifs de notre ville de Winnipeg. Est-ce qu'ils tentent de soigner la dépression?

Dr Chochinov: On reconnaît maintenant que la dépression est une entité clinique qui contribue aux souffrances chez les mourants.

On a récemment mené une étude des interventions psychopharmaceutiques auprès de patients en phase terminale, et les taux de prévalence chez les patients qui reçoivent un traitement restent inférieurs aux taux de prévalence de la dépression. Nos progrès ne sont donc que préliminaires.

L'article dont j'ai parlé qui a paru dans Annals of Internal Medicine est un autre exemple de la façon dont la recherche peut accroître la sensibilité des dispensateurs de soins aux symptômes de la dépression.

La plupart des études qui ont été menées jusqu'à présent se sont penchées sur la façon de déterminer l'étendue du problème. Ce qui n'a pas encore été fait, et ce qui manque, ce sont des études sur les interventions. Il n'y a pas encore eu d'étude sur échantillons aléatoires et contrôlés des effets des antidépresseurs chez les mourants. Des essais à petite échelle ont démontré leur efficacité, mais il n'y a pas encore eu une bonne étude sur échantillons aléatoires et contrôlés. Nous avons donc beaucoup de pain sur la planche en matière d'étude sur les interventions.

Il en va probablement de même des soins palliatifs en général. La recherche a surtout tenté de définir l'envergure du problème, que ce soit au niveau du soulagement des symptômes, de l'étendue des souffrances existentielles, par exemple. Très peu de recherches ont encore été faites dans le domaine des interventions.

La présidente: Le sénateur Roche était absent, mais les sénateurs Corbin et Beaudoin, ainsi que moi-même, étions à Winnipeg lors du premier témoignage du docteur Chochinov, en septembre 1995. Je venais de me joindre au comité. Lorsqu'il nous a fait part de ce qui était alors encore des données préliminaires, je me suis tout de suite dit: «Bien sûr qu'ils sont déprimés, ils se meurent.». Cela me semblait une évidence. Toutefois, ce que vous nous dites maintenant, c'est que pour bien des gens, il n'est pas évident que les mourants soient déprimés.

Dr Chochinov: En fait, c'est une minorité importante de patients qui souffre de dépression. Nous faisons une distinction entre la dépression clinique, ou le syndrome de dépression, et les genres de tristesse que nous ressentons tous devant les difficultés de la vie.

Le sénateur Roche: Docteur Chochinov, vous nous avez clairement indiqué que vous souhaitez que le comité se concentre sur les soins palliatifs et délaisse l'aide au suicide et l'euthanasie. J'ai trouvé votre exposé fascinant, et je vous en félicite, mais vous avez lu vos remarques plutôt vite et j'ai du mal à me rappeler précisément ce que vous avez dit. Si je ne m'abuse, vous avez fait mention de l'euthanasie et de l'aide au suicide. Pourriez-vous me rappeler ce que vous avez dit? Le fait de savoir que vous allez mourir et la dépression que cela occasionne font-ils augmenter le désir de faire l'objet d'une aide au suicide ou d'une forme d'euthanasie, ou vous ai-je mal compris?

Dr Chochinov: Il y a un lien entre la dépression clinique et le refus de faire face au pronostic. Il y a aussi une corrélation directe entre ceux qui souffrent de dépression clinique et ceux qui souhaitent hâter leur mort. Une des études que je vous ai présentées indique que, si vous faites partie du groupe de patients qui expriment un souhait sincère de voir leur vie prendre fin dans les meilleurs délais, vous courez 10 à 12 fois plus de risque de souffrir de dépression que si vous ne souhaitez pas mourir.

Le sénateur Roche: Ce n'est pas parce qu'on souhaite mourir qu'on souhaite se faire euthanasier ou avoir de l'aide pour se suicider.

Dr Chochinov: C'est exact. Le numéro de cette semaine du New England Journal of Medicine comporte un article qui vous intéressera peut-être. Il traite de trois études dont vous voudrez peut-être prendre connaissance. L'une d'elles traite du taux de complication dans les cas d'euthanasie et d'aide au suicide en Hollande et a démontré que ce taux de complication est d'environ 20 p. 100. Les deux autres études, qui sont particulièrement importantes, décrivent l'expérience de l'Oregon par suite de l'adoption de sa Death with Dignity Act. Comme les sénateurs le savent, cette loi sur la mort dans la dignité a été adoptée avec une majorité de 60 p. 100. Autrement dit, sur 10 000 habitants de l'Oregon, 5 000 ont estimé que l'aide au suicide constituait une bonne politique sociale. Les articles paraissant cette semaine dans le New England Journal of Medicine indiquent que, sur ces 10 000 habitants de l'Oregon, seulement 60, au moment de leur mort, ont demandé qu'on leur prescrive un médicament mortel. Sur ces 60 cas, seulement dix ont été jugés conformes aux lignes directrices prévues par la Death with Dignity Act et sur ces dix personnes, seulement cinq sont mortes d'une surdose mortelle. Bien que 60 p. 100 des habitants de l'Oregon considèrent que c'est une bonne politique sociale, seulement la moitié d'un dixième d'un pour cent est prête à se prévaloir de cette politique.

Le sénateur Roche: C'est très intéressant, et j'espère que nos attachés de recherche prendront connaissance des études dont vous venez de nous parler.

Je vais tenter de reformuler ma question. Je ne l'ai pas vraiment bien posée tout à l'heure. Ce n'est pas parce qu'on souhaite mourir qu'on demandera de l'aide pour se suicider ou une forme d'euthanasie, et vous l'avez confirmé, mais ce pourrait être le cas.

Ce qui me préoccupe, c'est la perception du public et, encore une fois, la réaction du gouvernement.

Je sais, sénateur Carstairs, que nous en discuterons probablement plus tard lorsque viendra le temps d'établir comment notre rapport abordera ce sujet. Je suis d'accord pour que notre étude porte sur les soins palliatifs et toutes les questions connexes, mais je ne vois pas comment nous pourrions faire totalement fi de l'euthanasie et de l'aide au suicide, des questions que le public a à l'esprit et qu'il associe aux soins palliatifs. Peut-être n'ai-je pas poussé ma réflexion assez loin, mais je vous pose tout de même la question suivante.

À mon avis, il est impossible de séparer ces questions. Dans notre rapport, nous voulons traiter des soins palliatifs; or, votre témoignage m'amène à croire qu'il nous sera impossible de passer outre à l'euthanasie et à l'aide au suicide, qu'il nous faudra à tout le moins préciser que les soins palliatifs ne sont pas l'équivalent de l'aide au suicide. Lorsqu'on souhaite mourir, comment peut-on éviter cette question?

Dr Chochinov: Il vous suffit de dire dès le départ que vous ne traiterez pas de changement à la politique sociale et que vous traiterez tout simplement du désir de mourir comme étant l'un des symptômes de la souffrance chez les mourants.

Le sénateur Roche: Vous estimez que nous devrions le dire franchement dans notre rapport?

Dr Chochinov: Tout à fait. Après le nouveau titre, la préface stipulerait que, bien que de nombreuses questions de politique sociale entrent en jeu, elles ne sont pas le point de mire de votre étude. L'étude abordera des questions telles que l'euthanasie, l'aide au suicide et le désir de mourir et indiquera que ces questions sont l'expression de la souffrance des mourants.

Le sénateur Roche: À mon avis, plus les gens seront conscients des vertus et de la valeur de bons soins palliatifs, moins ils s'intéresseront à l'aide au suicide.

Le sénateur Beaudoin: J'abonde dans le même sens.

La présidente: Je crois que les deux témoins sont aussi d'accord. Docteur Chochinov, disons que nous sommes à rédiger notre rapport et que nous voulons faire référence à certaines de vos études. Seriez-vous satisfait si nous disions simplement que vos recherches indiquent que de bons soins palliatifs doivent prendre en compte la question de la dépression chez les mourants?

Dr Chochinov: Absolument, mais j'estime que vous devez aller plus loin et aborder tout le domaine du soulagement des symptômes. Mais il faut certainement inclure la dépression.

Le sénateur Corbin: Est-ce que la recherche indique que la dépression de fin de vie est particulière à la culture occidentale? Je m'explique. J'ai eu des discussions avec des personnes d'autres cultures et d'après ce qu'elles m'ont dit, la dépression à la fin de la vie n'est pas vraiment un problème pour elles.

Vos études ont-elles porté sur diverses cultures, ou avez-vous ciblé un groupe de personnes à l'exclusion des autres? Comment traitez-vous ces enjeux, le Canada étant un pays très multiculturel, multireligieux et multiethnique. Vos études peuvent-elles être crédibles dans un tel contexte?

Dr Chochinov: Chaque fois que je présente le résultat de mes recherches, on me demande si j'ai tenu compte de tel ou tel facteur. Je réponds toujours que mes recherches sont limitées. Je ne peux tenir compte que d'un nombre limité de facteurs, parce que les chercheurs ne peuvent anticiper tous les facteurs et aussi parce que les chercheurs n'ont pas nécessairement les compétences nécessaires pour inclure tous ces facteurs dans un protocole de soins palliatifs.

En outre, c'est un groupe de gens qu'il est difficile d'étudier. Si vous incluez des facteurs tels que la culture, l'ethnicité et la religion, vous allongez et, du coup, alourdissez le protocole qui est administré aux patients.

La plupart de nos études se font à l'un des deux établissements de soins palliatifs de Winnipeg auprès de patients hospitalisés. Ces patients représentent toute une gamme de cultures, mais, encore une fois, ce sont surtout des personnes âgées souffrant du cancer.

Plus tôt, on m'a demandé pourquoi nous étudions surtout des cancéreux. La réalité, c'est que la majorité des patients hospitalisés dans les établissements de soins palliatifs souffrent du cancer.

Vos remarques sont pertinentes, car il est vrai que nous ne pouvons pas nécessairement étendre les résultats de nos études à tous les groupes, à tous les âges et à toutes les cultures. Néanmoins, j'espère que mes recherches jettent une certaine lumière sur un domaine qui est resté obscur pendant longtemps.

Le sénateur Beaudoin: Dans notre rapport, nous avons inclus un lexique. Il m'apparaît très bien, mais je suis prêt à en discuter si on me dit qu'il comporte des erreurs. Je n'en ai pas vu. Toutefois, je suis toujours ouvert à la discussion.

À mon sens, et cela est la cause de problèmes au pays et ailleurs dans le monde, les gens ne s'entendent pas sur les définitions. Certains ne voient même pas de différence entre le fait de renoncer à un traitement et l'euthanasie. Je ne suis pas du tout d'accord, mais je suis prêt à entendre leurs arguments.

Le titre du lexique est plutôt vague, mais je suis d'accord avec la présidente: laissons cela pour l'instant; nous y reviendrons en temps et lieu.

J'ai félicité ceux qui ont proposé la formation de ce comité de leur prévoyance. Toutefois, il semble y avoir des gens qui ne veulent pas donner suite à certaines questions qui semblaient faire l'unanimité auparavant. Dans les domaines où nous sommes d'accord, les soins palliatifs, l'interruption du traitement, et ainsi de suite, pourquoi ne pas agir?

Il serait facile de trouver un titre pour notre rapport, mais je ne veux pas que cela soit coulé dans le béton dès le départ. Nous devons convaincre les gens qu'il y a des distinctions à faire. Tout ce dossier repose sur une philosophie en droit. Mais il nous faut des définitions, il nous faut un lexique et il nous faut discuter de la question.

En dernière analyse, nous nous entendrons ou non. Il en sera toujours ainsi sur cette belle planète. Croyez-vous que c'est ce que nous devrions faire?

Dr Singer: Oui, je suis d'accord, mais j'irais un peu plus loin. Vous pourriez envisager de faire trois choses dans votre rapport. Premièrement, vous pourriez traiter de l'euthanasie et de l'aide au suicide par rapport aux autres questions. Vous dites que les gens ne font pas la distinction; en fait, ce que vous dites, c'est que les gens croient que ce devrait être légal ou illégal, et vous souhaitez mettre cette question en veilleuse pour l'instant.

Soit dit en passant, vous pouvez signaler qu'il existe notamment les lignes directrices du Bureau du coroner en chef de l'Ontario qui font une distinction claire entre les différents niveaux d'intervention, l'analgésie et la sédation qui relèvent des soins palliatifs, d'une part, et l'euthanasie et l'aide au suicide, d'autre part.

Deuxièmement, vous pourriez rassembler certaines idées disparates -- les soins palliatifs, les directives préalables, le traitement de maintien en -- en un processus unifié sur lequel les gens pourraient se concentrer. J'ai consacré cinq ans de ma vie à l'étude des directives préalables avant de comprendre qu'elles ne constituaient qu'une pièce du casse-tête, une pièce importante, mais néanmoins une seule pièce parmi d'autres. J'ai pris du recul afin de déterminer quel était le coeur conceptuel du problème. Vous voudrez peut-être rassembler toutes ces questions sous la rubrique de la qualité des soins en fin de vie.

Troisièmement, vous pourriez formuler des recommandations concernant non seulement la compréhension, mais aussi l'amélioration concrète.

Le sénateur Beaudoin: L'amélioration de quoi?

Dr Singer: L'amélioration des soins en fin de vie.

Le sénateur Beaudoin: Personne ne veut mourir.

Dr Singer: Non, bien sûr, mais surtout, personne ne veut mourir dans la souffrance, le souffle court, branché à une machine et seul. Personne ne veut mourir, mais c'est surtout cette vision qu'on rejette. Voilà pourquoi la plupart des gens estiment que les soins en fin de vie au Canada méritent la cote «C».

Il y aura encore 222 000 morts chaque année, mais les soins en fin de vie pourraient mériter un «A» plutôt qu'un «C». C'est ce que devrait être votre objectif.

En plus de rassembler ces idées en un seul concept, vous devez aller au-delà de la compréhension du dossier et proposer des stratégies d'amélioration liées à l'idée du rendement et de la reddition de comptes des organisations et du système de soins de santé. C'est cela qui, en dernière analyse, permettra d'améliorer les soins en fin de vie, outre ce qui a déjà été fait en soins palliatifs, au niveau clinique et au niveau de la formation. Il faut quelque chose de neuf. Ce sont là certaines des innovations qui nous mèneront sur cette voie.

Le sénateur Beaudoin: Vous dites qu'il faut quelque chose de neuf. Nous avons des définitions du refus, de l'interruption de la sédation, des soins palliatifs -- je vous ai peut-être mal compris, et si tel est le cas, je m'en excuse. Nous n'avons pas à améliorer cela. C'est très clair.

Dr Singer: Je suis d'accord. Je vous parle plutôt de la pratique clinique. Si je veux enseigner à un groupe d'étudiants en médecine ou de résidents comment aborder le mourant au chevet duquel nous nous trouvons, je peux parler de directives préalables, je peux parler de traitements de maintien en vie, je peux parler de souffrances, mais ce ne sont là que quelques pièces du casse-tête. Ils n'auront pas une idée d'ensemble comme c'est le cas pour les déficiences cardiaques, par exemple.

Nous devons prendre du recul et nous demander quel est notre objectif. Notre objectif est de faire en sorte que le patient qui est devant nous reçoive les meilleurs soins à la fin de vie. Comment? Tous les jours, lorsque nous allons au chevet des mourants, nous devons nous demander: a-t-on soulagé la souffrance et les symptômes? Avons-nous discuté d'un éventuel traitement de maintien en vie? Avons-nous fait ce qu'il faut pour aider le patient et la famille? Cela peut vous sembler simpliste, mais c'est un exemple, au niveau clinique, d'un cadre conceptuel organisé.

Dans mes remarques, j'ai adopté la même perspective d'ensemble pour les établissements de soins de santé et j'ai formulé la question en termes de reddition de comptes; je me suis demandé comment l'évaluer et l'améliorer. Cela rejoint très bien les recommandations de mon ami le docteur Chochinov. Dans le rapport annuel dont il a parlé, que devrait-on trouver? Il faudrait inclure des indications du rendement du système de soins de santé canadien dans ce domaine très important appelé les soins en fin de vie. Prenez cette approche organisée conçue pour la pratique clinique et appliquez-la au niveau de l'organisation et du système de soins de santé. Au chevet d'un malade, avec le résident ou l'étudiant en médecine, j'aborde une pièce du puzzle à la fois. Il leur sera difficile d'aller plus loin, car je ne leur brosse pas un tableau d'ensemble. Le tableau d'ensemble, c'est la qualité des soins de fin de vie. Enfin, au troisième niveau, vous devez chercher des stratégies d'amélioration.

Dr Chochinov: Dans bien des discussions, on mentionne les obstacles et les difficultés que créent l'euthanasie et l'aide au suicide dans cette discussion et dans nos tentatives en vue de progresser. Il y a deux autres obstacles qui ont été négligés. D'abord, l'absence de volonté politique. Malheureusement, les patients en phase terminale se font rarement entendre. Les morts ne sont plus sur terre pour prendre la parole, les mourants ne peuvent souvent plus parler et les familles endeuillées souffrent trop pour pouvoir parler. C'est tout un problème.

Deuxièmement, et certains des témoins précédents y ont fait allusion, il faut financer la recherche. Le financement de la recherche est nécessaire pour créer des connaissances, et ce sont les connaissances qui définissent le plafond. La qualité des soins ne pourra jamais dépasser ce plafond. Comprenons-nous bien. Certains ont laissé entendre que les fonds étaient suffisants, d'autres, le contraire. Je trancherai la question: la recherche sur les soins en fin de vie est sous-financée.

J'ai participé à un projet financé par Santé Canada en vue de créer un programme national de recherche sur les soins palliatifs. Je serai heureux de vous transmettre les résultats de ce projet. À partir d'un rapport externe de consultation, on a examiné chacun des grands organismes subventionnaires et les fonds qu'ils mettaient à la disposition des chercheurs. Le Conseil de recherches médicales, dont le budget de fonctionnement totalise 200 millions de dollars annuellement, a répertorié six subventions dans ce domaine pour les cinq dernières années, dont une seule de 39 000 $. L'Institut national du cancer du Canada avait un meilleur bilan. De toutes les sommes qu'il avait accordées ces cinq dernières années, 500 000 $ avaient servi à des projets d'étude sur les soins en fin de vie, soit environ 0,03 p. 100 de son budget de fonctionnement. Dans l'ensemble, Santé Canada aurait financé quelque 25 projets pour un total d'environ sept millions de dollars. La plupart de ces projets sont des initiatives d'enseignement et des projets de synthèse et de diffusion.

La recherche fondamentale est indispensable si l'on veut engendrer les connaissances et les diffuser. Le représentant du PNRDS a dit qu'on a dépensé plus de 1,2 million de dollars au cours des cinq dernières années à la recherche en matière de soins palliatifs. Il m'a même fourni une liste de ces projets de recherche. Ainsi, quelque 400 000 $ ont été alloués à des projets de synthèse, un montant égal a été attribué à deux chercheurs scientifiques et le reste du budget a été réparti entre quelques petits projets.

Que l'on ne se méprenne surtout pas sur le véritable problème: le financement nous fait cruellement défaut. En me préparant en vue de ma comparution aujourd'hui, j'ai parlé la semaine dernière à un spécialiste de la recherche en soins palliatifs. Ce chercheur, une sommité canadienne, m'a confié qu'il n'était pas certain que, dans un an d'ici, les chercheurs auront des emplois. Je crois bien franchement qu'il est plus facile pour un adjoint de recherche de travailler dans le laboratoire de quelqu'un d'autre que d'avoir à affronter sans cesse les frustrations qu'autorise la recherche constante de fonds.

Le sénateur Roche: Quel pourcentage des soins palliatifs existants est offert aux cancéreux?

Dr Singer: J'allais dire que sur les 222 000 patients qui meurent, environ le quart sont des cancéreux. La plupart des soins palliatifs sont offerts à des patients atteints du cancer. Disons que la moitié des patients qui meurent du cancer ont reçu des soins palliatifs.

Le sénateur Roche: Est-ce une supposition de votre part?

Dr Singer: Oui, ce sont des suppositions.

Le sénateur Roche: Vous supposez donc que 50 p. 100 des patients qui meurent du cancer ont reçu des soins palliatifs?

Dr Singer: Absolument, c'est une supposition.

Le sénateur Roche: Votre ami ne semble pas d'accord avec vous.

Dr Chochinov: Selon toute probabilité, et avec tout le respect que je vous dois, je crois que la proportion est nettement plus faible. Cela dit, la question que vous soulevez est très importante.

Dr Singer: Si c'est le quart, c'est donc 6,75 p. 100. Il faut envisager la question du point de vue démographique: chaque année, environ 222 000 patients meurent. Notre but est d'offrir des soins palliatifs au plus grand nombre de patients atteints du cancer, et il est impératif de bonifier le financement si l'on veut réaliser les conditions idéales dont on a entendu parler plus tôt. Cependant, on ne pourra jamais atteindre la barre des 100 p. 100 pour ce qui est des soins palliatifs spécialisés, et peut-être qu'on ne devrait pas non plus. À titre d'exemple, moins de 100 p. 100 des patient souffrant d'insuffisance cardiaque sont suivis par des cardiologues. En fait, bon nombre d'entre eux sont traités par des spécialistes de maladies organiques comme moi, ce qui nous ramène à la question de l'intégration.

Le sénateur Roche: Êtes-vous en train de nous dire que les patients atteints du cancer en phase terminale ne sont pas les seuls à nécessiter des soins palliatifs?

Dr Singer: Oui.

Le sénateur Roche: Autrement dit, les patients atteints du cancer ont un accès prioritaire aux soins palliatifs. Est-ce bien cela?

Dr Singer: Oui, c'est bien cela. Les soins palliatifs ont été offerts, au départ, à l'hospice Dame Cicely Saunders au Royaume Uni. Ces soins étaient offerts aux patients atteints du cancer. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que les cancéreux représentent le quart des patients qui meurent.

Le sénateur Roche: Vous dites donc que les soins palliatifs sont offerts, entre autres, aux cancéreux.

Dr Singer: Oui, et ce, de deux façons. D'abord, il faut que les services de soins palliatifs spécialisés soient organisés et qu'ils soient accessibles non seulement au quart, c'est-à-dire les cancéreux qui meurent, mais à tous les patients -- c'est-à-dire, tous les patients autres que les 10 p. 100 qui meurent subitement.

Ensuite, en cherchant à améliorer l'accès aux soins palliatifs, il ne faut pas se contenter d'augmenter le nombre de services spécialisés. Il faut plutôt essayer de renforcer les compétences des médecins et des infirmières de première ligne qui s'occupent des 222 000 patients en phase terminale. Je reviens à la question qui a été soulevée plus tôt, à savoir que chaque médecin pratiquant ou infirmière qui s'occupe de patients en phase terminale, et même s'ils ne sont pas des spécialistes des soins palliatifs certifiés par leur collège respectif, doivent posséder les mêmes niveaux de compétence fondamentale en matière de soins en phase terminale qu'en matière de santé ordinaire.

La présidente: Merci beaucoup pour cet exposé fort instructif. Il va falloir éteindre les caméras maintenant, et je demanderais aux membres permanents du comité de rester dans la salle. Nous devons approuver notre budget pour la session prochaine. Je demanderai donc à tout le monde de sortir, à l'exception de ceux qui doivent participer à notre discussion.

Chers collègues, nous devons approuver notre budget. Comme vous pouvez le constater, le montant est très petit, soit 7 890 $. Notre deuxième point à l'ordre du jour est la vidéoconférence. Il s'agit de mettre à jour des informations, puisque notre deuxième mandat était de mettre à jour les renseignements contenus dans l'autre rapport. Pour le moment, je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire de le faire. Les attachés de recherche pourraient peut-être s'en occuper.

Ma première recommandation et de demander aux attachés de recherche de nous faire un compte rendu sur ce qui s'est passé aux Pays-Bas, en Australie et en Oregon. Si cela s'avère nécessaire, nous tiendrons une vidéoconférence avec l'un ou l'autre pays, ou avec l'État de l'Oregon. Cependant, si nous sommes d'accord pour tenir une vidéoconférence, j'aimerais qu'on en prévoie les fonds dans le budget.

Le sénateur Corbin: Cela me semble raisonnable.

Le sénateur Beaudoin: Je n'ai pas d'objections, puisque nous avons une certaine latitude. Ceci étant dit, il m'est difficile d'approuver la vidéoconférence avec l'Oregon, car il ne s'agit que d'un État. Pourquoi pas l'Angleterre ou un autre pays?

La présidente: Parce que les autres pays ne se sont pas penchés sur la question. Dans notre rapport initial, nous avons examiné le cas de tous les pays qui avaient adopté une politique en matière d'euthanasie et de suicide assisté. Est-ce que vous vous rappelez de notre vidéoconférence avec le représentant des Pays-Bas?

Le sénateur Beaudoin: Oui.

La présidente: À ce moment-là, ils étaient les seuls pays. Il n'y en avait pas d'autres. Les seuls endroit où il y a eu un changement depuis 1995 sont le territoire du Nord en Australie, l'État de l'Oregon et les Pays-Bas, qui ont déposé un projet de loi, quoiqu'il n'ait pas encore été adopté.

Le sénateur Beaudoin: Que s'est-il passé en Oregon?

La présidente: En Oregon, une loi est en vigueur depuis 1995.

Je propose que nous demandions à nos attachés de recherche de nous obtenir les renseignements. Si nous sommes satisfaits de l'information qu'ils nous auront obtenue et si nous trouvons qu'il n'est pas nécessaire de tenir une vidéoconférence, nous nous en passerons tout simplement. Nous utiliserons alors ces renseignements pour mettre à jour notre rapport.

D'autre part, ce qui m'inquiète, et c'est une inquiétude exprimée par nos deux derniers témoins, c'est que je ne veux pas que nous perdions de vue notre objectif. Je veux que notre objectif reste le même, à savoir une mort digne au Canada, et non la question de l'euthanasie et du suicide assisté.

Si quelqu'un propose une motion à cet effet, je pourrais la présenter au cureau de la régie interne.

Le sénateur Beaudoin: Combien sommes-nous?

La présidente: Nous sommes cinq en tout, mais seuls trois sont présents aujourd'hui.

Le sénateur Beaudoin: Je n'ai pas d'objection; je peux la proposer.

Le sénateur Corbin: Vous avez parlé du territoire du Nord de l'Australie, des Pays-Bas et de l'Oregon, qui autorisent l'euthanasie. À quoi bon en discuter avec eux alors?

La présidente: Nous n'avons pas encore décidé si on allait le faire ou non, mais notre mandat consiste notamment à mettre à jour l'information contenue dans le rapport de 1995.

Le sénateur Corbin: Même l'exemple des Pays-Bas n'a rien apporté de nouveau à la question dont nous sommes saisis, à savoir les soins palliatifs. Nous cherchions davantage à savoir ce qu'il en était de leur politique et de leur stratégie en matière d'euthanasie. Par conséquent, je ne crois pas qu'une discussion avec eux soit pertinente. En fait, je ne vois même pas pourquoi on devrait en discuter avec l'Oregon.

La présidente: Nous ne prendrons pas de décision aujourd'hui.

Le sénateur Beaudoin: Je n'ai pas d'objection du tout à demander 5 000 $ pour organiser des vidéoconférences. Je trouve cela assez raisonnable. Cela dit, je suis enclin à penser moi aussi que ce n'est peut-être pas la meilleure solution, puisque nous n'apprendrons pas grand-chose de nouveau.

Peut-on simplement demander un budget de 5 000 $?

La présidente: Autrement dit, on ne mentionne pas de pays, c'est ça?

Le sénateur Beaudoin: Oui, c'est ça.

La présidente: Pourquoi pas! Cela ne pose pas de problème. Nous ne nommerons pas de pays alors. Ainsi, nous obtiendrons le budget et nous pourrons décider avec quels nous voulons organiser une vidéoconférence.

Nous n'évoquerons pas de pays et intitulerons la rubrique tout simplement «vidéoconférences». Avant d'organiser une vidéoconférence, nous nous réunirons à huis clos.

Êtes-vous d'accord?

Le sénateur Corbin: Je préférerais plutôt qu'on demande aux attachés de recherche de nous obtenir les informations, qui est notre domaine d'intérêt pour le moment. Si nous discutons avec l'Oregon, il faudra le faire également avec l'État de New York, qui a rejeté l'euthanasie pour toutes sortes de raisons.

Le sénateur Corbin: J'en propose l'adoption.

La présidente: La motion est adoptée.

La séance est levée.


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