Délibérations du sous-comité de
mise à jour de «De la vie et de la mort»
Fascicule 10 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 15 mai 2000
Le sous-comité de mise à jour de «De la vie et de la mort» du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 30 pour examiner les faits survenus depuis le dépôt, en juin 1995, du rapport final du comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide intitulé: «De la vie et de la mort».
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à notre table, cet après-midi, à l'honorable Allan Rock, ministre de la Santé. Il est accompagné aujourd'hui de Mme Christina Mills, de Cliff Halliwell et de Barbara Ouellet.
Nous vous souhaitons la bienvenue à tous. Si j'ai bien compris, le ministre présentera les observations préliminaires; ensuite, si nous posons des questions auxquelles il ne peut donner de réponse détaillée, nous lui permettrons de céder la parole à d'autres témoins.
L'honorable Allan Rock, ministre de la Santé: Madame la présidente, honorables sénateurs, je vous remercie beaucoup. Je tiens à vous dire combien il me fait plaisir d'avoir cette opportunité de témoigner devant vous aujourd'hui.
[Français]
Vous avez longuement étudié la question des soins palliatifs dans le système des soins de santé. Aujourd'hui, je suis heureux de décrire ce que nous avons fait à Santé Canada pour considérer et réagir aux besoins du système de santé canadien à l'égard des soins palliatifs.
[Traduction]
Je dois dire qu'il y a quelques années, lorsque vous avez présenté votre rapport, j'ai été très impressionné par la profondeur et la sensibilité de l'analyse qui y était faite. Je tenais un autre portefeuille à l'époque, mais je me rappelle avoir reconnu le bien fondé de vos recommandations sur les soins palliatifs. Même s'il a été difficile pour le comité d'arriver à un consensus sur d'autres sujets, en ce qui concerne les soins palliatifs, vos recommandations en vue de la tenue dans tout le Canada de discussions sur les normes et les procédés ont reçu un appui généralisé. Ces recommandations m'ont paru particulièrement sensées. De plus, avant d'aller plus loin, j'aimerais dire qu'à l'examen des faits survenu depuis le dépôt de votre rapport il y a quelques années, je constate qu'il reste encore beaucoup à faire. J'aurais aimé pouvoir dire devant vous aujourd'hui que nous avons mis à exécution toutes vos recommandations et que nous avons réalisé tous les progrès que vous pensiez possibles au moment de votre rapport, mais ce n'est pas le cas. Je vais parler de certaines choses qui ont été faites, mais je tiens à être franc avec vous en vous disant qu'il reste encore beaucoup à faire.
Je ne prétendrai pas un seul instant que nous nous sommes pliés à toutes vos recommandations ou que nous avons réalisé tout ce que vous aviez envisagé au moment de votre rapport. Il reste encore beaucoup de pain sur la planche.
Je crois que c'est en partie attribuable au fait que l'intégralité du régime de soins de santé vit une période de transition. Il y a 25 ans, près de la moitié des coûts des soins de santé étaient assumés par les hôpitaux. De nos jours, c'est moins d'un tiers. Une bonne part des soins de santé ne sont plus donnés en milieu hospitalier mais dans la communauté, alors que la Loi canadienne sur la santé n'assure que les services qui sont donnés dans les hôpitaux et administrés par des médecins. Par conséquent, la protection du public n'a pas été adaptée de manière à couvrir les frais des services. C'est pourquoi tout le secteur des soins de santé au foyer et dans la communauté réclame plus d'attention depuis quelque temps. Il est certain que les gouvernements provinciaux réagissent, chacun à sa manière, et quelques-uns avec beaucoup de succès. Cependant, les mesures de réaction sont inégales dans tout le pays et c'est pourquoi, alors que nous rencontrons les gouvernements provinciaux pour parler du renouvellement du système de soins de santé, la question des soins en dehors des hôpitaux revêt une grande importance.
Cette question a une importance particulière en rapport à l'objet de ma présence ici aujourd'hui, c'est-à-dire les soins palliatifs. Généralement, les soins palliatifs sont les soins donnés à l'hospice, ou au domicile, ou dans quelque milieu non hospitalier où prend fin la vie. Pour moi, les soins à domicile et dans la communauté font partie intégrante d'un continuum dont les soins palliatifs constituent l'extrémité. Il y a encore beaucoup à faire, mais je pense que nous avons entamé, avec les provinces, l'examen du renouvellement du régime de santé. En faisant cet examen, nous devrons garder à l'esprit la mesure dans laquelle les soins sont administrés hors de l'hôpital et le fait que les soins palliatifs sont une part importante du tableau d'ensemble.
[Français]
Permettez-moi de décrire brièvement les efforts que le ministère a déployés pour respecter vos recommandations. Par exemple, mentionnons le fonds pour la restructuration des services de santé. Il y a trois ans nous avons créé un fonds de 150 millions de dollars permettant aux provinces de mener des projets pilotes dans quatre catégories, dont les soins communautaires, y compris les soins à domicile et les soins palliatifs.
Des projets pilotes portant sur les soins palliatifs dans le contexte rural ont été financés en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard. Au Québec, nous avons financé des projets pilotes en collaboration avec les CLSC. Ces projets visaient la formation et l'entraînement des gens dans le domaine des soins palliatifs.
Nous nous attendons à ce que les résultats de ces projets pilotes soient disponibles d'ici quelques mois. Une fois les projets pilotes terminés et évalués, un rapport sera publié afin d'attirer l'attention des provinces sur les leçons importantes à tirer de ces différentes expériences. C'est l'objectif primordial du fonds pour la restructuration des services de santé.
Les projets pilotes ont pour but d'essayer des approches différentes, de tirer des leçons quant aux meilleures pratiques, et permettent aux provinces de publier les résultats et de mettre en place des approches qui fonctionnent bien.
Dans votre rapport et vos recommandations, vous avez souligné que le gouvernement fédéral a une responsabilité particulière concernant la recherche en santé.
Vous savez probablement que nous avons lancé les instituts de recherche en santé du Canada. Nous avons adopté le projet de loi C-13, le projet de loi visant à créer les instituts. D'ici quelques semaines les instituts seront en fonction et le premier ministre présentera les membres du conseil d'administration.
De plus, nous avons doublé le budget pour la recherche en santé, budget s'élevant à 500 millions de dollars par année. Je suis convaincu que parmi les instituts que le conseil d'administration va nommer ou identifier, on trouvera un institut traitant de soins palliatifs. Je suis certain que la recherche dans ce domaine sera intensifiée. Avec les fonds additionnels, la création d'instituts et la recherche intensifiée, nous aurons dans les années qui viennent une meilleure compréhension des besoins du système de santé au Canada.
[Traduction]
Je vais vous donner brièvement la liste des investissements qu'a faits le gouvernement du Canada dans l'infrastructure: la télémédecine, qui a été adaptée aux services de télé-hospice; la santé des autochtones, à laquelle nous avons réservé 90 millions de dollars par année au budget, à partir de 2003-2004, au titre des soins au foyer et dans les collectivités des Premières nations, y compris les soins aux patients en phase terminale; et les travaux que nous avons faits relativement au VIH et au sida. Je pense que chacun de ces éléments a été utile et répondait à vos recommandations de façon générale.
Je terminerai comme j'ai commencé, en disant qu'il reste encore beaucoup à faire et que je n'oserais pas prétendre que nous avons tout a fait suivi vos recommandations depuis la publication de votre rapport. Nous reconnaissons la nécessité de porter plus d'attention au sujet et que, particulièrement en raison du vieillissement de la population, il y a encore beaucoup à faire, et nous le ferons. Je suis reconnaissante au comité de cette occasion qui m'est donnée de dialoguer avec lui et j'accueillerai avec plaisir vos observations et vos questions.
Le sénateur Beaudoin: Il a été très enrichissant de siéger à ce sous-comité et d'y traiter de ces questions. Nous nous sommes, c'est certain, concentrés sur les questions qui faisaient l'unanimité, ce qui règle la plupart des questions d'ordre juridique.
[Français]
Nous avons beaucoup parlé de refus de traitement et du «withdrawal of instruments». La jurisprudence est très claire en ce qui a trait aux soins palliatifs, c'est en bonne partie de juridiction provinciale. Nous avons une législation fédérale pour les débranchements d'appareils et les refus de traitement, mais peut-être devrait-elle être plus précise. Monsieur le ministre, croyez-vous qu'il serait avantageux d'avoir des lois un peu plus claires dans ce domaine afin que nous ne soyons pas à la remorque des tribunaux?Nous devrions prendre l'initiative de régler ces problèmes.
Je n'entre pas dans ce qui est sous la juridiction provinciale ou fédérale. Cependant, la juridiction des provinces en matière de soins palliatifs doit, bien sûr, être respectée. Il y a des moyens pour le faire. En tant que ministre de la Santé, vous voyez à l'application de la Loi sur la santé. Cette loi doit-elle demeurer exactement comme elle l'est actuellement ou doit-on l'améliorer, étant donné le contexte?
M. Rock: Je n'ai aucune opinion là-dessus, mais comme ministre de la Santé, ma préoccupation est l'accessibilité aux services de soins de santé. Comme je l'ai dit, les soins palliatifs font partie des soins communautaires, des soins à domicile. Les soins palliatifs sont pertinents dans les hôpitaux, mais également à l'extérieur de ceux-ci.
Le sénateur Beaudoin: À domicile?
M. Rock: Oui, à domicile ou dans les hospices ou d'autres endroits dans les communautés. Nous sommes en train de discuter avec les provinces au sujet de ce que nous pouvons faire dans un partenariat gouvernemental pour renouveler et renforcer notre système de soins de santé. Les soins communautaires font partie de ces discussions. Il est important de faire en sorte qu'on ait accès aux services de qualité pour tout le monde, partout au Canada,
Les soins palliatifs font partie de ces services essentiels. C'est ma préoccupation et je vais travailler avec mes homologues pour faire en sorte que ces objectifs soient atteints.
Le sénateur Beaudoin: Est-ce grâce au pouvoir fédéral de dépenser ou est-ce grâce à la collaboration normale entre Ottawa et les provinces?
M. Rock: La collaboration est toujours importante dans le domaine de la santé.
Le sénateur Beaudoin: C'est la seule difficulté, mais il y a toujours moyen de collaborer. Les provinces veulent toujours en avoir davantage et le gouvernement fédéral est prêt à dépenser davantage dans le domaine de la santé, mais est-ce possible dans un protocole d'entente?
M. Rock: On verra. J'ai invité mes homologues à se joindre à nous à la table. J'ai écrit, il y a quelques mois, aux ministres de la santé provinciaux. Je les ai invités pour discuter davantage des moyens de travailler ensemble afin de renforcer le système. Nous avons tenu une réunion à Markham il y a quelques semaines. Ils ont demandé plus de fonds. J'ai répondu qu'on avait besoin également d'un plan intégré. Nous y travaillons actuellement.
Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord avec cette approche.
[Traduction]
Le sénateur Corbin: Je ne voudrais pas mal interpréter la déclaration du ministre, mais a-t-il dit, lorsqu'il parlait de notre rapport de 1995, que beaucoup plus aurait pu être fait?
C'est certain que beaucoup plus aurait pu être fait, mais pour mon compte, et je pense que certains de mes collègues partagent mon opinion, il me semble que votre ministère aurait pu faire beaucoup plus en ce qui concerne nos recommandations spécifiques. Peut-être y a-t-il une raison qui explique pourquoi il n'y en a pas plus qui a été fait. Y a-t-il un problème de juridiction?
Vous nous avez cité des exemples de programmes en cours qui, j'en suis sûr, permettront de vaincre certains obstacles et difficultés, mais pourquoi n'en a-t-on pas plus fait dans l'intervalle de ces cinq ans? Est-ce que c'est à cause des tiraillements constants entre le gouvernement fédéral et ceux des provinces à propos de la santé?
Ce ne peut tout de même pas être une simple question d'argent, parce que même dans les pires situations, il faut encore s'occuper des malades et des mourants, mais normalement on applique les progrès scientifiques et technologiques les plus récents. On répartit les ressources entre ceux qui en ont le plus besoin. À mon avis, mis à part les questions de lutte contre la maladie et ce genre de choses, les mourants sont ceux qui ont les plus grands besoins.
Nous devons encore répéter la plupart de nos recommandations faites en 1995 dans l'espoir que, maintenant que vous voilà ministre de la Santé -- vous aviez déjà comparu devant nous à titre de ministre de la Justice -- vous pouvez nous dire ce qui, à votre avis, peut être fait dans les cinq prochaines années sur ce plan.
Nous mourrons tous un jour, monsieur le ministre. La plupart d'entre nous, à moins de nous écrouler dans la rue victimes de la rupture d'une artère dans le cerveau, connaîtront une douleur intolérable et une longue maladie. Je ne doute pas que ce soit une des grandes préoccupations de bon nombre de Canadiens actuellement, la prestation de soins palliatifs de la meilleure qualité possible.
M. Rock: J'ai moi-même vécu ce genre de situation de près à la fin de 1994 et au début de 1995. L'un à la suite de l'autre, ma mère, puis mon père sont morts du cancer, à la maison. Mes soeurs et moi avons vite constaté combien il était difficile de savoir quel genre de services de soins à domicile étaient disponibles, lesquels étaient défrayés par les assurances publiques, lesquels nous devions payer de notre propre poche et lesquels étaient prévus par les régimes d'assurance privés.
Nous avons aussi découvert que les soins palliatifs en phase terminale du cancer -- et la plupart des soins palliatifs doivent être administrés dans ce contexte -- nécessitent beaucoup d'attention et soulèvent des questions très difficiles.
La réponse la plus simple à votre question, sénateur, est que l'organisation et la prestation elles-mêmes des services relèvent des provinces. Ne faites pas la grimace.
Le sénateur Corbin: Je n'ai fait que hausser les épaules
M. Rock: Alors ne haussez pas non plus les épaules, avec tout le respect que je vous dois, parce que chaque fois que je parle de mes voeux d'amélioration du système de soins de santé, les premiers à me dire de prendre mon trou et de me taire sont les hauts représentants des provinces, les ministres et les premiers ministres qui décrètent: «c'est notre problème. Ne nous parlez pas de vos programmes de points de service et ne nous dites pas quoi faire. Mêlez-vous de vos affaires et contentez-vous de nous envoyer l'argent».
Tous les jours, nous sommes confrontés à cette réalité. Ce n'est pas pour contourner votre question que je vous le dis, mais plutôt parce que j'essaie d'y répondre. La réalité est, en partie, que ce sont les provinces qui organisent et qui offrent les soins. C'est ainsi que le veut la Constitution et ainsi que le pays fonctionne.
Le gouvernement du Canada a-t-il un rôle à jouer là-dedans? Absolument. Quelle est la nature de ce rôle? Exactement ce que vous avez recommandé -- des démarches coordonnées à l'échelle nationale, des lignes directrices, des activités de recherche, une augmentation de la visibilité de toute la problématique sur l'ensemble de la scène canadienne.
Je sais que mes collaborateurs vous ont exposé la liste de tout ce que nous avons fait et je vous épargnerai tous les détails. Nous n'avons pas été inactifs depuis cinq ans. Nous avons fait beaucoup sur le plan du financement de projets et de conférences, de la publication de guides, du rapprochement des gens, et d'efforts pour centrer leur attention sur ce thème. C'est un rôle important du gouvernement du Canada.
Je suppose que la frustration que je ressens vient du fait que j'aimerais voir les gouvernements faire plus de progrès, et plus rapidement, dans le sens d'une démarche cohérente en vue du renouvellement du système de santé, de la formulation d'objectifs de renforcement des services et de la collaboration à l'atteinte de ces objectifs. C'est exactement ce à quoi nous travaillons actuellement avec les provinces.
Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait plus tôt? Pour toutes sortes de raisons -- des raisons politiques, fiscales et pratiques. Par contre, le processus est engagé; nous nous y sommes attelés. La première séance, à Markham, a été un peu difficile, mais nous avons entamé le dialogue, qui se poursuit. Nous espérons revenir à la table de discussion. Je compte y exprimer mon intérêt pour qu'une attention suffisante soit portée à diverses questions, dont les soins palliatifs, dans le cadre des travaux avec les provinces.
Le sénateur Corbin: Je n'ai qu'une observation à faire. Je vous remercie, monsieur le ministre. Je sais que vous n'êtes pas dans la situation idéale pour tout dire. La séance est télévisée. Des familles du Canada, des Canadiens mourants et des Canadiens souffrants n'ont vraiment que faire de la politique et de la mise en commun des pouvoirs.
Malheureusement, nous ne pouvons pas, en tant que comité, nous adresser directement aux provinces. Et pourtant les Canadiens voudraient recevoir des bons soins palliatifs en fin de vie. Ils se moquent bien d'où viennent ces services. Cependant, ils trouvent que, dans un pays comme le Canada, il n'y a pas de raison pour que des gouvernements soucieux de leurs citoyens ne puissent pas cogiter ensemble à la création de programmes, de mesures de formation, d'installations, de programmes de soins hospitaliers, communautaires et à domicile, puisque c'est ce que veulent tous les Canadiens.
Les Canadiens voudraient être assurés qu'après avoir travaillé 35, 40 ou 50 ans, après avoir donné tout ce qu'ils ont à donner à leur pays, il viendra à leur aide à leurs dernières heures et leur facilitera le dernier soupir. C'est le message que veulent vous transmettre ce comité, les ministres des provinces, les membres de la profession médicale et tout le monde.
Je pense que vous êtes aussi partie de la solution, avec vos homologues provinciaux, les doyens du milieu médical, les représentants des collègues communautaire et tout le monde. Cependant, il faut une volonté claire et un effort concret pour que tout cela puisse se réaliser.
Notre comité a déterminé que les soins palliatifs, mis à part l'aspect financier, sont l'un des domaines où les Canadiens tiennent à voir la situation évoluer.
M. Rock: C'en est un parmi tant d'autres, et je ne peux qu'être parfaitement d'accord avec vous. Nous ne pouvons pas permettre aux questions de juridiction ni aux chicanes entre les gouvernements de faire obstacle à la prestation des soins auxquels les Canadiens ont droit. C'est particulièrement dramatique dans le contexte de la fin de la vie et des soins palliatifs.
Je peux vous dire, sénateur, que je suis tout à fait résolu à veiller à ce qu'à la fin de ce processus avec les provinces, nous ayons cerné des moyens concrets de rendre ces services accessibles d'une manière qui réponde aux besoins des Canadiens. Je pense que les provinces y sont aussi déterminées, et je crois que nous pouvons y parvenir en collaborant. Moi en tout cas, j'y suis bien résolu.
Le sénateur Roche: Merci, monsieur le ministre. Dans l'avion qui m'amenait à Ottawa d'Edmonton, ce matin, j'ai pris l'Edmonton Journal, qui annonçait en manchettes: «Le ministre Rock au coeur d'un chaud débat sur les politiques relatives aux soins palliatifs et à l'euthanasie».
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il me semble que la température est encore assez agréable dans cette pièce.
M. Rock: Peut-être que ceux qui ont encore leurs manteaux sur le dos éprouvent cette chaleur. Je ne sais pas.
Le sénateur Roche: L'autre partie de ces manchettes disait: «Le comité du Sénat prêt à s'en prendre à son inaction lorsqu'il déposera son rapport d'étape».
Je ne sais pas si le comité compte vous attaquer ou pas. Ce que je sais, par contre, c'est que dans la multitude de documents qu'a reçus le sous-comité jusqu'ici on trouvait la remarque, exprimée de divers points de vue, que les actions du gouvernement à la suite du rapport déposé en 1995 ont été très loin d'être satisfaisantes.
À ce propos, je vous ai entendu dire tout à l'heure que bien que le gouvernement ait fait certaines choses, vous convenez qu'il reste encore beaucoup à faire -- si on peut dire.
M. Rock: C'est bien cela.
Le sénateur Roche: J'ai cru comprendre que vous disiez que le rapport de 1995 a pris une voie secondaire pour diverses raisons d'ordre politique, fiscal et pratique. Vouliez-vous dire par là que les raisons politiques, fiscales et pratiques revêtaient toutes la même importance, et pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par «politique»? Est-ce que c'est le problème de juridiction, avec les provinces qui résistent, ou s'agit-il d'autre chose? Quelle est la part du problème d'ordre fiscal dans la portion du budget attribuée aux soins palliatifs? Quel sens donnez-vous au terme «pratique»?
M. Rock: La portion du budget global qui est attribuée aux soins palliatifs relève des provinces, bien entendu. Je faisais allusion au fait que depuis presque trois ans que je suis ministre de la Santé, nous nous efforçons d'augmenter les transferts aux provinces relatifs à la santé.
D'ailleurs, depuis 1997, les transferts aux provinces relatifs à la santé ont augmenté à chaque budget. Dans le budget présenté en février 1999, 11,5 milliards de dollars étaient prévus sur cinq ans rien que pour la santé. Dans le dernier budget, 2,5 milliards de dollars ont été réservés à la santé et à l'éducation.
Même encore maintenant, nous discutons avec les provinces d'augmentation des transferts relatifs à la santé. Comme l'a dit le premier ministre, nous voulons prendre un engagement à long terme visant l'augmentation des transferts relatifs à la santé, en coordination avec un plan de renforcement du système dans le futur.
Je suppose que l'allusion que je faisais se rapportait au fait que notre attention a beaucoup été monopolisée par l'augmentation des transferts relatifs à la santé. Ça a été au centre des préoccupations. Cependant, c'est sûr que de sont les gouvernements et les ministres provinciaux qui déterminent quelle proportion de ces transferts est attribuée aux soins palliatifs.
Nous avons aussi été occupés par d'autres aspects, comme la recherche sur la santé. Nous avons suivi vos recommandations sur la recherche et avons apporté d'importantes améliorations dans les activités de recherche à l'échelle fédérale, avec la création d'instituts et l'augmentation du financement dans tout le pays. Je crois que cela a été très positif.
Dans le secteur qui relève de notre propre autorité, la santé des autochtones, la santé des Premières nations sur les territoires des Premières nations, nous avons mis beaucoup plus d'argent sur les soins à domicile et dans la communauté. Le financement de ces activités augmentera d'environ 90 millions de dollars par année à compter de 2002, et cela comprend les soins à la fin de la vie.
Cependant, les difficultés dont j'ai parlé se posent dans chacun de ces domaines. Certaines choses ont pu être faites du côté fiscal. Sur le plan politique, le problème entre Ottawa et les provinces est de savoir qui fait quoi, et de quelle autorité le gouvernement fédéral peut-il dire aux provinces qu'elles devraient accorder plus d'attention au domaine des soins palliatifs.
Des problèmes ont été soulevés relativement au rôle d'Ottawa. Vous avez raison, je dis depuis le début qu'il reste encore beaucoup à faire en ce qui concerne vos recommandations. Nous n'estimons pas notre travail terminé et nous sommes résolus à suivre vos recommandations de façon continue.
Le sénateur Roche: Je n'ai pas l'habitude de fonder mes questions sur les manchettes des journaux dans les débats des comités. Cependant, je ferai exception à cette règle pour la prochaine question parce que je crois que les principales manchettes au Canada aujourd'hui, qu'ont repris plusieurs journaux, traitent justement du dilemme qui nous occupe. Dans l'article de l'Edmonton Journal, on lit:
«Des milliers de Canadiens souffrent inutilement en mourant parce que les gouvernements craignent de légiférer sur l'euthanasie et n'ont pas la volonté politique de mettre les soins palliatifs au rang des priorités [...]»
Nous pouvons tous ici reconnaître que l'auteur de l'article, dans cette seule phrase, mêle les pommes avec les oranges. De fait, le sous-comité s'est donné beaucoup de peine pour faire comprendre à tous les témoins que nous nous concentrons sur des moyens d'améliorer les soins palliatifs parce que nous pensons que c'est nécessaire au nom de la dignité humaine, et cetera. Cependant, le comité était divisé en 1995 sur les questions liées à l'euthanasie et au suicide assisté.
J'ai porté la question devant le comité, et l'auteur de cet article le dit sans mâcher ses mots: les gouvernements ont peur de faire quoi que ce soit au sujet des soins palliatifs parce qu'ils craignent d'empiéter sur le terrain du suicide assisté et de l'euthanasie. C'est tout autre chose, bien qu'on puisse reconnaître que la frontière est un peu floue entre les bons soins palliatifs d'un côté, qui permettent à quelqu'un de mourir avec dignité et, de l'autre, des mesures actives visant à mettre fin à la vie, qui tombent dans la catégorie de l'euthanasie et du suicide assisté.
J'aimerais entendre du ministre s'il y a quelque vérité dans la rumeur selon laquelle les gouvernements hésitent à octroyer les ressources nécessaires aux soins palliatifs parce qu'ils craignent de s'engager sur le terrain du suicide assisté et de l'euthanasie.
M. Rock: Je ne peux que parler au nom du gouvernement que je représente. Je ne peux rien dire pour les autres gouvernements du pays, ni leur attribuer aucune intention, aucune préoccupation ni aucune conviction.
Je n'en ai pas discuté avec eux et je ne sais absolument pas si c'est vrai. Je peux vous dire qu'en ce qui concerne le gouvernement dont je fais partie, il n'hésite aucunement à aborder la question des soins palliatifs par crainte que de devoir traiter aussi de l'euthanasie. Ce sont deux choses bien distinctes.
Les soins palliatifs, monsieur le sénateur, ce sont des soins médicaux aux mourants. Cela n'a rien à voir avec l'euthanasie ni avec le suicide assisté, ou avec quoi que ce soit du genre. Les soins aux mourants font partie intégrante des services des soins de santé et devraient être traités comme tels.
Je ne suis pas sûr que je pourrais consacrer plus de ressources aux soins palliatifs même si je le voulais. Nous transférons de l'argent aux ministres provinciaux de la Santé, qui le répartissent et déterminent leurs priorités. C'est pourquoi vous devriez peut-être poser à un ministre provincial cette question sur la portion des transferts qui est consacrée aux soins palliatifs.
Le gouvernement du Canada est convaincu de la nécessité de régler les questions relatives aux soins palliatifs. Nous n'hésitons absolument pas à le faire parce que quelqu'un prétend que cela pourrait être lié au sujet de l'euthanasie. Nous participons très activement au débat sur les politiques relatives aux soins palliatifs et aux projets pilotes en vue de déterminer quel est le meilleur mode possible de prestation de ces soins.
Nous n'offrons pas de services, mais nous pouvons financer des projets pilotes qui peuvent contribuer à cerner quelles méthodes de prestation sont les meilleures et les plus efficaces. C'était exactement l'objet du Fonds pour l'adaptation des services de santé. Cependant, je peux vous affirmer que nous n'avons absolument pas été réticents à traiter de la question pour les raisons que vous laissez supposer.
Le sénateur Roche: Je suis heureux d'entendre votre réponse. Ma dernière question est la suivante: est-ce que vous, vos collaborateurs ici ou, par extension, ceux de votre ministère, avez des documents de recherche où sont exposés des points de vue éclairés ou des éléments pouvant démontrer que l'amélioration des soins palliatifs réduirait la demande d'aide au suicide et d'euthanasie? Est-ce que ma question est assez claire?
M. Rock: Je crois l'avoir comprise. Cependant, je ne suis pas au courant de l'existence de tels documents. Peut-être mes collègues savent-ils si ce genre de recherches ont été faites. Je les invite à y répondre s'ils le savent.
M. Cliff Halliwell, directeur général, Direction de la recherche appliquée et de l'analyse, Direction générale de l'information, de l'analyse et de la connectivité, Santé Canada: Je n'en connais pas.
Mme Barbara Ouellet, directrice, Division des soins à domicile et des produits pharmaceutiques, Direction des soins de santé, Direction générales des politiques et de la consultation, Santé Canada: Je ne suis pas sûre qu'il y ait eu de recherches sur ce sujet précis. Cependant, nous savons que l'inverse semble susciter au moins quelques craintes. Sans accessibilité aux traitements, les gens peuvent en fait craindre de mourir sans assistance chez eux. Pour cette raison, l'un des projets que nous avons financés avec notre Fonds pour la santé de la population visait l'examen de l'utilisation des sédatifs et de certains des problèmes et des défis que pose la définition de la démarcation très mince entre la prestation d'un soutien adéquat aux mourants et le fait d'en hâter le décès par inadvertance.
Le sénateur Roche: Vous avez dit trouver quelque vérité à la théorie inverse. Comment pouvez-vous savoir que le manque de soins palliatifs fait augmenter la demande d'assistance au suicide?
Mme Ouellet: Comme je vous l'ai dit, nous n'avons pas effectué de recherches spécifiques sur ce sujet. Seules des données non scientifiques nous donnent à penser que les gens s'inquiètent des conséquences du fait d'être mourant sans recevoir de soins palliatifs adéquats.
Le sénateur Roche: En dernier lieu, je m'adresse au ministre, serions-nous mieux en mesure de faire comprendre aux Canadiens le besoin de financer les soins palliatifs et d'amener les gouvernements à mettre la question au rang des hautes priorités si nous présentions plus d'éléments probants pour soutenir la théorie que de bons soins palliatifs réduisent la demande d'aide au suicide et d'euthanasie?
M. Rock: Je pense que cela vaudrait la peine d'y réfléchir, sénateur. Cependant, je ne crois pas que nous ayons besoin de chercher de bonnes raisons pour fournir de bons soins palliatifs. Nous en avons déjà suffisamment, et nous devrions nous concentrer là-dessus. Rien que celles-là en valent la peine.
La présidente: Avant de faire un deuxième tour, j'aimerais poser quelques questions.
Monsieur le ministre, d'énormes changements sont survenus dans le mode de dépenses sur les soins de santé depuis qu'existe la Loi canadienne sur la santé, si on remonte jusqu'aux années 60.
Le gouvernement fédéral a décidé de financer les hôpitaux et les services des médecins parce que les dépenses dans ce secteur étaient incomparables à aucun autre. Nous savons maintenant que les médicaments consomment une plus grande part du budget du système de santé que les médecins.
Pourtant, en parlant des provinces, vous faites souvent allusion au besoin de financement des soins à domicile et d'un effort coordonné sur ce plan. Je n'ai rien entendu au sujet de la recommandation du comité national visant la mise sur pied d'un régime national d'assurance-médicaments. Y a-t-il une raison particulière pour laquelle il n'en est pas question dans les discussions avec les provinces, ou accordez-vous une plus grande priorité aux soins à domicile qu'à l'assurance-médicaments?
M. Rock: En fait, sénateur, les provinces parlent de ces questions de régime d'assurance-médicaments à chacune de nos rencontres. Elles ont dominé les débats à Markham. Plusieurs provinces m'ont signalé que leurs coûts en médicaments augmentent au rythme de 16 p. 100 par année. C'est un facteur de coût important. En ce moment même, les provinces sont en train de préparer un rapport à l'intention de leurs premiers ministres sur les facteurs générateurs de coûts dans le système de santé, et je m'attends à ce que les coûts des médicaments soient l'un des principaux sujets de ce rapport. Par conséquent, c'est bien un facteur de préoccupation.
Les provinces ont aussi soulevé la question relativement au fait que Santé Canada approuve de nouveaux médicaments en se fondant sur des facteurs de sécurité et d'efficacité. C'est le mandat qui nous a été attribué légalement, mais il incombe cependant aux provinces de décider si elles veulent ajouter ces médicaments à leurs formulaires -- autrement dit, si elles veulent ou non les rembourser. Les provinces subissent de fortes pressions en faveur du remboursement de ces nouveaux médicaments, dont certains sont extrêmement coûteux, même s'il n'y a parfois qu'une différence très marginale dans leur degré d'efficacité comparativement à d'autres médicaments qui sont déjà sur le marché. Elles trouvent tout cela très difficile.
Si une province accède à la demande d'ajout d'un médicament, toutes les autres se sentent obligées de faire de même, et les coûts continuent de monter. Les provinces veulent en discuter, à la lumière aussi du fait qu'elles voudraient assurer la viabilité de notre système à long terme. En fait, un comité fédéral-provincial se penche déjà depuis quelque temps sur ces questions de médicaments, et il essaie de trouver des solutions au dilemme qu'il y a à vouloir fournir aux Canadiens les traitements les plus récents, les plus efficaces et les plus pointus possible tout en préservant notre régime public de santé.
Je ne voudrais pas que vous pensiez que les questions de médicament sont négligées, parce que ce serait faux. Les provinces en parlent, parce que c'est une préoccupation réelle. Pour être juste, je devrais aussi souligner que, parfois, un médicament peut soit retarder le recours à une autre forme de traitement, comme la chirurgie ou autre chose, soit même le rendre inutile. Il n'y a qu'à penser aux progrès décisifs qui ont été réalisés dans le traitement des ulcères, par exemple. Il est bien possible que le recours aux médicaments dans le traitement des ulcères a coïncidé avec une meilleure compréhension de leur cause et des meilleures méthodes de traitement. D'autres formes de traitement, comme la chirurgie, ont peut-être diminué. C'est pourquoi je crois qu'il faut garder à l'esprit la situation d'ensemble. Toutes sortes de facteurs entrent en compte, dont l'utilisation, les pratiques de rédaction d'ordonnance et une meilleure compréhension, de la part du public, du mode d'administration des médicaments. Tous ces facteurs font partie d'une situation complexe, mais pour répondre à votre question, je tiens à ce qu'il soit bien clair que nous en parlons dans nos discussions. C'est bien il y a deux ans qu'il y a eu une conférence nationale sur le régime d'assurance-médicaments? Le temps passe si vite.
Mme Ouellet: C'était en 1998.
M. Rock: Nous avons tenu une conférence nationale sur le régime d'assurance-médicaments dans le but de voir comment nous pourrions faire en sorte que les prix ne soient pas un obstacle lorsque les Canadiens veulent accéder aux médicaments dont ils ont besoin. L'une des choses que nous avons découvertes, lors de cette conférence, est que 88 p. 100 de la population peut, par un moyen ou un autre, se faire rembourser les médicaments -- soit à cause de leur situation financière, de leur âge, ou du fait qu'ils sont protégés par un régime public ou privé d'assurance. Cela n'empêche pas qu'ils doivent aussi payer des franchises ou des quotes-parts, ou que leur régime d'assurance comporte des règles qui les obligent à débourser certains montants. Ces questions font l'objet de débats animés entre les gouvernements provinciaux et fédéral, et d'autres que nous tenons régulièrement avec des organismes publics et non gouvernementaux. Nous parlons de gestion des coûts des médicaments. Je ne voudrais pas que vous pensiez que ce n'est pas à notre programme, parce que ce serait faux.
La présidente: Les témoins nous ont fait remarquer le rapport indéniable entre les coûts des médicaments et la prestation de soins à domicile. Par exemple, les patients qui reçoivent des soins palliatifs et qui décident de mourir à la maison n'ont pas seulement besoin de tout un équipement comme, par exemple, un lit d'hôpital, un dispositif de levage, un fauteuil roulant, et cetera, mais aussi de médicaments. S'ils n'ont pas d'assurance-médicaments, ils sont obligés de retourner en milieu hospitalier, parce qu'au Canada, si vous êtes à l'hôpital, vos médicaments vous sont fournis gratuitement, mais si vous n'y êtes pas, ce n'est pas toujours le cas.
Fait curieux, vous avez cité un pourcentage bien plus élevé que ce que j'avais entendu auparavant sur le nombre de Canadiens qui disposent d'un régime de remboursement quelconque. Nous devrons examiner cette question dans le cadre de l'autre étude. La vérité, c'est qu'on nous a dit que les patients retournent à l'hôpital non pas parce qu'ils le veulent, mais parce que leurs médicaments ne leur sont pas payés.
M. Rock: L'une des raisons pour lesquelles je m'intéresse aux soins à domicile et dans la communauté est que je pense qu'il est très injuste que nous ayons un régime d'assurance publique qui couvre les coûts des hôpitaux tandis que la nouvelle technologie et les nouvelles pratiques médicales permettent de réduire les séjours à l'hôpital. Dans tout le pays, 75 p. 100 en moyenne des opérations chirurgicales se font sans hospitalisation -- on entre le matin et on sort l'après-midi. Cependant, alors que les services sortent de l'hôpital, la protection ne suit pas et les gens se retrouvent sans l'avantage d'une assurance publique pour des choses qui, auparavant, étaient offertes gratuitement à l'hôpital. Les médicaments en sont un excellent exemple. J'ai lu la suggestion de certains commentateurs selon laquelle les soins à domicile et dans la communauté devraient être conçus de manière, au moins, à couvrir les coûts des médicaments qu'on nous administrait auparavant à l'hôpital. Je crois que les gouvernements devront se pencher sur ce genre d'enjeu à un moment donné.
On a assisté à une sorte de désassurance de services qui étaient jadis assurés en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Si les dépenses privées ont augmenté plus vite au Canada, au cours des dix dernières années, que dans d'autres pays de l'OCDE -- elles s'élèvent maintenant à plus de 30 p. 100 --, c'est parce que les services sont fournis non plus par les hôpitaux, mais par d'autres établissements, de sorte qu'ils ne sont plus assurés. C'est une réalité avec laquelle les gouvernements doivent composer.
Le sénateur Beaudoin: La prestation de soins palliatifs est un objectif tellement important en soi qu'il est inutile de se demander s'il est lié à d'autres aspects -- par exemple, l'euthanasie et l'aide au suicide. Je pense que nous avons eu raison de discuter uniquement des points sur lesquels il y avait consensus. Nous aurons ainsi plus de chances de trouver des solutions. Si nous arrivons à nous entendre, nous finirons par en trouver. Le fait que nous n'utilisions pas les mêmes démarches, les mêmes méthodes, et cetera, fait partie de la politique. Les provinces ont leurs propres objectifs, et le gouvernement fédéral a peut-être les mêmes, sauf qu'il utilise peut-être des moyens différents pour les atteindre.
Nous aurons plus de chances de trouver des solutions, de formuler des suggestions et des recommandations sur ces points. Nous l'avons fait en 1995, et nous le referons cette année.
Ce n'est pas seulement une question d'argent. C'est plus que cela. L'argent est un facteur, bien sûr, mais il y a aussi les moyens que nous utilisons pour atteindre un objectif. Or, les provinces ne s'entendent pas sur ces moyens et ces objectifs. Toutefois, vous semblez croire que nous allons y arriver, et moi aussi. Le besoin existe, et nous avons l'appui de la population. Si nous arrivons à nous entendre sur les objectifs, nous finirons par trouver une solution. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. J'ai l'impression que c'est surtout une question d'organisation.
M. Rock: Vous avez raison, sénateur. La population canadienne insistera pour que les gouvernements adoptent une approche cohérente quant à l'utilisation des fonds et fassent preuve d'ingéniosité dans le but d'améliorer le système de santé. C'est ce que nous comptons faire. Il ne s'agit pas tout simplement de dépenser plus et de rendre notre système encore plus coûteux.
Le sénateur Beaudoin: Dans une certaine mesure, oui.
M. Rock: Je suis d'accord pour dire qu'il faut augmenter les transferts relatifs au financement de la santé. Toutefois, le premier ministre a dit que ces ressources additionnelles doivent servir à établir un plan cohérent en vue d'obtenir de meilleurs résultats. C'est de cela dont il est question ici. Il ne s'agit pas tout simplement de dépenser pour dépenser. Il faut dépenser pour offrir de meilleurs soins de santé aux Canadiens. Le gouvernement fédéral et les provinces s'entendent de manière générale sur les changements qui devraient être apportés.
Les provinces ont entrepris de réformer le système de santé. Elles mettent l'accent sur l'innovation. Le gouvernement du Canada veut appuyer et accélérer les réformes entreprises par les provinces pour améliorer le système de soins de santé.
Le sénateur Beaudoin: J'écoutais Radio-Canada ce midi. Ils parlaient du rapport sur les soins palliatifs qui avait été rendu public, aujourd'hui, au Québec. J'ai été un peu étonné -- voire scandalisé -- d'apprendre qu'on y consacrait si peu d'argent. Nous pouvons faire quelque chose à ce chapitre. Nous sommes un pays très riche. Les ressources ne manquent pas.
Qui s'oppose aux soins palliatifs? Tout le monde est en faveur de la prestation de tels soins. Comment se fait-il qu'on consacre si peu de ressources à une question qui intéresse, du moins dans une certaine mesure, tout le monde dans ce pays?
M. Rock: C'est une bonne question. Est-ce que les ministres provinciaux ont comparu devant votre comité?
La présidente: Pas cette fois-ci. Ils ont comparu devant le comité spécial du Sénat.
M. Rock: Avez-vous parlé des ressources que consacrent les provinces aux soins palliatifs? On pourrait dire la même chose de l'orthopédie ou de l'obstétrique. Combien d'argent les gouvernements provinciaux consacrent-ils au traitement du diabète? Je ne suis pas prêt à discuter des sommes que consacrent les provinces aux services prioritaires. Je pense toutefois que les ministres provinciaux seraient disposés à le faire.
N'avez-vous pas rencontré les ministres provinciaux lors de la première série d'audiences, en 1995?
La présidente: Oui. Cette fois-ci, nous leur avons écrit pour leur demander de nous fournir des renseignements sur les progrès qu'ils ont réalisé. Nous avons, bien entendu, entendu le témoignage d'infirmières et de médecins qui nous ont parlé de ce qui se passait dans leur province respective. Malheureusement, nous avons appris qu'en raison de la compression des dépenses de santé à l'échelle nationale, les soins palliatifs ont été plus durement touchés parce que c'est un domaine nouveau. D'abord, il y a peu de lits consacrés aux soins palliatifs. Quand on les a fermés, le système est tombé en panne dans certains cas. Il n'y avait tout simplement pas de ressources disponibles pour les soins palliatifs.
Nous avons également appris que les soins palliatifs ne sont toujours pas légalement reconnus au Canada. Il y a des médecins qui fournissent des soins palliatifs, mais ces soins ne sont pas reconnus, comme c'est le cas pour l'obstétrique et la gynécologie. Ils ne sont pas reconnus comme étant une pratique de médecine interne. Donc, comme il y a peu d'écoles de médecine qui donnent des cours là-dessus, il y a très peu de médecins qui se spécialisent dans ce domaine. Nous sommes devant un dilemme important: comment fournir des soins que personne n'est en mesure de dispenser.
Vous aurez plus de précisions à ce sujet le 6 juin, quand nous déposerons notre rapport au Sénat.
M. Rock: C'est une bonne chose, madame la présidente.
Le sénateur Corbin: Est-ce que le nouvel institut de recherche en santé est indépendant de votre ministère? Êtes-vous en mesure, par exemple, de lui demander de faire des recherches dans le domaine des soins palliatifs, une recommandation que nous comptons formuler dans notre rapport? Êtes-vous en mesure de donner des instructions à ces personnes, ou agissent-elles de façon entièrement autonome?
M. Rock: C'est bien votre comité qui a examiné le projet de loi approuvé par le Sénat?
La présidente: Non, c'est le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie qui l'a examiné. Nous relevons de lui. Toutefois, c'est moi qui ai parrainé le projet de loi.
M. Rock: Ce projet de loi crée un conseil d'administration qui sera chargé de créer des instituts et de les doter d'un conseil consultatif. C'est lui qui établira plus ou moins l'orientation à donner à la recherche. Je pense que le projet de loi contient également une disposition qui précise que le ministre de la Santé peut demander au conseil de se pencher sur certaines questions précises -- je vais devoir l'examiner à nouveau, mais je pense que j'ai ce pouvoir.
Je tiens également à répéter ce que j'ai dit au début de mon allocution. Quand le conseil d'administration créera les instituts, il mettra l'accent sur un domaine d'activité qui prend de plus en plus d'importance, soit les soins palliatifs. Ils figureront parmi les priorités du conseil.
La présidente: Je tiens à dire, sénateur Corbin, que je ne me sentais pas tenue de respecter les mêmes règles ministérielles quand j'ai parrainé le projet de loi. J'ai essayé de convaincre M. Fraser de créer un institut sur les soins palliatifs. Le fait d'être sénateur et non ministre présente certains avantages, monsieur le ministre.
Je tiens à vous remercier d'être venu cet après-midi et d'avoir répondu si clairement à nos questions.
M. Rock: Je tiens à vous remercier, honorables sénateurs, de l'excellent travail que vous effectuez dans ce dossier important et difficile.
La séance est levée.