37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 15 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 17 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, se réunit aujourd'hui à 10 heures pour étudier le projet de loi. Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Nous sommes réunis une fois de plus pour entendre des témoignages sur le projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières. J'ai le plaisir d'accueillir, par vidéoconférence, le professeur John Chant, du département d'économique de l'Université Simon Fraser. Bonjour et bienvenue. Je vous cède la parole pour votre déclaration d'ouverture, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. M. John Chant, professeur, Département d'économique, université Simon Fraser: J'étudie le système bancaire canadien depuis environ 40 ans. Durant les années 70, j'étais l'un des directeurs du groupe des marchés financiers du conseil économique qui avait participé à l'élaboration de la Loi sur les banques de 1980. Je pense que nous avons été les premiers à proposer de faire une distinction entre les banques de l'Annexe I et les banques de l'Annexe II. J'ai travaillé plusieurs années pour le groupe de travail MacKay. La souplesse semble être le mot clé de la politique du gouvernement à l'égard du secteur financier, et c'est une bonne chose qu'il en soit ainsi. Le secteur financier a changé rapidement et l'on peut s'attendre à ce qu'il change encore rapidement à l'avenir, d'une façon que nous ne pouvons pas prévoir. Les raisons des changements sont claires. Le secteur financier est une industrie de l'information. Même si le rythme du changement a peut-être ralenti dans les technologies de l'information, le secteur financier est encore en train de s'adapter aux nouvelles technologies de l'information et d'adapter ses stratégies d'affaires en conséquence. Cette souplesse de la politique gouvernementale transparaît de diverses manières dans les mesures proposées par le gouvernement, par exemple dans les propositions sur les sociétés de portefeuille, les règles de propriété et l'accès plus étendu au système des paiements. Le plus important, c'est que cette souplesse a créé un processus pour traiter le dossier des fusions. On a posé le principe que les fusions sont possibles, supprimant ainsi la pierre d'achoppement que constituait la politique non écrite selon laquelle «une grande banque ne peut pas acheter une autre grande banque». C'est important parce que les fusions peuvent constituer une stratégie d'affaire viable et même vitale pour nos banques. Cela dit, l'intérêt public est en jeu dans les fusions à cause de leurs répercussions sur la concurrence dans le secteur des services financiers et à cause des préoccupations sur la solidité et la sécurité du système financier. On a répondu à ces préoccupations en stipulant que les fusions proposées feront l'objet d'un examen par les autorités chargées de la concurrence et des règles de prudence. Je pense qu'en eux-mêmes, ces examens seront suffisants pour protéger l'intérêt public en cas de fusion. Il y a donc lieu de se féliciter du changement de politique dans le dossier des fusions, mais je demeure quand même préoccupé, car je crains que les fusions échouent à l'épreuve de la concurrence. Les lettres du Bureau de la concurrence aux présidents des banques qui étaient en cause dans les deux récentes propositions de fusion soulèvent diverses préoccupations. Je crois que les banques avaient prévu un certain nombre de ces réserves et qu'elles pourront y répondre rapidement. D'autres poseront par contre beaucoup plus de difficultés, surtout la concurrence au niveau des services offerts dans les succursales. Les banques seraient tenues de se dessaisir de nombreuses succursales. Pour s'assurer que cette stratégie d'affaires éventuellement essentielle pourra être appliquée, il faut que la politique garantisse un éventail d'acheteurs possibles. À l'heure actuelle, les acheteurs potentiels comprennent les banques étrangères par l'intermédiaire de leurs filiales, les coopératives de crédit et d'autres institutions financières canadiennes. Je ne suis pas certain que ce sera suffisant. Je voudrais que l'on adopte une approche marquée par une plus grande ouverture à l'égard des succursales des banques étrangères. Actuellement, elles sont limitées dans le domaine de la banque de détail par le plancher imposé à leur pouvoir d'accepter des dépôts. Elles ne peuvent accepter des dépôts inférieurs à 150 000 $. Ces restrictions sont importantes parce que le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, n'a aucun pouvoir de surveillance relativement à leurs sociétés mères. C'est un problème pour les succursales, mais pas pour les filiales, parce que les premières sont un élément intégré et inséparable de leurs sociétés mères. Je propose d'adopter une plus grande ouverture de manière à permettre aux succursales de banques étrangères de se lancer dans tous les domaines d'activités bancaires, le détail autant que le gros. Le seul moyen d'y parvenir, c'est de rendre les autorités étrangères responsables de leurs succursales au Canada et de les amener à offrir aux déposants canadiens une protection de leurs dépôts au même titre que cette protection est offerte aux déposants du pays d'origine de la banque. Comment y parvenir? Nous pourrions le faire en étendant la portée de l'ALENA, en créant un seul marché bancaire intégré au sein de l'ALENA. Ou encore, nous pourrions aussi procéder d'une manière moins structurée, en négociant des accords réciproques avec d'autres pays et peut-être avec l'Union européenne. Ces accords préciseraient l'obligation des autorités étrangères relativement aux activités déployées par leurs banques au Canada, par l'intermédiaire de succursales. De même, les autorités canadiennes devraient alors assumer la responsabilité des succursales des banques canadiennes à l'étranger. Quels seraient les avantages d'une telle approche? Premièrement, elle permettrait d'augmenter le nombre d'acheteurs potentiels des succursales et autres éléments d'actif dont les banques fusionnées doivent se dessaisir. En outre, elle pourrait constituer une solution de rechange possible pour l'entrée des banques étrangères. De par sa réciprocité, cette approche pourrait donner aux banques canadiennes de meilleures possibilités d'affaires dans les marchés étrangers. Certains pourraient soutenir que ce canal additionnel est inutile, étant donné que les banques étrangères peuvent déjà faire, par l'entremise de leurs filiales, tout ce que cette proposition leur permettrait de faire dans leurs succursales, mais nous ne devrions pas essayer de sous-estimer les avantages de diverses stratégies pour les banques étrangères. Peut-être que les critiques ont raison, peut-être que nous offrirons ces arrangements et que personne ne les utilisera, mais le coût est minime et cette approche est conforme à l'insistance sur la souplesse qui transparaît partout ailleurs dans la proposition du gouvernement. En conclusion, je crains que des stratégies d'affaires viables et mêmes vitales ne soient peut-être pas possibles dans les conditions actuelles. Nous serons peut-être confrontés aux mêmes conflits que nous avons vus dans les secteurs des lignes aériennes et des librairies. Je voudrais éviter le conflit entre la concurrence sur le marché national et la capacité de nos banques d'être de solides compétiteurs sur le marché mondial. Il devrait être prioritaire de trouver des solutions à ce dilemme. Ma proposition est présentée de façon plus détaillée dans un document qui sera publié bientôt par l'Institut C.D. Howe. Le président: Merci, professeur. Le sénateur Meighen: Vous auriez dû nous dire où nous pouvons acheter ce livre; nous aurions pu nous précipiter pour nous le procurer. M. Chant: Je verrai à ce que vous l'obteniez. Le sénateur Meighen: Veillez à ce que nous payions le plein prix. Je constate que vous avez beaucoup écrit et publié sur la question de la réglementation. Bien que vous n'ayez pas abordé cette question de façon détaillée ce matin, j'ai une question à vous poser à ce sujet. Beaucoup de témoins qui ont comparu devant nous ont fait remarquer que le projet de loi s'en remet énormément au règlement. Partagez-vous ce point de vue? M. Chant: Je l'ai partagé. Je pense que la réglementation est nécessaire dans certains domaines tandis que dans d'autres domaines, j'en suis moins convaincu, et dans d'autres encore, je pense que le règlement proposé est loin d'être aussi draconien qu'il peut le sembler à première vue. Je vais commencer par un élément que je trouve très important. Le ministre des Finances se voit conférer des pouvoirs relativement à l'ACP et aux décisions prises par cet organisme. Si je comprends bien, quand ce dernier établira une règle, celle-ci n'entrera pas en vigueur avant 30 jours. Pendant cette période de 30 jours, le personnel du ministre a le temps de l'examiner et le ministre peut émettre des directives à l'intention de l'ACP. Je trouve que c'est vraiment important parce que l'ACP est notre système central de paiement et il est arrivé dans le passé que des règles regrettables soient en vigueur. Des règles qui pouvaient convenir à une époque ne convenaient plus à une autre époque. Il est essentiel que les règles de l'ACP fassent l'objet d'un examen. Même cette mesure draconienne consistant à permettre au ministre de prendre une directive adressée à l'ACP est importante. Toutefois, à l'autre extrême, je pense qu'on est allé trop loin dans un domaine, à savoir le compte à frais minimes. Cette idée d'un compte à frais abordables a été soulevée quand je travaillais pour le groupe de travail. Notre personnel a étudié les comptes à faibles frais qui existaient aux États-Unis et a constaté que cinq des six grandes banques américaines avaient un compte à faibles frais qui offrait des conditions plus intéressantes que celui qui était obligatoire dans l'État de New York. C'est un domaine où, je crois, on est probablement allé plus loin qu'il n'était nécessaire. Je m'étonne un peu que d'aucuns trouvent excessif un règlement ou une disposition stipulant qu'une banque doit donner un certain préavis avant de fermer une succursale. Je trouve que la période de trois mois est très raisonnable pour les fermetures de banques. Dans certains domaines, l'alourdissement de la réglementation est tout à fait justifié, tandis que dans d'autres domaines, on est peut-être allé trop loin. Il y a encore un autre domaine où je l'accepte. Le sénateur Meighen: Changement de sujet, je veux aborder la règle des 10 p. 100 et des 20 p. 100, je suppose qu'on pourrait l'appeler la règle des 10 à 20 plus 10. Premièrement, je vous serais reconnaissant de nous faire part de vos observations générales sur cette question. J'ai déjà cru que c'était une bonne idée, mais je m'interroge maintenant là-dessus. Je ne sais plus très bien pourquoi je trouvais que c'était une bonne idée au départ et je ne sais pas trop pourquoi je penche maintenant de l'autre côté. Peut-être pourriez-vous m'aider à tirer au clair ma propre réflexion là-dessus. J'avais l'impression que quand la règle des 20 p. 100 a été proposée, c'était pour permettre aux banques de conclure des alliances stratégiques avec d'autres institutions financières. On m'a donné à entendre que cela arriverait peut-être, mais pas nécessairement, parce rien n'empêche IBM, Dofasco ou la Caisse de retraite des enseignants d'acheter, avec la permission du ministre, 20 p. 100 de l'une de nos banques à charte. Il me semble que cela ne serait pas conforme à l'esprit de la réflexion qui nous a fait passer de 10 à 20 plus 10. Avez-vous des commentaires là-dessus? M. Chant: Je n'ai pas lu la Loi sur les banques en détail. J'ai lu le résumé rédigé par le Bureau de la recherche parlementaire. Je pense que la notion d'investissement «stratégique» qui modifie les arrangements en matière de propriété est essentielle. Je peux imaginer bien des raisons pour lesquelles quelqu'un voudrait investir à hauteur de plus de 20 p. 100. Quelqu'un pourrait vouloir acheter plus de 20 p. 100 pour établir une tête de pont, au cas où les dispositions sur la propriété seraient assouplies encore davantage. Je peux imaginer qu'une banque s'en inquiète et fasse appel à ce que l'on appelle un «chevalier blanc» qui achèterait plus de 20 p. 100 afin de couper l'herbe sous le pied à d'autres intervenants qui pourraient venir contester l'équipe de direction. À mes yeux, «stratégique» signifie quelque chose qui a à voir avec une stratégie d'affaires ou avec la constitution d'une alliance. Je pense que l'initiative pour qu'un investisseur stratégique achète plus de 10 p. 100 et jusqu'à 20 p. 100 devrait venir à la fois de l'investisseur et de la banque, et l'on devrait être tenu de justifier la dimension stratégique. J'imagine que si l'affaire ne débouche pas après un certain temps, l'investissement serait ramené en deçà de ce seuil pour ouvrir la porte à la possibilité d'une autre alliance stratégique. Ce qui me préoccupe, c'est que dès que quelqu'un dépasse le seuil des 10 p. 100, il se trouve à bloquer toutes les autres possibilités. Je pense que ce processus d'approbation est vital. Je suis désolé, mais j'ignore ce que la loi prévoit quant à la nature du processus d'approbation. Le sénateur Meighen: Vous avez utilisé l'expression «bloquer les autres possibilités». À votre avis, serait-ce là la conséquence pratique de l'achat d'un bloc de 20 p. 100, sans même parler de 20 plus 10? En théorie, il pourrait y avoir deux personnes possédant chacune 20 p. 100, n'est-ce pas? M. Chant: Je n'ai pas étudié la loi dans tous les détails. Je pensais que dans le cas d'un investisseur stratégique, une personne serait autorisée à dépasser 10 p. 100. Je m'excuse, je devrai vérifier. Si une banque forme une alliance stratégique avec, disons, deux banques, je crois comprendre qu'il y aurait autorisation d'aller au-delà de 10 p. 100, mais je n'en suis pas certain. Le sénateur Meighen: Vous insistez beaucoup sur le mot «stratégique». Laissez-vous entendre que le ministre devrait juger s'il s'agit ou non d'une alliance stratégique? J'ignore comment il ou elle pourrait en décider. Est-ce à la banque d'en juger? M. Chant: Revenons en arrière un instant. Je répète que j'aurais dû lire le texte de loi proposé. Je ne suis pas certain que la banque ait son mot à dire. Si IBM fait une proposition stratégique, je dois supposer qu'au moins la moitié de la stratégie vient de la banque. Il devrait incomber à la banque de dire: «C'est un investissement stratégique parce que nous serons maintenant une banque mondiale grâce à une alliance avec une banque européenne. Nous serons capables de faire des choses dont nous n'étions pas capables auparavant». Peut-être ai-je accordé trop d'importance au mot «stratégique», mais je dirais que dès que l'on dépasse le seuil des 10 p. 100, cela devrait être justifié comme stratégique en regard des objectifs de la banque. Je ne veux pas parler au nom du groupe de travail, mais je pense que c'était l'intention du groupe de travail. C'est dans la même ligne que la société de portefeuille. Cela permet aux banques d'exercer leurs activités mieux qu'elles ne le pouvaient auparavant. Le sénateur Poulin: Professeur Chant, l'un des premiers points que vous avez soulevés était l'objectif de la souplesse du régime applicable à nos institutions financières. Vous avez dit que, d'après vous, il faudrait encore plus de souplesse et d'ouverture. Il me semble vous avoir entendu dire cela. Ma question ne porte pas sur l'opportunité ou le besoin d'une plus grande souplesse et ouverture. Ma question porte sur la mise en oeuvre du projet de loi C-8, je veux dire par là que cette mesure marque un changement qui sera mis en oeuvre dans notre pays. Je suis fortement en faveur de l'application graduelle des changements. Autrement dit, on peut parfois m'accuser d'être trop prudente. Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi C-8 qui empêcherait notre gouvernement ou un futur gouvernement d'ajouter des changements après avoir évalué les conséquences de la mise en oeuvre du projet de loi C-8 dans sa forme actuelle et du règlement qui suivra? M. Chant: Autrement dit, avons-nous créé des obstacles qui empêcheraient d'apporter à l'avenir des assouplissements? Je ne le pense pas. Par exemple, la proposition sur les sociétés de portefeuille est tout à fait en accord avec votre philosophie. Les banques ont certaines activités qui n'exigent pas tellement de réglementation. La proposition sur les sociétés de portefeuille est le début d'une tentative pour voir ce que l'on pourrait faire à l'avenir. Les autorités chargées d'établir les règles de prudence craignaient, à juste titre, que l'on puisse perdre le contrôle des aspects vitaux du système bancaire. L'approche des sociétés de portefeuille permet de faire des expériences en intégrant certaines activités des banques dans une société de portefeuille qui serait assujettie à une réglementation moins lourde. Nous serions alors en mesure de dire, à l'avenir, que l'expérience est satisfaisante pour cette activité et qu'il était donc évident que l'on n'avait pas besoin d'une réglementation rigide. Avec le temps, l'expérience nous dira peut-être que nous devons nous en tenir là et ne pas aller plus loin. L'expérience pourrait nous apprendre qu'un certain nombre d'activités des banques peuvent être confiées à des sociétés de portefeuille et que le BSIF n'a pas besoin de s'en préoccuper. La proposition semble procéder d'une approche de l'enveloppe, en ce sens que l'on pourrait étendre ou restreindre la portée des dispositions à l'avenir, à mesure que nous acquerrons de l'expérience. J'ai une perception très étroite de la règle de propriété des 20 p. 100, comme vous l'avez constaté tout à l'heure, mais peut-être qu'à l'avenir, les gens pourront envisager cela de façon plus générale et qu'il y aura davantage de possibilités. Le poids que j'accorde au mot «stratégique» va peut-être s'atténuer à l'avenir. C'est une approche qui correspond à votre philosophie. Il est bien tôt pour se prononcer, mais je ne discerne aucun secteur où l'on pourrait créer des obstacles à l'évolution future. Je suis allé dans beaucoup d'autres pays et j'ai parlé aux gens que je rencontrais du processus de l'examen quinquennal et décennal au Canada. Cela impose une charge de travail importante à vous et à d'autres intervenants, mais c'est vital pour nous doter d'un système bancaire et financier qui évolue avec le temps. Je ne m'inquiète pas d'une trop grande rigidité. Je pense que nous avons un bon équilibre. Le sénateur Tkachuk: Je voudrais aborder la question de la concurrence. Nous avons entendu ces dernières semaines des représentants des coopératives de crédit et des caisses populaires, notamment les gens des coopératives de crédit hier. Ils nous ont dit qu'il y avait certains obstacles, ou tout au moins que le projet de loi ne disait pas clairement qu'ils pouvaient se lancer dans le secteur bancaire comme ils estimaient pouvoir le faire en fonction de leur structure organisationnelle. Ce matin, vous avez soulevé la question des obstacles aux activités bancaires des succursales, c'est-à-dire la banque de détail. Nous avons beaucoup de concurrence de la part de gens qui se lancent dans le secteur de la banque d'affaires, mais c'est dans le secteur de la banque de détail que résident certains de nos problèmes futurs. Les deux principaux intervenants, dont nous attendions qu'ils se fassent concurrence en cas de fusion, disent que le projet de loi C-8 ne leur donne pas la souplesse voulue pour progresser dans cette direction. Si c'est le cas, comment le Bureau de la concurrence justifiera-t-il à l'avenir des fusions qu'il ne pouvait pas justifier avant le projet de loi? M. Chant: C'est la grande question à laquelle nous sommes confrontés. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir aux propositions relatives aux coopératives de crédit autant que certains ont pu le faire. Il serait regrettable que le projet de loi ne leur permette pas de devenir un système plus national. Le groupe de travail avait prévu dans ses propositions la possibilité de banques appartenant à des coopératives. Je m'inquiète de ce qui pourrait se passer si le Bureau de la concurrence avait à étudier une fois de plus un dossier de fusions bancaires. Il y a eu certains changements. De nouvelles institutions financières ont émergé et cela peut avoir résolu certains problèmes, mais pas tous. La cession des succursales est le principal problème. Dans le document que j'ai rédigé pour l'Institut C.D. Howe, il y a une section intitulée «Vers qui pourrions-nous nous tourner?». Je ne crois pas vraiment que les coopératives de crédit puissent absorber beaucoup de succursales. Je suis très pessimiste à ce sujet. Je suis quelque peu pessimiste quant aux banques étrangères. J'ai fait une suggestion en vue d'une plus grande ouverture à un plus grand éventail de succursales. J'aimerais pouvoir mieux comprendre les propositions relatives aux coopératives de crédit, parce que je ne crois pas qu'elles constitueront la solution complète. Dans la foulée des préoccupations exprimées par le Bureau de la concurrence, nous devons envisager une accumulation de solutions possibles, au lieu d'une seule et unique solution pour la concurrence. Il serait regrettable que les coopératives de crédit n'aient pas l'ampleur qu'elles estiment être capables de gérer. Je m'excuse de ne pas être plus concret. Le sénateur Tkachuk: Le projet de loi se prête justement à cet argument. Il ne tire pas la situation au clair et n'ouvre pas toutes grandes les portes ni aux succursales de banques étrangères ni aux coopératives de crédit qui voudraient reprendre des succursales ou faire concurrence aux cinq grandes banques, qui deviendront peut-être les trois grandes ou même les deux et demie. Si l'on commençait dès aujourd'hui à tenter de mettre en pratique votre idée d'un arrangement comme l'ALENA ou d'un arrangement avec les pays européens pour permettre à l'assureur du pays d'origine d'une banque d'assurer les dépôts, combien de temps faudrait-il, à votre avis, pour conclure et mettre en vigueur une telle entente, à supposer que tout se passe raisonnablement bien? M. Chant: Je dirais que si tout se passe très bien, il faudrait trois ans. Je n'envisage pas que cela puisse se faire en six mois. Le sénateur Kroft: J'ai deux questions, une générale et une précise. La question précise porte sur les conséquences des dispositions du projet de loi C-8 qui visent à conserver les deux grandes compagnies d'assurances démutualisées comme des entités distinctes à participation multiple qui ne pourraient pas être rachetées par les banques. J'aimerais que vous nous fassiez part de votre réflexion sur cette tentative de conserver ces entités à titre de piliers indépendants, du moins pour l'instant. M. Chant: Cela cadre très bien avec ce dont je parlais et avec les préoccupations formulées dans la dernière question. On pourrait se demander pourquoi il y a lieu de s'inquiéter de l'indépendance des compagnies d'assurances. Les compagnies d'assurances perdent leur indépendance partout ailleurs dans le monde. Si nous ne pouvons pas trouver nous-mêmes une solution convenable pour le secteur bancaire, je ne pense pas que nous voulions perdre les compagnies d'assurances. Si nous nous retrouvons dans la situation qui semble être la nôtre dans le secteur des librairies ou des compagnies aériennes, alors je préférerais attendre que nous ayons trouvé une solution satisfaisante pour les banques, leur permettant d'appliquer leurs stratégies tout en garantissant une concurrence à l'intérieur du pays, avant de faire quoi que ce soit au sujet des compagnies d'assurances démutualisées. Le sénateur Kroft: Vous avez un certain optimisme quant à leur capacité de jouer un rôle utile. Je pense que votre groupe de travail évoquait la possibilité qu'elles deviennent quasiment comme des banques. Vous avez commencé à les appeler banques. M. Chant: Je suis modérément optimiste, mais je pense que nous devons préserver une certaine envergure pour les éléments qu'il nous reste - pour revenir aux questions précédentes -, à savoir le réseau des coopératives de crédit et les compagnies d'assurances démutualisées. Le sénateur Kroft: Un consensus remarquable s'est dégagé parmi les témoins qui ont défilé devant nous. L'un de mes collègues a dit hier que c'était un véritable marathon d'amour. En examinant le processus dans son ensemble, comme vous l'avez fait depuis votre participation au groupe de travail et par la suite, que pensez-vous du consensus qui semble s'être dégagé? Il y a bien quelques organisations chargées de la surveillance qui ont fait des mises en garde, mais les principaux intervenants qui ont témoigné devant nous se sont montrés généralement approbateurs et ont dit qu'il ne fallait pas toucher au projet de loi, qu'il ne fallait pas le modifier mais plutôt l'adopter le plus rapidement possible. Trouvez-vous que cette situation est saine? M. Chant: L'orientation du projet de loi est la bonne. Bon nombre des préoccupations que j'ai soulevées s'inscrivent dans la problématique que le ministre devra prendre en compte quand il sera saisi de propositions de fusion, ou peut-être qu'elles sont révélatrices de ce que sera la situation quand il devra étudier des propositions de fusion. L'orientation générale du projet de loi et sa souplesse sont importantes. Le système financier évolue rapidement et nous ne pouvons pas prévoir son évolution future. Ces dispositions sont très bonnes. Je ne suis pas certain d'avoir les qualités requises pour participer à ce marathon d'amour, mais je ne dirai pas qu'ils se trompent. Le sénateur Kelleher: En dépit de ce marathon d'amour dénoncé par le sénateur Kroft, l'Association des banquiers canadiens, l'ABC, durant son témoignage devant nous hier, n'en a pas moins exprimé le regret, pour parler délicatement, d'avoir été exclue de l'assurance et du crédit-bail automobile. Quelle est votre opinion là-dessus? Si vous êtes d'accord pour dire qu'elle doit être exclue, pourriez-vous nous en donner les raisons et nous dire pourquoi c'est raisonnable, à votre avis? Si vous n'êtes pas d'accord, pourriez-vous nous dire pourquoi vous n'êtes pas d'accord? M. Chant: J'ai tendance à être d'accord avec l'ABC. La concurrence dans les services financiers est importante et la ligne de démarcation entre les services financiers est fluctuante. La capacité de vendre de l'assurance au détail dans les succursales est logiquement la prochaine étape associée à ce changement. Pour ce qui est du crédit-bail automobile, les banquiers s'en rapprochent de toutes parts. Ils ont des arrangements qui leur permettent quasiment de faire du crédit-bail automobile. Ils peuvent louer n'importe quoi, y compris des automobiles. Leur présence dans le secteur du crédit-bail automobile renforcerait la concurrence et serait à l'avantage des consommateurs et des entreprises. Je partage le regret de l'ABC. Le sénateur Kelleher: Compte tenu de votre réponse et peut-être de la nécessité de revenir à la charge à l'avenir, que devons-nous faire maintenant? D'aucuns diraient que l'on n'aura pas sitôt adopté ce projet de loi qu'il faudra se tourner vers l'avenir, à cause de la fluidité de la situation dans la communauté financière. Peut-être devrons-nous nous remettre à la tâche presque immédiatement. Croyez-vous que nous devrions faire une pause de plusieurs années, pour laisser la nouvelle loi prendre racine? M. Chant: Vous n'aurez pas une très longue pause, à cause de la disposition sur l'examen quinquennal. Vous serez probablement appelés à examiner le dossier plus tôt que vous ne le pensiez, parce que je crois que lorsque des propositions de fusion seront faites, nous verrons que nous ne sommes pas encore sortis de l'auberge. Nous devrons alors trouver des portes de sortie. Peut-être que la solution serait de revenir sur le point de vue des coopératives de crédit, que l'on vous a présenté hier, et de réexaminer le rôle des banques étrangères. Je ne pense pas que les banques voudraient que leur fusion soit encore retardée de cinq ans, mais si le Bureau de la concurrence examinait le dossier des fusions l'année prochaine, il constaterait peut-être qu'il a plus de raisons d'être optimiste qu'il n'en avait auparavant. Par contre, il en fallait pour le satisfaire la dernière fois. Le sénateur Angus: J'ai quelques commentaires. J'ai prononcé un discours au Sénat sur ce projet de loi, à l'étape de la deuxième lecture. Dans ce discours, j'ai dit que j'approuvais le projet de loi, mais sans enthousiasme. Ce que je crains, c'est que, d'après les témoignages qui ont été présentés au Parlement pendant l'étude du groupe de travail MacKay et pendant les audiences subséquentes sur les conclusions de ce groupe, il n'y ait consensus pour dire que le projet de loi n'établit pas une vision globale de l'orientation canadienne dans l'industrie des services financiers. Même si la mesure a été présentée comme un projet de loi cadre, je n'y discerne pas la trace d'un cadre d'orientation politique. J'y vois plutôt une macédoine de modifications de forme. Partagez-vous ce point de vue, professeur? M. Chant: Je frémis à l'idée de me faire confier par le Sénat la tâche d'énoncer une vision globale de l'orientation future du système bancaire canadien. Je suis sûr que je vous décevrais. En fait, je vous donnerais peut-être une magnifique vision, mais dans cinq ans, vous seriez déçu et me feriez remarquer que j'avais oublié de vous parler de ceci ou de cela. Le mieux que nous puissions faire, c'est d'établir un cadre que les institutions financières pourront modifier en fonction des circonstances changeantes. Le danger qui nous guette, dans une telle vision, c'est qu'il est possible qu'elle soit trop spécifique. Je pense que ce cadre nous donne les deux tiers de ce qu'il nous faut pour permettre à notre système bancaire de s'épanouir et de devenir une industrie solide à l'échelle internationale. Les changements relatifs à la propriété donnent aux banques la souplesse voulue pour conclure des arrangements avec d'autres entités. La société de portefeuille leur permet de structurer leurs activités en fonction du besoin de réglementation. Le cadre, pour ce qui est de leur structure nationale, représente à peu près le mieux que nous puissions faire. Par contre, nous sommes loin du compte pour ce qui est de l'armée de concurrents qui seront présents quand nous serons saisis de la prochaine proposition de fusion. J'ai proposé une façon dont les banques étrangères pourraient à moyen terme renforcer leur présence et offrir une plus grande concurrence et pourraient devenir des acheteurs potentiels des services dont les banques doivent elles-mêmes se dessaisir. Ma suggestion n'est pas le fin mot de l'histoire, mais simplement un élément pour affronter l'avenir. Pour ce qui est des fusions, nous sommes coincés sérieusement et nous devons réfléchir et faire preuve d'imagination pour nous sortir de cette situation. Je corrige assez sévèrement les travaux de mes élèves, mais quand vous dites que nous n'avons pas de vision, cela donne l'impression que vous donnez un C ou un C plus. Je suis plus optimiste et je donnerais plutôt un B plus. Ce n'est pas mauvais. On est allé aussi loin que l'on pouvait dans l'élaboration d'une vision en établissant un cadre. Le sénateur Angus: Voilà une réponse qui nous aide. Beaucoup d'institutions et leurs dirigeants nous ont dit, à tort ou à raison, qu'ils n'aiment pas le projet de loi, mais qu'ils le veulent quand même. Je dis que c'est un choix qui n'en est pas un. Si vous ne l'aimez pas, pourquoi ne l'aimez-vous pas? Au moins, essayons de l'améliorer pour vous satisfaire. Par contre, vous en avez vraiment besoin maintenant, si vous voulez rester compétitif dans le grand jeu planétaire. Nous aimerions évidemment faciliter cet objectif. Je trouve votre réponse encourageante. En lisant le projet de loi, les lignes directrices et le processus d'approbation des fusions, je constate que ce projet de loi sera, d'une manière, un facteur de dissuasion contre les fusions au Canada. Êtes-vous d'accord avec ce point de vue? Peut-on raisonnablement tirer cette conclusion? M. Chant: J'ai dit dans ma déclaration que je serais très satisfait que le Bureau de la concurrence et le BSIF soient les seuls intervenants auprès du ministre. Le sénateur Angus: Le ministre n'aurait aucun pouvoir discrétionnaire? M. Chant: Le ministre aurait un pouvoir discrétionnaire, mais la décision reposerait uniquement sur l'intervention de ces deux organisations. Le message du Bureau de la concurrence serait très clair et le message du BSIF serait également très clair. Laissons-les s'en occuper. Il sera difficile de respecter les critères ou les normes du Bureau de la concurrence. Ces deux organisations s'occupent de sécurité, de solidité, de concurrence dans les services financiers. Il sera peut-être difficile de trancher entre les deux, de telle sorte que l'on pourrait vouloir s'en remettre au ministre. Je suis certain que lorsque le ministre recevra les rapports du Bureau de la concurrence et du BSIF, ces deux organisations pourraient poser des conditions pour que la fusion se fasse. Il serait nécessaire de s'en remettre au pouvoir discrétionnaire du ministre. Le sénateur Angus: Ayant écouté les interventions et ayant beaucoup lu à ce sujet, je commence à me former l'opinion que nous devrions être prudents au Canada. Nous avons un système bancaire unique et nous devrions faire attention de ne pas l'ébranler. Les gens ont tort de dire qu'aux États-Unis et dans d'autres pays avec lesquels nous faisons affaire, on peut réaliser des fusions et obtenir l'approbation après coup. Il est certain que cela facilite de beaucoup la tâche des gens d'affaires et c'est plus logique parce que c'est un environnement qui semble plus favorable à l'évolution de notre industrie dans un marché en voie de mondialisation. Par contre, un témoin a fait valoir que c'est une comparaison qui ne tient pas. Nous sommes au Canada, nous avons nos particularités géographiques et un petit nombre d'institutions bien établies. Nous sommes uniques et nos particularités exigent un environnement spécial. Nous ne pouvons pas nous comparer à d'autres pays avec lesquels nous faisons affaire. J'en suis tout à fait convaincu. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Pour un Américain, un Britannique ou un Néerlandais, le Canada peut donner l'impression d'être un fouillis de règlements et de controverses politiques. Ils peuvent avoir l'impression que le coût de venir s'installer ici serait supérieur aux profits qu'ils peuvent espérer réaliser chez nous. En conséquence, ils décideront peut-être de ne pas s'en donner la peine. M. Chant: Je suis d'accord quand vous dites que l'on ne peut pas comparer le Canada et les États-Unis ni le processus d'approbation dans les deux pays. Il y a aux États-Unis un mouvement en faveur d'un système bancaire comme le nôtre. Les fusions sont moins préoccupantes aux États-Unis parce que les banques qui avaient des activités dans une région s'unissent à des banques qui étaient implantées dans une autre région, de sorte que l'impact sur un marché donné peut être très minime. Il s'agit seulement de l'embryon d'une banque vraiment nationale. Le sénateur Angus: C'est la convergence. M. Chant: Il n'y a rien de comparable entre les États-Unis et le Canada. Je ne pense pas qu'il soit justifié d'établir un parallèle quelconque entre les deux pays. Les États-Unis sont différents. J'ai bénéficié de cette différence pendant de nombreuses années quand j'allais à l'étranger pour prononcer des conférences sur le système bancaire canadien, parce que ces gens-là ne voulaient pas entendre des experts américains. Cette différence va disparaître avec le temps, car le système bancaire américain se rapprochera du nôtre. Nous devons nous concentrer sur notre propre situation. Il est tout à fait approprié que les fusions soient examinées par le BSIF et le Bureau de la concurrence. Le sénateur Angus: Je vous remercie de votre réponse. En conclusion, nous avons entendu hier des témoins qui représentaient la Banque ING du Canada, qui se qualifie de banque en direct ou virtuelle. C'était un modèle très intéressant, en fait. Les témoins ont dit que la Banque ING du Canada a des activités bancaires de détail et que le seul concurrent qui occupe essentiellement le même créneau est la President's Choice Financial de la CIBC. Ils se sont dit extrêmement déçus du projet de loi. En fait, ce sont les seuls banquiers à avoir témoigné devant nous qui ont dit sans détour qu'ils n'aimaient pas le projet de loi parce qu'il contribue très peu à créer des règles du jeu égales pour tous les intervenants ou à exposer les grandes banques traditionnelles à une concurrence internationale plus forte qui serait susceptible d'avantager les consommateurs canadiens de produits bancaires. Presque toutes les soi-disant «mesures» visant à accélérer et à renforcer la concurrence au Canada ne s'appliquent pas à ING ni à d'autres banques étrangères, petites ou grandes, qui voudraient venir s'établir au Canada. La plupart des obstacles que doivent surmonter de nouveaux arrivants comme l'ING demeurent toujours en place, en dépit du projet de loi C-8. Le représentant de l'ING a passé en revue ces obstacles. Il a dit que l'environnement réglementaire est lourd et coûteux. Il a expliqué que les tracasseries administratives sont bien pires ici qu'en Hollande. Il a fait observer que si ING respectait scrupuleusement le régime réglementaire aux Pays-Bas, nous devrions nous en satisfaire. Il a donné quelques bons exemples. Il a parlé ensuite des exigences en matière de capital, de l'impôt sur le capital, d'autres formes d'imposition, des primes de la Société d'assurance-dépôts et du fait que le Système canadien des paiements est actuellement fermé. Il a toutefois reconnu qu'à la suite de négociations et grâce à l'attitude éclairée de l'Association canadienne des paiements, l'ACP, ce dernier obstacle disparaîtra bientôt. C'est une bonne chose. Je lui ai dit que nous pouvions améliorer le projet de loi, au besoin. Je lui ai demandé si nous pouvions améliorer le projet de loi sur un point précis, s'il y avait un amendement quelconque que nous pourrions apporter et qui aiderait à atténuer ces problèmes. M. Chant: C'est ce que je disais. Si nous pouvons obtenir des assurances de la part des autorités qui réglementent les banques étrangères et si celles-ci ont une assurance-dépôts qui nous satisfait, ce qui reste à démontrer, elles devraient être autorisées à se lancer dans le secteur du détail. Si elles échouent, nous aurions l'engagement des autorités réglementaires néerlandaises que les Canadiens seraient protégés par l'assurance-dépôts, au même titre que les Néerlandais. Cela dit, on pourrait se demander si nous laisserions entrer des banques qui, dans leur pays d'origine, ont seulement 500 $ d'assurance-dépôts. Peut-être que non. Peut-être qu'il faut fixer une norme minimale en termes de régime réglementaire répondant aux exigences relatives au capital et à l'assurance-dépôts. Si les autorités le garantissent et si les banques canadiennes sont autorisées à s'établir dans ce pays sur une base réciproque, il n'y aurait aucune objection à ce qu'une banque étrangère vienne ouvrir des succursales chez nous pour offrir des services bancaires de détail. Comme je l'ai dit, je verrai à ce que vous obteniez copie de mon étude effectuée pour l'Institut C.D. Howe quand elle sera publiée, c'est-à-dire bientôt. Je vais mettre au propre ma déclaration d'ouverture et l'enverrai aujourd'hui même à M. Robert par télécopieur. Je pense que j'y aborde cette question. Je ne savais pas qu'ING avait fait cette déclaration. J'ai entendu des intervenants dire que les banques étrangères devraient être autorisées à s'établir au Canada dans certaines conditions et qu'il faudrait assouplir ces conditions. Je pense que c'est probablement une erreur que d'essayer de décider à la place des banques étrangères des modalités de leur implantation au Canada. Pourvu que l'on veille à ce que les règles de prudence soient respectées, je pense que nous devrions envisager cette possibilité. Le sénateur Angus: Peut-être, monsieur le président, pourrions-nous demander au greffier d'envoyer au professeur Chant copie du mémoire d'ING. On y trouve une énumération intéressante d'objections qui sont conformes à l'esprit et à l'intention du projet de loi C-8, à savoir de libéraliser et de faciliter la tâche des concurrents légitimes qui veulent venir s'établir ici. Nous devrions faire tout notre possible à cet égard. Le sénateur Tkachuk: Ce point a été soulevé dans la réponse donnée au sénateur Angus. Le titre du projet de loi est le suivant: Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières. C'est une bonne description. Je sais que vous avez donné au projet de loi la note B plus. Qui suis-je pour contester l'évaluation d'un professeur? À part la société de portefeuille et le pouvoir discrétionnaire du ministre, qui régit tout le reste, y compris la règle des 20 p. 100 et presque tout le projet de loi, semble-t-il, qu'avons-nous fait dans ce projet de loi pour établir un nouveau cadre pour la concurrence, pour résoudre le problème des fusions ou permettre à de petites entreprises comme les coopératives de crédit et les banques étrangères, dont vous avez dit tout à l'heure qu'elles se butent à des obstacles, de se lancer dans le secteur bancaire? Quelles sont les réalisations majeures de ce projet de loi? Il y a beaucoup de modifications de forme, mais quels changements de fond ce projet de loi opère-t-il? M. Chant: Quand on l'examinera rétrospectivement, dans dix ans, on constatera que les sociétés de portefeuille ont offert aux institutions financières canadiennes une plus grande souplesse dans la gestion de leurs affaires et que certains services financiers ont pu être offert de façon plus compétitive. On constatera peut-être aussi, mais j'en suis moins certain, que les banques ont saisi l'occasion d'inviter des investisseurs stratégiques en application de la règle des 20 p. 100 et ont trouvé le moyen de renforcer leur présence sur la scène mondiale grâce à des alliances, au lieu de tout faire elles-mêmes. Cela ouvrira des possibilités à certaines banques. Je suis moins optimiste à ce sujet. L'interdiction pour les grandes banques d'acheter d'autres grandes banques a été clairement levée, et cette menace ne pèse donc plus sur les fusions, ce qui est utile. Je constate cependant une lacune au niveau des dispositions en faveur des banques étrangères. Ce projet de loi établit un cadre. Je ne connais pas les détails des griefs des coopératives de crédit et je ne peux donc pas vous en parler. J'ai parlé des griefs des banques étrangères. J'ai donné la note B plus pour la vision d'ensemble. C'est très difficile d'établir une vision d'ensemble et le projet de loi apporte des assouplissements de différentes manières. Il m'est difficile d'imaginer d'autres manières qui sont nécessaires. J'aurais voulu entendre les griefs formulés par les coopératives de crédit pour pouvoir vous en parler de façon plus détaillée. Le président: Merci, professeur. Vous avez été très aimable et utile. Les témoins suivants représentent le Bureau de la concurrence, Industrie Canada. Nous souhaitons la bienvenue à Konrad von Finckenstein, commissaire de la concurrence, Richard Annan, sous-commissaire de la concurrence, et Gerry Birks, agent supérieur du droit de la concurrence. Bonjour. Veuillez faire votre déclaration d'ouverture. M. Konrad von Finckenstein, commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence, Industrie Canada: Merci de nous avoir invités et de nous donner l'occasion de commenter le projet de loi sur les services financiers. Il y a deux principaux changements à la Loi sur la concurrence que la nouvelle législation soulève. Le premier est l'article 29.2 qui se rapporte au partage de renseignements. En vertu de la nouvelle législation, le commissaire aura le pouvoir de communiquer les renseignements que le ministre des Finances demande par écrit. Ce nouvel article de la Loi sur la concurrence permettra au commissaire de fournir les renseignements ramassés, reçus ou produits dans le contexte d'un fusionnement. Pour sa part, le ministre des Finances devra certifier que les renseignements ne pourront être utilisés que dans le but de prendre une décision concernant un fusionnement ou un projet de fusionnement. Ceci diffère de la pratique précédente qui interdisait au commissaire, en vertu de l'article 29 de la Loi sur la concurrence, de fournir toute information confidentielle. L'autre article de la Loi sur la concurrence modifié par cette législation concerne l'alinéa 94b). L'article actuel stipule que le Tribunal ne rend pas une ordonnance à l'égard d'un fusionnement en vertu de la Loi sur les banques, de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et de la Loi sur les sociétés d'assurances et à propos duquel le ministre des Finances certifie être dans le meilleur intérêt du système financier canadien. Cet article a été modifié afin de tenir compte du nouveau pouvoir du ministre des Finances qui doit imposer des termes et des conditions à de tels fusionnements. Ces modifications sont de nature technique et complémentaires au nouveau processus d'examen des fusionnements introduit par cette législation. [Français] Comme pour d'autres éléments de la nouvelle législation, leur objectif est de permettre aux institutions financières nationales de devenir assez grandes pour livrer concurrence sur la scène internationale, tout en maintenant un niveau de concurrence acceptable sur la scène nationale. Selon moi, certain des changements proposés auront un impact positif sur la concurrence dans le secteur des services financiers. Premièrement, la nouvelle législation modifie grandement la définition de propriété à participation multiple. Selon cette modification, la limite de 10 p. 100 concernant la participation individuelle est augmentée à 20 p. 100 pour les actions avec droit de vote, et à 30 p. 100 pour les actions sans droit de vote. Il serait donc plus facile aux sociétés du secteur financier de s'engager dans des alliances stratégiques au pays et à l'étranger. De telles alliances permettraient à nos institutions nationales d'atteindre plus facilement la taille et la force nécessaires afin d'améliorer leur position dans le domaine de la concurrence à l'étranger. [Traduction] Deuxièmement, le nouveau régime de société de portefeuille fournit une structure aux éléments de banque, aux compagnies d'assurances et aux fonds communs de placement sous une même bannière. Ces structures donneront aux banques la flexibilité opérationnelle pour livrer une meilleure concurrence sur la scène internationale. Troisièmement, les règles plus libérales de propriété rendront plus facile la création de plus petites banques communautaires et pourraient aider à la création d'un deuxième palier plus fort d'institutions financières pouvant dans certains cas livrer concurrence aux grandes banques. [Français] Finalement, un plus grand accès au système de paiements pour les compagnies d'assurances, les maisons de courtage et les fonds communs de placement pourrait fournir plus de concurrence concernant les services de dépôt et donner aux consommateurs canadiens des choix très utiles pour ces produits. De plus, il y aura un nouveau processus d'examen des fusionnements qui est décrit dans les lignes directrices révisées sur les fusionnements. Même si elles n'ont pas un impact direct sur la façon dont le Bureau de la concurrence examine un projet de fusionnement, ces lignes directrices seront utiles pour les parties fusionnantes parce qu'elles identifient clairement les étapes à suivre pour prendre une décision. Les lignes directrices révisées sur les fusionnements n'empêchent toutefois pas les banques de proposer des mesures correctives concrètes concernant des questions en matière de concurrence avant que le processus d'analyse et de prise de décision ne soit terminé. [Traduction] Comme commentaire final, j'aimerais faire remarquer que la législation proposée n'aura aucun impact significatif sur la façon dont le Bureau de la concurrence mènera son analyse lorsqu'il sera confronté à des fusionnements dans le secteur financier. Tout comme en 1998, le bureau suivra le processus décrit dans les lignes directrices pour l'application de la loi: fusionnement des banques. La seule différence sera lors d'un examen de fusionnement lorsque des gains en efficience sont invoqués par les parties fusionnantes. Suite à la récente décision de la Cour fédérale d'appel dans l'affaire Superior Propane, le bureau mettra en application les principes énoncés dans la décision de la cour. Les sections des lignes directrices pour l'application de la loi relatives aux fusionnements et des lignes directrices pour le fusionnement de banques traitant des gains en efficience sont en train d'être réécrites. Lorsqu'il examinera la balance entre les gains en efficience et l'impact anticoncurrentiel d'un fusionnement, le bureau considérera maintenant un plus large éventail d'effets dans le domaine de la concurrence qui sont cohérents avec l'objectif général de la Loi sur la concurrence et surtout comment les gains en efficience profitent aux consommatrices et consommateurs canadiens. Nous sommes tout disposés à répondre à vos questions. Le sénateur Angus: Je pense que la dernière fois que vous êtes venu ici, nous examinions la question du changement de votre titre, de directeur à commissaire. Comment vont les choses, maintenant que vous êtes commissaire? M. von Finckenstein: Le travail n'a pas changé. Comme toujours, c'est un travail fascinant. On ne s'ennuie jamais un seul instant. Le sénateur Angus: Je m'intéresse à la dernière partie de votre témoignage. Il y a un bout de temps que j'ai lu le rapport. Il me semble avoir eu l'occasion de lire des extraits du rapport de votre bureau sur le projet de fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal, et de la CIBC et de la Toronto-Dominion. Si je me rappelle bien, vous aviez conclu que ces fusions ne seraient pas dans l'intérêt du Canada, du point de vue de la concurrence? C'est exact? M. von Finckenstein: Nous avons dit explicitement que les fusions telles que structurées entraîneraient un affaiblissement marqué de la concurrence. Nous avons ensuite signalé que l'on pourrait tenter d'apporter certaines solutions afin de remédier à ces conséquences nuisibles pour la concurrence. Comme vous le savez, nous n'en sommes jamais arrivés là parce que le ministre des Finances, en se fondant sur notre rapport et sur le rapport du BSIF, a décidé qu'il n'était pas dans l'intérêt national d'autoriser les fusions. Le sénateur Angus: En se fondant sur votre rapport, en effet. Dans votre exposé, vous avez dit ceci: [...] j'aimerais faire remarquer que la législation proposée n'aura aucun impact significatif sur la façon dont le Bureau de la concurrence mènera son analyse lorsqu'il sera confronté à des fusionnements dans le secteur financier. Si je comprends bien, quand vous dites «aucun impact significatif sur la façon», vous voulez parler du processus ou de la procédure. Comme nous mettons en place de nouvelles politiques et de nouvelles règles, ai-je raison de dire que vous pourriez maintenant aboutir à une conclusion différente? M. von Finckenstein: Nous voulons dire que les dispositions de la Loi sur la concurrence traitant des fusions n'ont pas changé. Nous appliquerons donc exactement le même processus analytique, nous prendrons en compte les mêmes considérations et en arriverons à une conclusion en fonction des faits qui nous sont présentés. Maintenant, je ne sais absolument pas quand ou même si nous serons saisis d'un dossier de fusion, ni de quelle sorte de fusion il pourrait s'agir. Évidemment, la conclusion que nous avons tirée il y a trois ans ne serait peut-être plus pertinente. Cela dépendra des changements qui s'opéreront dans le secteur, de la proposition précise en matière de fusion et des mesures précises qui seront proposées. Tout ce que j'essaie de dire, c'est que cette loi nous facilite la tâche pour ce qui est d'échanger des renseignements avec le ministre des Finances. Nous avons eu ce problème la dernière fois. En fait, quand les banques nous donnaient des renseignements, nous ne pouvions pas les communiquer au ministère des Finances. Nous devions dire au ministre de se débrouiller pour obtenir lui-même les renseignements en question parce que la loi nous interdisait de communiquer ces renseignements. Maintenant, si le ministre des Finances demande des renseignements et m'informe qu'ils seront utilisés uniquement dans un but bien précis, j'aurai le pouvoir de lui transmettre les renseignements en question. Et surtout, je peux lui fournir non seulement l'information, mais aussi l'analyse que nous avons faite à partir de cette information. Le sénateur Angus: Ces précisions sont utiles. Les gens d'affaires aiment que les choses soient bien tranchées: blanc ou noir. Les gens pensent que, par le passé, nous étions contre les fusions de banques, que c'était la politique du Canada. Par exemple, le Bureau de la concurrence a conclu que si l'on tentait de faire des fusions, celles-ci affaibliraient la concurrence et qu'il n'en découlerait donc aucun avantage important pour le Canada. Cette loi change cette façon de voir les choses. Maintenant, le ministre des Finances essaie de répandre l'idée que oui, le Canada est en faveur des fusions. Toutefois, pour pouvoir fusionner des banques, l'investisseur devra passer par ce nouveau processus, qui comprend un examen par le BSIF, le Bureau de la concurrence, votre comité et le Comité des finances de la Chambre des communes. Nous aurons tous un rôle à jouer dans le processus. Si j'ai bien compris votre réponse, en posant comme hypothèse qu'il n'y a eu aucun autre changement important dans l'environnement concurrentiel, si l'on vous soumettait aujourd'hui un projet de fusion, vous lui attribueriez essentiellement la même note, un C moins. M. von Finckenstein: Sénateur, je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre description de ce qui s'est passé en 1998. Prenez par exemple le projet de fusion de la Banque de Montréal et de la Banque Royale. Nous avons constaté, dans les diverses activités des banques, trois secteurs problématiques. Le premier problème se situait au niveau du réseau de succursales bancaires, plus précisément dans les comptes de chèques et d'épargne. Le deuxième problème se posait dans le domaine des cartes de crédit, et le troisième concernait le service de courtage en valeurs mobilières, où les banques s'occupaient des transactions et donnaient des conseils à l'investisseur. Nous avons dit que si la fusion avait lieu, il faudrait remédier à ces problèmes et négocier des solutions. Le processus actuel est le même qu'à l'époque. Il faut une double approbation. Il faut obtenir l'approbation du Bureau de la concurrence et il faut obtenir l'approbation du ministre des Finances. Le ministre des Finances a dit très clairement qu'il n'annulera pas la décision du Bureau de la concurrence, de sorte que s'il y a des problèmes, il faudra prendre des mesures pour y remédier. Dorénavant, si l'on propose un projet de fusion, nous l'examinerons pour voir si les partenaires ont des activités en commun et s'il y aura affaiblissement marqué de la concurrence dans un secteur quelconque. Nous transmettrons les résultats de notre analyse aux banques et au ministre des Finances. Si le ministre des Finances fait savoir que le projet n'est pas dans l'intérêt national, alors les investisseurs doivent aller voir d'abord le Bureau de la concurrence et ensuite le ministre des Finances pour les questions d'importance nationale autres que la concurrence. À ce moment-là, les négociations ont lieu séparément. Les investisseurs traitent avec nous au sujet de la concurrence et avec le ministre des Finances au sujet des questions que ce dernier fait ressortir. À la fin des négociations, il peut y avoir résolution des problèmes et fusion, mais pas nécessairement. Comme vous le faites remarquer à juste titre, on a maintenant intégré à ce processus un examen par votre comité et son homologue de la Chambre des communes. Vous ajouterez votre point de vue au processus. En fin de compte, la décision ultime appartient au ministre des Finances, qui peut approuver ou rejeter le projet. Toutefois, la condition préalable pour donner le feu vert, aujourd'hui comme en 1998, c'est qu'il faut d'abord résoudre les problèmes identifiés par le Bureau de la concurrence. Le sénateur Angus: L'un des principaux problèmes que vous avez signalés dans votre rapport sur ces deux projets de fusion avait trait au risque dans les activités bancaires de détail. Nous avons appris dans le cadre de nos travaux qu'il est bien possible qu'il y ait peu de gens intéressés à se lancer dans la banque de détail. Les banques étrangères ne sont pas particulièrement intéressées à venir s'installer ici pour acheter des succursales de la Banque de Montréal ou de la Banque Royale et offrir des services bancaires de détail. Elles préfèrent se lancer dans la banque de gros et la banque d'affaires, qui peuvent rapporter gros. Même dans le cas des coopératives de crédit et des caisses populaires, nous avons cru comprendre qu'en dépit des nouveaux encouragements qui pourraient être créés par ce projet de loi ou d'autres mesures, celles-ci ne se précipiteraient pas nécessairement pour combler un vide potentiel. Si l'on suppose pour l'instant que nos constatations sont justes, puis-je raisonnablement conclure de votre témoignage que, tant et aussi longtemps que cette situation perdure, ce sera assez difficile au Canada de permettre le regroupement de nos grandes banques? Je pense qu'en Angleterre, on parlait d'un deuxième niveau de banques de détail qui viendrait renforcer la concurrence. M. von Finckenstein: Je trouve difficile d'accepter votre hypothèse selon laquelle il n'y aurait pas d'acheteurs intéressés aux succursales de détail. Quand nous avons étudié les projets de fusion en 1998, nous avons eu plusieurs contacts avec des banques canadiennes et étrangères. Elles étaient intéressées à reprendre des succursales. Cela dépend de l'endroit où elles sont situées et de l'existence d'une masse critique. Ces succursales cadrent-elles dans leur plan stratégique existant, ou bien les banques ont-elles déjà une présence au Canada? Comme vous le savez, depuis lors, il y a eu la fusion de la Banque Toronto-Dominion et de la Société Canada Trust. Nous avons exigé des parties qu'elles vendent 13 succursales. La cession de ces succursales n'a posé aucun problème. J'ai de la difficulté à accepter l'hypothèse voulant qu'il soit impossible de vendre des succursales de détail. Les ventes de ces succursales dépendraient de leur nombre et de l'endroit où elles sont situées. Le prix est également un élément, de même que l'intégration de ces banques dans les plans de l'acheteur. Le sénateur Angus: Merci. Le sénateur Setlakwe: Commissaire, vous avez dit que l'assouplissement des règles de propriété rendra beaucoup plus facile la constitution de petites banques communautaires. Celles-ci pourraient faire concurrence aux grandes banques. Pensez-vous que cela va arriver? Pourriez-vous préciser votre pensée et nous dire si ces banques régionales, à supposer qu'elles soient créées, vont susciter du capital de risque additionnel au niveau régional? M. von Finckenstein: Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne sais pas ce qui va arriver, je n'en ai pas la moindre idée. Cette mesure proposée n'est rien d'autre qu'une loi cadre. Tout ce que vous faites, c'est de rendre possibles des éventualités comme celles que vous décrivez. Évidemment, le ministère des Finances a consulté les petites institutions existantes avant d'agir. Il est clair que ce sont des mesures qui vont aider. Maintenant, est-ce que quelqu'un va en tirer profit? Verra-t-on un mouvement d'intervenants qui voudront exploiter à fond ces mesures? Je n'en sais rien. Je peux décrire les mesures et dire pourquoi, d'un point de vue objectif, elles devraient favoriser la concurrence. Quant à savoir si elles seront utilisées en pratique, il n'y a aucun moyen de le prédire. M. Gerry Birks, agent supérieur du droit de la concurrence, Bureau de la concurrence, Industrie Canada: Je pense que les sénateurs comprennent que vous faites allusion au fait que les exigences pour le capital ont été réduites, passant de dix millions de dollars à cinq millions de dollars. Vous faites référence au régime de propriété aux termes duquel, à moins de un milliard de dollars, les banques peuvent être des sociétés fermées. Nous croyons que ces deux mesures pourraient se révéler utiles à long terme pour ce qui est de permettre aux banques régionales de devenir plus efficaces. Nous ne croyons pas nécessairement qu'elles deviendront des banques offrant la gamme complète des services, comme le sont les banques canadiennes. Elles peuvent se spécialiser dans des créneaux, mais nous espérons que l'on verra la création d'un réseau de banques de second rang au Canada, ce qui n'existe évidemment pas à l'heure actuelle chez nous. Le président: Nous sommes conscients qu'il y a beaucoup de scepticisme à ce sujet. M. von Finckenstein: Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il y a du scepticisme. Je ne suis pas un prévisionniste. Le président: Ma remarque faisait simplement suite aux propos du sénateur Angus. La plupart des banques dont nous avons entendu des représentants ne veulent pas venir ici pour ouvrir des succursales de détail. Nous prenons toutefois au sérieux ce que vous avez dit. Le sénateur Oliver: Monsieur le commissaire, le témoin qui a comparu avant vous est le professeur John Chant, du département d'économique de l'université Simon Fraser. Nous lui avons posé des questions de portée générale pour connaître son opinion sur le projet de loi C-8 et la façon dont il aidera le secteur des services financiers. À trois reprises durant son intervention, il a dit que les banques qui veulent se réorganiser peuvent certainement conclure des alliances stratégiques si elles peuvent acheter 20 p. 100, mais il a dit douter que les fusions soient jugées acceptables selon les critères du Bureau de la concurrence. Il a exprimé ce point de vue à trois reprises. Vous avez dit aujourd'hui que, tout comme en 1998, le Bureau de la concurrence appliquera le processus établi dans les lignes directrices sur les fusions de banques. Ma première question vient naturellement à l'esprit. Rien dans le projet de loi C-8 ne change quoi que ce soit aux lignes directrices sur les fusions de banques. M. von Finckenstein: Non, absolument rien. Le sénateur Oliver: Deuxièmement, vous avez évoqué une récente décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Supérieur Propane, décision qui s'appliquera aux nouvelles directives sur les fusions. Je n'ai pas lu cette décision et je ne suis pas au courant de l'affaire. En quoi les principes énoncés dans cette affaire changent-ils la façon dont vous interpréterez les nouvelles fusions proposées par les banques? M. von Finckenstein: Aux termes de la Loi sur la concurrence, nous examinons un projet de fusion et tentons de vérifier s'il aura des incidences négatives sur la concurrence et, deuxièmement, si la fusion entraînera un affaiblissement marqué de la concurrence. Troisièmement, si c'est le cas, la disposition qui stipule qu'une fusion peut quand même être approuvée si les gains d'efficience obtenus grâce à la fusion l'emportent sur l'affaiblissement de la concurrence s'applique-t-elle? Cette disposition n'avait jamais été mise à l'épreuve avant l'affaire de Supérieur Propane, qui mettait en cause la fusion de deux distributeurs de propane d'envergure nationale. Il n'y a aucun doute que la fusion de deux réseaux nationaux permet d'obtenir des gains d'efficience considérables. La position que nous avons adoptée dans cette affaire et qui a en fin de compte été confirmée par la cour d'appel est que ce n'est pas seulement une question de gain d'efficience, mais qu'il faut aussi tenir compte du fait que la compagnie fera plus d'argent et que les actionnaires en profiteront. Il faut démontrer les autres conséquences. Il faut montrer que la fusion sera à l'avantage de l'ensemble du pays et que les gains réalisés se répercuteront sur les consommateurs. Tout le monde doit y trouver son compte, pas seulement les actionnaires de la compagnie. La cour d'appel a dit exactement cela. La Loi sur la concurrence comporte une disposition de déclaration d'objet qui stipule que la raison d'être de la loi est de créer et de maintenir un système compétitif, de donner des avantages aux petites entreprises, aux consommateurs, et cetera. On n'est pas seulement tenu, comme la cour l'a dit initialement, de calculer s'il y a des gains d'efficience. L'objet de la Loi sur la concurrence n'est pas de créer des gains d'efficience et rien d'autre. Nous nous sommes violemment opposés à cette opinion et nous avons plaidé à la cour d'appel. Dans le cas des banques, une fusion de deux banques permettrait sans aucun doute de réaliser des gains d'efficience importants. Tout ce que je dis actuellement et publiquement, c'est que, oui, nous tiendrons compte de ces éléments, mais que nous ne fonderons pas notre décision uniquement sur les gains d'efficience. Les consommateurs doivent en bénéficier également. Le sénateur Oliver: Pour ce qui est de faire bénéficier les consommateurs, vous avez constaté une série de problèmes dans le dossier de la Banque Royale et de la Banque de Montréal: des problèmes concernant les services bancaires dans les succursales, des problèmes concernant les comptes d'épargne, des problèmes concernant la gamme complète des services de courtage et des problèmes de cartes de crédit. Comment les banques pourraient-elles s'y prendre pour résoudre ces problèmes de façon satisfaisante en regard des critères établis dans la décision rendue dans l'affaire de Supérieur Propane? M. von Finckenstein: Si les banques essayent de faire approuver une fusion en plaidant des gains d'efficacité, il leur faudrait évidemment démontrer d'une façon ou d'une autre qu'il serait dans leur propre intérêt de faire bénéficier les consommateurs de ces gains, au lieu d'en faire bénéficier uniquement la compagnie. En fait, les économies réalisées doivent se répercuter jusqu'aux consommateurs. Le prix unitaire de leur produit va baisser et il sera logique sur le plan des affaires de vendre ce produit à un prix inférieur parce qu'il sera vendu en plus grande quantité et que le profit total augmentera. Tout cela suppose que les banques tenteraient de justifier une fusion par les gains d'efficience. Si les banques supposent que nous aboutirons exactement à la même conclusion qu'en 1998, ce qui est très improbable parce que le marché est maintenant dynamique, elles chercheraient à se dessaisir de certains éléments pour satisfaire le régime de la concurrence. Dans la fusion Toronto-Dominion et Canada Trust, nous avons identifié les marchés et en sommes venus à une entente sur un certain nombre de succursales qu'il fallait vendre. Nous leur avons donné un délai pour les vendre et avons spécifié les modalités de la vente. Cela a été fait. Ce serait la même chose en l'occurrence. Quand il est question de banques d'envergure nationale, il faut examiner les succursales d'un bout à l'autre du pays, dans chaque municipalité, et cetera. C'est une tâche énorme, mais cela peut se faire. Cela aurait pu se faire en 1998. Le sénateur Oliver: Comme dernière question, je voudrais revenir à ce qu'a dit le professeur Chant. Pourquoi, à votre avis, a-t-il dit que les fusions ne pourraient peut-être pas passer l'épreuve de la concurrence? M. von Finckenstein: Cela m'étonne beaucoup. Si vous avez lu ma lettre de 1998, j'ai pris bien soin de dire «les fusions telles que structurées». Or, les parties à la fusion n'envisageaient pas la moindre cession, on voulait simplement mettre ensemble la Banque Royale et la Banque de Montréal telles qu'elles existaient alors. Nous étions d'avis qu'il était nécessaire de se départir d'un bon nombre de succursales. La Banque Royale devait vendre ou bien Nesbitt Burns ou bien RBC Valeurs mobilières. Il fallait aussi se pencher sur le dossier des cartes VISA et MasterCard. Était-ce possible? Cela pourrait-il se faire? La fusion serait-elle encore valable sur le plan financier? Nous n'avons jamais tranché ces questions parce que le ministre des Finances a pris la décision que vous savez. Le sénateur Kroft: Je voudrais aborder un autre élément de concurrence potentielle que nous prendrions tous en compte dans un dossier de fusion. Quand nous tenions nos audiences sur le rapport MacKay, les grandes compagnies d'assurances ont comparu devant nous. C'était avant l'époque de la démutualisation. Les compagnies d'assurances participaient alors au système des paiements, mais nous les avons pressées de questions pour voir dans quelle mesure elles étaient intéressées à se transformer en banques, comme la possibilité en était envisagée dans le rapport MacKay. Les témoins n'ont pas manifesté beaucoup d'enthousiasme. Il était décevant de constater leur peu d'enthousiasme au sujet d'un tel rôle éventuel. Ils avaient des demandes précises dans certains domaines de la gestion de la richesse, mais alors que certains d'entre nous voyaient la possibilité d'une importante source de concurrence, cela ne semblait pas prioritaire pour eux. Néanmoins, des mesures ont été prises pour qu'elles demeurent des agents importants de la concurrence. Les compagnies d'assurances font partie du système des paiements. L'indépendance des grandes compagnies démutualisées est garantie par cette loi. D'après ce que l'on dit dans les médias, il semblerait qu'il y a peut-être un changement d'attitude parmi les compagnies d'assurances, qui semblent adopter une attitude beaucoup plus musclée de divers points de vue et, dans leur nouvelle forme, semblent beaucoup plus ambitieuses à divers égards. Je vous demande de nous faire part de vos observations sur l'importance des grandes compagnies d'assurances comme entités indépendantes et comme éléments du jeu de la concurrence dans le secteur financier, car cela pourrait avoir des conséquences sur les fusions éventuelles de banques. M. von Finckenstein: Premièrement, je pense que vous avez dit «dans cette loi». C'est une décision de politique, n'est-ce pas, de conserver les compagnies d'assurances comme entités séparées? Ce n'est pas la loi qui interdit les acquisitions. C'est la politique du ministère. Le sénateur Kroft: Elles doivent rester à participation multiple, non? M. von Finckenstein: Cela n'empêche pas la fusion. Si la politique changeait, il pourrait y avoir des fusions. C'est la politique qui l'empêche actuellement, pas une disposition de la loi. Je ne veux pas couper les cheveux en quatre; c'est simplement une précision d'ordre technique. Les marchés financiers évoluent très rapidement. On met à l'essai toutes sortes de modèles et l'une des grandes questions qui demeurent ouvertes est celle-ci: dans quelle mesure a-t-on vraiment besoin d'être présent sur le terrain? On peut offrir des services financiers sur Internet, et nous n'avons vu que le début dans ce domaine, cela va prendre de l'ampleur. Cela change-t-il les modèles d'entreprise? Les banques et les compagnies d'assurances sont fondées sur le modèle d'hier. Cela nous donne-t-il du souci? Sont-elles menacées? Nous voyons beaucoup d'intervenants spécialisés qui se lancent dans les services financiers alors qu'ils n'étaient absolument pas présents dans ce secteur auparavant. La compagnie UPS en est un exemple frappant. Personne ne voyait dans cette compagnie une entreprise financière, mais elle finance maintenant beaucoup de transactions relativement aux biens qu'elle transporte, et cetera. Ce n'est qu'un exemple que je donne en passant. Les compagnies d'assurances, comme tous les autres intervenants du secteur, suivent de près les changements et essaient de se positionner. Étant donné leur très grande taille, elles ont certainement un rôle à jouer. Vont-elles se lancer directement dans la banque, ou bien vont-elles utiliser les dispositions de cette mesure afin de devenir effectivement membres du système des paiements? Je l'ignore. Je n'ai pas de boule de cristal, pas plus que n'importe qui. Je les considère comme des intervenants majeurs dans le système des services financiers. La nature des banques et des compagnies d'assurances va changer. Elles auront tendance à se concentrer sur certains secteurs d'activité et à se départir d'autres secteurs. Les gros conglomérats qui veulent tout faire pour tout le monde seront plus difficiles à exploiter. À mon avis, les compagnies d'assurances vont jouer un rôle majeur dans ce processus de transformation. Le sénateur Tkachuk: Vous avez soulevé deux points. Le premier était le fait que la limite des 10 p. 100 a été portée à 20 p. 100 et à 30 p. 100 pour les actions sans droit de vote. Deuxièmement, vous avez discuté du nouveau régime de société de portefeuille qui établit une structure pour les banques, les compagnies d'assurances et les fonds mutuels. Vous dites également dans votre premier point que la règle des 20 p. 100 facilitera la constitution d'alliances à la grandeur du pays. Je veux vous inviter à faire des observations générales là-dessus, plutôt que de répondre à une question directe, parce que je trouve cela troublant. Il me semble que ces deux changements vont en fait diminuer la concurrence dans le marché national et la justification que vous utilisez pour les deux est que cela va renforcer la compétitivité de nos institutions dans le marché international. Quel rôle jouerait le Bureau de la concurrence dans la fusion de deux banques ou de deux compagnies d'assurances? Pourquoi vous souciez-vous de ce que l'on fait aux États-Unis, en Europe ou dans le reste du monde? À quoi cela sert-il? M. von Finckenstein: J'essaie de m'assurer que nous avons un système national compétitif. J'essaie aussi de voir à ce qu'il n'en résulte pas un affaiblissement marqué de la concurrence sur le marché canadien, pour lequel je suis responsable. S'il est nécessaire, pour que les compagnies canadiennes soient solides et florissantes, qu'elles concluent des alliances à l'étranger pour protéger leur position, alors je vais examiner ces alliances pour voir s'il en résulte un affaiblissement marqué de la concurrence. Si une compagnie canadienne crée une alliance avec une compagnie étrangère et que cette alliance la rend plus solide et davantage en mesure de faire concurrence au Canada, il est évident que je m'en féliciterais. Par contre, si l'alliance résulte en une diminution ou un affaiblissement marqué de la concurrence au Canada, alors nous nous y opposerions. Le sénateur Tkachuk: Si une compagnie formait une alliance stratégique aux termes de la règle des 10 p. 100, vous parlez de la formation d'une alliance avec quelqu'un ici au Canada, pas nécessairement avec quelqu'un aux États-Unis. M. von Finckenstein: Ce pourrait être l'un ou l'autre. Le sénateur Tkachuk: Cela voudrait dire une compagnie d'assurances ou une autre banque ou quelqu'un d'autre au Canada qui se regrouperait. Il me semble que cela affaiblirait la concurrence. Comment cela fonctionnerait-il? M. von Finckenstein: Si une banque canadienne conclut une alliance stratégique avec une banque américaine qui n'a aucune présence au Canada, mais que cela, pour une raison ou pour une autre, fait de la compagnie canadienne un concurrent plus vigoureux au Canada, je m'en féliciterais. Par contre, si cette banque américaine a une présence au Canada, comme bon nombre de banques américaines en ont, et si une alliance éventuelle débouchait en conséquence sur une diminution dans un certain secteur du marché bancaire où les deux banques sont présentes, alors nous aurions beaucoup de difficulté à l'accepter. Nous insisterions probablement sur certaines mesures correctives. Une banque étrangère peut avoir un impact au Canada, mais pas nécessairement, et c'est ce que nous examinerions. Le sénateur Tkachuk: Je ne suis pas sûr que cela réponde à ma question. Il me semble qu'une alliance, c'est quand on se joint à quelqu'un d'autre pour se rendre plus fort. Dans le deuxième cas, la société de portefeuille offre une bannière pour vendre de l'assurance et des fonds mutuels, en plus des banques, ce qui veut dire qu'il y aurait moins de concurrence localement. Disons que cela arrive. Vous avez quatre points ici. Dans votre souci de veiller à ce qu'il y ait concurrence (c'est la raison d'être du Bureau de la concurrence), vous mentionnez les petites banques communautaires et le système des paiements, mais vous ne mentionnez pas les banques étrangères qui ouvriraient de nombreuses succursales, ni les coopératives ni les caisses populaires. Y a-t-il une raison à cela? M. von Finckenstein: Non. Je pense que ces mesures sont clairement favorables à la concurrence et je m'en félicite. Ce projet de loi n'est pas de moi, comme vous le savez. C'est une loi modifiant la Loi sur les banques. Je ne fais qu'une apparition éclair ici. Je vais parler des deux dispositions qui touchent la Loi sur la concurrence. Ce ne sera pas un long exposé parce que j'ai pensé que je m'attarderais seulement aux points saillants du projet de loi pour ensuite répondre à vos questions. Il est indéniable que les mesures que vous avez choisies sont favorables à la concurrence. On ne m'en a pas parlé, mais cela ne veut nullement dire que je ne les trouve pas utiles et souhaitables. Le sénateur Furey: Monsieur von Finckenstein, dans votre déclaration d'ouverture, vous avez passé en revue les principaux changements apportés à la loi. Vous contentez-vous de nous signaler ces changements, ou bien avez-vous des préoccupations au sujet de la protection dans ces circonstances? M. von Finckenstein: L'article 29 est absolument essentiel à notre travail. Pour évaluer une fusion, il faut avoir accès aux renseignements les plus confidentiels d'une entreprise. Les données sur les coûts, la planification stratégique et, fondamentalement, les projections de l'entreprise quant aux avantages éventuels d'une fusion, voilà l'information qu'on nous remet. Les compagnies vont nous la transmettre si elles ont l'assurance qu'elle restera confidentielle. Nous respectons scrupuleusement la confidentialité. Nous refuserions de divulguer ces renseignements même si la cour nous l'ordonnait et, si jamais nous sommes forcés de le faire par les tribunaux, nous allons tenter d'invoquer tous les privilèges ou exemptions possibles. C'est un élément clé pour ce qui est de faire notre travail. Nous nous rendons compte, dans le cas des fusions de banques, que le ministre des Finances joue un plus grand rôle que nous. Il est logique d'éviter les dédoublements et les coûts inutiles en partageant avec le ministre l'information que nous avons; et l'affaire a été structurée de cette manière. Nous ne sommes pas tenus de partager et cela se fait seulement si le ministre en fait la demande expresse. Le ministre doit préciser qu'il a besoin de l'information pour étudier la fusion et que celle-ci sera utilisée strictement à cette fin. Nous avons restreint cette pratique dans toute la mesure du possible, afin que nous puissions garantir aux compagnies que l'information qu'elles nous transmettent sera confidentielle. Si le ministre reçoit lui aussi des renseignements, ce sera uniquement ceux qui sont nécessaires. Le sénateur Meighen: Au risque de paraître irrévérencieux, j'ai l'impression que vous apposez votre sceau d'approbation sur les alliances plutôt que sur les fusions. Les alliances, c'est comme les fusions des pauvres, elles glisseraient probablement entre les mailles de votre filet et ne causeraient pas de problème d'affaiblissement de la concurrence. Vous ne voulez probablement pas commenter ce point de vue. M. von Finckenstein: Je vais le faire avec plaisir, si vous m'y invitez. Une alliance, ce n'est pas différent. Quand il y a alliance, si cela veut dire qu'une compagnie reçoit un intérêt important dans une autre, l'alliance relève aussi des dispositions de la Loi sur les fusions. Nous appliquerons alors les mêmes critères rigoureux que nous appliquons à n'importe quelle fusion; les critères sont identiques. Le sénateur Meighen: Je ne peux m'empêcher de penser que vous avez un ton approbateur à cet égard. Vous écrivez: Il serait donc plus facile aux sociétés du secteur financier de s'engager dans des alliances stratégiques au pays et à l'étranger. Ce passage se rapporte à l'augmentation de la limite qui est passée de 10 p. 100 à 20 p. 100. Vous écrivez ensuite: De telles alliances permettraient à nos institutions nationa les d'atteindre plus facilement la taille et la force nécessaires afin d'améliorer leur position dans le domaine de la concurrence à l'étranger. C'est un objectif que certaines banques se sont fixés. Pour être juste à votre endroit, vous n'avez pas dit que c'est bon, mauvais ou indifférent. Vous ne faites aucune distinction, sauf que vous dites qu'une alliance a plus de chance qu'une fusion d'atteindre cet objectif. Aurais-je mal lu? M. von Finckenstein: Oui. Je dis qu'au Canada ou à l'étranger, nous sommes préoccupés par les répercussions sur le marché canadien. Les banques, la dernière fois, ont dit qu'elles avaient besoin de se renforcer pour pouvoir étendre leurs activités à l'étranger. Compte tenu de la limite de possession de 10 p. 100 des actions, il était impossible de structurer des alliances utiles à l'étranger. Maintenant, le changement leur permet de structurer des alliances utiles à l'étranger. Quant à savoir si elles vont le faire, c'est à elles d'en décider. Je m'intéresse seulement aux répercussions sur le marché canadien. Je fais une déclaration factuelle qui, me semble-t-il, donne suite aux observations que nous avons formulées la dernière fois. Le sénateur Meighen: La déclaration factuelle que vous faites, c'est que grâce à la nouvelle limite des 20 p. 100, il devrait être plus facile aux compagnies du secteur financier de s'engager dans des alliances stratégiques. Cet énoncé repose-t-il sur des faits ou bien sur ce que les banques nous ont dit? M. von Finckenstein: Si vous faites une alliance stratégique et que votre partenaire veut posséder un pourcentage intéressant de votre entreprise, 20 p. 100, c'est plus que 10 p. 100, qu'il s'agisse d'actions avec ou sans droit de vote. Il y aura plus d'options disponibles. Seront-elles utilisées? Je l'ignore. Le sénateur Meighen: Elles auront peut-être aussi moins de liquidités. Je ne suis pas convaincu, et je me demande s'il y a quelqu'un qui est convaincu, à part les banques, qu'il est plus facile de vendre 20 p. 100 que de vendre 10 p. 100. Le président: La comptabilisation à la valeur de consolidation, c'est une bonne raison. Le sénateur Meighen: C'est en effet une bonne raison. Le sénateur Kelleher: De façon générale, le système canadien de détermination dans les dossiers de fusion est réputé être assez politique, en dernière analyse. Tandis qu'en Grande-Bretagne et aux États-Unis, c'est plus bureaucratique, en ce sens que les règles sont établies et que la décision ne met pas en cause le bureau du ministre ou le système politique. Avez-vous une préférence entre ces deux systèmes? M. von Finckenstein: Eh bien, je n'en suis pas sûr. Je suis entièrement d'accord avec votre énoncé. Les fusions bancaires, à cause de l'importance du secteur financier pour l'économie, sont très politiques dans tous les pays. La question est de savoir s'il y a transparence. Le processus qui vous est proposé fait intervenir votre comité et son homologue de l'autre endroit, ce qui rend le processus extrêmement transparent. Je ne pense pas que l'on puisse trouver quelqu'un qui ne soit pas en faveur de la transparence. La question est de savoir s'il y a un compromis entre la transparence et la rapidité. Dans quelle mesure le processus sera-t-il ralenti? Avons-nous trouvé l'équilibre optimal entre les deux, afin que nous puissions avoir des fusions dans ce secteur? Nous avons pourtant la transparence complète et un échéancier raisonnable. Vous avez vu les lignes directrices, qui indiquent que tout cela pourrait se faire en cinq mois. C'est juste et raisonnable, en comparaison des normes internationales. En fin de compte, c'est une tentative d'établir un juste équilibre et il faut espérer que c'est effectivement ce qui se produira. Le président: Merci. Nos derniers témoins représentent la Société d'assurance-dépôts du Canada. Veuillez faire votre déclaration d'ouverture. M. Ronald N. Robertson, président du conseil, Société d'assurance-dépôts du Canada: Je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner devant vous. C'est la première fois que je témoigne devant votre comité depuis ma nomination à la présidence du conseil de la SADC en 1999. Notre président et chef de la direction, M. Sabourin, a comparu à de nombreuses reprises. J'ai pensé qu'il serait utile, avant d'aborder la question qui fait l'objet de votre audience, de faire brièvement le point sur la SADC. Depuis la création de la SADC, en 1967, nous avons eu 43 faillites. Ces institutions détenaient au total 24 milliards de dollars de dépôts qui appartenaient à environ deux millions de Canadiens. Ces faillites nous ont coûté environ 4,7 milliards de dollars, soit environ 20 cents pour un dollar. Nos revenus, comme vous le savez, je crois, proviennent des primes payées par nos membres, et non pas de crédits du gouvernement ou de l'argent des contribuables. Lorsque nous devons nous acquitter de nos obligations pour assurer les déposants et que nous devons emprunter de l'argent, nous sommes autorisés à l'emprunter au Trésor ou sur les marchés financiers. En qualité de mandataire de Sa Majesté, nos obligations envers les déposants sont les obligations du gouvernement fédéral. Depuis notre création, nous avons emprunté au total environ 7,6 milliards de dollars. Nous avons payé 1,7 milliard de dollars d'intérêts; c'est le coût de nos emprunts. Notre dette a atteint un point culminant à 3,7 milliards de dollars en 1992, et notre déficit a atteint 1,7 milliard en 1995. À la fin de l'exercice 1998-1999, notre dette et notre déficit ont été complètement éliminés et nous avons constitué une provision pour pertes futures de 400 millions de dollars. De plus, la majorité des institutions membres ont bénéficié depuis d'une réduction de leur taux de prime de 75 p. 100. Nous avons aujourd'hui un surplus de quelque 450 millions de dollars. Autrement dit, notre situation financière s'est grandement améliorée. Des changements importants se sont opérés aussi du côté des opérations de la société, en grande partie par suite des enseignements que nous avons tirés de l'expérience acquise au cours des années 80 et 90. C'est maintenant la SADC qui approuve toutes les nouvelles demandes d'adhésion au régime d'assurance-dépôts. Nous avons établi une police d'assurance-dépôts globale à laquelle les institutions doivent se conformer pour devenir membres. Nous avons cherché à simplifier la procédure d'adhésion pour que les demandeurs aient seulement besoin de communiquer les mêmes renseignements à la SADC et au surintendant des institutions financières. Nous surveillons activement nos risques, comme l'exige notre mandat. Nous avons travaillé à établir un environnement qui encourage sérieusement nos institutions membres à adopter de saines pratiques de régie d'entreprise et de gestion du risque, car nous croyons que les institutions bien gérées font rarement faillite. Après avoir mené des consultations poussées auprès des divers intervenants du secteur, nous avons entrepris de réviser nos normes de saines pratiques financières et commerciales. Nous croyons qu'elles sont des outils de pointe efficaces qui favorisent l'adoption de saines pratiques commerciales et financières chez nos institutions membres, c'est-à-dire qui permettent d'instaurer une bonne régie d'entreprise et une saine gestion des risques, le tout à l'intérieur de solides structures de contrôle. En outre, la révision de nos normes et des formalités de déclaration connexes cadre bien avec les dispositions du projet de loi C-8 et avec le dispositif de surveillance axé sur les risques mis en place par le BSIF. Notre objectif collectif est d'alléger le fardeau de la réglementation sans compromettre les règles de prudence, et la fréquence de production des rapports sera déterminée suivant le profil de risque de nos institutions membres et les bonnes pratiques de gestion qu'elles adopteront. En plus des normes, le BSIF et la SADC ont publié un guide en matière d'intervention à l'intention des institutions financières fédérales. On y décrit le mécanisme par lequel les deux organismes coordonnent leurs activités, ainsi que les diverses mesures progressives que nous prenons pour faire face aux difficultés particulières d'une institution. Nous avons établi un barème de tarification différentielle qui permet à la SADC d'imposer un taux de prime supérieur aux membres dont le profil de risque est plus élevé. Les institutions qui obtiennent les notes les plus faibles paient des primes huit fois plus élevées que les institutions les mieux cotées. Tout en servant de stimulant financier, les primes différentielles transmettent un signal d'alerte important au conseil d'administration et à la direction de l'institution. Considérés conjointement, les normes, le guide et le barème de primes différentielles présentent au conseil et à la direction d'une institution membre une image très précise de nos attentes et des conséquences qui pourraient s'ensuivre si l'institution n'était pas gérée de façon adéquate. À l'interne, nous avons mis sur pied une solide équipe de spécialistes de l'évaluation des risques. Nous nous intéressons à la planification d'urgence en vue, par exemple, de parer à l'éventualité d'une faillite et de remplir nos obligations envers les déposants assurés. Nous avons aujourd'hui, de concert avec le BSIF, une plus vaste gamme d'outils d'intervention plus perfectionnés. Comme je l'ai dit, nous avons tiré les leçons de notre expérience et notre loi constitutive a été modifiée une bonne dizaine de fois pour mieux nous permettre de nous attaquer aux problèmes susceptibles de survenir. Nous entretenons d'excellents rapports professionnels avec les autorités provinciales de réglementation et de surveillance et, le cas échéant, nous leur apportons tout le soutien dont elles ont besoin pour conduire leurs inspections et en évaluer les résultats. Nous privilégions la médecine préventive, mais nous sommes prêts et aptes à intervenir au besoin. Nous pouvons par exemple annuler la police d'assurance-dépôts d'une institution membre, interdisant ainsi à celle-ci d'accepter des dépôts de détail. Nous avons profité de la conjoncture favorable pour mettre nos affaires en ordre. Le projet de loi C-8, s'il est adopté, influencera certainement l'avenir de bien des façons. Ses dispositions ont fait l'objet de consultations étendues et nous sommes certainement satisfaits du résultat. Nous croyons que les consommateurs tireront profit ou pourront tirer profit du surcroît de concurrence que le projet de loi C-8 tend à favoriser. Nous reconnaissons toutefois, comme tout le monde, que la concurrence entraîne la prise de risques, suivie de son cortège de vainqueurs et peut-être aussi de perdants. Si le projet de loi dont vous êtes saisis assouplit certaines des restrictions applicables à l'établissement des nouvelles institutions financières, tel l'abaissement des normes minimales de fonds propres imposées aux nouvelles banques, il prévoit de façon explicite que les propriétaires potentiels d'un nouvel établissement bancaire doivent satisfaire au critère d'aptitude. De plus, il faut produire des plans d'affaires solides et en confier l'exécution à des gens compétents. D'après notre expérience, la pérennité d'une institution financière est tributaire de sa direction, et non pas du niveau des fonds d'établissement. D'autre part, le projet de loi accorderait aux banques une plus grande souplesse organisationnelle en proposant par exemple la création de sociétés de portefeuille bancaire. Nous avons certes éprouvé une part de difficultés dans le passé avec les sociétés de portefeuille de certaines sociétés de fiducie. Dans la plupart des cas, c'était une mauvaise gestion des risques, surtout dans le secteur immobilier - non seulement au sein de la société de fiducie, mais aussi de la société mère non réglementée - qui était à l'origine du problème. Le projet de loi C-8 assujettirait l'ensemble des activités d'une société de portefeuille bancaire aux règles de surveillance, mais à des degrés divers. Cela devrait contribuer sensiblement à contenir le phénomène de contagion constaté dans le passé et qui faisait en sorte que les problèmes liés aux activités non supervisées de la société de portefeuille s'étendaient à l'entité réglementée. Les règles proposées devraient nous permettre de parer beaucoup plus facilement à un tel danger. Les sociétés de portefeuille soulèvent une autre question de fond, qui n'est pas liée au risque de perte pour nous, mais plutôt à la confusion qui pourrait se produire chez les consommateurs. Dans le cas où ces derniers font affaire avec plusieurs filiales d'une société de portefeuille bancaire, ils pourraient ne pas comprendre entièrement la nature et l'origine des produits financiers qu'ils achètent. Nos propres recherches indiquent que le public ne sait pas lesquels des produits offerts par nos institutions membres sont assurés, ou n'en est pas certain. Nous avons donc lancé encore une fois un programme d'information et de sensibilisation du public. À cet égard, nous faisons bon accueil à la création de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, dont le commissaire siégera au conseil de la SADC. Ce commissaire devrait apporter un nouvel éclairage important aux délibérations de notre conseil. Nous nous réjouissons à l'idée de participer avec l'Association des consommateurs à une plus grande sensibilisation des consommateurs. L'agence viendra renforcer le cadre des activités de surveillance fédérale et permettra de mieux protéger les intérêts des consommateurs dans le secteur des services financiers. Le projet de loi C-8 prévoit aussi ajouter à notre conseil d'administration un autre membre issu du secteur privé, ce qui permettra de préserver l'équilibre actuel, que nous jugeons important, entre les secteurs public et privé. Comme vous le savez sûrement, notre conseil d'administration est actuellement composé de quatre membres d'office et de quatre membres représentant le secteur privé, plus le président du conseil. Les chiffres correspondants seront donc désormais de cinq et cinq. Une dernière observation au sujet de la création de nouvelles institutions financières. On propose de permettre aux centrales de coopératives de crédit de présenter une demande d'adhésion à la SADC, et nous sommes favorables à cette démarche qui contribuerait à stimuler la concurrence et à accroître les choix offerts aux consommateurs. Quant à nous, nous pensons être très bien préparés à faire face aux changements proposés dans le projet de loi C-8. Nous avons une bien meilleure capacité de gérer les risques et de réduire nos pertes au minimum. En somme, nous croyons être beaucoup mieux placés qu'il y a dix ans pour faire face à tous les problèmes, réels ou éventuels. Le sénateur Tkachuk: Avant de passer aux questions, je voudrais proposer la motion suivante: Que le comité informe l'honorable Paul Martin, ministre des Finances, que sa présence devant le comité est de la plus haute importance et que nous lui demandons instamment de comparaître devant le comité le 30 mai pour discuter du projet de loi C-8. Le président: Vous savez que notre leader a pris l'engagement que M. Peterson ou M. Martin comparaîtrait et témoignerait devant nous. Le sénateur Meighen: M. Peterson m'a dit hier qu'il comparaîtrait. Le sénateur Tkachuk: Nous sommes au courant, mais, comme vous le savez, nous avons toujours souhaité obtenir la comparution de M. Martin. Nous avons pensé que le comité devrait peut-être demander maintenant que M. Martin comparaisse au lieu de M. Peterson. C'est pourquoi nous proposons cette motion. Le sénateur Poulin: Sénateur Tkachuk, je respecte votre intervention et je trouve très intéressant qu'au sujet d'un projet de loi d'une telle importance, vous vouliez vous assurer que le ministre des Finances comparaisse pour qu'il y ait une discussion entre lui et le Comité des banques au complet. Durant nos discussions passées, le bureau du leader nous a donné l'assurance que l'un ou l'autre des ministres comparaîtrait devant nous, dépendant de l'horaire des différents ministres intéressés à ce projet de loi. Je me pose une question. Estimez-vous qu'il serait encore pertinent d'entendre M. Peterson? Nous n'avons pas, que ce soit individuellement ou par l'intermédiaire du comité, vérifié quel était l'horaire de ces ministres. On nous a toutefois donné l'assurance qu'ils viendraient certainement nous rencontrer. Je comprends l'objectif du sénateur Tkachuk et je le respecte. Néanmoins, nous sommes à la fin d'une session et vous savez à quoi ressemble l'horaire des parlementaires des deux chambres. Chacun a un horaire assez chargé ces jours-ci. On nous a dit qu'il faudrait peut-être ajouter des jours de séance. J'imagine à quel point les ministres doivent être occupés à cette époque de l'année. J'ai toujours l'impression que c'est un peu comme le temps des fêtes. J'ignore si le sénateur Wiebe a quelque chose à ajouter. Le sénateur Wiebe: C'est une question à laquelle tous les membres du comité devraient réfléchir. Je pense que c'est une question importante. On nous a donné l'assurance que M. Peterson comparaîtra devant nous. Nous savons aussi qu'une demande a été présentée au ministre. Nous sommes au beau milieu de l'audition d'un groupe de témoins, ce qui est très important à mes yeux. J'ai personnellement beaucoup de questions que j'aimerais poser à ces témoins et je sais que d'autres en ont aussi. Si cette question a une telle importance pour l'honorable sénateur, pourquoi ne l'a-t-il pas soulevée quand les témoins précédents comparaissaient? Pourquoi ne l'a-t-il pas soulevée dès le début de nos travaux ce matin? Pourquoi ne l'a-t-il pas soulevée pendant la comparution du deuxième témoin? Si c'est une question d'une telle importance, pourquoi devons-nous discuter de cette motion au beau milieu de l'interrogatoire de témoins qui ont pris le temps de venir nous rencontrer en dépit de leur emploi du temps très chargé? Le sénateur Tkachuk: Cela ne prendra qu'une minute, sénateur Wiebe. Le sénateur Wiebe: Je soutiens que l'urgence de cette motion vient du fait que les sénateurs d'en face craignent que les membres du comité n'auront pas tous la possibilité de faire connaître leur point de vue quant à l'opportunité d'adopter cette motion. Si vous jetez un coup d'oeil autour de la salle, vous pouvez constater quel serait le résultat d'un vote sur cette motion, si chacun votait strictement selon la ligne du parti. J'ose dire que c'est peut-être la raison pour laquelle cette motion est présentée de toute urgence à ce moment précis, au lieu d'avoir été présentée avant de commencer l'audition des témoins aujourd'hui. Je trouve important que ce soit dit. Une motion comme celle-là, toute importante soit-elle, aurait pu être présentée au début de la matinée, avant l'audition des témoins que nous mettons ainsi dans l'embarras. À titre de membres du comité, nous avons une responsabilité envers nos caucus respectifs, mais nous avons aussi la responsabilité d'être justes envers les témoins auxquels nous avons demandé de comparaître devant nous. Cette comparution exige de leur part qu'ils empiètent sur leur emploi du temps chargé. Ils sont disposés à nous faire un exposé sur ce projet de loi. Je propose que nous ajournions le débat sur cette motion et que nous passions à la discussion avec les témoins qui comparaissent devant nous. Sauf erreur, une motion d'ajournement ne peut pas faire l'objet d'un débat. Le sénateur Tkachuk: En proposez-vous une? Le sénateur Wiebe: Sauf erreur, une motion d'ajournement doit être mise aux voix. Je me rends compte que si je propose cette motion maintenant, les résultats du vote seront probablement les mêmes que sur la motion elle-même. Je sais que d'autres sénateurs voudront certainement faire des observations sur la motion et je vais leur en donner la possibilité, monsieur le président. Le sénateur Tkachuk: Le vote. Le président: Très bien. Auriez-vous l'obligeance de répéter la motion? Le sénateur Tkachuk: Je propose: Que le comité informe l'honorable Paul Martin, ministre des Finances, que sa présence devant le comité est de la plus haute importance et que nous lui demandons instamment de comparaître devant le comité le 30 mai pour discuter du projet de loi C-8. Le président: Sauf erreur, c'est moi qui vote en premier. Je vote contre. Que tous ceux qui sont en faveur lèvent la main. Ceux qui sont contre? Il y a égalité des voix et la motion est donc rejetée. Le sénateur Meighen: Monsieur Robertson, merci de votre patience. Je voudrais savoir comment fonctionne votre processus d'évaluation du risque. Certains très petits intervenants de notre secteur des services financiers, comme ING Direct et la President's Choice Financial, d'après mes renseignements, paieront des primes beaucoup plus élevées que les grandes banques. Je suppose que c'est fondé sur l'évaluation du risque. Dans quelle mesure tenez-vous compte du profil de risque des sociétés mères? M. Robertson: Je vais demander à M. Saint-Pierre de vous expliquer comment cela fonctionne. Il ne faut pas croire qu'une institution de grande taille fait nécessairement partie de notre première catégorie et qu'une petite institution n'en fait pas partie. Je ne veux pas entrer dans les détails. Je ne crois pas que ce soit indiqué, mais il y a de petites institutions qui font aussi partie de la première catégorie. En fait, certaines petites institutions sont très bien placées dans cette première catégorie. Ce n'est pas automatique, comme je l'ai dit; la taille, grande ou petite, n'entraîne pas automatiquement le classement dans la première catégorie ou dans une catégorie inférieure. Cela dit, peut-être que M. Saint-Pierre peut vous expliquer comment cela fonctionne et qu'il pourra répondre à votre question. M. Guy Saint-Pierre, vice-président principal, Assurance et évaluation du risque, Société d'assurance-dépôts du Canada: Notre système de primes différentielles est fondé sur quatre catégories et sur une note sur 100 points: 60 points pour le ratio financier de l'institution membre et une autre tranche de 25 points attribuée selon la cote reçue de l'organe de surveillance. Dans le cas de cette banque, ce serait le BSIF. Une autre tranche de 10 points est attribuée pour le respect de certaines normes de la SADC et une note sur cinq points pour d'autres questions relatives à l'institution membre. Comme je l'ai dit, la première tranche de 60 points est fondée sur le ratio financier. Nous n'avons pas beaucoup de latitude à cet égard. C'est fondé sur les résultats des membres. Ces ratios sont calculés d'après le montant du capital, la rentabilité, la concentration de l'actif, les éléments d'actifs productifs et l'efficience. Ce sont des ratios tout à fait universels et c'est évidemment à l'institution financière qu'il incombe d'être performante et d'obtenir le plus de points possibles dans ce domaine. Le code du BSIF est le code de cotation Campbell, qui est bien connu dans le domaine de la supervision financière, dans un ratio d'un à cinq. Nous respectons certainement la cote attribuée par le BSIF, le surintendant, et la SADC n'a pas son mot à dire à ce sujet. L'autre note sur 10 points porte sur le respect des normes. Si l'institution ne respecte pas intégralement les normes dans certains domaines, elle ne reçoit pas une note parfaite. Nous donnons un délai pour prendre des mesures correctrices si les normes ne sont pas respectées. Enfin, la dernière note, qui est seulement sur cinq points, porte sur d'autres questions pouvant influer sur les membres. Le sénateur Meighen: Vous avez peut-être bien répondu à ma question. M. Jean Pierre Sabourin, président et chef de la direction, Société d'assurance-dépôts du Canada: Je voudrais ajouter deux observations. En application du barème de primes différentielles, nous permettons aux nouveaux arrivants de faire partie de la catégorie un pendant près de deux ans pour leur donner la possibilité de s'établir. À cet égard, les nouvelles institutions ne sont pas cotées ou évaluées en application d'un système de prime différentielle pendant plus de deux ans. L'autre observation que mes collègues ont oublié de mentionner est que, comme notre président l'a expliqué, si les primes ont été élevées dans le passé, c'est parce que nous avions un déficit important. Nous avons maintenant accumulé un surplus. Les primes ont été réduites de 75 p. 100 l'année dernière et elles sont donc beaucoup plus basses. Elles sont révisées annuellement par un conseil en fonction des circonstances et de l'environnement. Le sénateur Meighen: Je n'ai pas compris votre premier point. Les nouvelles institutions sont automatiquement rangées dans la première catégorie? M. Robertson: Pendant les deux premières années, oui. Le sénateur Meighen: Quelle que soit leur situation? M. Sabourin: Oui. Le sénateur Meighen: Quelle que soit leur situation financière? M. Sabourin: Nous sommes d'avis qu'un certain nombre des ratios ne s'appliquent pas parce que les institutions viennent de lancer leurs activités. Ce serait injuste de leur appliquer ces ratios. Au cours des deux premières années, elles prennent les premiers risques en vue de s'établir. Bien sûr, nous examinons toujours la façon dont elles gèrent les risques et la solidité de leurs plans d'affaires et la mise en oeuvre des plans d'affaires qu'elles nous ont remis au tout début. Le sénateur Meighen: Vous êtes de bons gars. Vous êtes certainement très généreux pendant les deux premières années. Peut-être avez-vous répondu à cette question; cela m'a peut-être échappé. Quel poids, le cas échéant, accordez-vous à la situation financière d'une société mère? M. Robertson: Sauf erreur, je crois que cette considération n'entre pas en ligne de compte dans le calcul. Si l'on essayait de le faire, cela soulèverait toutes sortes de complications parce que nous ne donnons pas de cote à la société mère, pas plus que le BSIF, bien sûr. Si nous tentions de déterminer la valeur ou la solidité du soutien apporté par une société mère, nous éprouverions peut-être bien des difficultés. L'essentiel, de notre point de vue, c'est de tenter d'avoir des institutions de dépôt canadiennes qui soient sûres, solides, efficaces et efficientes. Je pense que j'ai raison, monsieur Saint-Pierre, quand je dis que la société mère n'est pas prise en compte pour l'application du barème de primes différentielles, lequel est établi, entre autres choses, en fonction du profil de risque de l'entreprise locale. Le sénateur Meighen: Merci, votre réponse est très utile. Je n'étais pas là hier quand la Banque ING a comparu. Peut-être que l'un de mes collègues pourra me renseigner, mais j'ai cru comprendre que, pour des raisons évidentes, ces banquiers aimeraient beaucoup que l'on tienne compte de la situation financière de leur société mère. Je suppose que la seule manière dont vous pourriez le faire serait de vous fier aux autorités réglementaires du pays d'origine. M. Robertson: Cela nous entraînerait dans un certain nombre de situations différentes et qui pourraient nous causer des ennuis, si nous tentions de dire que telle institution de tel pays, relevant de telle ou telle autorité réglementaire, est excellente. Nous n'avons pas une très bonne opinion du régime réglementaire de tel autre pays et il nous importe donc peu de savoir quelle cote a reçu telle banque. C'est un terrain sur lequel nous préférons ne pas nous aventurer. Le sénateur Meighen: Je pense que nous nous aventurons en effet dans d'autres sphères, mais je comprends votre répugnance. M. Sabourin: L'aspect important est que nous appliquons un barème de primes différentielles et que nous tenons compte de l'institution elle-même. Il est évident que les filiales sont des entités distinctes sur le plan de leur performance, du niveau de leur capitalisation, et cetera. Nous examinons comment elles fonctionnent et mènent leurs affaires au Canada. Le sénateur Meighen: Si la société mère était une institution canadienne, cela changerait-il quoi que ce soit à votre réponse? M. Saint-Pierre: Si la société mère était une banque, nous attribuons à tous les membres du groupe qui sont membres de la SADC les catégories de la société mère. Si nous avons un membre qui est, disons, la Banque Toronto-Dominion, et si nous avons aussi des membres qui sont la Société d'hypothèques TD, et cetera, alors la Société d'hypothèques TD se verra attribuer la même catégorie que la société mère. Le sénateur Meighen: Et si la société mère n'est pas membre? M. Saint-Pierre: Si la société mère n'est pas membre, nous n'en tenons pas compte. Le sénateur Poulin: Je représente le nord de l'Ontario et l'une de nos préoccupations a toujours été - je parle ici au nom des gens qui m'ont parlé du projet de loi C-8 alors qu'il était à l'étude dans sa version antérieure, à la législature précédente - que les chefs de petite entreprise qui sont dans le secteur de l'assurance et du crédit-bail automobile seraient perdants dans la nouvelle restructuration du système financier au Canada. Estimez-vous que les exploitants de petites entreprises dans le Nord ont toujours lieu d'être inquiets après avoir lu le projet de loi C-8? M. Robertson: Je vous avoue que votre question me prend quelque peu au dépourvu. Nous avons examiné cet aspect, naturellement, du point de vue d'un assureur de dépôts qui s'intéresse à la sécurité et à la solidité. Cette question ne relève pas vraiment de nous. Peut-être que mes collègues pourront vous être utiles. Je voudrais être utile, mais je ne suis pas du tout sûr de pouvoir l'être. Le sénateur Poulin: Je me demandais si vous pouviez nous donner un point de vue objectif sur une question qui a été soulevée et posée à d'autres témoins, mais si vous ne voulez pas vous écarter de ce que j'appelle «l'axe du coup de départ», très bien. M. Robertson: Je n'ai pas peur de m'écarter de l'axe du coup de départ; je suis un mauvais golfeur. Je vous le dis carrément, je n'ai pas assez réfléchi à cette question pour vous donner une réponse utile. Le sénateur Angus: Nous avons beaucoup discuté de la SADC, de sa constitution et des questions de coassurance et d'une foule d'autres domaines, depuis dix ans. Nous sommes heureux de bénéficier de cette intervention réfléchie de votre part et de la part de vos collaborateurs. Monsieur Robertson, vous avez évoqué dans votre déclaration d'ouverture la régie d'entreprise. Hier soir, je jetais un coup d'oeil à certains documents qui ont été livrés à nos bureaux plus tôt dans la journée au sujet de la SADC. Je savais qu'il y avait eu des changements. J'étais curieux de savoir qui faisait maintenant partie du conseil d'administration. Je ne trouve pas la liste dans les documents. Peut-être que cela m'a échappé, ou peut-être que ça ne s'y trouve pas. M. Robertson: Je serai heureux de vous les énumérer, si vous le voulez. Le conseil d'administration comprend quatre membres d'office: le sous-ministre des Finances ou son représentant; le gouverneur de la Banque du Canada ou son représentant; le surintendant des institutions financières ou son représentant; et, aux termes du projet de loi C-8, un autre cadre supérieur du bureau du BSIF. Ce sont les quatre administrateurs qui sont membres d'office. Les quatre membres du secteur privé sont, actuellement, Colin P. MacDonald, de Calgary; Tracey Bakkeli, de Regina; Garfield Emerson, de Toronto, et Viateur Bergeron, de Hull; et je suis le président du conseil. Le sénateur Angus: Il y aura à l'avenir cinq représentants du secteur privé, n'est-ce pas? M. Robertson: Aux termes de ce projet de loi, il y aura le commissaire et un autre administrateur du secteur privé. Le sénateur Angus: Votre conseil se réunit-il chaque mois? M. Robertson: Non, nous n'avons pas besoin de nous réunir chaque mois, heureusement. Nous nous réunissons six ou sept fois par année et nous ajoutons des réunions, au besoin. Le sénateur Angus: Un autre point que j'ai trouvé intéressant dans votre déclaration d'ouverture, c'est quand vous avez parlé des sociétés de portefeuille qui sont envisagées dans le projet de loi C-8. Cela évitera-t-il la contagion qui était inhérente dans l'ancien système? Vous exprimez toutefois un bémol quand vous dites que s'il y a une faiblesse parmi certaines entités non réglementées du groupe, cela pourrait se répandre. Je voudrais avoir un exemple plus explicite de ce qui pourrait arriver et de ce que vous appelez la contagion. Je pense comprendre ce que vous voulez dire, mais je voudrais que vous nous l'expliquez davantage, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. M. Robertson: Peut-être que l'exemple le plus simple est celui de certaines compagnies dans le passé. Nous avons tiré les leçons des erreurs et de l'expérience du passé. Un simple exemple serait celui d'une société de fiducie qui accorde des prêts immobiliers, jusqu'au pourcentage autorisé, tandis qu'ailleurs dans la société de portefeuille qui chapeaute la société de fiducie, quelqu'un prête de l'argent au-delà du seuil de, disons, 75 p. 100, jusqu'à 100 p. 100. Ce quelqu'un est financé par d'autres institutions qui lui fournissent l'argent. C'est là que des problèmes surgissent. Les problèmes deviennent souvent plus difficiles à l'institution qui finance la tranche de 25 p. 100, qui est la partie la plus risquée du portefeuille de prêts. Cette institution commence à éprouver des difficultés. Elle commence à chercher des moyens de peut-être obtenir davantage de l'institution réglementée. Nous voyons cela d'un oeil très défavorable; l'institution réglementée ne devrait pas se faire exploiter davantage. La contagion se répand depuis la personne qui a assumé la partie la plus risquée du portefeuille de prêts jusqu'à l'entité dont nous nous occupons directement. Le sénateur Angus: On nous a donné l'exemple de la situation au Trust Royal. Est-ce analogue à l'exemple que vous nous donnez? C'était à la société de portefeuille Brass Can et c'était une entité réglementée. M. Robertson: Il serait prudent de ma part de ne pas commenter de cas précis comme celui du Trust Royal. Le sénateur Angus: Y a-t-il des cas précis que vous pourriez mentionner? M. Robertson: M. Sabourin a livré ces batailles. Je suis devenu président du conseil en 1998. J'ai certainement acquis de l'expérience à la SADC. J'en étais le président du conseil pendant une partie de ce que l'on pourrait appeler une mauvaise période. M. Sabourin peut aussi vous en donner des exemples. M. Sabourin: Nous avons un certain nombre d'exemples: Standard Trust, Standard Trust Co., Central Guarantee, Central Guarantee Trust Co. sont des exemples où le principal problème résidait non pas dans l'entité réglementée, mais dans la société mère. Celle-ci s'est mise dans le pétrin et avait besoin de mettre la main sur des dividendes importants, de l'interfinancement, des frais d'administration, et cetera. Cela a touché l'entité réglementée. Le principal problème qui s'est posé à ce moment-là était que les superviseurs ne supervisaient pas les sociétés de portefeuille. Il était impossible de savoir ce qui s'y passait. Le sénateur Angus: Prenons l'exemple de Central; en quoi cela n'aurait-il pas pu se produire sous l'égide du projet de loi C-8? M. Sabourin: Les superviseurs examineront dorénavant ces institutions pour vérifier le risque. Comme on l'a expliqué, on a changé le processus d'évaluation pour adopter une approche fondée sur le risque. On examine les institutions et leurs filiales et les conglomérats et l'on évalue le risque. Les spécialistes vont passer cela au crible. Le projet de loi C-8 établit un processus différent, un examen différent. Ces changements s'inspirent des leçons que nous avons apprises. Le sénateur Angus: Ma dernière question porte sur le témoignage que nous avons entendu hier de la part des représentants d'ING. Je ne sais pas si vous étiez présent ce matin. J'ai interrogé nos témoins sur les quatre ou cinq obstacles qu'un investisseur doit surmonter pour se lancer dans le secteur financier au Canada, en donnant l'exemple des petites banques étrangères. Le type de la Banque ING du Canada a dénoncé l'environnement réglementaire excessif ici et a donné des exemples précis. Il a parlé notamment de l'impôt sur le capital et d'autres problèmes de fiscalité. Il a parlé ensuite des primes d'assurance-dépôts de la SADC. Le sénateur Meighen y a fait allusion dans ses questions, et le témoin a dit que certains avantages n'avaient pas été résolus avec ce projet de loi. Autrement dit, il y a ici, au Canada, certains avantages qui ont été conçus délibérément par le gouvernement en vue d'attirer des investisseurs pour renforcer la concurrence; c'est une décision délibérée du gouvernement, fondée sur sa philosophie. On nous a dit, toutefois, que ces avantages ne découleront pas nécessairement du projet de loi C-8 parce que, dans le cas des primes d'assurance-dépôts de la SADC, l'avantage sera accordé aux principaux concurrents de la Banque ING, mais pas à cette dernière, parce qu'elle est au Canada depuis trop peu de temps. Cela veut dire qu'elle ne peut pas respecter certains critères précis, ce qui n'a aucun rapport avec sa capacité de payer. On nous a dit que les primes payées par les banques sont calculées en fonction d'une formule comportant de nombreuses variables et que beaucoup de ces variables sont difficiles sinon impossibles à réaliser pour la Banque ING, et l'on nous a donné l'exemple du profit moyen sur cinq ans. Autrement dit, ils en sont à leur premier mois. Aux termes de la règle actuelle, ils doivent attendre cinq ans avant de dégager des profits. M. Robertson: Non, sauf votre respect, c'est inexact. M. Sabourin: Aux termes du projet de loi, nous avons des dispositions sur la confidentialité des renseignements concernant des institutions précises. Je vais donc généraliser, au lieu de répondre en traitant de l'institution dont vous parlez. La prime différentielle est fondée sur une note de 100 p. 100. Pour être rangé dans la première catégorie, il faut obtenir 80 points. Cela laisse 20 points de côté. Les 80 points peuvent être obtenus dans différents domaines. La rentabilité en est un. Le sénateur Oliver: Mais quelle est la pondération? M. Sabourin: C'est cinq points sur 100. Il y a beaucoup de critères différents. Pour ce qui est du coût de l'assurance-dépôts, nous vous faisons remarquer que bien qu'il en coûte quelque chose d'assurer les dépôts, il y a aussi un avantage pour les institutions d'être assurées à la SADC. C'est important pour les nouvelles institutions parce que, évidemment, le fait d'avoir de l'assurance-dépôts garantit que les clients n'auront aucune difficulté à obtenir leur argent. En conséquence, les institutions nouvellement créées qui ont de l'assurance-dépôts vont attirer des déposants parce que les gens ne seront pas inquiets quant à l'assurabilité de leur dépôt. C'est un avantage. Je signale aussi que nous avons mis en place le barème de primes différentielles au Canada il y a environ deux ans. Nous avons établi ce système assorti d'une période de transition de deux ans. Nous avons rajusté les scores obtenus pour donner aux institutions le temps de s'adapter au nouveau système. Nous sommes convaincus que le système fonctionne très bien. En fait, la grande société d'assurance-dépôts des États-Unis, la FDIC, est en train de remanier en profondeur son approche fondée sur le risque et elle va s'inspirer en grande partie de notre système. D'autres imitent aussi ce que nous avons fait au Canada. Je répète que le coût de l'assurance-dépôts est assumé par les institutions membres et leurs clients, pas par les contribuables. Le sénateur Angus: Je pense que votre système est bon et je ne voulais nullement laisser entendre qu'il ne l'est pas. L'un des principes fondamentaux du projet de loi a pour objet de simplifier le processus et d'introduire de nouveaux intervenants au Canada. M. Robertson: Pour un nouvel intervenant et en particulier une institution de petite taille, l'assurance-dépôts est d'une importance critique quant à leur acceptation par le public à titre d'institution sûre et solide. Même si une certaine organisation peut avoir beaucoup de succès dans un autre pays, les déposants ne le savent pas nécessairement. Ils savent cependant que la SADC est un organisme du gouvernement du Canada et que leurs dépôts sont donc en sécurité. Le sénateur Angus: Je pense que vous dites que même si cela peut causer un certain ralentissement au début, c'est quand même une bonne chose; c'est conforme aux règles de prudence. M. Robertson: Exactement. M. Sabourin: De plus, comme nous l'avons signalé, nous donnons deux ans aux nouvelles institutions. En outre, c'est bien beau de dire que les institutions peuvent perdre de l'argent, mais elles ne peuvent pas perdre de l'argent indéfiniment. À un moment donné, elles doivent prendre une décision, si elles sont confrontées à un puits sans fonds. Le sénateur Angus: Elles font venir le syndic. La séance est levée.