Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Défense et de la sécurité

Fascicule 2 - Témoignages pour la séance du matin


OTTAWA, le jeudi 19 juillet 2001

Le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité se réunit ce jour à 8 h 45 dans le cadre de son étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe la fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Que vous soyez ici en personne ou que vous soyez en train de nous suivre à la télévision, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité.

Notre comité est le premier comité sénatorial permanent chargé d'examiner des questions de défense et de sécurité. Nous poursuivons notre étude préliminaire des dossiers qui relèvent de notre mandat.

Aujourd'hui, notre premier témoin est M. Michel D'Avignon, qui est à l'emploi de la fonction publique fédérale depuis 29 ans. Il a successivement occupé des postes supérieurs au sein d'un certain nombre de ministères et d'organismes, notamment la Commission de la fonction publique, le Bureau du Conseil privé, Affaires indiennes et du Nord, et le Service canadien du renseignement de sécurité. M. D'Avignon est actuellement directeur général, Direction générale de la sécurité nationale, ministère du Solliciteur général.

M. D'Avignon nous fera un survol des responsabilités du gouvernement fédéral en matière de sécurité nationale. Il est accompagné de deux fonctionnaires du ministère du Solliciteur général, Mme Annie Leblanc, directrice intérimaire, Division de la technologie et de l'accès légal, et M. Mike Theilman, directeur intérimaire, Division de la lutte contre le terrorisme.

Bienvenue devant le comité sénatorial. Vous avez la parole, M. D'Avignon.

[Français]

M. Michel D'Avignon, directeur général, Sécurité nationale, Secteur de la police et de la sécurité: Il me fait plaisir d'être des vôtres aujourd'hui afin de vous présenter un survol du portfolio du solliciteur général, en portant une attention particulière sur le ministère du solliciteur général, son rôle et ses responsabilités en matière de sécurité nationale, ainsi que la façon dont celle-ci s'inscrit dans le cadre général du gouvernement.

[Traduction]

Je vais également vous faire une brève description de la façon dont nous travaillons avec les États-Unis et d'autres alliés en vue et de renforcer la sécurité nationale à l'intérieur du pays et d'augmenter les efforts internationaux visant à combattre les menaces à la sécurité internationale, comme par exemple le terrorisme.

Je traiterai ensuite du travail qu'entreprend présentement le ministère du Solliciteur général dans le but d'améliorer la sécurité nationale.

[Français]

Enfin, je vous dirai quelques mots sur ce que nous percevons être les défis immédiats auxquels nous devons faire face selon la perspective de la sécurité nationale.

J'aimerais souligner que l'appareil gouvernemental en matière de sécurité nationale dépasse largement le portfolio du solliciteur général, nonobstant le rôle central que joue le portfolio.

[Traduction]

Les ministères de la Défense nationale, des Affaires étrangères et du Commerce international, de la Justice, l'Agence des douanes et du revenu du Canada, Citoyenneté et Immigration, Santé Canada et Transports Canada ont tous une part de responsabilité dans le portefeuille en vue de la protection de la sécurité nationale du Canada.

Il convient de souligner également que le Bureau du Conseil privé, par le biais du coordonnateur de la sécurité et du renseignement, conseille le premier ministre et le Cabinet relativement à toutes les questions de sécurité nationale. En bref, la communauté de la sécurité nationale du Canada est véritablement une chose qui est plus grande que l'ensemble des éléments qui la composent.

Le solliciteur général du Canada est le principal ministre responsable de la sécurité publique au Canada et il a pour mandat de veiller à la sécurité nationale, à la police et à l'application de la loi, dont la police des Autochtones, et au système correctionnel et à la mise en liberté sous condition.

Le solliciteur général est, dans le cadre de l'exécution de ses responsabilités, appuyé par un portefeuille composé du ministère lui-même, de quatre agences - le Service correctionnel du Canada, la Commission nationale des libérations conditionnelles, le Service canadien du renseignement de sécurité et la Gendarmerie royale du Canada - et trois organes de surveillance, la Commission des plaintes du public contre la GRC, le Comité externe d'examen de la GRC et le Bureau de l'enquêteur correctionnel.

Le rôle central du solliciteur général en matière de sécurité nationale découle de sa responsabilité de coordonner la réaction du Canada aux incidents terroristes et de veiller à ce que nos mesures nationales d'intervention soient efficaces.

Lors d'une menace ou d'un incident terroriste, le solliciteur général est par ailleurs le principal porte-parole public du gouvernement et le ministre responsable de donner des conseils au premier ministre et au Cabinet. Le solliciteur général, conjointement avec le ministre de la Défense nationale, joue également un rôle clé pour autoriser, au besoin, un soutien militaire à l'appui des services de police face à un incident terroriste. Le rôle de premier plan qui revient au solliciteur général en matière de sécurité nationale reflète par ailleurs le fait qu'il soit responsable et de la GRC et du SCRS, deux organismes qui ont des mandats et des responsabilités stratégiques en matière de sécurité nationale. Étant donné que des représentants de ces deux organismes vont vous entretenir plus tard aujourd'hui, je n'entrerai pas davantage dans le détail quant à leurs rôles et responsabilités.

[Français]

Le ministère appuie le ministre dans l'exercice de ses fonctions en lui prodigant des conseils sur des questions de politique et de sécurité nationale. Le ministère joue un rôle de première importance dans la planification, la coordination et la mise en place de politiques gouvernementales sur des questions de sécurité nationale. La majeure partie de ce travail revient à la direction générale de la Sécurité nationale, dont je suis responsa ble.

[Traduction]

Souvent, notre travail est de jouer le rôle de catalyseur, pour rassembler ou le portefeuille ou la communauté fédérale plus large afin de réagir à des questions de sécurité nationale qui exigent une approche horizontale. Par exemple, nous nous occupons de réorganiser le portefeuille dans le but d'oeuvrer aux côtés du nouveau Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile à la détermination de domaines dans lesquels nous pourrons collaborer et forger des partenariats.

La Direction générale de la sécurité nationale réunit trois divisions. La Division de la politique en matière de sécurité est chargée de fournir au ministre conseils et soutien indépendants pour l'ensemble des questions de sécurité nationale et de l'appuyer dans son travail de direction, de contrôle et de reddition de comptes à l'égard du SCRS. Une autre division est celle de la lutte contre le terrorisme. Celle-ci appuie le ministre relativement au programme canadien de lutte contre le terrorisme. Relève de lui le maintien du Plan national de lutte contre le terrorisme, et du programme de préparation opérationnelle complémentaire. La troisième division est celle de l'accès légal. Comme son nom l'indique, celle-ci a pour rôle de conseiller le ministre relativement aux questions touchant l'interception légale de communications et les fouilles et saisies menées par les forces policières et de sécurité.

J'aimerais maintenant prendre quelques instants pour vous faire une description plus détaillée du rôle et des responsabilités de ces trois divisions.

La Division de la politique en matière de sécurité défend souvent les intérêts du ministère ou du portefeuille dans le cadre de questions de sécurité nationale générale. Par exemple, la division représente les intérêts du portefeuille dans le contexte de l'examen en cours portant sur la politique du gouvernement en matière de sécurité. L'autre principale responsabilité de la division est d'appuyer le solliciteur général et le solliciteur général adjoint dans l'exécution des responsabilités statutaires qui leur reviennent en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et de la Loi sur les infractions en matière de sécurité.

La Division de la lutte contre le terrorisme est responsable du Plan national de lutte contre le terrorisme qui a été approuvé par le gouvernement en 1989. Ce plan est au coeur de nos mesures nationales antiterrorisme. L'objet d'ensemble du plan est de veiller à la coordination des rôles, responsabilités et ressources en matière d'antiterrorisme des ministères et organismes fédéraux ainsi que des autres paliers de gouvernement et des organismes de maintien de l'ordre du pays. Le plan est considéré comme étant un document vivant et fait en tant que tel l'objet de révisions périodiques destinées à refléter les leçons apprises pendant les exercices menés, l'évolution des rôles et responsabilités et, ce qui est peut-être le plus important, les nouvelles tendances du terrorisme.

Un examen plus vaste et plus approfondi du plan, échelonné sur deux ans, a été terminé en mai 2000. Cet examen a comporté des consultations avec des partenaires fédéraux, les provinces et les territoires, toutes les divisions de la GRC et les principales forces de police municipales. Le résultat est un plan beaucoup plus convivial qui, entre autres choses, tient compte de la menace de terrorisme chimique, biologique, radiologique et nucléaire.

Lors de l'approbation du plan en 1989, le ministère du Solliciteur général s'était également vu chargé d'évaluer, de modifier et d'appliquer le plan de façon permanente. C'est ainsi que le ministère a élaboré son programme de préparation opérationnelle comportant exercices, conférences et ateliers et autres véhicules d'apprentissage et de formation.

[Français]

Le programme comporte plusieurs objectifs. Premièrement, offrir une plus grande connaissance des accords et des ressources antiterroristes en place, plus particulièrement auprès des premiers répondants et ensuite aux autres paliers de gouvernement. Deuxièmement, créer des occasions favorables de formation qui faciliteraient l'intégration de la politique et la riposte de force de la sécurité à la suite d'un incident terroriste. Troisièmement, promouvoir de meilleures pratiques dans la gestion d'un incident terroriste. Finalement, apporter des améliorations où il y a lieu afin de répondre efficacement aux menaces contre la sécurité.

[Traduction]

Le plan national de lutte contre le terrorisme et le programme de préparation opérationnelle se renforcent l'un l'autre. Le résultat d'ensemble est un cycle en évolution constante qui fait la promotion de l'amélioration et met au point nos mécanismes antiterrorisme.

L'accès légal recouvre les fouilles et les saisies d'information autorisées par un tribunal et l'interception légale de communications. Pour les organismes de maintien de l'ordre fédéraux et non fédéraux, l'accès légal est un outil utile, dans le cadre surtout des enquêtes et de la prévention de la criminalité organisée et du terrorisme.

Les capacités d'enquête de ces organismes sont cependant sans cesse entamées par l'utilisation illicite de nouvelles technologies. Des technologies complexes, comme celles mises au point en vue de maximiser la vitesse, la volume et la sécurité des communications, posent à l'égard des méthodes conventionnelles d'accès licite des défis de plus en plus importants.

Avec la mondialisation, les réseaux sont aujourd'hui raccordés les uns les autres à l'échelle planétaire, ce qui présente des défis techniques et juridiques complexes. Dans ce contexte, le Canada doit travailler aux côtés de ses alliés pour combattre la criminalité technologique transfrontalière. La déréglementation a débouché sur une augmentation rapide du nombre de fabricants de matériel et de fournisseurs de services. Afin de maintenir un accès légal aux communications, les forces de police doivent aujourd'hui traiter avec une vaste gamme d'entreprises et, partant, avec un ensemble d'infrastructures de réseaux plus diversifiées. Les autorités doivent maintenir leurs capacités d'accéder légalement aux données et aux communications dont elles ont besoin pour s'acquitter du mandat confié à elles par le Parlement.

Le ministère continue de travailler ou directement ou à l'appui des Affaires étrangères en vue de renforcer la collaboration et la coordination en matière de sécurité avec les États-Unis. L'enquête et le procès mettant en cause Ahmed Ressam ont montré que nous entretenons de très solides relations de travail effectives tant au niveau gouvernement à gouvernement qu'au niveau opérationnel. Ce même niveau de collaboration a été manifeste dans le procès de Mokhtar Haouari, procès qui a pris fin à New York la semaine dernière.

Le ministère est un membre clé du groupe bilatéral consultatif canado-américain sur l'antiterrorisme. Il s'agit là du principal forum canado-américain de discussion de questions portant sur l'antiterrorisme. Il réunit des ministères et des organismes des deux gouvernements, ce dans le but de favoriser la collaboration, la coopération et le partage d'information en matière de lutte contre le terrorisme.

Le ministère du Solliciteur général et le U.S. Department of Defense administrent conjointement l'entente bilatérale entre le Canada et les États-Unis sur la recherche et le développement en matière de lutte contre le terrorisme. Leur objet commun est d'élaborer de nouvelles technologies de lutte contre les menaces terroristes ou d'en adapter d'anciennes. Le ministère joue un rôle de premier plan dans l'organisation de simulations canado- américaines d'exercices antiterrorisme sur maquette.

Le denier exercice du genre a été mené en février 2000 et a fait l'objet d'un breffage devant et le solliciteur général et l'Attorney General américain d'alors, Janet Reno. Un autre exercice du genre est prévu pour février 2002.

Le ministère du Solliciteur général et le Justice Department américain coprésident le Forum canado-américain sur la criminalité transfrontalière. Bien que ce forum porte principalement sur le crime transnational, il aborde également les problèmes émergents en matière de sécurité transfrontalière. A assisté à la récente réunion du forum sur la criminalité, tenue en juin, John Ashcroft, le nouvel Attorney General américain, qui a déclaré à l'époque que la relation canado-américaine était un modèle de coopération.

L'un des principes fondamentaux de la politique nationale du Canada en matière de sécurité est que la sécurité nationale et la sécurité mondiale sont interdépendantes. Dans ce contexte, le ministère du Solliciteur général est actif dans une vaste gamme de tribunes internationales, en règle générale à l'appui du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, en vue de l'élaboration d'interventions mondiales globales face aux problèmes de sécurité comme le terrorisme. Je citerai à titre d'exemple le G8, les Nations Unies et l'Organisation des États américains. Dans le cas des Nations Unies, le Canada est signataire des 12 conventions des Nations Unies sur le terrorisme et il en ratifié dix. Les conventions et autres ententes dont le Canada est signataire fixent les normes en vue de la prévention d'activités terroristes ou de la lutte contre celles-ci.

Le ministère désigne également un président canadien pour le Groupe trilatéral Canada-États-Unis-Royaume-Uni sur le terrorisme chimique et biologique. Le principal objet de ce groupe est de coordonner des efforts et d'échanger des renseignements en vue de contrer le terrorisme chimique et biologique. Toujours à l'appui des Affaires étrangères, nous avons également participé à des discussions bilatérales portant sur des questions de sécurité.

En réponse au rapport de janvier 1999 du Comité sénatorial spécial sur la sécurité et les services de renseignement, le gouvernement s'est engagé à élaborer des options en vue d'une stratégie destinée à renforcer la capacité d'intervention nationale face au terrorisme, et tout particulièrement au terrorisme chimique, biologique, radiologique et nucléaire. Il s'agit là d'un domaine particulièrement complexe et exigeant car un incident terroriste chimique ou biologique exigerait une action multijuridictionnelle et multiorganismes.

Les provinces sont des partenaires clés dans cette initiative, étant donné leur responsabilité de premiers agents d'intervention et de gestion des conséquences. Afin de veiller à ce que leurs opinions soient représentées dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie nationale, nous allons mener des consultations auprès d'elles cet automne.

Le projet de loi C-16 portant sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance, les renseignements de sécurité et la Loi de l'impôt sur le revenu est un outil important dans la lutte menée contre le terrorisme par le Canada. Il a pour objet d'empêcher les organismes de façade qui ont obtenu le statut d'organisme de bienfaisance au Canada de fournir des reçus d'impôt pour des fonds dont le donateur pensait qu'ils allaient servir une cause charitable mais qui viendront en définitive appuyer des activités terroristes. Le projet de loi maintiendra l'intégrité du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance ainsi que l'engagement international du Canada à stopper les flux d'argent à l'appui d'activités terroristes. Le Comité des finances de la Chambre des communes est en train d'examiner le projet de loi.

La poussée vers des économies mondiales fondées sur le savoir a accéléré l'émergence de technologies sophistiquées d'information et de communications. La technologie est un outil pour ceux qui appliquent la loi mais elle est également une arme pour ceux désireux de miner notre sécurité. Face à la multiplication des obstacles à l'accès légal, il nous faut travailler encore plus fort pour suivre le rythme de l'émergence de nouvelles technologies. La Division de l'accès légal coordonne le travail du portefeuille dans ce domaine et le SCRS et la GRC ont tous deux des ressources réservées à la mise au point de solutions techniques. Ces solutions seront partagées avec les services de police.

Il importe par ailleurs d'avoir en place un solide cadre juridique. Le gouvernement doit par conséquent réexaminer les lois en vigueur pour veiller à ce qu'elles englobent les nouvelles technologies.

Quant à l'avenir immédiat, la relation de sécurité canado- américaine et le travail effectué par le Canada dans le cadre de tribunes internationales continueront d'être et un défi et une priorité pour le gouvernement et pour le ministère du Solliciteur général. Dans le cas du partenariat de sécurité canado-américain, nous avons déjà en place des arrangements exhaustifs tant au niveau gouvernement à gouvernement qu'au niveau opérationnel. Nous continuerons cependant d'oeuvrer de façon prioritaire avec nos homologues américains en vue d'améliorer la sécurité nationale des deux côtés de la frontière.

Comme je l'ai mentionné plus tôt dans mes remarques, la sécurité nationale et la sécurité mondiale sont interdépendantes. Cela étant, le ministère devra continuer, dans le cadre de tribunes bilatérales et multilatérales, d'oeuvrer à l'élaboration d'une approche concertée face au terrorisme et aux autres menaces à la sécurité nationale. Cela aussi devra demeurer une priorité.

Voilà qui met fin à mes remarques liminaires. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que voudront me poser les membres du comité.

Le sénateur Forrestall: Vous comprendrez que nous avons quelques hésitations du fait de nos antécédents de profanes et de l'écart qu'il y a entre votre monde quotidien et le nôtre. Bien franchement, cela nous fait peur. Quoi qu'il en soit, nous vous sommes reconnaissants de votre présence ici et, plus encore, du rôle que vous jouez dans notre société. Il est rassurant de savoir qu'il y a des gens qui font des choses dont nous ne devons pas forcément absolument tout savoir.

Vous avez indiqué que nous n'avons ratifié que dix des 12 conventions des Nations Unies. Quelles sont ces deux conventions restantes? Pourriez-vous nous expliquer brièvement ces conventions, en vous attardant tout particulièrement sur les deux que nous n'avons pas signées, en précisant pourquoi c'est le cas?

M. D'Avignon: Les dix qui ont été signées traitent de toute une gamme de questions, dont les détournements d'avion. Vu que je n'ai pas la liste devant les yeux, je ne peux pas vous donner une explication exhaustive quant aux dix conventions qui ont été signées, mais les deux que nous n'avons pas ratifiées traitent des attentats à la bombe terroristes et de la suppression du financement du terrorisme. La convention sur la suppression du financement de terrorisme a été signée en février 2000, et celle portant sur les attentats à la bombe a été signée un peu avant. Voilà quelles sont les deux qui n'ont pas encore été ratifiées.

La convention visant la suppression du financement du terrorisme exigerait vraisemblablement des modifications législatives y compris, peut-être, au Code criminel. C'est le ministère de la Justice qui est le premier responsable de ce dossier.

Le sénateur Forrestall: Je présume que si nous ne les avons pas ratifiées c'est à cause du calendrier des travaux à la Chambre et de la priorité accordée à d'autres questions devant être réglées afin que le débat se poursuive selon la façon habituelle.

M. D'Avignon: Précisément, ainsi que de façon à être en mesure d'examiner dans le détail les ramifications et les exigences que cela supposerait.

Le sénateur Forrestall: Je n'étais pas au courant de cela. Je pensais que nous avions plus ou moins ratifié ces choses au fil des événements.

Pourriez-vous nous renseigner au sujet de la sécurité dans les airs. Les différents visages, formes et images du terrorisme sont intéressants. Quelle est selon vous la principale menace à laquelle nous sommes exposés en ce début du nouveau millénaire?

M. D'Avignon: Si vous envisagez la question dans un contexte mondial, la principale menace est la nature changeante du phénomène lui-même et la façon dont cette nature et la nouvelle technologie offrent aux terroristes des possibilités d'adaptation qui constituent un réel défi pour les forces de l'ordre. Cette réalité sans cesse changeante nous impose d'être en tout temps vigilants et prompts à réagir, et toujours au courant de l'évolution des menaces et des méthodes et de la façon dont les nouveaux développements, dans le domaine de la technologie, surtout, non seulement nous aident nous, mais aident également les terroristes à réaliser leurs fins.

Le sénateur Meighen: Comme l'a dit le sénateur Forrestall, il s'agit ici d'un domaine intimidant pour nous autres amateurs. Ce qui me préoccupe en tant que simple citoyen est la question de savoir si nous avons au Canada la cohésion organisationnelle requise pour repousser les menaces connues et si nous disposons des outils nécessaires pour faire le travail, sans, bien sûr, compromettre les droits de la personne.

Pour ce qui est de la cohésion organisationnelle, le travail d'analyse et d'enquête est partagé entre la GRC et le SCRS. Il y a également le BPIEPC, Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile qui, me dit-on, relève du ministère de la Défense nationale. Mon but n'est pas forcément d'être critique. Je me demande tout simplement si la main droite sait en tout temps ce que fait la main gauche, sans même parler des arrangements de collaboration et de coopération que vous avez établis avec les ministères provinciaux du Solliciteur général ou du Procureur général ou autre. Est-ce que chacun est en train de trébucher sur l'autre ou bien êtes-vous convaincu, M. D'Avignon, d'avoir une organisation sans coutures capable de réagir rapidement et de façon cohérente face à une menace terroriste n'importe où au pays?

M. D'Avignon: Je dirais que oui, j'en suis convaincu. Il y a en place plusieurs choses qui nous permettent d'être agiles et flexibles face à notre univers. Il existe des comités qui ont pour objet de réunir des gens de façon régulière dans le but d'échanger des renseignements et d'expliquer où l'on en est. Le plan national de lutte contre le terrorisme, que j'ai évoqué tout à l'heure dans mes remarques liminaires, est le document clé établissant la structure et le fonctionnement de la réaction du gouvernement en cas d'incident.

J'ai également mentionné tout à l'heure que nous sommes engagés dans des discussions avec le BPIEPC dans le but de bien comprendre les domaines dans lesquels nous pourrions être partenaires avec d'autres. Ce bureau est en train d'élaborer son mandat et de faire le tri de son nouvel univers. L'ancien univers fait partie de l'ensemble, car la Protection civile existe depuis longtemps. Nous entretenons des relations avec ce groupe depuis plusieurs années. Nous traitons aujourd'hui avec une nouvelle composante, celle de la protection des infrastructures essentielles. Nous oeuvrons aujourd'hui à ses côtés en vue de mieux cerner les situations et de veiller au maintien d'une bonne relation symbiotique.

Les provinces ont des responsabilités en tant que premiers intervenants quel que soit l'événement concerné, qu'il s'agisse d'un incident terroriste ou d'un incident mettant en cause des matières dangereuses. Elles peuvent alors enclencher la Planification d'urgence. Étant donné le rôle de premier plan des provinces, nous maintenons avec elles de bonnes relations. Nous sommes engagés dans un processus de consultations très exhaustif portant sur le plan de lutte contre le terrorisme, ce afin de veiller à ce que les provinces soient pleinement intégrées, si vous voulez. La Loi sur les infractions en matière de sécurité prévoit des arrangements de force policière à force policière entre la GRC et les services de police locaux. Toutes les provinces à l'exception du Québec ont de tels arrangements. Des discussions ont été entreprises avec l'Ontario et la Colombie-Britannique en vue de l'examen des arrangements intéressant ces deux provinces. Il importe de les revoir.

Toute une structure est en place. C'est un petit peu comme un iceberg, le gros de la structure étant sous l'eau, mais elle est là et elle fonctionne bien. Il y a une assez bonne compréhension des interactions entre les différents rôles. Nous lançons des exercices pour rassembler les joueurs. C'est là l'une des responsabilités qui nous reviennent en vertu du programme de préparation opérationnelle. Nous proposons un scénario puis nous passons en revue les décisions quant à la manière dont les différents ministères et organismes réagiraient face à l'incident et quant à la façon dont les renseignements et les conseils politiques seraient communiqués aux décisionnaires.

Le sénateur Meighen: Cela est très encourageant. Puis-je en conclure - et je ne dispose d'aucun renseignement indiquant le contraire - que les incidents récemment rapportés dans la presse et que vous avez évoqués dans votre exposé ne témoignent d'aucune rupture de communications d'importance entre les divers organismes responsables?

M. D'Avignon: Ce que vous dites est juste. La réaction n'a pas été parfaite. Cependant, dans ce domaine, bien que nous visions la perfection, je doute qu'on y parvienne jamais. Il y aura toujours quelque part une aspérité qui nous accrochera. Les choses se sont néanmoins plutôt bien terminées et les gens étaient dans l'ensemble satisfaits.

Conformément à la philosophie ou à l'approche habituellement suivie dans notre domaine, nous évaluons constamment les événements pour déterminer ce que nous avons bien fait et ce que nous avons moins bien fait. Un processus est en cours à l'heure actuelle en vue de décider quelles améliorations nous pourrions apporter suite à l'expérience vécue dans le cadre de l'affaire Ressam. Certains ministères ont déjà apporté des changements et plusieurs des erreurs les plus flagrantes qui méritaient qu'on s'y penche sont déjà en train d'être examinées. La nature même du travail nous oblige à fonctionner dans un mode d'amélioration continue. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas tirer des leçons de chaque incident auquel nous sommes exposés.

Le sénateur Meighen: Ceci n'est peut-être pas de votre ressort, mais cela m'intéresserait de savoir quelle liaison existe. Sans parler de cas précis de terroristes venant au Canada, il y a eu des accusations dans la presse, tant au Canada qu'ailleurs, selon lesquelles notre pays serait un refuge pour terroristes et une porte d'accès aux États-Unis. Pourriez-vous nous fournir quelque assurance ou commentaire en réaction à cette accusation? Est-ce une fausse accusation? Travaillez-vous étroitement avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration à cet égard? Je me demande s'il n'y aurait pas moyen de faire quelque chose, s'il y a lieu, pour resserrer la sécurité sur ce plan.

M. D'Avignon: Il y a plusieurs éléments qui interviennent ici. Oui, la première responsabilité revient au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Celui-ci a des programmes en place et travaille étroitement avec le Service canadien du renseignement de sécurité dans la surveillance des frontières et l'identification de personnes désireuses de venir au Canada ou présentes sur notre territoire et au sujet desquelles nous nous posons certaines questions. Citoyenneté et Immigration travaille par ailleurs étroitement avec la GRC sur les cas qui exigent une action plus directe, si vous voulez, qu'il s'agisse d'une arrestation aux fins d'expulsion ou autre. Encore une fois, je dirais que le système n'est pas parfait mais qu'il comporte une série d'éléments qui fonctionnent relativement bien mais que nous pourrions certainement améliorer. Il y a en fait un projet de loi dont est saisi la Chambre des communes, le projet de loi C-11, qui a, je pense, pour objet d'apporter davantage de rigueur au processus dont est responsable Citoyenneté et Immigration et de traiter de certains de ces problèmes.

Le sénateur Meighen: J'ose espérer qu'on pourra faire appel à vous en comité pour appuyer le projet de loi, si vous le pouviez ou si vous le vouliez, en expliquant pourquoi il est nécessaire. Je suis suffisamment vieux pour me rappeler que le tueur de Martin Luther King avait utilisé un passeport canadien pour parcourir l'Europe. Il a fallu cet incident pour que le Canada se rende compte que les passeports ne devraient pas être distribués comme des billets de loterie et que tout demandeur de passeport doit suivre un certain processus. Le Canada s'est toujours fendu en quatre pour veiller à ce que nos mesures de protection n'empiètent pas sur les droits de la personne. C'est un équilibre qui est difficile à réaliser, je m'en rends compte. Il nous faut néanmoins surveiller de très près la situation, comme vous l'avez dit, afin d'être bien certain d'avoir la bonne combinaison.

M. D'Avignon: Oui. En fait, dans le contexte de l'affaire Ressam, le bureau des passeports s'est doté d'un nouveau système automatisé qui lui permet d'améliorer les échanges d'informations et de vérifier auprès d'autres ministères fédéraux si un demandeur pose des problèmes pour une raison ou une autre. Voilà donc un exemple de ce genre de situation: suite à l'affaire Ressam, des mesures ont déjà été prises pour nous faire avancer sur cette voie.

Le sénateur Atkins: Je ne suis pas certain que mes questions portent sur des aspects qui sont de votre compétence, mais je vais vous les poser quand même.

L'actuel gouvernement a, dans sa sagesse, décidé d'éliminer la police portuaire. Quelles mesures le gouvernement a-t-il prises pour compenser le renvoi de la police portuaire?

M. D'Avignon: Malheureusement, cela n'est pas du tout de mon ressort. Je suis au courant de la décision, mais je ne suis pas du tout au courant de ce dossier particulier.

Le sénateur Atkins: Dans le contexte de vos fonctions, ne considérez-vous pas que le pays est rendu quelque peu vulnérable du fait de l'admission de personnes, dont des terroristes, à nos ports?

M. D'Avignon: Je ne sais trop quoi vous répondre car il s'agit d'une question dont je ne sais que peu de choses. Il me faudrait m'appuyer sur certaines hypothèses disant que Transports Canada, dans les arrangements de rechange qu'il a mis en place, a dû tenir compte de l'importance de la sécurité et du contrôle, dans la mesure où il a une responsabilité à cet égard, de l'accès des gens et de la vérification de leurs mouvements.

Il me faudrait également supposer que, ce faisant, il veillerait à mettre en place des dispositions, ou avec la police locale ou avec la GRC, afin d'être certain qu'en cas de besoin la police et la GRC soient en mesure de prêter main forte.

Ce que je vous dis là ne s'appuie que sur des hypothèses. Je ne sais en vérité rien de cette question particulière. Si vous voulez, nous pourrions nous renseigner et vous fournir des précisions supplémentaires.

Le sénateur Atkins: L'une des raisons pour lesquelles je vous en parle est que cette question figure parmi les sujets de préoccupation de l'Association parlementaire Canada-États-Unis, dont je suis membre. Cette association se réunit chaque année. Les politiciens, sénateurs et membres du Congrès américain ont l'impression que nous sommes vulnérables à cause de nos ports et qu'ils le sont par contrecoup. Voilà pourquoi je vous interroge là-dessus. Ils parlent également de toute la question des stupéfiants. Nous avons eu une réunion en mai et je peux vous dire qu'un sujet qui les préoccupe beaucoup est l'examen de toute la question de l'utilisation de marijuana qui est en cours. Exception faite de la question de l'énergie, les politiques américains consacrent plus de temps à cette question qu'à n'importe quelle autre.

M. D'Avignon: J'ai mentionné dans mes remarques le forum sur la criminalité transfrontalière. Je sais que dans le contexte de ce forum certaines de ces questions ont été examinées dans le but de trouver des solutions pratiques à plusieurs aspects. Je ne veux pas parler de la police portuaire en particulier, mais de questions comme les mouvements de drogue, etc. L'Agence des douanes et du revenu du Canada traite également avec son équivalent américain avec lequel elle entretient d'étroites relations. Au niveau opérationnel, au niveau travail, il y a plusieurs mesures qui sont en place ainsi qu'un dialogue permanent destiné à favoriser l'échange d'information et le soutien réciproque. La GRC a des équipes de contrôle intégrées à la frontière qui travaillent avec la patrouille frontalière américaine à certains endroits du pays pour traiter des problèmes qui y existent, qu'il s'agisse de trafic de stupéfiants ou d'autres activités le long de la frontière.

Il y a en place diverses mesures auxquelles les Américains et nous autres collaborons tant sur le plan du partage de renseignements que sur celui de la prise de mesures coercitives.

Le sénateur Atkins: Il me faut souligner que les Américains ont été très coopératifs pour ce qui est des questions de sécurité. Je ne leur adresse aucune critique à cet égard.

La dernière question que j'ai à vous poser pour l'instant est la suivante: Pouvez-vous nous expliquer l'expression «le terrorisme est alimenté par la collecte de fonds»?

M. D'Avignon: Oui. L'une des réalités du terrorisme est la façon dont les groupes terroristes sont organisés pour collecter des fonds et diriger ces fonds vers leurs causes. La réalité à laquelle nous nous trouvons confrontés est que cela est fait grâce à différents véhicules. Dans les pays qui comptent d'importants groupes d'expatriés originaires de pays dans lesquels fonctionnent des groupes terroristes, des organismes qui leur servent de façade se déclarent comme étant des organismes d'intervention humanitaire et ramassent des fonds dans d'autres pays pour ensuite les détourner. Tout dépend de la façon dont ces sociétés sont structurées, mais une partie de l'argent ramassé sert à appuyer des actions terroristes, qu'il s'agisse de l'achat d'armes, du financement de déplacements ou autres. Toute une gamme d'activités de soutien entrent en jeu pour veiller à ce que l'action terroriste se fasse sur le terrain.

Comme c'est le cas de toute autre réalité à laquelle l'on peut se trouver confronté, l'argent est le nerf de la guerre. La collecte de fonds est un des moyens qui permettent aux groupes terroristes d'obtenir des fonds en arborant un visage bénin. D'autres fois, ces groupes recourent à des méthodes plus sales, par exemple en percevant des impôts auprès de communautés ethniques. Cela couvre toute la gamme, allant de mesures très sophistiquées à des activités quasi riminelles. Ce sont ces sources de fonds qui leur permettent de mener leurs activités au service de leurs fins politiques où que ce soit dans le monde.

Le sénateur Atkins: Ces genres d'activités de collecte de fonds descendent-elles jusqu'à la base ou bien est-ce plus sophistiqué?

M. D'Avignon: Les deux. Certaines de ces activités sont très sophistiquées, mais dans d'autres cas, il s'agira d'intimider les gens au coin de la rue.

Le sénateur Atkins: Comment le public le sait-il? Comment les gens peuvent-ils se protéger contre ce genre de choses?

M. D'Avignon: Encore une fois, dans ce contexte particulier, il faut savoir qu'il s'agit de communautés d'expatriés originaires de pays où les gens ne font pas nécessairement confiance aux forces de l'ordre. Ces gens sont craintifs et méfiants face aux forces de police. Ils arrivent dans un nouveau pays pour échapper à certaines de ces réalités. Malheureusement, dans bien des cas, les conflits qui déchiraient leur pays les suivent. Ils ont tendance à s'isoler des courants généraux et, au début, ils ne comprennent pas très bien comment fonctionne la culture, quelle confiance ils peuvent faire aux forces policières ou aux forces de l'ordre qui existent. En gros, ces personnes deviennent victimes. Ces situations peuvent durer un certain temps avant que la personne décide qu'elle veut y mettre fin et demande la protection de la police ou alors continue pendant quelques temps encore de se faire avoir.

Le sénateur Atkins: S'agit-il de gros sous?

M. D'Avignon: Oui, de montants considérables.

Le sénateur Wiebe: Revenant à la question de la police portuaire, votre réponse m'a donné l'impression que la main droite ne sait pas ce que fait la main gauche. Votre rôle n'est-il pas d'assurer la sécurité du pays par l'intermédiaire de nos ports? Si l'on dit que le ministère des Transports a peut-être eu des raisons de ne pas y installer des policiers, pourquoi y a-t-il eu des policiers au départ et qu'y y a-t-il à l'heure actuelle en remplacement? Bien franchement, cela me fait peur.

Si votre réponse est que vous ne savez pas pourquoi la police a été enlevée et que vous ignorez ce que fait le ministère des Transports, notre sécurité est-elle si fragmentée qu'il y a différents ministères qui s'occupent de différentes régions du pays? J'espère que vous pourrez me rassurer.

M. D'Avignon: Comme je l'ai dit au sénateur Atkins, je vais regarder cela d'un petit peu plus près. Ce n'est pas un domaine qui m'est très familier. Je me ferai cependant un plaisir de revenir au comité avec des réponses.

Le sénateur Cordy: Vous avez utilisé l'expression «accès légal». En tant que citoyenne du Canada, je me demande comment vous assurez un équilibre entre les actes de terrorisme, les tactiques auxquelles recourent généralement terroristes et criminels, et les droits des citoyens. Comme l'a dit plus tôt le sénateur Meighen, au Canada nous avons tendance à nous fendre en quatre pour veiller à ce que les droits des citoyens ne soient pas bafoués. Comment faites-vous pour équilibrer les deux choses?

M. D'Avignon: La réponse simple et rapide à votre question est que lorsque les forces policières ou les agences de sécurité souhaitent employer des techniques très intrusives sous la rubrique «accès légal», il leur faut obtenir des mandats auprès des tribunaux. La police doit se présenter devant un tribunal, devant un juge, exposer l'affaire et demander une autorisation. La police ou l'agence de sécurité obtient un mandat assorti de conditions qui doivent être respectées et qui lui permettent d'entreprendre l'interception ou autre, de pénétrer dans un immeuble, de faire une saisie, et ainsi de suite, selon ce qui a été demandé. L'agence doit soumettre l'affaire à un juge, exposer le cas, justifier l'enquête, préciser ce qu'elle cherche et les techniques qu'elle souhaite employer. Le juge décide alors si la proposition est acceptable et si les mesures demandées sont justifiées.

Le sénateur Cordy: Ce serait donc fait au cas par cas, n'est-ce pas?

M. D'Avignon: Précisément.

Le sénateur Cordy: Ce n'est peut-être pas le cas de toutes les activités policières menées dans notre pays, mais une part importante en tout cas est assurée par les municipalités et les provinces. Vous avez parlé plus tôt de dispositions prises avec ces différentes agences de maintien de l'ordre. Ces arrangements engloberaient-ils la formation? Quels sont ces arrangements que vous prenez avec les forces de police locales?

M. D'Avignon: Les arrangements sont pris en vertu de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, et plus particulièrement du paragraphe 6(2) qui permet la prise d'arrangements de force de police à force de police.

Les arrangements sont pris entre la GRC et les forces de police municipales. Ils couvrent particulièrement les incidents terroristes et la façon d'y réagir. La Loi sur les infractions en matière de sécurité confère à la GRC la responsabilité relativement aux incidents terroristes, mais la GRC n'a pas interprété son rôle comme étant exclusif car, dans la plupart des cas, s'il y a incident, la force policière de l'endroit concerné sera le premier intervenant sur les lieux et traitera de ce à quoi elle sera confrontée.

Ces arrangements permettent aux forces de police de déterminer entre elles à l'avance les genres d'événements auxquels elles risquent d'être confrontées et l'interaction qu'elles voudront avoir entres elles, y compris le transfert de responsabilités en ce qui a trait à la gestion de tel ou tel incident. Ces arrangements, visant ce type d'incidents, sont de nature très opérationnelle.

M. Mike Theilmann, directeur intérimaire, Division de lutte contre le terrorisme, ministère du Solliciteur général du Canada: Vos propos au sujet de la formation sont eux aussi très justes. C'est pourquoi nous avons le programme de préparation opérationnelle, pour appuyer ces arrangements, pour veiller à ce qu'il y ait sensibilisation au niveau local et à ce que la police et les commandants sur place sachent quels arrangements sont prévus dans leur secteur. C'est pourquoi nous organisons depuis quelques années à l'échelle du pays séminaires et simulations d'exercices sur maquette. Nous nous occupons également d'un volet du cours pour commandants sur le terrain offert au Collège canadien de police. Il s'agit là d'un auditoire cible de première importance et nous tenons à ce qu'il connaisse ses responsabilités en cas d'incidents terroristes et sache comment travailler avec la GRC. Cela vient appuyer la formation concrète afin d'assurer qu'il y ait sensibilisation au niveau local.

Le sénateur Cordy: Afin de vous assurer l'entière collaboration de tous les paliers en cas d'incident.

M. Theilmann: Précisément. Il s'agit d'une réaction multijuridictionnelle et tout incident terroriste engage l'intérêt national, d'où l'importance que tout cela soit bien en place. C'est pourquoi nous mettons tant l'accent sur la formation.

Le sénateur Banks: Je vais être un petit peu plus impoli que ne l'a été mon collègue le sénateur Wiebe pour appuyer ses arguments. Si une personne raisonnable regardait le bureau du directeur général de la sécurité nationale, Secteur de la police et de la sécurité, dans un pays qui a la plus longue côte nationale au monde, et où l'accès à notre pays par les ports est et a toujours été un problème pour ce qui est des criminels et terroristes, il serait de prime abord absurde, étant donné le titre de votre bureau, que vous ne connaissiez ni ne contrôliez la surveillance policière de nos ports. Peut-être que vous le faites d'une façon différente, possiblement par le biais de la GRC, du SCRS ou autre, mais il me semble qu'il vous faudrait vraiment connaître ces choses. J'espère vraiment que vous nous reviendrez là-dessus.

Ma question s'adresse à Mme Leblanc et découle de ce qu'a dit le sénateur Cordy, ce dont le sénateur Atkins se souviendra très bien. Nous avons récemment traité d'un projet de loi portant sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et sur l'accès légal au courrier des particuliers, surtout le courrier à destination ou en partance du Canada envoyé par des personnes d'intérêt ou adressé à des personnes d'intérêt - ce qui est une appellation gentille pour les personnes que l'on soupçonne de quelque chose.

Je n'entends pas parler au nom ni du comité, qui a recommandé l'adoption du projet de loi, ni du Sénat, qui l'a bel et bien adopté. Je ne parle qu'en mon nom propre lorsque je dis que je me suis pincé le nez lorsque j'ai voté pour cet aspect du projet de loi en comité ainsi qu'au Sénat. Il nous a chacun fallu prendre une décision quant à l'opportunité du pouvoir de l'Agence des douanes et du revenu du Canada d'ouvrir le courrier des gens, qui prétend qu'elle ne le lit pas, qu'elle l'ouvre tout simplement pour voir s'il s'y trouve quelque chose. Je comprends pourquoi. L'on pourrait mettre dans un courrier une puce d'ordinateur ou autre chose contenant l'on ne sait quoi. Il nous faut prendre ces mesures. C'est à cause de cet avantage que moi-même et, je pense, nous tous, avons décidé de nous prononcer en faveur du projet de loi et de l'adopter.

Nous avons néanmoins entendu des histoires d'horreur, madame Leblanc. Je me souviens notamment très bien qu'on nous a dit que s'il leur fallait obtenir une ordonnance de la cour chaque fois qu'ils ouvraient le courrier des gens, les tribunaux seraient paralysés. Ils le font si souvent et pour des volumes si importants qu'il ne leur serait tout simplement pas possible d'obtenir des ordonnances de la cour les autorisant à ouvrir tout le courrier qu'ils ouvrent. Ils sont autorisés à ouvrir du courrier sans ordonnance de la cour selon la taille et le poids de l'envoi. Il y a cependant eu un cas d'ouverture d'un article qui dépassait la limite. Il était adressé à une personne d'intérêt à l'extérieur du pays. L'envoi s'est avéré être parfaitement innocent, mais il renfermait, je pense, des renseignements confidentiels se rapportant à une affaire judiciaire. Quoi qu'il en soit, le document renfermé dans l'enveloppe s'est retrouvé dans le dossier du procureur, ce qui, clairement, n'aurait jamais dû arriver. Cela n'aurait jamais dû se faire car, bien sûr, ils ne sont pas censés lire le courrier.

La question que je vous pose est la même que celle que nous avons posée à l'époque: qui surveille la boutique? Qui prend la décision? Jusqu'où doit aller notre confiance à l'égard de l'autorité légale et de l'exercice de son pouvoir? Jusqu'où doit-on ouvrir la grille? Pouvez-vous nous donner quelque assurance que les circonstances que je viens de vous décrire ne surviennent pas souvent et qu'il existe un équilibre raisonnable et acceptable entre le coût de l'accès à l'information privée d'un côté et la sécurité de nous tous de l'autre?

Mme Annie Leblanc, directrice intérimaire, Division de la technologie et de l'accès légal, ministère du Solliciteur général du Canada: Je peux peut-être demander un éclaircissement. Vous avez mentionné que le courrier ouvert était adressé à des personnes d'intérêt par des personnes d'intérêt. Vous souvenez-vous de la définition donnée dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition?

Le sénateur Banks: Oui. La personne au Canada à laquelle le courrier était adressé était une personne d'intérêt.

Mme Leblanc: Cela n'a pas été défini de façon plus précise?

Le sénateur Banks: Oui. Nous avons posé la question. Une personne d'intérêt est une personne à l'égard de laquelle un organisme de sécurité, le SCRS, la GRC ou autre, a exprimé de l'intérêt du fait qu'elle soit soupçonnée de s'être adonnée à des activités criminelles.

Mme Leblanc: Ils ont donc obtenu des renseignements auprès de forces de l'ordre ou d'une agence de sécurité nationale?

Le sénateur Banks: Oui, et ils cherchaient le courrier. C'est une illustration presque parfaite de l'analyse coûts-avantages. Voici une personne d'intérêt soupçonnée de s'être adonnée à de viles activités mais qui n'a encore été jugée coupable d'aucun crime. Un courrier destiné à cette personne a été intercepté. C'était un courrier innocent et non illégal. Ce n'était pas de la contrebande ni autre chose qui n'aurait pas dû être envoyé par courrier, mais cela s'est retrouvé au mauvais endroit. C'est là un risque, et je comprends qu'on le prenne, mais qui surveille la boutique?

Mme Leblanc: Ces types de situations ne sont pas la norme. Il se présente des circonstances exceptionnelles dans lesquelles des mesures doivent être prises avant que l'on ne puisse demander une autorisation aux tribunaux. Le domaine dans lequel j'oeuvre, soit l'accès légal, s'appuie sur la prémisse qu'il y a une autorisation des tribunaux, en vertu du Code criminel ou de la Loi sur le SCRS.

Le sénateur Banks: Excusez-moi de vous interrompre, mais l'accès légal est reconnu pour les paquets supérieurs à une certaine taille, et un mandat judiciaire n'est pas requise pour ouvrir un paquet ou une grosse enveloppe. Si j'ai bien compris, aucune autorisation du genre n'est requise dans de tels cas. Les Postes peuvent tout simplement le faire, et c'est ce qui se passe.

Mme Leblanc: Dans ces circonstances, tous les éléments ont été soigneusement évalués. L'on a considéré que c'était une mesure appropriée. Il est certain que ce n'est pas une chose qui est prise à la légère.

Dans les cas où le juge balaie les droits à la vie privée de l'intéressé, cette décision n'est pas prise à la légère, elle est prise dans l'intérêt du bien public.

Le sénateur Banks: Je n'ai aucun problème lorsque l'autorisation des tribunaux est demandée, qu'elle soit ou non obtenue. Mon problème est que la loi autorise à l'heure actuelle l'ouverture d'envois postaux supérieurs à une certaine taille et à un certain poids sans autorisation accordée par un tribunal. Qui surveille les choses?

Mme Leblanc: Je ne dispose pas de beaucoup plus de renseignements que ceux que vous m'avez fournis, et je comprends la situation. Je dirais que si les agences interviennent, et c'est bien le cas, alors il est normal que l'on compile tous ces renseignements au sujet de ces personnes d'intérêt. Si le processus était approuvé, et cela a été le cas ici, et le projet de loi a été adopté, alors ces mesures ont été jugées appropriées dans les cas de circonstances exceptionnelles.

Encore une fois, je dirais que des communications confidentielles, comme par exemple une lettre, qui relèvent sans doute du secret professionnel, n'auraient jamais dû apparaître. Je dirais qu'il s'agirait là de circonstances exceptionnelles.

Le sénateur Banks: Encore une question, si vous permettez. Elle concerne des points soulevés précédemment. Ma question porte sur les passeports. Vous me pardonnerez mon, voire notre, cynisme.

Le sénateur Meighen a mentionné qu'il se souvient du genre de passeport dont était munie la personne accusée du meurtre de Martin Luther King. C'était un passeport canadien. Les gens avaient dit qu'ils resserreraient tout cela. Or, il appert aujourd'hui que M. Ressam a obtenu son passeport sans même être allé le chercher. C'est quelqu'un d'autre qui est allé le récupérer pour lui.

Il s'avère que, bien que M. Ressam ait été une personne d'intérêt pour nos forces de sécurité, ce sont des agents américains qui l'ont arrêté alors qu'il traversait la frontière pour aller aux États-Unis avec une bombe dans sa voiture. Nous avons l'air, à première vue, un peu bêtes.

Je devrais peut-être poser la question non pas à vous mais au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, mais cela doit certainement vous intéresser de savoir si des gens peuvent faire ramasser un passeport canadien par un messager. Il ne s'agit pas d'une situation nouvelle. Il s'agit d'une situation qui, comme l'a souligné le sénateur Meighen, existe depuis des années. Êtes-vous convaincu qu'on y fera quelque chose?

M. D'Avignon: Comme je l'ai dit plus tôt, sénateur, toute cette affaire, avec toutes ses dimensions, y compris l'accès aux passeports, est en train d'être réexaminée. On s'y penche.

Le bureau des passeports a déjà mis en place des mesures eu égard à l'utilisation de certificats de baptême et pour augmenter l'échange d'informations afin de mieux cerner l'identité des demandeurs. Je ne suis pas au courant de tous les aspects techniques mais qu'il suffise de dire que oui, c'est un grand sujet de préoccupation.

Toute l'affaire est en train d'être examinée pour déterminer quelles sont les faiblesses du système et comment les corriger. Pour ce qui est des passeports en particulier, du travail est déjà en cours en vue d'éliminer les failles.

Nous apprenons. Nous continuerons d'apprendre et nous prendrons des mesures pour colmater les brèches là où elles ont été exploitées.

[Français]

Le sénateur Pépin: J'aimerais revenir sur un aspect de notre partenariat avec d'autres pays en matière de sécurité, plus précisément sur le réseau Échelon qui réunit les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Ce réseau a été créé il y a plusieurs années et il était, à l'origine, un système d'écoute qui devait intercepter les communications du Bloc de l'Est. Selon un bon nombre d'articles de journaux, dont la plupart sont européens, le système Échelon est maintenant utilisé à d'autres fins. En fait, on utiliserait les télécopies, les conversations téléphoniques et les courriels pour des fins d'espionnage économique. Sans prêter trop de crédibilité à ces informations, quelle est la nature exacte du réseau? Quelles sont ses capacités réelles et quel est le rôle du Canada dans ce réseau? Enfin, quels avantages apporte-t-il à notre pays?

M. D'Avignon: Malheureusement, ce n'est pas un domaine que je connais particulièrement bien. Il faudrait que je fasse une recherche de renseignements pour ensuite vous les fournir. Je ne suis vraiment pas en mesure de parler de façon intelligente.

Le sénateur Pépin: Tout à l'heure, vous nous avez parlé du travail que vous faites au point du vue sécurité et entraînement en collaboration avec toutes les provinces, sauf le Québec. Serait-il trop indiscret de vous demander quelle est la raison pour laquelle le Québec ne fait pas partie de cette entente?

M. D'Avignon: Le Québec préfère ne pas parapher des ententes formelles dans le domaine des forces policières. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de collaboration. Au contraire, la relation entre notre ministère et le ministère de la Sécurité publique au Québec est très bonne. La Sûreté du Québec et la Gendarmerie royale du Canada travaillent très bien ensemble. Je peux vous donner l'exemple du Sommet des Amériques tenu à Québec où la GRC, la Sûreté du Québec, le corps policier de Sainte-Foy et celui de la ville de Québec se sont tous entendus pour répartir les rôles et les responsabilités. Ils ont, entre eux, établi un accord qu'ils ont respecté tout au long de l'événement et qui leur a permis de contrôler la situation lors du Sommet.

Du point de vue officiel, le Québec ne veut pas s'engager dans une entente formelle. Nonobstant la réalité au niveau des corps policiers et des fonctionnaires, il y a une très bonne relation de partage et de collaboration.

Le sénateur Pépin: Chaque année en novembre, à Montréal, il y a une cérémonie où la GRC et les policiers du Québec remettent des prix aux policiers qui se sont démarqués lors d'un événement quelconque. Je me demandais alors pourquoi le Québec ne signait pas l'entente.

M. D'Avignon: Sur le terrain, il y a une très bonne collaboration.

[Traduction]

Le président: M. D'Avignon, quelle relation, s'il y en a une, existe entre le solliciteur général et le ministre de la Défense quant à la définition de menace ou de risque pour le pays?

M. D'Avignon: Il existe, si vous voulez, une relation plutôt étroite. Il y a plusieurs domaines dans lesquels nos activités s'entrecroisent. Dans le contexte du plan national de lutte contre le terrorisme, la Défense nationale a un rôle à la table dans le travail que nous abattons dans le cadre de l'élaboration du plan.

Existe à l'intérieur du plan de lutte contre le terrorisme un groupe consultatif sur la politique interministérielle que je préside et auquel siège la Défense nationale. En fait, le commodore Forcier, qui était ici hier, et certains membres de son équipe siègent à ce comité.

Nous entretenons avec eux une relation en vue de la formation et de la participation aux exercices. Tous les exercices que nous avons menés ont engagé le ministère de la Défense nationale de sorte que celui-ci vienne à la table pour y participer.

Nous organisons par ailleurs avec eux de la formation destinée aux premiers intervenants et aux forces de police provinciales, dans le contexte surtout de menaces chimiques, biologiques et radiologiques. Il y a un volet de formation obligatoire qui est coordonné avec la Défense nationale et qui est destiné aux premiers intervenants et aux forces de police.

À un niveau plus large, le ministère de la Défense nationale participe à une série de comités de niveau supérieur qui discutent de questions de sécurité nationale. Il siège au comité politique interministériel que préside le bureau du Conseil privé et qui réunit des sous-ministres adjoints dans le but de discuter des questions de politique liées à la sécurité nationale à ce niveau. Le comité interministériel sur la sécurité et le renseignement, qui est présidé au niveau sous-ministre, compte lui aussi sur la participation de la Défense nationale. Le MDN fait partie intégrante de tout ce qui est entrepris.

Il fournit également des évaluations à différents ministères. Il s'intéresse au premier chef aux menaces de type militaire surtout celles se dessinant à l'étranger dans des secteurs où les Forces armées canadiennes sont véritablement engagées. Il reçoit cependant des renseignements d'autres agences et en communique à son tour à certaines agences dans le but de parachever les analyses de menaces faisant partie de son quotidien.

Le président: Vous avez parlé plus tôt du Québec et du fait qu'il n'ait pas signé d'accord avec le gouvernement fédéral. Les provinces liées par un contrat fonctionnent-elles différemment des provinces qui n'en ont pas signé? Le Québec et l'Ontario, qui sont dotés de leur propre force de police provinciale, ont-ils des arrangements différents?

M. D'Avignon: Non, je ne le pense pas. Les arrangements sont pris par la GRC et par la police provinciale de l'Ontario ou par la Sûreté. Dans les cas où la GRC est la force policière locale, comme c'est le cas dans certaines provinces, alors cela facilite toute la relation car elles traitent avec elles-mêmes à différents niveaux, bien évidemment. Je n'ai rien vu qui indique qu'il y ait de différences qualitatives ou fondamentales du côté du fonctionnement des relations. Il semble qu'il y ait une bonne collaboration et de bons échanges d'informations entre les différentes forces et qu'elles travaillent bien ensemble lorsque le besoin opérationnel les met ensemble.

Le président: Il existe une loi en vertu de laquelle les autorités fédérales doivent prendre le contrôle en cas d'incident terroriste, n'est-ce pas?

M. D'Avignon: Oui. La Loi sur les infractions en matière de sécurité autorise la GRC à prendre le contrôle de la situation en cas d'incident terroriste.

Le président: Ce pouvoir a-t-il jamais été exercé?

M. Theilmann: Je ne pense pas qu'il ait jamais été véritablement exercé.

Le président: Comment cela fonctionne-t-il lorsque la formation se fait avec d'autres forces policières? Les participants acceptent-ils l'arrangement et sont-ils confortables avec l'idée qu'un agent fédéral puisse se présenter et déclarer qu'en vertu de la loi c'est lui le responsable?

M. Theilmann: Dans le cadre de nos exercices de formation, l'un de nos objectifs est de mettre à l'épreuve toute entente en place entre la GRC et la police locale. Ces ententes ont pour objet d'établir les rôles et les responsabilités en cas d'incident terroriste. Tout est déjà écrit noir sur blanc. Dans le cadre d'un exercice, nous mettons en application les dispositions de l'entente, comme par exemple la cession de pouvoirs.

La GRC dit avoir toujours interprété cela comme signifiant qu'elle détient la principale juridiction, mais que celle-ci n'est pas exclusive. Elle sait que dans certaines parties du pays, comme par exemple dans la ville de Toronto, il y aura déjà sur le terrain une force policière. Il s'agit donc de déterminer très exactement qui fait quoi face à un incident terroriste.

Par exemple, si la police torontoise voulait accéder à des ressources fédérales, comme par exemple la Force opérationnelle II ou l'Équipe de défense biologique GRC-MDN, cela passerait toujours par la chaîne de commandement de la GRC. Ainsi, la GRC demeure un joueur important, et cela fait partie de ces ententes.

Le président: La loi prévoit que la GRC décide par elle-même si elle veut assumer le contrôle d'une situation. Elle n'a pas à consulter les fonctionnaires municipaux car elle est, en vertu de la loi, autorisée à dire que c'est son affaire.

M. Theilmann: Nous établissons tout à l'avance afin d'être certain qu'il existe un pouvoir législatif de réagir à des incidents terroristes. Dans un contexte opérationnel où il y a des responsables sur le terrain, la GRC pourrait mieux vous renseigner au sujet des arrangements qu'elle a pris dans diverses provinces.

Le président: Des arrangements sont-ils en place avec chaque force de police municipale?

M. Theilmann: Oui.

Le président: Pour ce qui est des systèmes informatiques du gouvernement, y a-t-il eu des cas d'accès non autorisé?

M. D'Avignon: Je ne sais trop quelle est la réponse à cette question. Je pense que les représentants du Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile ou BPIEPC, seraient mieux en mesure de vous entretenir de cette question précise. Il y a eu des études, ainsi qu'un réexamen, de ces types d'intrusion, et les gens du Bureau auraient une meilleure idée de ce qui s'est passé à cet égard.

Le sénateur Forrestall: J'ai une question au sujet d'un problème actuel. Les États-Unis ont émis une deuxième alerte en cas d'attaque terroriste, visant principalement la péninsule arabe et la région du golfe Persique. Cette alerte est destinée et aux militaires et à la population civile dans la zone. Il y a quelques semaines, une frégate canadienne dans le Golfe a pris le large pour être moins vulnérable aux attaques. Cela découle bien sûr directement, mais pas seulement, de l'attaque contre le USS Cole.

Étiez-vous au courant de l'avertissement américain qui, si j'ai bien compris, a été rapporté hier mais a peut-être été émis un petit peu plus tôt? Cet avertissement est-il attribué ou lié à Usama Bin Laden? Le Canada a-t-il pris des mesures pour avertir nos civils et notre personnel militaire se trouvant dans le golfe Persique ou dans la région de la péninsule arabe?

M. D'Avignon: J'ai tout comme vous appris ce matin en lisant le journal qu'une alerte avait été émise aux forces américaines dans le golfe Persique.

Comme vous le savez, il se fait chaque jour des évaluations de menaces sur la base de renseignements échangés par les différentes agences de renseignements. Cela se fait au niveau international; les différentes agences se parlent entre elles.

Quant à la question de savoir si le ministère des Affaires étrangères ou si celui de la Défense nationale ont émis des avertissements aux citoyens canadiens présents dans la région, je vous dis bien franchement que je ne connais pas la réponse.

En règle générale, le ministère des Affaires étrangères met en garde les Canadiens en pays étranger se trouvant dans des zones où un problème couve ou éclate. Il arrive que l'on demande aux touristes canadiens de partir ou de se rendre à un consulat. J'ignore si le ministère des Affaires étrangères a fait cela dans ce cas-ci.

Le sénateur Forrestall: Ce genre de chose ne vous serait donc pas normalement communiqué dans le cadre de votre travail?

M. D'Avignon: Non. Cela serait l'affaire ou du ministère de la Défense nationale ou de celui des Affaires étrangères. Nous ne sommes pas responsables de cela.

Le sénateur Forrestall: Vous comprenez cependant la préoccupation?

M. D'Avignon: Absolument.

Le sénateur Forrestall: Cette préoccupation a été quelque peu rehaussée. Je pensais qu'il y avait peut-être un certain travail de coordination en vertu duquel un avertissement passait par votre bureau avant d'aller plus loin.

M. D'Avignon: Non, ce n'est pas le cas.

Mme Leblanc: Monsieur D'Avignon, l'Alberta est très heureuse et très fière de son réseau provincial de radio public, le réseau CKO, qui compte 17 stations de radio dans la province. Au moyen d'une simple touche, le réseau peut interrompre les émissions de toutes les autres stations de radio et diffuser des avis de préparation à une situation d'urgence pour avertir les citoyens de tout désastre possible. Le gouvernement fédéral contribue à la planification d'urgence. J'ignore si vous êtes au courant, mais savez-vous s'il existe de tels systèmes d'avertissement radio instantané dans d'autres provinces?

M. Theilmann: Bien franchement, je ne le sais pas. J'ai travaillé à Protection civile Canada il y a de nombreuses années et beaucoup de travail de systèmes de radiodiffusion en cas de situation d'urgence se faisait à l'époque. J'ignore où en sont les choses aujourd'hui. Vous voudrez peut-être poser votre question aux représentants du Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile qui doivent vous rencontrer cet après-midi. Ils seront peut-être plus au courant.

Le président: Merci d'être venus comparaître devant nous. Nous vous sommes reconnaissants des renseignements que vous nous avez fournis et nous comptons en recevoir encore davantage de vous relativement aux ports. Nous attendons ces précisions supplémentaires avec impatience.

M. D'Avignon: Je veillerai à ce que vous receviez cela.

Le président: Honorables sénateurs, le témoin suivant ce matin est le surintendant Pilgrim. Le surintendant Pilgrim travaille à la GRC depuis 31 ans. Il a travaillé pendant une grosse partie de sa carrière au Nouveau-Brunswick, où il a été affecté à divers services dont la police générale, la lutte antidrogue et la sécurité nationale. Après avoir été promu au grade d'inspecteur, il a été affecté en Nouvelle-Écosse où il a exercé des tâches de gestion en tant que responsable des services de gestion et de planification, du service divisionnaire de l'exécution des lois fédérales et du détachement de Cole Harbour. Après sa promotion au grade de surintendant, il a été nommé à la tête de la Division de l'antiterrorisme au ministère du Solliciteur général du Canada. En septembre dernier, il a été muté au poste qu'il occupe actuellement à titre d'officier responsable de la Sous-direction des enquêtes relatives à la sécurité nationale de la Direction des renseignements criminels à la DG de la GRC. Il va nous entretenir du mandat en matière de sécurité nationale de la GRC.

Bienvenue, surintendant Pilgrim. Vous avez la parole.

Le surintendant J. Wayne Pilgrim, officier responsable de la Sous-direction des enquêtes relatives à la sécurité nationale, Direction des renseignements criminels: C'est un plaisir pour moi d'être ici devant vous aujourd'hui au nom de la GRC pour vous faire un survol du programme de sécurité nationale et cerner certains des défis auxquels se trouvent confrontées les forces de maintien de l'ordre dans le contexte de la sécurité nationale.

Je souhaite porter à votre attention deux organigrammes qui vous ont été fournis. L'un s'intitule «Headquarters Organization» et le deuxième «Direction des renseignements criminels». Pour vous situer un petit peu mon rôle dans tout cela, vous constaterez que dans l'organigramme intitulé «Headquarters Organization» le commissaire se trouve tout à fait en haut. La case hachurée correspond au sous-commissaire responsable des opérations. Suivez la ligne vers le bas jusqu'à la Direction des renseignements criminels ou au commissaire adjoint aux renseignements criminels et vous y trouverez mon supérieur immédiat, le commissaire adjoint Richard Proulx. Le deuxième organigramme représente la Direction des renseignements criminels et on y voit bien où s'inscrit dans tout le processus la Sous-direction des enquêtes relatives à la sécurité nationale.

J'aimerais, pour commencer, vous donner un bref aperçu du mandat de la GRC d'enquêter sur les infractions relatives à la sécurité nationale en vertu de la Loi sur les infractions en matière de sécurité.

Suite à la séparation du service de sécurité en 1984, la GRC a maintenu sa responsabilité de mener des enquêtes criminelles pour les infractions relatives à la sécurité nationale. La loi n'a pas créé de nouveaux délits. Elle a cependant confirmé, pour la toute première fois en droit, que pour certains délits particuliers ayant une dimension sécurité nationale, la GRC avait la responsabilité première d'exercer le rôle d'agent de la paix.

Bien que la responsabilité du SCRS soit d'enquêter et de conseiller le gouvernement relativement aux menaces à la sécurité du Canada, nous avons tous deux pour responsabilité de prévenir et de décourager les menaces potentielles et d'enquêter sur celles-ci. La GRC a pour principale responsabilité de mener des enquêtes criminelles sur les infractions relatives à la sécurité nationale, définies comme englobant les menaces à la sécurité du Canada, au sens de la Loi sur le SCRS, et les menaces contre les personnes jouissant d'une protection internationale, au sens du Code criminel du Canada. Il doit y avoir criminalité pour qu'intervienne la GRC.

La Direction générale de la GRC surveille toutes les enquêtes relatives à la sécurité nationale. Nous veillons à la liaison et à la diffusion de renseignements entre les unités divisionnaires et divers organismes internationaux. Afin d'être en mesure de nous acquitter de nos responsabilités, nous avons 169 postes établis à l'intérieur du programme à l'échelle nationale.

La GRC assure des services d'expert dans différents domaines de responsabilité, par exemple, enquêtes criminelles sur des infractions en matière de sécurité nationale, cueillette et examen de renseignements au sujet de menaces et de personnes et de biens de dignitaires canadiens et étrangers, de diplomates et d'employés consulaires, travail de liaison avec le SCRS et d'autres organes et administration d'un programme d'évaluation des menaces à l'appui de nos opérations de protection. Les évaluations de menaces servent à la détermination du niveau de sécurité physique approprié requis.

En 1996, la GRC a amélioré sa capacité d'enquête en matière de sécurité nationale aux aéroports internationaux. Cette initiative a coïncidé avec la suppression du mandat de protection et de sécurité de la GRC à certains aéroports désignés. Il importe de souligner que la GRC continue d'assurer des fonctions de protection et de sécurité sous contrat aux administrations aéroportuaires où nous sommes le service de police local. Il existe des sections d'enquête en matière de sécurité nationale aux aéroports de Vancouver, Edmonton, Calgary, Winnipeg, Toronto, Ottawa, Dorval et Halifax. Les aéroports de Mirabel et de Gander, étant donné leur nouveau statut, n'ont plus de section d'enquêtes en matière de sécurité nationale. Les unités aéroportuaires sont des satellites des sections divisionnaires d'enquêtes relatives à la sécurité nationale ayant pour objet d'assurer cohésion et direction par rapport aux priorités en matière de sécurité nationale.

En vertu du paragraphe 6(1) de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, c'est la GRC qui a la responsabilité première. Nous avons interprété cela comme voulant dire que cette responsabilité n'est pas exclusive. Comme vous l'auront dit les témoins qui nous ont précédés, cela tient compte de la composition juridictionnelle du pays et du partage des pouvoirs entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Il existe à l'heure actuelle dans le pays environ 65 accords de force policière à force policière entre la GRC et d'autres services de police. Ces ententes ont pour objet de préciser le rôle respectif de la GRC et des forces de police locales en cas d'incident mettant en cause la sécurité nationale.

Le paragraphe 6(2) de la Loi sur les infractions en matière de sécurité autorise le gouvernement fédéral à négocier des ententes avec les provinces et les territoires à l'égard d'une infraction visée par la loi. Comme vous l'avez déjà entendu, le solliciteur général a entrepris un examen des arrangements de gouvernement à gouvernement. Cela sera suivi par un réexamen des ententes de services policiers à services policiers. Toute entente de police à police nouvelle ou révisée devra continuer de cadrer avec l'esprit et l'objet de la Loi sur les infractions en matière de sécurité.

En ce qui concerne la question de la collaboration internationale, comme chacun sait, le terrorisme est un phénomène mondial. Il s'agit d'un problème qui exige des solutions mondiales. Souvent, les conspirations naîtront dans un pays, le soutien logistique et matériel sera organisé dans un autre, et l'attaque elle-même sera menée dans un troisième pays.

L'échange de données et le raffermissement de relations dans le cadre d'arrangements formels sont favorisés par la participation de la GRC à divers forums et groupes de travail internationaux. Nous avons par ailleurs négocié plusieurs arrangements bilatéraux avec des partenaires internationaux aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour ne nommer que deux exemples. En vue de faciliter nos relations à l'échelle internationale, nous sommes un membre participant à part entière d'Interpol. Nous avons par ailleurs des officiers de liaison avec l'étranger en poste dans des ambassades canadiennes et des hauts commissariats dans divers endroits du monde, notamment à Londres, à Paris, à Hong Kong, à Washington et à Istanbul. Nous avons en fait 29 officiers de liaison en poste dans 20 missions étrangères. Nos officiers de liaison assurent un rôle de soutien aux services de police canadiens dans l'ensemble, et pas seulement à la GRC, lors d'enquêtes criminelles à l'étranger, et il facilitent l'échange de renseignements entre organismes d'application de la loi.

En tant que voisin de la première cible mondiale du terrorisme - je veux parler des États-Unis - nous avons une responsabilité accrue de veiller à ce que notre état de préparation soit adéquat et à ce que nous soyons en mesure de contrer de façon effective un incident terroriste. Même s'il y a toujours eu un degré élevé de collaboration entre nos deux pays, la récente enquête entourant l'affaire Ressam a fait ressortir la nécessité d'assurer une collaboration continue. Cela étant, nous participons depuis plusieurs années à divers arrangements bilatéraux avec des agences américaines, notamment le Groupe consultatif bilatéral de lutte contre le terrorisme, le North East Border Regional Terrorism Taskforce, le projet Northstar, les équipes intégrées de la police des frontières et le Forum canado-américain sur la criminalité transfrontalière, pour n'en citer que quelques exemples. Nous participons par ailleurs à un certain nombre de forums ou d'organisations internationales, comme par exemple l'Association internationale des chefs de police, les comités de lutte contre le terrorisme du G8 et l'Organisation des États américains.

Du point de vue de la sécurité nationale intérieure, nous sommes confrontés à plusieurs défis. Il y a, par exemple, l'immigrant terroriste: celui-ci choisit de poursuivre son action dans le cadre de conflits dans son pays d'origine et utilise le Canada comme lieu d'organisation de conspirations criminelles dans le but de mener des actions terroristes. Cette catégorie d'immigrants pose au pays de sérieuses menaces. Nous sommes sensibles à la possibilité de l'établissement de liens entre les groupes de crime organisé et les organisations terroristes. Cependant, à l'heure actuelle, il n'existe aucune preuve directe de l'existence dans ce pays d'une relation symbiotique entre terroristes et groupes du crime organisé. Il existe certaines preuves que des gangs de rue organisés ayant des liens avec des extrémistes criminels ont versé de l'argent destiné à appuyer la cause extrémiste.

Nous savons que le financement est le moteur du terrorisme. Au Canada, selon nous, le financement est dans l'ensemble obtenu de façon légale. Nous intervenons lorsqu'il y a commission ou suspicion de commission d'actes criminels conjointement avec des activités de levée de fonds.

Il existe des preuves montrant que des extrémistes criminels sont en train d'utiliser la technologie pour contrecarrer les enquêtes policières. L'utilisation de pare-feu dans les systèmes informatiques rend difficile voire impossible le furetage dans les systèmes en vue d'obtenir des preuves d'activités criminelles. La menace posée par les armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, ou armes CBRN, ou, pour emprunter l'expression américaine, «les armes de destruction massive», est nouvelle et en expansion. La capacité ou l'intention des organisations terroristes d'utiliser des armes de destruction massive sont à l'heure actuelle considérées comme faibles. Cependant, l'incidence de toute attaque pourrait avoir des conséquences dévastatrices. L'exemple le plus notable d'un tel acte est l'attaque au sarin d'Aum Shinrikyo dans le métro de Tokyo. Cet incident a mis en relief partout dans le monde l'existence d'une nouvelle menace terroriste.

Le récent exemple du colis suspect reçu au bureau du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ici à Ottawa a fait clairement ressortir les défis posés par ce genre de menace, même si l'on a découvert par la suite qu'il ne s'agissait que d'une plaisanterie. La vigilance et une collaboration étroite au sein d'un groupe d'intervenants diversifié sont essentielles.

Enfin, en ce qui concerne les défis auxquels se trouvent confrontées les forces de maintien de l'ordre, il importe d'être en mesure de protéger les sources sensibles de données dans le cadre de procédures judiciaires. L'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada offre une certaine protection aux renseignements sensibles mettant en cause des relations internationales, la défense nationale ou la sécurité nationale. L'on hésite à recourir à la Loi sur la preuve au Canada lorsque des informations sensibles peuvent constituer un élément critique d'une affaire pénale, et si les renseignements sont dissimulés, l'affaire n'aboutira peut-être pas. Une nouvelle loi traitant de certaines des préoccupations des forces de l'ordre devrait être proposée dans un proche avenir.

Dans le cadre du programme de sécurité nationale, nous avons élaboré des priorités d'exécution pour deux catégories d'extrémistes criminels: les menaces qui sont de nature intérieure ou interne, et les menaces de souche ou d'origine étrangère. J'ai mentionné un petit peu plus tôt que les armes chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires ou armes CBRN et les armes de destruction massive sont l'un des défis auxquels se trouvent confrontées les forces de maintien de l'ordre. Dans le cadre de la capacité de réaction de la GRC, nous reconnaissons que d'autres organismes se sont dotés des compétences requises pour réagir à certains aspects particuliers de menaces ou d'incidents de nature chimique ou biologique. C'est ainsi que nous avons élaboré des partenariats qui viendront renforcer nos capacités d'intervention globales.

Par exemple, nous avons créé une équipe d'intervention en cas d'incident criminel composée de spécialistes de l'enlèvement d'explosifs et de l'identité judiciaire et qui ont reçu une formation en détection d'explosifs, en atténuation des impacts et en fouille du lieu du crime. Cette équipe fait partie de l'équipe d'intervention d'urgence biologique et chimique du ministère de la Défense nationale établie à la Base des Forces canadiennes Borden. Nous recourons par ailleurs aux services assurés par le Centre de recherches pour la défense Suffield (Alberta), ou CRDS, qui offre un soutien scientifique sous forme de recherche, de conseils et d'analyses de laboratoire.

Ailleurs au pays, nos techniciens de l'enlèvement d'explosifs ont forgé des partenariats avec les équipes locales d'intervention en cas de déversement de matières dangereuses, qui sont normalement rattachées aux services de pompiers locaux. C'est le cas dans la Région de la capitale nationale, où d'excellents efforts ont été déployés en vue d'améliorer les capacités d'intervention d'ensemble en cas d'incident chimique et(ou) biologique. Le comité de première intervention de la Région de la capitale nationale pourrait fort bien servir de modèle pour le reste du pays.

Dans le but d'améliorer notre capacité d'intervention initiale, des techniciens de l'enlèvement de bombes à plusieurs endroits stratégiques ont reçu une formation en reconnaissance des dispositifs et en protection de sites. Il n'ont pas reçu de formation en matière d'atténuation des menaces. Nous avons également offert à nos commandants sur place nationaux une formation en gestion de crise ou d'incident lié à des menaces chimiques ou biologiques.

Les témoins précédents ont discuté tout à l'heure de la question de l'accès légal. En 1974, le Parlement a jugé nécessaire de fournir aux forces de maintien de l'ordre un outil important dans la prévention, la conduite des enquêtes et les poursuites liées aux infractions criminelles. Grâce à des modifications apportées au Code criminel, les forces de l'ordre se sont vues autoriser à intercepter les communications privées à condition de satisfaire à certaines conditions strictes. Par exemple, un juge doit être convaincu que ce sera dans le meilleur intérêt de l'administration de la justice et que d'autres techniques d'enquête ont été tentées, ont échoué ou seraient vouées à l'échec. Il était important de prouver que l'affaire était urgente et que d'autres moyens d'enquête ne seraient pas pratiques. Les conditions établissaient un cadre temporel - ne devant pas dépasser 60 jours - à l'intérieur duquel les forces de l'ordre devaient s'exécuter. L'âge de la technologie a augmenté le défi du maintien d'une capacité d'accès légal ou de la capacité d'intercepter des communications privées. Un défi supplémentaire, qui est un élément clé de l'accès légal, est la capacité de mener des fouilles ou des saisies de données ou fichiers informatiques.

De nouvelles technologies viennent sans cesse contrecarrer les méthodes conventionnelles d'accès légal. Elles permettent aux criminels de mettre leurs activités à l'abri de toute détection. Toutes les nouveautés créent de nouveaux défis. Par exemple, la portabilité de son numéro local permet à une personne de conserver son numéro de téléphone lorsqu'elle change d'adresse. Les systèmes de communications personnels tels les téléphones cellulaires, les téléavertisseurs et les Palm Pilot utilisent une technologie numérique qui assure un niveau de sécurité accru. Les communications via satellite offrent la possibilité de mener ses affaires n'importe où et la capacité de branchement de systèmes par le biais de divers portails partout dans le monde. Il y a également l'Internet, qui est de plus en plus utilisé par les criminels comme moyen de communication dans la conduite de leurs activités criminelles. Le défi pour les forces d'exécution de la loi est de maintenir leur capacité de détecter, de prévenir et de poursuivre ceux qui utilisent l'Internet à des fins criminelles.

Le défi présenté par l'utilisation de la cryptographie par l'élément criminel vient compliquer encore la situation. La cryptographie permet en gros de transformer un message écrit ou verbal en un code indéchiffrable. La technologie de l'encodage s'est perfectionnée à un point tel qu'elle l'emporte aujourd'hui sur la capacité de décrypter des messages. Au fur et à mesure de l'amélioration de la technologie, des produits d'encodage seront de plus en plus utilisés pour encoder des conversations. La cryptographie est ainsi destinée à devenir un outil efficace pour les criminels désireux de dissimuler leurs activités criminelles, comme par exemple le trafic de stupéfiants, le blanchiment d'argent, la pédopornographie et le terrorisme.

Le cyberterrorisme est, tout comme l'utilisation d'armes CBRN, une nouvelle menace. Même si les tactiques employées peuvent être les mêmes, le cyberterrorisme n'est pas la même chose que l'info-guerre ou le cybercrime de haute volée. Le facteur qui les distingue est le motif. Un élément essentiel du terrorisme est que les mesures prises contre la cible visée ont pour objet d'influencer les décisionnaires et leurs décisions.

Dans le cas d'un système d'information électronique, le concept de menace, que celle-ci soit réelle ou pas, ne devrait pas être limité à la perte de vie ou à des dommages matériels graves. Il importe également de tenir compte des pressions amenées par la perte de confiance à l'égard du système et de l'organisation dont les systèmes ont été atteints ou détruits. Il convient également d'accorder du poids à la perte de confiance à l'égard de la capacité du gouvernement de prévenir ou de contenir efficacement de tels incidents. Le démantèlement ou la corruption ou l'accès non autorisé à un système peut avoir une incidence équivalente, voire même supérieure, à celle des dommages physiques et pourrait même exercer une plus grande influence sur les décisionnaires.

De telles activités doivent être traitées comme étant des crimes au Canada en vertu du Code criminel, nonobstant la dimension sécurité nationale.

D'autres défis pour les forces de l'ordre, du point de vue enquête, sont le cybercrime et le cyberterrorisme. Il s'agit là de défis énormes et uniques. Comme je l'ai dit, les attaques peuvent être masquées de diverses façons. En absence d'une revendication de responsabilité aux premières étapes, il est difficile de déterminer la nature ou la source de l'attaque. L'accès à des renseignements fiables est essentiel en ce qui concerne la capacité et le modus operandi d'une organisation. Étant donné que de telles attaques peuvent être menées à partir d'endroits relativement obscurs et sûrs, la poursuite des responsables peut poser un défi encore plus grand.

La GRC a élaboré un programme d'intervention lors d'un incident critique, programme qui a été approuvé par nos cadres supérieurs afin de veiller à ce que la GRC soit en permanence en mesure d'intervenir lors d'incidents majeurs. Nous reconnaissons que la formation est un élément clé d'établissement d'une capacité d'intervention efficace. En conséquence, nous avons formé à un très haut niveau un groupe sélect de commandants nationaux qui seraient chargés de la responsabilité sur place en cas d'incident grave au Canada. Leur formation les a exposés au plan national de lutte contre le terrorisme, aux directives des Forces canadiennes, à la Loi sur les infractions en matière de sécurité et aux ententes entre services de police élaborés en conséquence.

L'un des principaux outils de formation est la tenue d'exercices fondés sur des scénarios. Comme un témoin précédent vous l'a déjà dit, la GRC participe activement au programme de préparation opérationnelle. Les commandants sur place participent en tant qu'observateurs lors d'incidents graves, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale. Nous avons élargi le programme d'intervention lors d'un incident critique pour englober les commandants d'autres forces policières et organismes d'intervention.

En conclusion, la GRC prend très au sérieux sa responsabilité à l'égard de la sécurité nationale. Nous nous sommes engagés à exécuter notre mandat. Il est cependant essentiel de comprendre que la protection de la sécurité nationale est une responsabilité partagée. Nous ne pourrons réaliser nos objectifs que s'il y a collaboration sur divers plans, notamment échange d'informations, renseignements et formation. Comme vous l'aurez constaté, cette collaboration doit se faire à l'échelle et nationale et internationale.

Voilà qui met fin à mon exposé formel. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Banks: Ma première question est quelque peu rhétorique: pourquoi n'a-t-on pas mis le grappin sur M. Ressam? La GRC le connaissait. Les gens du service de sécurité le surveillaient et voilà qu'il sillonnait le pays avec une bombe dans sa voiture. Les Américains l'ont arrêté. Est-ce bien? Nous sommes-nous trompés? Aurions-nous dû ou aurions-nous pu l'arrêter? Le problème était-il qu'il n'avait en vérité pas commis d'acte illégal avant d'arriver à la frontière? Mais si, puisqu'il se promenait avec une bombe dans sa voiture. Comme je le disais, c'est une question rhétorique, mais je suis certain que vous comprenez à quoi je veux en venir: Pouvons-nous arrêter des gens comme cela? Faisons-nous correctement notre travail? Nous avons parfois l'air idiot, et je pense que c'était peut-être le cas cette fois-ci, en tout cas aux yeux des profanes qui n'étaient pas au courant des circonstances? Sommes-nous heureux de la situation?

Le surintendant Pilgrim: Chaque fois qu'il y a une situation comme l'affaire Ressam et qu'il y a des personnes qui planifient ou qui organisent des activités criminelles au Canada, il est évident que nous n'en sommes pas heureux. Il y a une hésitation à aborder le détail de l'enquête, mais M. Ressam était actif et vivait à Montréal. Nous parlons d'un gros bassin de population avec quantité d'endroits où mener des activités sans être repéré.

Il existe certaines preuves que les autorités étaient au courant de sa présence au Canada, mais il ressort clairement de la chaîne d'événements qu'il n'y avait aucun élément de preuve quant au plan particulier qu'il échafaudait à l'époque. Nous avons eu de la chance que les autorités américaines aient pu l'arrêter alors qu'il traversait la frontière pour se rendre aux États-Unis.

De façon plus générale, il y a en place des procédures en vue de travailler avec les autres agences d'exécution de la loi. Le Service canadien du renseignement de sécurité est chargé d'identifier les personnes susceptibles de poser une menace pour le Canada et pour notre sécurité nationale ou pour d'autres endroits du globe, et le mécanisme d'échange d'informations et de renseignements sont en place pour veiller à ce que ces agences qui ont pour obligation d'être au courant de certaines activités y soient sensibilisées rapidement.

Mes homologues au SCRS, que vous allez recevoir, vont vous expliquer qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont été identifiées par le service, ensuite de quoi la GRC est dans certains cas intervenue à différentes étapes et à différents degrés, le tout débouchant sur l'arrestation des intéressés ou sur le démantèlement de leurs activités. Dans certains cas, grâce au processus d'immigration, ces éléments ont été expulsés du Canada.

Le sénateur Banks: Le cas de M. Ressam était-il très différent? Sommes-nous suffisamment assidus? Y a-t-il des entraves quant à la façon dont vous pouvez appréhender des personnes comme M. Ressam? Je le cite en tant qu'exemple tout simplement parce que son cas est flagrant.

Doit-on penser qu'il y a au pays un nombre important de personnes comme M. Ressam, dont nous ne savons que peu de choses ou qui ne se sont pas suffisamment connaître et qui s'adonnent à des activités auxquelles nous ne pouvons rien parce que nous ne sommes pas suffisamment au courant? Est-ce parce que nous n'avons pas la certitude qu'elles ont apporté avec elles le matériel nécessaire à la fabrication de bombes?

Le surintendant Pilgrim: Premièrement, en ce qui concerne la participation de la GRC, il faut qu'il y ait activité criminelle ou suspicion d'activité criminelle pour que nous intervenions.

Le sénateur Banks: Comme par exemple une bombe?

Le surintendant Pilgrim: Il nous faut disposer d'informations ou de renseignements selon lesquels il y a une telle activité. Faute de cela, dans bien des cas il est difficile pour nous de déterminer ce qui se passe.

Le sénateur Banks: Dans le cas précis que j'ai évoqué, savez-vous ou pouvez-vous nous dire si l'on disposait de pareils renseignements?

Le surintendant Pilgrim: Je peux vous dire que nous n'étions pas au courant de la conspiration visant la construction d'une bombe avant l'arrestation.

Le sénateur Banks: Je pense que vous étiez dans la salle lorsque nous avons parlé de l'accès légal au courrier. Vous avez vous aussi fait état de cela dans votre exposé. J'aimerais porter à votre attention le fait que tout envoi postal supérieur à une certaine taille et un certain poids est apparemment souvent ouvert à la demande de divers services de sécurité, dont la GRC, sans qu'il y ait eu au préalable obtention d'une autorisation de la cour. Les articles de courrier qui dépassent un certain poids et(ou) une certaine taille peuvent être ouverts si et quand le SCRS, l'Agence des douanes et du revenu du Canada ou la GRC pense qu'il y aurait peut-être lieu de jeter un coup d'oeil sur le contenu.

Cela vous satisfait-il que ce ne soit fait que sur votre ordre lorsque vous avez des motifs vraiment solides? N'oubliez pas que je ne m'intéresse ici qu'aux cas pour lesquels l'autorisation de la cour n'est pas requise, lorsque vous pouvez aller de l'avant sans faire appel à un juge. Êtes-vous convaincu que nous sommes suffisamment prudents? Je vous pose la question pour deux raisons: premièrement, dans le contexte de la protection de la vie privée; deuxièmement, et vous le savez mieux que moi, si nous ne sommes pas prudents, alors le procès d'une personne qui est indéniablement coupable d'avoir commis un crime ou de l'avoir envisagé pourrait échoué, faute d'avoir suivi la procédure établie.

Sommes-nous suffisamment prudents à cet égard?

Le surintendant Pilgrim: Ma réponse immédiate serait que oui, et ce pour les raisons que vous évoquez. Lorsque nous menons nous-mêmes une perquisition ou demandons à une autre agence de le faire, nous le faisons sur la base de motifs raisonnables et probables, et avec la conviction que cela devra résister à l'examen minutieux qui en sera fait à un moment donné dans le cadre du système judiciaire. Il est important que nous ne compromettions pas la poursuite éventuelle d'une affaire donnée pour une expédition de pêche, par exemple.

Le sénateur Banks: C'est précisément ce pour quoi je pose la question. Il vous faut avoir une cause raisonnable ou probable pour pouvoir demander à un juge l'autorisation d'ouvrir une simple enveloppe qui pourrait contenir une lettre. Cependant, le critère est moins exigeant en ce qui concerne les colis. Sans une radio qui vous montre quelque chose d'illégal, si le paquet ne renferme que des papiers - même si cela pourrait relever d'une activité criminelle - vous ne disposez d'aucun moyen d'avoir un motif raisonnable ou probable de penser que le paquet pourrait contenir quelque chose d'illégal. Votre seul indice est qu'il a été envoyé par ou à une personne d'intérêt. Le critère quant à l'ouverture d'envois postaux plus gros est moins exigeant, comme vous le savez, j'en suis sûr, mieux que moi, que pour les simples lettres, qui ne peuvent être ouvertes qu'avec l'autorisation d'un juge et en la présence ou du destinataire ou de l'expéditeur. Ce même critère ne s'applique pas aux colis, et c'est sur cette catégorie d'envois postaux que porte ma question.

Le surintendant Pilgrim: Du point de vue de la police, peu importe la taille du paquet. Il nous faut, pour pouvoir ouvrir un envoi, quel qu'il soit, une ordonnance de la cour. Il nous faut avoir un mandat.

Le sénateur Banks: Ce n'est pas vrai.

Le surintendant Pilgrim: C'est le cas pour la GRC. Si j'ai bien compris, Douanes Canada, Postes Canada et les services de messagerie sont autorisés à inspecter les paquets d'apparence suspecte ou pour lesquels il y a des renseignements indiquant qu'ils pourraient poser une menace. Douanes Canada doit se conformer à un ensemble de lignes directrices que je ne connais pas à fond. Le service des douanes est en tout cas autorisé à inspecter les produits et les articles qui arrivent au pays.

En ce qui concerne la police, il nous faut un mandat de perquisition pour pouvoir ouvrir un paquet qui passe par le courrier ou qui a été saisi dans d'autres circonstances.

Le sénateur Banks: Je pense me souvenir que l'Agence des douanes et du revenu du Canada nous a dit qu'il lui arrive d'ouvrir des paquets sans ordonnance de la cour à la demande de la GRC. Pourriez-vous s'il vous plaît vérifier et nous communiquer la réponse?

Le surintendant Pilgrim: Oui, absolument.

Le sénateur Cordy: Bienvenue à notre réunion. Dans mon autre vie, j'étais enseignante à Cole Harbour, alors je connais bien la région.

Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par «cyberterrorisme»?

Le surintendant Pilgrim: C'est là une question difficile. J'ai participé à diverses discussions, nationales et internationales, au cours desquelles il a été question de définir ce qu'est le cyberterrorisme. Il y a une certaine hésitation à définir le terrorisme tout court, sans parler de variantes précises comme le cyberterrorisme.

La meilleure définition que je peux sans doute vous donner est qu'il s'agit de situations dans lesquelles des systèmes d'information ou des infrastructures essentielles sont menacés par l'utilisation de systèmes informatiques. Encore une fois, n'oublions pas le motif, qui est de faire changer des politiques ou d'influencer les décideurs. Il ne s'agit pas d'une activité criminelle traditionnelle dont le motif sous-jacent est en règle générale l'argent. L'intention ici sera plutôt de faire changer des décisions politiques et d'exercer une influence auprès des décideurs politiques.

Le sénateur Cordy: Pour ce qui est de l'idée d'influencer les décideurs, le témoin qui vous a précédé ce matin a parlé de levées de fonds organisées par des mouvements terroristes et de blanchiment de l'argent ainsi ramassé dans le but de présenter un visage légitime. L'élément criminel s'efforce-t-il de façon organisée à légitimiser l'influence qu'il tente d'exercer auprès des décideurs et des législateurs?

Le surintendant Pilgrim: Voulez-vous parler des groupes traditionnels du crime organisé?

Le sénateur Cordy: Oui, des groupes du crime organisé.

Le surintendant Pilgrim: Les groupes du crime organisé utilisent différentes méthodes pour couvrir les moyens grâce auxquels leurs fonds ont été obtenus. Nous avons des lois sur le produit de la criminalité qui nous aident à traiter de certaines de ces questions.

Quant à l'utilisation du produit de la criminalité pour influencer des décideurs, il existe toujours la possibilité que des groupes du crime organisé tentent d'inciter des décideurs à relâcher certaines contraintes législatives afin que les organisations criminelles soient plus libres de mener leurs affaires comme elles l'entendent.

Le sénateur Cordy: Est-ce que ces groupes terroristes essaieraient, à l'insu du législateur, de l'influencer dans le sens de leurs propres objectifs politiques?

Le surintendant Pilgrim: Les organisations criminelles sont pour la plupart exactement cela, soit des organisations criminelles dont le but est d'obtenir de l'argent au moyen d'activités criminelles. Je n'en ai pas de détails précis, mais il y a eu certaines discussions publiques au sujet de groupes du crime organisé ayant tenté d'exercer une influence auprès de différents milieux dirigeants canadiens.

Le sénateur Cordy: Si la GRC était au courant d'une tentative d'un groupe criminel organisé d'influencer le législateur, ce dernier en serait-il averti?

Le surintendant Pilgrim: Oui, il y a en place un processus destiné à conseiller et à avertir les législateurs et autres décideurs lorsqu'il y a risque de menace, de trafic d'influence, de corruption ou d'intimidation.

Le sénateur Wiebe: Surintendant Pilgrim, j'ai beaucoup apprécié votre exposé ce matin. Vous nous avez longuement entretenu des défis auxquels se trouve confrontée la GRC partout au pays. J'aimerais insister sur le mot «ressources». Étant donné les ressources à la disposition de la GRC, je pense que vous faites un travail remarquable pour le compte des Canadiens.

J'ai cependant une très grave préoccupation, surtout en ce qui concerne le crime organisé. L'argent n'est pas un problème pour les gens du milieu. Ils sont riches. Ils s'installent dans des entreprises légales. Ils ont les moyens, grâce à ces entreprises légales, d'embaucher les personnes qui ont les compétences techniques requises. Certains de ces employés ne savent peut-être même pas que leur patron utilise ces technologies pour le crime organisé. La technologie est en évolution constante, jour après jour; elle est en ce moment même en train de changer.

Ma grande crainte est que nous, c'est-à-dire le gouvernement et la société, ne donnions pas à nos forces de police les ressources et les outils dont elles ont besoin pour pouvoir combattre ce degré de richesse. Êtes-vous en mesure de me rassurer et de me dire que ces ressources financières sont là?

Deuxièmement, je crois fermement dans l'importance d'une présence visible de la force partout au pays. Arrive-t-il que l'on sacrifie la main-d'oeuvre afin de pouvoir nous doter de la technologie qui est requise pour combattre le crime organisé?

Le surintendant Pilgrim: La question des ressources est, bien sûr, comme vous le savez très bien, une histoire sans fin. Sauf le respect que je vous dois, le gouvernement a été saisi de notre besoin de disposer de plus de ressources. Le gouvernement, par le biais du processus de financement de la lutte contre la corruption, a reconnu ce besoin. L'an dernier, il y a eu une allocation de 15 millions de dollars, et cette année 25 millions de dollars supplémentaires ont été réservés à cette fin. Voilà ce qui a été fait relativement au crime organisé.

Nous réévaluons constamment le degré de la menace et réagençons nos priorités relativement au crime organisé en conséquence. Il y a toujours la possibilité de déployer ou de redéployer des ressources et(ou) de retourner voir le gouvernement pour demander des ressources supplémentaires.

La menace dont on parle n'est pas une menace traditionnelle à la sécurité nationale. Il s'agit d'un volet qui s'inscrit quelque peu à l'extérieur de mes responsabilités actuelles. Il y a cependant certains liens entre mon secteur, du point de vue sécurité nationale et l'aspect crime organisé car, comme je l'ai dit tout à l'heure, certains des groupes qui s'adonnent à des activités criminelles, qu'il s'agisse de cartes de crédit ou d'autres documents frauduleux, ont une incidence sur le volet sécurité nationale. Et lorsqu'on se lance dans certaines de ces questions, il y a toujours un risque potentiel pour la sécurité économique également.

En ce qui concerne les besoins techniques, avec l'évolution technologique et les nouveaux moyens dont disposent les criminels pour mener leurs activités, la police est assujettie à de nouveaux défis et à de nouvelles exigences en vue de détecter, de démanteler, d'arrêter et de poursuivre. En l'absence de moyens techniques équivalents lui permettant de mener à bien ces responsabilités, la tâche est de plus en plus ardue.

La courte réponse, donc, est que oui, nous avons toujours besoin de ressources. Il nous faut également veiller à ce que les ressources dont nous disposons soient déployées de façon effective dans le contexte de la menace et des défis posés par l'activité criminelle ou par le crime organisé au Canada.

Le sénateur Wiebe: C'est un problème auquel notre société et toutes les sociétés du monde n'avaient jamais auparavant été confrontées. Aujourd'hui, le criminel peut finaliser son acte criminel à une vitesse jusqu'ici jamais vue. Il est ainsi de plus en plus difficile de détecter le fait qu'il se passe peut-être quelque chose. Les gouvernements devront peut-être fournir les ressources nécessaires pour contrer cette menace.

Comme vous le savez, je siège au Sénat du côté du parti au pouvoir et j'ai toujours eu la ferme conviction que nous ne fournissions pas les outils requis pour faire le travail. Si nous ne faisons pas attention, nous pourrions perdre la bataille.

Le surintendant Pilgrim: La question de la mondialisation de la technologie a été mentionnée plus tôt ce matin. La technologie abat les frontières traditionnelles sur lesquelles nous comptons pour contenir certaines de ces activités et nous assurer un certain avantage. Cependant, comme je l'ai souligné, une personne peut mener des activités criminelles à partir d'un sous-sol ou d'un bureau n'importe où dans le monde.

Le sénateur Wiebe: Vous pourriez commettre une activité criminelle pendant que vous pêchez à bord d'un bateau au beau milieu d'un lac.

Le surintendant Pilgrim: C'est exact.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais enchaîner sur les observations du sénateur Wiebe. Des fonds supplémentaires de 15 millions de dollars l'an dernier et de 25 millions de dollars cette année ont été versés. À quel montant d'argent vous attendez-vous pour l'an prochain?

Le fait que vous ne connaissiez pas le montant d'argent exact qui vous sera versé entrave-t-il votre planification à long terme? Ne serait-il pas préférable que le montant soit fixé quelque part afin que vous puissiez compter sur une augmentation annuelle régulière?

Le surintendant Pilgrim: Il y a en place un processus dont vous êtes au courant. Il existe un processus budgétaire traditionnel destiné à déterminer les besoins pour l'exercice financier à venir. Il y a par ailleurs en règle générale des discussions permanentes quant aux projets, initiatives et priorités particulières du gouvernement, qu'il s'agisse de la lutte contre le crime organisé ou d'autres choses, ce dans le but d'examiner les différentes rubriques davantage au cas par cas. Je n'ai pas le détail du processus. Cependant, traditionnellement, cela s'inscrit dans une stratégie permanente. Nous envisageons nos activités dans un contexte à plus long terme, surtout en ce qui concerne les priorités. Cela fait partie d'un cycle de planification stratégique annuelle auquel participe activement la GRC, comme tous les autres organes du gouvernement.

Le sénateur Forrestall: Je suis particulièrement préoccupé par des observations faites par les États-Unis et par d'autres pays et selon lesquelles le Canada serait la porte d'entrée arrière aux États-Unis pour les terroristes. J'adore la promotion du tourisme. J'adore cela lorsque les gens viennent dans notre belle province de la Nouvelle-Écosse. Nous voulons toute la bonne publicité que nous pouvons avoir. Mais cela nous nuit lorsqu'il est dit dans le monde qu'un terroriste désireux d'entrer aux États-Unis devrait s'essayer au Canada parce que c'est la porte la plus facile par laquelle pénétrer. C'est ainsi que l'on fait la promotion du Canada comme porte d'accès facile aux États-Unis. Ce genre de trafic transitoire ne m'intéresse pas.

Cela ennuie-t-il la GRC d'entendre ce genre de commentaires? Cela vous ennuie-t-il que le pays fasse l'objet de ce genre de promotion malencontreuse?

Le surintendant Pilgrim: Cela nous ramène à la question posée tout à l'heure relativement à la perception qu'ont certains que le Canada est un lieu de refuge sûr. Nous avons toujours maintenu, au sein de la communauté, que le Canada n'est pas un refuge sûr. Je pense que nos collègues du SCRS vous diront la même chose lorsqu'ils comparaîtront devant le comité. Il y a eu de nombreux cas, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, de personnes qui ont été arrêtées et expulsées; on les a assujetties au processus juridique, en passant soit par les services de l'immigration soit par les tribunaux, et on les expulsées du pays.

Encore une fois, je n'ai pas les chiffres, mais ces exemples sont la preuve que nous ne sommes pas forcément un refuge sûr; il y a toujours la possibilité que ces personnes soient repérées et arrêtées. Nous sommes une société démocratique et nous offrons donc certaines possibilités dont les habitants d'autres parties du monde ne jouissent pas. Avec notre système de société, nous avons un processus d'immigration qui invite les gens à venir au pays.

En même temps, on espère, grâce au processus de sélection obligatoire, équilibrer le processus de façon à ne pas accueillir au Canada de nombres importants d'éléments indésirables. Lorsque je dis «indésirables» je parle strictement de l'aspect criminalité pour ceux qui entrent au pays et y mènent des activités criminelles. Il existe cependant toujours la possibilité que ces choses arrivent dans le cadre du système et des processus en place à l'heure actuelle.

Le sénateur Forrestall: J'apprécie votre réponse. D'après ce que j'ai compris, surtout au cours des dernières années, il y a eu des preuves croissantes de surveillance de votre côté de cette guerre permanente par l'élément criminel - allant des bandes de motards à la mafia russe - et ce où que l'on regarde. Dans quelle mesure est-ce le cas? Êtes-vous convaincu que vous contrôlez un peu la chose? Êtes-vous en mesure de vous protéger? Les cyberproblèmes que nous avons sont quasi insurmontables. J'ignore ce que nous pourrons y faire. À mon sens, il s'agit là d'un problème énorme qui l'emporte sur celui des missiles d'États renégats, car il y a à mon sens une corruption totale si vous vous voyez refuser le genre de renseignements qu'il vous faut pour servir la population.

Dans quelle mesure le SCRS et les éléments particuliers de la force qui sont responsables de ce genre de travail sont-ils surveillés?

Le surintendant Pilgrim: Je ne peux pas vous donner de détails quant au degré de surveillance, mais je peux vous parler de la GRC. Lorsque nous menons des enquêtes criminelles ou des projets portant sur l'activité criminelle ou sur une personne se trouvant sur le territoire canadien, nous le faisons en connaissance de cause, c'est-à-dire en sachant qu'il est possible que nous-mêmes et nos méthodes soyons visés par des mesures de contre-surveillance.

Il existe en vertu de la loi une certaine protection des sources d'information et des méthodes de travail employées. Nous y recourons partout où cela est possible. Encore une fois, nous savons que le risque est là et nous tentons de mener nos opérations de façon à empêcher la contre-surveillance et la divulgation de nos activités en ce qui a trait à nos sources, à nos techniques et à nos méthodes de travail.

Le sénateur Forrestall: Réussissez-vous à recruter les experts dont vous avez besoin étant donné le niveau de sophistication de la technologie informatique?

Le surintendant Pilgrim: Il semble que nous réussissions. D'après les renseignements dont je dispose, il semble que lorsque nous cherchons une compétence bien précise que nous n'avons pas à l'interne, nous obtenons cette compétence à l'extérieur, soit par voie de recrutement direct soit par voie contractuelle, selon le cas.

Nous avons cependant au sein de la GRC une section spécialisée dans le crime informatique, et nous avons également un service d'informatique qui s'occupe des systèmes de la GRC. Ces services nous offrent un bassin d'experts en technologie.

Le sénateur Forrestall: Préférez-vous avoir des experts à l'interne ou passer contrat pour obtenir ces services? Si cela était nécessaire, pourriez-vous aller jusqu'au Royaume-Uni, par exemple, pour y trouver les compétences que vous recherchez? Faites-vous cela de temps en temps?

Le surintendant Pilgrim: Oui, il y a toujours eu un équilibre dans les capacités que nous avons à l'interne, et sur le plan financier, il n'est pas toujours faisable de maintenir une capacité à l'interne qui ne sera peut-être pas requise ni utilisée de façon régulière. C'est pourquoi nous participons à des programmes d'échanges ou de détachements comme moyen d'échanger des informations et de faire affaires. Nous participons à toute une gamme de formations internationales où beaucoup de ces compétences se trouvent réunies autour de la table et nous pouvons y puiser selon nos besoins.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous suffisamment de pouvoir pour entreprendre des poursuites, des recherches d'information et du travail de surveillance transfrontaliers? Vous sentez-vous libres ou entravés?

Le surintendant Pilgrim: Nous disposons de suffisamment de pouvoir pour faire cela. Il est important, à cet égard, que soient en place les relations et les protocoles entre la GRC et les autres agences, qu'elles soient nationales ou internationales. Bien sûr, lorsque nous parlons du Canada et de sa frontière, le premier pays qui nous vient à l'esprit est les États-Unis.

Il est important qu'il y ait de part et d'autre de la frontière une bonne relation et une compréhension des exigences et des questions juridiques respectives. Ainsi, au lieu qu'un agent de la GRC traverse le frontière en courant, il y a de l'autre côté de la frontière un degré de confiance dans la façon dont le travail va être mené.

Le sénateur Forrestall: Pour ce qui est du principe de la nécessité d'accès, donc, il existe un arrangement de réciprocité, n'est-ce pas?

Le surintendant Pilgrim: Oui.

Le sénateur Forrestall: Lorsque vous devez savoir quelque chose, dans quelle mesure nos voisins du Sud sont-ils coopératifs? Sont-ils accommodants ou bien indifférents?

Le surintendant Pilgrim: Non, je ne dirais certainement pas qu'ils sont indifférents. Grâce à l'enquête entourant l'affaire Ressam, nous avons constaté un très bon niveau de collaboration entre nous-mêmes et nos homologues de la FBI. Nous avons également eu de très bons rapports avec d'autres agences policières. Qu'il s'agisse d'agences d'État, fédérales, de la Drug Enforcement Agency ou de l'Alcohol, Tobacco, Firearms Agency, nous avons toujours eu d'excellents rapports. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous faisons également partie d'Interpol et de l'Association internationale des chefs de police. Cela nous offre bien sûr l'occasion de créer d'autres partenariats et de renforcer ceux qui existent déjà.

Le sénateur Forrestall: En d'autres termes, vous êtes plutôt heureux du niveau d'accès sélectif avec lequel nous fonctionnons avec nos voisins du Sud. Qu'en est-il du Royaume-Uni et de l'Europe?

Le surintendant Pilgrim: Oui. En ce qui concerne nos agents de liaison, nous en avons 29 en place dans 20 missions dans le monde. Ces agents contribuent grandement au développement de nos relations avec diverses agences à l'échelle mondiale. Cela contribue énormément à renforcer les partenariats qui sont en place.

Le sénateur Atkins: Surintendant Pilgrim, ma première question nous ramène au témoignage de notre premier témoin et à toute la question de la sécurité portuaire. La GRC travaille-t-elle étroitement avec les autorités locales quant aux préoccupations de ces dernières relatives aux activités portuaires?

Le surintendant Pilgrim: Oui. Selon la nature de l'activité à laquelle nous nous intéressons, nous travaillons main dans la main avec l'autorité responsable. Nous avons par ailleurs d'autres programmes visant la question plus vaste de l'intégrité de la frontière à nos ports, qu'il s'agisse d'aéroports, de postes frontière ou de ports maritimes. Nous travaillons étroitement, parfois quotidiennement, avec la police municipale ou locale, la police provinciale et les agences fédérales, en fonction des compétences de chacun. Nous menons par ailleurs nos propres enquêtes criminelles relativement à certaines activités survenant dans divers endroits. En sommes, donc, oui, nous entretenons de très bonnes relations de travail avec la police.

Le sénateur Atkins: Pourquoi avons-nous l'impression qu'il n'y a pas suffisamment de ressources compte tenu du niveau d'activité à maintenir? Par exemple, dans le port de Montréal, on a l'impression que le niveau de sécurité est insuffisant pour protéger les intérêts des Canadiens. Dans quelle mesure nos autorités sont-elles en mesure d'examiner les conteneurs pour savoir ce qui sort du pays et ce qui y entre?

Le surintendant Pilgrim: Je ne suis pas convaincu, quelles que soient les ressources qui y seraient consacrées, qu'il soit possible de régler toute la question des conteneurs dans nos ports. Comme vous le savez, le transport maritime est une activité très importante. Chaque jour un port verra passer des milliers et des milliers de conteneurs.

Il est difficile de dire qu'il nous faut des ressources supplémentaires pour traiter du problème dans son ensemble. Cependant, les ressources sont définitivement un élément dans toute la question de la surveillance de nos ports, qu'ils soient aériens, terrestres ou maritimes. La sécurité portuaire a été identifiée comme étant l'une de nos priorités nationales. L'on est en train de se pencher sur des stratégies quant à la meilleure façon d'aborder la situation. L'on espère qu'un niveau approprié de ressources sera consacré à ce défi.

Le sénateur Atkins: Si vous trouvez un camion rouge Z71, plaque d'immatriculation «Norman», faites-le moi savoir.

En ce qui concerne l'espionnage industriel, pourriez-vous nous dire si cela prend de l'ampleur ou bien si vous jugez que la situation est sous contrôle?

Le surintendant Pilgrim: C'est un sujet sur lequel je ne dispose pas de beaucoup de renseignements. La chose est surveillée et évaluée de façon régulière. Vous voudrez peut-être aborder cette question avec nos homologues du SCRS lorsqu'ils comparaîtront devant le comité.

Le sénateur Atkins: Hier, on nous a dit que les militaires éprouvaient de la difficulté à maintenir leur niveau de recrutement. Est-ce un problème du côté de la GRC?

Le surintendant Pilgrim: Le recrutement au sein de la GRC est un processus continu qui, j'en suis certain, n'est pas dissemblable de celui suivi par les militaires. Le service des ressources humaines de la GRC est sans cesse en train d'examiner la formule pour veiller au bon équilibre entre les personnes qui entrent et celles qui partent.

Nous n'avons pas de mal à attirer des candidats à la GRC. La difficulté réside dans la détermination des nombres que nous pouvons accueillir, compte tenu des compressions budgétaires et des postes établis que nous avons. L'équilibre est important. Le recrutement et l'acquisition de compétences par les agents de police ou gardiens de la paix ne semblent pas être un problème pour nous.

Le sénateur Atkins: Les nouveaux défis dans le travail de la police exigent de nouveaux niveaux de compétence. Au cours des dernières années, nous avons entendu parler des défis posés par l'équilibre ethnique et le recrutement de femmes. Auriez-vous quelque commentaire à faire au sujet de ces deux questions?

Le surintendant Pilgrim: Dans le cadre de son processus de recrutement, la GRC tient compte de ces aspects. Je n'ai pas les pourcentage exact en tête. Cependant, je sais que le pourcentage de femmes membres régulières de la GRC a sensiblement augmenté au cours des dernières années. L'on compte à l'heure actuelle des femmes parmi les rangs supérieurs de la GRC.

Nous tenons également compte d'autres exigences dans le cas de certaines localités du pays, comme par exemple Cole Harbour ou les communautés noires dans les environs de Halifax. Il s'agit là d'un aspect dont nous nous occupons de façon régulière, afin d'être certains d'avoir suffisamment de candidats noirs qui satisfassent les exigences et qui soient recrutés.

C'est un défi permanent, car dans nombre de ces localités, comme cela a été souligné plus tôt, selon le contexte culturel et historique, la police n'est pas toujours perçue comme je souhaiterais qu'elle le soit au Canada, c'est-à-dire dans une lumière positive. Dans certaines des autres cultures avec lesquelles nous pouvons être amenés à traiter, la police n'est pas toujours vue dans la même lumière.

Le sénateur Atkins: Pour en revenir aux commentaires faits par le sénateur Forrestall, je suppose que là où vous avez besoin de compétences dans certains domaines, vous recrutez des civils pour occuper des postes supérieurs à l'interne.

Le surintendant Pilgrim: C'est exact. Il y a certaines compétences dont nous avons besoin à l'extérieur de la fonction policière traditionnelle, alors la tendance est de recruter à l'intérieur de ce cadre au lieu d'aller chercher une personne, de la recruter en tant qu'agent de police puis de la former à un stade ultérieur. Il y a parfois une différence dans ce dont vous avez besoin et il faut parfois une combinaison des deux. Nous satisfaisons donc ces besoins-là également.

Le sénateur Atkins: Comment changer le slogan voulant que la GRC attrape toujours son homme?

Le surintendant Pilgrim: Dans le sens générique?

[Français]

Le sénateur Pépin: Vous avez mentionné dans votre exposé que, si la confidentialité des dossiers n'était pas respectée, les citoyens avaient moins confiance dans le gouvernement. D'une part, je suis tout à fait d'accord pour que le gouvernement adopte des lois afin de contrer le terrorisme, surtout dans le cadre de la mondialisation et de l'émergence des nouvelles technologies. D'autre part, s'il y a intrusion dans la vie privée des individus, je suis réticente. La marge de man9uvre entre les deux reste très mince. Avec les nouvelles technologies, la vie des gens devient un livre ouvert.

Vous avez souligné le fait qu'il n'y avait pas suffisamment de lois pour vous aider, mais comment pourrions-nous faire cela sans mettre en péril le droit à la confidentialité?

[Traduction]

Le surintendant Pilgrim: En ce qui concerne toute la question de la création d'un équilibre dans le développement de nos capacités d'intervenir en cas de menaces ou de menaces potentielles de telle sorte que le gouvernement, ou les systèmes ou les pouvoirs soient perçus comme étant en mesure de réagir de façon effective, nous comptons en règle générale, pour déterminer que cet équilibre existe, sur ce que nous appelons habituellement notre «évaluation de menace». Les évaluations de menace nous donnent une assez bonne idée de la nature des menaces auxquelles sont exposés le Canada ou les Canadiens dans le contexte de la sécurité nationale. En conséquence, les processus, ou les procédures ou les capacités, que nous élaborons, doivent être équilibrés par rapport à l'évaluation de la menace.

Par exemple, dans le cadre de mes fonctions antérieures au bureau du témoin qui m'a précédé ici, il y avait toujours la question des Américains qui investissaient ou engloutissaient des millions de dollars dans le terrorisme ou l'antiterrorisme, et celle de savoir pourquoi le Canada ne faisait pas de même. Il nous faut examiner cela de deux points de vue différents. Premièrement, comme je l'ai déjà mentionné, les États-Unis sont la cible mondiale numéro un des terroristes. Il leur faut en conséquence prendre des mesures que nous n'aurions probablement pas à prendre ici au Canada. Chez nous, où la menace est considérée comme étant bien moins grande - ou faible, je suppose, dans un contexte de définition - il est important que nous ne réagissions pas avec excès. Il nous faut cependant par la même occasion prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu'il y ait une approche équilibrée dans ce que nous voyons ou dans ce qui est considéré comme étant la véritable menace.

Pouvons-nous faire plus? Je pense qu'il y a en place à l'heure actuelle, comme l'a mentionné M. D'Avignon, un certain nombre d'initiatives: des initiatives gouvernementales en vue de l'élaboration d'options ou de stratégies visant le renforcement des capacités canadiennes de lutte contre le terrorisme. J'espère qu'une fois cette initiative particulière menée à terme nous verrons un meilleur équilibre.

Nous pourrons ainsi dire aux Canadiens - et je pense que nous le pouvons déjà - qu'il y a peut-être certains manquements mais qu'avec le niveau de menace existant et les méthodes et les moyens ou le processus et les arrangements qui sont en place, il y a un équilibre et nous pouvons dire aux gens qu'ils peuvent avoir confiance dans leur gouvernement, dans leurs services de police, dans leurs services de lutte contre les incendies ou autre, qui sauront intervenir efficacement dans les situations qui se présenteront.

[Français]

Le sénateur Pépin: Lorsque vous nous dites que vous avez fait une évaluation de la menace, il est entendu que nous devons vous faire confiance quant à cette information. Pourtant nous, les parlementaires, avons bien souvent l'impression que vous ne nous transmettez pas toute l'information voulue. Je comprends que vous devez protéger vos informations et que parfois vous ne pouvez pas donner certains renseignements. Cependant, le témoin qui vous a précédé m'a répondu ne pas avoir d'information quant à la question que je lui avais posée alors que cette information, en réalité, se retrouvait sur Internet. Vous pouvez toujours compter sur la collaboration des parlementaires. Toutefois, l'impression de ne pas obtenir toute l'information voulue demeure.

En ce qui concerne les systèmes de réseaux informatiques, on nous dit que le réseau informatique du Sénat peut être piraté sans problème. Le Canada est très dépendant de ces systèmes de réseaux informatiques. Pouvons-nous rester optimistes face aux menaces du cyberterrorisme et y réagir efficacement?

[Traduction]

Le surintendant Pilgrim: D'après ce que j'ai compris, le BPIEPC est en train de réaliser une évaluation. Je pense que cet après-midi vous entendrez plus de précisions là-dessus, relativement aux sources de vulnérabilité et à l'état de préparation du côté de nos systèmes d'information. Ces témoins seront peut-être mieux en mesure de répondre à ce genre de questions.

[Français]

Le sénateur Pépin: Il faut se demander si le fait de rendre la loi encore plus sévère va dissuader les délinquants informatiques ou s'ils vont continuer et trouver une autre façon de procéder.

[Traduction]

Le président: Surintendant Pilgrim, plus tôt dans la discussion, vous avez dit que le Canada était moins une cible que les États-Unis, n'est-ce pas?

Le surintendant Pilgrim: C'est exact.

Le président: Une question que se posent certains membres du comité est la suivante: si nous n'assurons pas un niveau de sécurité suffisant à nos frontières, alors les Américains nous fermeront la frontière. C'est là l'énigme que tentait de vous exposer le sénateur Atkins et que nous soumettent les législateurs américains. Ils disent: «Écoutez, nous préférions que vous régliez le problème à vos frontières, mais si vous n'allez pas le faire, nous le ferons à nos frontières.» Auriez-vous quelque chose à dire là-dessus?

Le surintendant Pilgrim: Exception faite de certaines des questions qui ont été soulevées publiquement relativement à l'immigration, questions dont on s'occupe, je pense que les Canadiens font le nécessaire. Nous avons en place, par le biais de Douanes Canada et des agences d'exécution de la loi, des mesures destinées à résoudre le problème de l'activité criminelle transfrontalière.

Dans ce contexte, les arrangements, les partenariats et la formation conjointe que nous constatons entre agences des deux côtés de la frontière contribueront, je pense, beaucoup à l'établissement non seulement d'une capacité d'intervention plus forte, mais également d'une capacité de détection. Nous constatons entre agences des échanges d'informations et de renseignements, ce dans un esprit de coopération. On comprend de par et d'autre que la frontière pourrait bien être vulnérable dans un pays ou dans l'autre. Il y a toujours eu un degré élevé de collabortion, mais il semble qu'il y ait une plus grande volonté de mettre au point des moyens et des méthodes plus solides de traiter des différents problèmes. Cela ressort clairement dans le cadre du travail du forum sur la criminalité transfrontalière et de certains des comité ou des tribunes sur la lutte contre le terrorisme auxquels je participe personnellement depuis plusieurs années. Il est clair qu'il y a un échange poussé d'informations et une conscience partagée de la nécessité de travailler plus étroitement ensemble afin d'être en mesure de réagir à certaines de ces critiques ou à certains de ces problèmes.

Le président: Existe-t-il n'importe où le long de nos frontières des zones où la police est interdite d'accès?

Le surintendant Pilgrim: Non, pas que je sache. Je sais que c'est une préoccupation qui a été soulevée il y a plusieurs années par un comité antérieur. La réponse donnée à l'époque était qu'il n'y avait pas de zone d'interdiction d'accès, et c'est toujours le cas aujourd'hui.

Le président: Permettez que je reformule la question: y a-t-il des endroits où les agents de police vont moins souvent qu'ailleurs?

Le surintendant Pilgrim: Tout dépend des arrangements en place. Là où d'autres forces de police ont juridiction ou là où existent d'autres arrangements de services de police, il est possible que des membres de la GRC ne s'y rendent pas aussi souvent que s'il s'agissait de zones relevant strictement de la compétence de la GRC. Il n'existe cependant pas de zone de non-accès.

Le président: Les agents de la GRC se déplacent-ils librement dans tout le territoire Akwesasne?

Le surintendant Pilgrim: D'après les renseignements dont je dispose, ils ont en place à Akwesasne un arrangement de travail qui permet aux agents de la GRC d'y mener leurs activités. Je n'ai pas de détails précis quant à l'arrangement en question, mais d'après ce que j'ai compris nous travaillons bel et bien dans la zone Akwesasne.

Le président: En ce qui concerne les problèmes de voiture du sénateur Atkins, vous avez dit douter que les ressources, quelles qu'elles soient, suffisent jamais pour règler le problème des conteneurs dans les ports.

Le surintendant Pilgrim: Le problème des conteneurs dans les ports est gigantesque. Je repense à l'époque où je travaillais le long de la côte Est. Il y a chaque jour un très grand nombre de navires qui arrivent dans les ports et qui en partent. Nous avons toujours été préoccupés par cette question et désireux d'être en mesure d'assurer une surveillance effective ou en tout cas de nous sentir à l'aise avec le niveau de détail des renseignements obtenus sur les navires qui entrent et qui partent. Je sais que Douanes Canada a en place un processus en vertu duquel ils examinent différents conteneurs. Nous travaillons main dans la main avec les gens des Douanes et les autres services de police pour assurer ce contrôle.

Dire qu'aucun niveau de ressources ne suffirait jamais pour régler le problème n'est peut-être pas tout à fait juste. Néanmoins, il serait difficile de citer un chiffre sans faire une évaluation poussée de toute la situation. Je ne dis pas qu'une telle évaluation n'est pas en train d'être effectuée. Je sais que nous examinons constamment tous les ports dans le but de veiller à ce que nos opérations y soient aussi efficaces que possible.

Le président: J'apprécie votre candeur, surintendant Pilgram. J'ai cependant l'impression que vous êtes en train de dire au comité que nos ports sont ouverts à la contrebande.

Le surintendant Pilgrim: Dire qu'il n'y a pas de contrebande ne serait pas exact. Dire que les ports sont ouverts à la contrebande, c'est là autre chose, et je ne peux pas me prononcer là-dessus. Du point de vue exécution de la loi, la contrebande, le trafic de drogues et d'êtres humains sont des sujets de préoccupation prioritaires pour la GRC et nous sommes en train de les examiner. Mais je ne dirais pas que nos ports sont ouverts à la contrebande.

Le sénateur Atkins: Tout cela étant dit, ne pensez-vous pas que ce serait une bonne idée qu'il y ait une agence fédérale chargée de la surveillance des ports partout au pays? La présence d'une telle surveillance dissuaderait les gens s'ils étaient au courant. À l'heure actuelle, l'impression est que les trafiquants pourront s'en tirer et ils sont prêts à prendre des risques. Était-ce une bonne idée d'éliminer la police portuaire?

Le surintendant Pilgrim: D'après ce que j'ai compris, c'était la une décision politique. Il ne serait donc pas approprié que je me prononce là-dessus.

Le sénateur Atkins: Je ne m'y serais pas attendu non plus. Il me semble que nous avons commis une grave erreur lorsque nous les avons supprimés.

Le surintendant Pilgrim: Je sais que la police locale en place à différents ports fait de son mieux pour contrer l'activité criminelle dont on allègue qu'elle y est menée. La GRC et d'autres agences oeuvrent main dans la main dans leurs efforts visant à contenir le problème. Il faudra évaluer la situation pour déterminer s'il y aurait lieu de créer une autre police portuaire et pour déterminer l'efficacité globale du remplacement du régime existant par quelque chose de nouveau.

Le sénateur Atkins: Une division de la GRC?

Le surintendant Pilgrim: Je vous laisserai le soin de faire une telle recommandation.

Le sénateur Forrestall: Je dirais, en guise d'observation, qu'un élément de la situation est de nature économique. On m'a déjà dit par le passé, et je n'ai aucune raison d'en douter, que si l'on devait examiner chaque conteneur arrivant dans les ports de Montréal et de Halifax, toute l'activité y serait paralysée. Il faut un minimum de 40 minutes pour décharger, mettre en place, ouvrir, faire inspecter par un chien, fermer, repousser et remettre un conteneur dans la chaîne. Avec de gros navires transportant 1 040 conteneurs, combien de temps cela demanderait-il? Aucun processus économique, quelle que soit la gravité du risque, ne permettrait cela. Il faut qu'il y ait une solution, et la meilleure solution, qui semble fonctionner la plupart du temps, c'est le recours à la surveillance et au renseignement.

Le surintendant Pilgrim: Nous ne pouvons pas sous-estimer cela.

Le sénateur Forrestall: Il semble qu'il y ait un petit peu de confusion entourant cela. Il nous faut une police portuaire, cela est évident. Le fardeau a été transféré à la police locale, qui n'a pas la formation requise. Elle fait un très bon travail, mais l'on parle ici d'un rôle spécialisé.

Le surintendant Pilgrim: Nous ne saurions sous-estimer la valeur des renseignements, de l'information et de l'esprit de collaboration pour veiller à ce que toutes les données soient échangées. Pour reprendre ce que vous avez dit, il n'y a aucun doute que c'est là l'élément clé dans toute cette question.

Le sénateur Forrestall: Il s'agit d'un problème difficile.

Le surintendant Pilgrim: Oui, en effet.

Le président: Merci, surintendant Pilgrim. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui.

La séance est levée.


Haut de page