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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense 

Fascicule 8 - Témoignages du matin


OTTAWA, le lundi 3 décembre 2001

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour poursuivre son étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, que vous soyez présents dans cette salle, que vous nous regardiez à la télévision ou que vous suiviez nos travaux sur Internet. Ce matin, nous poursuivons notre étude des principales questions de sécurité et de défense. Je m'appelle Colin Kenny, je suis un des sénateurs de l'Ontario et je préside le comité.

J'ai à ma gauche le sénateur Forrestall, de la Nouvelle-Écosse, qui est vice-président du comité. À mon extrême droite, le sénateur Banks, de l'Alberta. À côté de lui, le sénateur Day, du Nouveau-Brunswick. À mon extrême gauche, le sénateur Atkins, de l'Ontario et près de lui, le sénateur Wiebe, de la Saskatchewan. D'autres sénateurs se joindront à nous plus tard.

Notre comité est le premier comité sénatorial permanent à s'être vu confier le mandat d'effectuer une étude sur les questions de sécurité et de défense. Nous examinons les principaux enjeux auxquels est confronté le Canada et nous présenterons notre rapport au Sénat avant la fin de février.

Aujourd'hui, nous allons poursuivre nos travaux et entendre les témoignages des chefs des trois forces militaires - la Marine, l'Armée de terre et l'Armée de l'air - qui vont nous dresser un tableau de leurs opérations actuelles et de leur évolution au cours des cinq prochaines années. Puis nous entendrons le chef d'état-major de la Défense qui nous parlera de la mission des Forces canadiennes et de leurs plans et priorités.

Il y a deux semaines, notre comité a effectué une visite d'information dans l'Ouest. Nous nous sommes rendus dans des bases militaires à Esquimalt et à Winnipeg pour voir comment nos troupes travaillent, sont formées et vivent. Aujourd'hui, nous allons entendre les opinions du Quartier général.

Avant de présenter notre premier témoin, je tiens à dire à quel point nous sommes fiers des Forces canadiennes et de leur énorme contribution au maintien de la démocratie. Au nom des membres du comité présents ici et de tous les sénateurs, je vous dis merci.

Notre premier témoin est le vice-amiral Ron Buck, chef d'état-major de la Force maritime. Avant sa nomination à ce poste, l'amiral Buck était commandant de la Force maritime du Pacifique. Au cours d'une carrière remarquable, il a été affecté à de nombreux postes opérationnels au sein de la flotte. Il s'est vu confier également un certain nombre de missions à terre et a participé à un programme d'échange avec la Royal Navy.

L'amiral Buck est accompagné du commodore Jacques Gauvin, chef d'état-major adjoint par intérim de la Force maritime, et du premier maître de première classe Serge Joncas, premier maître du Commandement maritime.

Bienvenue. Vous avez la parole.

Le vice-amiral Ron Buck, chef d'état-major de la Force maritime, ministère de la Défense nationale: Monsieur le président, distingués sénateurs, je suis heureux de pouvoir parler avec vous aujourd'hui de l'armée canadienne et plus particulièrement de la Marine. Je crois qu'il s'agit d'une excellente occasion d'aider les Canadiens à mieux comprendre leurs militaires.

Je sais que l'on vous a remis copie de mes remarques. Vous m'avez également demandé de me limiter aux quelques questions que j'estime les plus importantes, ce que je ferai avec plaisir. Je répondrai ensuite à vos questions.

Comme vous l'avez noté, les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui sont le commodore Jacques Gauvin, mon adjoint, et le premier maître de première classe Serge Joncas, premier maître du Commandement maritime, le grade le plus élevé parmi les militaires du rang supérieur de la Marine.

Je sais que vous avez beaucoup entendu parler jusqu'à présent du cadre stratégique dans lequel évoluent les Forces canadiennes. Compte tenu de ce contexte, je suis fier de dire que la Marine répond à ses engagements opérationnels et qu'elle est considérée comme une force précieuse et fiable par nos partenaires opérationnels nationaux et internationaux. Comme vous l'avez dit, la Marine et les Forces canadiennes se distinguent grâce à la qualité et à l'engagement des hommes et des femmes qui en font partie, autant ceux qui portent l'uniforme que le personnel civil.

La Marine est en mesure de réagir à des événements liés à toute la gamme des conflits, qu'il s'agisse de missions de surveillance ici, au Canada, de missions de recherche et de sauvetage en temps de paix, d'opérations d'arraisonnement à risque élevé dans le nord du golfe arabo-persique ou d'opérations de combat. Peut-être plus représentatif encore, la Marine est tout à fait capable de satisfaire à ses obligations de déploiement, comme on a pu le constater récemment lors des départs du groupe opérationnel canadien de Halifax et du NCSM Vancouver d'Esquimalt, à l'appui de la lutte contre le terrorisme.

La Marine est une force très crédible, petite, mais qui, selon moi, est l'égale de n'importe quelle force maritime de taille comparable. En fait, il est significatif que seul le Canada ait déployé des navires qui soient totalement interopérables avec les groupes de l'aéronavale américaine et capables d'être intégrés à ces derniers. La Marine est prête, mais le maintien de cette capacité crédible et flexible représente des difficultés considérables sur le plan des ressources.

En partie en raison de ces problèmes de ressources, la Marine a adopté un état de préparation à plusieurs niveaux. Cela veut dire que certains navires ont un niveau de préparation inférieur, mais sont out à fait capables d'effectuer une myriade d'opérations de routine, ce dont ils s'acquittent tous les jours.

D'autres, qui sont déployés pour des opérations plus complexes, comme c'est le cas du groupe opérationnel, bénéficient d'un entraînement à multiples facettes et très poussé, et leur état de préparation est attesté. Le défi consiste, bien entendu, à équilibrer les ressources et à les associer aux engagements opérationnels.

J'aimerais souligner l'importance de nos deux groupes opérationnels. Dans le contexte canadien, un groupe opérationnel est composé normalement d'un destroyer ayant à son bord un commandant et un équipage, de plusieurs frégates, dont le nombre varie en fonction de la mission, d'un navire ravitailleur d'escadre, d'un sous-marin et d'un nombre approprié d'hélicoptères et d'aéronefs de patrouille maritime, selon les besoins. Ainsi, la composition du groupe opérationnel dépend de la mission et il ne regroupe pas toujours le même ensemble de navires et d'aéronefs. Le groupe opérationnel permet d'avoir la capacité de commander des forces nationales ou multinationales, comme ce fut le cas durant la guerre du Golfe et comme cela l'est encore dans la mer d'Oman, ainsi que d'assurer le commandement, le contrôle et l'exécution de missions complexes. Il assure ainsi une contribution importante et permet au Canada d'assumer un rôle particulier, ce que ne permettraient pas des navires seuls.

Je crois qu'il est important de souligner également les grands défis que doivent relever aujourd'hui la Marine et les Forces canadiennes. Les opérations navales modernes exigent des navires, des détecteurs et des systèmes d'armes perfectionnés et, à cet égard, nos navires sont à la fine pointe de la technologie. Mais pour doter ces navires, il faut des personnes instruites, motivées et polyvalentes. Vous savez sans doute que le bassin des candidats visés diminue et que la Marine doit faire concurrence à l'industrie, qui offre de très bons salaires. Ainsi, nous sommes confrontés aux problèmes d'attirer, de recruter et de garder un personnel suffisamment formé.

Une autre difficulté vient du fait que les forces navales modernes exigent beaucoup de capital. Bien que l'équipement soit rentable une fois acheté, il reste coûteux à remplacer. Il n'est donc pas facile d'en arriver à un équilibre approprié entre le maintien de la flotte actuelle et la composition de la suivante. Cela n'a jamais été simple, mais il s'agit d'un investissement qui, au cours du siècle dernier, a permis au Canada de choisir des options adaptées et efficaces pour protéger ses intérêts directement et en collaboration avec ses amis et partenaires.

Ces dernières années, les Forces canadiennes ont été confrontées à la dure réalité des réductions et des contraintes budgétaires. Cela nous a obligés à examiner toutes nos activités, à évaluer notre mode de fonctionnement, à nous pencher sur nos lacunes et à prendre des décisions sur l'affectation de ces maigres ressources. Aujourd'hui, je ne peux, en fait, que parer à l'essentiel, et c'est ce que je fais. Mais il sera difficile de garder ce cap et d'apporter des changements à long terme.

En dernière analyse, la Force maritime est un symbole de la nation. Des forces navales compétentes sur le plan technique et crédibles sur le plan opérationnel permettent au pays non seulement de prendre position sur les grands problèmes de l'heure, mais aussi de manifester sa volonté de contribuer à leur solution.

Je suis déterminé à mettre en place une marine qui servira le Canada et qui sera une force polyvalente et interopérable, capable de participer à des opérations interarmées et multinationales. D'autre part, je tiens à ce que le personnel militaire dispose des outils dont il a besoin et jouisse du respect et de la qualité de vie qu'il mérite. C'est ce que le Canada a toujours exigé de sa Force maritime, et c'est ce que je veux lui donner. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président: Vice-amiral Buck, nous vous remercions de ce bref résumé de vos remarques. Pour ceux qui souhaitent en consulter le texte, nous pourrons le leur distribuer.

Le sénateur Wiebe: En tant que sénateur de la Saskatchewan, je m'intéresse beaucoup à la Marine. Même si notre province est loin de la mer, c'est à cause de ce terrain plat et de ce blé ondoyant que tant de nos concitoyens sont attirés par la Marine.

Dans vos remarques, vous avez parlé du problème d'attirer et de recruter du personnel dans les forces armées et de les maintenir à l'effectif. Par exemple, à la suite des événements du 11 septembre, la SRC a diffusé une émission intéressante soulignant la contribution de nos forces armées au Colorado ce jour-là. Un ancien capitaine du NCSM Regina y a joué un rôle essentiel.

Une partie du problème du maintien à l'effectif ne tient-il pas au fait que des personnes très qualifiées de la Force maritime sont transférées? Cela se produit-il davantage dans l'Armée de l'air que dans la Marine?

Le vam Buck: Non, et je vais revenir sur la question du recrutement et du maintien à l'effectif du personnel. En ce qui concerne les personnes comme l'ancien capitaine dont vous avez parlé, qui occupent des postes au NORAD, nous avons un programme en cours qui permet à des membres de l'Armée de terre, de la Marine et de l'Armée de l'air d'occuper des postes d'échange et de liaison sur le terrain. Il y a trois officiers de marine dans le complexe du NORAD, ce qui est normal, car une bonne partie du travail que nous faisons dans la Marine est associée aux activités du NORAD. Les technologies sont les mêmes.

La question plus vaste du maintien à l'effectif concerne davantage le niveau des techniciens. Il faut un certain nombre d'années pour les former. Même si nous recourrons à ce que l'on appelle l'«entrée latérale», c'est-à-dire que quelqu'un qui est déjà qualifié peut entrer dans les forces armées, la plupart des nouvelles recrues n'ont qu'une formation relative. Nous leur offrons alors une formation plus poussée pour qu'elles acquièrent des compétences dans un certain nombre de domaines techniques précis. En général, il faut environ huit à dix ans pour que la question du maintien à l'effectif se pose.

Nous faisons de grands efforts pour adapter nos profils de carrière afin de les rendre plus flexibles et de donner à chacun beaucoup plus d'options. Au départ, bien entendu, nous devons attirer des gens pour qu'ils fassent le genre de travail qui est le nôtre, un travail militaire, si vous voulez. D'ailleurs, vous le savez sans doute, nous avons lancé une très grande campagne de recrutement et, je suis heureux de le dire, elle marche très bien.

Le sénateur Wiebe: Le groupe dont vous parlez est-il composé essentiellement de sous-officiers?

Le vam Buck: Dans l'ensemble, oui.

Le sénateur Wiebe: Ce sont des questions que nous devons vous poser. Le salaire est-il un facteur dans le maintien en poste d'une partie de ces gens?

Le vam Buck: Comme vous le savez, depuis la déclaration de la Conférence des associations de la défense, on a beaucoup fait pour améliorer la qualité de vie des membres du service. Cela a résulté directement du travail du CDPNAC. Je dirais que la rémunération est toujours un problème, mais que ce n'est pas le principal problème aujourd'hui. En fait, il y a trois questions de même priorité: la première est le niveau relatif de rémunération par rapport au secteur privé; la deuxième est la cadence des opérations et la troisième a trait à la vie familiale. La rémunération s'est améliorée au cours des trois ou quatre dernières années. Selon le grade, elle s'est améliorée de 20 à 30 p. 100.

Le sénateur Wiebe: La marine a fait un excellent travail pour intégrer les réservistes à la force régulière dans toutes ses opérations, beaucoup plus que les deux autres services. Les compétences que les réservistes peuvent avoir acquises dans la vie civile contribuent-elles à en faire des candidats intéressants pour les services armés? Est-ce une des motivations?

Le vam Buck: Oui, cela y contribue. Vous avez tout à fait raison au sujet de notre navale. La Marine a pris la décision, il y a environ 10 ou 12 ans, de donner une mission spéciale à sa navale, qui compte actuellement environ 3 800 membres. Il s'agissait d'une mission de défense et de surveillance des côtes. Les navires de la classe Kingston sont presque exclusivement dotés de réservistes. J'ai le plaisir de dire que ces réservistes, dont la formation et les qualifications correspondent à celles des troupes régulières, atteignent le même niveau. En fait, à bien des égards, la navale est interchangeable avec la force régulière pour ce qui est de l'ensemble des compétences.

Le stress et la fatigue que connaissent les jeunes hommes et femmes de la navale canadienne ne sont pas nécessairement connus des autres Canadiens car, bien entendu, une bonne partie de ce qu'ils font se déroule la nuit ou en fin de semaine. En fait, ils délaissent souvent leur carrière civile pour se lancer dans leur carrière navale. Mais il s'agit d'une très grande réussite. Ces gens sont extrêmement compétents et capables. Je suis fier de ce qu'ils font.

Le sénateur Wiebe: Je suis d'accord avec vous. J'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux réservistes et de naviguer avec eux.

La campagne actuelle de recrutement vise-t-elle essentiellement l'armée régulière ou s'applique-t-elle également à la?

Le vam Buck: Nous faisons les deux. En fait, il y a même des échanges entre la et la force régulière. La Marine compte 17 500 membres, dont environ 9 000 appartiennent à la force régulière et environ 4 000 sont des réservistes. Le reste du personnel est civil. La représente un tiers de la Marine canadienne.

Le sénateur Wiebe: Est-ce difficile pour les réservistes de changer de statut et de s'intégrer au service régulier?

Le vam Buck: Du point de vue technique non, ce n'est pas du tout difficile. Mais il existe pour le moment certaines difficultés de procédure que les Forces canadiennes essaient de changer. De mon point de vue, le transfert entre la force régulière et la et vice-versa devrait pouvoir se faire sans solution de continuité. Nous essayons d'éliminer les difficultés bureaucratiques pour que ce soit plus efficace et moins difficile.

Le sénateur Wiebe: Je suis heureux de vous l'entendre dire.

Le sénateur Banks: Messieurs, je suis heureux que vous ayez avec vous le premier maître de première classe Joncas, car ayant eu à un moment donné quelques liens de moindre importance avec les Forces, je sais qui est vraiment maître à bord.

Le vam Buck: Oui, je le sais aussi.

Le sénateur Banks: Comme vous l'avez dit, des restrictions ont été imposées aux Forces canadiennes, et à tout le reste dans ce pays, au cours des dernières années. Cela a donné lieu, par nécessité, à une certaine efficacité, ce qui est bien. Mais beaucoup pensent, ce que les officiers supérieurs ont de la difficulté à reconnaître, que nous ne sommes pas là où nous devrions être à bien des égards. Vous avez parlé du personnel, du recrutement et du maintien en poste. Sans vous demander d'être critique à l'égard des politiques de financement, j'aimerais que vous fassiez une comparaison. Si je comprends bien, les forces navales ont, à travers le monde, des normes concernant les jours de navigation sur les navires opérationnels et plus particulièrement les navires de guerre.

À propos, j'ai lu hier dans le journal une définition de «warship»qui m'a fait sourire. C'était: «adoration of the navy», un sentiment que nous ressentons tous, j'espère.

Quel est le nombre de jours de navigation annuels dans la Marine canadienne, par comparaison avec d'autres pays de l'OTAN? Dans quelle mesure ce nombre est-il une conséquence des contraintes budgétaires?

Le vam Buck: Le nombre de jours de navigation est une statistique intéressante dans la mesure où cela occulte parfois d'autres problèmes. En fait, pour nos navires en état de préparation poussée, nous visons environ 120 jours de navigation. Pour nos navires en état de préparation normale ou standard, nous visons 60 à 80 jours.

C'est une norme comparable à celles des forces navales d'Australie ou des Pays-Bas. Ces forces sont très comparables tout en n'étant pas précisément semblables. Nous croyons que pour atteindre un niveau supérieur de préparation, il faut environ 120 jours de navigation.

Durant ces jours de navigation, le navire se déplace et l'équipage s'entraîne dans le contexte de sa préparation et de sa certification. Cela veut dire que le navire peut être parti jusqu'à six mois au cours d'une année donnée, mais pas nécessairement consécutivement. Compte tenu de la disponibilité d'un navire, la coque est opérationnelle pendant environ deux tiers de sa durée de vie. Ce serait probablement le bon équilibre.

Ces navires et les groupes opérationnels qu'ils appuient, sont certifiés à un certain niveau et à une certaine norme, comme je l'ai dit dans mes remarques, ce qui nous permet de nous intégrer au groupe aéronaval américain. Aucune autre marine ne l'a fait.

Les navires en état de préparation normale ont un équipage qui ne suit pas tout cet entraînement, car je me suis engagé à maintenir une certaine capacité d'avant-garde et ce que l'on appelle une «force de contingence principale». Je garde l'un des deux groupes opérationnels à un très haut niveau, ce qui nous a permis de réagir comme nous l'avons fait après la tragédie du 11 septembre. L'état de préparation de l'autre groupe opérationnel est à un niveau inférieur, mais il est prêt à être déployé, ce que nous faisons aujourd'hui.

Je dirais que nous sommes comparables à de nombreuses autres forces navales. Mais il est difficile de nous comparer directement avec la Marine américaine, car ses politiques sur le personnel, entre autres, sont très différentes des nôtres.

Le sénateur Banks: Vous avez tout à fait compris ma question. Compte tenu des facteurs historiques et géographiques, nous voulons pouvoir intégrer nos efforts de défense avec ceux des États-Unis. Nous sommes un des trois pays qui partageons ce continent.

Les forces navales des Pays-Bas ou celles de l'Australie n'ont pas cette nécessité immédiate, si l'on veut, de s'intégrer. Ne devrait-on pas chercher à se rapprocher du nombre de jours de navigation de la marine américaine? Je ne dis pas que nous n'avons pas répondu à notre engagement, car ce n'est pas le cas. Comme cela a été dit, nous sommes très fiers de ce qui a été fait.

Lorsque vous avez dit que la Marine est prête, j'ai pensé au gars qui a dit: «Il y a une chose qu'on ne pourra pas vous enlever, monsieur Churchill, c'est que la Marine était prête dès le début de la guerre». La Marine est souvent notre première ligne de défense, et nous en sommes très fiers.

Mais nous devons être intégrés à la Marine américaine. Ne pourrions-nous pas dépenser un peu plus d'argent pour nous intégrer encore plus avec elle pour ce qui est du nombre de jours de navigation?

Le vam Buck: Il est évident que si nous avions un financement interconnecté, nous pourrions également faire d'autres choses. Cela se traduirait-il directement par une augmentation du nombre de jours de navigation au-delà des 120 actuels? Probablement pas.

Je vous rappellerai que nous devons non seulement respecter la norme concernant le nombre de jours de navigation, mais que nous avons aussi une série de simulateurs et de systèmes à terre extrêmement sophistiqués pour essayer d'économiser de l'argent.

Il y a 10 ans, nous utilisions une petite escadre de navires d'une certaine classe exclusivement pour l'entraînement. Ils n'avaient aucune capacité opérationnelle. Nous ne fonctionnons plus ainsi. Nous faisons la plupart de cet entraînement à terre à l'aide de simulateurs.

Historiquement, nous avons jugé suffisants les 120 jours en mer par an. Des ressources supplémentaires auraient-elles des effets sur d'autres choses? Certainement.

Le sénateur Banks: J'aurais une question concernant les immobilisations, si vous le permettez.

Nous avons quatre destroyers dont trois sont opérationnels. Je crois qu'ils approchent de la fin de leur vie utile. Comme la plupart des Canadiens s'en rappelleront, lorsque nous avons eu besoin de transporter du matériel dans les Balkans, nous n'avions pas les moyens de le faire et avons dû louer des navires commerciaux.

Nous ne pourrions pas actuellement, en utilisant la capacité de transport par mer, envoyer rapidement des forces terrestres canadiennes en avant-garde où que ce soit dans le monde. Vous avez étudié un certain nombre de plans concernant une nouvelle capacité de transport par mer, avec un navire roulier et des troupes. Quelle est la priorité de la Marine? C'est-à-dire quelle est la priorité entre le remplacement des destroyers et l'amélioration de la capacité de transport par mer? Sont-elles comparables? Quelle serait la priorité?

Le vam Buck: Le problème, quand on achète, c'est qu'on doit toujours le faire par étapes. Nous avons des besoins pour la Marine, l'Armée de l'air et l'Armée de terre. Il faut toujours procéder par étapes afin d'en arriver à un niveau abordable de dépenses en immobilisations.

Pour ce qui est du remplacement des destroyers de classe Tribal, il existe un projet visant à remplacer le commandement et le contrôle ainsi que la capacité de combat de ces navires. Cette capacité est de même nature technologique que celle des frégates. Ces bateaux ont été modernisés au moment où les frégates sont entrées en service.

Ma principale priorité pour le moment est de remplacer les deux navires ravitailleurs vieux de 30 ans, le NCSM Protecteur et le NCSM Preserver. En plus de répondre aux exigences de ravitaillement naval de base qui permet de déployer les Forces, nous cherchons à intégrer progressivement une capacité de transport par mer.

Mais j'aimerais faire remarquer que la plupart des pays qui transportent des troupes sont dotés d'une capacité de transport aérien stratégique et d'une capacité limitée de transport maritime stratégique. Le reste est sous-traité.

J'estime que l'aspect de soutien est prioritaire en raison de la présence du Protecteur et du Preserver.

Le président: Amiral Buck, pour donner suite à cette question, vous pourriez peut-être nous donner des exemples précis. Sur les 12 frégates, combien sont en mer 120 jours? Combien y sont pendant 62 jours? Combien sont amarrées?

Le vam Buck: Cela dépend du jour. Pour le moment, nous avons quatre frégates déployées. Elles sont évidemment au niveau le plus élevé d'état de préparation. Ici au Canada, il y a environ quatre autres frégates à peu près au même niveau. Les cinq autres frégates sont soit au niveau normal, soit «écartées», ce qui veut dire dans le langage de la Marine qu'elles sont en rénovation.

À tout moment donné, environ deux tiers d'une flotte devrait être disponible et non en maintenance. Dans une situation normale, environ la moitié de ces deux tiers devrait être en disponibilité opérationnelle maximale. Le reste devrait être à un niveau normal.

Le président: Le manque d'équipage et d'argent pour payer le carburant et les opérations représente-t-il une contrainte?

Le vam Buck: C'est une combinaison des deux. Nous avons commencé nos premières compressions vers le milieu des années 90. Cela a entraîné une réduction du personnel. Comme vous le savez, nous sommes en pleine campagne de recrutement. C'est un mélange des deux.

Le président: Il vous manque donc du personnel et de l'argent.

Le vam Buck: Il faut utiliser les ressources pour assurer la capacité prévue par le gouvernement. Étant donné le niveau de disponibilité opérationnelle échelonné que nous utilisons actuellement, c'est possible. Idéalement, tout le monde devrait être à un niveau maximal d'état de préparation, mais cela pourrait être considéré comme une exigence excessive.

Le président: Il est également acceptable de dire qu'il vous manque des ressources.

Le vam Buck: Je sais.

Le sénateur Forrestall: Les réservistes de la côte Ouest nous ont fait part d'une préoccupation discrète, mais présentée avec force. Pourrais-je rappeler à l'amiral que la physiologie des femmes est légèrement différente de celle des hommes et pourrions-nous fournir à nos femmes réservistes à bord des navires des vêtements qui soient mieux adaptés? Je ne veux pas de réponse immédiatement, je fais simplement un commentaire. Une demi-douzaine de personnes nous ont fait part de ce problème.

Le vam Buck: Nous en avons entendu parler et nous agirons en conséquence.

Le sénateur Forrestall: Vous voulez-vous dire qu'ils m'ont devancé? Ça ne me surprend pas.

Amiral, où en est le programme de remplacement des bâtiments de la classe Trump? Est-ce votre espoir ou votre souhait que nous les remplacions tous?

Le vam Buck: Comme vous le savez, nous travaillons actuellement dans le cadre de ce que l'on appelle une «planification de défense fondée sur les capacités». Il est certain qu'il faut remplacer le commandement et le contrôle ainsi que la capacité de défense aérienne au sein de la classe Tribal. Mais la façon exacte de procéder en est encore à l'étape de l'analyse des options.

Comme je l'ai déjà indiqué, il existe plusieurs options, que ce soit remplacer tous les navires ou envisager d'autres possibilités. Une commande sur mesure? C'est une possibilité. Des navires commerciaux? Peut-être, mais ne pourrait-on pas s'y prendre autrement? Nous sommes encore en train d'examiner la chose. Dans une certaine mesure, cela dépendra de l'étape à laquelle nous en serons, car la question n'est pas de savoir ce dont on a besoin, mais comment les acquisitions peuvent être programmées dans le plan d'ensemble.

Le sénateur Forrestall: Je crains qu'en commençant par les navires ravitailleurs, vous ne consacriez vos fonds à cela de façon à avoir cette capacité.

Le vam Buck: J'ai déjà répondu à la question. Ma principale priorité est le remplacement des navires ravitailleurs.

Le sénateur Forrestall: Cela comprendrait-il le commandement et le contrôle?

Le vam Buck: C'est une des options. Mais il faut faire attention à la capacité que l'on affecte à un navire, car cela dépend de l'endroit où veut l'utiliser et où on en a besoin. Ce pourrait être une option.

Le sénateur Forrestall: Où en est le nouveau concept de navire de soutien logistique?

Le vam Buck: Pour le moment, le ministère étudie la question. On travaille très fort à l'interne sur ce sujet. Pour le moment, il est clair que nous avons besoin de navires ravitailleurs. Même si, dans le cadre de ce programme, nous pouvons offrir une capacité de transport rentable, nous devons examiner certaines options avec l'Armée de terre et l'Armée de l'air au sujet de cette capacité. C'est une question de doctrine. Comment utilise-t-on l'Armée? Où la transportons-nous? Dans des ports commerciaux, ce qui impliquerait un navire roulier? Veut-on l'amener dans des régions plus difficiles, ce qui impliquerait un navire à coffre? Nous en sommes au stade de l'analyse.

Le sénateur Forrestall: Le ministre n'a pas encore pris de décision. Quand pensez-vous que tout cela sera terminé?

Le vam Buck: À bien des égards, cela dépend des priorités auxquelles nous sommes confrontés depuis le 11 septembre. Vous vous rendez compte de l'énorme capacité que nous avons dû déployer. Le personnel de ces navires est notre première priorité. Il serait difficile de vous donner une réponse directe. J'espère que ce projet, s'il est approuvé par le gouvernement, pourra avancer rapidement.

Le sénateur Forrestall: Combien de temps a-t-il fallu pour décider de déployer le NCSM Toronto pour remplacer le Halifax au sein de la force navale? Quand cette décision a-t-elle été communiquée au Cabinet?

Le vam Buck: Le gouvernement a pris une décision rapide. La décision concernant le moment de déployer le navire dépendait davantage du rôle de la force navale de l'Atlantique. Le Halifax était en service le 11 septembre, mais la force navale ne participait pas directement à la campagne contre le terrorisme. Nous avons prévu le départ du Toronto de telle façon qu'il jouera un rôle plus direct dans la campagne contre le terrorisme. C'est une question d'opportunité.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous toujours pensé que le Toronto serait le navire?

Le vam Buck: On a toujours prévu, au gouvernement, qu'un navire suppléant serait nécessaire. À l'époque, nous étions en train de préparer des navires à Halifax. Pour savoir quel navire on allait choisir, il fallait attendre la fin du programme d'entraînement et de certification.

Le sénateur Forrestall: Combien d'argent, en plus de ce dont vous disposez maintenant, avez-vous besoin pour réaliser votre plan d'entreprise au niveau un?

Le vam Buck: Cela varie d'une année à l'autre. Je peux parer à l'essentiel pour ce qui est de la capacité opérationnelle, mais il y a d'autres secteurs pour lesquels j'ai besoin de ressources. Je dispose de certaines options. C'est un chiffre variable.

Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous me dire à quel point les Sea King sont importants pour vous?

Le vam Buck: Les Sea King sont un outil très précieux. Les hélicoptères maritimes sont essentiels pour notre Marine et le seront encore à l'avenir.

Le sénateur Day: Amiral Buck, ma première question porte sur les quatre destroyers de classe Iroquois. Pouvez-vous m'expliquer ce qui vous a amené à la conclusion, selon les documents qui ont été remis au comité, que leur durée de vie est presque terminée?

Le vam Buck: Dans ce cas, nous ne parlons pas de «commandement et contrôle» et de système d'armes. Nous parlons de la durée de vie de la coque, de la mécanique et ce genre de chose.

Nous faisons des analyses de la capacité de notre flotte et de nos navires en permanence. Nous évaluons également le montant d'argent que nous devons investir dans un navire pour l'entretenir. C'est là la question. On peut entretenir un navire aussi longtemps qu'on le souhaite, mais cela fait augmenter le coût des ressources.

Comme vous le savez, les trois navires de classe Iroquois sont entrés en service au début des années 70. À mesure que nous remplaçons les destroyers à vapeur par des frégates, nous en arrivons au stade où nous devons nous demander pendant combien de temps nous allons continuer à consacrer ce genre de ressources à ces navires.

Les bâtiments de la classe Tribal soulèvent une autre question importante. La taille de l'équipage de ces navires, qui sont entrés en service dans les années 70, et des frégates, qui sont entrées en service dans les années 90 et dont la conception date du début des années 80, est une question différente. Il s'agit de 225 pour les frégates et d'environ 330 pour la classe Iroquois, bien que les navires soient d'environ de même taille. Il s'agit d'une différence de 100 personnes. Cela est dû au fait que la technologie de ces navires, en particulier la mécanique navale, est plus désuète.

L'objectif est de réduire le personnel. Il en est de même des navires ravitailleurs existants, dont l'effectif est d'environ 265. À l'avenir, nous aimerions réduire ce chiffre de moitié. Ce facteur entre aussi en ligne de compte au moment de prévoir les remplacements.

Le sénateur Day: Voilà un renseignement utile. Les frégates que nous avons maintenant sont de calibre mondial et s'intègrent très bien avec à d'autres marines.

Le vam Buck: En effet.

Le sénateur Day: Nous n'avons pas de porte-avions ni de navires de guerre. Il y a plusieurs classes de navires que nous ne possédons pas, mais nous occupons une place honorable sur le théâtre international, et souvent dans des situations interopérables. Pourquoi ne pourrions-nous pas remplacer les destroyers de classe Tribal par des frégates sans perdre notre efficacité?

Le vam Buck: En ce qui concerne le remplacement du commandement et du contrôle et de la capacité de combat, une des questions que nous nous posons est celle de la dimension du navire. Les navires de classe Iroquois et Tribal utilisent un système de missile MS2, qui nécessite un dispositif de lancement très important. Par conséquent, il y aussi une question «immobilière».

Un navire de la taille d'une frégate pourrait accepter ce genre de capacité. Les frégates actuelles font environ 4 800 tonnes et les navires de classe Iroquois environ 5 000 tonnes. Mais même si nous étudions la chose, il n'est probablement pas possible d'ajouter cette capacité à celle que possèdent déjà les frégates.

Le sénateur Day: Nous avions la technologie voulue dans les chantiers navals du Canada. Je suppose qu'il coûterait moins cher de construire six frégates de plus que quatre destroyers.

Le vam Buck: Cela coûterait probablement la même chose.

Le sénateur Day: Donc six pour quatre?

Le vam Buck: Le coût dépend de la capacité que vous intégrez à la conception du navire. Le coût de l'acier est d'environ 9 p. 100 du coût total d'un navire.

Le sénateur Day: J'aurais également quelques questions sur les navires ravitailleurs. Vous avez abordé cette question quand vous avez parlé du projet de capacité de transport maritime et de soutien logistique à la mer. Vous avez indiqué quelle était la fonction de soutien logistique à la mer normale actuellement assumée par les navires ravitailleurs et la capacité de transport maritime potentielle. Vous avez parlé du soutien aérien, du soutien logistique sur les côtes, des interventions en cas de crise humanitaire et d'un quartier général de la force interarmée. Il s'agit bien de commandement et de contrôle, n'est-ce pas?

Le vam Buck: Oui, mais surtout pour nos forces à terre par rapport à une unité navale.

Le sénateur Day: Vous parlez de capacité limitée dans les eaux envahies par les glaces. Est-ce de l'utopie ou prévoyez-vous vraiment un navire qui pourrait s'acquitter de toutes ces fonctions?

Le vam Buck: Sous réserve des décisions du gouvernement au sujet de l'endroit où seront appliqués les programmes des services de défense, ces capacités ne sont pas utopiques. Elles sont tout à fait faisables. Certaines seraient ajoutées selon les besoins. Par exemple, la composante quartier général serait conteneurisée et placée sur le navire. Mais les capacités de base du navire - la fonction de ravitaillement naval, le transport maritime et la capacité limitée dans les eaux envahies par les glaces la première année - sont essentielles aux options de conception que nous étudions.

Le sénateur Day: Ces navires pourraient-ils être des navires de commandement et de contrôle?

Le vam Buck: C'est possible.

Le sénateur Day: Un navire de commandement et de contrôle pourrait-il s'acquitter de cette fonction sans les capacités de défense aérienne dont disposent actuellement les Iroquois?

Le vam Buck: Nous avons décidé d'intégrer cette capacité aux navires de classe Iroquois pour compléter la capacité des frégates. C'est une des options.

Comme je l'ai dit, nous examinons les options. Bien entendu, on pourrait placer la capacité de commandement et de contrôle sur un navire assurant un soutien logistique en mer à l'avenir. Mais cette capacité n'existe pas actuellement dans les navires de classe Tribal. Cette capacité serait en mesure d'appuyer des forces à terre ou d'autres choses.

Le sénateur Day: Finalement, en ce qui concerne les navires ravitailleurs et les destroyers de classe Iroquois, la marine est-elle en mesure d'utiliser des techniques de financement modernes ou cela dépasse-t-il le champ de responsabilité des forces armées et est-ce au Cabinet de prendre une décision?

Je fais ici un parallèle avec votre impartition de choses comme les logements du personnel marié et les activités sportives. On nous a parlé de tout cela dans l'Ouest.

Pouvez-vous faire la même chose pour la location d'équipement? Vous avez indiqué que l'une de vos contraintes est le coût des immobilisations. Cela doit sortir de votre budget. Pouvez-vous le budgétiser en utilisant les techniques de financement dont se servent les compagnies aériennes commerciales et les chemins de fer? Ils louent leur équipement plutôt que de l'acheter.

Le vam Buck: L'Agence de logement des Forces canadiennes et l'Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes sont encore des organismes du gouvernement et non des ministères. Le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes sont régis par la Loi sur l'administration des finances publiques comme les autres ministères du gouvernement. C'est au gouvernement et finalement au Conseil du Trésor de décider ce qui est faisable ou non.

Le sénateur Day: L'Agence de logement des Forces canadiennes est-elle une agence des forces armées?

Le vam Buck: Non, c'est une agence du gouvernement.

Le sénateur Day: Est-ce une agence gouvernementale sans but lucratif ayant un budget séparé?

Le vam Buck: En gros, oui. Les règles de fonctionnement de chaque agence sont probablement légèrement différentes.

Le sénateur Day: Je pourrais peut être obtenir des renseignements à ce sujet plus tard. Je vous remercie d'avoir attiré mon attention sur ce point.

Le président: Dans la même veine, lorsque vous parlez de navire ravitailleur ou de navire de soutien logistique en mer, parlez-vous de deux ou de trois navires?

Le vam Buck: Je parle d'un nombre suffisant pour faire le travail. Nous faisons actuellement une étude de différentes options pour voir combien de navires nous pourrions acquérir, en comparant leur coût de cycle de vie au coût d'exploitation des navires existants. Pour le moment, nous en sommes à deux à quatre navires.

Le président: Manifestement, deux navires, comme maintenant, ce n'est pas suffisant.

Le vam Buck: Cela rend la vie difficile.

Le président: Pénible?

Le vam Buck: Difficile. J'aime les défis.

Le sénateur Atkins: J'ai été un peu surpris par votre réponse au sénateur Forrestall au sujet des Sea King. N'êtes-vous pas préoccupé par le fait que les nouveaux hélicoptères ne seront pas opérationnels avant cinq, sept ou même dix ans?

Le vam Buck: Le gouvernement aimerait acquérir les hélicoptères de remplacement d'ici 2005.

Le sénateur Atkins: Est-ce possible?

Le vam Buck: Cela reste à voir.

Le sénateur Atkins: Je ne vais pas poursuivre ce genre de questions.

Pensez-vous que le Canada devrait avoir une agence de la sécurité nationale?

Le vam Buck: Étant donné que cette question a trait directement à l'appareil gouvernemental et à son fonctionnement, il ne serait pas approprié que j'y réponde.

Le sénateur Atkins: Si le gouvernement décidait d'en créer une, qui, selon vous, devrait y être représenté?

Le vam Buck: Là encore, il existe déjà des mécanismes au sein de l'appareil gouvernemental qui font du bon travail. Théoriquement, il me semble que les intervenants seraient raisonnablement évidents.

Le sénateur Atkins: Quel effectif total devrait compter la Marine, non seulement le personnel en service actif, mais également les réservistes et les civils? J'ai l'impression que l'on recrute davantage de civils pour répondre à certains besoins de la Marine.

Le vam Buck: Non, je ne pense pas que ce soit exact. Le chiffre de 4 500 civils que je vous ai indiqué reste sensiblement le même depuis longtemps. En fait, ces chiffres sont diminués également, mais il s'agit d'emplois dans les installations d'entretien de la flotte et d'autres secteurs du même genre à Halifax et à Esquimalt. Nous ne remplaçons pas le personnel militaire par des civils de la Défense. Dans certains secteurs clés, nous avons sous-traité certaines fonctions lorsque ce n'était pas à nous de le faire.

La Marine compte actuellement 9 000 membres de la force régulière et 4 000 réservistes. Lorsque l'effectif est réellement complet, notre travail est tout à fait faisable. Le problème, c'est qu'il y aura toujours des gens qui n'auront pas été recrutés ou qui n'auront pas été formés de façon suffisante ou appropriée au sein du système.

Le sénateur Atkins: Finalement, où la Marine assure-t-elle la réfection de ses navires? Y a-t-il d'autres centres que ceux de Halifax et de Colombie-Britannique? Y a-t-il d'autres endroits au Canada?

Le vam Buck: En fait, nous procédons à ce que l'on appelle la maintenance de «première ligne» à bord. Nous faisons également une partie de notre propre maintenance de deuxième ligne dans nos deux centres à Halifax et à Victoria. Tout ce qui est de la maintenance de «troisième ligne» - ou de plus grande envergure - fait l'objet d'appels d'offres dans tout le pays et l'endroit où c'est fait varie d'une offre à l'autre. Il existe un nombre limité de chantiers navals sur la côte Ouest. Il y en a davantage entre la tête des Grands Lacs et les Maritimes. Les réfections font l'objet d'offres concurrentielles. Pas seulement les réfections, mais également ce que l'on appelle les «périodes en cale sèche».

Le sénateur Atkins: Étant donné la rapidité des changements technologiques, à quelle fréquence un navire de type frégate doit-il être rénové?

Le vam Buck: Les réfections, ou les périodes en cales sèche, pour le cas des frégates, sont de nature périodique. Nous assurons la réfection de nos navires plus anciens comme les Tribal tous les trois à quatre ans. Nous plaçons les frégates en cale sèche plus fréquemment, mais pour une durée plus courte.

Le sénateur Meighen: Amiral, excusez-moi de mon retard. Si je vous pose une question que l'on vous a déjà posée, dites-le-moi.

Je voudrais vous poser une question au sujet des réservistes, mais je vais commencer par une observation. Je pense que bon nombre des membres du comité, y compris moi-même, en sont arrivés à la conclusion que la Marine a très bien réussi à encourager les réservistes et à leur donner un travail valorisant dans le cadre de ses opérations.

Cela dit, les réservistes participent-ils à l'opération Apollo et, dans ce cas, quel est le pourcentage?

Le vam Buck: Premièrement, pour être bien clair, avant Apollo, nous avions environ mille réservistes qui étaient employés à temps plein aux patrouilles côtières de l'Atlantique et du Pacifique. Aujourd'hui, nous avons environ deux cents autres réservistes qui s'acquittent de diverses fonctions ici au Canada. Il s'agit notamment de postes sur les navires de défense côtière, de postes liés à la sécurité portuaire et de ce que l'on appelle la protection de la Force dans nos deux bases opérationnelles principales.

Le sénateur Meighen: Si je me souviens bien, lorsque nous étions à Esquimalt et lorsque nous avons parlé aux membres de l'équipage des navires de patrouille côtière, qui sont essentiellement, sinon exclusivement des réservistes, ils nous ont dit très fréquemment qu'il était extrêmement difficile d'être transféré de la à la Marine. La difficulté semble liée surtout à la question des pensions. Pouvez-vous nous renseigner à ce sujet et nous dire s'il s'agit d'un problème et si l'on cherche à y remédier?

Le vam Buck: C'est un problème. Il n'est pas directement lié aux pensions. Il a plutôt à voir avec certains obstacles bureaucratiques. Nous y travaillons. Tout comme vous, je crois - et je l'ai déjà dit tout à l'heure - que l'on devrait pouvoir passer de la à la force régulière et vice versa sans difficulté.

Le sénateur Meighen: Cela n'a rien à voir avec les pensions? J'avais cru comprendre que c'était un problème de pension.

Le vam Buck: Pour ce qui est du passage de la à la force régulière, non, cela n'a rien à voir avec les pensions. C'est plutôt une question de bureaucratie.

Par contre, pour ce qui est de passer de la force régulière à la, oui, sans aucun doute, selon l'étape de la carrière à laquelle on se trouve, les pensions peuvent entrer en ligne de compte.

Le sénateur Meighen: Pourrais-je vous envoyer une note si je trouve davantage de renseignements sur ce sujet?

Le vam Buck: Absolument

Le sénateur Meighen: Quel est le taux de maintien à l'effectif du personnel naval ayant d'autres grades et des diplômés du PFOR? Êtes-vous en bonne position à cet égard?

Le vam Buck: Dans l'ensemble, nous sommes plutôt en bonne position. Avant le 11 septembre, notre taux d'attrition était d'environ 4 p. 100 à cause de retraites prévues et de 4 p. 100 à cause de départs «imprévus», si vous voulez. Je crois qu'actuellement ce chiffre est d'environ 6,5 p. 100 pour le deux. Si l'on compare ces chiffres avec ceux du secteur privé, nous sommes en bonne position.

Le problème de la Marine est qu'il existe un certain nombre de postes techniques essentiels pour lesquels le secteur privé, en tout cas du point de vue de la rémunération, est plus intéressant.

Le sénateur Meighen: Je suppose que la Marine n'est pas la seule à avoir ce problème et que les autres services le connaissent aussi.

Le vam Buck: Oui.

Le sénateur Meighen: Même avant Apollo, les autres services étaient déjà préoccupés par la cadence accrue des opérations et la Marine ne faisait pas exception. À votre avis, quelle est l'incidence de ce rythme accru sur les familles du personnel et que fait la Marine à ce sujet?

Le vam Buck: Je suis particulièrement préoccupé par cette question. Avant le départ du groupe opérationnel, avant le départ du Vancouver, je suis allé à Halifax et à Esquimalt. J'ai arpenté les quais, les navires et les ateliers et j'ai parlé aux familles. C'est un problème grave.

En ce qui concerne les missions associées à l'opération Apollo, tant les marins que leur famille sont très déterminés. Je n'ai aucun doute à ce sujet.

Mais nous savons qu'il faut soutenir les familles, c'est pourquoi nous avons fait un énorme travail en ce sens au cours des dernières années. Je suis très heureux de vous en parler. Si ma femme était là, elle vous en parlerait très longuement. Lorsque je suis entré dans la Marine, et lorsqu'elle s'est enrôlée, elle aussi, même si elle ne le savait pas, nous n'avions guère de soutien. Aujourd'hui, nous avons des centres de ressources pour les familles militaires, où l'on trouve du personnel compétent et d'excellents programmes. Nous faisons preuve de flexibilité. Je suis très satisfait de ce que nous avons accompli. Il est toujours possible de faire plus. Je suis convaincu que non seulement nous devons soutenir les troupes, mais que nous devons assurer également un soutien essentiel à leur famille et comprendre le stress et les difficultés que représentent les longues séparations pour ces familles.

Le sénateur Meighen: Enfin, amiral, quelle serait votre réaction et auriez-vous des réserves si l'on vous demandait de monter une autre mission, alors que, selon vous, les équipages ne sont pas rentrés chez eux depuis longtemps et que cela leur causerait un stress supplémentaire?

Porteriez-vous cette question à l'attention de ceux qui vous demandent de monter une autre mission?

Le vam Buck: Absolument. Nous avons pour politique de faire en sorte que le personnel ne soit jamais parti pendant plus de six mois. Cette ligne directrice reste en vigueur, même dans le cadre de la planification de l'opération Apollo. Nous ne l'avons pas changée. Il peut arriver que nous y dérogions légèrement, c'est-à-dire qu'un navire peut rester en mer un peu plus de six mois. Mais dans d'autres cas, les navires peuvent être en mer pendant moins de six mois pour exactement la même raison. C'est un de nos critères de planification pour nous assurer de maintenir le rythme de travail du personnel. Mais c'est effectivement un problème important.

Le sénateur Meighen: Amiral, cette médaille a un revers. Il est bien beau de dire que le personnel ne sera pas absent pendant plus de six mois, mais on ne résout pas le problème s'il revient pendant deux mois et repart à nouveau pendant six mois.

Le vam Buck: C'est là le problème. Dans certains cas, les navires peuvent être partis pendant moins de six mois de sorte que l'on peut équilibrer le temps passé à la maison et en mer. C'est pourquoi au cours des prochains mois, à mesure que la campagne contre le terrorisme évoluera, nous allons modifier notre engagement et agir en conséquence.

Le sénateur Meighen: Avez-vous une idée d'un équilibre approprié? Je crois comprendre que l'Armée - et corrigez-moi si j'ai tort - préconisait une période de six mois en service et une période d'un an ou d'un an et demi à la maison, ce que nous avons complètement abandonné avec notre penchant à accepter toutes les missions de maintien de la paix. Quel serait l'équilibre approprié pour la Marine?

Le vam Buck: C'est à peu près du même ordre de grandeur, mais cela reprend une question que l'on m'a déjà posée au sujet des 120 jours traditionnels dans la Marine, les navires qui sont en état de préparation élevé étant en mer pendant environ six mois à chaque fois. Ce n'est pas anormal. Il faut surtout veiller à ne pas avoir un roulement trop rapide du personnel. Notre processus de planification en cours vise justement à ce que cela ne se produise pas.

Le sénateur Meighen: Dans la mesure où vous pouvez le faire.

Le vam Buck: Mon travail consiste à déterminer la capacité dont nous disposons et quelles sont les répercussions. Je le fais, je peux vous l'assurer.

Le président: Pour mémoire, amiral, pourriez-vous nous dire pour quelles spécialités et pour quelles compétences vous avez le plus de difficultés à garder le personnel.

Le vam Buck: Les principaux secteurs qui nous posent des difficultés sont ceux de l'électronique navale, en particulier ce que l'on appelle la «communication et la tactique acoustiques». Ce sont les principales spécialités.

Le président: Beaucoup de pilotes?

Le vam Buck: En fait, nous avons un nombre important de jeunes officiers en formation en ce moment. En ce sens, nous sommes en bonne position. Mais le problème, c'est que ces jeunes sont toujours en formation. Il y a en partie un problème de départs volontaires, mais le problème est plutôt attribuable au programme de réduction des Forces. Nous avons laissé partir trop de gens que nous aurions dû garder.

Le sénateur Meighen: En ce qui concerne la qualité de vie, on nous a parlé du syndrome du stress post-traumatique dans d'autres services. Les marins sont-ils affectés lorsqu'ils reviennent des missions de maintien de la paix, et que fait-on à cet égard?

Le vam Buck: Nous surveillons le problème. Il y a des stress associés au type de travail que nous faisons normalement dans la Marine, mais ce que les marins voient dans les opérations en mer est, par définition, plus normal que ce que voient d'autres membres des missions de maintien de la paix. Par exemple, nous surveillons de très près les gens qui ont participé à l'opération Swissair. La tragédie de Swissair a déclenché un certain nombre de cas de ce syndrome, à la fois parmi les membres d'équipage et nos pilotes. Nous surveillons constamment la présence de ces symptômes. C'est pourquoi nous avons établi des cliniques à Halifax et Victoria, dans nos centres médicaux de la Marine.

Le sénateur LaPierre: Un marin pourrait-il être affecté par le syndrome du stress post-traumatique s'il reçoit un courrier électronique de sa femme lui annonçant qu'un de ces enfants est mort ou qu'elle l'a quitté ou quelque chose de ce genre? Que fait la Marine dans ce cas? Renvoie-t-elle le marin à la maison le plus rapidement possible?

Le vam Buck: Oui, tous les commandants sont sensibles à des situations de ce genre. Le courrier électronique est un moyen d'échange extraordinaire qui a amélioré notre qualité de vie, mais il est vrai que dans les exemples que vous venez de citer, cela causerait un stress énorme et, en général, la personne en cause serait rapatriée le plus rapidement possible.

Le sénateur LaPierre: Je suppose que l'intégration des femmes dans les forces navales ne pose plus de problème dans notre pays. Cette question est-elle résolue définitivement?

Le vam Buck: Je suis ravi de répondre à cette question. La Marine a commencé à intégrer les femmes en 1987. À l'époque, cette décision a suscité un débat quant aux effets sur notre capacité opérationnelle. Je suis heureux de dire qu'il n'y a pas eu d'effets négatifs sur notre capacité opérationnelle. En fait, je crois que la présence des femmes sur toutes les classes de navires ne pose pas de problème Nous avons connu quelques difficultés, la nature humaine étant ce qu'elle est. Mais nous pensons que nos politiques sont suffisamment solides pour régler ces situations Pour ce qui est de la Marine, c'est une réussite totale.

Le sénateur LaPierre: Qu'en est-il des gais et des lesbiennes? Avez-vous une politique? Posez-vous la question?

Le commodore Jacques J. Gauvin, chef d'état-major adjoint par intérim de la Force maritime, ministère de la Défense nationale: Nous ne posons pas la question car nous ne faisons pas de discrimination contre les gais ou lesbiennes. Ils ont le droit de servir leur pays. Il n'y a donc pas de moyen systématique, ni la volonté, de poser une question discriminatoire. Les gens sont libres de choisir leur orientation ou leurs préférences sexuelles.

Le sénateur LaPierre: Les journaux ont mentionné ce matin que la GRC, au Nouveau-Brunswick, pose la question pour des raisons de sécurité car ils prétendent que les gais et les lesbiennes sont plus vulnérables au chantage. Par conséquent, ils seraient davantage prêts à révéler des secrets.

Le vam Buck: Ce n'est pas notre cas. Nous avons dépassé ce stade.

Le sénateur LaPierre: Je suppose que la GRC devra en arriver là également.

Il semble qu'un grand nombre de civils travaillent pour la Marine. Font-ils tous l'objet d'un contrôle adéquat de la sécurité et sont-ils tous sûrs?

Le vam Buck: Oui.

Le sénateur LaPierre: Êtes-vous responsable de la qualité de vie de ces membres non militaires de votre service?

Le vam Buck: Dans la pratique, c'est bien entendu le Conseil du Trésor qui est l'employeur de tous les civils du ministère. Le sous-ministre s'acquitte de ces responsabilités, mais nous avons un effectif intégré même ici, à Ottawa. Par exemple, à Victoria ou à Winnipeg, les militaires et les civils travaillent ensemble. Même si la rémunération et ce genre de chose ne sont pas traités localement, mais à l'échelle nationale, une énorme partie de ce travail est effectué par les structures de commandement locales afin que l'effectif civil soit considéré, et se considère lui-même, comme faisant partie de l'équipe. En fait, en tous cas à Halifax et à Esquimalt, les militaires et les civils participent ensemble à de nombreuses activités, comme les centres d'apprentissage, et bon nombre de ces initiatives sont d'origine locale car elles ont un lien avec la Marine. Nos navires ne pourraient pas naviguer sans les civils.

Le sénateur LaPierre: Notre «ennemi» actuel dans cette nouvelle «guerre» semble être d'origine arabe ou de culture ou de religion islamique. Cela a-t-il une influence sur le personnel que vous envoyez en mission dans ce cadre, ou évitez-vous d'envoyer ces gens pour diverses raisons? Dans ce cas, quelles sont ces raisons?

Le vam Buck: La campagne contre le terrorisme est une campagne contre un régime et non contre un groupe ethnique. Les militaires canadiens ou, dans ce cas, les marins, peuvent servir quelles que soient leurs origines.

Le sénateur LaPierre: Nous avons entendu dire que pendant la guerre du Golfe, un membre de la Marine, si je me souviens bien, n'a pas été autorisé à servir sur un navire parce qu'il était Juif. Je suppose que ce n'est plus le cas?

Le vam Buck: Ce n'est plus le cas.

Le sénateur LaPierre: Une femme islamique qui porte le voile serait-elle en mesure d'entrer dans la Marine et de continuer à porter le voile comme sa religion l'exige?

Le vam Buck: Nous avons fait d'énormes progrès à cet égard. En fait, si nous pouvons respecter les usages sans créer un risque pour la sécurité, pour cette personne ou pour les autres, nous essayons de le faire.

Le sénateur LaPierre: Est-ce un risque pour la sécurité?

Le vam Buck: Cela dépendrait des circonstances. Cela dépend de sa spécialité. Cela dépendrait du tissu dont est fait le vêtement. Si le tissu n'est pas dangereux, il n'y aurait pas de risque.

Le président: Amiral, les gouvernements nous disent que la campagne contre le terrorisme va durer longtemps. Dans quelle mesure la Marine est-elle capable de soutenir ses forces dans le cadre de l'opération Apollo et avec la Force navale permanente de l'Atlantique? Pendant combien de temps pouvez-vous soutenir ces niveaux d'intervention?

Le vam Buck: Dans l'étude des options que nous effectuons, en ce qui concerne la disponibilité des navires et aussi, bien entendu, la cadence opérationnelle dont nous avons déjà parlé, je suis assez sûr de pouvoir maintenir la capacité des groupes opérationnels pendant deux ans et plus. C'est notre horizon de planification actuel.

Le président: Quelle mission déjà en cours de la flotte avez-vous abandonnée pour envoyer ces navires en mer?

Le vam Buck: En fait, nous n'avons abandonné aucune mission.

Le président: Laissez-moi reformuler la question. Quelles tâches?

Le vam Buck: Nous n'avons abandonné aucune tâche, car en réalité, les deux tiers de notre flotte des plus gros navires de guerre restent au Canada. Tous les navires de défense côtière, les NDC, sont ici. Aujourd'hui même, nous avons une frégate qui effectue des opérations de surveillance au large de Halifax et certains NDC font la même chose au large de Victoria.

Le président: Je vais poser ma question autrement dans ce cas. Que feraient ces navires s'ils ne participaient pas à l'opération Apollo?

Le vam Buck: Les navires qui sont déployés seraient en disponibilité opérationnelle, c'est-à-dire qu'ils pourraient effectuer des opérations de surveillance ou participer à des exercices conjoints multinationaux dans l'Atlantique ou le Pacifique. Bien qu'une partie de notre travail soit exécuté dans nos eaux territoriales, pour certifier et préparer les groupes opérationnels que nous avons déployés ou sommes prêts à déployer, il faut normalement travailler régulièrement avec d'autres forces maritimes dans le cadre d'exercices internationaux importants.

Le président: Ma question n'est peut être pas bien formulée. N'est-ce pas le plus grand déploiement de force navale que nous ayons vu depuis des décennies?

Le vam Buck: C'est exact, mais nous n'agissons pas de façon isolée. Il y a certains exercices internationaux auxquels nous aurions participé, ce que nous ne ferons plus maintenant. L'exercice de l'OTAN «Strong resolve» vient à l'esprit. L'an prochain, doit se dérouler un exercice dans le Pacifique connu sous le nom de RIMPAC, mais je serai très surpris qu'il ait lieu, non pas parce que nous ne sommes pas disponibles, mais en fait, parce que toutes les forces maritimes qui y participent normalement ne seront pas disponibles car elles sont déployées pour d'autres opérations.

Le président: Vous en avez nommé deux, y a-t-il d'autres activités qui n'auront pas lieu?

Le vam Buck: Ce sont les deux principales prévues pour le moment.

Le sénateur Banks: J'aimerais avoir quelques explications. Lorsque vous dites que la Marine a un effectif de 14 000 personnes, combien de ces 14 000 postes ne sont pas pourvus actuellement? C'est-à-dire, combien de gens sont employés vraiment dans les Forces? Ce chiffre comprend-il les civils? Lorsque vous dites 14 000, s'agit-il du personnel en service?

Le vam Buck: L'effectif total - militaires, régulière et civils - est en fait de 17 500 personnes. Nous avons environ 9 000 militaires dans la force régulière et 4 000 réservistes. Cela fait donc 13 000 personnes. Il nous manque environ 300 réservistes. En ce qui concerne la force régulière, il nous manque à peu près 200 personnes, mais il y en a aussi 700 environ qui n'ont pas encore atteint le niveau de formation suffisant pour s'acquitter de leurs fonctions. Ils sont «en préparation».

Le sénateur Banks: Ce n'est pas un pourcentage exagéré.

Le vam Buck: Non, en effet, mais dans certains domaines techniques essentiels, la formation prend du temps.

Le sénateur Banks: Je suppose qu'un ancien de la grande guerre, à la fin de laquelle nous avions la troisième plus grande marine au monde...

Le vam Buck: Elle comptait 100 000 personnes.

Le sénateur Banks: ... trouverait risible l'idée d'être parti six mois et de revenir pendant un an et demi. Je suppose qu'en cas de menace à long terme ou d'un conflit conventionnel quelconque, cette politique serait forcément abandonnée en cas de crise?

Le vam Buck: Si un état d'urgence était déclaré, théoriquement, notre pays serait engagé. Nous chercherions un moyen de régler ce problème particulier. Il est intéressant de noter que sur cet effectif de 100 000, environ 95 000 étaient des réservistes.

Le sénateur Banks: Portent-ils encore des insignes dentelées?

Le vam Buck: Je suis heureux de dire que non. Nous portons tous les mêmes insignes de grade et les mêmes uniformes.

Le sénateur Banks: Bien. Dans le monde moderne, et compte tenu des circonstances actuelles, est-il raisonnable, à votre avis, que notre Marine ne représente plus que 10 p. 100 environ de ce qu'elle était en 1946?

Le vam Buck: En fait, il faudrait revenir à 1939. Avant la guerre, on avait planifié une force maritime régulière de 10 000 membres et un petit groupe opérationnel, composé surtout de transporteurs, dans l'Atlantique et le Pacifique. D'une certaine façon, la Marine que nous avons aujourd'hui est celle qui était prévue depuis très longtemps. Ce sont les chiffres qui étaient prévus avant la guerre. Après la guerre, après la démobilisation de ces 195 000 personnes, la Marine était encore plus petite qu'aujourd'hui. En fait, il a fallu lui redonner sa taille actuelle pour la guerre de Corée.

Le sénateur Banks: Les choses ont beaucoup changé. Nous ne voudrions pas refaire la dernière guerre, et ce n'est pas ce que je voulais dire. Je ne sais pas si vous pouvez raisonnablement répondre à cette question. Je vais vous demander d'abord de me répondre à titre de citoyen. Je sais à quel point c'est ridicule.

Ce qui est censé nous rassurer, c'est que, dans votre cas, la Marine respecte et même dépasse ses obligations, mais c'est arbitraire. Ses obligations sont fixées, je suppose, par des bureaucrates et des politiciens sur les conseils, j'en suis sûr, de personnes d'expérience et bien informées. Ces exigences sont-elles réalistes? Si nous avons satisfait à nos exigences concrètement, c'est très bien, mais il y a une autre réalité dont on ne tient peut-être pas compte. Voilà ma question. La réalité de notre situation dans le monde est-elle bien reflétée dans ce que vous appelez les exigences actuelles de la Marine?

Le vam Buck: Sénateur, le Canada a une certaine population et un certain PIB, et les Canadiens doivent prendre des décisions dans de nombreux domaines. La défense est un de ces domaines. Mais je dirais, pour revenir à ma réponse de tout à l'heure, que, relativement parlant, la taille de la Marine d'aujourd'hui correspond au niveau de capacité que les Canadiens ont demandé, traditionnellement et en ce moment. Pourrait-elle être plus importante? Oui, mais là encore, il incombe à d'autres de prendre cette décision.

Le sénateur Banks: À votre avis, doit-elle être plus importante?

Le vam Buck: Je crois qu'en ce qui concerne la taille de la flotte, notre capacité est ce qu'elle devrait être. La Marine a une capacité bien supérieure à ce qu'elle était il y a dix ans par exemple.

Le sénateur Wiebe: J'aimerais revenir à la question des opérations quotidiennes. Nos destroyers, nos frégates et le Protecteur, le navire de ravitaillement, participeraient normalement à des exercices d'entraînement comme le RIMPAC. Je suppose que la majorité du temps passé sur ces trois classes de navires serait consacré à l'instruction, en particulier avec l'arrivée des navires de défense côtière et des sous-marins. En plus de la formation associée à la sécurité du Canada, quel genre de mission auraient nos frégates et nos destroyers en tant de paix?

Le vam Buck: Avec notre flotte - frégates, destroyers et navires de défense côtière - nous établissons un programme de roulement qui comprend des opérations nationales, c'est-à-dire l'aspect surveillance. Ce sont nos frégates - pas les destroyers, normalement - et les navires de défense côtière qui s'en chargent. Ce travail pourrait être légèrement modifié, compte tenu de la situation actuelle.

Avant de pouvoir évaluer exactement quelle sera notre contribution à l'opération Apollo, il serait prématuré de dire ce que nous allons précisément faire et ce que nous allons privilégier. Nous avons des engagements envers d'autres ministères et nous devons patrouiller les côtes de notre pays. Nous continuons à faire ce travail car il s'agit là de priorités pour la Marine.

Le sénateur Wiebe: Je suis sûr que bon nombre des marins déployés pour l'opération Apollo, du fait de leur entraînement dans le cadre d'exercices comme RIMPAC, ont au moins une fois pendant ces périodes d'entraînement, passé six mois loin de chez eux.

Le vam Buck: Oui.

Le sénateur Wiebe: Cela n'a rien de nouveau pour les marins ou leurs familles. Ce qui est différent, je suppose, et qui peut susciter d'autres préoccupations, c'est qu'il existe une possibilité réelle de combat, alors que jusqu'à présent, il s'agissait simplement d'exercices.

Le vam Buck: Oui.

Le sénateur Wiebe: Ces familles sont habituées à avoir un de leurs membres en mission pendant six mois. Ce n'est pas nouveau.

Le vam Buck: Ce n'est pas nouveau. C'est ce que j'ai essayé de dire tout à l'heure. Ce qui est différent, dans une certaine mesure, c'est l'incertitude qui entoure cette campagne.

Le sénateur Wiebe: Merci.

Le sénateur Forrestall: Pour revenir à la question du courrier électronique, quelle est la fréquence d'accès de l'équipage au courrier électronique?

Le vam Buck: En ce moment, tous les jours.

Le sénateur Forrestall: Toutes les heures?

Le vam Buck: Dans certains cas. Cela dépend d'un certain nombre de facteurs. Le premier est en fait la largeur de bande. Autrement dit, la capacité et la mesure dans laquelle elle est utilisée pour les renseignements opérationnels. En général, tant qu'il reste une capacité en plus des exigences relatives aux renseignements opérationnels, on peut envoyer autant de courriers électroniques qu'on a le temps de le faire. Normalement, sur la plupart de navires, il y a une personne qui regroupe tous les courriers électroniques quotidiens et les envoie tous en même temps.

Le sénateur Forrestall: Il n'y a pas de capacité par satellite?

Le vam Buck: Non, si elle existait, je l'utiliserais probablement.

Le sénateur Forrestall: Quatre mois se sont maintenant écoulés depuis les événements qui ont conduit à ce problème. Avons-nous déjà pensé à une médaille?

Le vam Buck: Les responsables du personnel étudient la question.

Le sénateur Forrestall: Très bien. Ma deuxième question porte sur les avantages accessoires. Il y a trois semaines environ, des gens se sont plaints que les quelques dollars supplémentaires que nous avons débloqués n'ont pas eu d'effets concrets en ce qui concerne les familles. Était-ce un problème et a-t-il été corrigé?

Le vam Buck: Premièrement, je ne pense pas qu'il s'agisse d'avantages accessoires.

Le sénateur Forrestall: Je cherchais la bonne expression.

Le vam Buck: Il s'agit d'un soutien pour les familles en difficulté. Nous cherchons des moyens d'intervenir. Je sais que nous en avons déjà trouvé un. Nous avons pu prendre des mesures pour que certaines familles puissent se déplacer à Noël, ce qu'elles n'auraient peut être pas fait si le conjoint était resté à la maison.

Le sénateur Forrestall: Mais cela ne s'est pas encore réalisé. Rien n'est encore organisé. Y travaillez-vous encore?

Le vam Buck: Ce dont on discute, ce n'est pas tant le niveau d'intervention, mais plutôt la question de savoir où commencer et quoi inclure. Je pense que nous avons presque terminé.

Le sénateur Forrestall: Quelle est la démarcation? Est-ce l'autre extrémité du canal de Suez?

Le cmdre Gauvin: C'est la mer Rouge, et de l'autre côté, c'est la pointe sud du Pakistan.

Le sénateur Forrestall: Voilà qui est intéressant. Nous sommes là au complet, n'est-ce pas?

Le vam Buck: Oui, sauf le Vancouver.

Le sénateur Forrestall: Il devrait être là dans quelques semaines?

Le vam Buck: Oui.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais poser une question au premier maître. Lorsque nous avons besoin de l'aide de professionnels pour les hommes et les femmes qui font partie des troupes, pouvons-nous l'obtenir auprès du personnel du Commandement maritime dans l'Est ou devons-nous nous adresser à l'extérieur - je pense aux psychologues et aux psychiatres - pour obtenir ce genre de services professionnels? Ces services existent-ils au sein des Forces ou faut-il s'adresser à l'extérieur?

Le pPremier maître de première classe Serge Joncas, premier maître du Commandement maritime, ministère de la Défense nationale: Nous avons ces professionnels au sein de notre Marine. De plus, nous avons le Programme d'aide aux membres des Forces canadiennes, auquel peuvent s'adresser les marins et leurs familles s'ils ont des difficultés. Ce service est ouvert 24 heures sur 24, tous les jours. On y traite tous les types de problèmes personnels ou professionnels. Oui, ces services sont disponibles.

Le vam Buck: J'aimerais ajouter que nous avons également des professionnels à l'effectif à Halifax et à Esquimalt, mais on peut également s'adresser à l'extérieur. Si quelqu'un ne trouve pas l'aide qui lui convient auprès de nos professionnels, nous l'envoyons à l'extérieur. Mais nous avons cette capacité à l'effectif.

Le sénateur Forrestall: Je me rappelle lorsque nous avions encore des chaudières qui haletaient et que le commandant voulait aller le long du bord rapidement, certains paniquaient complètement car ils étaient terrifiés. Avons-nous des programmes de counselling pour ce type de situation? Cela n'existe plus, mais je pense aux personnels non militaires. Il y a bien des endroits où le travail est suffisamment dangereux sans avoir à s'engager dans une autre carrière. Accordons-nous suffisamment d'attention à cette question?

Le vam Buck: Nous nous y intéressons et nous avons cette capacité. Comme nous l'avons dit, la difficulté est de découvrir le problème au tout début. Mais oui, c'est effectivement quelque chose dont nous nous préoccupons.

Le sénateur Forrestall: Nous avons entendu dire que les Sea King déployés pour l'opération Apollo ne sont pas munis des radios Have Quick.

Est-ce vrai? Dans ce cas, comment communiquons-nous avec les autres membres de la coalition?

Le vam Buck: L'équipement de radio Have Quick a été mis en place au moment de la guerre du Golfe. Il était question de l'installer sur les Sea King, mais l'équipement d'alors était quelque peu désuet. En fait, il a été remplacé par une nouvelle technologie et un nouvel appareil. On ne l'a donc pas installé du fait qu'un appareil a remplacé l'autre, mais les Sea King sont tout à fait en mesure de communiquer. Par conséquent, il n'était pas essentiel qu'ils soient équipés avant d'être déployés.

Le sénateur Forrestall: Très bien. Nous avons la capacité d'installer la nouvelle technologie outremer. Nous n'avons pas à les amener d'abord ici?

Le vam Buck: Je vous demanderais de poser cette question au chef d'état-major concerné, car je ne suis pas certain que l'on puisse le faire sur place ou pendant une période de maintenance.

Le président: Amiral, les Sea King peuvent-ils vraiment communiquer en toute sécurité avec les autres membres de la coalition?

Le vam Buck: Non, je dis que les Sea King peuvent communiquer avec les Forces selon leurs besoins, avec les navires et les contrôleurs et, dans ce cas, les Forces canadiennes.

Le président: S'ils étaient munis de la nouvelle technologie dont vous parlez, ils pourraient alors communiquer en toute sécurité?

Le vam Buck: Ils peuvent le faire déjà, avec les Forces canadiennes.

Le président: Mais ils ne peuvent pas communiquer avec les gens avec lesquels ils naviguent?

Le vam Buck: Dans certains cas, oui, mais dans d'autres, non. Il y a des capacités différentes au sein de la coalition - il y a celles des États-Unis et celles d'autres nations. Il existe des questions d'interopérabilité complexes qui sont associées aux différents équipements utilisés par différents pays.

Le président: Cette absence des radios Have Quick veut-elle dire que nous pouvons ou que nous ne pouvons pas communiquer avec les forces de la coalition?

Le vam Buck: Cela dépend des Forces. En général, on ne pourrait pas communiquer avec les forces américaines.

Le sénateur Day: Je voudrais poser une question sur la planification à long terme, du point de vue des états financiers et de la budgétisation. Il y a quelques années, il avait été question que la Marine se départisse de ses chantiers de réparations de Halifax et Victoria et sous-traite ce travail. Où en est-on aujourd'hui?

Le vam Buck: Il existe un processus interne, les «autres modes de prestation des services», qui permet d'examiner notre mode de fonctionnement. Nous avons fait une étude pour définir «l'organisation la plus efficace» et vérifier que nos procédures internes étaient aussi rentables et efficaces que possibles. Puis nous avons procédé à une analyse pour comparer les coûts de cette capacité interne et ceux d'une impartition au secteur privé. Les installations de maintenance de la flotte continuent d'être exploitées par nous et le sont de façon efficiente et efficace.

Le sénateur Day: Dois-je comprendre qu'il s'agit d'une activité essentielle?

Le vam Buck: Nous examinons continuellement nos activités, mais pour le moment, compte tenu de l'analyse coûts-avantages, nous assumons nous-mêmes cette activité.

Le sénateur Day: La majorité des gens qui travaillent dans les centres de maintenance de la flotte sont-ils des civils ou des militaires?

Le vam Buck: La majorité sont des civils, bien que nous employions aussi des marins.

Le sénateur Day: Il ya environ 4 000 civils. Quel pourcentage travaille à la maintenance?

Le vam Buck: Environ la moitié, repartie sur les deux côtes.

Le sénateur Banks: Merci. D'après les assurances que vous nous avez données aujourd'hui, dois-je comprendre que les membres du comité peuvent partir du principe que vous n'allez pas demander d'injecter des fonds d'urgence dans la Marine.

Le vam Buck: Comme j'ai essayé de l'expliquer, nous parons à l'essentiel, mais c'est tout ce que nous pouvons faire. Cela veut dire qu'il faut décider ce que nous faisons et ce que nous ne faisons pas. Notre capacité à long terme dépend de ce que le Canada et les Canadiens demanderont de leurs militaires à l'avenir. Je pense que nous avons besoins de ressources pour que les militaires puissent faire ce qu'on leur demande de faire. Comme je l'ai dit, je pare à l'essentiel. J'aimerais avoir davantage de possibilités. Mais je peux vous dire ceci: mon travail consiste à évaluer les risques, ce sont des Canadiens et des Canadiennes qui sont sous mon commandement. Je ne prends pas cette responsabilité à la légère. Du point de vue de la Marine, les choses ont profondément changé, il y a un an, lorsque le USS Cole a été frappé. À ce moment-là, il y avait un navire de guerre canadien sur place. Nous avons donc pris des décisions réfléchies. Nous avons changé notre façon d'exercer nos activités pour que les hommes et les femmes qui servent sur nos navires disposent des outils nécessaires pour faire leur travail. Il n'y a pas de risque zéro, mais ils doivent avoir les outils qui leur permettent d'atténuer ce risque.

Le sénateur Day: Cela veut-il dire que lorsque vous êtes amarré dans un port étranger, les hommes sont maintenant armés?

Le vam Buck: Cela dépend du port, mais c'est effectivement une des choses qui ont changé.

Le président: Amiral Buck, au nom du comité, je vous remercie du témoignage que vous avez présenté aujourd'hui. Nous l'avons trouvé utile et nous vous remercions de nous avoir consacré un peu de votre temps et de la patience dont vous avez fait preuve pour nous répondre. Je réitère ma première observation: le comité est très fier des hommes et des femmes qui servent actuellement dans la Marine. Nous tenons à le souligner et nous souhaitons que vous leur transmettiez ce message.

Nous accueillons le lieutenant-général M.K. Jeffery, chef d'état-major de l'Armée de terre. Né à Londres, en Angleterre, le lieutenant-général Jeffery a joint les rangs du Régiment royal de l'Artillerie canadienne en 1964. Au cours d'une carrière distinguée, il a assumé divers postes de commandement et d'état-major au Canada et à l'étranger. Il a été promu à son grade actuel en mai 2000, en plus d'être nommé adjoint spécial du CEMD pour la restructuration de la. Le lieutenant-général Jeffery est accompagné de l'adjudant chef J.E.R. Munger, adjudant chef du Commandement de la Force terrestre.

Avant que nos témoins ne commencent, j'aimerais dire combien nous sommes fiers des hommes et des femmes qui oeuvrent au sein de l'Armée canadienne et combien nous apprécions le travail qu'ils accomplissent. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir leur transmettre ce message de notre part.

[Français]

Le lieutenant-général M.K. Jeffery, Chef d'état-major de l'Armée de terre, ministère de la Défense nationale: C'est avec grand plaisir que je viens vous parler aujourd'hui de l'Armée de terre. Je suis accompagné de l'adjudant-chef Roger Munger, sergent-major de l'Armée des airs.

[Traduction]

Monsieur le président, les observations que je vais faire ce matin vont être brèves. Le colonel Bill Peters, directeur de la Planification stratégique (Opérations terrestres), a comparu devant vous le 19 juillet 2001 et vous a donné une vue d'ensemble de l'armée, de ses capacités actuelles et des défis auxquels elle fera face à l'avenir. J'ai transmis une version complète de mes remarques préliminaires, mais je crois comprendre que vous souhaitez que je m'en tienne uniquement aux faits saillants ce matin.

Selon moi, en dépit des pressions qu'elle a subies, l'Armée continue de remplir sa mission avec succès, ce qui témoigne de la qualité de nos soldats et de l'aptitude professionnelle des unités canadiennes à s'adapter rapidement à des circonstances difficiles et changeantes. Ce sont des qualités rares qu'il nous faut gérer judicieusement.

C'est d'autant plus important étant donné les défis auxquels nous faisons face. On compte sur l'Armée, comme les récents événements que nous avons connus l'ont démontré. Or, sa viabilité est limitée, et il est urgent qu'elle améliore sa capacité en se modernisant. Avant toute chose, elle reste unie et focalisée sur ses objectifs devant les défis qu'elle doit relever.

Il est toujours difficile pour une organisation, quelle qu'elle soit, de faire la part des choses et de trouver le juste milieu entre ce que l'on exige d'elle et les ressources dont elle dispose, car les fonds ne sont pas à la mesure des besoins ni, souvent, des ambitions. Quoi qu'il en soit, l'expérience récente a montré que ce que l'on exige de l'armée requiert, pour préparer l'avenir, une gestion prudente de nos ressources critiques, ce qui recouvre non seulement les ressources financières, mais également les ressources humaines et le temps, car aujourd'hui, le temps compte parmi les ressources qui nous manquent le plus cruellement.

Cela m'a amené à élaborer un plan de restructuration des éléments de l'Armée pour rehausser son efficacité et nous permettre de la moderniser. Pour le moment, cela n'est pas censé se traduire par de grands rajustements, mais par des changements structurels internes et des déplacements de personnel. Outre ces changements structurels, nous sommes en train de mettre en oeuvre une approche plus systématique de la gestion de la disponibilité opérationnelle, afin d'avoir une meilleure idée de l'état de préparation et de la capacité des troupes, et d'être en mesure de faire les ajustements nécessaires, compte tenu de paramètres clairement définis et d'échéances prévisibles.

[Français]

Aucune de ces initiatives ne comblera la pénurie de ressources et de temps, mais elles veilleront à ce que notre emploi des ressources et du temps soit le plus efficace possible. Je m'attends à ce que nos soldats bénéficient de cette approche plus rationnelle et je tiens à ce que leur qualité de vie augmente sensiblement.

[Traduction]

La viabilité est importante, mais un défi encore plus grand est celui d'atteindre de nouveaux niveaux de capacité et de faire évoluer l'Armée vers l'avenir. Comme toutes les autres institutions, nous ne pouvons pas nous en tenir à l'immobilisme, et l'Armée de terre, en tant qu'élément des Forces canadiennes, élabore des concepts et des plans qui mèneront à un nouveau type d'armée. Cette armée de demain, nous la bâtissons en ce moment même. Cela prendra du temps, et même si certains éléments sont mis en place maintenant, le tout ne sera pas complètement achevé avant au moins cinq ans.

Nous avons étudié le caractère changeant des conflits, et nous avons reconnu que les besoins en forces militaires, et plus particulièrement en armées, évoluent. Il ne s'agit pas, selon moi, comme certains l'ont soutenu, d'éliminer certaines formes de conflit plutôt que d'autres, mais d'élargir le spectre des conflits, ce qui nécessite que les forces militaires soient aptes à affronter des menaces de plus en plus diversifiées. Dans ces conditions, le défi à relever pour l'Armée de terre est de déterminer comment s'organiser, s'équiper et s'entraîner pour mener à bien des opérations dans des situations aussi diverses que complexes.

La réponse au problème n'est pas facile à trouver, mais nous envisageons certaines solutions pour moderniser et restructurer l'Armée afin de mieux affronter cette réalité. Nous mettons sur pied une force de poids moyen, dotée de systèmes modernes de commandement, de contrôle et de surveillance, ce qui en optimisera l'agilité et la capacité de mener toute la gamme des opérations. Elle sera plus aisément apte à se déployer stratégiquement, ce qui lui permettra d'affronter les menaces aux premiers stades. Constituer une telle force prendra du temps et nous obligera à procéder à de vastes expérimentations pour nous assurer que nous avons la capacité requise. Ces expérimentations sont en cours, et je suis persuadé qu'avec l'appui nécessaire, nous atteindrons cet objectif. Avant tout, cette force pourra effectivement combattre et gagner sur le champ de bataille moderne, tout en ayant la capacité d'accomplir toutes les tâches qu'exigera le contexte évolutif de la sécurité.

Un élément indispensable de l'Armée de terre moderne est sa force de réserve et, dans le cadre de la modernisation, nous devons examiner la restructuration de la. Le cadre du projet de Restructuration de la de la Force terrestre est énoncé dans le plan stratégique de la RRFT approuvé l'an dernier, mais les travaux sur la structure de la doivent également être harmonisés avec ceux de la force régulière. Je perçois les réservistes comme une ressource axée sur l'avenir; ils doivent pouvoir participer quotidiennement à la sécurité nationale et se mobiliser dans le pire des scénarios. Il s'agit, pour nous tous, de déterminer la structure optimale de la pouvant répondre à ces deux exigences. Ce n'est pas une question à laquelle il est facile de répondre rapidement, mais nous étudions la question, et il nous faudra un processus de consultation élaboré pour nous assurer d'obtenir les résultats voulus.

[Français]

Mais le monde continue de changer et ce, avant même que les plans relatifs à cette nouvelle armée soient achevés, nous affrontons de nouveaux changements dans le contexte de la sécurité comme nous l'ont montré les événements du 11 septembre dernier.

[Traduction]

Lorsque nous envisageons la guerre terrestre, nous devons comprendre ce changement et déterminer comment y faire face. À mon avis, nous n'assistons pas à l'émergence d'une nouvelle forme de guerre, nous sommes plutôt témoins de l'expansion de la conduite de la guerre. L'émergence de menaces asymétriques n'empêche pas que des forces étatiques conventionnelles puissent s'engager dans un conflit symétrique, mais il est peu probable que nous soyons témoins d'un conflit sans menace ni attaque asymétrique. Dans certaines situations même, les conflits asymétriques prédomineront.

Dans un sens, comme je l'ai dit plus tôt, nous assistons à l'expansion du spectre des conflits, ce qui fait que le champ ou l'espace de bataille se complique. Il s'agit pour nous de déterminer comment nous préparer à un tel champ de bataille et ce que cela implique pour l'Armée de terre de demain. Nous n'avons pas toutes les réponses, mais je suis persuadé que l'Armée que nous bâtissons sera mieux équipée pour faire face à toute éventualité. Il s'agit par conséquent d'un investissement judicieux, mais il reste beaucoup à faire.

En résumé, il sera de plus en plus difficile de soutenir et de maximiser nos capacités dans les limites des ressources à notre disposition, tout en tâchant de nous adapter à ce monde complexe et de répondre aux demandes croissantes en matière de défense. Si on lui accorde l'appui dont elle a besoin, je suis persuadé que l'Armée canadienne saura relever le défi. Nous formons certains des meilleurs soldats et des meilleures unités au monde. Cependant, il y a des limites réelles. Nulle efficacité ni technologie de pointe ne peut remplacer la taille et la profondeur d'une force, et en fin de compte, ce sont le gouvernement et la société qui doivent déterminer nos missions. Il nous revient de veiller à pouvoir les réaliser du mieux que nous le pouvons.

Honorables sénateurs, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Day: Mon général, j'aimerais que vous apportiez quelques précisions sur ce que l'on peut lire dans le texte de votre exposé. Vous parlez du bataillon de soutien de commandement. Vous indiquez que pendant la réorganisation qui est en cours, il va falloir que vous apportiez des changements structurels au sein du bataillon de soutien de commandement et que vous fassiez des économies ailleurs pour y parvenir. Je présume que cela signifie que le système a certaines limites sur le plan des ressources financières ou humaines. Pourriez-vous nous donner des précisions?

Le lgén Jeffery: Certainement. Vous avez tous entendu parler de ce que l'on appelle la «guerre de l'information». Cette expression reconnaît le fait que, vu le rythme auquel les choses changent, le moteur de la plupart des organisations, c'est l'information. Tout simplement, pour un soldat, cela signifie que si l'ennemi sait où vous êtes plus vite que vous, c'est l'ennemi qui a l'avantage. Il faut que nous inversions la tendance. Il faut que nous nous assurions de savoir ce que l'ennemi fait et surtout, d'en savoir le plus possible sur l'environnement dont nous parlons. Avec ces informations, nous pouvons agir et nous adapter plus rapidement et par conséquent, conserver l'avantage. Voilà ce que donne l'information. Toutefois, ce n'est pas quelque chose que l'on peut acquérir facilement. Il faut des capteurs et la capacité de recueillir cette information et ensuite, il faut pouvoir en faire la synthèse et en tirer les connaissances dont les commandants ont besoin pour lancer leurs forces dans l'action. C'est en quoi consistent les opérations d'information.

Nous n'avons pas ces capacités aujourd'hui. Il nous manque des systèmes de surveillance d'importance critique. Vous connaissez certainement le Coyote, qui est un très bon système, mais qui n'est qu'un élément d'un environnement plus complexe. L'Armée, en collaboration avec les autres services, est en train d'élaborer un système de renseignement, de surveillance, d'acquisition d'objectifs et de reconnaissance plus connu sous le sigle ISTAR, qui nous permettra de recueillir un grand nombre de ces renseignements. Nous sommes en train de mettre en place un système d'information, de commandement et de contrôle très complexe pour gérer ces renseignements. Comme nous le savons tous, posséder plus de données et plus d'informations ne signifie pas posséder plus de connaissances. Il faut organiser tout cela. Si nous y parvenons, nous aurons le pouvoir que peuvent donner l'information et les nouvelles technologies.

Nous essayons de regrouper sous un seul toit les éléments principaux dont nous avons besoin pour créer au sein de l'Armée un secteur des opérations d'information. À l'heure actuelle, nous possédons dans l'Armée beaucoup des capacités requises, mais elles sont dispersées et il faut que nous les regroupions sous le même toit. Essentiellement, il s'agit d'une réorganisation interne, mais comme tout changement de cette nature, cela coûte de l'argent et exige un personnel adéquat.

Il y a des coûts additionnels qui doivent être financés quelque part.

Nous venons de traverser une décennie marquée par de grands bouleversements et des restrictions budgétaires. En toute franchise, maintenant que nous avons un peu de recul, nous nous rendons compte que nous aurions dû mettre sur pied un bataillon de soutien de commandement il y a des années; cela n'a pas été le cas, quelle qu'en soit la raison. Cependant, c'était en partie parce que nous n'avions pas la marge de manoeuvre nécessaire sur le plan des ressources. L'Armée se trouve maintenant dans une situation où le manque de ressources ne peut plus justifier que ce concept ne soit pas mis en oeuvre. Quoi qu'il en coûte, je dois trouver, à l'interne, les ressources nécessaires, l'argent et le personnel, pour mener à bien cette étape critique de la modernisation.

Le sénateur Day: Dois-je comprendre que le bataillon de soutien de commandement sera le groupe qui, dans l'Armée, fera la synthèse de renseignements venant d'ailleurs?

Le lgén Jeffery: C'est ce que nous envisageons, en plus de posséder probablement certains des capteurs. Il s'agit d'un nouveau concept. Nous le mettons en oeuvre au fur et à mesure que nous l'élaborons. Nous allons beaucoup apprendre au fur et à mesure que le projet prend forme. Ce qu'il sera en bout de ligne reste à déterminer. Je m'attends à ce que ce soit l'organisation qui aura la capacité de faire la synthèse des renseignements; ce sera le centre des opérations d'information au sein de l'armée de campagne.

Le sénateur Day: Est-ce que l'Armée de terre se chargera de ces opérations pour toutes les forces armées ou parlez-vous d'un projet qui concerne uniquement l'Armée de terre?

Le lgén Jeffery: Je parle du projet qui concerne uniquement l'Armée de terre. Des initiatives importantes ont été prises au niveau des Forces canadiennes dans le but d'intégrer les capacités des trois forces et de disposer du même genre de pouvoir au niveau national ou conjoint.

Le sénateur Day: Est-ce que chacune des branches des Forces canadiennes aura son propre groupe qui assumera précisément cette fonction?

Le lgén Jeffery: Chaque force doit avoir la capacité de faire la synthèse des renseignements pour soutenir son commandement respectif. Toutefois, dans toute la mesure du possible, nous envisageons d'utiliser les systèmes de capteurs disponibles pour desservir les trois forces, avec certaines restrictions. Par exemple, le Coyote est un système de surveillance terrestre tactique qui appuie surtout l'Armée de terre. Les informations qu'il permet de recueillir peuvent fort bien intéresser la Marine, si nous nous trouvons dans une région côtière, ou peut-être l'Armée de l'air. Cette information peut donc être intégrée dans un contexte plus large, celui des Forces canadiennes, de façon à ce que les autres composantes en bénéficient également.

Le sénateur Day: J'essaie de voir à quel niveau se situe le groupe qui coopère pour diriger les opérations de votre bataillon de soutien de commandement. S'agit-il d'un groupe des forces armées ou cela implique-t-il les Forces canadiennes, plus la GRC, le SCRS et d'autres services qui font la synthèse des informations et qui transmettent des renseignements aux diverses composantes?

Le lgén Jeffery: Sur le plan opérationnel, le responsable de cette synthèse de l'information est le sous-chef d'état-major de la Défense. C'est son personnel, au Centre de commandement de la Défense nationale qui assume cette tâche. Nous sommes en pleine évolution. Au moment même où je vous parle, nous sommes en train de mettre en oeuvre de nouveaux plans pour nous doter de capacités ISTAR dans toutes les composantes, au niveau national. Ce n'est pas encore fait. Nous avons certaines ressources; nous reconnaissons que c'est un projet qui doit aboutir. C'est le SCEMD qui a cette responsabilité.

Le sous-chef d'état-major de la Défense rassemble également des informations provenant d'autres ministères, armées de terre, et forces navales et aériennes. C'est à ce niveau que se situe ce genre d'opération.

Le sénateur Day: Savez-vous si les forces armées sont partie prenante d'un groupe ou d'un comité national chargé des questions de sécurité qui recueille non seulement des informations militaires précises, mais également d'autres types de renseignements ayant trait à la sécurité et en fait la synthèse? Est-ce le sous-chef d'état-major de la Défense qui participe au nom des forces armées?

Le lgén Jeffery: C'est essentiellement le mandat du SCEMD. J'hésite beaucoup à parler au nom du SCEMD. Je présume que vous discuterez avec lui de ces questions. Il y a plusieurs domaines où l'on risquerait d'aborder des questions délicates touchant les renseignements sur la sécurité. Toutefois, en général, c'est à lui que revient cette tâche et c'est lui qui rassemble toute l'information venant des différents paliers de gouvernement.

Le sénateur Day: Vous dites dans les notes que vous avez utilisées pour faire votre exposé que vous allez réaliser certaines économies en augmentant le personnel de vos écoles et, en partie, en réduisant l'instruction individuelle requise pour maintenir les niveaux de compétences. Pourriez-vous, je vous prie, donner quelques précisions à ce propos?

Le lgén Jeffery: Le problème fondamental auquel je fais face est dû au fait qu'en matière d'instruction, la demande dépasse la capacité. L'Armée n'a pas les ressources voulues pour assurer, aussi bien au plan individuel qu'au niveau collectif, l'entraînement plus intensif que j'ai besoin de fournir.

Je peux agir à deux niveaux: au niveau des ressources, en injectant plus d'argent et en affectant plus de personnel à l'entraînement, ou bien je peux réduire la demande. Il n'y a pas de solution simple ou facile, mais j'envisage agir aux deux niveaux.

Pour que vous ayez une idée de la raison pour laquelle cette question est si importante, je vais la situer en contexte. Dans le cadre des économies que nous avons dû réaliser dans les années 90, nous avons considérablement réduit nos capacités d'entraînement. Vu les circonstances, on estimait qu'il s'agissait d'une approche prudente. Nous n'avions pas beaucoup de soldats à entraîner. Il fallait que nous nous serrions sérieusement la ceinture. Nous avons considérablement élagué la structure d'entraînement de l'armée.

Nous nous rendons compte maintenant que nous sommes peut-être allés trop loin. Étant donné qu'à l'heure actuelle, la demande augmente, la pression qui s'exerce sur ce secteur d'activité s'intensifie rapidement, comme nous pouvons le constater. La solution a toujours été, dans une certaine mesure, de compléter le personnel chargé de l'entraînement en puisant périodiquement dans les rangs des unités de campagne, des troupes de combat.

Il n'a pas été rare, notamment pendant les mois d'été, de voir une bonne partie des unités combattantes envoyer des chefs, des officiers et des sous-officiers dans les centres de formation à titre d'instructeurs. Nous avons procédé de cette façon depuis que nous avons une armée au Canada. Le problème, c'est qu'à l'heure actuelle, ces détachements ont atteint des proportions inacceptables, tant et si bien que j'ai maintenant certaines unités qui reviennent de mission et qui sont obligées d'envoyer des chefs, en particulier des sous-officiers, qui ont passé seulement un peu plus d'un mois dans leur foyer, à Gagetown ou dans un des autres centres d'entraînement à titre d'instructeurs pendant deux ou trois mois. Cela aggrave les problèmes de personnel. Il faut que je limite ce genre de chose et que je trouve une façon plus harmonieuse d'intégrer les unités combattantes au système d'entraînement de façon à ce que, même si nous détachons certains personnels, ce ne sera plus sur la même échelle.

J'ai commencé à faire passer certains personnels des unités combattantes dans le secteur de l'entraînement. Sur un an, un sous-officier affecté pleinement à l'entraînement en remplace trois qui seraient envoyés en renfort. Si je peux affecter un sous-officier à l'entraînement, cela signifie que trois sous-officiers des unités combattantes n'auront pas à assumer des fonctions d'instructeur à un moment ou à un autre. Cela vous donne une idée de l'ampleur du problème.

Je ne peux pas détrousser complètement les unités de campagne pour améliorer la capacité d'entraînement. Nous avons étudié le problème de près pour déterminer dans quelle mesure l'instruction que nous dispensons est nécessaire. En toute franchise, au plan de l'instruction individuelle, nous avons eu tendance à faire plus que ce qui est nécessaire. Il y a de bonnes raisons à cela, mais nous devons nous modérer et trouver un plus juste milieu. Il y a là une dynamique à mettre en place.

Au plan de l'entraînement collectif, nous n'en avons pas fait autant que nous le souhaitons. J'irais même jusqu'à dire que ces quelques dernières années, nous n'avons pas assuré l'entraînement collectif dont nous avons besoin. En conséquence, à long terme, on se retrouve avec des soldats, des sous-officiers et des officiers qui n'ont pas l'expérience pratique de certaines choses. Pour combler cette lacune, nous intensifions l'instruction individuelle. Si certaines aptitudes n'ont pas été acquises dans le cadre d'un entraînement collectif, nous les incluons dans de futurs cours de niveau supérieur. Nous élargissons l'instruction individuelle requise.

Si je peux redonner sa place à l'entraînement collectif, je peux réduire le nombre de ces cours de façon à couvrir uniquement ce qui est nécessaire, car le personnel va acquérir cette expérience et cette formation sur le tas.

Nous essayons, en partie, d'élargir l'entraînement collectif et de réduire l'instruction individuelle, afin de faire baisser la demande.

L'autre volet de l'équation, ce sont les réservistes. Nous n'avons pas une conception réaliste de ce que l'on peut attendre des réservistes. Au cours des deux dernières décennies, nous avons mis en place un système d'entraînement des réservistes sur le modèle de celui des forces régulières, ce que la plupart des Canadiens trouveraient insensé. Nous comptons dans nos rangs des professionnels qui passent toute leur vie active à apprendre leur travail, et nous nous attendons à ce que des gens qui font cela à temps partiel, qui y consacrent deux ou trois soirées par semaine ou un ou deux week-ends par mois et peut-être deux ou trois semaines pendant l'été atteignent le même niveau. Ce n'est pas réaliste, et nous nous en sommes rendu compte. Cela ne signifie pas les réservistes ne sont pas d'une grande utilité - ils jouent un rôle crucial. Nous sommes cependant en train de réorganiser les systèmes d'entraînement des forces régulières et des réservistes, pour qu'ils soient mieux intégrés, mais nous avons également établi des attentes réalistes en ce qui concerne ce que les réservistes peuvent faire, tout en leur permettant de progresser et d'apporter une véritable contribution à l'Armée. Nous sommes sur le point d'y arriver. Cela fait trois ou quatre ans que nous y travaillons. Nous avons élaboré un fondement conceptuel cohérent sur lequel va s'appuyer le nouveau système d'entraînement que nous sommes en train de mettre en oeuvre et dans le cadre duquel l'instruction des réservistes sera considérablement réduite. Ainsi, pour trouver le juste milieu, je réduis, dans l'ensemble, la demande et j'augmente légèrement la capacité d'entraînement.

Le sénateur Day: Voilà des informations utiles. J'aimerais, avec ma dernière question, aborder le sujet des réservistes.

Juste pour que les choses soient bien claires, quelle distinction fait-on entre instruction individuelle et instruction collective? Est-ce que l'instruction collective est donnée en classe?

Le lgén Jeffery: Que ce soit dans le cadre d'une instruction théorique donnée en classe ou d'un entraînement pratique sur le terrain, savoir se servir d'un fusil et survivre dans un combat, c'est de l'instruction individuelle. C'est une formation qui permet à chaque soldat de faire son travail. L'entraînement collectif concerne la structuration de l'équipe; comment, avec 10 soldats, on constitue une section d'infanterie et on la fait fonctionner en équipe; comment on fait fonctionner en équipe les sections intégrées en pelotons, et ainsi de suite, jusqu'aux brigades en passant par les compagnies et les bataillons.

L'Armée de terre est constituée de divers éléments mouvants. Comme je le rappelle régulièrement à mes collègues de la Marine, eux, ils mettent tous leurs marins dans une boîte et ils peuvent les déplacer à leur guise. Le défi que j'ai à relever, moi, c'est que tous mes soldats forment un groupe relâché et se déplacent sur un grand territoire. Il faut un solide entraînement collectif pour acquérir les aptitudes et la cohésion nécessaires pour qu'un tel groupe intervienne en ne faisant qu'un. Voilà ce sur quoi porte l'entraînement collectif.

Le sénateur Day: Lorsque nous avons rencontré les représentants de la Marine, le grand nombre de réservistes à temps plein sur lesquels ils peuvent compter m'a surpris. Y en a-t-il autant dans l'Armée de terre? Vous avez dit que les réservistes à temps partiel s'entraînent deux week-ends par mois, un ou deux soirs par semaine et peut-être deux ou trois semaines pendant l'été. C'était l'idée que je me faisais d'un réserviste qui a un autre emploi. Y a-t-il beaucoup de réservistes à temps plein dans l'Armée de terre?

Le lgén Jeffery: Je vais clarifier cela dans un moment, mais disons que l'Armée, telle qu'elle est structurée actuellement, n'a, à dessein, que des réservistes qui appartiennent essentiellement à la classe A, c'est-à-dire à temps partiel. Habituellement, un réserviste de la classe A s'entraîne un ou deux soirs par semaine, peut-être un week-end par mois et deux ou trois semaines pendant l'été. Certains en font davantage; certains ont de la difficulté à ne faire même que cela. Toutefois, c'est dans cet ordre d'idée que cela se situe.

Nous comptons bon nombre de réservistes qui occupent des postes opérationnels à temps plein au sein de l'Armée et auxquels on confie souvent des fonctions de soutien, de commandement, de contrôle et d'instruction dont bénéficie l'Armée en général, mais plus précisément le personnel de la. Ce n'est pas délibéré, mais en pratique, nous employons de nombreux réservistes dans ce genre de fonctions.

Par exemple, il y a des réservistes parmi mon personnel, ce qui est très utile, parce qu'il est difficile de prendre les bonnes décisions sans consulter les réservistes. De nombreux réservistes sont employés dans le secteur de l'entraînement, à titre d'instructeurs ou autre, ainsi que pour fournir la perspective essentielle de la. Par conséquent, il y a un bon nombre de réservistes à plein temps.

La Marine est dotée d'une capacité opérationnelle de réservistes à plein temps. Pas l'Armée de terre. C'est une des questions que nous devons examiner dans le cadre de la restructuration du personnel de réserve. Est-ce le bon modèle pour l'Armée de terre? Si oui, quel est le coût? Le grand danger, c'est de présumer que cela vous dote automatiquement d'une plus grande capacité à moindre coût. Selon moi, un employé à plein temps est un employé à plein temps. De mon point de vue, l'atout majeur de la est qu'elle nous donne la possibilité de soutenir nos activités pendant plus longtemps.

Toutefois, le monde change, et nous devons rester ouverts à de nombreuses idées différentes. Il se peut très bien que la, dans ce nouveau type de guerre, puisse contribuer des compétences et des capacités dont la force régulière ne peut se doter de façon durable. Par exemple, dans le domaine des opérations d'information, il est difficile de trouver, et encore plus difficile de retenir, des gens qui possèdent les capacités requises en haute technologie. Lorsque nous formons des spécialistes de l'informatique, ils partent généralement deux ou trois ans plus tard, parfois même en quelques mois.

J'habite la Silicon Valley du Nord, Kanata. Il pourrait être sage d'avoir dans ce milieu un bataillon de soutien de commandement constitué de réservistes. Vu les compétences que possèdent les gens qui résident dans cette localité, on pourrait peut-être atteindre un niveau de capacité plus élevé que celui que je peux maintenir au sein de la force régulière. C'est, à mon avis, le genre d'idée que l'on doit explorer dans le cadre de la restructuration de la de demain.

J'ai essayé de vous décrire là où nous nous situons et les objectifs que nous devons nous fixer. En toute franchise, la Marine est plus avancée que nous. Elle a adopté une approche différente en ce qui concerne les réservistes il y a une dizaine d'années en leur confiant certaines tâches précises. Nous devons examiner cette option nous-mêmes pour l'avenir.

Le sénateur Day: Si je ne me trompe, vous êtes en train de mettre en oeuvre un plan de restructuration du personnel de réserve de la Force terrestre, n'est-ce pas?

Le lgén Jeffery: J'ai approuvé une stratégie permettant de procéder à la restructuration du personnel de réserve. C'est une stratégie en deux étapes. La première exige d'injecter des fonds et de faire le nécessaire pour régénérer la telle qu'elle est actuellement structurée, ce qui implique notamment améliorer son état général et la confiance qui règne parmi ses troupes. Le processus a déraillé à cause d'un problème de confiance entre la force régulière et la. Nous avons fait de gros efforts pour rebâtir cette confiance.

La deuxième étape est l'entreprise la plus importante, puisqu'il s'agit de déterminer ce que la doit faire, de la restructurer pour répondre à ces nouvelles exigences et, éventuellement, d'accroître le nombre de réservistes. Je dois souligner que, dans ce document de stratégie, il est clairement indiqué que les ressources nécessaires pour mener à bien l'étape deux n'existent pas, ni au sein de l'Armée, ni au sein du ministère de la Défense nationale. La croissance qui est envisagée, tout particulièrement, mais également dans une certaine mesure, même la restructuration de la, sont des activités non financées. Même si nous avons mis en oeuvre l'étape un, nous ne passerons pas à l'étape deux avant d'avoir mis parfaitement au point une approche et un plan, ni avant que j'aie l'approbation du gouvernement et le financement nécessaire.

Le sénateur Day: En êtes-vous encore au stade de la planification des différents types d'instruction dont les réservistes pourront bénéficier?

Le lgén Jeffery: Non, nous en sommes au stade de la mise en oeuvre.

Le sénateur Day: Alors, les réservistes bénéficient-ils d'un entraînement adéquat pour participer à des missions internationales ou vont-ils devenir plutôt des soldats spécialisés, qui auront un rôle à jouer dans un domaine plus limité, par exemple, la sécurité nationale, plutôt que dans le cadre d'activités de maintien de la paix à l'échelle internationale?

Le lgén Jeffery: Je m'attends à ce que les réservistes soient formés pour pouvoir accomplir les tâches qui leur seront confiées et à ce que leur entraînement soit tel que nous pourrons les envoyer participer aux opérations. Il est important de comprendre le contexte dans lequel cela se situe. L'entraînement des troupes ne peut pas être maintenu à un niveau où les soldats peuvent être déployés à la minute ou dans l'heure. C'est pratiquement impossible.

Les compétences requises ont une durée de vie limitée. Inévitablement, telle ou telle compétence s'émousse, notamment en ce qui concerne les aptitudes collectives dont j'ai parlé. Nous maintenons les troupes à certains niveaux de préparation. Quelqu'un qui est prêt à agir dans les sept jours est très bien entraîné, mais maintenir ce niveau de préparation coûte cher. Permettez-moi de mettre cela en contexte. La plus grande partie de nos forces sont prêtes à intervenir à 90 jours d'avis ou plus. On ne s'attend pas à ce que j'envoie une brigade au combat sans préavis, et en fait, je ne le peux pas, mais 90 jours est le délai de préparation qui est prévu. J'ai 90 jours pour rendre mes troupes opérationnelles. C'est la raison pour laquelle tout changement apporté au préavis est si important. Le délai prévu est de 90 jours. C'est seulement lorsque le gouvernement en décide autrement et que l'Armée leur en donne l'ordre que les troupes doivent être prêtes plus rapidement dans le cadre d'une opération particulière. C'est de cette façon que nous raccourcissons le préavis.

En ce qui concerne les réservistes, cela prend plus longtemps. Tout dépendant de leur niveau de préparation, non pas théorique, mais réel, le délai pourrait être de 90 jours ou plus. Si nous savons à quel niveau de préparation se situe la, nous pouvons commencer l'entraînement à l'avance pour amener les réservistes au niveau requis.

Je pense qu'il est extrêmement important d'utiliser des réservistes autant que nous le pouvons, pour diverses raisons. Cela permet de réduire le poids des tâches que doit assumer la force régulière. Cela permet également de les intégrer davantage à l'équipe chargée de la défense nationale et d'en faire des membres à part entière dont la crédibilité ne peut être mise en doute. Dans cette optique, nous avons cherché à élargir davantage la contribution collective des réservistes aux opérations en cours. Nous en avons toujours envoyé beaucoup en renfort. Nous avons toujours envoyé de nombreux réservistes pour accompagner les unités de la force régulière. L'unité déployée à l'heure actuelle en Bosnie, le troisième bataillon du Régiment Royal Van Doos, comprend six sections d'infanterie composées uniquement de réservistes. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Nous les avons identifiés très tôt, nous les avons entraînés, nous les avons intégrés au bataillon de la force régulière et nous les avons envoyés comme partie intégrante de cette unité.

Quand ces troupes seront relevées, le deuxième bataillon du Régiment Royal Van Doos comprendra au moins un, sinon deux pelotons de réservistes, et la relève suivante, toute une compagnie d'infanterie. Telle est la façon dont fonctionne le système dont je parle et qui implique de savoir à quel niveau de préparation se situent les réservistes et de les entraîner pour qu'ils puissent accomplir leur tâche.

Encore une fois, voilà une longue réponse. Ce que je veux vous dire, c'est que je ne peux pas, nous ne pouvons pas, nous permettre de maintenir les réservistes dans le même état de préparation que la force régulière. Cela coûte trop cher. Ce que je peux faire, et ce que nous faisons d'ailleurs, c'est mettre en place un système qui nous permet de savoir assez précisément quel est le niveau de préparation des réservistes et de les rendre rapidement aptes à répondre à nos exigences.

Concrètement, cela signifie qu'à l'échelle nationale, les réservistes seront capables de répondre aux exigences dans les délais que nous aurons fixés. À l'échelle internationale, à part quelques exceptions, on ne fera pas appel aux réservistes au départ, mais ils seront prêts, comme nous le prévoyons toujours, à appuyer les opérations. La «deuxième vague», si vous voulez, comprendra un fort pourcentage de réservistes. Voilà ce que nous permettra de faire le système dont je parle.

Le sénateur Wiebe: J'ai eu l'occasion de visiter nos troupes en Bosnie en 1999. Les réservistes constituaient 17 p. 100 du contingent. Ces réservistes, tout comme le personnel de la force régulière, avaient dû subir un entraînement intensif de six mois avant d'être envoyés sur le terrain. On a donc mis les réservistes à niveau. Pourquoi était-il nécessaire de mettre à niveau la force régulière? Ne peut-elle donc pas être prête plus rapidement?

La Marine, par exemple, a été capable de déployer ses troupes un mois après le 11 septembre, et une bonne partie de ses préparatifs consistaient uniquement à équiper les navires, à s'assurer qu'ils étaient approvisionnés. Quelle est notre rapidité d'intervention? Sommes-nous obligés de faire subir un entraînement de six mois à notre force régulière, comme nous le faisons en ce qui concerne la Force de maintien de la paix? Je sais que nous avons des forces spéciales qui peuvent se déployer rapidement, mais ce n'est qu'une petite partie de l'Armée de terre. Si la force régulière doit se plier à un entraînement de six mois, comme la, pourquoi ne peut-on pas faire participer plus de réservistes à ce programme?

Le lgén Jeffery: Premièrement, j'hésite beaucoup à faire trop de comparaisons avec la Marine en ce qui concerne ses exigences. Je ne connais pas suffisamment son programme d'entraînement, même si, à mon avis, comme je l'ai dit plus tôt, il y a une grande différence entre l'entraînement de l'équipage d'un navire de taille relativement modeste et celui d'une unité aussi complexe qu'un groupement tactique d'infanterie mécanisée. C'est cette complexité qui prolonge beaucoup le temps de préparation.

Je ne peux pas citer de mémoire, mais le temps requis pour entraîner les diverses composantes d'un bataillon mécanisé est de l'ordre de 100 à 150 jours. C'est une tâche de grande envergure.

Ce que je suis tenu de faire, c'est maintenir certaines unités dans un état de préparation donné. L'unité qui peut intervenir le plus rapidement est la FRLI, la Force légère de réaction immédiate qui, comme vous le savez, est actuellement composée de trois PPCLI. Le 11 septembre, elle était censée, en théorie, être prête à intervenir à 10 jours d'avis. Ce n'était pas le cas. Le temps de préparation requis était d'environ 21 jours, parce qu'à ce moment-là, on venait juste d'effectuer la rotation annuelle des effectifs qui a lieu à la fin de l'été, et certains membres du personnel avaient quitté l'unité.

J'ai mis les choses en branle presque immédiatement après le 11 septembre et très rapidement, cette force était prête à intervenir dans les 10 jours, comme prévu. Dès que nous avons eu quelques indications sur ce qui pourrait être requis, j'ai dû raccourcir ce délai à 48 heures, ce que j'ai fait. Il faut savoir qu'une partie de cet entraînement est dictée par la mission. Préparer une unité à se rendre en Europe ou en Afrique, ce n'est pas du tout la même chose que de la préparer à se rendre en Afghanistan. Une bonne part de l'entraînement supplémentaire est liée à la mission de l'unité et à l'environnement dans laquelle elle va se trouver. Même si nous disons que nous sommes une force «polyvalente», et c'est vrai, chaque tâche requiert certaines formes d'entraînement particulières.

Toutefois, c'est la seule unité que je maintiens à ce niveau de préparation. J'ai d'autres unités prêtes à intervenir à 21 jours d'avis, comme le bataillon d'avant-garde, mais ce bataillon est déjà déployé en Bosnie et réservé à cette intervention. Le reste de l'Armée de terre doit être prête à intervenir dans les 90 jours. Je pourrais raccourcir ce délai, mais cela aurait des retombées importantes sur la rentabilité. Je n'ai pas les ressources nécessaires pour maintenir mes troupes à ce niveau. Cela a des retombées sur la cadence des activités, la période de temps pendant laquelle les soldats peuvent rester dans cet état de préparation de niveau supérieur.

Selon moi, la participation éventuelle d'un plus grand nombre de réservistes à ces missions n'est pas tant une question de préparation ou d'entraînement que de viabilité. Je reviens à la définition de la. Si nous voulons des réservistes à plein temps, il faut alors que la soit définie dans cette optique. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais nous avons déjà à peu près 2 000 réservistes à plein temps à l'heure actuelle. Parmi eux, environ 500 participent actuellement à des opérations ou en reviennent tout juste. Pour une force où l'on compte à l'heure actuelle 14 700 soldats, c'est un fort pourcentage. En fait, je dirais que les réservistes, dans ce contexte, réussissent déjà très bien à tenir leur place. Je peux en vouloir plus, mais je ne suis pas sûr que, vu la mission des réservistes à temps partiel qui ont d'autres emplois, des emplois qui passent en premier, et une vie personnelle, nous puissions affecter un pourcentage plus élevé de réservistes aux opérations régulières pendant une période de paix relative.

Le sénateur Wiebe: Beaucoup de nos réservistes s'intégreraient très bien dans l'Armée.

Nos réservistes sont des camionneurs, des mécaniciens, des électriciens, des plombiers, des avocats et des médecins. Je veux vous le dire sans détour: je pense que l'Armée de terre n'a pas accordé aux réservistes l'attention voulue. L'Armée de l'air, et surtout la Marine, ont montré la voie à suivre. Nous nous privons d'un potentiel énorme, et j'ai le sentiment que le problème est dû en partie au fait que le personnel régulier de l'Armée de terre accepte mal les réservistes.

Permettez-moi de répéter une observation que j'ai entendue de la part de membres réguliers de l'Armée de terre: «Nous ne voulons pas que des soldats du dimanche jouent avec nos jouets.» J'ai le sentiment, après avoir rendu visite au personnel régulier de l'Armée de terre et aux réservistes, qu'il y a là un problème. Faites-vous quelque chose pour le régler?

J'ai également rendu visite aux troupes américaines et je n'ai pas eu le même sentiment. Les Américains ont très bien su combiner leur force régulière et leurs réservistes.

Ici, la Marine et l'Armée de l'air semblent s'en être bien tirés, contrairement à l'Armée de terre.

Le lgén Jeffery: Il est sûr qu'il y a là un problème important de culture. Vous vous rappelez sans doute que le CEMD et le ministre m'ont chargé de développer une stratégie qui permettrait de restructurer la des forces terrestres, et j'en suis venu à la conclusion que l'un des plus gros problèmes qui se posaient était le manque de confiance total entre les deux composantes. En toute franchise, les réservistes ne faisaient pas confiance aux forces régulières et réciproquement. D'un côté comme de l'autre, il existait de nombreuses raisons pour expliquer ce sentiment, certaines valables et d'autres, non, ainsi que de nombreuses idées fausses. Quelque mesure que nous ayons pu prendre depuis, ces problèmes ne vont pas disparaître du jour au lendemain.

C'est la raison pour laquelle j'ai mis en oeuvre le plan stratégique. L'un des principaux objectifs de la première étape est d'améliorer l'état général des deux composantes et de renouer des relations de confiance. C'est la raison pour laquelle les chefs de l'Armée de terre et moi-même consacrons énormément de temps aux questions qui touchent la. Nous avons une chaîne de commandement totalement intégrée. Il n'y a pas, d'un côté, la force régulière et de l'autre, la. Ces deux composantes font partie d'une seule et même équipe. Elles interviennent ensemble régulièrement et s'attaquent aux mêmes problèmes.

C'est pourquoi six sections de réservistes sont déployées à l'heure actuelle et c'est également pourquoi nous allons envoyer deux ou trois pelotons et éventuellement, une compagnie. Il s'agit de rebâtir la confiance. En ce qui concerne les réservistes, il s'agit en partie de leur donner confiance en eux-mêmes et de faire en sorte qu'ils se rendent compte qu'ils sont la hauteur de la situation. Beaucoup de réservistes le croient, en théorie, mais en pratique, ils ne sont pas sûrs d'eux-mêmes. Il faut que je leur prouve qu'ils sont capables de le faire. Il faut aussi que je prouve à la force régulière qu'ils sont capables de le faire. Il faut que je les oblige à vivre et à travailler ensemble de façon intégrée. Si je peux les faire collaborer dans le cadre de nos opérations, je peux les faire collaborer partout.

Je comprends vos préoccupations, et elles sont justifiées. Je n'irais sans doute pas jusqu'à dire que la situation est aussi noire qu'on l'a laissé entendre aujourd'hui, mais je ne peux pas ne tenir aucun compte du passé. Cela va continuer, probablement à jamais, de poser un problème. De nature, un soldat professionnel et un soldat à mi-temps auront des perspectives différentes qui seront sources de frictions. Le défi que nous avons à relever, les chefs de l'Armée et moi-même, c'est de nous assurer que cela ne devient pas un obstacle à la collaboration qui doit exister au sein de l'Armée de terre pour qu'elle puisse se décharger des missions qui lui sont confiées. Je suis persuadé que c'est un objectif qu'elle peut atteindre.

Le président: Est-ce que le fait que la Marine s'est dotée, dans le cadre de ses dépenses d'équipement, de bâtiments de patrouille côtière et a confié aux réservistes une mission distincte a quelque chose à voir avec ce qui semble être une meilleure intégration de ses troupes?

Le lgén Jeffery: Très certainement. Si, selon le vieil adage, l'argent ne fait pas le bonheur, comme dit Châteaubriand, il arrange mille choses dans notre existence. Nous pourrions faire en sorte que certaines tâches de l'Armée soient confiées uniquement à la, et consacrer l'argent qu'il faut pour équiper les réservistes de la même façon que les troupes régulières et améliorer leur état de préparation. Toutefois, je ne sais pas, comme je l'ai dit plus tôt, dans quelle mesure nous pourrions continuer dans la même veine à long terme. Nous atteindrons un niveau de capacité plus élevé. Je me demande dans quelle mesure cela va nécessairement dans le sens de l'intégration. C'est une capacité distincte qui est créée, centrée principalement sur la. C'est de l'intégration au sens large, mais pas dans un sens plus précis.

Le sénateur Forrestall: Selon vous, quelle sera l'importance du rapport du colonel John Fraser lorsqu'il sera terminé?

Le lgén Jeffery: M. Fraser et son équipe, qui constituent le comité de surveillance du ministre, ont été impliqués dans tout ce processus. Ils ont été invités à assister à toutes les séances que nous avons tenues pour discuter de la restructuration de la, des séances auxquelles j'ai moi-même assisté dans presque tous les cas. M. Fraser est donc parfaitement au courant de ce que fait l'Armée et de l'objectif qu'elle s'est fixé. Il fait rapport au ministre régulièrement. Naturellement, ses rapports décrivent les questions qui sont examinées de la façon dont il les envisage. Je pense qu'il comprend bien le défi que nous avons à relever et je crois qu'en général, il apprécie nos initiatives et les progrès que nous avons accomplis. Je ne veux pas dire que nous avons fait des progrès en tout, ce n'est pas le cas, mais je pense que M. Fraser a reconnu les progrès que nous avons faits. D'autre part, il continue de souligner les points faibles, et cela ne me pose pas de problème. C'est la tâche dont il a été chargé, et je suis certain que si je n'atteins pas un objectif quelconque, il me le dira.

Le sénateur Forrestall: Mon général, pour revenir au PPCLI, allons-nous envoyer le groupe d'infanterie en Asie du Sud-Ouest - en Afghanistan - dans les délais prévus ou a-t-on remis encore une fois son départ, jusqu'à la mi-décembre?

Le lgén Jeffery: À ce stade, le troisième bataillon, PPCLI, est prêt à se déplacer à sept jours d'avis. On a prolongé cet avis de 48 heures à sept jours principalement parce que l'on n'était pas certain de ce qui se passait sur le théâtre des opérations et parce que l'on manquait d'indications claires sur ce que le général Franks et son équipe souhaitent que le Canada fournisse ou soit capable de faire.

Le sénateur Forrestall: Vous maintenez le niveau de préparation à sept jours d'avis.

Le lgén Jeffery: Prêt à se déplacer à sept jours d'avis.

Le sénateur Forrestall: On ne prévoit pas prolonger cette période de préavis, de faire relâche par rapport à ce niveau de préparation?

Le lgén Jeffery: Certainement pas à ce stade. Cette unité est normalement prête à se déplacer à 10 jours d'avis, et je pense donc qu'une telle éventualité reste plutôt du domaine de la théorie.

Le sénateur Forrestall: Si la norme, c'est 10 jours, c'est «faire relâche» dans un certain sens.

Le lgén Jeffery: À ce stade, non.

Le sénateur Forrestall: L'Armée de terre envisage-t-elle à l'heure actuelle d'éliminer une brigade dans sa totalité?

Le lgén Jeffery: Je pense que l'on doit situer la question des coupures dans un contexte global.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous l'intention d'éliminer le deuxième bataillon du Royal Canadian Regiment, notamment à Gagetown, et de le remplacer, peut-être, par un régiment cadre qui assurerait l'entraînement?

Le lgén Jeffery: Dans le mémoire que j'ai transmis avant ma comparution, j'ai essayé de vous donner une idée de ce que je souhaite faire.

J'ai trois grands défis à relever. Je dois faire en sorte que l'Armée reste en mesure de répondre à des besoins de défense importants; je dois la moderniser et la faire progresser et, ce qui n'est pas rien, je dois m'assurer qu'il existe au sein d'une organisation disparate et de grande envergure une certaine unité et une certaine cohésion. Nous venons de parler du fossé qui sépare les réservistes des troupes régulières. Je dois m'assurer que, les uns comme les autres, tirent ensemble du même côté de la corde. Tels sont les trois principaux défis.

Je me permets d'insister, car on ne peut pas parler d'un de ces défis sans avoir une idée du contexte général. La question de la viabilité n'est pas sans importance. J'ai déclaré publiquement que l'Armée a vécu au-dessus de ses moyens. J'ai assumé les fonctions que j'occupe actuellement avec la ferme intention d'introduire dans tout cela un peu plus de mesure. Le livre blanc et les prévisions du gouvernement définissent clairement ce que l'Armée doit fournir. Je veux donc la structurer et équilibrer ses composantes de façon à répondre au mieux à ces exigences. Je dois également m'assurer d'avoir des ressources suffisantes et la marge de manoeuvre nécessaire pour faire tout ce qui doit être fait, tout en entretenant et en modernisant l'Armée de terre.

C'est un juste milieu qu'il est difficile de trouver. Après mûre réflexion, je pense qu'une restructuration de grande envergure de l'Armée ne se justifie pas, à moins qu'elle ne soit assortie d'une augmentation substantielle des ressources. J'ai préparé des plans de réorganisation dans cette veine, mais ils n'ont pas été approuvés. En fait, j'ai eu des indications que certains des changements que j'avais envisagés pourraient ne plus être nécessaires. Je n'ai pas encore de réponse précise, mais selon certaines indications, il se pourrait que mes problèmes de viabilité ne soient pas aussi aigus à l'avenir qu'ils le sont actuellement. Si la situation s'améliore à ce niveau, je n'aurai pas besoin de pousser aussi loin la restructuration.

Je sais pertinemment que je n'aurai pas assez d'argent pour acheter de nouvelles capacités. Pour les avoir, il faut que j'aie recours à une réorganisation. Qu'est-ce que cela signifie en termes concrets? Vous avez parlé d'une brigade. Certains des premiers plans élaborés par mon prédécesseur se fondaient sur un modèle de deux brigades. Au moment où je vous parle, nous n'avons pas l'intention de suivre ce modèle.

J'ai également examiné la possibilité de réduire le nombre des unités de manoeuvre. C'est une possibilité, mais à l'heure actuelle, il n'y a aucun plan en ce sens. Dans l'ensemble, la taille de l'Armée ne changera pas. Il y a certaines exigences auxquelles je dois répondre d'une façon ou d'une autre. J'ai parlé de celle qui a trait au soutien du commandement. Nous allons mettre en service une nouvelle génération de simulateurs des effets d'armes afin d'améliorer de façon sensible notre entraînement, et nous avons l'intention d'établir, probablement à Wainwright, dans l'Ouest, un centre de manoeuvre et d'entraînement. Il s'agira d'un champ de tir de force contre force, doté de nombreux instruments et d'un système de marquage au laser des objectifs qui nous permettra de reproduire avec un réalisme jamais encore atteint auparavant les situations de combat dans lesquelles pourraient se retrouver les soldats de notre pays. Ce projet a été approuvé.

Le problème auquel je fais face, c'est que j'ai besoin de personnel pour le mettre en oeuvre. J'ai besoin d'une structure de soutien, et les gens qui doivent la constituer doivent venir de quelque part.

Je dois restructurer cette organisation pour la modifier. Si mes ressources provenaient de quelque corne d'abondance - et je ne m'attends pas à ce que ce soit jamais le cas - je pourrais conserver ce que j'ai et acheter du neuf. Par les temps qui courent, tout le monde vous dira que c'est irréaliste, et je ne suis pas quelqu'un d'irréaliste. Je m'attends à devoir effectuer des changements au sein de l'organisation pour en tirer davantage, mais pour certains, le changement n'est pas chose facile. Ils n'aiment pas abandonner des choses auxquelles ils tiennent. Pour acquérir une plus grande capacité, c'est toutefois ce qui doit être fait.

Certaines composantes de l'Armée de terre changeront. J'ai l'intention d'apporter ces changements car, de mon avis de professionnel et de l'avis collectif des cadres de l'Armée, ils sont nécessaires.

Le sénateur Forrestall: Vous n'aurez pas cette brigade. La question est réglée. Vous allez conserver trois brigades complètes?

Le lgén Jeffery: Je suis un soldat. J'aimerais être convaincu que j'ai la capacité dont j'ai besoin. Ce sont les ressources et non ce que je souhaite qui dictent les décisions concernant la réduction de la capacité. Tant et aussi longtemps que les ressources me permettront de conserver ma capacité, je la conserverai.

Le sénateur Forrestall: J'apprécie pleinement ce que vous souhaitez. Je le comprends, dans une certaine mesure. Si je vous pose ces questions, c'est parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne savent pas ce qui se passe. Beaucoup de réservistes sont inquiets et perturbés.

Avez-vous toujours l'intention d'éliminer les pelotons de mortiers, de reconnaissance et de pionniers, ainsi que les trois compagnies de parachutistes des bataillons d'infanterie? Comment vous y prendriez-vous pour maintenir une partie ou la totalité de ces capacités?

Le lgén Jeffery: Pour vous répondre dans l'ordre inverse, premièrement, aucune décision n'a été prise en ce qui concerne le maintien d'une force parachutiste. Ces trois compagnies existent toujours.

Le sénateur Forrestall: Vous avez dit cela d'une drôle de façon.

Le lgén Jeffery: Aucune décision n'a été prise.

Le sénateur Forrestall: Est-ce une possibilité que l'on envisage réellement?

Le lgén Jeffery: Je reviens à la question suivante: quelle capacité pouvons-nous maintenir? Nous sommes en train de créer de nouvelles capacités. Allons-nous nous délester d'activités secondaires? C'est l'une des questions qui se posent. Aucune décision n'a été prise, mais je rangerai cela dans la catégorie des possibilités qui sont «considérées sérieusement, étant donné les circonstances.»

Votre question à propos des pelotons de mortiers et de pionniers est intéressante. Il est important de comprendre le contexte. Il nous faut prendre des décisions difficiles pour remodeler, moderniser et viabiliser cette Armée. Tout se paye. On m'a présenté une option - et cela indique le genre d'analyse qui est effectuée - dont l'objet est de réduire substantiellement l'état de préparation de nos unités d'artillerie. Concrètement, comme l'a laissé entendre le sénateur Wiebe, une telle mesure aurait pour effet de faire de ces unités des forces de réserve. Je pourrais économiser de l'argent et accroître ma marge de manoeuvre en faisant de tous les régiments d'artillerie de la force régulière des régiments de réserve. J'aurai toujours à financer l'équipement, mais les frais de personnel ne seraient pas aussi élevés. Naturellement, l'état de préparation de ces troupes serait moindre, et j'aurais un problème pour les remettre à niveau si elles devaient participer à des combats en temps de guerre.

Philosophiquement et professionnellement, c'est une option raisonnable. J'ai quelques réserves, mais c'est une option raisonnable. J'ai demandé à mes collaborateurs qui m'ont présenté cette option: «Comment se fait-il qu'alors même que nous considérons cette option, tous les bataillons d'infanterie conservent leurs pelotons de mortiers dans un état de préparation de haut niveau?» Sur le plan de la capacité, j'avais quelque difficulté à comprendre la logique de la chose. On aurait maintenu à un niveau de préparation supérieur des mortiers à courte portée et à efficacité limitée, tout en maintenant dans un état de préparation inférieur des canons longue portée à potentiel élevé et à haute efficacité. Ce n'était pas logique, étant donné qu'il s'agissait essentiellement d'une question de ressources.

J'ai suggéré de réduire la force d'artillerie en en plaçant une partie dans la. Le reste de l'artillerie se chargera des mortiers à la place de l'infanterie. L'artillerie conservera ses fonctions traditionnelles, à quoi s'ajoutera la responsabilité des mortiers, parce que ces deux rôles requièrent essentiellement les mêmes compétences.

Une telle mesure permet de mieux équilibrer l'ensemble des capacités. Cela ne veut pas dire qu'un bataillon d'infanterie va au combat avec un peloton de mortiers, mais il obtient ce soutien d'ailleurs. C'est la même chose en ce qui concerne les pelotons de pionniers, l'approche est la même, nous essayons d'améliorer l'efficacité et l'efficience, dans la limite de nos ressources. Ma réponse à la question est: oui, j'ai l'intention de procéder ainsi. C'est ce que j'envisage pour maintenir une capacité de combat polyvalente au sein de cette Armée.

Le sénateur Forrestall: Ma question porte sur le programme universitaire qui permettait aux officiers de réserve de suivre régulièrement un excellent entraînement militaire. Est-ce que ce programme a été éliminé ou est-ce un des domaines où vous envisagez de faire des coupures?

Vous avez dit tout à l'heure, à propos d'autre chose, que vous n'en compreniez pas la logique. Pour ma part, je ne vois pas en quoi il serait logique de remplacer un tel programme par un entraînement de deux ou trois semaines pendant les mois d'été et de s'attendre à ce que ces officiers de réserve aient les mêmes capacités que des officiers diplômés qui ont suivi un programme universitaire de trois ans. Peut-être qu'en bout de ligne, vous aurez plus d'officiers, mais ils ne seront pas nécessairement bien entraînés.

Le lgén Jeffery: Dans un sens, c'est là le problème fondamental. J'ai dit, vous vous en souvenez sans doute, que la phase un de la RRFT avait en partie pour objet d'améliorer l'état général de la. Quand j'examine le problème du leadership au sein de la, je suis de plus en plus préoccupé, car le leadership ne se régénère pas assez pour que la puisse survivre. Nous ne produisons pas assez d'officiers pour assumer le leadership de la de la Force terrestre de demain. Nous produisons tout juste assez d'officiers pour assurer le leadership de la actuelle. Nous, c'est-à-dire l'Armée de terre, avons examiné le problème sous bien des angles. Oui, le PIRO est un programme superbe qui produit des officiers de grande qualité, ce qui n'est pas surprenant étant donné qu'en réalité, c'est le même programme que suivent nos officiers de la force régulière. La seule différence, c'est que les officiers de la force régulière bénéficient d'une dernière période d'entraînement qui n'est pas offerte à leurs homologues de la. À part cela, leur entraînement est identique.

Cela exige de s'engager à suivre un entraînement de quatre ans et ensuite, à servir. Toutefois, lorsque tout ce que j'obtiens, c'est, en moyenne, de un à moins de deux officiers par unité et par an - en fait, à l'heure actuelle, c'est moins que un - je ne régénère pas la. Cela ne veut pas dire que nous devons nous délester du PIRO. Le Programme d'intégration à la à l'intention des officiers est un bon programme, mais nous devons trouver quelque chose qui produira les officiers dont nous avons besoin pour la.

Nous avons mis au point un programme qui est plus souple. Il est comparable à la plupart des programmes universitaires, car c'est un programme semestriel qui peut être suivi à différents moments, à différents endroits et par divers moyens. Il répond aux besoins des Canadiens et des Canadiennes, compte tenu de leur mobilité, de leurs emplois, de leur vie de famille, etc. De cette façon, nous sommes sûrs de pouvoir entraîner les gens, et c'est ce que nous faisons.

Oui, à certains égards, ces officiers, au début, seront moins bien entraînés et posséderont moins de capacités. Toutefois, j'espère qu'ils seront beaucoup plus nombreux. Leur éducation et leur entraînement ne finissent pas là, bien au contraire, ils continuent. Avec le temps, ils arrivent au même niveau que leurs homologues de la force régulière, et nous, nous gagnons sur les deux tableaux. Est-ce que cela interdit de poursuivre toute activité du type PIRO? Non, même si nous allons devoir en réduire l'envergure, parce que cela revient à une question d'argent.

Ce plan n'est pas mis en oeuvre à l'heure actuelle, même si procéder autrement aboutira à ce que la n'ait pas un leadership adéquat. Au moment où je vous parle, nous sommes obligés d'affecter de plus en plus d'officiers de la force régulière à des postes de commandement dans la, parce que la ne peut pas produire les chefs dont elle a besoin. C'est ce que souhaitent les unités de réserve, pas moi.

Le sénateur Forrestall: Ces unités ne peuvent pas produire leur propre leadership et elles doivent constamment compter sur la force régulière?

Le lgén Jeffery: C'est exact, et j'essaie de changer cela. Si nous ne pouvons commissionner chaque année qu'un petit nombre de jeunes officiers de réserve, l'avenir n'est pas rose, et nous nous devons d'intervenir.

Le sénateur Forrestall: J'espère que vous saurez empêcher cela.

Si l'on vous demandait maintenant de déployer à l'étranger une brigade complète avec son équipement lourd - une brigade qui s'est entraînée régulièrement et dont tous les membres, hommes et femmes, se connaissent - seriez-vous en mesure de le faire? Combien de temps cela nous prendrait-il, en tant que nation, pour répondre à une telle demande?

Le lgén Jeffery: Pour répondre à cette question, il faut tenir compte de certaines données: premièrement, à l'heure actuelle, nous avons un groupement tactique mécanisé de grande envergure qui est déployé en Bosnie-Herzégovine. On compte dans ses rangs près de 2 000 soldats, dont environ 1 500 appartiennent à l'Armée de terre. J'ai un bataillon de la FRI Terre prêt à partir sur un autre théâtre d'opérations. À l'heure actuelle, il me manque à peu près 1 400 soldats entraînés pour avoir un effectif complet. Nous sommes en plein milieu d'un programme de modernisation qui empêche une partie de l'Armée d'être prête au combat, d'avoir le niveau de préparation opérationnelle requis, et il en sera ainsi pendant un certain temps. Par exemple, j'ai six bataillons d'infanterie mécanisés. Chacun d'entre eux doit être rééquipé d'un nouveau VBL III. Un est déjà rééquipé et les autres sont engagés dans un processus qui va durer de trois à six mois. Tout dépendant des circonstances, cette unité n'est pas prête à participer à des opérations pendant cette période, pour des raisons évidentes. Tout cela doit entrer en ligne de compte.

L'Armée de terre peut-elle déployer une brigade? Oui, c'est possible. Mais les coûts sont élevés, à cause des autres engagements qui doivent être tenus et de la nécessité d'assurer la viabilité de l'Armée, dans son ensemble. Il faudra faire appel à toute l'Armée pour le faire, et il n'y aura pas grand chose de trop.

Les troupes auront-elles été entraînées ensemble? Non, cela fait un bon nombre d'années que nous n'assurons plus vraiment l'entraînement des brigades. Tout bien considéré, est-ce acceptable? Tout dépend des circonstances. Il faut évaluer le risque, dans le contexte de la mission que l'on nous demande de remplir. Je ne peux pas faire une telle évaluation pour vous, et c'est préoccupant, je l'avoue.

Quant à savoir combien de temps cela nous prendrait pour réagir, encore une fois, je ne peux pas vous le dire sans savoir quelle serait la mission dont nous serions chargés. Je suis tenu d'avoir une brigade prête à se déplacer à 90 jours d'avis, pour respecter les engagements qui ont été pris dans le livre blanc. Tant et aussi longtemps qu'il s'agit d'une brigade légère, du type du bataillon de la FRI Terre, c'est possible. Mais si nous parlons de quelque chose de plus lourd, vu l'état actuel des choses au plan de la modernisation, c'est impossible.

Le sénateur Forrestall: Dans quelle mesure le transport maritime est-il essentiel pour vous?

Le lgén Jeffery: C'est toujours essentiel lorsqu'on parle d'une brigade.

Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous organiser le transport maritime?

Le lgén Jeffery: En un mot, oui. Tous les pays du monde font la même chose. Lorsque les États-Unis, nos alliés les plus importants et les plus proches, déplacent certaines de leurs troupes par mer, la plupart du temps, ils ont recours à un moyen de transport nolisé ou loué. Ce ne sont pas des navires qu'ils possèdent. Essentiellement, nous faisons la même chose.

Comme vous le savez, nous examinons le potentiel du transport stratégique aérien et maritime dans le cadre du plan que nous dressons pour l'avenir. Là encore, c'est le risque qu'il faut évaluer.

Le sénateur Forrestall: Mon général, j'aimerais que nous puissions discuter toute la journée. Je souhaiterais, je dois le dire, que les hommes de votre stature, de votre honnêteté et de votre intégrité puissent librement mettre la population canadienne au courant de ces questions. J'espère que les officiers qui ont le grade de général auront beaucoup plus de liberté à l'avenir pour tenir un journal. Plus important encore, j'espère que, tout en respectant les convenances, ils pourront s'exprimer et informer les Canadiens que ces questions préoccupent. Peut-être que le public ne manifeste pas son intérêt tout simplement parce qu'il n'est pas bien informé.

C'est en partie ce que nous essayons de faire, parce que les choses sont si techniques. Les forces armées et le corps politique ont également l'obligation de vous autoriser à le faire dans certaines conditions.

Je vous remercie pour tout ce que vous faites. Le président l'a fort bien dit au début de la séance. Nous sommes très fiers de ce que vous faites.

Le sénateur Wiebe: J'aimerais revenir à la restructuration de la. Permettez-moi de vous dire, mon général, que j'apprécie la franchise avec laquelle vous avez répondu aux questions que j'ai posées précédemment. Je l'apprécie, mais je pense que ce qui nous préoccupe, c'est l'avenir.

Lors de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale et pendant la guerre de Corée, nous pouvions mettre rapidement sur pied une armée. C'était en partie parce qu'il suffisait d'entraîner les troupes à marcher au pas et à se servir d'un fusil, c'était l'essentiel. Aujourd'hui, la technologie nous oblige à donner une autre formation à nos troupes, et cela nous empêche de mettre sur pied une armée aussi vite qu'auparavant.

Tout se paye. Peut-être que les gouvernements et la population de ce pays devraient envisager la possibilité d'assumer les coûts qu'entraînerait la formation poussée de certains réservistes. On réaliserait aussi, naturellement, des économies sur la rémunération annuelle. Quant aux employeurs, ils pourraient être appelés à accorder à leurs employés des congés spéciaux pour qu'ils puissent suivre des cours de formation qui les maintiendraient à niveau.

Cette approche est semblable à celle qui est adoptée aux États-Unis. Essentiellement, nous avons dans ce pays une Force de très petite envergure. Si jamais il y avait une crise, ce sont ces troupes que nous enverrions au combat et qui subiraient les premières pertes. Sur qui pouvons-nous compter pour les remplacer?

Il serait plus facile de maintenir à niveau des réservistes d'élite qui pourraient faire des remplacements. Cela fait-il partie de votre plan de restructuration?

Le lgén Jeffery: C'est clair, dans l'Armée, la question de la profondeur nous concerne tous. J'ai dit «l'Armée», mais je pense que je peux parler au nom de mes collègues de la Marine et de l'Armée de l'air également. Même si nous sommes tous fiers de la qualité de la Force et de ses capacités, sa taille ou sa profondeur nous préoccupe.

Vous ne pouvez pas avoir une Force de si petite envergure et lui donner la profondeur requise. Comme le dit le vieil adage, la quantité a une qualité qui lui est propre. C'est clair, les réservistes nous offrent la possibilité d'étoffer cette profondeur. C'est la raison pour laquelle ils existent.

Mis à part la question du coût, dont je ne minimise pas l'importance, il y a d'autres problèmes qui se posent. Vous avez vu juste lorsque vous avez donné l'exemple des soldats à qui on devait apprendre à marcher au pas et à se servir d'un fusil avant de les envoyer à la guerre. Tel était le niveau que l'on maintenait dans l'Armée dans le passé. Ce n'est pas ce qui est requis à l'heure actuelle. C'est beaucoup plus complexe.

On est ainsi amené à se poser la question suivante: quelle capacité doit-on raisonnablement s'attendre à soutenir dans une ? Il ne s'agit pas simplement d'assurer l'entraînement individuel, il faut aussi, comme je l'ai dit plus tôt, s'occuper des compétences collectives et tout orchestrer. Que devons-nous avoir en place pour atteindre cet objectif?

Il y a plusieurs éléments à considérer. Naturellement, il y a l'argent. Il faut aussi une législation pour assurer que c'est possible. Cette législation est en préparation.

Il y a la question plus générale de la culture. Même si les Forces canadiennes jouissent aujourd'hui d'un appui très fort, s'enrôler dans l'armée ne suscite pas un vif intérêt parmi nos jeunes. Nous pouvons attirer des gens qui possèdent un diplôme universitaire et ce genre d'attribut. Certains jeunes qui appartiennent à la milice se rendent compte qu'un emploi à temps partiel sous les drapeaux leur permettra de faire des études universitaires.

Ce n'est pas par hasard que nous avons un taux d'attrition de 30 p. 100 par an. Il ne s'agit pas de savoir comment nous pouvons attirer les jeunes, mais plutôt comment nous pouvons les garder. Nous devrions essayer de connaître les raisons pour lesquelles ils partent. Comment pourrons-nous faire pour les garder?

Je n'ai pas toutes les réponses, mais c'est dû en partie à la culture du pays. Nous n'avons pas, dans ce pays, le goût des armes; notre population n'a pas la fibre militaire. Stacey l'a dit, notre population n'a pas la fibre militaire. Nous avons été obligés d'avoir une armée, mais nous n'avons jamais eu la fibre militaire.

En tant que soldat de métier, je dois accepter cela, dans une certaine mesure. Quand je vois ce que nous avons fait pendant la Deuxième Guerre mondiale et d'autres conflits, je ne peux pas m'empêcher de penser que, fondamentalement, ce pays a la capacité et la volonté requises. Pourquoi cela n'incite-t-il pas normalement plus de gens à devenir soldats à temps partiel et à se sacrifier pour leur pays?

C'est le plus grand défi que nous avons à relever. Ce n'est pas un défi auquel l'armée doit faire face; c'est un défi que le pays a à relever.

Le sénateur Meighen: Si vous le permettez, je vais commencer par une ou deux observations. Les commentaires du sénateur Forrestall sont tout à fait à propos et s'intègrent bien au dialogue que vous avez engagé avec le sénateur Wiebe. Je suis d'accord, ce n'est pas aux militaires qu'il revient de changer la situation ni de chercher à en élucider les raisons. Il n'y a pas un grand nombre de jeunes qui cherchent à entrer dans la, sans parler de la force régulière. Cela soulève peut-être une autre question.

Je tiens à souligner la pertinence de ce qu'a dit le sénateur Forrestall à propos de l'importance du rôle que jouent des gens comme vous et de la nécessité de faire en sorte que des gens qui occupent une position comme la vôtre puissent, comme on dit dans le milieu politique, «se montrer» et parler, dans les limites de ce qui est autorisé. Je ne blâme personne, mais loin des yeux, loin du coeur, et dans ce pays, l'Armée est plutôt loin des yeux, à mon avis. On peut améliorer la situation sans dépenser beaucoup d'argent ni modifier les règles que doivent respecter les hommes et les femmes qui servent dans l'Armée. Quoi qu'il en soit, peut-être est-ce une chose dont nous devrions discuter une autre fois et à laquelle vous pouvez réfléchir.

En ce qui concerne la, je ne reviendrai pas sur les détails que vous avez déjà donnés, mais j'aimerais vous demander dans quelle mesure vous réussissez à encourager les soldats à s'enrôler dans la lorsqu'ils quittent la force régulière et quels programmes vous mettez en place à cette fin. Il me semble que vu le temps et l'argent que nous consacrons à leur entraînement, les soldats peuvent apporter une contribution appréciable en devenant membres de la réserve. Dans le même ordre d'idées, il y a la question du transfert des réservistes dans la force régulière.

L'autre jour, lorsque nous étions à Esquimalt, et également ce matin, lorsque nous avons discuté avec vos collègues de la Marine, il nous a semblé que le plus gros problème est d'ordre bureaucratique. Êtes-vous de cet avis et qui, selon vous, a l'autorité nécessaire pour alléger la bureaucratie et rectifier la situation, si tel est le problème qui se pose?

Le lgén Jeffery: Des améliorations notables ont été apportées pour faciliter le passage entre la force régulière et la et réciproquement. À certains égards, je crains que cela marche trop bien. Nous voyons certains des éléments les plus brillants de la qui réussissent et prennent goût à la chose décider qu'ils veulent se joindre à la force régulière. Le résultat, c'est que les nouveaux chefs qui émergent de la sont aspirés par la force régulière. C'est un processus naturel sur lequel nous n'exerçons aucune influence. Ils prennent leurs propres décisions, mais le résultat est là.

Le sénateur Meighen: Vous ne découragez pas ce genre de chose?

Le lgén Jeffery: Non, mais nous ne l'encourageons pas non plus. Nous voulons les laisser libres de décider quel type de soldat ils veulent être. Toutefois, il y a un mouvement comparable entre la force régulière et la. Je ne peux pas vous donner de chiffres, mais je crois qu'il y a vraiment beaucoup de gens qui font cela. Quand on est mis à la retraite d'office, on ne peut pas s'enrôler dans la. Toutefois, beaucoup de nos soldats, lorsqu'ils quittent la force régulière, s'enrôlent rapidement dans la, et nous les encourageons à le faire. Quand vous quittez la force régulière, vous signez un document où l'on vous demande si vous souhaitez faire partie de la supplémentaire et l'on vous encourage à vous enrôler dans une unité locale de réservistes. C'est un problème d'ordre bureaucratique qui freine le processus. Le sous-ministre adjoint chargé des ressources humaines militaires, qui a compétence en la matière, est en train de simplifier ce processus. Je ne sais pas pourquoi cela prend autant de temps. Je pense qu'en partie, c'est une question de ressources financières et humaines, mais c'est là où le problème se situait.

Le sénateur Meighen: Ce n'est pas le sous-chef d'état-major de la Défense qui décide?

Le lgén Jeffery: Pas que je sache. Je ne pense pas que le SCEMD soit impliqué. C'est une question de personnel. J'ai entendu les mêmes histoires d'horreur que vous et d'autres.

Le sénateur Meighen: Il semble que tout le monde sait quel est le problème et que l'on cherche maintenant à parvenir à un consensus en ce qui concerne la solution.

Le lgén Jeffery: On y travaille. Cela fait partie de toute une série de questions concernant le recrutement et la fidélisation des effectifs. J'ai pu constater des améliorations remarquables à cet égard au cours de l'année écoulée. Je ne veux pas vous laisser une impression négative, parce que des progrès importants ont été faits. Cela ne signifie pas que les choses ne peuvent pas être encore améliorées, mais des progrès importants ont été faits en ce qui concerne le recrutement, et j'espère que l'on va bientôt s'occuper du dossier de la fidélisation des effectifs. Il y a eu une augmentation notable des recrues, notamment dans la.

Le sénateur Meighen: Vous voulez dire des gens recrutés pour faire partie de la réserve?

Le lgén Jeffery: Oui.

Le sénateur Meighen: Le nombre des recrues augmente, mais il ne semble que les transferts d'une force à l'autre soient plus faciles, du moins d'après les renseignements qui m'ont été fournis.

Cela m'intéresserait de savoir comment vous faites trois choses à la fois ou, pour reprendre l'expression d'un général des Marines américain, pour gérer une «guerre menée sur trois fronts». Si je comprends bien, cela signifie que vous pourriez être impliqué, en même temps ou consécutivement, dans des opérations de combat, des opérations de maintien de la paix et des opérations humanitaires. Préparez-vous trois différentes règles d'engagement ou avez-vous une seule approche? Comment moi, le soldat, puis-je savoir quelle règle d'engagement je dois tirer de ma poche à un moment ou à un autre?

Le lgén Jeffery: Vous avez résumé l'essentiel du défi que nous avons tous à relever. La situation à laquelle nous avons à faire face dans ce pays n'est pas unique, c'est celle à laquelle toutes les armées du monde sont confrontées. Les armées s'entraînent dans l'optique d'un certain type d'opérations. Nous avons toujours dit que les armées savent s'adapter, mais en bout de ligne, il faut que vous organisiez, que vous mettiez sur pied et que vous entraîniez une armée pour faire certaines choses qui forment la base sur laquelle elle s'appuie pour s'adapter rapidement à différents environnements.

Historiquement, nous nous sommes implicitement préparés à ce que nous appelons la «guerre de manoeuvre» sur un terrain découvert et complexe. C'était le cas sur le front d'Europe centrale et, dans une certaine mesure, au cours de la Deuxième Guerre mondiale. C'est ce genre de guerre. C'est la raison pour laquelle les unités de l'Armée sont structurées comme elles le sont. L'expérience nous a appris comment structurer l'Armée et c'est ce sur quoi notre entraînement est ciblé.

Si nous devons passer de ce type d'intervention à des opérations de maintien de la paix, nous partons de cet entraînement de base et nous l'adaptons rapidement en y ajoutant l'entraînement requis pour préparer les troupes à cette tâche spécifique. Telle est l'approche que nous adoptons. Dans un sens, vous entraînez les soldats à mener des opérations de combat. Vous les organisez en vue d'opérations de combat. Et lorsque vous devez faire autre chose, vous modifiez l'organisation. C'est presque comme changer de vêtement, changer d'optique et passer à autre chose.

Nous ne pouvons plus nous permettre de fonctionner de cette façon. Comment faire pour structurer et entraîner l'Armée pour qu'elle soit capable de mener toutes ces opérations sans qu'il soit nécessaire d'apporter d'importantes modifications à l'organisation, mais plutôt en intégrant cette optique à l'entraînement général? Tout en ayant à respecter des règles d'engagement différentes et des limites différentes balisant ce que vous pouvez faire dans certains contextes, il faut pouvoir faire face à toutes ces différentes tâches au sein d'une seule et même organisation et relativement rapidement.

Cet objectif n'est pas facile à atteindre, mais c'est ce que nous essayons à l'heure actuelle de faire. C'est la raison pour laquelle nous examinons de nouvelles structures organisationnelles, ainsi que de nouveaux concepts au niveau de la doctrine, qui se traduiront par de nouvelles formes d'entraînement. Étant donné que la modernisation a beaucoup d'autres volets, par exemple, l'introduction de toute une nouvelle gamme d'équipements et la nécessité de répondre à de nouveaux types de demandes, cela va prendre du temps. Cela ne va pas se faire du jour au lendemain.

Le sénateur Meighen: Dois-je comprendre, toutefois, que vous aussi, comme on le pense généralement, vous estimez que pour mener les opérations de types deux et trois, c'est-à-dire les opérations de maintien de la paix et les opérations humanitaires, d'abord et avant tout, vous avez besoin de pouvoir compter sur du personnel entraîné et prêt à combattre?

Le lgén Jeffery: Oui, mais je ne suis pas sûr qu'il s'agisse de combats en terrain découvert ou mixte comme par le passé. C'est sur quoi se sont focalisés, par défaut, l'organisation et l'entraînement. Il y a d'autres dimensions à envisager.

Le général des Marines qui a fait cette observation parlait en fait d'opérations menées dans un contexte urbain. On trouve de plus en plus de par le monde ce que nous appelons des «terrains complexes», des environnements difficiles, comme les zones urbaines, les terrains boisés et montagneux, ou en fait, les forces traditionnelles, mécanisées, entraînées à effectuer des manoeuvres à découvert, ne peuvent pas obtenir de bons résultats. Peut-être devons-nous nous intéresser à de nouvelles structures pour trouver des solutions à ce problème particulier.

C'est ce que nous examinons en cherchant à redéfinir notre position par défaut et l'entraînement général. Nous commençons tout juste à y réfléchir. Il reste beaucoup à faire pour déterminer dans quelle direction nous devons nous orienter.

Le sénateur Meighen: Dans un pays comme l'Afghanistan, on trouve les deux types d'environnement, n'est-ce pas?

Le lgén Jeffery: Oui, c'est exact.

Le sénateur Meighen: Ma dernière question porte sur les VBL III. Je me suis laissé dire que l'on ne pouvait pas les embarquer dans les avions Hercules sans qu'il soit nécessaire de faire des manipulations importantes au départ et à l'arrivée. Est-ce vrai? Si oui, que pouvons-nous faire pour améliorer la situation?

Le lgén Jeffery: C'est vrai qu'il faut faire beaucoup de préparatifs pour embarquer un VBL III sur un avion Hercules et pour qu'il soit opérationnel une fois qu'il a été débarqué. Cela fait déjà quelque temps qu'on a décidé d'acheter cet équipement. Nous pensions alors, et généralement, nous le pensons encore, que la majorité des troupes que nous serions appelés à déployer le seraient par mer. Nous utiliserons des avions de très grande dimension pour transporter ce qui ne peut pas l'être par mer.

Le sénateur Meighen: Et cela n'inclut pas les avions Hercules?

Le lgén Jeffery: Cela n'inclut pas les avions Hercules.

Nos collègues américains viennent juste de signer un contrat pour s'équiper de l'équivalent de nos VBL III. Pour les embarquer dans des Hercules de modèle J, il fallait qu'ils démontent la tourelle. Notre BVL III est équipé d'une mitrailleuse à chaîne de calibre de 25 mm, pas le leur. Il y a un poste de tir protégé de calibre de 50 mm. Ce n'est pas du tout le même genre de véhicule. Ils ont payé le prix pour se doter d'engins plus facilement déployables. Nos collègues américains peuvent puiser dans un plus grand arsenal que nous. Le nôtre doit être plus polyvalent. Par conséquent, nous avons jugé préférable d'avoir un gros canon, même s'il n'est pas aussi facilement déployable.

Le sénateur Banks: Permettez-moi de vous redire que nous sommes tous, au Canada, extrêmement fiers de nos soldats et du travail qu'ils accomplissent. J'espère que cela vous réconfortera de savoir que le dédain que l'on a pour l'armée en temps de paix et l'adulation avec laquelle on la traite en temps de guerre ne sont pas choses rares et que ce n'est pas nouveau. Cela me rappelle le poème de Kipling à propos du Tommy britannique:

For it's Tommy this, an' Tommy that, an' «Chuck him out, the brute!» But it's «Saviour of 'is country» when the guns begin to shoot;

Cela a toujours été le cas; ce n'est pas nouveau.

Aujourd'hui, je vais jouer le rôle de Grincheux et je vais vous demander si vous ne trouvez pas absurde l'idée dont nous parlions il y a un moment, celle qui est défendue par le général des Marines, et selon laquelle il faudrait qu'une armée soit faite de gens capables d'être un jour des guerriers redoutables et le lendemain, de se transformer en Boy Scouts et en infirmiers de la Croix-Rouge. N'est-ce pas le résultat d'une ingérence politique et peut-être des pressions qu'exerce le public et qui ne tiennent pas compte de la réalité? C'est une armée que nous sommes censés avoir. Est-ce que nous lui en demandons trop lorsque nous voulons qu'elle soit capable de se transformer, du jour au lendemain, en ONG chargée de défendre l'intérêt commun? Est-ce réaliste? Avons-nous des gens qui possèdent ce genre d'aptitudes?

Le lgén Jeffery: Sans aucun doute, le fait d'avoir à passer d'un rôle à l'autre pose problème. Les soldats ont toujours fait de bonnes actions en période de conflit.

Le sénateur Banks: D'accord, mais c'était secondaire par rapport à l'objectif principal. Nous n'avons pas envoyé nos troupes en Italie en leur demandant de se battre contre l'ennemi et en même temps, d'essayer de faire de bonnes actions. Ces bonnes actions, je suis sûr que vous en conviendrez, ont été fortuites. Cela ne veut pas dire que les guerriers n'ont pas de coeur. Ce dont je parle, c'est de codifier cela pour donner un autre rôle à l'armée. Je ne pense pas que nous l'ayons fait auparavant. Est-ce réaliste de le faire maintenant?

Le lgén Jeffery: Comme on dit, la guerre est juste une autre façon de faire de la politique. Nous devons définir clairement l'objectif général, stratégique ou politique, et la façon d'utiliser les forces dont nous disposons, aussi bien en tant que pays qu'en tant que membre d'une alliance, pour parvenir à ces fins. L'armée est dotée de capacités importantes. La question qui se pose, dans ce contexte spécifique, concerne l'ampleur de la tâche qui peut être accomplie par les militaires ou l'armée.

Il est difficile de répondre à votre question dans l'abstrait. Concrètement, pour pousser les choses à l'extrême, demander à des soldats qui viennent de participer à un combat acharné au front de devenir des artisans de la paix entre deux factions qui se font la guerre ou de secourir les sans-abri est absurde. La nature et la psychologie humaines étant ce qu'elles sont, nous avons besoin de temps pour passer d'un rôle à l'autre.

Toutefois, puisque l'on se demande s'il est possible que des militaires puissent tenir tous ces rôles en même temps et si certains soldats peuvent accomplir plus d'une tâche si on leur donne la possibilité de faire la transition convenablement d'un rôle à l'autre, je pense que je peux répondre oui, mais cela requiert une gestion et un leadership très attentifs pour définir les limites dans lesquelles cela peut être fait et pour s'assurer que nos soldats peuvent faire la transition eux-mêmes. Certains seront capables de le faire et d'autres, non.

Si je peux me permettre de me faire l'avocat du diable, à l'autre extrême, se contenter de demander aux soldats de ne faire que ce que les militaires sont censés faire est contraire à la réalité historique. Tous les pays du monde ont toujours utilisé leur armée pour faire tout un tas de chose. En toute franchise, cela donnerait le sentiment que cette institution est maintenue pour une seule raison, alors que c'est la sécurité du pays, en général, qui est importante. J'ose espérer que l'on peut assurer la sécurité du pays de bien des façons, et que l'on aurait recours uniquement en dernier ressort à la force meurtrière.

J'aimerais que l'on adopte de plus en plus cette approche. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas besoin d'avoir une capacité de combat. Bien au contraire, nous en avons terriblement besoin, mais nous devons nous montrer plus intelligents que cela, et je pense que nous le pouvons.

Le sénateur Banks: Vous avez dit plus tôt que nous pourrions avoir à faire face à une menace militaire, comme cela a été le cas dans le passé. Selon vous, à long terme, d'où pourrait venir cette menace?

Nous demandons à nos forces armées d'avoir une capacité multifonctionnelle, ce qui est relativement nouveau, selon moi. Pouvez-vous nous assurer que cela ne contribue pas à la réduction de ce que je considère toujours comme la capacité principale d'une armée? À cet égard, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ce qu'a déclaré le général MacKenzie le 8 mai de cette année? Il a dit:

Si j'étais commandant d'une armée ennemie, je préférerais de beaucoup combattre l'armée canadienne d'aujourd'hui que celle qui existait il y a dix ans. Je ne doute pas une seconde que les soldats soient aptes à faire face à leurs tâches, en dépit du relâchement de la discipline et des normes de condition physique au nom des droits individuels et de la nouvelle orthodoxie intellectuelle.

Je pense que ce dont il parlait, sous couvert de nouvelle orthodoxie intellectuelle, est lié au thème de la question que je vous ai posée.

Je ne veux pas que nous soyons des barbares. Les soldats canadiens ne se sont jamais comportés en barbares, j'espère. Avez-vous des observations à faire sur les remarques du général Mackenzie?

Je vous le demande parce que nous avons souvent entendu, ces derniers mois, nos chefs militaires dire que nous sommes plus aptes au combat que nous l'étions il y a 10 ans. Le général MacKenzie affirme, sans détour, que c'est le contraire qui est vrai.

Le lgén Jeffery: Pour ce qui est de maintenir notre capacité, je n'avais pas envisagé la question sous cet angle lorsque vous avez posé la première partie de votre question en évoquant la guerre sur trois fronts. Il ne fait aucun doute que, vu l'importance que l'on accorde aujourd'hui aux opérations de maintien de la paix et à des activités semblables, sans mettre suffisamment l'accent, selon moi, sur l'entraînement requis pour faire la guerre, notre capacité de combat va s'éroder; elle s'érode déjà. Je le sais pertinemment.

Il faut remettre cela en contexte. À la fin de la guerre froide, la cadence des opérations s'est intensifiée de façon notable. L'Armée a dû faire face à toutes sortes de choses, par exemple, le retrait des troupes basées en Europe, des coupures de personnel importantes et une restructuration. À l'époque, l'Armée était très bien entraînée, étant donné qu'elle avait été basée sur le front d'Europe centrale pendant plusieurs décennies et s'était, en fait, juste occupée de sa propre préparation. Nous avons pu faire la transition pendant la majeure partie des années 90 sans qu'il y ait de dégradation sérieuse de notre capacité, dans son ensemble.

Toutefois, avec le temps, nous avons eu de la difficulté à remplacer ces capacités de combat collectives. C'est la raison pour laquelle l'entraînement collectif est placé très haut sur ma liste de priorités, de façon à ce que nous puissions acquérir de nouveau ou renforcer cette capacité de combat et la mettre au niveau où elle devrait être pour faire face à l'avenir. C'est une chose qui me préoccupe.

Quand je discute, en théorie, de la guerre sur trois fronts et des éléments à prendre en considération, je présume qu'il y a des compétences inhérentes qui permettent d'accomplir ces trois tâches. Ce sur quoi j'ai voulu insister, c'est l'aptitude qu'il faut posséder, aux niveaux individuel, collectif et psychologique, pour passer de l'une à l'autre. Quoi qu'il en soit, on présume que ces compétences de base existent. Or, aujourd'hui, on peut se demander si elles existent vraiment.

Mon ami et collègue, le général Lewis MacKenzie, et moi-même avons débattu de la question de façon assez approfondie, il y a un peu plus d'un an, lors de la Conférence des associations de la Défense lorsqu'il m'a posé lui-même une question semblable. C'est un peu un attrape-nigaud, parce que les gens s'attendent à ce qu'on leur donne des réponses tranchées à des questions complexes auxquelles on ne peut réagir que de façon nuancée.

Pour se battre, pour participer à des combats, les êtres humains doivent être endurcis. Ils doivent avoir été très bien entraînés et plus important que tout, ils doivent agir en étroite cohésion les uns avec les autres. Amener quelqu'un à se battre et à mourir, dans un sens, volontairement, est une chose qu'il est très difficile de justifier. Quoi qu'en disent beaucoup de gens, les soldats se battent et meurent pour leurs amis et pour leurs compagnons, pas pour le pays, le drapeau ou un quelconque idéal politique. Voilà ce qui crée des soldats capables de se battre. Nous devons insuffler cet esprit d'équipe. Nous devons les souder les uns aux autres et les garder soudés, tout en leur donnant la force mentale et physique d'accomplir leurs tâches. Voilà ce dont parlait le général MacKenzie. Lui et moi n'avons pas d'opinions différentes sur le sujet.

Quelle sorte d'être humain ou de citoyen canadien correspond en bout de ligne à cet idéal, c'est une autre histoire. L'image que nous avons du soldat qui combattait pendant la Deuxième Guerre mondiale et du soldat qui servait sur le front d'Europe centrale ne correspond pas nécessairement à l'image du soldat d'aujourd'hui. Même si le soldat d'aujourd'hui est doté de tous ces éléments, fondamentalement, il est différent. Les attentes du pays sont différentes. Cela ne me pose pas de problème. En tant que professionnels, le défi que nous avons à relever est de rassembler une équipe de jeunes Canadiens et de jeunes Canadiennes qui ont des idées bien arrêtées sur les droits de la personne et sur leur importance en tant qu'individus. Nous leur demandons toujours, lorsqu'ils signent au bas de la page, de renoncer à leurs droits individuels au nom de l'intérêt commun. On ne les traite pas exactement comme par le passé.

Ce que nous n'avons peut-être pas fait, surtout parce que nous n'en avons pas eu l'occasion, c'est nous concentrer sur la cohésion au sein de cette équipe autant que nous aurions dû le faire et autant que nous devons le faire à l'avenir. Je comprends les exigences de base qui doivent être respectées, mais je ne crois pas que l'on doive sacrifier ce qui fait de nous des Canadiens pour devenir des soldats canadiens.

Le sénateur Banks: Voilà une superbe réponse. Je vous remercie d'avoir admis franchement que, pour faire votre travail comme vous voulez le faire, vous avez besoin de plus de ressources.

Le président: Mon général, nous avons passé une matinée extraordinaire. Nous apprécions votre candeur. Vous avez décrit avec énormément de détails ce qui fait la complexité de votre tâche ainsi que les compromis que vous devez faire quotidiennement. Au nom du comité, je tiens à ce que vous sachiez combien nous vous sommes reconnaissants pour ce témoignage aussi détaillé que réfléchi.

Je vous remercie, vous et votre collègue, d'avoir comparu devant nous. J'aimerais souligner à nouveau que le comité, et le Sénat, sont fiers de ce que les femmes et les hommes qui appartiennent à l'Armée font pour le Canada.

La séance est levée.


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