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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 4 - Témoignages du 25 avril 2001 (séance du matin)


EDMONTON, le mercredi 25 avril 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit ce jour à 10 h pour examiner les questions pouvant survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie de votre présence, au nom du comité. Malheureusement, deux de nos membres ont dû se rendre à une réunion de rédaction, mais ils se joindront à nous plus tard. Je vous prie d'excuser le fait que tous les cinq membres ne soient pas là.

Nous avons déjà rencontré des témoins à Vancouver et Calgary. Au cours des prochains jours, nous entendrons des Canadiens à Toronto. Je dis «Canadiens», car à Vancouver nous avons également reçu un témoin californien.

Ces audiences ont pour but de nous donner un aperçu des opinions des Canadiens concernant ce domaine important de l'énergie. Nos recommandations prendront la forme d'un rapport au Sénat.

Nous recevons ce matin M. Thomas Marr-Laing, M. Chris Severson-Baker et Mme Mary Griffiths.

Mme Mary Griffiths et moi-même avons collaboré pendant des années à l'Assemblée législative de l'Alberta. Elle s'y est beaucoup illustrée. Je pense que nous étions en avance sur notre temps.

M. Thomas Marr-Laing, directeur, Programme de veille sur l'énergie, Pembina Institute for Appropriate Development: Merci beaucoup de cette invitation à comparaître devant votre comité.

Je travaille au Pembina Institute depuis 11 ans. J'y ai occupé diverses fonctions, notamment un mandat de quatre ou cinq ans comme directeur général. Depuis trois ans, je suis responsable du Programme de veille sur l'énergie. Trois membres de ce programme sont ici aujourd'hui. Mme Gail MacCrimmon, la quatrième, se spécialise dans les sables bitumineux.

Le Programme de veille sur l'énergie se concentre sur l'énergie conventionnelle, qui englobe les sables bitumineux et les centrales électriques au charbon. Le programme s'intéresse également au pétrole de l'Arctique, et à la mise en valeur du pétrole et du gaz dans les secteurs pionniers du Nord.

Notre mission consiste à intervenir dans l'exploitation et l'utilisation des combustibles fossiles dans le but de minimiser les risques pour la santé humaine et l'environnement. Nous mettons de l'avant les technologies permettant de minimiser les impacts de la consommation de l'énergie fossile et, le cas échéant, proposons des orientations de rechange.

Nous travaillons en collaboration avec d'autres composantes de l'Institut, notre programme relatif au changement climatique, notre programme touchant l'énergie renouvelable et notre programme d'économie verte, sans jamais perdre de vue notre besoin d'énergie. Le monde est petit, mais c'est un énorme défi que d'impulser des changements de société dans le sens que nous préconisons.

M. Chris Severson-Baker, analyste de la politique environnementale, Programme de veille sur l'énergie, Pembina Institute of Appropriate Development: Je travaille au Pembina Institute depuis environ cinq ans. Pendant presque toute cette période, je me suis concentré sur le pétrole et le gaz conventionnels. Je seconde mes collègues qui travaillent sur les sables bitumineux et, de plus en plus, sur la production d'électricité. Je passe également une bonne partie de mon temps à parler aux propriétaires terriens et citoyens de l'Alberta et je leur communique des sources d'information sur les problèmes environnementaux et les meilleures pratiques.

Je travaille également pas mal avec la Clean Air Strategic Alliance de l'Alberta et participe à diverses études de la réglementation.

Le sénateur Spivak: Quelle est votre formation? Êtes-vous tous économistes?

M. Severson-Baker: Je suis diplômé en sciences environnementales de l'Université de l'Alberta, avec une spécialisation en sciences économiques et politiques. J'ai occupé ce poste pratiquement dès la fin de mes études. J'ai un peu travaillé à la Toxics Watch Society of Alberta et à l'Alberta Environmental Network avant de trouver un emploi à l'Institut.

M. Marr-Laing: Je suis ingénieur de formation. J'ai suivi un diplôme d'ingénieur à l'Université de l'Alberta, vers le milieu des années 80. Ma spécialisation était en génie des logiciels, et j'ai donc laissé passer l'occasion de devenir riche. J'ai pas mal d'expérience du monde des affaires et je l'applique au travail dans le domaine de l'environnement, de l'écologie, que j'ai pu faire en cours de route.

Mme Mary Griffiths, analyste de la politique environnementale, Pembina Institute for Appropriate Development: J'ai une formation de géographe et ai été professeur d'université. Mon arrivée au Canada a amené un changement de carrière. J'ai fait beaucoup de travail dans le domaine de l'environnement au sein du caucus libéral de l'Alberta et, lorsque j'ai été prête pour un changement après presque 11 ans chez les libéraux, j'ai été ravie d'entrer au Pembina Institute car je me suis toujours intéressée au développement durable.

La grande mission du Pembina Institute est de promouvoir l'exploitation durable de nos ressources naturelles. Je suis ravie que votre comité sénatorial se penche sur cet aspect.

Le président: Mme Griffiths a été responsable de la recherche dans ce domaine pour l'opposition pendant des années et s'est lancée dans beaucoup d'autres choses avec beaucoup d'enthousiasme et d'énergie.

Le sénateur Spivak: Pas étonnant que vous ayez survécu si longtemps.

Mme Griffiths: J'ai beaucoup appris auprès du sénateur Taylor. En fait, c'est lui qui m'a formée.

M. Marr-Laing: Nous sommes très heureux que Mary travaille avec nous pour quantité d'excellentes raisons.

Mme Griffiths: Je signale simplement que mon travail principal jusqu'à présent au Pembina Institute a porté sur l'industrie du pétrole et du gaz conventionnels et à aider et conseiller les propriétaires fonciers confrontés à l'exploitation du pétrole et du gaz sur leurs terres. Je vous renvoie à notre livret, dont nous vous remettrons un exemplaire intitulé: When the Oil Patch Comes to your Backyard.

Le sénateur Spivak: J'espère que vous aurez quelques renseignements pour nous au sujet de la Politique énergétique continentale et la proposition relative au nombre de puits de gaz à forer. C'est un chiffre effarant.

Le président: Nous avons entendu hier l'Association canadienne des producteurs pétroliers et un distributeur de gaz la veille, à Vancouver. Nous avons une bonne idée de l'expansion prévue.

M. Marr-Laing: J'ai prévu de faire un exposé d'une dizaine ou quinzaine de minutes, pour répondre ensuite à vos questions, si cela vous convient.

Le sénateur Spivak: Oui.

M. Marr-Laing: Je vous ai fourni des copies des notes que j'utiliserai. Il y en a environ trois pages.

Je m'inscris dans une optique structurelle-conceptuelle de l'énergie et j'aborderai quelques aspects particuliers. Nous pensons qu'il est essentiel que le Canada apporte quelques changements substantiels à la façon dont il produit, crée et utilise l'énergie à l'intérieur de ses frontières.

L'impératif d'un changement structurel dans notre mode de consommation de l'énergie tient à plusieurs facteurs. Ces facteurs sont en rapport avec l'environnement, la santé humaine et le changement climatique. Franchement, un certain nombre de facteurs économiques et concurrentiels poussent également à ce changement structurel.

Pour comprendre les enjeux écologiques et sanitaires en rapport avec l'énergie, surtout ici en Alberta, qui est surtout un lieu d'extraction des combustibles fossiles, nous discernons cinq catégories différentes d'impacts environnementaux. Je vous renvoie au haut de la page 2. La production de combustible fossile dégage localement une série de polluants atmosphériques qui ont des effets sur la santé humaine. La création et la combustion d'énergie dégagent des particules, associées à une série de polluants atmosphériques dangereux, tels que le sulfure d'hydrogène, le benzène - qui est un carcinogène sans seuil d'exposition - ainsi qu'une série d'hydrocarbures aromatiques polycycliques, tous toxiques pour l'homme.

Je nommerai seulement quelques-uns des polluants atmosphériques locaux, d'autres figurent dans notre mémoire. Nous parlons là de l'échelle locale et régionale. Il s'agit principalement de l'oxyde d'azote et du dioxyde de soufre, qui sont les principales causes des pluies acides, des dépôts acides. Ces dépôts peuvent tomber sous forme sèche et sous forme de pluie et conduisent à l'acidification des sols et des lacs.

L'extraction des combustibles fossiles engendre d'importantes perturbations et altérations de l'habitat de surface. L'Alberta est un exemple particulièrement déplorable de la fragmentation de la forêt boréale à laquelle on assiste et qui est due principalement à l'industrie, mais pas exclusivement. Évidemment, l'industrie minière et l'agriculture ont, elles aussi, des effets environnementaux.

Pour illustrer l'ampleur de l'intrusion dans l'écosystème de notre forêt boréale albertaine au cours des 40 ou 50 dernières années, en dehors des parcs, si vous vous faisiez déposer par hélicoptère n'importe où dans la moitié nord de la province, qui est couverte de forêt boréale, vous n'auriez pas un kilomètre à parcourir avant de tomber sur une trouée d'une forme ou d'une autre, qu'il s'agisse d'une ligne sismique, d'une ligne électrique, d'un pipeline ou d'une route, par laquelle vous pourriez sortir de cette forêt.

L'extraction des hydrocarbures est associée à une gamme de risques potentiels pour le sol et l'eau. Cette extraction peut avoir un effet délétère sur la qualité de l'eau et du sol.

Le dernier point intéresse les gaz à effet de serre dégagés par l'ensemble du processus, soit l'utilisation des combustibles fossiles en amont et en aval de la filière. Environ 15 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre proviennent de l'extraction, du conditionnement, de l'acheminement par pipeline et du transport jusqu'à l'utilisateur final.

Je vous renvoie au diagramme à la dernière page de notre mémoire, intitulé: Le fossé de Kyoto il montre les tendances sur le plan de l'émission de gaz à effet de serre. Dans un scénario de laissez-faire, nous émettrons aux alentours de 764 mégatonnes par an de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Notre engagement envers la communauté internationale était de ramener ce chiffre à 565. Il y a donc un écart de 200 tonnes.

En fait, en Alberta, nous envisageons d'intensifier notre consommation énergétique et de repasser du gaz au charbon. Il est question d'intensifier encore l'exploitation des sables bitumineux pour répondre à la demande américaine. Tout cela gonflera le chiffre des émissions, et ce en dépit du fait que la science nous dit que nous perdons du temps et que cela est tout simplement non viable.

Voici donc notre évaluation des impacts sur la santé humaine et l'environnement associés à notre dépendance actuelle à l'égard des combustibles fossiles pour satisfaire aux besoins énergétiques de notre société. Cela n'est pas viable, presque par définition. Nous ne pouvons tout simplement continuer sur la voie sur laquelle nous sommes engagés.

Je suis sûr que vous aurez entendu quantité de représentants de l'industrie se targuer de ce qu'ils ont fait pour réduire les impacts par baril ou par unité. L'impact environnemental associé à la mise en valeur est en baisse. Il y a eu une diminution sensible du torchage des gaz en solution dans cette province. L'industrie des sables bitumineux parlera des technologies qu'elle compte adopter pour amoindrir les impacts sur l'environnement, en particulier in situ, et la réduction de l'excavation requise pour l'exploitation à ciel ouvert.

Ce sont là des mesures positives et qui réduisent les effets sur l'environnement par baril produit. Cependant, ils ne mentionneront peut-être pas que l'impact total, du fait de l'accroissement de la production énergétique, s'accroît à un rythme supérieur à celui des efficiences obtenues par baril. Ils ne parleront peut-être pas du nombre accru de conflits avec les résidents ruraux du fait des puits de gaz sulfureux forés un peu partout pour tenter de remplir les gazoducs à destination du Sud. Ils ne parleront peut-être pas du fait que la nouvelle technologie des sables bitumineux nous permettra d'exploiter, non plus les 2 à 5 p. 100 récupérables précédemment, parce que proches de la surface, mais d'exploiter un autre 80 p. 100, qui couvre une importante partie du nord de la province.

Nous pensons que la crise actuelle de l'énergie en Amérique du Nord, et tout le battage médiatique qui l'entoure - dont une bonne partie est le fait de M. Bush - représente pour le Canada à la fois une opportunité et un risque.

Nous avons maintenant l'occasion d'intensifier radicalement le rôle de l'énergie renouvelable, des technologies de transport de remplacement, des mesures de conservation et d'économie d'énergie, et cetera, dans ce mélange, ce portefeuille, qui visera à satisfaire nos besoins d'énergie, tant au Canada qu'en Amérique du Nord en général. Malheureusement, la voix des tenants de ces solutions ne se fait pas entendre aussi fort que celle des partisans d'une augmentation des forages et des anciens moyens de production.

À notre sens, il faudrait chercher comment positionner stratégiquement le Canada de manière à tirer parti de ces opportunités émergentes, de ces moyens non traditionnels de produire de l'énergie. À notre avis, nous sommes à la veille d'une révolution énergétique d'ampleur toute aussi grande que la révolution informatique que nous avons connue, avec les ordinateurs personnels, l'Internet et la biotechnologie. Il existe toute une série de technologies, telles que les piles à combustible, les micro-centrales hydrauliques, les voitures hybrides, les carburants biologiques, et cetera, que d'autres consommateurs d'énergie perfectionneront. Il est à leur avantage de mettre fin à leur dépendance à l'égard des combustibles fossiles.

Le Canada restera en marge du progrès si nous continuons à être des bûcherons et des porteurs d'eau - et des fournisseurs d'énergie. Nous avons les cerveaux, les ingénieurs, la technologie et la capacité de comprendre l'énergie. Nous excellons dans la production d'énergie. Cependant, saurons-nous opérer la transformation des mentalités requise pour que l'on cesse d'assimiler l'énergie aux seuls combustibles fossiles et d'y englober d'autres formes? Nous ne devons pas nous cantonner à l'exploitation de nos sources d'énergie conventionnelle car, comme je l'ai indiqué, nous ne ferons qu'exacerber les problèmes sociaux, écologiques et sanitaires et nous rendre vulnérables à la concurrence dès lors que des changements substantiels commenceront à intervenir.

Nous pensons donc que nous devons nous positionner sur un chemin stratégique. Nous ne nous faisons pas d'illusion et ne pensons pas que nous pourrons passer du jour au lendemain de la dépendance à l'égard des combustibles fossiles aux énergies renouvelables, aux économies fondées sur l'hydrogène, et cetera.

Le temps requis pour la conversion des équipements - et j'entends par là les voitures, les centrales, et cetera - n'autorise pas un changement de cap du jour au lendemain. Cependant, il y a une limite au temps que nous pouvons continuer à cheminer sur la voie normale.

Le principal problème, à notre sens, est celui du changement climatique que les signes précurseurs annoncent. À notre avis, nous disposons d'une fenêtre de 20 à 40 ans pour opérer une réduction substantielle de notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles comme principale source d'énergie. Cependant, 20 à 40 ans est une période très courte étant donné l'ampleur de la tâche. Il nous faut prendre des décisions conscientes, faire des choix stratégiques et politiques clairs pour mettre en marche la transition vers l'hydrogène et les énergies renouvelables. Nous ne pouvons nous limiter à un horizon de 10 à 15 ans et simplement intensifier la production à partir des sables bitumineux, la production dans le Delta du Mackenzie pour continuer à produire notre combustible ordinaire, car alors nous raterons la tradition qui s'impose.

Opérer ce changement exigera une action résolue des pouvoirs publics. Le libre marché a un rôle très important à jouer, apportant la créativité et la volonté de changement, mais il ne peut le faire que s'il reçoit les signaux sociaux voulus. À l'heure actuelle, le marché ne reconnaît pas les externalités environnementales. Elles ne sont pas intégrées dans le prix que le consommateur paie. C'est pourquoi le charbon, par exemple, est considéré comme peu cher.

Si l'on veut accélérer le changement technologique indispensable, le gouvernement, qui est l'expression des besoins de la société, doit jouer un rôle d'impulsion et envoyer ces signaux au marché. Il n'a pas besoin d'être le fournisseur, le fabricant de ces technologies, mais il doit envoyer les signaux montrant que le changement est nécessaire. En l'absence de cela, comme nous l'avons vu avec l'absence de réaction spontanée aux gaz à effet de serre au cours des années 90, rien ne se fera.

Le dernier point mentionné sur cette page est que vous, en tant que sénateurs, avez la possibilité d'influencer les parlementaires de l'autre aile, soit les députés, qui ont souvent un horizon beaucoup plus court parce que les élections ont lieu tous les quatre ou cinq ans. Vous avez la possibilité de promouvoir ces concepts stratégiques et les mesures de transition dont la société canadienne a besoin. Voilà le message clé que nous voulons vous transmettre.

Je vais prendre quelques minutes pour passer en revue les domaines spécifiques où le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle, à notre sens. Je commencerai par la Politique énergétique continentale.

Nous pensons, de façon générale, qu'une politique énergétique continentale est nécessaire. Nous avons un problème sérieux, si bien que cette politique, et le rôle du Canada, doivent être axés sur une vision à long terme de l'énergie. Cela signifie énergies renouvelables, amélioration de la technologie de transport, options, développement des biocarburants, et cetera. C'est là-dessus que nous devrions concentrer nos énergies, car ce n'est pas à coups de foreuses que nous réglerons ce problème, pour reprendre le mot d'un sénateur américain. Une série de mesures à court terme ne pourra résoudre le problème de long terme.

Il faut bien voir que l'option d'accroissement de l'offre, comme on l'a vu, aura de graves conséquences néfastes pour le Canada. J'entends par là une production hydroélectrique accrue au Québec, exigeant de nouvelles inondations dans le nord du Québec; l'extraction dans le Nord; l'intensification de l'exploitation des sables bitumineux; et l'exposition croissante des Canadiens aux effets sur la santé humaine des sources d'énergie conventionnelles.

Le principal facteur ici est qu'il existe clairement des conséquences économiques associées à l'augmentation de nos émissions de gaz à effet de serre dans le but de fournir de l'énergie aux Américains. Ces derniers ont fait savoir qu'ils ne voulaient pas assumer de responsabilité pour le carbone. Nous nous illusionnons si nous pensons que quelqu'un ne va pas devoir, à un moment donné, payer le prix de ces émissions accrues. Or, nous encourageons aveuglement l'industrie à investir des milliards de dollars dans l'extraction de nouvelles ressources, sans donner un signal clair quant aux solutions que nous envisageons à ce problème central.

Cela nous ramène à toute la question de la répartition des coûts associés au changement climatique. Qui va les prendre en charge? Nous encourageons l'expansion des sables bitumineux. Nous encourageons l'expansion d'autres sources de combustible fossile mais nous ne disons pas au public canadien qui va finir par payer pour la réduction de nos gaz à effet de serre. La science nous dit qu'il faudra bien le faire un jour au l'autre. Si nous n'en parlons pas franchement, alors je dis que nous envoyons un signal trompeur aux intérêts privés qui investissent tous ces capitaux à notre demande, et nous trompons le contribuable canadien qui va devoir payer en fin de compte.

Dans cette discussion sur la Politique énergétique continentale, le Canada doit arguer en faveur d'un portefeuille équilibré de sources d'énergie, et non pas focaliser simplement sur le pétrole, le gaz et l'hydroélectricité.

Toutes les décisions du gouvernement canadien devront être prises dans la transparence. Il faut mettre en place des mécanismes appropriés en vue de cerner les répercussions environnementales et il faudra une véritable concertation publique.

Il est essentiel que le gouvernement fédéral conserve un rôle actif dans la quête de solutions aux problèmes écologiques locaux et régionaux. Toute la notion d'harmonisation, qui suppose une délégation de ces responsabilités aux provinces, comporte des risques substantiels pour les Canadiens de chacune des provinces.

Le gouvernement fédéral doit maintenir un rôle, premièrement au niveau de la recherche scientifique et, deuxièmement, de la réglementation. Nous le voyons aujourd'hui avec l'exploitation du charbon ici, en Alberta. C'est une pièce cruciale du puzzle, tant sur le plan du développement du Nord que des autres régions où des gisements sont déjà exploités.

Le sénateur Spivak: Je ferai un commentaire et poserai ensuite trois questions.

Mon commentaire est que je ne pense pas qu'une seule personnalité politique du circuit décisionnel au Canada n'a la moindre idée de l'urgence du problème. Ils ont peut-être une vague idée, mais ils n'ont pas de concept. Évidemment, la plupart n'ont pas de concept, mais même ceux qui en ont un n'ont aucune idée de l'urgence.

L'Office national de l'énergie nous a parlé de son rôle dans l'évaluation environnementale des pipelines, et cetera, et je suppose que ce rôle concerne uniquement les pipelines et non pas les forages. Je ne vois pas comment il pourrait intervenir dans ces derniers.

Je leur ai demandé comment ils comptaient prendre en compte les coûts, et leur économiste nous a dit qu'ils tiendraient compte d'une partie des coûts externes, mais il n'a pas semblé très convaincant. L'Office se veut indépendant. Ma première question est celle-ci: comment voyez-vous le rôle de l'Office national de l'énergie en tant que l'un des organes responsables de la supervision du développement dans le Nord?

Ma deuxième question porte sur ce que les représentants de l'ACPP nous ont dit. Ils nous ont dit, contrairement à tous les autres, avoir participé à des discussions à Washington et avoir reçu l'assurance que la politique continentale sera globale. Elle englobera la conservation et tout ce qui est bien, en sus de tout ce qui est mauvais, évidemment. Dans quelle mesure pensez-vous que l'association saura défendre l'intérêt du Canada au lieu de simplement représenter l'industrie? C'est une association professionnelle. Je ne sais pas si d'autres sont allés à Washington, à part les personnalités politiques.

La troisième question intéresse le fait que les représentants de l'ACPP nous ont dit qu'il reste pour 100 années de combustibles fossiles. Vous dites que nous disposons d'une fenêtre de 20 à 40 ans pour réduire sensiblement notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles. J'ai déjà lu cela ailleurs. Les piles à combustible ne sont pas encore prêtes, mais l'on espère qu'elles deviendront la grande révolution. Il y a d'autres possibilités, mais je ne sais pas si elles auront autant d'impact.

Ma question à ce sujet est la suivante: qui va gagner la course? Pouvez-vous nous dire aussi si les piles à combustible, qui utiliseront un jour de l'hydrogène mais qui, dans l'intervalle, font appel au méthane, amèneront une réduction substantielle?

J'ai appris un nouveau terme, soit la «génération distributive», ce qui signifie, je suppose, que l'on pourrait avoir sa propre source d'énergie dans sa cave. On n'aurait plus besoin de gros barrages hydroélectriques.

Voilà mes questions.

Le président: Vous avez parlé d'une concertation avec le public et d'exercer une pression en faveur de solutions écologiquement propres. On nous a parlé hier d'une idée intrigante: on remettrait au contribuable un bordereau T4 ou T5 - appelons-le bordereau T6 - à la fin de l'année, qui montrerait combien d'énergie propre la personne a acheté, et ce montant apparaîtrait comme crédit dans sa déclaration d'impôt. Ce serait traité comme un dividende - on totalise à la fin de l'année. Autrement dit, nous émettons des T4 indiquant les salaires, un T5 indiquant les intérêts et dividendes. Ce groupe a lancé l'idée d'émettre un T6 ou T7 de telle façon que, à la fin de l'année, l'acheteur saurait combien a été dépensé en énergie éolienne ou solaire. L'acheteur paierait l'électricité au prix du marché, la société énergétique accepterait de la fournir et l'acheteur aurait un crédit d'impôt sur le revenu. Cela semble être très intéressant. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que beaucoup de gens ne paient pas d'impôt sur le revenu, mais si à tout le moins on incitait les riches à consommer de l'énergie propre, ce serait autant de gagné.

Avez-vous fait du travail là-dessus, dans la perspective de Monsieur-tout-le-monde? Cela enlève la problématique entièrement des mains des producteurs et distributeurs d'électricité et la met aux mains de ceux qui jouiront d'un crédit d'impôt.

L'autre point que j'ai relevé en vous écoutant, c'est l'absence de mention des Autochtones. Après tout, ce sont eux dont le territoire a été touché, en ce sens qu'ils ont dû déplacer leurs lignes de piégeage et cetera. Je sais que j'empiète là sur le domaine du sénateur Adams et je suis sûr qu'il posera des questions plus fouillées. Je me souviens que Mary et moi avons travaillé sur ces questions. Vous avez mentionné le nombre de routes qui ont été construites pour transporter l'énergie, mais les retombées sur la collectivité autochtones ont été beaucoup plus lourdes que cela.

Je précise que le sénateur Adams est du Nunavut et constitue, en quelque sorte, notre expert du réchauffement climatique au Sénat.

Le sénateur Adams: Je signale simplement qu'à mon départ pour venir à Edmonton, le facteur de refroidissement dans le Nord était de moins 37. Manifestement, nous ne ressentons pas encore les effets du réchauffement climatique dans le Nord, pas au milieu du mois d'avril.

Vous dites dans votre mémoire que la mise en valeur et la gestion du pétrole et du gaz dans les régions pionnières du Nord appelle une réglementation. Le sénateur Spivak a indiqué que nous avons rencontré hier à Calgary l'Office national de l'énergie. Il est apparu que ce dernier ne s'occupe guère des orientations, bien que ce soit lui qui accorde les permis de prospection et d'exploitation.

Comme vous le savez, il y a deux pipelines dans le Nord. L'un traverse l'Alaska et l'autre relie l'Alaska à la Colombie- Britannique en passant par le Yukon.

L'Office national de l'énergie nous assure qu'il va réglementer, mais certaines des revendications territoriales des Autochtones du Yukon n'ont toujours pas été réglées. Cela s'applique également à la Colombie-Britannique. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi vous considérez que l'exploitation du pétrole et du gaz dans le secteur pionnier du Nord devrait être réglementée par le gouvernement fédéral.

J'ai parlé à certains responsables du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à Ottawa. Habituellement il intervient dans toutes les décisions prises concernant les revendications territoriales autochtones et autres enjeux avant le démarrage de toute production énergétique. Il y a deux ans, le règlement des revendications territoriales a donné naissance au Territoire du Nunavut et il est maintenant question de construire une ligne de transmission électrique du Manitoba jusqu'au Nunavut. Cela s'accompagnerait de la construction de routes d'hiver. Toutefois, il faudrait que les revendications territoriales des Autochtones du Manitoba soient réglées avant qu'Ottawa puisse faire quelque chose de ce genre.

Nous voulons collaborer avec le gouvernement du Manitoba car il est très difficile pour ceux d'entre nous vivant dans la région de Keewatin d'avoir accès à des sources d'énergie tout au long de l'année. La situation dans l'Île de Baffin, la partie Est du Nunavut, est différente car ils peuvent être approvisionnés en mazout par des navires citernes venant de Montréal et d'autres ports de l'Est. Dans la partie occidentale du Nunavut, des localités comme King's Bay et Kugluktuk sont approvisionnées en pétrole par l'oléoduc du Delta du Mackenzie.

Depuis le règlement des revendications territoriales du Nunavut, un certain nombre d'Inuits sont partis au Sud. C'est là qu'ils voient leur avenir. Ce n'est pas un problème à ce stade, mais il ne faudrait pas que cette tendance s'accentue.

Aucune décision concernant les pipelines ne peut être prise tant que ne seront pas réglées les revendications territoriales qui ne le sont pas encore. Avez-vous des renseignements à nous fournir à ce sujet?

Le président: Avant que vous répondiez, j'ai moi aussi une question.

Avez-vous effectué des recherches sur les bassins atmosphériques? Comme vous le savez, on mesure toujours la pollution sur une base unitaire, c'est-à-dire que telle cheminée ou usine a droit à une certaine quantité d'émissions. Évidemment, cela ne signifie rien à moins qu'il y ait une limite totale par municipalité, mettons, au lieu d'autoriser des milliers de sources. Nous avons entendu dire que l'on va forer 27 000 puits de gaz.

Le sénateur Spivak: Je crois que c'est plus.

Le président: C'était l'estimation pour les prochaines années. Je me demande combien de pollution il en résultera si l'on autorise chacun d'eux à émettre une quantité, même très minime, de pollution. Avez-vous travaillé sur la notion d'endiguement? Les économistes utilisent le terme dans le domaine fiscal. Avez-vous réfléchi à l'idée de l'endiguement en matière de pollution?

M. Marr-Laing: Nous allons tenter de répondre à cette liste de questions.

Pour ce qui est du rôle de l'Office national de l'énergie, il y a là deux volets. L'autorité réglementaire albertaine, c'est-à-dire l'Energy and Utilities Board, le ministère de l'Environnement de l'Alberta et d'autres nous ont dit que, tant que nous n'aurons pas ratifié l'Accord de Kyoto, c'est-à-dire que les engagements pris n'auront pas valeur légale et feront l'objet de loi, leurs mains sont liées sur le plan du changement climatique. Ils peuvent microgérer l'exploitation des combustibles fossiles mais, tant que Kyoto ne sera pas ratifié, les autorités réglementaires n'ont guère de pouvoir pour ce qui est du changement climatique.

Le sénateur Spivak: L'impact environnemental des pipelines forme un domaine distinct.

M. Marr-Laing: Oui. Étant donné que les autorités réglementaires n'ont pas de pouvoir de macrogestion, l'accent est mis davantage sur les effets locaux de la construction de tout pipeline, que ce soit celui de l'Alaska ou tout autre.

Il faut tout de même reconnaître à l'industrie qu'elle a beaucoup fait pour réduire les impacts liés à l'exploitation.

Le président: Sur une base unitaire?

M. Marr-Laing: Oui, sur une base unitaire. Par exemple, ils franchissent maintenant les cours d'eau en sous-sol, au lieu de passer par-dessus, ce qui présente un moindre risque. Ce n'est pas que les risques soient nuls. Nous avons environ 250 000 kilomètres de pipelines, ici, en Alberta. Si vous regardez une carte de l'Alberta, elle est sillonnée de pipelines. Le réseau vieillit. Le nombre de fuites augmente. Je ne dis pas que le risque est nul, mais il est beaucoup moindre qu'il y a, mettons, 30 ans. L'industrie peut utiliser de meilleures techniques, introduire des changements et réduire les impacts.

Si nous choisissons de continuer à mettre en valeur les hydrocarbures, nous pourrons certes réduire les impacts unitaires. Cependant, la macrogestion échappe aux autorités réglementaires tant que nous, en tant que société, par l'intermédiaire de notre gouvernement, n'aurons pas décidé comment nous y prendre.

Mme Griffiths: La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale exige que tout pipeline soit évalué par l'ONE. Il serait bon, comme Tom l'a dit, que l'on se penche sur les effets cumulatifs et limite les émissions globales, non seulement celles liées à un pipeline, mais à toute l'exploitation.

Tant qu'il n'y aura pas une obligation imposée par le gouvernement fédéral d'englober la totalité des émissions dans l'évaluation, rien ne se fera. Je pense qu'il faut renforcer la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et j'estime aussi que certaines provinces n'assument pas nécessairement toute leur part de responsabilité.

Nous nous écartons là quelque peu du rôle de l'ONE. Je parle de la mise en valeur en général. Une province donnée peut en retirer d'énormes redevances qui l'enrichissent. Nous pensons que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de surveillance pour ce qui est des émissions, c'est-à-dire les émissions de gaz à effet de serre, les émissions particulaires et les dépôts acides, de même que les émissions de torchage.

Le sénateur Spivak: Il y a un groupe qui est responsable des évaluations environnementales, mais ils me disent qu'ils ne s'occupent pas de l'impact cumulatif.

Le président: L'argument de Mary est justement qu'ils le devraient.

Le sénateur Spivak: Je ne sais pas si la loi le prévoit.

Le président: Chaque fois que nous faisons quelque chose, il y a des récriminations. Si nous décrétons simplement que l'on ne peut plus commercialiser du boeuf contaminé au colibacille, vous aurez un tollé dans l'Ouest qui se dira encore aliéné. De nos jours, n'importe quoi peut être interprété comme une aliénation de l'Ouest. Et je dis cela bien que la plupart d'entre nous soyons de l'Ouest.

Si nous décidons d'arrêter les émissions de soufre, ce sera immédiatement considéré comme une mesure visant Edmonton, plutôt que l'Ontario ou Toronto qui polluent les Grands Lacs. Nous priverons la province de redevances car, naturellement, les redevances versées aux gouvernements provinciaux sont calculées sur la base des bénéfices, les coûts de traitement et d'épuration étant donc déduits.

Le sentiment général est que les pouvoirs publics s'en tirent bien. Ils ont pu rejeter le blâme sur les compagnies pétrolières. Le gouvernement n'a jamais été blâmé pour l'absence de règlements obligeant les compagnies pétrolières à faire certaines choses.

M. Marr-Laing: Nous avons fait pas mal de travail dans le Nord. En mars, Chris et moi étions à Tuktoyaktuk et quelques autres localités. Il faisait moins 43, mais c'était très beau. Nous avons remarqué que les gens ont beaucoup d'expérience avec la prospection séismique et les puits exploratoires, car ils ont déjà vu cela dans les années 70 et 80. Les gens connaissent les activités initiales du cycle de développement mais pas l'exploitation complète, le traitement et la gestion des déchets. Il faut qu'ils sachent qu'un pipeline ayant la capacité de transporter un milliard de pieds cubes de gaz par jour exigera que x nombre de puits soient forés chaque année pendant 30 ou 40 ans.

Notre conseil est celui-ci: déterminez ce que suppose la mise en valeur d'un gisement lorsque vous prenez votre décision, lorsque vous choisissez d'exploiter ou non une ressource donnée. Il faut utiliser le mécanisme réglementaire pour déterminer l'ensemble des impacts au moment de décider d'exploiter ou non une ressource donnée.

Un pipeline occupe une bande large de 30 à 50 mètres sur, mettons, 1 500 kilomètres de long. C'est gérable. Cependant, il faut savoir qu'il va supposer toute une série d'autres activités qui, prises ensemble, formeront un tableau très différent.

Le président: Mais ne nous comportons-nous pas comme des lemmings? Vos propos ne sont guère différents de ceux de l'Office national de l'énergie et de l'ACPP. Vous parlez de l'inévitabilité du forage de x nombre de puits de gaz et vous dites qu'il faudra attendre 20 ou 40 ans avant que cela change.

Désespérez-vous de l'énergie éolienne et d'autres formes d'énergie? Le prix du gaz est maintenant à six ou huit dollars US le millier de pieds cubes. Est-ce que cela ne va pas pousser les usagers vers ce marché?

Perdrons-nous notre temps à discuter de fouets de cocher et comment construire de meilleures calèches alors que Ford a déjà dans son garage ce qu'il faut pour nous faire disparaître? C'est vous les penseurs prospectifs. Combien de temps faudra-t-il pour plafonner, voire réduire, la production d'hydrocarbures?

M. Marr-Laing: Si j'avais une réponse certaine à cela, je pourrais gagner beaucoup d'argent au cours des dix prochaines années en pariant sur la technologie. Notre sentiment est que la majoration du coût de l'énergie conventionnelle, du fait d'une moindre abondance et de l'augmentation du coût de gestion environnementale, combinée à des progrès technologiques du côté des énergies vertes, nous amènera dans 10 à 15 ans à un point d'intersection des courbes, marqué par une augmentation spectaculaire de l'utilisation des nouvelles formes d'énergie et de la consommation efficiente de l'énergie fournie au marché.

Notre conseil au gouvernement albertain est celui-ci: ne comptez pas que ce monde d'abondance des combustibles fossiles durera toujours. Nous disons la même chose à un certain nombre de sociétés que nous conseillons, Suncor, Petro-Canada et d'autres. Nous leur disons d'investir stratégiquement une bonne part de leurs profits dans la capacité intellectuelle et technique à comprendre ces nouvelles technologies, à les acquérir et à les mettre en oeuvre car, à un moment donné, quelqu'un va les mettre sur le marché et la viabilité de leur secteur actuel risque de s'en ressentir fortement. Nous pensons que cela interviendra à relativement court terme.

Le sénateur Spivak: Certains en prennent conscience.

M. Marr-Laing: Oui.

Le sénateur Spivak: Elles veulent être des sociétés énergétiques, et pas seulement pétrolières.

M. Marr-Laing: Les sociétés pétrolières et gazières, c'est juste. Suncor en est un bon exemple. Elle a investi 200 millions de dollars dans l'énergie éolienne et la capture du méthane.

Le sénateur Spivak: Il ne faut pas oublier que le chanvre devait initialement servir à la production de papier jusqu'à ce que les propriétaires de grandes étendues de forêt décident de faire autrement.

Le président: Il y a eu un passage massif du bois dur au bois tendre pour la production de papier.

M. Marr-Laing: C'est ainsi que la révolution énergétique interviendra également. Nous essayons de nous montrer pragmatiques car nous savons que cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Cela ne se fera pas en cinq ou six ans.

Le président: Nous avons tenu à ce que vous comparaissiez à notre comité car nous pensions que vous vous penchiez sur des énergies que l'on pourrait qualifier de «fantaisistes» comme la biomasse. Nous savons que l'agriculture produit de l'éthanol et qu'elle peut fournir un carburant utilisable à partir de canola. Certes, lorsque vous suivez un bus urbain, cela sent la frite, mais l'on peut faire tourner un moteur avec cette huile. C'est de la biomasse. L'agriculture est toujours en quête de débouchés. Avez-vous travaillé un peu là-dessus?

M. Marr-Laing: Oui, certains de mes collègues s'intéressent à ce domaine. J'ai ici quelques documents qui parlent de la viabilité de certaines de ces technologies et du rôle qu'elles peuvent jouer. Ces changements sont en cours. Le Canada a la possibilité d'en tirer parti et d'être présent sur ce marché, ou bien se laisser évincer. Si c'est le cas, cela signifie que nous privilégierons les combustibles fossiles.

Le président: Il est un peu tôt pour le dire, mais nous allons devoir décider, au Sénat, si l'ère du pétrole et du gaz va durer encore une génération. Dans l'affirmative, il va falloir atténuer les effets. Il nous faut décider si l'ère du pétrole et du gaz tire à sa fin parce que le prix a atteint un niveau extrême tel que ces autres formes d'énergie vont arriver sur le marché. Dieu nous en préserve, mais nous pourrions même nous tourner vers l'énergie atomique, comme d'aucuns l'envisagent.

Le sénateur Spivak: Elle est trop chère.

Le président: Ce pourrait être le solaire, le vent ou la biomasse. Ce sont des sources d'énergie beaucoup moins polluantes.

Avez-vous dressé des modèles pour comparer le coût par Btu d'énergie de, mettons, une centrale éolienne ou une centrale solaire? L'énergie produite par une centrale éolienne ou solaire coûte probablement la même chose qu'il y a 20 ans, alors que le coût du pétrole et du gaz a été multiplié par 20 au cours des 20 dernières années. À un moment donné, quelque chose va casser.

M. Marr-Laing: Je ne connais pas une seule étude qui rassemble tous ces divers éléments. Cependant, si vous voulez connaître les projections de croissance de l'industrie éolienne, les conditions requises pour franchir les barrières de prix et les incursions sur le marché qu'elle espère opérer, ce genre de données existe.

Le président: Il s'agit de montrer au public le coût véritable des hydrocarbures, y compris la pollution qu'elle produit et ses effets sur la géographie du pays.

M. Marr-Laing: C'est juste. Il faut mieux faire connaître ces coûts et obtenir qu'ils soient intégrés aux calculs économiques, au lieu que le public soit seul à les payer.

Le sénateur Spivak: Que pensez-vous de la pile à combustible?

M. Marr-Laing: Il n'existe pas de solution magique à tous nos problèmes énergétiques futurs. Il y aura une combinaison de solutions différentes.

La pile à combustible a un rôle important à jouer. Nous avons rédigé un rapport analysant le volet aval - la source de l'hydrogène qui sera employé. Cela devient un élément primordial. Cet hydrogène peut être produit par des procédés n'apportant aucun avantage écologique net. D'autres procédés de production apporteraient ces avantages. Encore une fois, il faut garder les yeux ouverts pour ce qui est de l'application de ces techniques et ne pas perdre de vue les impacts à long terme.

On ne peut s'en remettre à notre système économique actuel pour nous extraire de ce problème, car la fenêtre pour l'abandon de l'énergie fossile n'est pas de 60, 80 ou 100 ans. Les combustibles fossiles cesseront d'occuper une place importante pour le chauffage et le transport. En revanche, ils auront probablement un rôle à long terme dans la fabrication des matières plastiques. Les contraintes environnementales auxquelles nous sommes confrontés, particulièrement le changement climatique, ne nous donneront pas autant de temps, si bien qu'il faut une intervention sociale pour que la transition s'opère.

Les autres technologies sont là. Elles vont occuper plus de place. La question est de savoir à quel rythme elles vont le faire et comment faciliter ce mouvement.

Vous avez parlé du rôle des États-Unis sur le plan de la conservation, des énergies renouvelables. S'agit-il uniquement de poudre aux yeux ou bien cela est-il un élément essentiel de la plate-forme? Va-t-on fixer des objectifs clairs pour l'utilisation de l'énergie éolienne dans certains États, tout comme M. Clinton a fixé des objectifs pour certaines énergies renouvelables? Va-t-on imposer des normes sociales claires, exigeant certains résultats à certaines échéances, ou bien va-t-on se contenter d'investir 100 millions de dollars par-ci par-là dans la recherche? Dans l'intervalle, nous dépenserons sept ou dix milliards de dollars pour construire des pipelines, des lignes de transmission électrique, et cetera. C'est une question d'équilibre.

Le sénateur Spivak: Ma question portait sur le fait que l'ACPP est à Washington pour des pourparlers avec les Américains. Où sont les gens de chez nous défendant les autres points de vue? Je suppose que personne d'autre n'a été invité.

M. Severson-Baker: À ma connaissance, aucune des ONG n'est allée à Washington.

Le sénateur Spivak: Et pourtant, l'ACPP mène campagne là-bas.

M. Severson-Baker: C'est le genre de choses que l'on apprend par le téléphone arabe.

Le président: Ils paient eux-mêmes pour leur déplacement et peuvent le déduire de leur impôt.

Le sénateur Spivak: Je suis sûre que certaines ONG seraient prêtes à payer de leur poche aussi.

Le président: Il en coûte plus à une ONG pour un déplacement qu'à une société.

M. Marr-Laing: Dans ce milieu, la collaboration est étroite entre les associations américaines et canadiennes, particulièrement celles travaillant sur le changement climatique, comme le Climate Action Network.

Le président: Avez-vous étudié les effets de notre industrie des hydrocarbures sur le changement climatique?

M. Marr-Laing: Oui, un rapport sur les solutions canadiennes que nous avons publiées il y a quelques années analysait les problèmes associés aux sources d'hydrocarbures et les solutions possibles. Ce rapport couvre un éventail de mesures applicables à diverses industries.

Le président: Croyez-vous au réchauffement climatique? Je crois savoir que certains à Calgary n'y croient pas.

M. Marr-Laing: Ce n'est plus une question de croire ou non. Il suffit de regarder les données scientifiques.

Le président: On n'a plus le luxe de ne pas croire.

M. Marr-Laing: Exactement. Du point de vue de la gestion des risques, on a intérêt à ne pas l'ignorer et on est obligé de décider des mesures à prendre.

Vous avez mentionné l'idée d'un T6 donnant droit à un crédit d'impôt.

Le sénateur Spivak: Avant de poursuivre, je dois contester votre dernière affirmation.

Lisez-vous les éditoriaux du National Post?

M. Marr-Laing: Oui.

Le président: Oh, honte à vous.

Le sénateur Spivak: Je n'ai pas besoin d'en dire plus.

Le président: Une feuille de chou de droite comme celle-là?

Le sénateur Spivak: Eh bien, non. Il faut le lire, car la rédaction ne craint pas le ridicule.

M. Marr-Laing: C'est juste. Des sociétés comme Exxon continuent à dépenser des sommes considérables pour influencer l'opinion et les décideurs.

Le sénateur Spivak: C'est juste.

M. Marr-Laing: Certains continuent à croire que la terre est plate, bien qu'un Canadien en ait fait le tour à pied.

Le président: S'il en existe, ils travaillent pour le National Post.

Le sénateur Spivak: Oui, mais le National Post n'exerce pas une mince influence dans notre pays.

M. Marr-Laing: Certes, mais je dis qu'une analyse raisonnée de ce que nous dit le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat - les meilleurs scientifiques canadiens et américains - concernant la situation ne permet pas d'ignorer ce problème.

Quant à l'idée d'un T6, je suppose que vous avez entendu Clean Air Renewable Energy. C'est nous qui avons lancé l'idée avec Suncor Energy. Il est évident qu'un crédit pour énergie verte - donnant un crédit d'impôt pour l'investissement dans l'énergie verte - est un élément primordial s'agissant de démanteler certaines des barrières structurelles et donner le choix aux gens.

Le sénateur Spivak: Avez-vous rencontré M. Martin?

M. Marr-Laing: Pas moi, mais certains de mes collègues, Robert Hornung ou Matthew Bramley. Oui, ils ont eu des discussions à un niveau assez élevé du ministère.

Vous avez posé quelques questions concernant la perspective des Autochtones ou nordiques. Notre position est que ce n'est pas à nous de décider s'ils doivent ou non mettre en valeur leurs ressources. Il existe, je pense, d'importantes raisons socio-économiques pouvant amener les habitants de cette région à tirer parti de cette ressource.

Ce serait beaucoup trop facile pour moi de donner un avis. J'habite à Drayton Valley, à une heure à l'ouest d'ici. C'est une région où l'on produit du pétrole et du gaz et les gens n'ont pas de mal à payer leurs hypothèques, et cetera, et ce n'est pas à nous de nous prononcer.

Mais nous disons ceci: si vous allez le faire, faites-le les yeux ouverts. Connaissez les risques du point de vue écologique et sanitaire. Assurez-vous d'intégrer cela dans votre prise de décision, afin de pouvoir fixer des limites au développement et aux répercussions sur votre territoire.

Le président: Est-ce par ce biais que nous abordons la problématique autochtone?

Mme Griffiths: Non, pas spécifiquement, mais les situations décrites concernent les collectivités autochtones.

M. Marr-Laing: Nous faisons du travail là-dessus en ce moment même. D'ailleurs, notre travail de cet après-midi consistera à rassembler cette documentation et à la convertir à l'usage des gouvernements du Nord.

L'autre conseil que nous donnons est celui-ci: sachez que cette opportunité qui s'offre est temporaire. Dans 40 ans, la plus grande partie de ces ressources seront épuisées, alors réfléchissez à ce que sera le cycle de 30 ans, le cycle de 50 ans et le cycle de 70 ans.

Le sénateur Spivak: Sept générations.

M. Marr-Laing: Oui. Le capital qui sera généré ouvrira des possibilités. On peut même les chiffrer. Sur le plan énergétique, des localités comme Tuktoyaktuk et d'autres sont totalement dépendantes pour leur approvisionnement en énergie et en électricité du gazole acheminé par avion ou camion.

Elles pourraient décider d'utiliser ce capital pour installer des éoliennes et d'autres formes d'énergie renouvelable, de façon à ne plus jamais dépendre du Sud.

On peut rechercher pour cela des capitaux privés. Les sociétés pétrolières qui veulent gagner beaucoup d'argent là-haut pourraient allouer des fonds à ces collectivités. Le trésor public gagnera également pas mal d'argent. Voilà, en gros, ce que nous pensons.

Il est évident qu'il y a beaucoup à faire pour édifier une capacité d'analyse de cette industrie. Les habitants du Nord ont beaucoup plus l'expérience de l'exploitation minière que du pétrole et du gaz. Il ne sera pas facile de trouver là-haut les gens qui connaissent les risques potentiels et seront capables de gérer et réglementer cette activité. Qui va jouer ce rôle?

Il faut réfléchir au rôle du gouvernement fédéral. Il y a toute une liste d'organismes aux sigles compliqués, Environnement Canada, le MAINC, l'ONE, et toute la liste de sigles des conseils de ressources.

Le sénateur Spivak: Nous avons vu la liste. Elle est très longue.

M. Marr-Laing: Il va falloir restructurer tout cela. Il faudra une transition.

Le président: Dans l'un de vos rapports vous parlez d'un indicateur qui n'est pas le produit intérieur brut ou le produit intérieur net. Était-ce le «quotient de bonheur»?

Mme Griffiths: «L'indicateur de progrès véritable»? Encore une fois, nous essayons de cerner le développement réellement durable au lieu de mesurer simplement le produit intérieur brut.

Le président: J'ai l'impression que la moitié des rédactions de journaux du Sud ont fait une crise cardiaque en lisant cela.

Mme Griffiths: J'ai participé à la recherche là-dessus.

Le président: Cela m'amène à une autre question. Vous avez mentionné que vous avez cette proposition en Alberta, mais l'avez-vous faite dans un territoire où vivent des Autochtones?

Mme Griffiths: Pas encore.

Le président: Ils doivent partir d'un ensemble de facteurs entièrement différents.

Mme Griffiths: Pas encore. Nous avons reçu une subvention de Diversification économique de l'Ouest pour faire cela en Alberta, mais c'était évidemment très novateur. Nous sommes limités, dans une certaine mesure, par les données disponibles. Il faut mener une série de ces études sur de nombreuses années. Si d'autres gouvernements régionaux ou provinciaux sont intéressés par ce genre de travail, l'institut serait intéressé à le faire.

M. Marr-Laing: Monsieur, nous l'avons fait pour le gouvernement du Yukon il y a trois ou quatre ans. Il nous a demandé d'esquisser des indicateurs de viabilité. Je ne parle pas là du travail analytique mentionné par Mary. Il voulait que nous définissions ces indicateurs. Nous avons donc déjà fait du travail là-dessus.

Le sénateur Spivak: J'ai l'impression que dans le Nord il y a une bagarre entre les autorités pour savoir qui aura le pipeline, qui retiendra les avantages du développement. Travaillez-vous comme consultant pour l'un ou l'autre de ces gouvernements, ou connaissez-vous quelqu'un faisant ce travail pour les aider à cet égard?

M. Marr-Laing: Nous travaillons avec trois ou quatre collectivités autochtones, par exemple les Vuntut Gwitch'in à Old Crow, sur les possibilités d'économie d'énergie, les sources d'énergie renouvelable, et cetera dans la perspective de la transition dont nous parlons.

S'il y a un domaine dans lequel le Canada devrait être le chef de file mondial, c'est bien celui de l'énergie renouvelable et de l'efficience énergétique dans le Nord. Chris et moi avons déjeuné à Tuktoyaktuk, en mars. Lorsqu'ils nous ont présenté l'addition, ils nous ont dit: «Nous payons l'électricité 44 cents le kilowatt-heure, notre eau coûte énormément cher et il serait beaucoup plus économique pour nous d'utiliser l'énergie éolienne, solaire ou photovoltaïque».

La plus grande partie de notre travail de consultant là-haut consiste à aider les collectivités à opérer ces transitions. Nous le faisons également dans le Nord de la Colombie-Britannique et dans certaines localités métisses ici, en Alberta. Cela présente le double avantage de renforcer le développement économique et l'acquisition de compétences et de fixer la population locale. C'est notre but principal.

Le sénateur Spivak: C'est un élément très intéressant. Dans quelle mesure le gouvernement fédéral contribue-t-il avec des conseils progressistes et éclairés? Habituellement, il fait l'inverse.

M. Marr-Laing: Le gouvernement fédéral a un programme d'investissement dans l'énergie renouvelable. Mais rien de cela ne s'inscrit dans un cadre politique plus large et on pourrait dire que c'est une simple façade.

Il faudrait définir les orientations pour la société. Il faudra une génération pour arriver à ce stade, mais il faudrait fixer l'objectif, prévoir les tactiques et les mécanismes pour y arriver, avec des cibles intermédiaires qui vont nous permettre d'arriver au but.

Mais nous n'avons pas de cadre, seulement une série de mesures éparses et ponctuelles qui changent au gré du vent politique.

Le sénateur Spivak: Je pense que vous avez raison. Nous laisserons passer l'occasion si nous ne partons pas du bon pied. C'est comme les pays en développement. S'ils passent par tous les stades par lesquels nous-mêmes sommes passés, nous sommes fichus.

M. Marr-Laing: Oui.

Le sénateur Spivak: Il faut sauter par-dessus ces étapes. Existe-t-il une masse critique de connaissances, d'expertise et d'assistance pour y arriver? Je ne sais pas.

M. Severson-Baker: Cela commence à se mettre en place. La vraie difficulté sera la contrainte de temps, car selon le moment où le pipeline sera construit, un développement intense pourra intervenir en si peu de temps que nul n'aura la capacité de réagir de façon appropriée.

Le sénateur Spivak: Je crois que Nellie Cournoyer dirige un groupe de travail sur l'énergie.

Le président: À Inuvik, dans le Delta du Mackenzie.

M. Marr-Laing: C'est juste.

Le sénateur Spivak: Participez-vous à ce travail?

M. Marr-Laing: Non.

Le président: La question du bassin atmosphérique intervient ici. Dans quelle mesure parvenez-vous à convaincre les pouvoirs publics d'utiliser ce système?

M. Severson-Baker: Nous avons fait des progrès en Alberta. L'institut a contribué à développer les connaissances et l'expertise dans la province. Nous avons trois zones de gestion de bassin atmosphérique.

Mme Griffiths: Je crois que c'est quatre.

M. Severson-Baker: Nous avons maintenant quatre zones de gestion de bassin atmosphérique. Nous espérons avoir prochainement une carte continue de bassins atmosphériques juxtaposés, mais pour le moment ils sont situés là où le besoin est le plus grand.

La première était la West Central Airshed Society à Drayton Valley. Il s'agit d'une pratique de gestion environnementale pilote visant à prévenir les dégâts environnementaux dans les nouvelles zones d'exploitation pétrolière et gazière.

Le président: Cela prend du temps, n'est-ce pas, Mary? Je pense que nous avons proposé cela il y a déjà 10 ans.

Mme Griffiths: Oui. Nous étions les premiers. Personne ne savait ce qu'était un bassin atmosphérique, et maintenant nous en avons quatre en Alberta.

À l'heure actuelle, à l'exception peut-être de la Wood Buffalo Environmental Association, qui fait un peu de travail de gestion, il s'agit surtout de mesurer les émissions. Elle s'occupe des mesures, surtout au niveau du sol. Aujourd'hui, dans la région de Fort McMurray, par chez vous, on assiste à quelques tentatives de gestion, mais c'est le seul bassin atmosphérique en ce moment où on se penche sur la gestion.

M. Severson-Baker: La zone ouest-centre envisage la gestion. Si elle détecte un effet, elle effectue un suivi biologique et d'autres choses. Cela fait partie de son mandat, mais elle ne fait pas vraiment de gestion et se limite au suivi.

Dans le Nord, il faudrait déployer beaucoup d'énergie et de volonté pour concrétiser cela, car ce sont des effets très complexes.

Le président: C'est peut-être plus proche que vous ne le pensez, car notre premier ministre a promis que les sables bitumineux garderaient les Américains au chaud l'hiver et au frais l'été.

Si vous avez déjà atteint votre maximum d'émissions provenant des sables bitumineux dans un bassin régional donné, la seule solution est de les envoyer plus haut dans l'atmosphère pour qu'elles ne retombent qu'en Saskatchewan. Il va falloir trouver une méthode pour limiter les retombées dans le Sud. Cela pourrait faire grimper le prix.

Le sénateur Spivak: Peu importe le premier ministre, Ralph Klein ne sait probablement pas ce qu'est un bassin atmosphérique.

Le président: À l'ordre! Vous ne pouvez pas dire cela. Rayez-le du procès-verbal, ou inscrivez-y que personne n'a ri.

M. Marr-Laing: Pour être juste, nous avons une gestion provinciale de bassins atmosphériques pour ce qui est des facteurs d'acidification. Cela se fait à l'échelle provinciale et c'est fondé sur des modèles informatiques. M. Klein a donné son aval, ce qui donne au mécanisme un certain pouvoir car il déclencherait des mesures de suivi ou de contrôle. Cela reste à voir. Nous saurons dans six mois si les nouvelles mines de charbon que l'on envisage d'ouvrir à l'est et à l'ouest d'ici vont déclencher ces mesures.

Le sénateur Spivak: Je voudrais clarifier ma remarque.

Le président: Non, vous vous êtes déjà assez enfoncée.

Le sénateur Spivak: Non, parce qu'il a dit au conseil de rédaction du Calgary Herald qu'il ignorait tout de la déréglementation, et cela lui a fait probablement gagner dix points dans les sondages avant l'élection.

Le président: Nous n'aimons pas les gens qui sont plus intelligents que nous.

Le sénateur Spivak: C'était une merveilleuse tactique politique.

Le président: Nous terminons sur une note d'optimisme, sachant que les bassins atmosphériques progressent. Merci d'être venus.

Le sénateur Spivak: Est-ce que toutes vos publications sont affichées sur votre site Internet?

M. Marr-Laing: Pas toutes.

Mme Griffiths: Pas celles que je vous ai remises.

M. Marr-Laing: Il y a en quatre ou cinq autres. Je vous laisserai une copie pour information.

Le président: Merci d'être venus.

Mme Griffiths: Au moment de conclure, sénateur Taylor, j'aimerais faire part à tout le monde ici ce que vous m'avez dit il y a maintes années. Vous avez dit: «Lorsqu'il n'y aura plus de pétrole et de gaz, il faudra veiller à avoir encore de l'eau pure».

Le président: Oui, je m'en souviens.

Nos prochains témoins sont M. David Lewin et M. Tim Boston d'EPCOR. À quand remonte le nom EPCOR? Est-ce trois ans, cinq ans?

M. David Lewin, vice-président principal, Développement durable, EPCOR: Le nom remonte à environ 1996, alors cela fait cinq ans. Il a vécu une deuxième génération.

Le président: Il me semble qu'EPCOR dessert plus qu'Edmonton, n'est-ce pas?

M. Lewin: Maintenant, oui. J'aborderai cela dans mon exposé.

Le président: Avant que vous ne poursuiviez, pourriez-vous nous dire quelques mots au sujet de vous-mêmes - non pas ce que vous faites pour vous amuser en fin de semaine, mais quelles sont votre formation et votre expérience?

M. Lewin: J'aimerais, au nom d'EPCOR, remercier le comité de nous donner ainsi l'occasion de comparaître devant lui aujourd'hui. Nous sommes ravis de pouvoir vous entretenir de questions qui nous tiennent très à coeur, notamment le mouvement vers la concurrence dans notre industrie au sein de la province et la déréglementation.

M. Tim Boston est notre nouveau directeur des affaires gouvernementales, et moi, je suis le premier vice-président du développement durable chez EPCOR.

Je laisserai Tim vous parler de lui-même. Quant à moi, j'ai débuté ma carrière en 1982 chez ce qui s'appelait à l'époque Edmonton Power. J'ai progressivement occupé des postes de plus en plus importants, de la planification de la production à la réglementation et à l'établissement des tarifs, en passant par les affaires environnementales, pour enfin être nommé à mon poste actuel, dans le cadre duquel j'essaie de diriger la société dans ses activités en matière de développement durable.

C'est vraiment un travail en cours. Nous n'avons pas toutes les réponses. Nous avons de nombreuses questions, mais nous estimons que nous prenons des mesures très positives en vue de devenir une organisation axée sur le développement durable. Pour un service d'utilité publique qui brûle principalement des combustibles fossiles, soit gaz naturel et charbon, c'est là toute une entreprise pour nous.

M. Tim Boston, directeur, Affaires gouvernementales, EPCOR: Monsieur le président, j'ai un diplôme en économie de l'Université de l'Alberta. J'ai des antécédents en économie environnementale ainsi qu'en commerce international. Au début des années 90, j'ai travaillé à Ottawa dans des portefeuilles relatifs au commerce international, à l'industrie, à la science et à la technologie au Canada ainsi qu'à la diversification de l'économie de l'Ouest. À mon retour en Alberta en 1994, j'ai travaillé pour le président du Comité permanent de la politique en matière de ressources naturelles et de développement durable pendant environ un an avant de passer chez Weyerhaeuser Canada, en Alberta, où j'ai occupé le poste de gestionnaire des affaires publiques et des relations gouvernementales avant de me joindre à l'équipe d'EPCOR il y a environ un an et demi.

M. Lewin: Nous aimerions profiter de l'occasion qui nous est ici donnée pour expliquer au comité ce qui s'est passé dans notre industrie dans cette province et pour vous situer les choses dans un contexte nord-américain.

Nous avons donné comme titre à notre mémoire «S'attendre à l'imprévu», et je peux vous assurer que nous avons appris énormément de choses dans le cadre de ce processus de restructuration et de déréglementation et que nous avons certainement constaté des résultats inattendus.

Mon exposé va couvrir trois aspects. Je tiens à vous dire dès le départ que, selon notre expérience, la question n'est pas tant celle de la déréglementation au sein de notre industrie. Partout dans le monde, l'industrie vit une restructuration. L'Alberta n'est pas une exception. Nous introduisons des forces concurrentielles du côté production des opérations, alors la production sera le fait de concurrence.

Côté ventes au détail, les forces concurrentielles disent que ce n'est plus un monopole et qu'il faudrait s'ouvrir à la concurrence. La question est celle de la restructuration de l'industrie, et la déréglementation est un des outils utilisés pour encourager cela.

Le troisième secteur d'activité est la distribution de la transmission, c'est-à-dire tout ce qui concerne ce que l'on appelle le câblage. Cela a toujours été un monopole, et le demeurera.

Quatre principales forces sont en train de donner une nouvelle forme à notre industrie, et nous avons relevé au moins neuf résultats inattendus et que je vais vous expliquer.

L'un des facteurs qui est en train de refaçonner notre industrie est la prospérité. Comme nous le savons, la prospérité est liée à l'expansion d'une source d'électricité fiable et bon marché. Selon mes estimations, 12 à 17 p. 100 de cette croissance dans la consommation d'électricité correspondent à ce que l'on appelle aujourd'hui l'«économie numérique». Nous constatons une très rapide augmentation de la demande, qui est amenée par le volet numérique de l'économie.

En ce qui concerne l'approvisionnement fiable et bon marché, ce sont les forces concurrentielles qui maintiennent les coûts à un niveau qui, d'une part, favorise le consentement de nouveaux investissements et encourage ainsi les gens à construire la nouvelle capacité de production requise dans la nouvelle infrastructure et, d'autre part, appuie la croissance économique. Bien sûr, en bout de ligne, cela ne peut pas s'appuyer sur la production d'électricité, car c'est trop coûteux.

La deuxième force est l'émergence de gaz naturel, que nous croyions être le combustible privilégié pour la production d'énergie. À première vue, cela semble être la bonne conclusion, mais nous examinons à l'heure actuelle d'autres questions liées à l'approvisionnement et sommes en fait en train de nous demander si nous pourrons obtenir suffisamment de gaz naturel pour assurer tous les plans qui sont sur le damier.

La troisième force qui a une influence sur nous dans le cadre de la restructuration et plus particulièrement de la déréglementation de l'industrie est qu'il y a un rôle pour les gouvernements et pour les organes de réglementation. Au fil du processus, il y a, bien sûr, une tendance à peaufiner le plan en vue d'en accélérer l'exécution. Dans certains cas, ces mesures peuvent aller à l'encontre du but recherché. Il faut être très prudent dans l'application d'idées telles les prix plafond et les prix protection, à moins qu'elles ne soient très contenues dans le temps et ciblées, visant, par exemple, des consommateurs à revenu faible ou fixe, sans quoi les résultats peuvent être très imprévisibles.

La troisième force est ce qu'Alvin Toffler a appelé «La Troisième Vague». Je veux parler ici de la rapidité du changement. Nous venons d'une industrie traditionnelle, qui a évolué relativement lentement sur le marché; or, le marché est en train de changer à un rythme beaucoup plus rapide que celui que peut maintenir l'industrie. Il est intéressant de souligner avec quelle rapidité l'économie peut changer de nos jours - passant d'une croissance robuste à, comme on le constate à l'heure actuelle, des craintes de récession et de mises à pied. Nortel est un exemple de ce qui peut arriver.

En tant que producteur primaire d'un élément essentiel à la société, soit l'électricité, nous éprouvons beaucoup de difficultés à planifier pour l'avenir et à prévenir quelles seront les exigences de demain.

L'évolution technologique dans notre industrie a été plutôt lente et méthodologique, mais nous subissons aujourd'hui les conséquences de l'Internet, du commerce électronique, alors que nous tendons vers un marché plus concurrentiel. Tout le système financier, tout le marché financier, ont une forte incidence sur nous.

Le secteur de l'électricité aborde ce que nous appelons une période à haut risque et à haut rendement. Dans ce scénario, nous voyons certainement des possibilités à saisir. En cette période de changement et de transition, il existe d'énormes possibilités de création et également, j'imagine, de perte de valeur.

Nous aimons beaucoup cette phrase qu'emploie Wayne Gretzky: «Va là où tu penses que sera la rondelle, et non pas là où elle est aujourd'hui». Nous encouragerions le comité sénatorial à se tourner vers l'avenir et à ne pas regarder la situation telle qu'elle existe aujourd'hui.

Nous avons vécu neuf résultats pendant cette période de restructuration et de déréglementation. Nous avons constaté, premièrement, qu'il n'existe aucun plan d'ensemble, aucun plan canadien en matière de déréglementation. Il n'y a aucune autorité fédérale américaine qui détermine l'orientation, dans un modèle de haut en bas. Nous prévoyons qu'au fil du temps cette approche ponctuelle amènera des retards. Elle amènera également de la confusion, et la pire chose est de semer la confusion sur le marché de l'investissement. Les possibilités d'investissement et les signaux semblent être partagés, et notre crainte est que le marché de l'investissement attende et ne fasse pas les investissements nécessaires qui doivent malgré tout être consentis.

Il nous faut, pour l'avenir, encourager - et c'est facile à dire mais sans doute plus difficile à réaliser - ce que nous appelons une vision continentale, englobant les États-Unis, quant à la façon dont la déréglementation s'insérera sur le marché et il nous faut faire tout notre possible pour éviter une approche ponctuelle.

La transparence suivante, qui traite de la façon dont change notre paysage, vous donnera une idée de ce qui s'est passé du côté ventes au détail de nos opérations. Depuis le 1er janvier de cette année, nous sommes passés de 270 000 clients à l'intérieur des limites de la ville d'Edmonton à 620 000 clients à l'échelle de la province.

Le sénateur Spivak: Je ne comprends pas ces chiffres. Est-ce qu'ATCO, ENMAX et EPCOR ne sont pas une seule et même entité?

M. Lewin: Non, ce sont là d'autres fournisseurs du marché de détail de la province. Nous sommes trois.

Le président: On parle de là où devrait être la rondelle, plutôt que de là où elle se trouve à l'heure actuelle.

M. Lewin: C'est exact. Comme vous pouvez le voir sur cette transparence, nous avons presque triplé notre clientèle.

Le sénateur Spivak: Est-ce à cause de la déréglementation?

M. Lewin: Oui, c'est là l'une des conséquences de la déréglementation.

Voici pour la petite histoire. C'était le secteur que desservait TransAlta. TransAlta, par suite de la déréglementation, a décidé de se lancer dans la production et d'abandonner le volet ventes au détail. Ce volet d'activité a été mis en vente et nous l'avons acheté. Vous pouvez vous imaginer l'incidence que cela a eue sur notre système de facturation, sur notre recrutement, et ainsi de suite, car il nous a fallu maintenir le service à une clientèle élargie.

Passons maintenant à la transparence suivante. Nous avons également vu des prix anormaux devenir des prix normaux. Nous avons, avec l'émergence du marché libre, constaté une très grande volatilité. Cela a été amené par une forte croissance économique et une demande d'électricité élevée, avec, en face, une pénurie côté approvisionnement. Nous en avons constaté l'incidence du côté des prix du gaz naturel pratiqués dans la province. Ceux-ci ont atteint des niveaux sans précédent.

En passant, aux États-Unis, en 1998, les gens ont été étonnés de voir les prix du disponible augmenter pour passer à 12 $ par mégawatt-heure. En Alberta, entre 1997 et l'an dernier, soit sur une période de trois ans, le prix est passé de 12 4 à 137 $ par mégawatt-heure. Le message ici est le suivant: nous ne reverrons une stabilité côté prix que lorsqu'un nouvel approvisionnement, une nouvelle production, viendront soulager les pressions côté offre.

Le troisième résultat inattendu est que nous avons constaté davantage de transition. Dans la transition vers la déréglementation, nous avons en fait vu plus plutôt que moins de réglementation. L'idée, bien sûr, est que l'on se retrouve en bout de ligne avec moins, et je suis certain que c'est ce qui va arriver. Cependant, pendant la transition, il semble qu'il faille qu'il y ait des règles et qu'il faille adopter une approche très prudente. Cela nous a quelque peu étonnés.

Nous croyons que, dans ce marché concurrentiel, il faut qu'il y ait une approche simplifiée quant au processus d'approbation de nouvelles installations. N'importe quel fournisseur doit être en mesure de réagir et de construire de nouvelles installations rapidement, tout en respectant les lois et règlements environnementaux, et cetera. L'actuel processus est certainement axé sur la façon de faire réglementaire, mais il n'est pas forcément adapté à une situation de marché concurrentiel.

Nous pensons que la réglementation devrait changer d'orientation et ne plus être axée sur la réglementation mais plutôt sur la surveillance et le contrôle, par opposition à la fonction traditionnelle d'établissement de règles et de délivrance d'approbations.

En ce qui concerne le client, l'une des surprises a été que les choses ne se sont pas déroulées comme ce qu'on a vu dans le secteur des télécommunications. La prémisse de base dans la création d'un marché de détail concurrentiel est que les clients choisiront leur fournisseur et en changeront assez souvent. Ils auraient un marché liquide et le fournisseur aurait des forces concurrentielles. Or, à cause des différences de prix, la concurrence a été quelque peu étouffée dans la province. La plupart des clients résidentiels ne choisissent pas de choisir en ce moment, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne le feront pas à l'avenir. Nous estimons que l'exercice de choix viendra dans trois à cinq ans.

Cependant, dans le cas des clients commerciaux qui sont davantage exposés aux prix du disponible, nous avons commencé à constater l'exercice de choix et la passation de contrats avec des sociétés comme la nôtre.

Le message est qu'il nous faut reconnaître que cette transition demandera du temps et que le subventionnement de prix plafond ne fera que retarder le processus.

La transparence suivante est un dessin humoristique. Le message est qu'à l'avenir, ce qui comptera sur le marché, ce sera le service.

Le sénateur Spivak: Ce n'est pas l'impression que j'ai eue. Je pensais que c'était plutôt une question de non service.

M. Lewin: Je suis dans ce cas très heureux d'avoir inclus cela.

La cinquième chose que nous avons constatée - et c'est une question très sérieuse - est la nouvelle préoccupation, en particulier dans cette province et certainement dans certaines parties des États-Unis, à l'égard de ce que nous appelons la saturation du réseau de transmission, c'est-à-dire le problème de la livraison de l'approvisionnement au marché. Il est très bien de reconnaître la demande et de commencer à établir l'approvisionnement et à surmonter les obstacles, mais si vous ne pouvez pas livrer le marché parce que le système de transmission tourne déjà à sa pleine capacité, alors vous avez un grave problème. On est en train de s'y pencher dans la province. C'est lié au potentiel d'exportations aux États-Unis ainsi qu'au potentiel d'importations depuis la Colombie-Britannique, voire même des États-Unis. Il nous faut reconnaître que nous commençons à être liés au marché de la région de la côte nord-ouest du Pacifique. Ce n'est pas différent de la situation de l'industrie du gaz. Il nous faut avoir la capacité de transmission nécessaire. Elle sera mise en place, mais le sera-t-elle suffisamment tôt pour que la nouvelle génération qui entre dans le système puisse en fait approvisionner la demande intérieure.

Le sixième résultat inattendu est toute l'équation de l'approvisionnement. Il s'agit de quelque chose qui survient lorsque la croissance économique prend son envol et que l'on absorbe ainsi tous les surplus accumulés - et l'on s'aperçoit tout d'un coup qu'il y a pénurie. Nous prévoyons que dans cette province il nous faudra au moins 400 mégawatts de capacité électrique supplémentaire par an au cours des cinq prochaines années pour satisfaire la demande.

Les États-Unis vivent la même situation. Cela se passe bien sûr à une bien plus grande échelle que chez nous, mais cela fait pas mal de temps dans certaines régions des États-Unis qu'il n'y a pas eu beaucoup de construction de capacité de production.

Il a été annoncé dans la province au cours de la dernière année un certain nombre de plans qui, s'ils sont réalisés, pourraient ajouter au moins 1 700 mégawatts. Mais il y a ici un risque inhérent: il ne s'agit que de prévisions. Vous vous souviendrez que dans les années 80, on a regardé autour et, sur la base de 100 $ le baril de pétrole, on a construit toutes sortes de choses et échafaudé toutes sortes de plans, puis l'économie s'est effondrée et l'on s'est retrouvé dans une situation de surcapacité. C'est toujours un risque sur le marché, qu'il s'agisse d'un marché réglementé ou non réglementé. La possibilité de stocks excédentaires et d'investissements non rentables est toujours un risque, et il importe de surveiller les choses de très près.

La transparence suivante traite de la hausse des prix du gaz naturel. Nous en avons tous été témoins ces derniers temps. Le gros de la nouvelle génération qui est ou construite ou prévue, surtout aux États-Unis, mais dans une large mesure au Canada également, repose sur une alimentation au gaz naturel et la question est de savoir si l'on trouvera suffisamment de gaz naturel au moment voulu pour que ces plans puissent être réalisés. Si cela s'avère impossible et si ces plans ne se matérialisent pas, quel type de génération viendra en remplacement? Notre réponse viendra un petit peu plus tard. Cependant, ce que nous disons est que le charbon a un rôle; l'énergie éolienne a un rôle; dans certaines parties des États-Unis, le nucléaire aurait un rôle; et des solutions de rechange comme le solaire et autres ont un rôle.

La transparence suivante traite de la production distribuée. On a beaucoup parlé de petites percées technologiques, comme par exemple les petites turbines, les piles à combustible, les éoliennes, et ainsi de suite, disant qu'elles pourraient peut-être remplacer la production centralisée à grande échelle. Cela pourrait en effet se produire à long terme, mais à court et à moyen terme, nous voyons ces technologies faire en tout cas une contribution. Dans cette province, les gens s'intéressent aujourd'hui plus à l'énergie éolienne que cela n'a été le cas dernièrement, mais nous ne voyons pas cela comme étant la seule réponse aux besoins immédiats en matière d'approvisionnement. Le gaz naturel aura un rôle à jouer mais, dans cette province surtout, nous croyons que c'est le charbon qui jouera un rôle important.

Des marchés créneaux pour ces plus petites technologies verront le jour, mais nous ne voyons pas là la solution d'ensemble à la question des besoins énergétiques. Les besoins en matière d'énergie varieront d'un bout à l'autre du pays et d'un bout à l'autre du continent.

Sur la transparence suivante j'essaie de montrer comment le tableau de l'approvisionnement énergétique en Amérique du Nord a changé au cours des 25 dernières années, se détournant du pétrole.

Le président: S'agit-il du Canada?

M. Lewin: Il s'agit des États-Unis. Il y a eu un déplacement vers le gaz naturel et, depuis le début des années 70, vers le nucléaire. Je conviens que ces genres de centrales n'ont pas été construites depuis quelques temps, mais il y a eu un virage vers ces énergies. L'important est que les énergies renouvelables ont un rôle à jouer, mais il s'agit d'un très petit rôle, et il faudra quelque temps pour que cela prenne de l'ampleur.

La transparence suivante traite de ce que nous appelons le «désaccord de Kyoto». Mon objet n'est pas d'être irrespectueux envers ceux et celles qui ont participé au processus de Kyoto - j'étais là-bas, et j'ai vu ce qui s'y est passé - mais ce que nous essayons de dire ici est que le processus lui-même pourrait certainement être amélioré. Le problème du changement climatique demeure, mais le processus doit être réexaminé. Notre expérience montre qu'il n'y a pas de solutions simples au changement climatique. S'il y en avait, je suis certain qu'on les aurait déjà trouvées.

Les pressions visant la production de moins d'émissions continueront d'être exercées. Ce que nous voyons c'est un mélange de types de combustible en fonction des conditions locales; c'est peut-être là la meilleure solution que nous puissions adopter. Par exemple, en Alberta, cela voudrait dire que l'on utiliserait du charbon, du gaz naturel et, de plus en plus, des solutions de remplacement comme par exemple l'énergie éolienne. Peut-être qu'à l'avenir, le solaire fera lui aussi une contribution à la satisfaction de nos besoins énergétiques d'ensemble.

L'alimentation au charbon est certainement importante pour nous dans cette province. Il y a eu de nombreux progrès et améliorations au cours des 20 dernières années environ. Le charbon est beaucoup plus efficient et produit moins d'émissions; pas aussi peu d'émissions que les gens le souhaiteraient, mais il y a forcément eu des améliorations. Nous croyons que grâce à de nouveaux travaux de recherche effectués par des sociétés comme la nôtre, le charbon pourrait devenir une solution de rechange viable et sûre, en remplacement d'autres ressources non renouvelables dans la province. Nous disposons aujourd'hui de suffisamment de charbon pour au moins 800 ans encore, au taux de consommation actuel, soit beaucoup plus que ce que nous avons en réserves de gaz naturel.

En conclusion, nous croyons qu'il nous faut reconnaître la nécessité d'user de sagesse pour différencier problèmes et possibilités. Les stratégies pour chaque élément de notre secteur et les risques qu'elles supposent varient certainement beaucoup. Les risques de notre intégration horizontale - en produisant beaucoup de produits pour le marché, comme le fait notre société - sont très différents de ceux qui se présenteraient dans le cas d'une société qui ne produirait qu'un seul produit.

Il nous faut, face aux besoins énergétiques, une approche équilibrée. Il nous faut une belle communication constructive avec tous les groupes de façon à être en mesure de prendre les bonnes décisions pour l'avenir, et il faut qu'au fil de cette transition notre société fasse preuve de compassion. Il nous faut reconnaître que certains éléments de la société sont moins en mesure de s'occuper d'eux-mêmes et, pendant la transition, il nous faudra trouver le moyen de nous occuper des personnes qui se trouvent dans cette catégorie socio-économique.

Le président: Merci de cette présentation très intéressante. Vous nous avez donné matière à poser beaucoup de questions. Monsieur Boston souhaite-t-il lui aussi nous faire un exposé?

M. Boston: Non.

Le sénateur Spivak: Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement de l'Alberta est entré dans cette arène, disant à tout le monde que les prix allaient baisser et que tout allait être merveilleux. Il n'y avait aucun plan visant à éliminer la nécessité de verser des subventions, qui retournent tout simplement aux mains des entreprises. En définitive, ce sont les contribuables qui sont en train de vous subventionner. S'il y avait eu suffisamment de temps pour planifier une nouvelle génération pour assurer l'approvisionnement, alors peut-être que les choses auraient tourné autrement.

J'ai vu à la télévision une entrevue d'un homme qui est à la tête d'une entreprise vieille de 100 ans. Il a dit qu'il n'y a plus de place pour lui. Cela doit certainement vous préoccuper.

Mis à part les subventions, comment allez-vous faciliter cette transition, sans que cela n'ait une trop forte incidence sur les entreprises en Alberta? Je conviens que pour vous c'est une manne tombée du ciel.

Le président: Je pense que c'est la Ville d'Edmonton qui est propriétaire d'EPCOR. Est-ce bien le cas?

M. Lewin: Oui.

Le président: Voilà ce que nous adorons: une organisation gouvernementale qui verse des dividendes aux contribuables.

Le sénateur Spivak: Je ne savais pas cela. J'aurais dû le savoir.

Le président: Je pensais deviner contre qui vous alliez mener votre attaque - les sales capitalistes - et je voulais tout simplement vous remettre sur la piste.

Le sénateur Spivak: Je sais, mais le principe est le même, n'est-ce pas? Si vous avez un plan, il doit être logique et ne pas plonger la province, qui a des sources énergétiques absolument incroyables, dans une situation de multiplication par dix des prix du gaz naturel. Quelle entreprise peut composer avec une telle situation?

M. Lewin: Il y a là beaucoup de questions. Je pourrais peut-être vous donner une vue d'ensemble de ce qui s'est passé.

Je ne peux pas parler au nom du gouvernement de l'Alberta, et je ne m'y essaierais jamais.

Le sénateur Spivak: Non, bien sûr.

M. Lewin: Je ne peux que parler du point de vue d'EPCOR et m'appuyer également sur mon expérience, ayant vécu le processus.

Le processus a commencé il y a quelque temps déjà. En fait, j'y ai participé au tout début, en 1992, lorsque tout le concept de la restructuration de l'industrie et de l'introduction de concurrence a été lancé. Il a fallu jusqu'à la fin de l'année 1995 pour introduire le plan, en d'autres termes pour préparer la loi et les règlements nécessaires afin d'engager la restructuration de l'industrie.

Il est juste de dire que tous les intervenants de tous côtés dans la province ont à un moment ou à un autre participé au processus. Les choses ne se sont pas forcément toujours déroulées comme prévu au départ ni comme certains l'auraient voulu, mais c'est ainsi que vont parfois les choses dans ce monde qui est le nôtre. Tous ceux qui devaient intervenir sont intervenus. Cependant, en bout de ligne, la force motrice était que nous voyions d'autres industries, comme par exemple l'industrie aérienne, l'industrie du gaz et l'industrie du transport, vivre une restructuration semblable, passant par un processus de déréglementation pour encourager la concurrence.

Cela se passait à l'échelle mondiale, et pas seulement au Canada ni en Amérique du Nord, alors nous avions quelques exemples sur lesquels nous appuyer. En tout cas, en ce qui nous concerne, dans le secteur de l'électricité, nous avons vu un exemple au Royaume-Uni - que nous avons commencé à intégrer chez nous - commencer à se dessiner, commencer à travailler. Le phénomène n'existe pas seulement ici; c'était un phénomène mondial.

Notre sentiment était que, d'autres industries tendant vers cela, des industries traditionnellement monopolistiques, notre tour allait forcément venir. À un moment donné, il a fallu reconnaître que certains éléments de notre activité, qui avait toujours exercé un monopole, pouvaient être séparés et fonctionner moins comme un monopole. Voilà ce qui se passait.

Si nous avions pu faire à notre tête, nous aurions peut-être choisi de faire cela à un autre moment, car en 1995 il y avait une nouvelle loi, prenant effet en 1996, et les choses se déroulaient plutôt bien. Cependant, dans l'intervalle, deux choses sont arrivées. Premièrement, il y a eu l'augmentation subite de la demande, et l'économie a démarré plus rapidement que personne n'aurait pu le prévoir. Le pire moment d'essayer d'apporter des changements et de vivre une transition est en période de pénurie de l'offre. La construction d'une centrale demande trois à cinq ans. Or, lorsque nous avons lancé le processus, nous avions dans la province un surplus. D'aucuns demanderont pourquoi nous n'avons pas bougé plus vite. On veut toujours bouger plus vite.

La deuxième chose qui est arrivée est la hausse des prix du gaz naturel, et je n'ai encore rencontré personne qui ait prévu ce qui allait se passer à ce niveau-là.

Le sénateur Spivak: Cela reflète-t-il vraiment la stratégie de planification? Il me semble que c'est idéologique et pas forcément pragmatique, en ce sens que vous êtes en train de nous dire que parce que tout le monde tend vers la privatisation, il faut faire comme les autres.

Il me faut vous contredire. Avec l'avènement de l'Accord de libre-échange, n'importe qui aurait pu prédire que les États-Unis allaient tout simplement aspirer tout ce gaz naturel. Il ne faut pas être un génie pour deviner cela, alors n'importe qui l'aurait su. Je ne suis pas en train de vous montrer du doigt. Seulement, on aurait pu deviner qu'il allait y avoir une pénurie.

Regardez la Californie. Cela a été un désastre. Regardez la Pennsylvanie, qui a un merveilleux modèle et où les choses fonctionnent très bien.

J'ai lu des entrevues du ministre de l'Énergie de l'époque. J'oublie son nom.

Le président: Steve West.

Le sénateur Spivak: Son approche m'a frappée comme étant idéologique. Peut-être que cela est injuste. Étant donné le fait qu'il y avait des modèles, pourquoi en choisir un mauvais? Autant en choisir un bon. Je suis très troublée par cela.

Je vous poserai également la question suivante: où est l'avantage de l'Alberta? L'avantage de l'Alberta est que vous avez une économie en plein essor, en dehors du pétrole et du gaz naturel, parce que vous avez un approvisionnement énergétique raisonnable, et voici que vous avez jeté par-dessus bord l'avantage de l'Alberta, et pas qu'un peu.

Je me suis trompée lorsque j'ai dit que les prix avaient été multipliés par dix. Ils ont en fait augmenté encore plus que cela, et ils vont sans doute continuer d'augmenter. Je ne comprends pas cela. C'est un mystère pour quelqu'un de Winnipeg, qui se trouve dans une région qui n'a pas de ressources énergétiques.

M. Lewin: Quant à la question de choisir un modèle, comme je l'ai dit, nous avons regardé, partout dans le monde, les modèles qui évoluaient à l'époque, et nous avons certainement examiné celui du Royaume-Uni.

Le sénateur Spivak: Lorsque vous dites «nous», de qui parlez-vous très exactement?

M. Lewin: D'un côté, il y a l'industrie, les gens de notre industrie, le gouvernement; de l'autre côté, il y a les intervenants, les associations de consommateurs et les représentants de consommateurs de partout au pays.

Le ministre de l'époque, qui était en fait Pat Nelson - Pat Black à ce moment-là - avait un comité ministériel, qui existe encore aujourd'hui, sur lequel compter pour obtenir conseils. Nous ne pouvions bien sûr que fonder nos connaissances sur l'expérience d'autrui. L'industrie au Royaume-Uni a connu des hauts et des bas et des difficultés.

Le sénateur Spivak: C'est le moins qu'on puisse dire.

M. Lewin: Cependant, il s'agit d'un modèle qui a malgré tout fonctionné.

En Australie, c'était très semblable. En Nouvelle-Zélande, c'était très semblable. Notre pool est par exemple très semblable au Vic Pool, comme on l'appelle, dans l'État de Victoria, en Australie. Nous avons fait de notre mieux pour tirer des leçons de ce qu'on fait ces gens-là.

Le sénateur Spivak: La Nouvelle-Zélande, bien sûr, a appris, et retourne à son ancien système.

M. Lewin: Peut-être.

Le sénateur Spivak: Je ne veux pas m'éterniser là-dessus. Merci.

Le sénateur Adams: L'autre jour, nous avons entendu des témoins de la Colombie-Britannique qui ont parlé d'ententes avec les États-Unis. Ils ont mentionné la construction d'une centrale alimentée au gaz naturel aux États-Unis et de la construction d'une ligne de transmission retour sur le Canada. Pouvez-vous faire le même genre de choses ici en Alberta? Comment le système fonctionne-t-il? Le témoin ne connaissait pas vraiment le détail du fonctionnement.

M. Lewin: La seule liaison de transmission que nous ayons à l'heure actuelle avec les États-Unis passe par la Colombie-Britannique, par le Pas du Nid-du-Corbeau. Il nous faut faire des arrangements par l'intermédiaire de Powerex, qui est la société d'exportation de la B.C. Hydro, pour traverser la Colombie- Britannique et accéder aux États-Unis.

Nous ne faisons pas beaucoup de ce genre de choses, car nous n'avons pas dans la province l'approvisionnement nécessaire. D'ailleurs, dans bien des cas, nous amenons dans la province de l'électricité de Colombie-Britannique, ce pour réduire nos pointes de charge et, partant, notre prix commun.

Nous sommes également limités dans ce que nous pouvons transférer, car ces lignes de raccord n'ont qu'une certaine capacité. Nous sommes donc à l'heure actuelle assujettis à des contraintes physiques.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure - et cela pourrait demander encore dix ans pour évoluer - nous nous intégrons à un marché nord-américain ou de la région de la côte nord-ouest du Pacifique. Au fur et à mesure que de nouvelles capacités de transmission viendront s'ajouter, alors on devrait pouvoir, dans un vrai marché, constater une libre circulation...

Le président: Je vais vous interrompre un instant. Vous parlez de faire partie d'un marché de la région de la côte nord-ouest du Pacifique. L'un de nos témoins à Vancouver a signalé que la pénurie en Californie n'était pas une pénurie de production, mais bien une pénurie de lignes de transmission. Vous avez mentionné les lignes de transmission et dit qu'on était en train de prendre en main cette situation.

Je ne comprends pas très bien qui décide de ce à quoi seront consacrés les capitaux, l'argent. Je peux comprendre que le capital provient de vos centrales, car vous vendez un produit. Dans le domaine du transport de personnes, il y a les lignes ferroviaires et les autoroutes. Dans le secteur de l'électricité, qui s'occupe de construire les lignes d'alimentation?

Le sénateur Spivak: Qu'en est-il de la perte de l'utilisation de ces lignes de transport d'énergie? Cela vaut-il la peine d'exporter si vous perdez tout cela?

Le président: Les lignes de transmission nous intriguent. Comment la construction des lignes de transmission est-elle financée? Qui s'en occupe?

M. Lewin: Cela varie d'une province à l'autre, mais en Alberta, les lignes de transmission existantes nous appartiennent. Nous en possédons une petite quantité. La Ville de Calgary en possède une petite quantité. La grande majorité des lignes appartiennent à TransAlta et à ATCO.

Le président: Qui leur dit d'ouvrir les vannes? Comment faites-vous pour obtenir des lignes suffisamment puissantes?

M. Lewin: Nous avons dans la province une entité appelée Transmission Administrator. Il s'agit d'une société qui travaille sous contrat pour le ministère de l'Énergie et qui gère la planification, si vous voulez, des besoins en matière de transmission. Son rôle est d'étudier l'avenir et de décider quels niveaux de transmission, niveaux de tension, services locaux, et cetera, sont nécessaires, et d'en faire l'annonce. Il lance alors des demandes de soumissions pour la construction de ces lignes.

Dans certains cas, une autre solution est la construction de centrales: en effet, si vous avez une demande au bout d'une longue ligne de transmission, il est parfois plus rentable de construire une centrale. Cela est déjà arrivé dans la province, plus particulièrement autour de Grande Prairie.

Le président: Cela est-il tout particulièrement le cas du gaz naturel?

M. Lewin: Tout particulièrement lorsque le gaz naturel est disponible localement.

L'administrateur de la transmission a pour rôle d'anticiper cela et d'en informer l'industrie. Il est réglementé par l'Energy and Utilities Board.

Il revient alors aux propriétaires actuels, et peut-être à nous, de réagir à ces appels de propositions en vue de la construction de ces lignes de transmission, ou alors il est possible que d'autres veuillent se lancer dans le secteur de la transmission et bâtir des lignes, reconnaissant qu'ils seront sans doute une entité réglementée, car l'installation de ces lignes s'inscrit dans une structure de monopole. Voilà comment cela fonctionne dans notre province. Je suis certain que c'est différent ailleurs.

Le président: C'est très semblable à la façon dont les pipelines pour le gaz naturel et pour le pétrole évoluent dans le monde. Mais cela continue de me préoccuper. Au moins il faut que l'Office national de l'énergie approuve les gazoducs et les pipelines. Une entreprise qui a déjà un pipeline ne voudra peut-être pas qu'un nouveau pipeline soit construit, du fait qu'il lui reste encore une certaine capacité. Cela peut donner lieu à des différends.

Je n'ai jamais entendu cet argument dans le contexte de l'électricité. Nous n'entendons des plaintes que lorsqu'une région se retrouve dans le noir. L'Office national de l'énergie traite-t-il avec vous?

M. Lewin: Non, pas dans le contexte des questions qui sont du ressort des provinces.

Le président: Intervient-il si vous expédiez aux États-Unis?

M. Lewin: Si nous expédions aux États-Unis, il nous faut demander un permis d'exportation auprès de l'Office national de l'énergie.

Le président: Et qu'en est-il si vous expédiez au Manitoba?

Le sénateur Spivak: Nous n'en avons pas besoin. Nous avons de l'hydroélectricité.

Le président: Si vous voulez expédier au-delà des frontières interprovinciales, l'ONE intervient-il?

M. Lewin: Je ne pense pas que cela s'applique au trafic interprovincial. Cela ne s'applique qu'aux ventes internationales.

Le président: Je comprends maintenant comment cela est financé, car j'étais là.

Cela m'intrigue de savoir qui décide qu'il nous faut un nouveau pipeline et qui lance l'appel d'offres.

M. Lewin: Ce mécanisme est en place.

Le président: Cela est assuré par le gouvernement provincial.

M. Lewin: C'est assuré par le Transmission Administrator.

Le président: Et qui est-ce?

M. Lewin: C'est l'ESBI, qui est une société d'Irlande du Nord, qui a été chargée sous contrat par le ministère de l'Énergie de faire ce travail.

Vous avez également posé une question au sujet des pertes.

Le sénateur Spivak: Si j'ai bien compris, vous perdez jusqu'à 50 p. 100, n'est-ce pas?

M. Lewin: Non. Cela fonctionne de la façon suivante: vous avez un système, un réseau de transmission. Afin de réduire les pertes, qui sont inévitables dans le cas de lignes de transmission particulièrement longues, il vous faut insérer stratégiquement à différents points dans le système une production qui vienne compléter le réseau. C'est très semblable à ce qui se passe dans le cas des gazoducs. Vous avez des postes d'appoint en place à différents points le long du système.

Le sénateur Spivak: Pouvez-vous faire cela aux États-Unis? Vous laisseront-ils faire cela?

Le président: Oui.

M. Lewin: C'est leur réseau. Nous établissons aux États-Unis des installations de production.

Le président: Vous avez des centrales à Prince Rupert, à Taylor et à Joffre. Je vois que vous en avez également une à Tacoma, dans l'État de Washington.

M. Lewin: À Frederickson, oui, en effet.

Le président: Comme vous le savez, le public et le Sénat sont intéressés par l'énergie verte et par les énergies de remplacement. Hier, on nous a présenté une idée qui m'a vraiment intéressé. Il s'agit d'un crédit d'impôt pour les consommateurs qui utilisent de l'énergie verte. En d'autres termes, s'ils achètent et utilisent pour 15 p. 100 d'énergie éolienne, ils se verront émettre un T6 pour ces 15 p. 100 de leur note énergique totale leur donnant droit à un crédit d'impôt. Cela placerait les consommateurs dans une position dans laquelle ils seraient incités à consommer des énergies vertes. Que pensez-vous de cette idée?

M. Lewin: Les instruments fiscaux, si je peux les appeler ainsi, sont certes des outils intéressants pour favoriser l'utilisation de ce qui, autrement, seraient des sources énergétiques de rechange. C'est un approvisionnement qui ne se matérialisera peut-être jamais du fait de son coût élevé ou du fait qu'il ne soit axé que sur un marché créneau. Cependant, toute cette question déborde de notre expérience.

Le président: Cela pourrait donc réussir.

M. Lewin: Ça le pourrait.

Le sénateur Adams: Je suis très intéressé par l'énergie éolienne car j'habite une région très venteuse. Nous y installons quelques petites éoliennes. Celle que nous allons installons cette année ne produira que 60 kilowatts.

Bien sûr, si les vents sont calmes pendant une longue période, cette source d'énergie ne sera pas disponible. Si j'ai bien compris, vous êtes en train d'étudier cela à la centrale aérogénératrice à Pincher Creek, en Alberta. Pensez-vous qu'il y aura à l'avenir de l'électricité produite par éolienne?

M. Lewin: La présence de vents est bien sûr toujours un problème. Nous n'exerçons aucun contrôle là-dessus. L'approvisionnement en gaz naturel et en charbon est beaucoup plus facile à contrôler par nous.

L'énergie éolienne a un rôle à jouer pour des marchés créneaux comme Pincher Creek, où le vent souffle à toutes fins pratiques en permanence. Parfois, il souffle trop fort et il vous faut tout fermer pour éviter qu'il y ait des dommages. Cependant, l'énergie éolienne aurait un rôle à jouer.

Lorsqu'on regarde le système dans son entier, il faut en tenir compte, et c'est ce que nous faisons. Nous ne nous attendons pas à ce que le vent souffle en permanence, alors nous calculons pour ces unités ce que nous appelons un «facteur de capacité» et nous en tenons compte. Nous disons combien d'énergie est disponible.

L'un des avantages du système que nous avons en place dans la province à l'heure actuelle est que si un générateur est disponible, pour pouvoir en vendre la production, il vous faut offrir cette production au pool et il vous faut garantir que vous pourrez assurer l'approvisionnement lorsque celui-ci sera requis ou alors il vous faut trouver le moyen de vous rattraper.

Il faut être très prudent dans ce que vous construisez et où, et dans votre engagement à fournir le moment voulu.

Le sénateur Kenny: S'agit-il d'un contrat dans le cadre duquel c'est le fournisseur qui paie?

M. Lewin: Absolument.

Le sénateur Adams: Il faut longtemps pour récupérer l'argent que vous investissez dans des éoliennes.

M. Lewin: Oui, le rendement sur ces genres d'investissements demande environ 15 ou 20 ans, mais cela est traditionnel dans le secteur de l'électricité.

Le sénateur Spivak: Quelles sont vos stratégies en Alberta pour ce qui est de l'obtention de sources d'énergie de rechange? Nous savons que les sociétés énergétiques ont des déductions pour épuisement. Nous avons également entendu dire qu'il y a un régime fiscal fédéral discriminatoire à l'égard de la production hydroélectrique écologique et de certaines autres sources énergétiques de rechange.

Le président: Je ne pense pas que les compagnies paient d'impôt.

M. Lewin: Nous en payons maintenant.

Le sénateur Spivak: Il vous faut une masse critique. Ce à quoi je veux en venir c'est ceci: vous pouvez faire un effort symbolique, ou bien vous pouvez faire un réel effort. Lequel faites-vous?

M. Lewin: Croyez-moi, c'est un réel effort.

Partout où nous voyons une possibilité d'investissement viable, que ce soit dans cette province-ci, en Colombie-Britannique, ou dans l'État de Washington, nous ferons l'investissement.

Pour ce qui est de l'énergie éolienne, nous sommes en train d'investir aujourd'hui même, à Pincher Creek. Encore une fois, c'est petit, et cela devient de plus en plus viable.

Le sénateur Spivak: Permettez que je sois plus graphique. Les subventions dans cette province s'élèvent à elles seules à quatre milliards de dollars.

Le président: Parlez-vous des subventions aux consommateurs?

Le sénateur Spivak: Oui, aux consommateurs.

Le président: Cela est dû aux tarifs élevés de l'électricité.

Le sénateur Spivak: Quel est ce montant d'argent?

Le président: Mais c'était avant les élections.

Le sénateur Spivak: Je sais, mais plusieurs milliards de dollars, ce n'est pas grand-chose ici en Alberta.

M. Boston: C'est quand même beaucoup.

M. Lewin: C'est beaucoup pour moi.

Le sénateur Spivak: Qu'est-ce qu'un milliard? On parle ici de quatre milliards. Je ne sais de quel ordre est la déduction pour épuisement. Combien de deniers publics ont été consacrés à toutes ces sources énergétiques de rechange? Je ne pense pas que ça monte à grand-chose. Je ne vous demande pas de me parler des fonds privés.

M. Lewin: Ce n'est pas grand-chose. Nous y mettons des fonds privés. Ce ne sont pas des fonds publics.

Le sénateur Spivak: Ma question ne concerne pas les fonds privés.

M. Lewin: La philosophie ici est que le marché déterminera ce qui est nécessaire et où cela est nécessaire, et les investissements seront donc faits par ceux qui sont prêts à prendre le risque.

Le sénateur Spivak: Très bien, mais en attendant, nous n'avons pas un marché libre, car les compagnies pétrolières et gazières sont dans une grande mesure subventionnées. J'aimerais connaître l'échelle de cet investissement. Vous dites que ce n'est pas grand-chose.

M. Lewin: Côté énergies de remplacement, ce n'est pas grand-chose en ce moment, mais cela va en augmentant.

Le sénateur Spivak: C'est là une réponse très diplomatique.

Le président: J'ai deux questions un peu aventurières auxquelles vous pourrez sans doute répondre par oui ou par non.

Premièrement, avez-vous entendu parler de la transmission d'énergie par voie d'électrons, c'est-à-dire d'électricité sans fil, et avez-vous expérimenté avec cela?

M. Lewin: Non, mais cela m'intéresserait d'en apprendre davantage là-dessus.

Le président: Vous êtes intéressé, mais manifestement, vous n'avez rien fait.

M. Lewin: Cela me semble dangereux.

Le sénateur Spivak: Cela donnerait lieu à d'énormes économies.

Le président: Deuxièmement, avez-vous analysé le nettoyage du charbon, de telle sorte que celui-ci ne crée pas plus de pollution que le gaz naturel? Si les émissions étaient les mêmes à la sortie de la cheminée, que faudrait-il du côté du gaz pour que l'écart soit suffisant pour que vous nettoyiez le charbon?

M. Lewin: Je n'ai pas la réponse à la dernière partie de votre question, soit: à combien le gaz doit-il s'établir? Tout ce que je peux dire c'est qu'il se fait à l'heure actuelle beaucoup de travail à la Los Alamos, aux États-Unis, et que nous contribuons à cet effort de recherche, qui vise à en faire un combustible à émissions zéro, c'est-à-dire à émissions inférieures à celles du gaz naturel. Cependant, il faudra sans doute attendre 10 ou 15 ans avant que cette technologie ne soit disponible.

Le président: Mais à l'heure actuelle, est-ce que du gaz à 7 $, 8 $ ou 9 $ paierait ce coût de nettoyage?

M. Lewin: Est-ce que cela le paierait? C'est difficile à dire.

Le sénateur Spivak: Lorsque j'ai visité Globe 2000, une entreprise chinoise, que vous connaissez sans doute - elle parlait d'une technologie en vertu de laquelle quelque chose est injecté dans le processus de production alimenté par le charbon. Le résultat est que cela élimine les émissions et produit du ciment non broyé, et vous économisez donc de l'énergie de deux façons, premièrement dans les émissions produites par la consommation de charbon et, deuxièmement, dans la production de ciment. Je ne me souviens plus du nom de la société, mais examine-t-on sérieusement cette technologie?

M. Lewin: Je ne suis pas très au courant. Cela ressemble au travail qui se fait à l'heure actuelle à Los Alamos. Dans la chimie du processus, le gaz carbonique se trouve renfermé dans des silicates de magnésium. Il est enfermé dans du sable.

Le sénateur Spivak: S'en sert-on pour autre chose?

M. Lewin: Peut-être que le sable peut servir à autre chose.

Le sénateur Spivak: Cela est encourageant.

Le président: Merci beaucoup, messieurs. Tout comme dans le cas de l'autre panel, nous aurions pu parler toute la journée, et peut-être que nous l'aurions dû.

J'aimerais dire à l'assistance que, si cela vous intéresse, il y a une exposition sur le tabagisme juste à côté. Elle vaut la peine d'être vue. Comme vous le savez, le comité consacre la moitié de son temps à s'occuper de questions liées à l'énergie et l'autre moitié à essayer de susciter de l'intérêt relativement à notre projet de loi antitabagisme.

La séance est levée.


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