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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 4 - Témoignages du 25 avril 2001 (séance de l'après-midi)


EDMONTON, le mercredi 25 avril 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-15, Loi visant à donner à l'industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada, se réunit aujourd'hui à 13 h 14 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Avant de commencer, je voudrais vous présenter un de mes vieux amis, un citoyen très respecté de l'Alberta, qui se trouve dans l'auditoire, Stan Schumacher.

Stan a longtemps été député à l'Assemblée législative et il a été Président de la Chambre.

Le premier groupe de témoins est composé de Steve Patterson, Gerry Predy, Les Hagen et Roger Hodgkinson.

Vous représentez tous des organismes différents? Peut-être pourriez-vous simplement nous dire un mot ou deux au sujet de votre organisation avant de faire votre exposé.

Dr Roger Hodgkinson, président honoraire, Action on Smoking and Health: Je suis pathologiste de formation. M. Les Hagen, le directeur général de ASH, m'a demandé de le représenter.

Comme vous l'avez déjà dit, nous avons effectivement l'honneur d'avoir aujourd'hui parmi l'auditoire M. Stan Schumacher, non seulement en raison de sa contribution antérieure à la vie politique de l'Alberta, mais aussi parce qu'il siège au conseil honoraire de Action on Smoking and Health.

Au nom des personnes qui vont prendre la parole aujourd'hui, je voudrais vous souhaiter la bienvenue dans la capitale de l'Alberta et vous féliciter de consulter les intéressés de tout le pays au sujet de ce projet de loi très important. Nous espérons que vous trouverez votre brève visite productive et utile.

Nous avons le grand plaisir de constater que personne n'a dû être cité à comparaître pour assister aux audiences d'aujourd'hui. En fait, il a été difficile de limiter le nombre de témoins à deux groupes.

Action on Smoking and Health s'est fait le champion de la lutte contre le tabagisme, dans l'ouest du pays, depuis 22 ans. ASH mène le combat aux niveaux local, régional et national à partir de son siège social à Edmonton.

Nous voudrions commencer par féliciter le sénateur Kenny pour avoir attirer l'attention sur cette question et pour sa grande détermination à protéger la santé des jeunes Canadiens. Le sénateur Kenny a été une formidable source d'inspiration pour ceux d'entre nous qui luttent contre le tabagisme. Nous remercions également les sénateurs présents de leur soutien continu à ce projet de loi très important.

Même s'il n'est pas nécessaire de répéter aux membres de votre comité les tristes statistiques associées à la consommation de tabac, nous voudrions placer l'audience d'aujourd'hui dans son contexte.

Trois millions de Canadiens actuellement en vie mourront à cause du tabac si le tabagisme ne diminue pas. Au Canada, un décès sur cinq résulte directement de la consommation de tabac. C'est, de loin, la cause de maladie et de mort prématurée la plus facile à prévenir et qui cause plus de décès que l'alcool, les blessures, la toxicomanie, les meurtres, les suicides et le sida pris ensemble. Pour vous donner une idée de ce que cela représente, le tabagisme fait autant de victimes que 17 fois la tragédie de Walkerton répétée chaque jour de l'année.

Nous sommes confrontés à une épidémie sans précédent qui exige toute notre attention. Le taux de tabagisme bat tous les records et 28 p. 100 des jeunes âgés de 15 à 19 ans fument régulièrement. En fait, dans ce groupe d'âge, la proportion de fumeurs est plus élevée que dans l'ensemble de l'ensemble de la population. Plus de 100 000 jeunes commencent à fumer chaque année au Canada, sans qu'on ne puisse entrevoir la fin de ce phénomène.

La situation au Canada en ce qui concerne le tabagisme chez les jeunes est honteuse. Des mesures énergiques s'imposent immédiatement pour renverser cette tendance alarmante.

Comme vous le savez, l'accoutumance au tabac est avant tout une maladie pédiatrique étant donné que la majorité des fumeurs commencent avant l'âge de 18 ans, longtemps avant qu'ils aient la capacité de prendre une décision cruciale au sujet d'un produit particulièrement mortel et intoxiquant. Malgré ses dénégations, l'industrie du tabac compte sur ces jeunes pour remplacer les clients qui ont cessé de fumer ou qui sont morts pour avoir utilisé ses produits.

Jusqu'ici, aucun gouvernement, qu'il soit fédéral ou provincial, n'a adopté et financé adéquatement une stratégie fondée sur les résultats et sur les meilleures pratiques existantes. Les ressources disponibles ne reflètent tout simplement pas l'énormité du problème. Comme vous le constaterez au cours de vos déplacements, il y a, d'un bout à l'autre du pays, un ensemble décousu de programmes et de ressources dont la portée, l'application et l'effet varient énormément et l'on constate un manque inquiétant de direction, de coordination et de leadership à tous les niveaux.

Les mesures de réduction du tabagisme centrées sur l'emballage que le gouvernement fédéral a récemment annoncées sont tout à fait insuffisantes. Malgré les garanties que le premier ministre avait données, les taxes sur le tabac n'ont pas été rétablies à leur niveau de 1994, même si la contrebande entre le Canada et les États-Unis a pratiquement été éliminée. La hausse de la taxe fédérale annoncée au début du mois n'a eu aucun effet sur l'Ouest du pays étant donné les disparités fiscales entre les provinces.

Le financement fédéral a été augmenté, mais ne représente que le quart de ce qu'il devrait être et de ce que prévoit le projet de loi S-15. Compte tenu des expériences de la Californie, du Massachusetts, de l'Oregon et de la Floride, ce financement ne créera pas la masse critique requise pour obtenir des résultats. De plus, ce financement n'est ni stable ni garanti et pourrait facilement être réduit sous l'effet d'autres pressions financières.

L'insuffisance de la stratégie fédérale actuelle se reflète surtout dans ses objectifs de rendement lamentables. Ces objectifs sont loin d'atteindre ceux des pays qui ont des programmes de réduction du tabagisme bien financés et fondés sur les résultats sur des preuves. En fait, il n'y a aucun objectif relié au tabagisme chez les jeunes.

Le projet de loi S-15 a le potentiel de transformer la stratégie canadienne de réduction du tabagisme. Le projet de loi repose sur des bases scientifiques solides et l'expérience pratique des pays qui ont nettement réduit la consommation de tabac. Le projet de loi répond à tous les critères des pratiques exemplaires que le U.S. Centers for Disease Control a établis pour la mise en place de programmes efficaces de réduction du tabagisme.

Ces critères sont notamment les suivants: un financement de 7 $ à 21 $ par habitant; des programmes complets fondés sur les résultats; des critères de financement très stricts accompagnés d'évaluations obligatoires; la transparence de la gestion et de l'application; des rapports rigoureux et réguliers et surtout l'indépendance vis-à-vis du gouvernement.

Le financement résultant du projet de loi S-15 assurera la masse critique qui est essentielle pour obtenir des résultats. Ce financement sera stable et durable et sera relié au niveau de consommation du tabac. Mais surtout, le programme sera entièrement financé par les fabricants de produits du tabac.

En visant la mise en place de programmes complets fondés sur les résultats, le projet de loi S-15 fera en sorte que les fonds disponibles soient consacrés à des programmes efficaces. Des ajustements continus pourront être faits pour accroître au maximum les effets de la stratégie, à partir des pratiques exemplaires.

Nous appuyons la création d'une fondation transparente et indépendante pour coordonner ces efforts. Cette fondation fera en sorte que chaque subvention sera accordée avec toute la rigueur scientifique voulue et que tous les projets feront l'objet d'une évaluation indépendante. La création d'une fondation sans lien de dépendance empêchera également toute ingérence politique qui pourrait compromettre le programme.

Par exemple, la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme a été annoncée en 1994 pour contrebalancer les effets sur la santé de la réduction de taxe. Cette stratégie a été financée par une surtaxe de 3 p. 100 sur les produits de l'industrie du tabac. Toutefois, trois ans plus tard, tout ce programme avait été entièrement éliminé, même si le gouvernement continue à percevoir la surtaxe. Le projet de loi S-15 évitera que cela ne se reproduise.

Le projet de loi S-15 financera une campagne nationale de communications semblable à celles qui ont été lancées avec tant de succès en Californie, au Massachusetts, en Oregon et en Floride. La dénormalisation de l'industrie du tabac a été la pierre angulaire de ces campagnes qui ont montré que cette industrie opérait en dehors des normes des entreprises légitimes.

Comme l'a déclaré un des dirigeants de la campagne californienne:

La dénormalisation de l'industrie est la pierre d'assise de la campagne. Si nous ne commençons pas par cela, la campagne échouera.

La campagne lancée dans les médias de Floride a particulièrement réussi à promouvoir auprès des jeunes une stratégie visant à contrer les manipulations de l'industrie. Elle a eu tellement de succès que le taux de tabagisme chez les jeunes a baissé dans la proportion étonnante de 40 p. 100 en deux ans seulement. La campagne de Floride exhorte les jeunes à se dresser contre l'industrie du tabac et à refuser de se laisser prendre par ses habiles annonces publicitaires.

Une importante étude des programmes de réduction du tabagisme publiée en 1999 a conclu que ce genre d'approche était efficace pour réduire le tabagisme chez les jeunes et que c'était, de toutes les interventions, celle qui était la plus payante. Je dépose un exemplaire de ce rapport auprès du comité.

Nous nous méfions énormément des raisons pour lesquelles les fabricants de produits du tabac appuient le projet de loi S-15. Nous croyons que leur soutien apparent vise seulement à camoufler leurs scandaleux antécédents.

Quand les fabricants de cigarettes prétendent ne pas s'intéresser au marché des jeunes, leurs affirmations ne sont pas crédibles. Leurs actes et leurs documents internes révèlent le contraire. Cependant, le projet de loi S-15 a réussi à prendre les fabricants au piège de leurs propres discours quant à leur prétendu désir d'empêcher les jeunes de fumer.

Si les fabricants voulaient sincèrement réduire le tabagisme chez les jeunes, il ne serait pas nécessaire de les citer à comparaître pour qu'ils témoignent devant votre comité et ils demanderaient des mesures complémentaires pour soutenir le projet de loi S-15 telles qu'une augmentation de la taxe sur le tabac, des interdictions de fumer et d'autres restrictions visant la commercialisation. Ils sont restés muets au sujet de ce genre de mesures.

Ils lanceraient également un grand effort national de lobbying comparable aux campagnes qu'ils ont menées par le passé pour faire baisser les taxes sur le tabac et combattre les restrictions commerciales, les interdictions de fumer, les avertissements sanitaires, et cetera. Nous croyons que le soutien qu'ils ont apporté jusqu'ici au projet de loi S-15 était seulement superficiel et ne visait qu'à cacher leur motivation véritable. En réalité, ils cherchent à remplacer les fumeurs qui ont abandonné la cigarette ou qui sont morts pour avoir consommé leurs produits. La majorité de leurs nouveaux clients sont, en fait, des adolescents.

En résumé, nous appuyons sans réserve le projet de loi S-15 et nous avons hâte de le voir adopter rapidement au Sénat et à la Chambre des communes. Ce projet de loi est extrêmement prometteur pour la jeunesse du Canada et la création d'une génération de non-fumeurs. Nous espérons que le gouvernement ne s'opposera pas à l'adoption de ce projet de loi important et nous exhortons le ministre de la Santé, Allan Rock, à l'appuyer entièrement.

Le ministre a sous les yeux la solution au problème du tabagisme chez les jeunes, et cela depuis des années. Nous espérons qu'il réagira en conséquence. Si Allan Rock veut vraiment empêcher les jeunes de fumer, il ne faudrait pas le laisser rejeter ce projet de loi.

Dr Gerry Predy, médecin hygiéniste, Régie régionale de santé de la Capitale: Monsieur le président, la Régie régionale de santé de la Capitale est l'un des plus vastes réseaux de santé du Canada. Nous offrons un éventail complet de services, allant de la prévention aux transplantations cardiaques.

Je ne répéterai pas les statistiques que le Dr Hodgkinson vous a citées, mais je dirai simplement que ces statistiques cachent un énorme coût humain. Si vous visitez l'un de nos services, vous constaterez les effets malheureux que le tabac a sur notre population. Nos hôpitaux sont pleins de gens souffrant de maladies qui auraient pu être évitées.

Étant donné l'importance de ce problème, il retient toute notre attention et notre conseil d'administration l'a inscrit en tête de liste de ses priorités. C'est pourquoi nous appuyons énergiquement le projet de loi S-15.

Je serai bref et je parlerai seulement de trois choses soit d'abord le financement, puis la fondation et enfin la nécessité d'avoir un programme complet.

De toute évidence, nous ne réussirons pas à réduire la consommation de tabac sans un financement adéquat et le projet de loi S-15 propose un mécanisme qui pourra fournir les ressources nécessaires pour mettre un programme en oeuvre aux niveaux local, régional et national. Ce projet de loi mettrait en place d'importantes mesures de soutien correspondant, comme l'a dit le Dr Hodgkinson, à celles qu'ont suggérées le Centers for Disease Control, aux États-Unis.

À partir de leur examen des pratiques exemplaires, les autorités américaines ont estimé que le financement devait se situer entre 9 $ et 24 $ par habitant. Le projet de loi S-15 propose à peu près 12 $, ce qui est juste au-dessus du minimum. Les mesures récemment annoncées par le gouvernement fédéral représentent moins de 3 $ par personne, c'est-à-dire seulement le quart de ce que CDC a recommandé.

Je tiens de nouveau à souligner la nécessité d'une masse critique de financement. Si vous ne consacrez pas suffisamment d'argent à cette initiative, il vaut peut-être mieux s'abstenir. Vous ferez plus de mal que de bien en ce sens que vous aurez la fausse impression de faire quelque chose. Toutefois, si le financement est inadéquat, vous ne réussirez pas à réduire la consommation de tabac et vous gaspillerez seulement votre argent.

Je tiens à souligner, une fois de plus, que les recherches effectuées, surtout en Californie, révèlent que chaque dollar consacré à la lutte contre le tabagisme a permis d'économiser 3,62 $ sur les coûts de santé reliés au tabac. Néanmoins, ce n'est possible qu'à la condition d'atteindre une masse critique. Vous devez dépenser l'argent voulu. Si vous dépensez 10 cents, vous n'obtiendrez rien. Vous gaspillerez seulement vos 10 cents.

Je voudrais vous citer les propos tenus par Hugh Winsor dans le Globe and Mail:

En ce qui concerne le rapport mal compris entre les enfants et le tabagisme, il semble que le penchant du gouvernement canadien à se contenter de solutions intermédiaires à petit budget ne donne pas de résultat.

Deuxièmement, je voudrais parler de la création de la fondation, qui serait indépendante du gouvernement et présenterait chaque année un rapport au Parlement. Là encore, cela permettrait de faire une planification à long terme des programmes, d'assurer la transparence des prises de décision et, comme l'a mentionné le Dr Hodgkinson, de procéder à une évaluation, ce qui représente une composante particulièrement importante.

La réforme des soins de santé nous a appris que nous faisions beaucoup de choses sans tenir compte des résultats, tant du côté de la prévention que du côté du traitement. La réforme du système de soins de santé a cherché à adopter un modèle fondé sur les résultats. Nous serions tout à fait d'accord pour que l'évaluation devienne une composante importante de la fondation. Nous serions également d'accord pour que la fondation plafonne à 5 p. 100 ses frais d'administration.

J'aurais une mise en garde à formuler en ce qui concerne la création d'une fondation nationale. Certains efforts déployés à l'échelle nationale pour lutter contre le tabagisme et d'autres problèmes n'ont pas abouti parce que les services de santé ou les services d'hygiène publique locaux étaient insuffisamment financés. C'est à ce niveau qu'on lieu les rapports quotidiens avec la clientèle scolaire. Il faut donc assurer un financement adéquat à ce niveau, de même qu'au niveau national et provincial.

Cela m'amène à ma dernière observation qui concerne la nécessité d'avoir des programmes complets. Jusqu'ici, le gouvernement fédéral a centré son attention sur les restrictions touchant la publicité, l'emballage et la promotion du tabac et il a maintenant mis en place des hausses de taxe qui devraient avoir des répercussions, surtout sur les jeunes. Il n'a toutefois pas adopté une approche vraiment globale.

Pour répéter ce qu'a dit le Dr Hodgkinson, le taux de tabagisme chez les jeunes a diminué de 43 p. 100 en Californie depuis 1995. En fait, j'ai passé l'été dernier en Californie, dans la région de San Jose et quand on s'y promène dans la rue, on ne voit pas de jeunes en train de fumer. C'est assez frappant. Si vous marchez dans les rues d'Edmonton ou de n'importe quelle grande ville du Canada, vous verrez des jeunes de 13 et 14 ans qui fument des cigarettes.

Les Californiens ont réussi, parce qu'ils ont mis en place des programmes complets. Ces programmes englobent les initiatives politiques, le marketing social, la cessation, l'éducation et les conférences pour les jeunes. Comme je l'ai dit, il faut les mettre en place aux niveaux local, provincial et national.

J'applaudis le projet de loi S-15 parce qu'il décrit très bien les mesures que la fondation prendra pour s'attaquer au tabagisme chez les jeunes, notamment en élaborant une stratégie pluriannuelle, en examinant les modèles des pratiques exemplaires et en créant un modèle canadien.

Je terminerai en disant que le tabagisme n'est pas seulement un problème pour les professionnels de la santé. Ce problème touche toute la société et devrait préoccuper tout le monde. Les solutions doivent être mises en place à divers niveaux. Le projet de loi S-15 le reconnaît et, s'il est adopté, il contribuera largement à la mise en oeuvre des solutions dont nous connaissons l'efficacité et qui ont donné des résultats ailleurs.

Dr Steven K. Patterson, dentiste hygiéniste, Régie régionale de santé de Crossroads: Monsieur le président et membres du comité, j'apprécie d'avoir été invité à témoigner. Je reconnais certainement les efforts considérables que vous déployez pour sonder les opinions un peu partout au Canada.

Je suis dentiste hygiéniste à la Régie régionale de santé de Crossroads, une localité rurale située au sud-est d'Edmonton. Je suis venu, d'abord et avant tout, pour exprimer le point de vue d'un professionnel de la santé qui a vu les conséquences du tabagisme dans la vie des Canadiens. Je considère que c'est avant tout un problème de santé et pas nécessairement une question de droit ou de politique publique ou encore une question de liberté.

J'ai constaté que même si environ 29 p. 100 des adultes âgés de plus de 15 ans fument, c'est-à-dire une personne sur trois, le pourcentage de fumeurs que nous voyons en médecine dentaire ou en médecine est beaucoup plus élevé.

Les consommateurs de tabac non seulement abrègent leur vie, mais sont malades plus souvent et ont davantage besoin de soins médicaux et dentaires que les non-fumeurs.

Nous avons beaucoup entendu parler du coût du tabagisme pour le système de soins de santé et de ses répercussions sur la santé en général, mais s'ajoute à cela le coût des maladies de la bouche qui sont soignées en dehors des soins couverts par l'assurance- maladie. Le tabagisme est un important facteur de risque pour de nombreuses maladies buccales et les Canadiens dépensent chaque année des millions de dollars pour contrer ces effets.

Même si cet argent n'est pas nécessairement déboursé par le gouvernement, il est dépensé par les Canadiens et leurs employeurs par l'entremise des régimes d'assurance dentaire. La réduction des facteurs de risque tels que le tabagisme contribuera largement à réduire la morbidité et la mortalité, ce qui contribuera à abaisser le coût des soins de santé.

En tant que professionnel de la santé, j'ai eu l'occasion de travailler dans le domaine de l'abandon du tabac et j'ai pu constater les répercussions psychologiques de l'accoutumance à la nicotine. Les données révèlent que la majorité des fumeurs développent une accoutumance au tabac. En les voyant lutter pour se débarrasser de cette dépendance, j'ai pu constater que le tabac avait le pouvoir de ruiner leur santé et de nombreux aspects de leur vie.

Comme bien des gens l'ont déjà dit, le principal problème se situe au moment où ce comportement s'installe. La consommation de tabac débute presque toujours bien avant l'âge légal et, malgré les efforts que nous avons déployés jusqu'ici, un nombre alarmant de jeunes commencent à consommer du tabac. Toute initiative importante visant à réduire le tabagisme doit certainement s'attaquer à l'accès des jeunes aux produits de tabac.

Je voudrais aborder un sujet qui n'a pas toujours reçu autant d'attention au cours de nos discussions, celui du tabac sans fumée ou tabac à chiquer.

Des études nationales démontrent que même si le taux de consommation de ce produit semble faible, les échantillonnages au hasard ne révèlent pas toujours certains secteurs où son utilisation est élevée.

Dans de nombreuses régions sanitaires de la province, nous avons constaté des taux d'expérimentation et de consommation du tabac à chiquer qui dépassent très nettement la moyenne nationale. Dans certaines régions de l'Alberta, y compris celle de Crossroads, le taux d'utilisation est huit à 25 fois supérieur au taux national.

Souvent, ces produits sont utilisés avant l'âge de 12 ou 13 ans. Certains d'entre eux, au goût moins fort, sont destinés aux débutants. Leur goût est plus doux et ils sont présentés dans un emballage attrayant pour qu'il soit plus facile de les utiliser et inciter à passer à des produits plus forts. Ces produits plus forts ont des taux extrêmement élevés de nicotine. Tout comme les cigarettes, les produits de tabac sans fumée contiennent de nombreuses substances nocives et cancérigènes et sont fortement reliées à de nombreuses maladies buccales, y compris le cancer de la bouche.

Devant le resserrement des interdictions de fumer, de nombreux jeunes se tournent vers le tabac sans fumée. Ces produits sont faciles à obtenir et les ventes de tabac à priser sont également en progression au Canada. Quarante pour cent des ventes de tabac à priser se font en Alberta alors que notre province n'a que 9 p. 100 de population canadienne.

De nombreux professionnels de la santé, surtout les dentistes et ceux qui soignent les jeunes athlètes peuvent attester de l'usage fréquent de ces produits. Toute initiative de réduction du tabagisme doit également tenir compte des problèmes régionaux posés par la consommation de tabac à chiquer ou à priser.

Je formulerai au comité les recommandations suivantes: Comme quelqu'un l'a déjà dit, les lois antitabac, y compris le projet de loi S-15, doivent être soutenues sans réserves. La décommercialisation des produits de tabac exige une approche communautaire globale comprenant une politique sociale et des stratégies environnementales. Il s'agit notamment d'augmenter les prix et de limiter l'accès des jeunes à ces produits, de surveiller les ventes, de contrôler la publicité et de faire connaître les risques pour la santé. Tout cela fait partie d'une stratégie globale.

Comme le propose le projet de loi S-15, le financement de ces initiatives doit être stable et permanent. Un prélèvement imposé aux détaillants de tabac générera suffisamment de fonds pour financer les initiatives futures. Ces mesures devraient être administrées par un organisme indépendant du gouvernement.

Ce programme complet devrait inclure: des interventions communautaires avec la participation des écoles, du gouvernement et des services d'hygiène publique; une contre-commercialisation visant à modifier l'attitude de la société vis-à-vis du tabagisme; une politique et une réglementation empêchant les mineurs d'avoir accès au tabac; une hausse des prix; la qualité de l'air intérieur et l'abandon du tabagisme.

Les fabricants de produits du tabac investissent énormément d'argent dans la publicité. Entre 1986 et 1997, les fabricants ont augmenté de 95 p. 100 leurs budgets publicitaires. Si nous voulons vraiment réduire le tabagisme, le financement doit être suffisant pour avoir un effet réel et soutenu. Ce projet de loi va certainement y contribuer.

Enfin, j'invite fortement les professionnels de la santé à participer davantage à la réduction du tabagisme. Les soignants, surtout ceux qui travaillent dans les cabinets de médecin et de dentiste, doivent se faire les champions de la lutte contre le tabagisme. Il faudra pour cela mettre l'accent sur les problèmes entourant la consommation de tabac et son arrêt, la formation des professionnels de la santé, les encouragements de leurs associations et les efforts persistants à déployer pour éduquer le public.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Kenny: Messieurs, nous apprécions beaucoup vos opinions. Votre témoignage était clair, concis et je crois qu'il appuyait beaucoup ce projet de loi. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir même si vous êtes très occupés.

J'aurais d'abord une brève observation à formuler, si vous me le permettez, au sujet des préoccupations du Dr Predy quant au financement local. J'attire son attention sur l'alinéa 6j) du projet de loi où le financement local est mentionné avant le financement régional ou national. Vous l'avez certainement remarqué, mais nous sommes clairement partis de ce principe d'un bout à l'autre du projet de loi.

C'est sur ce principe que repose le document sur les pratiques exemplaires que le Center for Disease Control d'Atlanta a publié en août dernier. Même si nous n'avons pas cité directement ce document dans le projet de loi, nous avons prévu que la fondation proposée commencerait par chercher des modèles en Amérique du Nord puis ailleurs en espérant qu'elle s'intéressera particulièrement à la proposition d'Atlanta étant donné qu'elle semble particulièrement approfondie et rigoureuse en plus d'être largement acceptée.

Je commencerai par demander au Dr Hodgkinson de nous parler de l'importance d'un programme complet de lutte contre le tabagisme en nous expliquant en quoi cela diffère de ce que nous avons actuellement au Canada. Vous y avez fait plusieurs allusions, mais peut-être pourriez-vous nous citer des exemples des différences entre les pratiques actuelles et un programme vraiment complet.

Dr Hodgkinson: Comme j'observe la situation de près depuis 20 ans, je peux vous informer catégoriquement que les tentatives faites depuis deux décennies pour s'attaquer à ce problème ont été purement superficielles et dictées par l'opportunisme politique. On s'est contenté de mesures ponctuelles pour s'attaquer à un grave et même terrible problème de santé à l'échelle nationale. C'est scandaleux. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on n'a pas consacré les ressources voulues à cette question, jusqu'à votre projet de loi qui présente ce potentiel.

Jusqu'ici, aucune mesure proportionnelle à l'ampleur du problème n'a été prise au Canada et voilà pourquoi le taux de tabagisme est aussi élevé.

Par contre, une politique vraiment complète, comme celle que vous proposez et que nous appuyons, pourrait changer la situation de façon radicale, comme la démonstration en a clairement été faite au sud de la frontière.

La question n'est pas de savoir si ce programme donnera des résultats. Nous savons que oui, mais il faut qu'il soit financé adéquatement. Comme le Dr Predy, je dirais que si l'on n'est pas prêt à dépenser le montant voulu, autant ne rien dépenser. Faisons les choses comme il faut et nous obtiendrons les résultats que nous savons pouvoir obtenir sans nous contenter, une fois de plus, de demi-mesures.

Le sénateur Kenny: Vous m'ôtez pratiquement les mots de la bouche, car j'allais demander au Dr Predy s'il pouvait nous fournir des explications supplémentaires à ce sujet.

Vous avez été clair. Vous avez dit qu'il valait mieux ne rien faire que de se contenter de quart de mesures ou de demi-mesures. Que pensez-vous de l'initiative que le gouvernement a récemment annoncée? Elle se chiffre à environ 98 millions de dollars par an pour les cinq prochaines années. Cette somme peut sembler énorme à bien des gens. Vous avez dit, je crois, qu'il vaudrait mieux ne pas la dépenser que de se contenter de faire moins que ce que propose le projet de loi.

Pourriez-vous nous faire part de votre raisonnement.

Dr Predy: Il se fonde sur le travail que CDC, qui est sans doute le premier organisme de santé publique au monde, a réalisé sur les solutions qui donnent des résultats et celles qui n'en donnent pas. CDC a découvert qu'il fallait un niveau de financement minimum pour qu'un programme soit efficace.

La somme de 98 millions de dollars est sans doute importante, mais dans un pays aussi vaste et diversifié que le Canada, ce n'est pas vraiment suffisant pour faire face à un grave problème de santé publique. Compte tenu de l'ampleur du problème, le nombre de personnes qui tombent malades et qui meurent prématurément, de même que les coûts que cela représente pour nos services de santé, il faut des efforts concertés et coordonnés de la part des gouvernements national et provinciaux, de même que des autorités et organismes locaux.

Jusqu'ici, nous avons assisté à quelques efforts bien intentionnés dont certains ont donné de bons résultats à petite échelle, mais rien qui puisse vraiment s'attaquer au problème à une vaste échelle nationale. Cela ne peut se faire qu'avec le niveau de financement indiqué par CDC, qui se situe nettement au-dessus de ce que propose le gouvernement fédéral.

Le sénateur Kenny: Docteur Patterson, vous avez parlé de l'importance d'un financement stable. Pourriez-vous nous donner des exemples des conséquences de l'absence de financement stable?

Dr Patterson: Plusieurs initiatives ont été prises dans notre Régie régionale de santé lorsque des fonds ont été débloqués. Elles ont été financées de façon ponctuelle par le Fonds de promotion de la santé communautaire.

On lance un programme, mais l'année suivante l'organisation doit trouver suffisamment de fonds dans le cadre de son budget existant pour pouvoir le maintenir en place. Souvent, on fait un travail initial, mais la Régie régionale, qui manque d'argent, n'a pas les moyens d'y donner suite.

Le sénateur Kenny: Monsieur le président, si vous permettez, j'ai une dernière question à poser à M. Hagen. Je ne pense pas avoir déjà assisté à une réunion où il était aussi silencieux, et je crois important que nous l'entendions.

C'était un compliment, Les. L'organisme dont vous êtes le directeur général, ASH, a la réputation bien méritée d'être un champion très efficace de la santé. Pouvez-vous nous dire ce qu'il faudrait faire selon vous pour que ce projet de loi soit adopté?

M. Les Hagen, directeur général, Action on Smoking and Health: Nous avons publié aujourd'hui un communiqué demandant ce dont Roger a parlé dans son exposé. Nous demandons au ministre d'appuyer ce projet de loi, car nous croyons que ce genre d'initiative sera couronnée de succès.

Nous croyons que le programme actuel ne va pas aussi loin que ce qu'il faudrait faire pour réduire le tabagisme au Canada. Nous savons que d'autres projets de loi d'initiative parlementaire et d'autres projets de loi du Sénat ont obtenu l'appui de la Chambre des communes par le passé, y compris, je crois, un ou deux des vôtres, sénateur. Nous croyons que l'appui du ministre contribuerait largement à l'adoption de cette mesure.

Le sénateur Spivak: Docteur Hodgkinson, nous n'avons pas beaucoup parlé du fonctionnement du conseil d'administration que prévoit le projet de loi, au cours de nos voyages ici, dans l'Ouest.

Vous avez mentionné une stratégie pluriannuelle. Je sais que c'est peut-être un peu prématuré, mais pensez-vous que les subventions répondront au besoin d'élaborer une stratégie pluriannuelle?

J'ai travaillé pour un organisme social de Winnipeg qui était affilié à Centraide et je connais donc les écueils qu'un organisme subventionnaire peut rencontrer sur son chemin à cause de la concurrence et des besoins.

Faudrait-il réserver une partie des fonds aux subventions et le reste à une stratégie nationale pluriannuelle étant donné qu'on risque ici également de créer un assemblage hétérogène de programmes? Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

Dr Hodgkinson: C'est une excellente question à laquelle, si vous le permettez, je laisserai répondre M. Hagen qui est sans doute beaucoup mieux qualifié que moi pour le faire.

M. Hagen: Je crois qu'une façon de s'attaquer à ce genre de problème consiste à élaborer des directives de financement très strictes auxquelles tous ceux qui demanderont des subventions devront se conformer et qui seront uniformes à l'échelle du pays. Le projet de loi S-15 peut assurer un financement stable pour les programmes qui donneront des résultats tandis que ceux qui seront inefficaces seront abandonnés et remplacés par d'autres.

Le sénateur Spivak: Je comprends, mais cela ne créera pas nécessairement une stratégie nationale.

Je sais que vous voulez des programmes locaux adaptés à la situation locale, mais que faites-vous de cette stratégie nationale qui est absente? Ne doutez-vous pas qu'elle se réalisera?

M. Hagen: En effet. Nous voudrions certainement que cela se fasse.

Le mieux serait sans doute que le projet de loi S-15 crée une stratégie nationale complétée par des stratégies provinciales et régionales.

Le sénateur Spivak: C'est ainsi que vous verriez les choses?

M. Hagen: Absolument.

Le sénateur Spivak: Vous souhaiteriez que le conseil d'administration élabore une stratégie nationale et procède à partir de là?

M. Hagen: Je crois que ce serait la meilleure façon de commencer et d'encourager les provinces à s'attaquer elles-mêmes au problème et d'accroître le financement pour remédier à certains problèmes locaux. En Alberta, nous éprouvons des difficultés que ne connaissent pas les autres provinces en ce qui concerne le tabac à chiquer ou à priser et cela permettrait de tenir compte de ces différences régionales.

Nous avons toutefois besoin d'un niveau de financement national et d'une campagne coordonnée à l'échelle nationale.

Le sénateur Spivak: J'anticipe un peu, mais ce genre de choses ne seraient pas inscrite dans la loi.

Mes antécédents dans le domaine de l'éducation m'ont familiarisée avec la communication des pratiques exemplaires et je me demande si vous pourriez nous éclairer quant aux stratégies utilisées.

J'ai présidé la plus grande commission scolaire de Winnipeg et j'ai constaté que les renseignements concernant les meilleurs programmes n'étaient pas souvent communiqués. C'est assez compliqué et je me demande si vous avez réfléchi à la question.

M. Hagen: Nous avons la chance que, depuis deux ou trois ans, un certain nombre de documents décrivant des pratiques exemplaires ont été publiés, y compris celui du Center for Disease Control. Nous avons de nombreuses données à partir desquelles nous pouvons établir un programme de réduction du tabagisme et à peu près 50 000 études sur divers types d'interventions qui ont été mis en pratique dans le monde.

Je crois important de continuer à appliquer ces pratiques exemplaires, mais elles évoluent avec le temps. Les pratiques que nous jugeons exemplaires aujourd'hui peuvent changer d'ici trois ou quatre ans et il est donc important de les adapter au fur et à mesure et je pense d'ailleurs que le projet de loi S-15 offre toute la souplesse voulue.

Le sénateur Spivak: Je tiens à vous remercier pour l'exposé très clair et excellent que vous nous avez présenté.

Le sénateur Banks: Monsieur Hagen, nous admirons tous beaucoup le travail que vous accomplissez et je crois que l'expression «organisations comparables» est peut-être un oxymore lorsqu'elle s'applique aux autres provinces.

Vous avez toutefois demandé aujourd'hui au ministre d'approuver ce projet de loi. Savez-vous si des organisations comparables, s'il y en a, vont demander la même chose à peu près en même temps et aussi fort que vous?

M. Hagen: Je l'espère certainement. Votre prochaine audience aura lieu à Toronto et nous espérons que vous obtiendrez le même genre de réaction de la part des organismes de santé nationaux. Nous avons communiqué notre position très clairement et je crois que c'est la bonne si nous voulons vraiment que ce projet de loi soit adopté.

Le sénateur Banks: Vous savez certainement mieux que moi que si vous alliez dire aux gens, dans la rue, que le gouvernement s'engage à dépenser 98 millions de dollars par an au cours des cinq prochaines années pour combattre le tabagisme chez les jeunes, ils diraient que c'est là une somme considérable.

J'ai déjà travaillé en publicité et je peux vous dire que la plupart des agences de publicité du Canada adoreraient pouvoir consacrer 90 millions de dollars par an à une campagne de publicité ou de sensibilisation quelconque.

Les campagnes menées par la Californie et la Floride sont souvent citées comme des exemples de réussite. Pourquoi ne pas simplement renforcer cette campagne, y compris les annonces à la télévision vu que la télévision est le meilleur moyen de sensibiliser le public de nos jours et y consacrer 90 millions de dollars par an? Cela paierait toute une campagne de publicité.

M. Hagen: Nous avons besoin d'une approche globale. Une campagne dans les médias de masse ne représente qu'un des éléments du puzzle et le projet de loi S-15 financerait également des programmes communautaires, des programmes scolaires ainsi que des initiatives d'abandon et d'application. Tout cela compléterait une campagne dans les médias nationaux.

Nous croyons que la campagne dans les médias sera la pierre angulaire d'une stratégie efficace, mais ce n'en est qu'un élément. Oui, 98 millions de dollars semblent être une grosse somme, mais ce serait jeter cet argent par les fenêtres que de le concentrer entièrement à une campagne publicitaire étant donné ce que nous savons d'après les résultats et l'expérience des autres pays.

Dr Hodgkinson: J'ajouterais à cela que nous ne voyons certainement pas d'objection à adapter les meilleures annonces publicitaires des États-Unis au contexte canadien si elles s'y prêtent. Il ne sert à rien de réinventer la roue. Les Américains ont produit d'excellentes annonces publicitaires. Également, les économies que cela permettrait de réaliser sur les coûts de production pourraient financer les autres éléments du programme dont Les a parlé.

Le sénateur Adams: Docteur Patterson et docteur Predy, dans ma région de l'Arctique, beaucoup plus de gens fument que dans le Sud. Je ne sais pas combien vous avez de patients à qui vous annoncez qu'ils ont le cancer du poumon ou une maladie de ce genre.

Pour le moment, le projet de loi S-15 est surtout utile pour le système d'éducation et pour inciter les jeunes à ne pas commencer à fumer. Entre-temps, dans ma région, même si le gouvernement dépense 90 millions de dollars par an pour faire comprendre aux gens qu'il ne faut pas commencer à fumer, j'ai l'impression que si ce projet de loi était adopté vous auriez davantage de moyens pour permettre aux gens, à vos patients et même aux aînés d'arrêter de fumer. Qu'en pensez-vous?

Dr Patterson: Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le financement que prévoit ce projet de loi - même si je suis certain qu'il pourrait servir, en majeure partie, à la prévention ou à empêcher que les jeunes ne commencent à fumer, permettrait de lancer une campagne complète qui inclurait des activités permettant à ceux qui veulent cesser de fumer d'avoir accès à des programmes adéquats et fondés sur les résultats. Cela vaut pour tout le monde et certainement pas uniquement pour les jeunes.

Je reconnais que cela en fait partie. Je travaille surtout avec des gens que j'essaie d'aider à renoncer au tabac, ce qui n'est pas toujours facile. Nous avons toutefois la preuve qu'il est possible de faire quelque chose.

Je crois qu'un programme complet devrait inclure à la fois des activités visant à mettre un terme au tabagisme et des activités de prévention.

Le sénateur Mira Spivak (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente: Merci beaucoup d'être venus. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris cette peine et nous vous disons bonne chance à tous.

Si le groupe de témoins suivant veut bien s'avancer, il s'agit de la Régie régionale de santé de David Thompson, du groupe théâtral «Butt Ugly» et du Caslan School Trust.

Mme Gail Foreman, chef d'équipe pour la réduction du tabagisme, Régie régionale de santé de David Thompson: Je suis ici pour parler d'un programme axé sur les jeunes qui a été entrepris sur le territoire de la Régie régionale de santé de David Thompson. Il s'agit d'un programme complet de lutte contre le tabagisme qui ne donne certainement pas la réponse à tout, mais qui peut être un élément très important de la solution.

«Butt Ugly» est un drame social écrit par des jeunes et joué par des jeunes et qui traite du problème du tabagisme chez les jeunes. Un projet pilote a été lancé en 1995 avec une subvention de l'Alberta Lung Association et nous avons reçu depuis des fonds de divers partenaires dont plusieurs associations philanthropiques locales, des commissions scolaires, Santé Canada, l'Alberta Tobacco Reduction Alliance et récemment, la Régie régionale de santé de David Thompson et le Youth Action and Advocacy Project par l'entremise d'ATRA.

L'idée de se servir du théâtre pour informer les gens sur les dangers du tabagisme et comme instrument de prévention est venue du désir que les étudiants éprouvaient de livrer le message d'une façon différente. Les jeunes trouvent extrêmement ennuyeux d'entendre quelqu'un comme moi, une professionnelle de la santé, parler devant la classe et leur faire la leçon au sujet des dangers du tabac et de ses conséquences pour la santé.

L'idée de charger des jeunes d'éduquer leurs camarades et de représenter eux-mêmes les conséquences du tabagisme en plus d'offrir certaines stratégies de résistance concrètes était une grande première quand ce projet a été envisagé, même si maintenant ce genre de stratégie correspond aux pratiques exemplaires.

Notre troupe se compose d'adolescents des trois écoles secondaires de Red Deer qui obtiennent des crédits scolaires spéciaux pour leur participation. Notre auditoire cible est constitué des élèves qui entrent au secondaire, ce qui correspond, dans certaines commissions scolaires, à la 6e année et dans d'autres, à la 7e année.

L'automne, nous faisons une tournée des écoles pour rejoindre ces élèves au début de l'année scolaire, car c'est à leur arrivée dans un nouvel environnement qu'ils risquent le plus de commencer à fumer. Cela fait environ six ans que nous présentons cette pièce et nous avons rejoint environ 15 000 élèves de la région desservie par la Régie régionale de santé de David Thompson.

La pièce continue à beaucoup intéresser les jeunes. Ils sont très influencés par les acteurs et ils se livrent une concurrence féroce pour pouvoir décrocher un rôle.

Lorsque nous avons lancé ce programme, nous n'avons pas dit aux élèves pour quelle pièce nous voulions les recruter parce que nous savions que personne ne viendrait. La lutte contre le tabagisme n'avait pas de quoi beaucoup les tenter. Toutefois, nous avons maintenant, chaque saison, plus d'une centaine de candidats qui se livrent une concurrence féroce pour obtenir le privilège de jouer dans notre pièce.

Comme la plupart des gens commencent à fumer avant l'âge de 18 ans, les programmes qui aident les jeunes à ne pas commencer à fumer pendant leur scolarité représentent un élément essentiel d'une stratégie de réduction du tabagisme. Plusieurs études ont démontré que les programmes de prévention en milieu scolaire qui mettent en lumière les influences sociales contribuant au tabagisme chez les jeunes peuvent annuler ou retarder le moment où ces derniers commencent à fumer.

Les études révèlent également qu'il faut informer les jeunes des dangers du tabac tant au niveau du primaire que du secondaire. Le projet «Butt Ugly» est le seul actuellement offert dans le territoire de la Régie régionale de santé de David Thompson qui fasse participer les élèves du secondaire à des activités de réduction du tabagisme.

Nous avons fait une évaluation très approximative de ce qu'il en coûtait, par membre de l'auditoire, à produire «Butt Ugly» et c'est environ 4 $. La présentation de cette pièce coûte entre 10 000 $ et 15 000 $ par an.

Ce projet pourrait certainement être élargi si nous avions plus d'argent. Nous ne visitons pas chaque école secondaire du territoire de la Régie régionale de santé de David Thompson. Nous n'avons pas le financement voulu pour faire des tournées sur une aussi grande échelle.

Il est très difficile de trouver un financement permanent pour un projet de ce genre. On pourrait croire que tout ce qui est orienté vers les jeunes obtient beaucoup d'appuis dans la collectivité. Nous avons découvert que ce n'est pas le cas.

Il est souvent très difficile d'amener les organismes philanthropiques ou les autres groupes à nous appuyer, car cela dépend du nombre de membres de l'organisme en question qui sont eux-mêmes des fumeurs. D'autre part, il est souvent très difficile de correspondre à l'orientation idéologique de certains organismes philanthropiques. Ces derniers pensent que tout devrait être fait bénévolement. Nous avons toutefois besoin de transporter et d'assurer les décors, les costumes et les acteurs, ce qui représente des frais importants.

La Régie régionale est certainement un partenaire tout désigné pour ce genre de projet, mais en raison du manque d'argent, les régies régionales n'ont pas toutes réservé des fonds à la lutte contre le tabagisme.

Je suis actuellement la chef d'équipe pour la réduction du tabagisme de la Régie régionale de santé de David Thompson, mais c'est un poste tout nouveau. Je l'occupe seulement depuis 18 mois. Nous attendons encore de savoir si, à part pour mon poste, d'autres fonds seront affectés aux programmes dans le budget de la Régie régionale.

Il est très difficile d'obtenir de l'argent pour un projet comme celui-ci et nous avons eu beaucoup de chance, cette année, d'en trouver un peu grâce au fonds d'initiative pour la santé de la Régie régionale de santé de David Thompson.

Santé Canada a dégagé certaines conclusions de la Stratégie de lutte contre le tabagisme qui ont été intégrées dans le projet «Butt Ugly» depuis le début. Il s'agit notamment des pressions des camarades, du désir de faire comme tout le monde et les jeunes âgés de 15 à 19 ans sont sans doute plus prêts que la plupart des autres à faire des efforts pour cesser de fumer. Pour ce qui est des membres de la troupe, certains fument, certains n'ont jamais fumé et d'autres ont cessé de fumer.

Environ 30 p. 100 des étudiants qui fument et qui participent à ce projet renoncent au tabac. Ce résultat est supérieur à celui de la plupart des programmes et a des retombées positives que nous n'avions pas vraiment prévues au départ.

Les programmes qui donnent des résultats sont dynamiques, amusants et centrés sur des problèmes multiples. Les programmes de prévention ne sont plus présentés sous la forme de cours donnés en salle de classe et je crois que les deux jeunes membres de notre troupe qui sont ici vont certainement vous en parler.

Ce sont les programmes auxquels les jeunes participent activement qui ont le plus grand succès. Notre projet a eu une autre retombée très positive en ce sens que les élèves qui y ont participé au cours des six dernières années sont devenus d'ardents militants de la lutte contre le tabagisme au sein de leur collectivité.

Ils ont servi de modèles, non seulement dans leur classe, mais également dans la collectivité, pour les enfants qui les ont vus agir et sur qui ils ont eu une influence très positive. La consommation de tabac est influencée par les camarades et pour la réduire il faut donc également que les camarades exercent une influence. C'est sur ce principe que repose le programme.

Nous appuyons le projet de loi S-15 parce qu'il pourrait fournir une source de financement plus stable pour un projet comme le nôtre qui a bénéficié de subventions de Santé Canada par le passé dans le cadre de la Stratégie de lutte contre le tabagisme, mais seulement pour un an. Ce financement a été purement ponctuel. Il nous a été retiré et quand il faut consacrer tellement de temps à recueillir des fonds, il en reste moins pour le programme. Ce temps serait consacré plus utilement à travailler avec les élèves et à élargir le programme afin que nous puissions visiter toutes les petites localités de notre secteur.

Voilà pourquoi nous espérons vraiment que le projet de loi S-15 ira devant la Chambre des communes et sera adopté.

Mme Tara Sampson, groupe théâtral «Butt Ugly»: Je me suis jointe à «Butt Ugly» en pensant que ce n'était qu'une production dramatique, une pièce de plus à inscrire à mon répertoire et nous avons commencé les répétitions.

Comme nous devions recevoir des crédits, nous devions faire des recherches assez rigoureuses sur le tabac, les statistiques, et cetera. Je pense toutefois qu'aucun des acteurs ne s'était vraiment rendu compte à quel point ce serait important. Nous nous étions seulement dit que, comme nous allions obtenir des crédits, aussi bien faire nos devoirs.

Nous avons commencé nos tournées et nos représentations, qui sont suivies d'une séance d'animation où nous parlions aux jeunes. Il y a une période de questions. Nous nous répartissons ensuite en petits groupes pour avoir un entretien plus personnel avec les participants.

Quand nous leur avons présenté ces statistiques, nous avons pu voir qu'ils étaient abasourdis et aussi très intrigués. Ils écoutaient vraiment ce que nous leur disions. Certains d'entre eux se sont confiés à moi.

Une fille en larmes m'a dit: «Mon père a le cancer du poumon parce qu'il a fumé et moi je ne fumerai jamais». Ensuite ils vous prennent dans leurs bras, ce qui est assez étonnant. Cela fonctionne. Ils entendent le message. Cela m'a complètement renversée. Je n'avais aucune idée de ce que cela donnerait.

Dans mon emploi - je travaille dans une sorte de centre de divertissements - des jeunes viennent constamment me voir pour me dire: «Je t'ai vue, tu es venue à mon école et c'est vrai que c'est dégoûtant de fumer. Je ne savais pas qu'il y avait du nettoyant pour les cuvettes de toilette dans les cigarettes et je ne fumerai jamais; ce n'est pas cool». Leur réaction est étonnante.

Sénateur Banks, vous avez parlé d'une campagne de publicité à la télévision en disant que c'était peut-être nécessaire, mais ce programme est très différent. Ce n'est pas la même chose que de regarder la télévision et d'avoir quelqu'un qui dialogue avec vous, qui vous dit que dès que votre père cessera de fumer, il se portera mieux, que ce n'est pas «cool» de fumer et qui vous donne le bon exemple.

Ce n'est pas du tout pareil. Cela vous frappe et ce n'est pas seulement vrai pour les acteurs.

La vice-présidente: Surtout si vous êtes inspiré par des gens comme vous. Je suis prête à me laisser convaincre moi aussi alors que je ne fume même pas.

Mme Sampson: Ça a l'air bête à dire, mais c'est la meilleure chose que j'aie jamais faite.

Je crois que nous aurons besoin de plus de programmes de ce genre. Il faut visiter des localités et des écoles différentes avec des troupes différentes. Plus nous rejoignons de jeunes, mieux c'est.

M. Brandon Walsh, Groupe théâtral «Butt Ugly»: Comme Gail l'a déjà mentionné, ce programme a énormément de succès auprès des jeunes qui jouent la pièce. Par exemple, la directrice de mon école a affiché l'avis annonçant les auditions le jeudi précédant le congé de Pâques. Elle l'a affiché à midi. Quand nous sommes revenus lundi en fin de journée, la feuille était déjà entièrement remplie. Les adolescents appuient énormément ce programme.

Le financement pose un gros problème. Vers la fin de la saison, en novembre ou décembre, on s'est demandé si la pièce pourrait être présentée à Red Deer l'année prochaine parce que nous n'avions pas obtenu de financement. C'est seulement il y a un mois ou un mois et demi que nous avons pu dire qu'elle serait reprise l'année prochaine.

Ce projet de loi va certainement nous aider à obtenir un financement continu et nous n'aurons plus à nous demander autant si le programme sera poursuivi ou non.

La vice-présidente: Vous êtes-vous adressés aux sociétés pétrolières?

Mme Foreman: Les sociétés pétrolières se trouvent surtout à Calgary. À Red Deer, nous avons principalement des entreprises qui desservent le secteur pétrolier. D'autre part, il est très difficile de faire financer une pièce de théâtre parce que ce n'est pas un projet d'immobilisation. Ce n'est pas tangible. Ce n'est pas une chose sur laquelle vous pouvez apposer une plaque et il a été très difficile d'obtenir du financement.

La vice-présidente: Invitez-les au spectacle.

Mme Lisa Cardinal, Caslan School Trust: J'ai 15 ans. Je vis dans le village métis de Buffalo Lake, mais je suis en 9e année à l'école Caslan.

Buffalo Lake est un village métis d'environ 1 000 habitants situé à deux heures au nord d'Edmonton, ce qui n'est pas très loin d'ici.

J'aime jouer au base-ball. Je fais partie du Corps de cadets de l'armée de Lac La Biche et, comme la plupart des gens de chez nous, j'aime participer à des activités comme celle-ci qui viennent en aide aux gens.

Je crois que le projet de loi S-15 est un excellent projet de loi. Cela montre que les jeunes assument eux-mêmes une énorme responsabilité vis-à-vis de leurs problèmes et que nous ne sommes pas seulement des victimes passives.

Le projet auquel travaille mon école s'appelle «Up in Smoke» et comprend deux activités. Il y a d'abord un film dans lequel nous allons montrer les effets du tabac sur ma collectivité de même que sur mes camarades et moi. Cette vidéo sera filmée par un groupe d'élèves de ma classe et nous espérons qu'elle sera terminée d'ici le mois de juin.

L'autre projet que nous préparons est une soirée d'information au cours de laquelle nous expliquerons les torts que cause le tabac sur le plan mental et physique. Nous aurons également un système de soutien grâce auquel nous nous aiderons mutuellement à cesser de fumer. Nous aurons ensuite un souper traditionnel.

Le programme d'intervention précoce de notre village va nous aider à organiser le souper et nos projets bénéficient donc de beaucoup d'appui. Le service d'hygiène publique va également jouer un grand rôle. Il diffusera de l'information sur le tabagisme et remettra des pochettes surprises à tout le monde.

Cette soirée aura lieu le 11 juin au Centre récréatif de Buffalo Lake, qui est en fait un grand centre avec un gymnase. Tout le monde est le bienvenu, si vous voulez venir. Ce sera très amusant.

Si je veux participer à ce projet, c'est surtout pour aider mes camarades et les gens de ma collectivité à cesser de fumer. Il est dur de voir ses amis et sa famille fumer alors qu'ils savent très bien le tort que cela leur cause. Malgré cela, ils n'écoutent pas et n'essaient pas d'arrêter.

Voilà pourquoi j'espère que notre projet donnera des résultats et ouvrira les yeux des gens, car il faut qu'ils sachent que nous, les jeunes, nous voulons les aider et que nous essayons de changer les choses.

Lorsque je parle des membres de ma famille, j'exclus mes parents, car personne ne fume chez moi.

La subvention de démarrage YAAP est une idée fantastique. Elle va nous permettre à nous, les jeunes, d'exprimer nos sentiments sur le tabagisme aux autres adolescents ainsi qu'aux adultes, et l'argent que nous recevons financera entièrement notre projet.

Certaines personnes disent que ce n'est pas suffisant, mais cette initiative pourra se poursuivre avec beaucoup d'appuis et d'encouragements.

Je crois que ce que vous essayez de faire pour nous avec le projet de loi S-15 et d'autres mesures est merveilleux. Parfois, les gens ne voient pas vraiment ce que vous tentez de faire pour eux et ils pensent que cela leur est dû.

Voilà pourquoi j'apprécie vraiment que des gens comme vous tentent d'aider les gens du monde entier et pas seulement du Canada.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter, car je sais que vous êtes très occupés. Je souhaite beaucoup de succès au projet de loi S-15 et à tous ceux qui l'appuient.

Le sénateur Banks: Merci beaucoup à tous d'être venus et merci pour ce que vous faites.

Je ne suis pas étonné d'apprendre que les feuilles d'inscription se remplissent rapidement, car les acteurs voudraient jouer dans une pièce, même s'il s'agissait de nettoyer le fond d'un lac boueux quelque part. Peu leur importe dans quelle pièce ils jouent, les acteurs veulent jouer. Toutefois, si vous servez une bonne cause en même temps, c'est encore mieux.

Lisa, depuis des années, nous avons entendu des gens des quatre coins du pays nous dire que l'incidence du tabagisme chez les jeunes, et même aussi chez les adultes, était plus élevée dans les collectivités autochtones qu'ailleurs. Le sénateur Adams, par exemple, nous a dit que les gens de sa collectivité fument davantage que les autres.

Vous avez parlé de cet excellent programme auquel vous participez en disant que vous essayez de faire comprendre aux gens de votre collectivité quels sont les effets du tabagisme.

Pourriez-vous, de mémoire, nous dire quels sont les effets du tabac sur les gens de chez vous?

Mme Cardinal: Il y a chez nous beaucoup de gens qui fument, et aussi beaucoup de gens qui ne fument pas, mais si nous voulons persuader tout le monde de ne pas fumer, c'est pour avoir une population en meilleure santé. Nous voulons que les gens de chez nous soient en bonne santé.

Le sénateur Banks: Qui a financé votre projet de film, avez-vous dit?

Mme Cardinal: Une subvention de démarrage YAAP.

Le sénateur Taylor: Merci d'être venus; les renseignements que vous nous avez fournis nous seront très utiles.

On m'a dit plusieurs fois que, même si c'est illégal, on peut acheter des cigarettes une par une dans certains magasins. Êtes-vous au courant? Est-ce que cela se fait vraiment?

M. Walsh: Je ne sais pas si on peut les acheter une par une dans les magasins, mais je vois souvent des élèves qui en achètent à d'autres, une à la fois.

Le sénateur Taylor: Elles ne viennent pas d'un magasin?

M. Walsh: Non.

Le sénateur Taylor: Un des problèmes qui se posaient avec les fabricants de cigarettes, c'est qu'ils vendaient des mini-paquets pour recruter de nouveaux clients. En Asie, on continue de distribuer des cigarettes gratuitement dans les cours d'écoles à raison de deux ou trois à la fois, pour tenter d'amener les jeunes à fumer. Je me demandais donc si certains magasins en faisaient autant.

M. Walsh: Je ne l'ai pas constaté moi-même.

Le sénateur Taylor: J'ai entendu dire que cela se faisait à Calgary.

Le sénateur Kenny: Vous êtes des témoins très intéressants et j'apprécie votre présence.

J'ai la même question à vous poser à tous les trois. Qu'est-ce qui vous a incités à agir? Qu'est-ce qui vous a intéressés et incités à vous attaquer au tabagisme?

M. Walsh: Je ne sais pas. Je n'ai jamais fumé moi-même. Je n'ai jamais voulu essayer, mais j'ai des amis et des membres de ma famille qui fument. C'est une chose avec laquelle je n'ai jamais vraiment été d'accord. Je ne fume pas. Je n'aime pas cela et je n'aime pas voir des jeunes fumer, car je sais qu'ils gâchent leur vie.

Mme Sampson: Je n'ai jamais fumé. Je n'ai jamais essayé. Cela ne m'a jamais tenté, mais j'ai toujours été assez indifférente. Je me disais que si les gens voulaient fumer, libre à eux.

En fait, c'est quand j'ai commencé à voir les statistiques. Toutes les 13 secondes, quelqu'un meurt d'une maladie reliée au tabac; un fumeur sur deux en mourra.

Quand j'ai commencé à entendre les jeunes parler de leurs parents ou de la façon dont leur père était mort, cela m'a mise en colère et dégoûtée.

J'étais en colère de voir à quel point les jeunes peuvent facilement se procurer du tabac et de voir combien le tabac est glorifié. Sans vouloir vous insulter, j'étais furieuse de voir que le gouvernement était tellement laxiste, que les restrictions n'étaient pas plus strictes et que les programmes antitabagisme n'étaient pas suffisamment mis de l'avant.

Mme Cardinal: Comme Brandon, j'avais des tas d'amis et de membres de ma famille qui fumaient et qui fument encore. J'ai essayé de fumer, mais je n'aime pas cela et je ne recommencerai jamais. C'est une chose que vous faites sous l'influence de vos camarades et si les membres de votre famille fument aussi, vous pensez que c'est acceptable.

Je ne voulais pas voir mes amis mourir de toutes ces maladies. Je ne voulais pas que les gens de ma collectivité subissent ce genre de conséquences et j'espère seulement que mes efforts donneront des résultats.

Le sénateur Kenny: Vous avez tous dit que vous pouviez obtenir des cigarettes en les demandant à vos amis, mais où vos amis obtiennent-ils leurs cigarettes?

M. Walsh: Je connais des jeunes dont les parents achètent les cigarettes pour eux. J'ai d'autres amis qui restent à l'extérieur du magasin, par exemple, et qui demandent à un passant d'entrer pour en acheter. Certains en volent à leurs parents ou à d'autres gens. Ils trouvent un moyen de s'en procurer.

Le sénateur Kenny: Avez-vous d'autres opinions?

Mme Sampson: Brandon et moi ainsi qu'un grand nombre de nos amis avons atteint l'âge légal pour acheter des cigarettes et nous pouvons donc en acheter nous-mêmes.

Nous avons entendu à peu près la même chose que ce dont Brandon vous a parlé lorsque nous avons dialogué avec les jeunes. Une partie de nos recherches consistait à questionner des adolescents qui fumaient et nous leur demandions notamment: «Comment te procurais-tu des cigarettes si tu as commencé à fumer quand tu avais 12, 13 ou 14 ans?

Un nombre inquiétant de jeunes ont répondu qu'ils entraient simplement dans un dépanneur, une station-service ou une épicerie, qu'ils déposaient leur argent sur le comptoir et que quelqu'un leur donnait les cigarettes.

Mme Cardinal: Je crois que de nombreux jeunes obtiennent leurs cigarettes de leurs soeurs ou leurs frères plus âgés qui fument et qui ne pensent pas que cela pose de problème.

Le sénateur Adams: Mademoiselle Foreman, vous avez mentionné le Club Lions. Le Club Lions aide-t-il beaucoup votre organisme? Je me souviens du Club Lions lorsque je vivais dans le nord du Manitoba, mais nous allions là-bas pour prendre un verre et fumer une cigarette. J'ai cessé de fumer il y a plus de 30 ans.

Quelle aide ces associations apportent-elles? De nombreux autres organismes aident les gens qui ont des jeunes enfants. Aident-ils les jeunes à ne pas commencer à fumer?

Mme Foreman: Par le passé, nous avons reçu de l'aide de plusieurs organismes philanthropiques de la région de Red Deer, mais le problème est toujours le manque de financement durable et le fait qu'on ne puisse pas nous apposer une plaque. Nous avons obtenu, à l'occasion, des fonds des clubs Optimistes de notre région et nous avons certainement eu un partenariat en nature avec la Légion de Red Deer.

Parfois, les gens de la Légion conduisent nos acteurs dans leurs camionnettes. Ils les conduisent aux divers endroits où ils sont en tournée.

Malheureusement, une bonne partie du soutien que nous recevons est en nature alors que nous avons beaucoup de frais en espèces. Notre directrice passe probablement la moitié de son temps à préparer les étudiants pour la tournée, pour les séances d'animation, les recherches et le reste, en plus de tenir des auditions.

Elle reçoit des honoraires pour son travail. Si nous devions lui payer le même salaire que ce qu'elle gagne comme professeur d'art dramatique au Collège de Red Deer, cela ferait grimper en flèche les coûts de production. Ils tripleraient largement. Elle consacre énormément d'heures au programme.

Le travail que j'ai réalisé depuis le lancement de ce projet il y a six ans était surtout bénévole. Je l'ai fait en plus de mon travail en tant qu'infirmière hygiéniste et chef d'équipe pour la réduction du tabagisme de la Régie régionale de santé de David Thompson.

Il a été difficile de trouver une source de financement durable pour un projet comme celui-là, ce qui semble bizarre. Comme il s'adresse aux jeunes, qu'il est très visible et qu'il est très bien accueilli par la collectivité, on s'attendrait à ce qu'il soit facile de trouver des sources de financement, qu'il suffirait que les gens voient le spectacle pour s'empresser de nous donner de l'argent, mais ce n'est pas le cas.

Il y a beaucoup de concurrence pour le financement de divers projets et nous nous sommes efforcés de trouver des sources de financement permanentes.

Le sénateur Adams: Je pourrais peut-être demander à Brandon si certains des élèves que vous essayez de convaincre d'arrêter de fumer aiment ce que vous faites ou détestent ce que vous faites et vous demandent pourquoi vous le faites et pourquoi vous ne voulez pas fumer? Est-ce que certains d'entre eux veulent suivre votre exemple? Quelle impression avez-vous dans les salles de classe?

M. Walsh: Je ne me suis jamais vraiment laissé influencer par mes camarades.

Le sénateur Taylor: C'est vous qui les influencez.

M. Walsh: Oui.

Le sénateur Adams: S'ils vous disent que vous devriez fumer, leur dites-vous que plus tard, peut-être dans 30 ou 40 ans, ils mourront du cancer du poumon?

M. Walsh: Certainement.

Le sénateur Adams: Qu'en pensez-vous?

M. Walsh: Je leur en parle et certains d'entre eux ne m'écoutent même pas. D'autres me disent qu'ils ne savaient pas. Les réponses varient d'une personne à l'autre.

Certains jeunes sont éberlués d'entendre parler des risques. Ils disent qu'ils ne savaient pas qu'ils couraient tous ces risques. D'autres disent: «Et alors? Ça ne m'arrivera pas à moi». Nous pouvons essayer de leur faire entendre raison, mais c'est à eux de décider s'ils continueront à fumer ou s'ils arrêteront.

Mme Sampson: Si nous nous adressons aux jeunes, c'est parce que le spectacle n'incite pas à arrêter de fumer, mais plutôt à ne pas commencer.

Quand on arrive à notre âge - cela me vieillit - nous voyons des jeunes qui sont encore des adolescents, mais qui fument depuis un certain temps. Une actrice de notre troupe a découvert, quand nous faisions nos recherches, qu'il y a du poison à rats dans les cigarettes.

Elle a écarquillé les yeux et jeté son paquet de cigarettes à la poubelle devant nous - car elle fumait à l'époque - en disant jamais plus.

À midi, nous parlions de l'influence des copains et du fait que, lorsque les jeunes voient les non-fumeurs si bien s'amuser, et surtout quand nous transmettons le message aux autres jeunes et qu'ils voient les petits dessins que les gens font pour nous, le problème ne se pose même plus.

Le sénateur Adams: En attendant, vous voyez certains jeunes demander si quelqu'un a un paquet de cigarettes à leur passer, car vous vous n'en avez pas.

Sénateur Kenny, si le projet de loi S-15 est adopté, peut-être pourrait-on punir un jeune qui donne une cigarette à un autre.

Le sénateur Kenny: Non, ce projet de loi ne prévoit pas de punition, mais uniquement la persuasion.

Le sénateur Adams: Quoi qu'il en soit, je sais que là où j'habite, même les adultes demandent parfois une cigarette à leurs amis.

La vice-présidente: Ils en quémandent.

Le sénateur Adams: Je crois que de nombreux jeunes commencent dans la cour d'école ou ce genre d'endroit parce que les autres enfants ont des cigarettes.

Comment des adolescents de 12 et 14 ans peuvent-ils trouver de l'argent pour acheter du tabac? Ils n'ont pas d'emploi à temps partiel à cet âge-là. Où trouvez-vous de l'argent pour acheter des cigarettes?

Généralement, les jeunes commencent à fumer parce qu'un membre de leur famille leur donne de l'argent pour acheter un paquet de cigarettes.

Le sénateur Banks: J'ai une brève question que j'adresse aux trois plus jeunes d'entre vous. D'après les statistiques, 28,9 p. 100 des jeunes Canadiens fument. Des gens bien informés nous disent également que la plupart des jeunes croient que le pourcentage est en réalité plus élevé et que plus du tiers de leurs camarades fument.

Qu'en pensez-vous? Croyez-vous que c'est environ 30 p. 100 soit environ un sur trois de vos jeunes amis qui fument ou que le pourcentage est plus élevé ou plus bas?

Mme Cardinal: Je ne peux pas vous citer de chiffre exact, mais je dirais qu'effectivement c'est environ 30 p. 100. La plupart de mes amis ne fument pas, mais certains d'entre eux le font.

Le sénateur Banks: Tara, qu'en pensez-vous?

Mme Sampson: En fait, ce chiffre m'étonne. J'aurais cru qu'il était beaucoup plus bas.

Il n'est pas vrai que tous les jeunes ou la plupart d'entre eux fument. Dans mon école secondaire, il y a un endroit, à l'extérieur, où l'on peut fumer et il y a une trentaine d'élèves qui restent là à l'heure du repas du midi alors qu'il y a 1 270 élèves dans l'école et qui mangent dans la grande salle ou dans la cafétéria.

Je suis étonnée. J'aurais cru que le chiffre était beaucoup plus bas. Je ne pense pas que beaucoup de gens fument, mais je pense quand même qu'ils sont trop nombreux à le faire.

M. Walsh: Quand j'ai fait des recherches pour «Butt Ugly» je suis tombé sur ce chiffre d'environ 30 p. 100 de jeunes fumeurs. Je crois que c'est à peu près cela.

Le sénateur Banks: Une dernière question. Tara, dans votre exposé, vous avez critiqué la façon dont on vous informe, en classe, des dangers de la cigarette et vous avez dit que vous nous en reparleriez plus tard, mais vous ne l'avez pas fait.

Mme Sampson: Vous souvenez-vous exactement dans quel contexte c'était?

Le sénateur Banks: Vous avez dit que l'information donnée en classe n'était pas vraiment efficace. Et vous avez ajouté que vous nous parleriez plus tard. Parlez-nous-en.

Mme Sampson: Je voulais dire, et Gail en a parlé un peu, que le système d'éducation est trop répétitif. Vous êtes généralement assis pendant qu'on vous bombarde de renseignements que vous êtes censé absorber.

Cela devient beaucoup plus intéressant si l'on utilise un médium différent. Le théâtre en est un, mais il y en a bien d'autres. Ce que ces gens font me paraît excellent.

Je sais que YAAP a accordé des subventions de démarrage à toutes sortes de projets, pour des conférences, des affiches, toutes sortes d'activités différentes. Les choses sont présentées sous un nouveau jour et retiennent l'attention des jeunes tout en les éduquant et en les sensibilisant.

Je crois que c'est ce qu'il faut faire.

Le sénateur Banks: Avez-vous déjà obtenu votre diplôme?

Mme Sampson: Je l'ai obtenu en juin.

Le sénateur Banks: Allez-vous devenir actrice?

Mme Sampson: Si je veux devenir actrice?

Le sénateur Banks: Non, allez-vous devenir actrice?

Mme Sampson: Non, je vais aller à l'Université de Lethbridge en septembre. J'ai l'intention de devenir professeur d'anglais.

Le sénateur Banks: C'est une bonne chose pour la langue anglaise.

La vice-présidente: Merci d'être venus. Je dois dire que vous êtes tous extrêmement éloquents et efficaces.

J'ajouterais seulement que certains d'entre vous devraient songer à se lancer en politique.

La séance est levée.


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