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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 28 - Témoignages du 25 avril 2002


OTTAWA, le jeudi 25 avril 2002

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été déféré le projet de loi C-10 concernant les aires marines nationales de conservation du Canada, se réunit aujourd'hui à 9 h 01 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous entendrons ce matin le témoignage de M. Russ Jones, qui est consultant auprès de la B.C. Aboriginal Fisheries Commission.

Monsieur Jones, vous pouvez nous faire une déclaration de dix minutes, après quoi nous vous poserons nos questions. Allez-y.

M. Russ Jones, consultant, British Columbia Aboriginal Fisheries Commission: Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à vous faire une présentation aujourd'hui.

Je vais faire cette présentation au nom de deux organisations, dont la B.C. Aboriginal Fisheries Commission. Cette organisation sert de tribune pour la majorité des Premières nations de la Colombie-Britannique. Elle s'occupe notamment depuis trois ans, avec les membres de ces Premières nations, du dossier des zones de protection marines, ce qui est un terme plus général pour désigner les aires marines de conservation.

Nous avons préparé notre présentation avec le Sommet des Premières nations, une organisation qui représente les Premières nations participant au processus de négociation des traités en Colombie-Britannique. Je n'en connais pas le chiffre exact, mais il y a de 45 à 50 Premières nations qui participent à ce processus dans la province, et le sommet les représente dans les dossiers qui présentent un intérêt commun.

Pour commencer, nous reconnaissons que l'établissement de zones protégées est nécessaire dans notre société moderne, mais cela pose des problèmes particuliers. Ces zones peuvent avoir des répercussions considérables sur les peuples autochtones et leur utilisation du territoire. Nous trouvons important que les aires marines de conservation ne soient pas constituées aux dépens des peuples autochtones, qui protègent ces secteurs et dépendent des terres et des eaux qui les composent depuis des générations.

Cela dit, je tiens à souligner que notre présentation vise avant tout à trouver des moyens qui permettraient aux Premières nations de travailler le plus efficacement possible avec le gouvernement pour déterminer comment et où ces aires pourraient et devraient être établies dans la province. Les changements que nous proposons constituent à mon avis des changements positifs, destinés à refléter des mécanismes déjà acceptés, surtout sur la côte de la Colombie- Britannique.

La B.C. Aboriginal Fisheries Commission et le Sommet des Premières nations ont participé l'été dernier à plusieurs rencontres avec Parcs Canada pour discuter du projet de loi C-10, et ces rencontres ont débouché sur des amendements au projet de loi. Il subsiste cependant plusieurs problèmes, en particulier au sujet des mécanismes en place en Colombie-Britannique, et le projet de loi devrait en tenir compte.

La création des aires marines de conservation pourrait notamment rendre le poisson et les autres ressources moins accessibles aux Premières nations; tout dépend des règlements particuliers qui seraient adoptés dans ces zones. En outre, si l'on s'attend à une augmentation du tourisme, nous croyons que toutes les décisions doivent être prises en consultation avec les peuples autochtones. Un important afflux de touristes ou de visiteurs pourrait influer sur notre possibilité de tirer notre subsistance du territoire et sur l'utilisation que nous pouvons faire de ce territoire. Il pourrait aussi y avoir une diminution de l'activité économique. La pêche a toujours été un élément important de notre économie, surtout pour les Premières nations de la côte, et les aires marines de conservation pourraient limiter cette activité.

Je voudrais maintenant vous expliquer brièvement la situation en Colombie-Britannique. Il en est question à la partie A du mémoire que nous vous avons remis. La majeure partie de la province n'est pas couverte actuellement par des traités. Sur la côte, les seuls traités en vigueur sont les traités Douglas, qui ont été conclus vers le milieu des années 1800 et qui couvrent certaines parties de l'île de Vancouver. Il y a aussi l'Entente définitive des Nisga'as, qui a été conclue récemment; c'est un traité des temps modernes.

Pour le reste de la côte, il n'y a pas de traité en vigueur. Je pense que vous êtes tous au courant des décisions récentes sur les titres aborigènes et les droits ancestraux. Il y a beaucoup d'incertitude dans la province, y compris dans les secteurs visés par les traités Douglas — qui sont semblables aux traités de la côte Est — au sujet des droits de pêche.

Comme je l'ai déjà dit, beaucoup de Premières nations sont actuellement en train de négocier des traités, et elles essaient de mettre fin à cette incertitude grâce à la négociation. Il y a plusieurs initiatives en cours. Jusqu'ici, les choses ne vont pas aussi vite que tout le monde le prévoyait. Quand le processus a commencé, on croyait qu'il pourrait falloir une dizaine d'années pour en arriver à des traités, mais il n'y a toujours pas de nouveau traité.

En écoutant les nouvelles, les honorables sénateurs ont certainement entendu parler par exemple du référendum qui se déroule actuellement au sujet du processus de négociation de traités. Ce référendum va encore retarder le processus. Entre temps, le gouvernement fédéral s'est entendu avec les Premières nations et la province pour adopter une approche graduelle comprenant ce qu'on appelle des «ententes provisoires». Il s'agit d'une approche progressive vers la signature de traités, qui pourrait prendre plus de temps.

Les changements que nous proposons visent à appuyer le processus adopté. La province, le gouvernement fédéral et les Premières nations se sont entendus sur les principes des mesures préalables à la négociation des traités en Colombie- Britannique; ces principes sont énoncés dans une déclaration datée du 28 avril 2000.

Je vais maintenant vous décrire quelques-uns des changements que nous vous demandons d'envisager. Je vais passer à la partie B de notre mémoire, qui porte sur la création de réserves pour les aires marines de conservation. Selon notre interprétation, le paragraphe 4(2) vise à protéger les droits des Premières nations. Parcs Canada devra déterminer où seront constituées les aires marines de conservation. En vertu de cette disposition, il serait possible de constituer des réserves lorsqu'il y aurait des négociations ou de l'incertitude au sujet des droits ancestraux. Selon le libellé actuel, il semble que Parcs Canada pourrait créer des réserves de ce genre une fois l'endroit choisi. Nous tenons cependant à ce que la loi comprenne une disposition disant que les Autochtones doivent être consultés au préalable. Cette disposition est une des rares où il est question des droits ancestraux. Elle est importante. Elle rendrait encore plus claire l'intention des législateurs au sujet de la constitution de réserves.

L'autre élément qui nous pose un problème, c'est le terme «accords sur des revendications territoriales», qui apparaît à plusieurs endroits dans le projet de loi. Nous savons que ce terme est utilisé pour des raisons d'uniformité avec les accords existants. On s'est rendu compte qu'il y avait des différences entre le projet de loi et certains de ces accords, et c'est pourquoi cela a été ajouté.

Nous participons au processus de négociation de traités en Colombie-Britannique. Nous sommes d'avis que le terme «accords sur des revendications territoriales» est plus restrictif que le mot «traités», et que ces accords n'incluent pas nécessairement les traités qui pourraient être négociés dans notre région dans le cadre du processus en cours en Colombie-Britannique.

Nous expliquons dans notre mémoire les motifs sur lesquels repose cette position. En particulier, le paragraphe 35(3) de la Constitution stipule:

Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.

Si nos traités ne sont pas considérés comme des accords sur des revendications territoriales, ils ne seront pas visés par ce terme, qui est plus restrictif que le mot «traité».

La question des traités Douglas est un autre sujet qui nous préoccupe. Lors de nos discussions avec eux, les gens de Parcs Canada ont souligné que les traités historiques ne contenaient aucune disposition sur des aires marines de conservation. Ils ne croyaient pas nécessaire de s'y référer.

Il est fort possible à notre avis que ces traités aient un effet sur les aires marines de conservation et il y aura sans doute des ententes conclues avec des Premières nations avant la création de ces aires marines de conservation. Le terme «accords sur des revendications territoriales» n'inclut pas cette notion et n'englobe pas nécessairement les accords liés à des traités historiques. Ces traités historiques ne seront peut-être pas considérés comme des accords sur des revendications territoriales.

Le troisième point qui nous préoccupe, en Colombie-Britannique, se rapporte à la nécessité que le titre soit incontestable avant que Parcs Canada puisse constituer une aire marine de conservation. Il n'est guère prévoyant, dans le projet de loi C-10, de ne pas envisager la possibilité que des Premières nations puissent s'entendre avec le Canada pour partager un titre ou pour avoir un titre coexistant dans certains secteurs. Cela s'est déjà produit par exemple dans le cas des Ententes finales avec les Premières nations du Yukon, qui prévoient un partage du titre aborigène. Le projet de loi empêcherait alors Parcs Canada d'établir une aire marine de conservation parce que le titre ne serait pas incontestable.

L'autre point porte sur la possibilité que des ententes provisoires soient conclues avant la signature d'un traité. Il pourrait arriver qu'une Première nation appuie la création d'une aire marine de conservation, mais qu'il soit impossible de la constituer. Il pourrait y avoir une entente provisoire, mais l'aire de conservation ne pourrait pas être établie parce que la loi ne le permettrait pas.

Nous demandons des changements sur trois plans. L'article 5 porte sur la constitution des aires marines de conservation énumérées à l'annexe 1 du projet de loi. Nous demandons d'en élargir le libellé de manière à inclure non seulement les accords sur des revendications territoriales, mais également les traités et les autres accords conclus avec les peuples autochtones touchés.

L'article 6 porte sur l'établissement de réserves à vocation d'aires marines de conservation dans les endroits où les droits ancestraux pourraient faire l'objet de négociations avec des Premières nations.

L'article 9 est une autre disposition dans laquelle les «accords sur des revendications territoriales» sont mentionnés. Nous demandons qu'il soit élargi également pour inclure les autres accords conclus avec des Premières nations. Cela serait conforme à la politique établie par les Premières nations, le Canada et les provinces, à savoir que des ententes provisoires peuvent être négociées et que, si tel est le cas, ces ententes doivent être mises en vigueur.

Nous proposons aussi des changements dans deux autres domaines. La partie E de notre mémoire porte sur la gestion et l'administration des aires marines de conservation. Le paragraphe 8(5) prévoit la signature d'ententes entre Parcs Canada et des Premières nations, ainsi que d'autres personnes ou gouvernements, au sujet de la gestion et de l'administration.

Compte tenu du rôle particulier que les peuples autochtones devraient jouer dans les zones protégées, nous estimons qu'il serait important de préciser que le ministre peut conclure des ententes avec des gouvernements autochtones ou des organismes établis en vertu d'accords sur des revendications territoriales, afin de partager l'administration, la gestion et le contrôle de ces zones.

Notre dernier point porte sur les droits ancestraux. Ces droits sont mentionnés uniquement dans une disposition du projet de loi où on dit que les mesures proposées ne doivent pas porter atteinte aux droits ancestraux, et dans une autre où il est question de la constitution de réserves.

À notre avis, cela ne suffit pas comme directives sur la façon dont ces réserves pourraient être constituées. C'est pourquoi nous avons réclamé un certain nombre de choses au cours de nos rencontres avec les gens de Parcs Canada. Nous avons demandé qu'une nouvelle disposition soit incluse dans le préambule afin de reconnaître l'importance des aires marines pour les peuples autochtones des communautés côtières. Dans le préambule actuel, les peuples autochtones peuvent être assimilés aux groupes d'intérêt présents dans les régions côtières, mais ils ne sont pas mentionnés expressément. Nous estimons qu'ils devraient l'être.

Le paragraphe 4(1) porte sur l'objectif des aires marines de conservation. Là encore, le Canada dit qu'elles seront créées pour le plaisir de la population canadienne et de la population mondiale, mais il n'y est pas fait mention des peuples autochtones qui vivent dans ces régions depuis des générations et qui sont extrêmement attachés au territoire. Nous croyons par conséquent que cet élément devrait figurer parmi les objectifs des aires marines de conservation. Ce serait une façon de contribuer, grâce à un effort concerté de Parcs Canada et des Premières nations, à la protection de ces zones importantes pour nous tous.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Jones.

Le sénateur Watt: Bienvenue, monsieur Jones. Je suis un des membres autochtones du comité.

À part tout ce que vous avez dit au sujet du fait que le projet de loi ne reconnaît pas de manière satisfaisante les questions laissées en suspens dans les rapports entre les Autochtones et le gouvernement du Canada au sujet des revendications, vos arguments sont presque identiques à ceux des Indiens du Yukon. Ils étaient d'avis qu'il y avait des effets sur leurs droits sans que leurs revendications soient réglées et ont souligné que le gouvernement territorial du Yukon réglait certaines revendications qui n'avaient pas encore été présentées au gouvernement canadien. Le gouvernement canadien a des obligations particulières envers les Autochtones. Ce que vous dites semble aller dans le même sens.

Mais laissons cela de côté un instant. Je voudrais vous poser une question sur une réalité très simple que nous, les Autochtones, rencontrons de temps en temps, que ce soit sur la terre ferme ou en mer. Le projet de loi que nous étudions prévoit la constitution d'aires marines de conservation dans des endroits, par exemple, où il n'y a pas d'activité. En tant qu'Autochtone, je sais que parfois, quand le gouvernement s'installe dans une région qui n'est pas occupée ou dans un secteur où il n'y a aucune activité, cela a pour effet de créer de l'activité. C'est inquiétant pour nous, les Autochtones. Cela s'est déjà vu.

En tant qu'Autochtones, que ce soit sur la terre ferme ou en mer, nous connaissons très bien notre région parce que nous en tirons notre subsistance. Il arrive qu'on n'y voie personne pendant des jours. Une activité accrue dans des secteurs isolés dérange non seulement le mode de vie des Autochtones, mais aussi la vie animale ou la vie marine de la région. C'est une question qui me préoccupe beaucoup. Est-ce que cela vous préoccupe aussi?

Est-ce que vous appuyez essentiellement le projet de loi, tout en souhaitant faire reconnaître vos revendications territoriales et vous servir de cette loi, quand elle sera en vigueur, pour faire avancer votre cause?

M. Jones: Je peux vous parler des ateliers que la B.C. Aboriginal Fisheries Commission a organisés avec des gens des Premières nations un peu partout dans la province. Ces ateliers ont eu lieu il y a environ deux ans et demi. Nous avons discuté de façon générale des zones de protection marines. Même si certaines personnes appuyaient la création de ces zones protégées, la majorité des membres des Premières nations étaient assez inquiets des effets que cela pourrait avoir. Ils savent ce qui s'est passé dans le cas des parcs terrestres et ils y voient un exemple de violation de leurs droits ancestraux. Ils se demandent s'ils vont pouvoir aller ramasser des algues dans les aires marines de conservation.

Nous sommes d'avis que les discussions sur les aires marines de conservation doivent inclure un dialogue avec les Premières nations touchées et des efforts pour conclure des accords avant d'aller de l'avant au sujet de ces zones. Ce n'est pas différent de ce que nous ont dit les gens de Parcs Canada. Ils nous ont dit que c'était aussi leur approche et qu'ils ne créeraient pas d'aires marines de conservation s'ils n'avaient pas l'appui des Premières nations, mais ce n'est pas ce que dit le projet de loi. C'est ce qui nous inquiète.

Il y a également un processus établi pour tenter de signer des ententes provisoires, et d'en arriver à des ententes sur les initiatives de ce genre. Si le gouvernement fédéral a pour politique de travailler de concert avec les Premières nations pour chercher à conclure ces ententes provisoires, pourquoi est-ce que ce n'est pas précisé dans le projet de loi?

Le président: Je voudrais souligner quelque chose au sujet de la consultation. On peut lire à l'article 10 du projet de loi:

Le ministre favorise la consultation des ministres et organismes fédéraux et provinciaux concernés et des communautés côtières, des organisations autochtones et des organismes constitués aux termes d'accords sur des revendications territoriales touchés [...]

Avez-vous lu ce passage ou si, comme moi, vous l'avez manqué la première fois? Cela semble répondre à une bonne partie de vos questions.

M. Jones: J'admets que cet article parle de consultation. La différence, c'est que le niveau de consultation prévu n'est pas le même pour les Premières nations et pour les autres.

Le président: Vous êtes sur le même pied que les ministres fédéraux et provinciaux. C'est mieux que la plupart des gens.

M. Jones: Je ne pense pas que le projet de loi dise nécessairement que c'est une priorité. Il énumère les différents gouvernements et les différentes organisations à consulter.

Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous nous dire en quoi consistait votre processus de consultation et dans quelle mesure vous y avez participé? Êtes-vous satisfaits de ce processus?

M. Jones: Vous voulez parler des consultations sur le projet de loi C-10?

Le sénateur Cochrane: Oui, et sur les aires marines de conservation dont il est question dans le projet de loi C-10.

M. Jones: Pour ce qui est des organisations qui ont fait des présentations, les rencontres que nous avons eues l'été dernier avec les gens de Parcs Canada sont la seule occasion, à notre connaissance, où nous avons eu des discussions sur le projet de loi C-10. Nous avons demandé aux gens de Parcs Canada de venir dans nos communautés et d'y tenir des réunions au sujet du projet de loi C-10, mais cela ne s'est pas fait. J'ai assisté personnellement à une rencontre à Skidegate au cours de laquelle les gens de Parcs Canada ont fait une présentation, il y a environ quatre ans. La rencontre ne portait pas sur ce projet de loi. À l'époque, il était question d'un document dans lequel étaient décrits les différents éléments.

Le sénateur Cochrane: Si je comprends bien, vous ne représentez pas l'ensemble des communautés des Premières nations, n'est-ce pas?

M. Jones: Le Sommet des Premières nations est probablement l'organisation la plus représentative puisqu'il compte des représentants élus qui représentent les Premières nations dans le processus de négociation de traités.

Le sénateur Cochrane: Est-ce que ces gens-là ont participé au processus de consultation sur le projet de loi C-10, avec Parcs Canada?

M. Jones: Le Sommet des Premières nations et la B.C. Aboriginal Fisheries Commission ne sont pas des Premières nations; ce sont des organisations qui représentent des Premières nations, et nous avons déjà dit qu'il fallait des consultations avec les Premières nations qui pourraient être touchées. À cet égard, je ne pense pas qu'il y ait eu de consultations avec chacune des Premières nations qui possèdent des droits ancestraux et qui pourraient être touchées par ce projet de loi.

Le sénateur Cochrane: Combien de Premières nations la B.C. Aboriginal Fisheries Commission représente-t-elle?

M. Jones: La B.C. Aboriginal Fisheries Commission est une tribune pour la majorité des Premières nations, mais elle ne les représente pas. Quand il y a un consensus sur une question, la B.C. Aboriginal Fisheries Commission peut faire quelque chose. Par exemple, dans le cas des zones de protection marines, la commission a pris clairement position au nom des Premières nations.

Le président: Pour votre gouverne, sénateur Cochrane, je pense qu'il y a environ 64 groupes autochtones sur la côte Ouest et que la commission en représente une quarantaine.

Le sénateur Cochrane: À la page 5 de votre mémoire, vous recommandez de modifier le paragraphe 4(1). Est-ce que vous attendez une réaction de Parcs Canada? Vous n'avez pas eu beaucoup d'entretiens avec les gens de Parcs Canada, n'est-ce pas? Vous trouvez qu'il n'y a pas de dialogue ouvert?

M. Jones: Nous avons participé aux premières rencontres avec l'Assemblée des premières nations. L'Assemblée des premières nations et les gens de Parcs Canada se sont rencontrés en février pour discuter de ce qu'il faudrait faire pour la suite, mais la B.C. Aboriginal Fisheries Commission et le Sommet des Premières nations n'ont pas été invités à cette rencontre. Le dialogue sur le projet de loi C-10 a pris fin en octobre.

Nous avons soumis un mémoire similaire au comité de la Chambre des communes, mais, pour une raison quelconque, même si nous avions compris que le comité devait en être saisi pendant son étude article par article, cela n'a pas été le cas. Nous vous soumettons notre mémoire parce que nous trouvons certaines dispositions préoccupantes et que nous pensons qu'il serait possible de tenir compte de certains intérêts communs si le projet de loi était modifié. Nous pensons que ces changements seraient positifs.

Le sénateur Christensen: Je vais poursuivre dans la même ligne que le sénateur Cochrane. Vous avez dit que les cinq points que vous avez soulevés ont été présentés au comité de la Chambre? Est-ce exact? Vous n'avez pas comparu personnellement.

M.Jones: Comme je l'ai dit, nous avons travaillé avec l'Assemblée des premières nations qui avait l'intention de présenter un exposé qui aurait tenu compte de nos arguments, mais elle n'a pas été invitée. Après avoir communiqué avec le greffier, nous avons été invités à soumettre un mémoire, chose que nous avons faite, mais pour des raisons que j'ignore, le comité ne l'avait pas en main au moment de l'examen article par article. C'est la raison pour laquelle nous vous présentons ce mémoire qui n'a jamais été pris en considération.

Le sénateur Christensen: Est-il possible que le comité de la Chambre ait tenu compte du mémoire au cours de ses délibérations?

Le président: Si vous me permettez un commentaire, j'ai lu l'article10 concernant la consultation des organisations autochtones. Le projet de loi initial ne contenait pas les termes «organismes constitués aux termes d'accords sur des revendications territoriales». Cette partie a fait l'objet d'un amendement par rapport au texte original présenté à la Chambre des communes. Que vous ayez été invités ou non, la partie que je vous ai lue un peu plus tôt est incluse. Le comité ne vous a peut-être pas invité parce qu'il connaissait déjà ou allait inclure les points qui vous tenaient à cœur. Vous avez peut-être eu une plus grande influence que vous ne le pensez.

M.Jones: Nous avons reconnu dans notre mémoire que certains changements avaient été apportés au projet de loi à la suite de nos entretiens avec Parcs Canada.

Le président: Il semble que l'on vous ait écoutés.

Le sénateur Christensen: Pouvez-vous décrire les relations entre les Premières nations touchées par ce projet de loi et les localités côtières qui sont elles aussi concernées? Êtes-vous d'accord quant aux changements qui devraient être apportés au projet de loi?

M.Jones: Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question.

Le sénateur Christensen: J'aimerais savoir quelles sont les relations entre les collectivités des Premières nations et les autres localités côtières en ce qui a trait au projet de loi. Est-ce que vous les connaissez? Avez-vous certaines préoccupations communes par rapport au projet de loi et si vous avez des points de vue divergents, quels sont-ils?

M.Jones: Je ne représente pas les autres localités. Je suis certain qu'il y a des divergences, mais aussi des points de convergence.

Le sénateur Christensen: Avez-vous participé à des rencontres avec d'autres collectivités?

M.Jones: J'ai participé seulement à la réunion de Skidegate. Seulement une dizaine de personnes a pris part à cette présentation. Si j'ai bien compris, l'intention du législateur est, une fois qu'une proposition de création d'aires marines de conservation aura été présentée, de procéder à une consultation et d'élaborer un plan de gestion afin de tenter de rassembler les divers intérêts.

Le sénateur Christensen: C'est au sujet des Haïdas Gwai'i, n'est-ce pas?

M.Jones: Oui.

Le sénateur Christensen: Est-ce qu'ils sont en faveur des parcs marins?

M.Jones: Au cours de cette présentation, aucun détail n'a été fourni, mais maintenant que nous avons un projet de loi, il est beaucoup plus facile de définir les questions qui vont se poser.

La loi devrait être l'expression des politiques. Nous savons que Parcs Canada a des politiques concernant la participation des peuples autochtones. Puisque Parcs Canada affirme lors de nos rencontres qu'il n'y aura pas création d'aires marines de conservation tant que nous n'accorderons pas notre appui ou notre accord à un tel projet, pourquoi ne pas en tenir compte dans la loi? Il existe des ententes relatives aux parcs territoriaux. Par conséquent, il serait possible d'en faire de même pour les aires marines de conservation. Est-ce qu'il y a une raison de ne pas prévoir une telle possibilité dans le projet de loi?

Le sénateur Christensen: Votre organisation prend-elle part au processus de négociation de traités en Colombie- Britannique, ou est-ce que vous prenez part en parallèle aux discussions concernant les pêches et que chaque Première nation participe aux négociations de traités?

M.Jones: Je ne participe pas directement au processus de négociation de traités. C'est le Sommet des premières nations qui nous représente.

Le sénateur Christensen: La BCAFC est-elle directement impliquée?

M.Jones: Non.

Le président: Après vérification, il semble que trois groupes autochtones aient comparu à la Chambre des communes. Les députés ont entendu M.Ovide Mercredi, un chef Haïda et un groupe du Nunavut. Nous critiquons souvent l'autre chambre, car nous pensons que nous faisons un meilleur travail, mais nous ne pouvons pas lui reprocher de n'avoir pas consulté les Autochtones.

Le sénateur Sibbeston: La présentation de M.Jones m'a ramené à l'époque où notre sous-comité des peuples autochtones sur les parcs s'est rendu à Iqaluit pour entendre les préoccupations des Inuits sur leur rôle dans la gestion des parcs. En effet, les parcs, ce n'est pas simplement de la terre et de l'eau. Ce sont aussi les peuples autochtones qui vivent dans ces territoires depuis des centaines d'années. Je comprends votre point de vue.

Quel est le lien des Autochtones avec la mer? Je ne peux pas l'imaginer, car je n'habite pas près de la côte. Comment pourriez-vous décrire les liens que les Autochtones vivant dans les régions côtières entretiennent avec l'océan?

M.Jones: Pour nous, c'est très important. Je suis un Haïda. Dans notre territoire, tous les villages font face à la mer et autrefois, nous nous déplacions en canot sur la mer. Mes parents et mes grands-parents vivaient de la pêche. Mon grand-père partait à la pêche pendant deux ou trois mois. Cela lui rapportait 1000$, soit de quoi subvenir aux besoins de la famille pour l'hiver. Le reste de leur alimentation provenait des cultures qu'ils faisaient en été.

Cela a changé dans notre région, mais nous avons conservé ce lien avec l'océan. Les membres de notre communauté partent toujours en mer et le poisson demeure un élément important de notre régime alimentaire.

Le sénateur Sibbeston: Au paragrapheF de votre mémoire, vous réclamez la révision du paragraphe 4(1) auquel vous souhaitez ajouter: «ainsi que la conservation et le développement du mode de vie des peuples autochtones».

Est-il possible d'intégrer ce lien des Autochtones avec la mer dans une aire marine de conservation? Les gens veulent voir l'océan et la vie marine. Les activités de pêche de votre peuple pourraient-elles déranger une aire marine de conservation ou avoir des incidences négatives?

M.Jones: La disposition du projet de loi concernant le zonage à l'intérieur d'une aire marine de conservation amènera peut-être à restreindre des activités à certains endroits, mais les autorisera ailleurs. Nous estimons que le soutien des peuples autochtones est indispensable au succès des aires marines de conservation. Si les Autochtones ne voient aucun intérêt dans ces aires de conservation, ils ne les appuieront pas. Un plan de gestion donne la possibilité de créer cet intérêt.

L'exposé présenté au comité des Communes par Guujaaw, le président du Council of the Haida Nation, nous en fournit un bon exemple. Il existe une entente pour la gestion d'une aire terrestre. Parcs Canada, le Council of the Haida Nation et les collectivités ont participé à l'élaboration d'un plan de gestion de cette aire terrestre. Le nombre total de visiteurs dans cette aire est limité, permettant ainsi de réduire les impacts potentiels du tourisme sur la zone ainsi que sur les ressources des peuples haïdas. Les aires marines de conservation offrent certaines possibilités, mais il faudrait que les politiques et la loi donnent la possibilité de construire ces intérêts communs.

Le sénateur Sibbeston: Les aires marines de conservation que le gouvernement fédéral souhaite établir ne sont pas nécessairement des aires où toute activité sera interdite, où les habitants du littoral ne pourront plus profiter des ressources de la mer. Ce serait beaucoup trop restrictif. Il est certain que les personnes vivant dans les zones concernées pourront continuer à exploiter en partie les ressources de la mer. Pensez-vous que les activités côtières des Autochtones soient compatibles avec les aires marines de conservation et que les habitants du littoral pourront continuer à pêcher?

M.Jones: Nous nous inquiétons justement du préjudice que ces aires marines de conservation risquent de causer aux Autochtones. Nous voulons apporter un amendement à l'article4 afin que les peuples autochtones soient consultés dans le cadre du processus de création de ces aires. Nous avons demandé que les droits des Autochtones soient pris en compte séparément des autres. Le gouvernement fédéral ne peut pas établir sans consultation des aires marines de conservation qui risquent d'enfreindre nos droits ancestraux. Ce processus de consultation est indispensable, alors pourquoi ne pas l'entériner dans la loi?

Le sénateur Adams: Monsieur Jones, je viens de l'Arctique. Des témoins de la fédération de la nature ont déclaré à notre comité qu'ils avaient informé le gouvernement de la nécessité de créer des aires de conservation.

Pouvez-vous nous dire s'il a été question de créer une aire protégée au large de la côte de la Colombie-Britannique afin de protéger la loutre de mer? Dans la région où vous vivez, est-ce qu'on voit régulièrement des loutres de mer, des épaulards et d'autres mammifères?

M.Jones: Il n'existe plus de loutres de mer dans notre région. Elles ont disparu au début du XXesiècle. Nous croyons que certains mammifères commencent à revenir dans la région puisqu'un ou deux ont été observés l'an dernier. La région d'où je viens est relativement bien préservée. Il y a certaines activités de pêche commerciale et du tourisme dans la région. Nous avons constaté que la création des parcs nationaux terrestres attirent des visiteurs. C'est une constatation que nous avons faite. Il est clair que si l'on proclame tout haut qu'une région mérite d'être protégée et préservée, cela va attirer des visiteurs. Cela risque d'avoir des conséquences sur les mammifères marins, les oiseaux de mer et autres.

On s'inquiète actuellement de la trop grande affluence de visiteurs au parc national de Banff. Le côté positif de l'affaire, c'est que la collaboration et les plans de gestion nous permettent d'assurer la protection à long terme de ces régions. Le Canada et les Premières nations ont des intérêts communs, mais il faut créer les occasions de collaborer afin de protéger ces secteurs.

Le sénateur Adams: Je peux vous dire que dans le Nord, on a observé une incidence sur les bélougas. Ils sont menacés de disparition. Je ne pense pas que le projet de loi C-10 aborde la question de la protection des mammifères menacés de disparition.

Différents représentants des sociétés de protection de la faune ont témoigné devant notre comité des pêches, affirmant que certains secteurs des parcs doivent être protégés. Le président de notre comité a demandé si le projet de loi C-10 protégerait d'une façon quelconque les animaux en danger et la vie marine des parcs.

Vous avez parlé des touristes. Parcs Canada va peut-être réglementer le nombre de touristes autorisés à aller en mer pour observer les épaulards ou d'autres mammifères marins. Des organisateurs titulaires de permis proposent aux touristes des excursions payantes pour observer les baleines dans certains endroits qui devraient être protégés.

Il y a plus de dix ans, les habitants de la région du Saint-Laurent au Québec ne pouvaient pas faire payer les touristes qu'ils emmenaient observer les baleines. Cependant, après la création d'un parc, les organisateurs d'excursions ont dû obtenir des permis. Je crois qu'il y a une réglementation dans le parc. Est-il exact qu'un organisateur d'excursions touristiques doit obtenir un permis pour emmener des touristes observer des baleines?

M.Jones: Le seul cas que je connaisse se trouve dans les réserves de parcs nationaux où il existe un mécanisme de demande de permis. Cela fait que le nombre d'organisateurs d'excursions est limité et qu'il y a un nombre limité de touristes qui peuvent prendre part à une excursion. Toutefois, dans le reste de la province, ce type de disposition est inexistant. Il n'y a pas de permis, mais les plans de gestion que l'on met en place dans les réserves de parcs nationaux imposent des limites.

Le sénateur Adams: Il faut un permis pour emmener des amateurs à la pêche au saumon. Faut-il un permis pour emmener des touristes en mer pour observer des baleines?

M.Jones: Il existe un nombre limité de permis pour la pêche au saumon ou au flétan, ou pour la pêche commerciale.

Le sénateur Adams: Je parle de la pêche touristique et non pas de la pêche commerciale. Est-ce qu'il y a des restrictions qui s'appliquent?

M.Jones: Il n'y a pas véritablement de limites en matière de pêche touristique. Dans ma région, depuis 1985, nous avons constaté une très forte augmentation du nombre de touristes qui vont à la pêche au saumon au printemps. Le nombre est passé de 500 à 15 000touristes. Ce sont des secteurs relativement concentrés qui ont toujours été des zones de pêche de notre peuple. Il n'y a aucun moyen de réduire le nombre de pêcheurs, puisque la province affirme qu'elle n'a pas l'autorisation d'imposer des permis aux camps de pêche. Elle peut uniquement exiger que les pêcheurs soient munis de permis. Le gouvernement fédéral a émis la même opinion.

Il n'y a aucune limite ni aucun contrôle. Cependant, c'est peut-être une question que pourraient aborder les plans de gestion des aires marines de conservation.

Le président: Existe-t-il une possibilité de conflit entre les intérêts des pêcheurs et la création d'une aire de parc? Je pense à la pêche de fond au homard ou aux coques, ou au chalutage. Une zone jugée idéale pour la création d'un parc peut s'avérer être, si nous prenons l'exemple de la côte Est, le meilleur endroit pour la pêche au homard. Les pêcheurs parlent-ils d'une même voix ou sont-ils comme les agriculteurs qui, lorsqu'on en réuni cinq, présentent cinq points de vue différents?

M.Jones: Un pêcheur apprend son métier dans un secteur. Ayant pêché moi-même, je sais que j'aurais tendance à revenir pêcher dans le même secteur. On apprend à connaître les poissons, on sait quand il faut pêcher et quel matériel utiliser. Certains pêcheurs et groupes de pêcheurs s'inquiètent des préjudices que les aires de conservation leur causeront.

Le président: Je pensais aux différents types de pêche. Est-ce qu'il y a un type de pêche qui peut nuire à la pêche pratiquée par quelqu'un d'autre? Je ne suis peut-être pas assez clair.

M.Jones: J'essaie de trouver un exemple.

Le président: Toute pêche qui consiste à racler le fond de la mer risque de nuire à un autre type de pêche.

M.Jones: C'est possible en effet, surtout avec le chalutage, car c'est une technique qui n'est pas sélective. Le chalut ramasse tout, mais les pêcheurs ne sont pas autorisés à garder le flétan et certains autres types de poissons. Ils doivent les relâcher.

Le président: Vous dites que vous représentez les pêcheurs. Je me demande si, dans un groupe d'une trentaine ou d'une quarantaine de pêcheurs, tous seraient d'accord sur l'emplacement à retenir pour un parc.

M.Jones: Je ne représente pas les pêcheurs commerciaux, mais certains d'entre nous font de la pêche commerciale. La pêche est une partie importante des moyens de subsistance de certains de nos membres.

Le projet de loi C-10 prévoit l'élaboration de plans de gestion et la consultation de tels groupes. À mon avis, cela devrait permettre de régler ces questions. Le plan de gestion est une façon de prendre en compte les besoins des personnes concernées.

Le président: Vous représentez un groupe d'Autochtones qui pêchent pour gagner leur vie ou pour leur subsistance. La pêche fait partie de leur culture et de leur vie. Vous ne représentez aucun chalutier de haute mer qui travaille dans la région?

M.Jones: La création d'une aire aura entre autres pour conséquence d'éliminer certaines activités économiques telles que la pêche commerciale. Certains particuliers et membres des Premières nations partagent ces préoccupations et intérêts.

Le président: Permettez-moi de jouer au cow-boy qui observe cette situation de l'extérieur. J'aimerais savoir si les chalutiers japonais ne labourent pas le fond de l'océan.

M.Jones: Parcs Canada ne s'occupe pas nécessairement des restrictions en matière de pêche. Cette responsabilité relève de Pêches et Océans. Leurs plans de gestion continueront de s'appliquer, mais certains changements interviendront peut-être dans leur application aux aires marines de conservation après un dialogue et des ententes. C'est du moins mon avis.

Le sénateur Banks: Monsieur Jones, vous avez dit un peu plus tôt au cours de votre exposé que les aires marines protégées étaient plus grandes que les aires marines de conservation. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par là? J'avais l'impression que c'était le contraire. S'agit-il de leur taille ou de l'étendue de leurs opérations?

M.Jones: La Loi sur les océans contient également une disposition qui prévoit la création d'aires marines protégées.

Le sénateur Banks: Oui, mais elles sont en général plus petites que les aires marines de conservation qui sont envisagées actuellement.

M.Jones: Elles ont parfois des objectifs plus précis. Elles peuvent avoir un objectif identique, mais qui n'est pas nécessairement permanent. D'après moi, on prévoit que les aires marines de conservation seront plus permanentes, alors que les aires marines protégées peuvent changer au fil des années. En Colombie-Britannique, il y a des zones que la province aimerait désigner comme zones protégées associées à certains parcs du littoral de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Banks: Je sais que vous êtes au courant, puisque vous l'avez mentionné, que les aires marines de conservation bénéficient de divers niveaux de protection. Je tiens à souligner qu'il ne faut pas croire que les aires marines de conservation sont la même chose que les parcs. Dans les parcs nationaux, pratiquement toutes les activités sont interdites. Ce n'est pas le cas pour les aires marines de conservation. Elles sont censées être des modèles de développement durable.

J'aimerais savoir si certaines propositions du projet de loi vous paraissent rassurantes, comme à moi. Le projet de loi établit un cadre. Il ne crée pas des aires marines de conservation. Il établit les moyens qui permettront de créer ces aires et notamment une consultation obligatoire de toutes les parties intéressées, comme l'a signalé le président.

Vous reconnaîtrez, j'en suis sûr, que les collectivités côtières autochtones auxquelles vous avez fait allusion sont des localités côtières comme les autres. Elles font face à la mer. La mer vous permet de vous déplacer. Ces collectivités seront automatiquement consultées en vertu de la loi. Je suis rassuré par le fait que Parcs Canada précise que les aires marines de conservation ne seront pas créées si elles n'obtiennent pas l'appui des collectivités côtières. Cela a déjà été établi dans les faits. Les projets d'aires marines de conservation qui n'ont pas obtenu un appui généralisé de la part de la population et des collectivités concernées ont été tout simplement abandonnés.

Le préambule du projet de loi me rassure également. Les préambules sont importants parce qu'ils définissent les conditions dans lesquelles une loi s'appliquera. On y fait allusion aux connaissances écologiques traditionnelles des peuples autochtones. Le projet de loi renforcera aussi les exigences en matière de consultation obligatoire et significative au sujet des sites proposés. Ces mesures ne sont pas en projet mais existent déjà puisque Parcs Canada renonce à créer des aires marines de conservation lorsque celles-ci ne bénéficient pas d'un appui généralisé. Le projet de loi indique également ce qui se produirait au cas où un tribunal déterminerait que le gouvernement fédéral ne dispose pas d'un titre incontestable sur les terres concernées. Le projet de loi précise exactement ce qu'il adviendra dans de telles circonstances.

Vous proposez un système de gestion conjointe. Le projet de loi précise justement que les agents des Premières nations chargés de l'application de la loi peuvent travailler dans les aires marines de conservation.

J'ai l'impression, et j'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet, que de manière générale, le projet de loi répond à vos préoccupations concernant la façon dont les aires marines de conservation seront établies et prend suffisamment en compte les besoins et la contribution potentielle des peuples autochtones. Dans sa forme actuelle, le projet de loi me paraît satisfaisant à ce chapitre.

J'aimerais vous demander de répondre à cette question, mais je précise tout d'abord que je m'oppose à votre recommandation autorisant Parcs Canada à gérer conjointement une aire marine de conservation ou un parc avec une autre entité, que ce soit une province, une administration municipale ou un gouvernement autochtone. Je m'oppose personnellement à une telle recommandation, parce que j'estime que les parcs sont des parcs, un point c'est tout.

Le président: À vous entendre, on vous prendrait pour un témoin.

Le sénateur Banks: J'aimerais connaître votre réponse, monsieur Jones, au sujet de mon point de vue concernant la participation des Autochtones, en particulier dans les domaines que j'ai mentionnés.

M.Jones: Vous avez mentionné plusieurs points et je dois reconnaître tout d'abord que vous avez raison. Certaines de nos premières préoccupations ont été prises en compte par les amendements apportés au projet de loi et par la reconnaissance de notre savoir écologique traditionnel. Les collectivités autochtones sont un sous-ensemble des collectivités côtières. Quant à la consultation, le projet de loi en prévoit une avec les gouvernements autochtones, mais également avec d'autres groupes.

Il ne faut pas oublier que la discrimination peut parfois prendre la voie de l'égalité. Les peuples autochtones ont des droits spéciaux reconnus par la Constitution canadienne et, en traitant les peuples autochtones de la même manière que les autres Canadiens, on se livre essentiellement à une discrimination à l'égard des droits autochtones en sous- entendant que cette égalité existe.

Nous reconnaissons qu'il y a eu des changements positifs, mais nous estimons que certaines questions n'ont pas été prises en compte par les changements existants. Nous demandons que l'on reconnaisse en plus le rôle essentiel des Premières nations dans la création, la planification et l'éventuelle gestion de ces aires marines de conservation.

Si le Canada estime qu'il peut établir n'importe où une aire de conservation, pourquoi proposer d'établir une aire de conservation dans des réserves? Voici le type de précision que nous souhaiterions inclure: «Nous avons besoin de l'appui des peuples autochtones pour aller de l'avant dans ce type d'initiative, parce que nous reconnaissons que ces eaux et leurs populations de poissons et de mammifères marins constituent une facette importante du mode de vie des personnes qui vivent et qui ont vécu dans cette région et que nous devons en tenir compte dans l'ensemble plus vaste des intérêts canadiens.»

Je ne crois pas personnellement que la gestion conjointe offre une bonne solution à ce sujet, mais il y a d'autres moyens. Négocier un accord ne signifie pas nécessairement signer une entente de cogestion, bien que cela soit le but souhaité par les Premières nations. Un accord établit les intérêts et précise clairement de quelle manière les différentes parties vont collaborer. Il peut également définir les points de désaccord.

Le sénateur Banks: Monsieur Jones, j'aimerais vous demander de répondre à une dernière question. Une réserve pour aire marine de conservation est exactement la même chose qu'une aire marine de conservation, sauf que dans le cas de la réserve, il y a une possibilité de revendication territoriale. C'est la seule différence entre une AMC et une réserve pour AMC. Sa création est assujettie à exactement le même processus de consultation.

Je suppose que je vous demande de répondre à une réponse, puisque vous avez dit que le projet de loi donne l'impression que Parcs Canada peut tout simplement décider de créer n'importe où une réserve pour aire marine de conservation. Je pense que ce n'est pas vrai. Je crois que le processus qui mène à la création d'une réserve pour aire marine de conservation et le processus de consultation en vue de l'obtenir est exactement le même que les moyens mis en œuvre pour la création d'une aire marine de conservation et qu'il ne peut et ne doit pas être arbitraire. Voulez-vous s'il vous plaît répondre à cette question?

M.Jones: La différence est qu'une aire marine de conservation est très difficile à changer une fois que les limites ont été définies et que les plans ont été élaborés. Une réserve pour aire marine de conservation prévoit qu'il y aura des changements. Une fois que les droits autochtones ont été définis dans ce secteur, les limites peuvent changer. La réserve peut devenir une aire marine de conservation. C'est reconnu parce qu'il y a une incertitude quant à la possibilité pour le Canada de créer une telle aire. Je pense que c'est la raison d'être de cette clause qui reconnaît qu'il est préférable de recourir à la négociation plutôt qu'à une action unilatérale.

Les politiques et la loi reconnaissent que c'est la meilleure approche, mais nous estimons que si l?Agence Parcs Canada peut affirmer, en vertu de cette politique, qu'elle n'établira pas ces aires sans obtenir le soutien nécessaire, alors pourquoi ne pas le préciser dans le projet de loi?

Le sénateur Banks: Je crois que c'est indiqué.

Le président: J'ai des précisions qui concernent tout le comité. Le comité de l'autre Chambre a révisé le préambule de plusieurs façons, mais trois changements devraient vous intéresser. Le premier concerne les connaissances écologiques traditionnelles. Il n'y a personne de plus traditionnel que les Premières nations. Le deuxième changement concerne l'obligation de consultation des gouvernements autochtones ajoutée à la référence aux organisations autochtones. Comme l'a précisé le sénateur Banks, il y a eu d'abondantes discussions à ce sujet.

Ma question est différente des autres. Comme vous le savez, beaucoup de collectivités sont intéressées par l'exploitation pétrolière ou minière en mer et souhaitent que les nouveaux emplois ainsi créés profitent aux Autochtones et aux pêcheurs autochtones et souhaitent que l'on continue à pêcher le saumon dans le monde, dans le golfe, dans la mer du Nord et ailleurs. Ces deux dimensions semblent coexister de manière assez harmonieuse. Quel est le point de vue de vos frères et sœurs autochtones au sujet des parcs qui risquent de les priver des emplois découlant de futures opérations de mise en valeur des richesses minières marines? Avez-vous pensé à cet aspect?

M.Jones: Je sais que c'est une question importante dans votre secteur, étant donné que des réserves de pétrole ont été découvertes près du littoral. Et c'est une préoccupation pour les Premières nations, en particulier parce que l'exploitation pétrolière peut avoir des répercussions environnementales touchant nos territoires traditionnels, ainsi que le poisson, les oiseaux de mer ou les mammifères marins qui sont importants pour nous. Cependant, les aires marines de conservation prévoient notamment l'interdiction de l'exploration ou des forages pétroliers. Par conséquent, cette question ne se posera pas directement dans les aires marines de conservation, mais les forages ou exploitations pétrolières dans les zones environnantes risqueront de toucher une aire voisine. Je pense que c'est une préoccupation, puisqu'il est déjà arrivé que des parcs nationaux soient touchés par des déversements de pétrole en mer.

Si l'on examine les activités d'exploitation pétrolière dans les autres régions, par exemple sur la côte Est, on s'aperçoit que les emplois pour les habitants de la région ou les possibilités d'emploi ou de formation pour les Autochtones sont plutôt rares. Au lieu de former les gens et de leur offrir des emplois à long terme, on fait appel à des travailleurs de l'extérieur. Par conséquent, les avantages sont plutôt minces pour les habitants de la région.

Le président: Vous savez, bien entendu, que certains traités n'ont pas encore été conclus. Si je ne m'abuse, je pense que les Autochtones ont d'assez bons négociateurs et vous serez peut-être celui qui fera en sorte que les Premières nations obtiendront une partie de ces revenus pétroliers. Vous affirmez que ce sont vos terres traditionnelles. Je crois que les Haïdas ont déjà avancé ces arguments et, en cas d'exploitation pétrolière, ils devraient recevoir une partie des redevances, parce qu'ils sont les propriétaires ancestraux de ces terres. Comme vous le savez, certains groupes autochtones des Prairies perçoivent des revenus de l'exploitation pétrolière.

Est-ce qu'il y a eu des discussions ou une certaine coordination entre les pêcheurs côtiers et les habitants de la côte qui considèrent l'exploitation pétrolière et minière comme une nouvelle source de revenus? Je pense non seulement à l'approvisionnement, mais également aux redevances qui découleraient de l'exploitation. Avez-vous eu de telles discussions?

M.Jones: Je ne connais aucun groupe de pêcheurs commerciaux ou membre de Premières nations qui appuie pour le moment l'exploitation pétrolière ou la levée du moratoire. Il est possible que cet intérêt existe, mais il n'est certainement pas mentionné publiquement, pour autant que je sache.

Le président: Merci beaucoup d'être venu témoigner devant notre comité.

M.Jones: Je remercie les membres du comité de m'avoir donné l'occasion d'exposer nos préoccupations. J'espère que vous en tiendrez compte, que vous en débattrez et que vous trouverez des façons d'y répondre.

Le président: Nous allons poursuivre à huis clos.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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