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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 28 mars 2001

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 17 h 45 pour étudier les dépenses projetées dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2002.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Cet après-midi nous avons le grand plaisir d'accueillir M. Denis Desautels, le vérificateur général du Canada, dont le mandat tire à sa fin. En effet, vendredi prochain sera son dernier jour à ce titre.

Avant de l'inviter à prendre la parole, j'aimerais signaler que le Sénat a adopté à l'unanimité une résolution, proposée par notre collègue, l'honorable Jean-Robert Gauthier:

[Traduction]

Que, de l'avis du Sénat, M. Denis Desautels a été un excellent vérificateur général du Canada -- scrupuleusement honnête, professionnel, équitable et enquêteur déterminé. M. Desautels s'est acquitté de ses fonctions de vérificateur général avec efficacité et efficience durant les 10 années de son mandat. Non seulement il a vérifié les comptes du gouvernement, mais il a aussi su, grâce à son leadership, guider une équipe aussi professionnelle et dévouée que lui-même. Le Parlement du Canada remercie M. Desautels de ses services et reconnaît le travail précieux qu'il a accompli pour son pays.

Comme je l'ai dit, cette résolution a été adoptée à l'unanimité par le Sénat et transmise aujourd'hui à la Chambre des communes. Je ne peux pas prévoir ce qu'il en adviendra lorsqu'elle arrivera dans l'autre endroit, mais ils n'ont pas répondu négativement. Je pense que nous pouvons leur faire confiance pour approuver cette résolution dans le même esprit que nous-mêmes.

Je suis maintenant très heureux de donner la parole au vérificateur général, qui est accompagné par Mme Maria Barrados, vérificatrice générale adjointe, et par M. John Mayne, directeur principal, Direction des opérations de vérification.

M. Denis Desautels, vérificateur général du Canada: Merci, monsieur le président, pour ces aimables remarques. J'approche effectivement de la fin de mon mandat, mais je vais peut-être devoir aller au bureau samedi pour boucler quelques dossiers.

Je suis heureux de comparaître aujourd'hui devant votre comité avec mes collègues pour discuter de la reddition de comptes au Parlement et de l'examen des crédits, dans le cadre de l'examen des dépenses présentées dans le Budget principal des dépenses 2001-2202. Comme vous l'avez dit, je suis accompagné de Mme Maria Barrados et de M. Mayne, qui ont tous deux étroitement collaboré avec moi sur les questions qui vous intéressent aujourd'hui.

Comme c'est la dernière fois que je comparais en qualité de vérificateur général devant votre comité, le sujet choisi, la reddition de comptes au Parlement, est approprié. Un de mes principaux objectifs, au cours des 10 années de mon mandat, a été d'aider le Parlement à jouer son rôle le plus efficacement possible, non seulement en lui fournissant directement de l'information par le biais de nos rapports et de nos témoignages devant les comités, mais aussi en veillant à ce que le gouvernement fournisse au Parlement l'information voulue.

Je vais vous parler de la nécessité d'améliorer la reddition de comptes au Parlement sous trois perspectives. La première est l'information sur le rendement communiquée dans les documents du Budget des dépenses. Ces documents permettent l'examen des dépenses publiques effectuées par le Parlement et sont essentiels à une bonne reddition de comptes. Deuxièmement, je vous parlerai de l'utilisation croissante des nouveaux mécanismes de régie qui, à mon avis, menacent indûment la reddition de comptes au Parlement. Enfin, je vous ferai part de certaines de mes réflexions sur l'utilisation des documents du Budget des dépenses par les parlementaires et sur la façon d'améliorer l'examen des crédits.

Mon bureau a effectué en 1997 et en 2000 des vérifications de l'information sur le rendement communiquée par le gouvernement au Parlement. En 1997, nous avions examiné les premières étapes des réformes que le gouvernement avait lancées pour améliorer l'information sur le rendement communiquée par les ministères au Parlement. Avec ces réformes, la Partie III du Budget des dépenses a été divisée en deux documents. Le premier est le Rapport sur les plans et les priorités déposé au printemps peu après le Budget principal des dépenses. Ce rapport établit les objectifs de rendement d'un ministère et l'orientation générale qu'il compte prendre au cours de l'exercice à venir et des deux exercices suivants. Le second est le Rapport sur le rendement déposé à l'automne, qui indique la mesure dans laquelle les résultats obtenus par le ministère reflètent les résultats prévus.

En 1997, nous avions jugé nos constatations encourageantes. Il s'agissait d'un bon départ en vue de la production de rapports davantage axés sur les résultats. Lors de notre vérification de 2000, nous avons constaté que les ministères avaient réalisé certains progrès, mais que le rythme des progrès était décevant. La plupart des ministères n'avaient rendu compte que des bonnes nouvelles et n'avaient presque pas fait mention du rendement inférieur aux attentes.

Nous admettons qu'il n'est pas facile de communiquer de l'information sur le rendement et qu'il faut du temps pour cela. Pourtant, nous pensons qu'il faut attacher plus d'importance à cette question. Le moment est peut-être venu de légiférer pour obliger le gouvernement à communiquer de l'information sur son rendement au Parlement. Une loi redditionnelle met en lumière l'importance d'une information de bonne qualité et en fait une exigence plus permanente et plus durable. Ainsi, les parlementaires auraient l'occasion de participer à la conception d'un régime qui répondrait à leurs besoins.

[Français]

Monsieur le président, une autre faiblesse importante de la reddition des comptes au Parlement a trait à l'utilisation croissante par le gouvernement des mécanismes de régie déléguée. Le gouvernement fédéral se sert de ces mécanismes pour remplacer les ministères par des parties extérieures pour assurer la prestation des programmes et des services gouvernementaux. La Fondation canadienne des bourses d'étude du millénaire et la Fondation canadienne pour l'innovation, dotées de milliards de dollars, en sont des exemples. Un autre mécanisme de ce genre, la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable, proposé par le projet de loi C-4, est étudié actuellement par la Chambre des communes.

Ces mécanismes, s'ils sont bien mis en oeuvre, peuvent améliorer l'exécution des programmes et la prestation des services fédéraux. Cependant, il faut poser d'importantes questions en matière de reddition de comptes. Dans le cadre d'une vérification, dont mon bureau a communiqué les résultats en novembre 1999, nous avons constaté que le Parlement dispose de moyens limités -- voire même d'aucun dans certains cas -- de tenir le gouvernement responsable de l'utilisation des impôts, des biens et des pouvoirs fédéraux ou des objectifs fédéraux atteints. Plus particulièrement, le Parlement n'obtient pas suffisamment d'informations sur le rendement de ces mécanismes.

Les mécanismes de régie déléguée sont utilisés pour atteindre des objectifs d'intérêt public, à l'aide de fonds publics. Pourtant, le vérificateur au service du Parlement ne peut pas, dans la plupart des cas, vérifier leurs activités et l'accès à cette information par l'entremise des vérificateurs attitrés est limité. L'expérience d'autres gouvernements, particulièrement l'examen effectué récemment par le comité Charmane au Royaume-Uni, soulève le principe de la vérification publique des fonds publics. En d'autres mots, quand des fonds publics sont dépensés, le vérificateur au service du Parlement devrait être en mesure de suivre la piste des dollars.

Une autre question préoccupante, au cours des dernières années, est la frénésie de dépenses à la fin de l'exercice -- les lois adoptées à toute vapeur à la fin de l'exercice -- pour mettre de côté des fonds publics considérables à l'extérieur du gouvernement. Dans certains cas, les fonds ne sont pas dépensés avant plusieurs années. Cette pratique, qui consiste à verser des sommes importantes de fonds publics avant que cela ne soit nécessaire, me préoccupe beaucoup.

[Traduction]

Je reviens maintenant à mon principal sujet: l'amélioration de l'examen des crédits. Tout d'abord, je vais vous faire part de certaines observations de mon bureau à ce sujet, puis des préoccupations des parlementaires. Ensuite, je proposerai quelques améliorations. Et enfin, comme le Parlement du Canada n'est pas seul à être confronté à ces questions, je décrirai des faits nouveaux survenus dans d'autres pays.

Nos vérifications de 1997 et 2000 ont fait état de l'examen et de l'utilisation limités des documents du Budget des dépenses par les comités permanents de la Chambre des communes. Certains comités ont étudié ces documents, mais la plupart ne l'ont pas fait. Notre vérification n'a pas porté sur les travaux de ce comité ou du Sénat. Nos observations étaient conformes aux préoccupations exprimées par les comités parlementaires qui ont examiné les rapports communiqués au Parlement. Depuis notre rapport de 1997, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes a déposé deux rapports sur le sujet et fait des recommandations visant à améliorer l'examen des crédits, notamment l'utilisation de nouvelles structures, de nouveaux outils et d'incitatifs.

Les parlementaires ont invité les comités permanents à jouer un rôle plus actif dans l'examen des crédits. Des députés nous ont dit que le processus d'examen parlementaire du Budget des dépenses doit changer et devenir plus significatif. Le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a déposé en juin 2000 son 37e rapport dans lequel il appuie la proposition du gouvernement voulant que les comités permanents soient encouragés à étudier les rapports sur les plans et les priorités et les rapports ministériels sur le rendement.

À mon avis, pour renforcer l'examen parlementaire, il est essentiel d'utiliser plus efficacement les nouveaux documents du Budget des dépenses. Les comités pourraient chercher à influer sur les décisions de dépenses du gouvernement en examinant l'information publiée dans les documents du Budget des dépenses, particulièrement les dépenses et les priorités futures décrites dans les rapports sur les plans et les priorités. L'étude de ces documents leur fournirait également l'occasion d'examiner l'information sur les dépenses législatives, en vue encore d'influer sur les changements qui se produiront à l'avenir.

Les comités pourraient produire à l'issue de l'examen du Budget des dépenses des rapports qui pourraient être pris en considération au cours des consultations prébudgétaires. Les études du Budget principal des dépenses effectuées par le comité compléteraient celles qui sont effectuées par les comités de la Chambre. Il me semble que les comités parlementaires peuvent réellement produire des changements positifs dans l'examen des dépenses publiques. Lors des audiences sur le Budget des dépenses, si le comité exige que les représentants des ministères rendent compte des dépenses publiques -- à une tribune publique -- et que ces audiences donnent lieu à un rapport du comité, les représentants des ministères seront réceptifs et agiront.

Si les comités produisaient des rapports significatifs sur le Budget des dépenses, on se fierait moins sur la probabilité que ces documents soient «réputés» avoir été étudiés à la fin de la période d'examen des crédits. Les rapports des comités constitueraient un examen critique sain pour les ministères. La participation des parlementaires à la formulation du rendement attendu inciterait les ministères à communiquer au Parlement de l'information juste et fiable sur le rendement. Cela inciterait également les parlementaires à examiner et à utiliser plus intégralement l'information présentée dans le Budget des dépenses.

[Français]

À l'heure actuelle, l'étude du Budget des dépenses par les comités est généralement axée sur les questions stratégiques, en grande partie parce que les crédits et l'information le justifie, se trouvent sous forme agrégée dans ces documents. Pour remédier à ce problème, les ministères pourraient, soit fournir davantage d'information ou soit l'information importante pourrait être présentée dans les documents du Budget des dépenses de sorte que les comités disposent d'une liste de sujets à étudier sur lesquels ils pourraient prendre des décisions. Ils auraient ainsi des «morceaux assimilables» qu'ils pourraient examiner et sur lesquels ils pourraient discuter à fond.

Quant aux pratiques d'autres gouvernement, notre bureau suit de près certains faits nouveaux intéressants. En 1997, nous avons constaté que les législateurs d'autres gouvernements au Canada et à l'étranger utilisaient l'information sur le rendement, et avaient reconnu la nécessité d'effectuer un examen plus significatif de cette information. Certains de ces gouvernements avaient adopté des lois sur la reddition de comptes, dont la province de l'Alberta. Depuis, d'autres l'ont fait, notamment, les provinces de la Colombie-Britannique et du Québec.

[Traduction]

Les procédures et les pratiques des comités permanents d'autres gouvernements peuvent nous montrer des façons de renforcer nos propres comités. En Nouvelle-Zélande, par exemple, les comités examinent la plupart des documents budgétaires en détail et produisent des rapports significatifs sur ceux-ci. Leurs rapports portent fréquemment sur le rendement des ministères et examinent systématiquement les résultats.

L'expérience d'autres gouvernements porte à croire que des études approfondies, comme l'examen de la protection civile effectué par le comité en juin 2000, constituent un apport important à la politique publique. Mon bureau a fait également un certain nombre de suggestions sur la façon dont les comités permanents peuvent se servir de leurs audiences publiques sur le Budget des dépenses pour améliorer l'examen des dépenses publiques qu'ils effectuent. Nos suggestions sont présentées dans une publication de 1998 intitulée «L'examen par les comités parlementaires des nouveaux documents du Budget des dépenses». Nous proposons des techniques permettant d'interroger plus efficacement les représentants des ministères qui comparaissent comme témoins, ainsi que des questions que les comités peuvent poser à ces représentants.

Monsieur le président, vu mon expérience des questions redditionnelles, je me permets de faire trois suggestions que le comité pourrait vouloir considérer. Premièrement, le comité pourrait envisager d'utiliser pleinement les rapports pertinents sur les plans et les priorités et les rapports ministériels sur le rendement lorsqu'il procède à l'examen d'un programme particulier qui l'intéresse. Deuxièmement, le comité pourrait étudier le besoin d'une loi redditionnelle. Troisièmement, le comité pourrait étudier plus particulièrement la reddition de comptes à l'égard des mécanismes de régie déléguée, y compris la pratique voulant que l'on mette de côté des fonds publics à l'extérieur du gouvernement avant d'en avoir besoin.

Monsieur le président, voilà qui conclut ma déclaration. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président: Merci, monsieur Desautels. Hier, les membres du comité m'ont demandé d'essayer d'organiser la période des questions d'aujourd'hui en la structurant par thèmes. Ils m'ont assuré qu'ils respecteront la discipline et m'ont recommandé d'être ferme si ce n'était pas le cas.

Permettez-moi donc de vous rappeler les thèmes que vous m'avez demandé de suivre. Le premier est la reddition de comptes par le gouvernement au Parlement, qui a fait l'objet d'une bonne partie de l'allocution liminaire du vérificateur général aujourd'hui. Le second concerne les questions de gestion de la fonction publique. Le troisième porte sur l'évaluation des programmes. Le quatrième thème concerne les sociétés d'État et les organismes de service spécial, tels que l'Agence canadienne d'inspection des aliments, Revenu Canada, Parcs Canada, etc. Le vérificateur général a mentionné quelques-uns de ces organismes. Le cinquième thème, si nous en avons le temps, sera les questions diverses.

Je pense que le vérificateur général a fait un tour complet du rôle que joue le Parlement pour faire rendre des comptes au gouvernement. Je ne voudrais toutefois pas fermer la porte aux questions dans ce domaine. Je vais lui demander de nous préciser un peu ce qu'il entend par cette notion de «loi redditionnelle» sur laquelle il serait opportun d'après lui que nous nous penchions.

M. Desautels: Monsieur le président, nous estimons qu'en adoptant une loi qui énoncerait des principes fondamentaux de présentation de rapports des ministères au Parlement, on consoliderait l'obligation de présenter des rapports. Cette loi garantirait aussi la poursuite à l'avenir des efforts qui se manifestent actuellement.

À notre avis, il ne faudrait pas nécessairement que ce soit une loi très détaillée. Il faudrait la rédiger de façon à permettre une évolution des normes de présentation de rapports. Nous estimons cependant que ce genre de loi ferait comprendre aux intéressés qu'ils ont le devoir de présenter leurs rapports conformément à certains principes fondamentaux.

On trouve des lois analogues dans d'autres pays, comme je l'ai dit dans mon exposé. L'Alberta a été un des pionniers en la matière au Canada. D'autres provinces lui ont maintenant emboîté le pas, notamment, comme nous l'avons dit, la Colombie-Britannique, le Québec et la Nouvelle-Écosse. D'autres pays ont aussi adopté des lois analogues.

Un tel dispositif ne ferait que renforcer le désir du Parlement d'obtenir ce genre d'information. Le débat sur un projet de loi de ce genre donnerait aux parlementaires l'occasion de s'exprimer sur le genre d'information qu'ils souhaiteraient obtenir.

Le sénateur Bolduc: Dans le Rapport du vérificateur général, à la page 39 et ailleurs, vous parlez de la responsabilité de gestion du Parlement. J'en parle car c'est à mon avis fondamental.

J'ai remarqué que dans votre discours aujourd'hui, vous avez repris les mêmes points que dans votre rapport. Vous soulignez qu'on a fait un effort depuis 1997, mais que vous avez constaté que la plupart des ministères, lorsqu'ils évaluent leurs résultats, essaient de ne présenter que les bonnes nouvelles. Vous dites aussi que les cadres sont plongés dans un exercice perpétuel de planification et d'élaboration de mesures des résultats, mais que le bilan final est décevant. Ils ont travaillé fort, mais les résultats ne sont pas là.

Est-ce que cela ne vient pas en partie du fait que les fonctionnaires ont en quelque sorte intrinsèquement intérêt à ne pas nécessairement présenter tous les résultats? Nous savons que parfois les objectifs au sein d'une même loi sont contradictoires.

Le président: Puisque nous parlons du rôle du Parlement, votre question sera: «Que pouvons-nous faire pour modifier cette situation?»

Le sénateur Bolduc: Évidemment, il est difficile de pointer la véritable cible. Si les objectifs sont contradictoires, il n'est pas facile tout d'abord d'atteindre la cible, et ensuite, de quantifier ce résultat de manière à en présenter un état concret et une mesure exacte.

Le problème a deux volets. Je me suis beaucoup occupé de ce genre de questions pendant 40 ans. Je me souviens de la Commission Glassgo comme si c'était hier, et aussi de la Commission Lambert et d'autres commissions sur la politique publique et l'administration publique. Ce qui me frappe souvent, c'est que la mesure de l'efficacité des résultats -- c'est-à-dire les répercussions des programmes de la société d'un côté, et la mesure de l'efficacité, autrement dit la façon dont on utilise des facteurs minimaux pour un résultat donné, ou la mesure de la bonne gestion, de l'autre -- ces deux aspects sont très rarement énoncés de manière très claire. On parle de rapports sur la performance, mais la performance, en un sens, c'est la saine gestion. Toutefois, l'autre aspect, c'est l'efficacité des résultats. Quelles sont les retombées sur la société?

Dans ces conditions, seriez-vous d'accord pour dire qu'au lieu du processus interne d'évaluation que nous avons actuellement au gouvernement, nous devrions plutôt faire appel au vérificateur général et peut-être même à un comité du sénat, et même aussi à un vérificateur indépendant pour nous donner cette mesure des résultats? J'aimerais bien avoir votre point de vue à ce sujet. Je crois savoir que vous avez été un peu réticent à discuter des politiques. Ma question porte sur l'importance de l'apport que nous avons dans tout le processus et sur les résultats finaux.

M. Desautels: Monsieur le président, il est exact qu'en tant que vérificateurs nous préférons ne pas nous mêler des débats politiques. Toutefois, je pense qu'on peut mener objectivement des évaluations de programmes et des débats sur l'efficacité sans nécessairement remettre en cause les décisions du gouvernement.

Si vous me permettez de revenir un peu sur la description fidèle que le sénateur Bolduc a donnée de notre rapport, nous disons effectivement dans ce rapport que les cadres supérieurs du gouvernement ont tendance à ne parler que des bonnes nouvelles. En un sens, c'est une réaction de protection non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leur ministre. Les cadres semblent perpétuellement plongés dans la planification. C'est exact. Il y a énormément de roulement au niveau des sous-ministres et des sous-ministres adjoints. Quand un nouveau arrive en poste, il ou elle insiste pour repartir à zéro. C'est une situation que l'on constate partout au gouvernement.

Il y a en outre le facteur humain. En raison du contexte politique dans lequel ils travaillent, les cadres hésitent à dire franchement toute la vérité sur leurs résultats. Il pourrait être utile de préciser certains principaux fondamentaux de présentation des rapports pour contrer un peu cette réaction, c'est-à-dire cette tendance à être excessivement protecteur et cette réticence à présenter des rapports de façon parfaitement équilibrée.

Le gouvernement lui-même, si vous lisez les publications officielles, s'est engagé à présenter des rapports fondés sur les résultats. Quand on parle d'efficience et d'efficacité des programmes, la position du gouvernement est que la présentation de rapports sur le rendement doit être axée sur l'obtention de résultats au profit des Canadiens. Il n'y a pas de contradiction entre cet objectif fondamental du gouvernement et ce que nous disons tous. Nous sommes tous d'accord, et par conséquent la question est de savoir comment on peut y parvenir. La question de savoir s'il faut mettre en place des fonctions d'évaluation plus indépendantes est fondamentale. Elle a été posée à maintes reprises dans le passé, et il n'y a pas bien longtemps encore à l'un des comités du Sénat.

Monsieur le président, j'estime personnellement que les cadres gouvernementaux, les sous-ministres et les sous-ministres adjoints ont besoin, pour s'acquitter correctement de leur travail de gestionnaires, d'avoir une évaluation de leurs programmes. Ils ont besoin de rétroaction pour savoir comment fonctionnent ces programmes. Il faut qu'il y ait dans chaque ministère, au moins dans chaque ministère important, une capacité interne d'évaluer correctement les programmes et de déterminer leur efficacité et leur efficience, sinon les gens gèrent au petit bonheur.

Cela dit, il faut veiller à mettre en place quelque part dans le système la capacité d'évaluer des programmes qui chevauchent plusieurs ministères, notamment dans les domaines où l'on peut à l'occasion s'interroger sur l'efficacité d'un programme ou la pertinence de son maintien. Il faut que l'on puisse procéder au sein du gouvernement à des évaluations du rendement qui chevauchent plusieurs structures ministérielles à la fois, et qui permettent aussi de poser des questions fondamentales lorsqu'il faut vraiment s'interroger sur le niveau de financement de certains programmes ou sur la pertinence de leur maintien. Il faut disposer de ces deux capacités à l'interne, et il faut qu'il existe, quelque part dans le système, la capacité de procéder aussi à l'autre type d'évaluation.

Le président: Sur la question du rôle du Parlement et des comptes que doit rendre le gouvernement, vous avez une question, sénateur Tunney?

Le sénateur Tunney: Dans votre proposition, une partie des rapports serait constituée de faits et serait facile à mesurer, mais une autre partie serait subjective. J'imagine mal une loi visant à demander aux personnes dont on veut mesurer et juger le rendement de faire elles-mêmes ce travail. Certes, si les nouvelles sont bonnes, il n'y a pas de problème. Les responsables développeront cet aspect de la situation, et il est bon que nous en soyons informés, mais en ce qui concerne les mauvaises nouvelles, ils n'en diront pas plus que nécessaire. Je me demande donc s'il ne serait pas préférable que ce soit un service relevant de votre bureau qui nous fournisse les faits bruts une fois que vous avez terminé votre travail?

M. Desautels: Il faut chercher à mettre en place un système dans lequel ce sont les organisations elles-mêmes qui présenteraient un rapport de leur performance en vertu de certaines normes. J'espère que nous réussirons un jour à mettre en place un contexte dans lequel le fait de présenter des nouvelles qui ne seront pas vraiment idéales ne sera pas l'équivalent d'un suicide. Je crois que c'est possible; je pense qu'on peut présenter des résultats qui laissent à désirer à condition d'expliquer ce que l'on fait pour y remédier et comment on va rectifier la situation à l'avenir. Vu notre contexte politique, la plupart des gens seront sans doute un peu sceptiques à cet égard. Toutefois, à l'avenir, et je ne veux pas dire dans un an ou deux mais d'ici au moins une dizaine d'années, je crois que nous pourrons faire évoluer globalement la situation de sorte que la présentation de rapports équilibrés et parfaitement francs sera considérée plus comme une vertu que son contraire.

D'ici là, pour répondre à la question du sénateur Tunney, quelqu'un dans le système peut se prononcer sur la fiabilité des informations sur le rendement que soumettent les ministères et organismes. Il en existe déjà des exemples dans l'appareil fédéral. Les trois agences nouvellement créées au gouvernement -- l'Agence canadienne des douanes et du revenu, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence canadienne des parcs -- sont toutes régies par une loi stipulant qu'elles doivent présenter des rapports sur leur rendement. La loi stipule aussi que le vérificateur général doit confirmer au Parlement que leurs rapports sont fiables et raisonnables. D'une certaine manière, cela pourrait répondre aux préoccupations que vient de formuler le sénateur Tunney.

Le sénateur Kinsella: Monsieur Desautels, cela tombe bien que vous souleviez cette question, car nous examinons pour la première fois depuis de nombreuses années toute la structure de nos comités. J'aimerais que vous réfléchissiez à l'autre aspect de la médaille au sujet de ces rapports au Parlement.

Que doit faire le Parlement? Quel genre de mécanisme les parlementaires que nous sommes -- et je ne parle ici que pour le Sénat -- doivent-ils mettre en place pour pouvoir étudier ces rapports? Si nous n'avons pas l'occasion de les examiner, ils ne servent pas à grand-chose. Quel mécanisme nous suggéreriez-vous, compte tenu de notre modèle inspiré de Westminster, et sachant que le Sénat est essentiellement une chambre d'examen?

Dans vos remarques liminaires, vous dites que vous avez examiné les procédures de l'autre endroit, mais vous ne parlez pas de l'étude du Budget des dépenses que nous avons effectuée ici au Sénat. Ce débat tombe à pic parce que nous sommes justement en train de réfléchir à une restructuration de tout notre système de comités.

M. Desautels: Monsieur le président, je vais essayer de répondre à la question du sénateur Kinsella, et mes collègues pourront peut-être m'aider ensuite.

Je ne crois pas que le système actuel fonctionne de façon satisfaisante. Certes, on présente de bonnes informations, mais elles pourraient être bien meilleures, et c'est vers cela que nous tendons. Toutefois, pour que cela arrive, il faudra que cette information soit suffisamment réclamée et utilisée.

Les comités permanents de la Chambre des communes en particulier ne consacrent pas suffisamment de temps à l'examen du Budget des dépenses, et trop peu d'entre eux soumettent à la Chambre un rapport sur cet examen du Budget des dépenses. Le Budget des dépenses est trop souvent réputé approuvé, et ce n'est pas satisfaisant si l'on songe à l'importance fondamentale de cette fonction. Il faudrait que l'on s'attende clairement à ce que les comités examinent les budgets des dépenses des ministères dont ils sont responsables et présentent des rapports explicites sur cet examen. En même temps, il faut maintenir l'intérêt des députés pour cet exercice en démontrant qu'il n'est pas futile. On a proposé diverses suggestions pour améliorer cet aspect de la question.

J'ai dit dans mes remarques d'ouverture que lorsqu'on examine le Budget des dépenses d'une année donnée, il est pratiquement impossible de le modifier. En revanche, si l'on calculait bien le moment où a lieu cet examen, il pourrait devenir une consultation prébudgétaire sur le budget de l'année suivante. À mon avis, le rôle des députés deviendrait beaucoup plus utile si l'on pouvait montrer que les parlementaires peuvent influer sur le budget de l'exercice suivant.

Il devrait être possible de découper la présentation des prévisions budgétaires en «morceaux assimilables». Actuellement, on présente la plupart des crédits en blocs énormes et généraux, ce qui fait qu'il est difficile de s'y retrouver dans certains de ces budgets. Si l'on pouvait trouver moyen de réorganiser ces informations quelque part dans le système pour qu'elles soient mieux adaptées à un débat parlementaire, on contribuerait à améliorer la qualité du débat au sein des comités des deux Chambres.

Je vais demander à Mme Barrados si elle a quelque chose à ajouter à cela.

Mme Maria Barrados, vérificatrice générale adjointe, Bureau du vérificateur général du Canada: À mon avis, la structure actuelle du Budget qui comporte des rapports distincts sur les plans et les priorités permettrait un débat sur les résultats que l'on attend. Ce serait un débat sur les résultats que l'on souhaiterait d'obtenir et sur la façon d'y parvenir. C'est quelque chose que les ministères ont beaucoup de mal à faire. Si les députés insistaient sur cet aspect, je pense que toute la structure de présentation de rapports deviendrait beaucoup plus utile. Si l'on discutait de ces attentes et si elles étaient énoncées de façon claire, on pourrait à juste titre s'attendre à ce que le rapport soit conforme au contenu de ces discussions.

Le sénateur Kinsella: À propos des crédits, avez-vous jamais déterminé quel serait le nombre optimal de crédits?

M. Desautels: Non. Je précise que ce nombre varie considérablement d'un gouvernement à l'autre. Dans mon exposé, j'ai fait allusion à l'examen des crédits en Nouvelle-Zélande. Toutefois, ces crédits en Nouvelle-Zélande sont formulés de façon plus précise qu'au Canada. Ils en ont proportionnellement beaucoup moins que nous ici.

Je ne dirais pas que nous devrions essayer d'avoir moins de crédits. J'aurais plutôt tendance à penser le contraire.

Le sénateur Spivak: Je reviens sur la question des résultats qu'a soulevée le sénateur Bolduc. À mon avis, ce sont les comités qui doivent faire l'évaluation. Je ne sais pas si je dois croire aux experts-conseils extérieurs car quand j'étais présidente d'un conseil scolaire, j'ai fait faire une étude sur le développement professionnel et les résultats des classes, je me suis pratiquement fait lyncher.

Comment pouvons-nous obtenir les bonnes informations pour permettre aux comités d'examiner ces résultats?

Vous avez dit que vous ne vous mêliez pas de questions politiques et vous avez parlé d'efficacité. Or, nous avons constaté par exemple que l'efficacité n'était peut-être pas du tout la bonne formule lorsqu'on veut obtenir des résultats dans l'intérêt public. Puisque ce sont les représentants élus ou les parlementaires qui devraient se pencher sur la question des résultats et de la gestion, comment peut-on faire la distinction entre efficacité et intérêt public?

Par exemple, si l'on recueille les informations seulement auprès des cadres, on va peut-être avoir uniquement les bonnes nouvelles. Faudrait-il donc aller chercher les informations aux échelons inférieurs? Je comprends bien les questions de rapports. Peut-être que votre bureau pourrait servir d'ombudsman à cet égard, ou peut-être le faites-vous déjà?

Mme Barrados: Il est clair que les comités parlementaires sont les principaux organes d'orientation des décisions politiques sur les activités et les programmes du gouvernement. Le défi est d'avoir un flux d'information cohérent qui vous fournisse tous les éléments nécessaires pour prendre ce genre de décisions.

Il y a plusieurs façons d'y parvenir. L'un des aspects de l'équation consiste à obtenir des informations sous une forme utile. Comme le gouvernement s'oriente vers une gestion axée sur les résultats, on commence à avoir beaucoup de mesures. C'est un exercice qui a tendance à se faire de façon continue, et ces mesures sont le genre de choses qu'il faut demander pour obtenir ce genre d'information.

L'évaluation des programmes a été un fiasco. Elle n'a pas donné de bons résultats. Nous avons maintenant une nouvelle politique. On s'est engagé à réinvestir dans ce type d'évaluation et nous devrions donc assister à des progrès de l'évaluation des programmes. Les mécanismes existent déjà au gouvernement, il suffit de les stimuler et de les renforcer.

D'un autre côté, nous effectuons des évaluations d'optimisation des ressources en examinant les programmes et leurs activités. Nous sommes souvent confrontés à des problèmes qui se présentent à l'échelle du gouvernement et nous avons donc tendance à examiner les rapports. Comme l'a dit le vérificateur général, nous fournissons au besoin des assurances sur la teneur des rapports.

Tous ces véhicules existent, mais je ne pense pas avoir une solution parfaitement propre et nette.

Le sénateur Spivak: À votre avis, l'information devrait-elle venir uniquement des cadres? Ne pourrait-on pas aller la chercher aussi aux échelons inférieurs du système, par exemple auprès des chercheurs scientifiques? Que faites-vous à cet égard, et que devrions-nous faire à votre avis?

Mme Barrados: En matière de gestion en fonction de résultats, nous nous attendons à ce que tous les individus travaillant dans un domaine apportent leur contribution à ces systèmes de mesure. Dans le contexte de la protection de la santé, on va peut-être poser des questions un peu différentes. On risque d'avoir des divergences d'opinions scientifiques, une absence de consensus. Ce ne serait pas la même chose qu'un système de mesure.

Dans le système de mesure du rendement d'un programme, on évalue le degré d'accomplissement. À mon avis, c'est aux personnes qui gèrent ce programme d'entrer ces informations dans le système, et j'imagine qu'on ajoute toutes ces informations et qu'on obtient les résultats. On sait alors combien de chèques ont été envoyés ou combien d'emplois ont été créés.

Je pense que votre question porte plus sur les situations où l'approbation ou le refus sont une question de jugement et où il y a quelqu'un qui n'est pas d'accord.

M. Desautels: J'aimerais ajouter deux commentaires, monsieur le président. Je comprends parfaitement les préoccupations du sénateur Spivak. Il est important qu'il y ait dans le système des normes fortes et rigoureuses d'évaluation des programmes, même si ce sont les cadres d'un ministère qui font cette évaluation. Il faut qu'il y ait un contrôle quelconque pour s'assurer que ces normes sont bien respectées.

C'est le rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor. Il a récemment adopté une politique qui sert précisément à cela. Notre organisation va aussi vérifier à l'avenir s'il s'acquitte bien de ce rôle de contrôle central. Cela amènera un certain équilibre et une certaine objectivité dans le système.

De plus, dans notre dernier rapport, nous parlons un peu de notre loi. À l'heure actuelle, cette loi limite ce que nous pouvons faire sur le plan de l'efficacité. Cela s'explique par le fait qu'à l'époque où la loi a été rédigée dans les années 70, certaines personnes craignaient que le vérificateur général se mêle de politique.

Comme nous l'avons dit, compte tenu de l'expérience que nous avons acquise depuis, nous savons naviguer maintenant dans ce monde. Le moment est venu de lever cette restriction pour que nous puissions faire des vérifications d'efficacité à l'avenir.

Le président: Vous nous avez donné abondamment matière à réflexion, tant dans votre exposé initial que dans tout ce débat sur le rôle du Parlement. Avant de passer au thème suivant, j'aimerais faire un commentaire sur le Budget et l'examen des crédits. J'aime bien votre idée d'obliger les comités des Communes, et d'ailleurs pas nécessairement uniquement les comités des Communes, à travailler plus sur le Budget et à présenter un véritable rapport fondé sur un véritable examen. Cela permettrait de rétablir dans le système quelque chose qui manque depuis longtemps, à savoir un certain degré de tension politique bien entendue.

Quand on a cessé d'examiner le Budget en comité plénier il y a une trentaine d'années, toute la tension s'est relâchée. Nous sommes tous bien conscients des lacunes qui existaient dans l'ancien système, mais le problème du système actuel, c'est qu'il est programmé pour plaire à l'exécutif, et dans une certaine mesure pour plaire aux députés. Tout se passe un jour fixe quoi qu'il arrive.

Je pense que votre suggestion est excellente, et nous allons poser la question pour voir si nous pouvons apporter quelque chose en ce sens.

J'aimerais maintenant passer au deuxième thème, celui de la réforme de la fonction publique.

Le sénateur Banks: S'il nous reste un petit peu de temps à la fin, il serait peut-être utile que le vérificateur général nous fasse brièvement le point sur la nature de la loi de l'Alberta à laquelle il a fait allusion.

Je viens de l'Alberta, et je suis enchanté d'apprendre que nous sommes encore considérés comme des pionniers, comme nous l'avons toujours été.

J'ai une double question à poser. Une grande partie des activités des fonctionnaires est consacrée au fonctionnement du Parlement, non pas à d'autres affectations de crédits parlementaires, mais au simple fonctionnement du Parlement. J'espère qu'au cours de votre mandat vous avez eu l'occasion d'examiner le fonctionnement de ce service particulier, et si c'est le cas, peut-être auriez-vous des remarques intéressantes sur ce que vous avez pu constater à cette occasion.

Deuxièmement, le mot à la mode, c'est «l'impartition». Je sais qu'à plusieurs reprises et dans diverses publications vous avez déjà manifesté une certaine inquiétude parce que quand on sous-traite ou qu'on impartit un programme gouvernemental, qu'on le donne à contrat à des organismes non gouvernementaux, on crée un fossé au niveau de la reddition de comptes entre ceux qui fournissent le service et ceux qui le reçoivent. Autrement dit, il y a une solution de continuité entre les gens qui fournissent le service d'un côté et ceux qui décident qu'il faut le fournir de l'autre. Avez-vous quelque chose à dire sur cette remarque?

M. Desautels: La première question concernait les fonctionnaires qui travaillent pour les institutions du Parlement, pour faire fonctionner le Parlement. Effectivement, nous nous sommes penchés sur la question dans le passé. Tout d'abord, vers 1990, nous avons examiné les activités des gens qui travaillent pour la Chambre des communes, puis de ceux qui travaillent pour le Sénat. Cet examen a été terminé peu après mon arrivée. Par la suite, nous avons examiné les services communs des deux Chambres et présenté diverses recommandations pour améliorer l'efficacité de la prestation de ces services à nos institutions parlementaires. Ces recommandations ont dans l'ensemble été bien reçues.

Cette série de vérifications était essentiellement un suivi d'une vérification bien antérieure, menée au cours des années 80, qui avait mis en évidence des problèmes importants dans le fonctionnement de la Chambre des communes à l'époque. Cette vérification a débouché sur une série d'importantes réformes au cours des années 80, et la deuxième série a débouché sur des conclusions plus positives concernant le fonctionnement de l'institution, mais il restait tout de même certaines possibilités d'amélioration significative.

La dernière vérification remonte à huit ans environ, et cela fait donc déjà un certain temps, mais nous n'avons pas l'intention de la reprendre dans l'immédiat. Toutefois, mon successeur ne sera peut-être pas de cet avis.

Pour ce qui est de votre deuxième question, l'impartition est un vaste sujet, monsieur le président, et elle peut prendre de multiples formes. S'il s'agit simplement de sous-traiter certains services, il existe un mécanisme ou un dispositif de gestion assez clair. Si vous sous-traitez un service, il y a toujours un lien entre le ministère qui sous-traite et le sous-traitant. Peu importe le montant du contrat, c'est toujours le ministère qui est à mon avis pleinement responsable du rendement du sous-traitant et de la prestation du service. Même si l'on essaie parfois d'estomper ce rapport, pour moi, si vous sous-traitez un service, vous en restez quand même pleinement responsable.

Dans d'autres cas, c'est très différent. J'ai parlé dans mes remarques liminaires de «nouveaux mécanismes de régie» ou «mécanismes de régie déléguée», en vertu desquels le gouvernement transfère d'importants montants à des organisations dites «sans lien de dépendance» pour qu'elles mettent en oeuvre un programme, que ce soit des bourses ou le financement de projets d'innovation ou de projets technologiques. Or, l'organisation qui reçoit l'argent est techniquement sans lien de dépendance avec le gouvernement et dispose d'une grande latitude de mise en oeuvre du programme. Ce sont ces mécanismes qui nous inquiètent le plus, car c'est dans ce genre de situations que se produit à mon avis cette solution de continuité entre le Parlement, qui autorise l'engagement de fonds publics, et la prestation concrète d'un service public. J'en ai abondamment parlé dans mon dernier rapport.

Pour terminer, j'encouragerais votre comité ou d'autres comités à se concentrer sur ce phénomène particulier car il se poursuit. En ce moment même, il y a de plus en plus de propositions d'organisations de ce genre, et il faut les examiner de très près car nous risquons un jour de nous apercevoir qu'on dépense ainsi des montants publics considérables qui échappent presque totalement à l'examen du Parlement.

Le sénateur Bolduc: Classeriez-vous le Conseil de placement du Régime de pensions du Canada dans cette catégorie?

M. Desautels: Effectivement, à mon avis le Conseil de placement du Régime de pensions du Canada appartiendrait à cette catégorie. C'est une organisation un peu différente, mais les préoccupations que je viens de formuler vaudraient aussi dans ce cas. Quand le projet de loi a été adopté, nous avons dit au Comité des finances de la Chambre des communes qu'il fallait nous donner un droit de regard sur ce Conseil. En conséquence, on nous a donné un droit d'accès aux dossiers du Conseil et aux dossiers du vérificateur du Conseil, mais nous n'en sommes pas les vérificateurs. C'est un mécanisme acceptable, mais le statut du Conseil n'est pas le même que celui des fondations dont j'ai parlé. Ces fondations n'ont aucun lien de dépendance, alors que le Conseil de placement du Régime de pensions du Canada est plutôt une sorte de société d'État au sein du gouvernement.

Le sénateur Bolduc: Mais d'ici quelques années, il y aura des milliards de dollars là-dedans.

Le sénateur Banks: Supposons qu'il soit souhaitable d'avoir des institutions qui reçoivent des crédits parlementaires pour diverses raisons, et dans certains cas sans lien de dépendance, et qu'elles aient une valeur intrinsèque quelconque. Pensez-vous que ce genre d'institution peut exister sans lien de dépendance si elle est soumise à une vérification du vérificateur général du Canada exactement comme un ministère peut l'être? À défaut de cela, quel genre de liens envisageriez-vous pour qu'un tel organisme puisse fonctionner sans lien de dépendance d'un côté, mais être en même temps vérifié par le vérificateur général?

M. Desautels: Monsieur le président, je comprends qu'il puisse y avoir des situations où il est souhaitable d'avoir une organisation sans lien de dépendance, surtout si l'on essaie de mettre sur pied un partenariat avec d'autres paliers de gouvernement ou d'autres institutions du secteur privé. C'est aussi le cas si l'on essaie d'amplifier la contribution du gouvernement en faisant appel aux contributions d'autres intervenants. Ce que je dis, c'est qu'il faut être prudent quand on organise ce genre de mécanismes. Dans certains cas, évidemment, ils sont tout à fait pertinents. Mais cela n'empêche que même dans ce cas-là, il faut veiller à les organiser correctement pour assurer une bonne reddition de comptes au Parlement.

On peut avoir des mécanismes de ce genre avec divers partenaires en les structurant de manière à avoir une reddition de comptes encore meilleure que dans le cas où les services sont traditionnellement fournis par les ministères. Mais il faut y penser dès le début de la mise sur pied de ces mécanismes.

Il faut cependant prendre soin de ne pas justifier constamment ce principe. Certaines fondations n'existent que dans un but unique: dépenser le montant d'argent particulier que le gouvernement leur confie pour l'exécution d'un programme donné. Dans ce cas, il faut clairement définir le lien entre l'organisation, le ministère de tutelle et le Parlement lui-même.

J'ajouterais que cette question m'a rappelé quelque chose que je disais dans mon exposé d'introduction. Au Royaume-Uni, le Comité Sharman s'est penché sur cette question et a énoncé certaines règles fondamentales. Ces règles stipulent que lorsque le Parlement approuve l'engagement de crédits publics, ces crédits doivent faire l'objet d'une reddition de comptes et d'une vérification publiques. Si vous avez l'intention de creuser plus en profondeur cette question, je vous recommande de vous reporter à ce rapport.

Le sénateur Banks: Je pourrais peut-être poser une question précise sur certaines des institutions traditionnelles qui bénéficient de crédits parlementaires qui, je crois, ne sont pas vérifiés normalement par le vérificateur général.

Je songe par exemple au Conseil des arts du Canada qui a été vérifié par le vérificateur général à sa propre demande. Le Conseil des arts du Canada fait rapport au Parlement par le biais d'un ministre, et ses comptes sont publics. Ses rapports sont déposés chaque année. Je crois que c'est la procédure correcte pour le Conseil des arts du Canada ainsi que pour Radio-Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines. Ai-je bien raison de dire que ces organisations ne sont pas soumises en temps normal à la vérification du vérificateur général du Canada?

M. Desautels: Tous les conseils dispensateurs sont sujets à vérification par le vérificateur général.

Le sénateur Banks: Ce n'est pas l'avis du Conseil des arts.

Le président: Le sénateur Banks est un ancien membre de ce Conseil. Vous pouvez lui confirmer que c'est le cas, monsieur Desautels.

M. Desautels: Tous les conseils dispensateurs sont soumis à notre vérification, monsieur le président.

Le sénateur Gustafson: Aux chapitres 24 et 25 de votre rapport, vous vous étendez en profondeur sur la prestation de services pour le régime de santé et sécurité et l'inspection des aliments. Vous précisez aussi clairement que l'Agence canadienne d'inspection des aliments a une responsabilité qui englobe celles des quatre organes qui existaient précédemment.

En tant que président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je dois dire que l'essentiel du courrier que nous recevons vient de personnes qui s'inquiètent de la maladie de la vache folle, de la fièvre aphteuse et des diverses autres menaces qui pèsent actuellement sur l'Europe. Dieu merci, nous n'avons pas eu de flambée ici jusqu'à présent.

Êtes-vous convaincu que nos organes d'inspection sanitaire font tout ce qu'il est possible de faire? C'est une question grave.

Le président: Je sais que c'est une question grave. Avant que M. Desautels réponde, je dois dire, aux fins de notre procédure, que j'abandonne à partir de maintenant la démarche axée sur des thèmes. Je savais quand j'avais accepté de procéder de cette manière que cela ne marcherait pas. Je vous ai dit qu'on ne pouvait pas apprendre aux vieux singes à faire des grimaces, honorables sénateurs. Désormais, je prendrai les noms et vous aurez toute liberté, comme vous ne vous en êtes pas privés, de poser des questions sur n'importe lequel des thèmes que j'ai mentionnés ou sur autre chose.

Sénateur Gustafson, vous avez posé une question au vérificateur général. S'il pense que cela relève de sa compétence, je l'invite à répondre.

M. Desautels: Monsieur le président, comme l'a dit le sénateur Gustafson, nous avons examiné divers programmes réglementaires dans notre dernier rapport, et notamment le cas de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous avons formulé divers commentaires sur leurs pratiques. Nous avons examiné les activités d'inspection des aliments par opposition aux problèmes de santé des animaux et des végétaux, qui sont aussi un aspect important de leur mandat. Cette vérification ne portait pas sur les maladies de certains groupes d'animaux. Nous nous concentrions simplement sur les aliments consommés par les consommateurs canadiens.

Néanmoins, nous avons soulevé diverses questions sur la façon dont l'Agence exécute son travail et la mesure dans laquelle elle effectue une bonne analyse des risques en concentrant ses ressources sur les secteurs présentant le plus de risques. Nous étions aussi préoccupés par la façon dont l'Agence s'occupait de ce qu'on appelle le «secteur fédéral non enregistré», c'est-à-dire tous les produits de conservation qu'on achète à l'épicerie, et qui constituent une bonne partie de ce que nous consommons. Cela aussi nous préoccupait.

Dans l'ensemble, nous avons estimé que nos pratiques d'inspection des aliments se comparaient assez favorablement à celles en vigueur ailleurs dans le monde. La plupart du temps, les autres pays acceptent nos produits alimentaires sans procéder à des inspections supplémentaires. En dépit de certaines préoccupations que nous avons formulées à propos de certains problèmes importants, nous estimons que les pratiques de l'Agence se comparent tout à fait favorablement à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

J'ajoute que l'Agence d'inspection des aliments est une des organisations tenues par la loi de présenter des rapports sur son rendement. Nous avons aussi critiqué la qualité du rapport de l'Agence sur son rendement. Cela fait trois ans maintenant que nous essayons de les faire améliorer les rapports sur leur rendement. Aux dernières nouvelles, ils ont accepté de collaborer avec nous en ce sens.

Le sénateur Stratton: Puisque nous pouvons maintenant pratiquer la licence poétique, par la grâce du sénateur Gustafson, j'aimerais revenir sur les questions que le sénateur Banks a posées à propos des sociétés d'État. Mais avant cela, monsieur, je souhaiterais vous remercier de votre collaboration avec notre comité sur diverses questions durant tout votre mandat, une collaboration précieuse que nous avons énormément appréciée.

En ce qui concerne les sociétés d'État, quels devraient être à votre avis les bons liens avec une société d'État? Nous nous occupons sans cesse des liens entre le ministre et la société d'État dont il est responsable. À votre avis, devrait-il y avoir un type de lien approprié dans ce cas?

M. Desautels: Monsieur le président, le régime mis en place au gouvernement fédéral en 1983 ou 1984 est globalement sain. Il définit les rapports entre sociétés d'État et gouvernement et la façon dont les plans d'entreprise et les budgets des sociétés d'État doivent être approuvés, etc. C'est un régime de gestion de l'ensemble du portefeuille des sociétés d'État assez sain.

Dans notre dernier rapport, nous avons soulevé certains problèmes de régie des sociétés d'État. Il s'agissait surtout de la nomination des membres des conseils d'administration de ces sociétés d'État et du rôle de ces conseils pour la nomination des PDG des sociétés d'État, et aussi de la mesure dans laquelle le gouvernement était vraiment en mesure de s'acquitter du rôle qui lui est attribué dans la législation régissant les sociétés d'État. Ces trois questions nous préoccupaient beaucoup.

Pour ce qui est de la nomination des membres des conseils d'administration, nous estimions qu'on ne tenait pas suffisamment compte des besoins des conseils d'administration dans le choix des compétences des personnes nommées à ces conseils. Nous estimions que, pour avoir un meilleur éventail de compétences à ces conseils d'administration, il fallait améliorer les consultations entre ceux qui procèdent aux nominations et les sociétés d'État elles-mêmes.

Pour ce qui est de la nomination des PDG, c'est un peu la même chose: de nombreuses sociétés d'État le font sans consulter le conseil d'administration. Autrement dit, les conseils d'administration n'assument pas la responsabilité de cette fonction. C'est un dispositif qui crée en outre des liens ambigus entre le PDG et le conseil par la suite. Nous recommandons par conséquent que les conseils d'administration interviennent plus activement dans le choix des PDG des sociétés d'État.

Enfin, en ce qui concerne le rôle de contrôle des sociétés d'État exercé par le gouvernement, nous avons eu l'impression que le gouvernement avait perdu du terrain dans ce domaine et qu'il fallait qu'il retrouve cette capacité.

Le sénateur Stratton: Ceci m'amène à mes autres questions. Dans le cas des nouvelles sociétés, Parcs Canada, l'Agence canadienne des douanes et du revenu et l'Agence canadienne d'inspection des aliments, pensez-vous que cette initiative a eu en partie pour motivation la volonté de se sortir du bourbier des problèmes de réglementation de la fonction publique? Ce qui m'inquiète, c'est que tout en entreprenant ces modifications, le gouvernement ne semble pas s'être attaqué vraiment au problème fondamental de la restructuration de la fonction publique. Vous vous souvenez peut-être que nous avons publié en février 1999 un rapport consacré au maintien des effectifs et à la rémunération des fonctionnaires. Dans votre rapport récapitulatif, vous parlez des échecs des tentatives de réforme de la fonction publique telles que Fonction publique 2000 et plus récemment La Relève. Au paragraphe 304 de votre rapport, vous dites:

Je crois que le moment est venu pour le gouvernement d'envisager de procéder à un examen indépendant visant à produire des propositions de réforme et de loi en la matière.

Pourriez-vous nous parler de ces deux questions?

M. Desautels: La première concerne la création de nouvelles agences et la raison pour laquelle on l'a fait. Est-ce que c'était pour échapper à la rigidité de la réglementation de la fonction publique? Officiellement, non. Toutefois, je pense que dans un cas, à savoir l'Agence canadienne des douanes et du revenu, cela a constitué un facteur important. Ils avaient beaucoup de difficulté à recruter et à maintenir le personnel nécessaire pour faire le travail. Les contraintes de la réglementation de la fonction publique les empêchaient, à ce qu'ils disaient, de faire correctement le travail. Cela a été, dans ce cas au moins, une des raisons fondamentales pour lesquelles on a recherché un statut différent de celui d'un «ministère».

Dans le cas de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, je pense que la situation était un peu différente. Il s'agissait de regrouper au sein d'une unique agence des activités qui étaient disséminées dans divers ministères, donc les considérations étaient un peu différentes. Quoi qu'il en soit, dans tous ces cas, puisque c'est pour cela qu'on a modifié le statut des organismes, nous devons veiller à ce qu'ils exploitent pleinement ce nouveau statut.

Toutefois, la question évidente qui se pose dans ce cas, c'est la suivante: si c'est là la raison, pourquoi ne pas le faire pour tout le monde ou, à l'inverse, au lieu de choisir cette voie, pourquoi ne pas rectifier le système pour qu'il fonctionne correctement? D'une manière ou d'une autre, on a l'impression que tout cela se fait au coup par coup, comme nous le disons dans notre rapport, et non pas dans le cadre d'une politique soigneusement réfléchie.

À mon avis, c'est quelque chose à approfondir. J'espère que les recommandations que nous formulons déboucheront sur ce résultat. En fait, sénateur Stratton, quand notre groupe de travail recommande au gouvernement d'adopter un plan axé sur l'action dans un projet de loi, nous pensons que l'idée, c'est de réparer le système le plus rapidement possible, de façon à éviter qu'à l'avenir d'autres organismes cherchent à sortir de ce système. En même temps, les leçons que nous pourrions tirer du succès de l'Agence du revenu et de l'Agence d'inspection des aliments pourraient nous donner des pistes pour le genre de réforme à mettre en place dans le reste de la fonction publique.

Le sénateur Stratton: Quelques jours après la présentation de votre rapport, le président du Conseil du Trésor a annoncé un calendrier d'un an et demi pour apporter des modifications importantes aux lois régissant la fonction publique. Trouvez-vous ce calendrier réaliste? Je ne veux pas nécessairement dire qu'ils devraient prendre plus longtemps, mais on n'a pas envie de leur imposer une date limite qui les acculera forcément à l'échec parce qu'ils n'auront pas assez de temps. Trouvez-vous qu'un an et demi, c'est réaliste?

M. Desautels: C'est un délai serré, mais c'est comme cela qu'il faut faire. On a suffisamment étudié les problèmes, on n'a plus besoin d'études. Quand on parle d'un groupe de travail axé sur l'action, l'idée n'est pas de réaliser encore d'autres études mais plutôt de proposer un plan d'action au gouvernement. Cela peut se faire de façon assez rapide. À partir de là, on passerait au Parlement, où il faudrait prendre un peu plus de temps parce qu'il y a de multiples choses à prendre en compte: les questions syndicales et les questions de négociation collective. Ce sont des choses qui ne se font pas à la légère. Un an et demi, cela semble serré, mais je ne souhaiterais pas que ce travail dure beaucoup plus longtemps que cela. Il y a un créneau qu'il faut exploiter maintenant.

Le président: J'ai voté contre les projets de loi sur Parcs Canada et sur l'Agence canadienne des douanes et du revenu en partie parce que j'avais l'impression que ces agences allaient échapper au Parlement. C'est peut-être encore un problème, mais j'ai tout de même été assez réconforté par ce que vous dites à ce sujet dans un de vos rapports. J'ai aussi trouvé qu'il était manifeste -- et ils ne se sont pas gênés pour le dire dans les deux cas -- que leur objectif était de se dégager de la législation pertinente régissant la fonction publique.

Comme il s'agit d'un nombre énorme de fonctionnaires qui échappent maintenant à cette législation, j'ai été sidéré de voir que dans un cas un syndicat de la fonction publique appuyait cette initiative. C'est la première fois qu'un syndicat de la fonction publique me téléphone pour donner son appui à un projet de loi du gouvernement; c'était à marquer d'une croix blanche. Je ne sais pas quel effet cela aura sur la cohésion et le moral de la fonction publique, mais est-ce que vraiment tout cela a une importance?

M. Desautels: Monsieur le président, dans mon rapport récapitulatif, j'en parle un peu. Je dis que dans le passé, le gouvernement fédéral canadien avait pour principe d'avoir une fonction publique relativement uniforme avec les mêmes règles d'entrée, de promotion, de classification et de rémunération, ce qui en soi a rendu le système difficile à gérer car il n'était pas facile de maintenir cette uniformité générale. Sans vouloir me mêler de politique, mais à simple titre de rappel, j'encouragerais le gouvernement à examiner le cas d'autres pays dans le monde qui sont plus décentralisés et dont les modèles semblent fonctionner assez bien.

Quand je parle de décentralisation, je veux dire qu'on donne plus de pouvoir aux ministères pour gérer leurs ressources humaines, classer les postes, et adopter des barèmes de rémunération qui peuvent différer quelque peu d'un ministère à l'autre. On peut ainsi avoir un système où l'on délègue plus de pouvoir aux ministères, tout en maintenant les principes fondamentaux de la fonction publique de façon à ne pas se retrouver avec 25 fonctions publiques différentes. Tout en reconnaissant les différences entre les divers ministères, on conserverait une certaine cohésion de la fonction publique.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: J'aimerais vous remercier pour l'excellent travail que vous avez fait au cours des dernières années. Je vous souhaite une très belle retraite au soleil.

À mon arrivée au Sénat, j'avais des préoccupations et je les ai encore. Lorsque vous faites la vérification des comptes, si vous voyez chaque année la même demande qui relève d'une convention ancienne, par exemple, la Convention relative à l'aviation civile de 1944, qui impose un fardeau financier aux contribuables, est-il de votre responsabilité de porter à l'attention du gouvernement que le moment est arrivé de réviser la Convention et, peut-être, donner les recommandations nécessaires pour s'assurer que la population canadienne ne soit pas pénalisée pour une Convention qu'on a laissé dormir si longtemps? Je souligne un cas, mais il y en a d'autres. Suggérez-vous aussi de former un comité à l'extérieur du système parlementaire, un comité parlementaire ou même un comité qui relève du ministère lui-même?

M. Desautels: Vous parlez de conventions anciennes, mais on pourrait élargir la question et parler de nombreuses lois qui commencent à être dépassées par les événements. La réponse à votre question est, oui. À l'occasion, lorsque nous faisons des vérifications et que nous notons des lois ambiguës ou difficiles d'application, nous les portons à l'attention du Parlement dans nos rapports. Nous le faisons avec une certaine précaution parce que nous respectons les lois adoptées par le Parlement. Mais à l'occasion, les parlementaires nous sont reconnaissants si nous pouvons identifier des situations où la loi devient un peu dépassée par les événements ou a besoin d'être corrigée. Nous n'avons pas commenté, au cours des années récentes, sur la Convention relative à l'aviation civile de 1944, mais en fait, nous l'avons fait dans plusieurs autres situations.

J'ajouterai également que le gouvernement canadien, en 1995, lorsqu'il a fait la revue des programmes -- ce fut un exercice d'examen mur à mur des différents programmes gouvernementaux --, avait remis en question la plupart des activités gouvernementales. À ce moment-là, et même avant, sous l'ancien gouvernement, bon nombre d'organismes avaient été éliminés parce qu'ils ne répondaient plus aux besoins d'aujourd'hui. Ces exercices, effectués de façon périodique, sont très sains et peuvent remettre en question des conventions ou même des organismes qui n'ont plus leur raison d'être.

Dans notre rapport, nous avons dit que même si le gouvernement se trouvait maintenant en situation d'excédant dans son budget annuel, nous devions nous conformer à une discipline semblable à celle qui avait été faite lors de la revue des programmes en 1995, afin que tous les programmes soient revisés de façon régulière, sur une base cyclique, et qu'ils soient continuellement remis en question après des examens rigoureux, tels ceux suivis en 1995.

Ce qui a été fait en 1995, a été un bon exercice, mais cela n'a été fait qu'une fois. Il faut s'assurer que cette même rigueur soit appliquée continuellement à tous les programmes, peut-être pas à tous les ans, mais sur une base cyclique quelconque.

Le sénateur Ferretti Barth: Croyez-vous, en tant que vérificateur général qui avez en main tous les comptes du gouvernement, qu'il soit important de sonner l'alarme devant des conventions aussi vieille? Il faudrait peut-être, si c'est dans votre mandat, faire des recommandations à ce sujet.

L'écrasement de l'appareil de la Swiss Air, au large de Peggy's Cove en Nouvelle-Écosse, selon votre rapport, nous coûte 53 millions de dollars. Ces données ne sont pas du domaine public, mais si la population vient à savoir cela, elle va certainement sursauter.

L'exercice de revoir les conventions tous les cinq ans est bien fondé. Cela vaut pour la Convention relative à l'aviation civile et pour d'autres conventions.

[Traduction]

Le président: Apparemment, le problème vient de ce que c'est le pays où se produit la catastrophe aérienne qui doit payer les coûts que cela entraîne. Le Canada est particulièrement vulnérable, apparemment, au plan financier, vu l'étendue de notre territoire et la multitude de vols internationaux qui le survolent.

M. Desautels: Monsieur le président, je ne vois pas ce que je pourrais ajouter de plus. Nous n'avons pas étudié cette convention particulière, mais il y a d'autres exemples de cas où nous avons recommandé au gouvernement de revoir la loi. Récemment, nous nous sommes penchés sur la question de l'immigration et du statut de réfugié, et à la suite de cette étude, je crois qu'on a revu certains éléments de la loi qui régit ces domaines. Toutefois, nous n'avons pas examiné la convention en question.

Il faut que les rapports du gouvernement soient suffisamment transparents pour que chacun puisse clairement constater dans les rapports publics ce que nous coûte notre appartenance à certaines conventions. Si ce coût semble excessif, on pourrait organiser un débat, mais en tout cas le public serait informé.

Le sénateur Finnerty: Dans votre rapport final, vous parlez de la médiocre qualité de la tenue des dossiers dans certains ministères parce que ces ministères ont peur des demandes d'accès à l'information. Pourriez-vous nous parler un peu plus de la nature et de l'étendue de cette médiocre qualité de la tenue des dossiers? Est-ce un problème récent et prend-on des mesures pour rectifier la situation?

M. Desautels: C'est une problème qui a été soulevé aussi bien par le Commissaire à l'information que par nous-mêmes. Il vient non seulement des inquiétudes des fonctionnaires au sujet de l'accès à l'information, mais aussi des coupures effectuées dans certaines fonctions au cours des années 90, de sorte qu'il y a moins de personnel maintenant pour s'occuper de tenir correctement les dossiers des ministères.

L'utilisation du courrier électronique et d'autres dispositifs électroniques a aussi entraîné de nouveaux défis. Bien que ces moyens de communication électronique présentent un potentiel considérable, la conséquence de leur mise en place a été que l'on n'enregistre qu'électroniquement une bonne partie de la correspondance qui était précédemment conservée sur papier. Or, il n'est pas certains que tous ces dossiers soient conservés pour référence future. Bien que cette nouveauté ait constitué une ouverture, elle a aussi entraîné certains risques.

Ces deux facteurs viennent en tête de la liste des préoccupations que peuvent avoir des personnes qui voudraient obtenir des précisions en vertu des dispositions d'accès à l'information. C'est une réaction malheureuse. À cause de cet état de choses, il est parfois difficile de reconstruire les raisons des décisions gouvernementales. On a du mal à comprendre pourquoi certaines décisions ont été prises dans le passé et par conséquent à en tirer des leçons pour les décisions futures. C'est un problème sur lequel il faut se pencher à notre avis. Il y a des solutions techniques, mais il faut qu'il y ait une volonté ou un engagement à maintenir de bons dossiers. C'est un problème. Nous n'avons pas fait d'étude détaillée sur la question, mais nous avons simplement exprimé cette inquiétude. Nous espérons que les responsables du maintien de bons services d'archivage dans les ministères réagiront. Je pense qu'il faudrait que notre bureau revienne sur cette question dans les années à venir pour voir si la situation s'est améliorée.

Le président: Chers collègues, nous avons déjà dépassé nos 90 minutes habituelles et je ne voudrais pas garder trop longtemps les témoins et les sénateurs. J'ai sur ma liste les sénateurs Kinsella, Spivak, Bolduc et Banks pour une deuxième série de brèves questions.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le président, je voudrais revenir sur votre rapport de décembre, en particulier les chapitres 24 et 25 auxquels a fait allusion le sénateur Gustafson. Vous y abordez diverses questions liées au régime fédéral de santé et de sécurité et à notre système d'inspection alimentaire.

Au paragraphe 107 du chapitre 24, on peut lire:

La confiance du public dans l'usage que le gouvernement fait des sciences et de la technologie en vue de protéger la santé et la sécurité de la population canadienne a été ébranlée par des crises récentes. L'absence continue d'études d'impact satisfaisantes sur les propositions de règlements et les règlements en vigueur nuit également à la crédibilité de la démarche scientifique au gouvernement. À défaut de s'appuyer sur une démarche scientifique crédible, les programmes de réglementation en matière de santé et de sécurité risquent d'être dénoncés comme étant peu dignes de confiance et au service de la cause politique ou d'intérêts particuliers.

Pourriez-vous nous expliquer ce problème de perte de confiance du public et de crédibilité de la science? C'est quelque chose qui préoccupe énormément de nombreux honorables sénateurs.

M. Desautels: Dans plusieurs des programmes de réglementation sur lesquels nous nous sommes penchés dans le cadre de ce travail, ainsi qu'à l'occasion d'autres travaux de notre bureau, par exemple dans le domaine des pêches, nous avons constaté que certains ministères n'avaient pas la capacité d'effectuer les travaux scientifiques nécessaires pour mener à bien leur mission. Dans ce genre de situation, évidemment, le ministère devient plus vulnérable aux pressions de divers groupes de lobbying. Nous estimons qu'il est important de veiller à ce que les ministères qui ont des responsabilités claires en matière d'élaboration et de mise en oeuvre de programmes de réglementation aient aussi la capacité de s'acquitter de ces mandats.

Entre autres, on constate une pénurie de personnel scientifique au sein de plusieurs de ces ministères. Il faut vraiment faire un gros effort pour recruter et combler les postes vacants. Dans ces rapports, nous parlons des postes vacants dans le secteur de la biologie à Santé Canada. Il y a aussi de nombreuses ouvertures dans le secteur de la sécurité nucléaire. Si l'on comblait les postes vacants, on atténuerait ce problème et on permettrait aux ministères de devenir moins vulnérables au genre de risques dont nous parlons.

Le sénateur Kinsella: Pensez-vous que le Sénat devrait enquêter sur la question?

M. Desautels: Je m'en réjouirais. Nous avons consacré énormément d'efforts à ce problème. Toute la question de la réglementation -- l'élaboration des règlements, la supervision de leur mise en oeuvre et de leur application -- est extrêmement importante. Elle n'implique pas toujours des investissements gigantesques de fonds publics, mais elle a des répercussions énormes sur la population.

Elle peut aussi avoir des répercussions sur la santé et la sécurité des Canadiens. Elle a aussi un impact sur le coût des diverses organisations et entreprises. C'est un sujet d'une importance colossale.

Le sénateur Gustafson: Le grand problème semble être l'indépendance à l'égard du gouvernement. Le gouvernement a tendance à protéger ses propres programmes et à s'en tenir à sa propre évaluation des situations. Comment peut-on parvenir à l'indépendance?

Peut-être un comité du Sénat serait-il la meilleure formule indépendante. Ayant siégé dans les deux Chambres, j'estime que le Sénat est tout à fait indépendant.

Mme Barrados: Monsieur le président, c'est une question délicate car les chercheurs scientifiques du gouvernement ne sont pas des chercheurs scientifiques universitaires. Ils sont là pour promouvoir les politiques du gouvernement. Néanmoins, il serait bon de s'interroger sur les normes et sur l'examen du travail de ces chercheurs.

Le sénateur Kinsella: Il y a deux niveaux de science -- la science au gouvernement et la science universitaire.

Le sénateur Gustafson: C'est là le problème.

Mme Barrados: Je ne dirais pas qu'il y a deux niveaux de science, mais plutôt que les chercheurs travaillent dans des contextes différents, et que la question de savoir qui décide de ce qu'ils doivent faire revient régulièrement dans leurs discussions. Si on est dans le secteur universitaire, on dispose d'une marge de liberté qui n'est pas la même que si l'on travaille au gouvernement.

Le sénateur Spivak: La question des chercheurs et de leur crédibilité est importante. Par exemple, la Société royale du Canada a récemment affirmé sans ménagement que la notion d'équivalence en substance utilisée pour examiner les aliments génétiquement modifiés n'avait pas le moindre fondement scientifique. Et cela s'applique à bien d'autres secteurs.

Ma question me ramène à ce problème de la confiance du public, comme le disait le sénateur Kinsella. Vous parlez des nouveaux dangers alimentaires au chapitre 25. Nous avons parlé des antibiotiques, des allergies alimentaires et des maladies. Vous parlez de l'analyse des résidus qui est devenue un élément courant de l'inspection. Cela peut sembler être un petit problème, mais ce n'est pas le cas.

J'ai essayé d'obtenir à la Bibliothèque du Parlement des informations de base sur les médicaments qu'on donne aux animaux de ferme et les résidus autorisés dans les aliments. J'aimerais aussi connaître le statut juridique de nombreux médicaments de ce genre qui ont obtenu un certificat de conformité mais ne figurent pas au tableau 3 de la réglementation des aliments et drogues. Il y a quelques années, l'Agence canadienne d'inspection des aliments a obtenu un avis juridique selon lequel la façon dont procédait Santé Canada -- en ne publiant pas les limites résiduelles pour ces médicaments -- était indéfendable en droit. Il y a des centaines de médicaments pour lesquels la loi ne fixe pas de limites résiduelles maximales. C'est une grande question de santé.

Quand j'ai essayé de me renseigner, je me suis heurtée à un certain flou. Avez-vous déjà enquêté sur le problème particulier de la lenteur à fixer des limites résiduelles pour les médicaments? C'est une question très importante, comme nous l'avons constaté lors de notre étude de la BST. Pensez-vous qu'il serait utile qu'un comité du Sénat étudie ce problème dans le contexte de la confiance du public dans la sécurité des aliments? Comme vous le savez certainement, les inquiétudes à ce sujet ne cessent de croître.

M. Desautels: Monsieur le président, avec votre permission, j'aimerais demander à M. Neil Maxwell, de notre bureau, qui s'est occupé du travail sur l'Agence d'inspection des aliments, de répondre à la question de sénateur Spivak.

M. Neil Maxwell, directeur principal, Vérifications sectorielles, Bureau du commissaire à l'environnement et au développement durable: La question que pose le sénateur est importante. On en a beaucoup parlé dans le public, et les experts du domaine de la sécurité alimentaire en ont abondamment débattu publiquement. C'est aussi un sujet qui a été examiné par la Communauté européenne; il s'est retrouvé dans plusieurs volets des programmes de l'Agence canadienne d'inspection des aliments lors d'une vérification effectuée l'an dernier; et enfin il a fait l'objet d'un rapport qui a été terminé ces mois derniers.

Le sénateur Spivak: Je crois qu'on utilise l'expression «dose administrée» pour ces médicaments, n'est-ce pas?

M. Maxwell: Je ne prétends pas avoir une grande expertise technique sur la question. C'est un aspect important de l'activité de l'Agence. En un sens, cela témoigne probablement de l'importance de son travail car ce n'est qu'un des multiples programmes qu'elle est chargée d'administrer. Outre le contrôle des résidus antibiotiques, ses agents font aussi des contrôles de présence des pesticides dans le cadre des programmes d'importation; ils ont de vastes responsabilités sur le plan intérieur, en ce qui concerne les aliments produits au Canada; et ils ont aussi des responsabilités dans le secteur alimentaire lui-même, où la majorité des inspecteurs exercent leur activité. Au cours de notre vérification, nous n'avons pas creusé cette question très en profondeur. Mais compte tenu de ce que disent les experts en alimentation, c'est certainement quelque chose d'important.

Le sénateur Spivak: Pour clarifier les choses, car c'est une question plutôt ésotérique, les fabricants de médicaments ne sont-ils pas tenus par la loi de communiquer aux laboratoires officiels des normes de détection des résidus, car c'est une disposition juridique qui s'est révélée essentielle pour effectuer un contrôle efficace des résidus dans l'Union européenne? Ces normes n'existent pas et l'Agence canadienne d'inspection des aliments est confrontée à des centaines de produits pour lesquels il n'y a pas de niveau maximum de résidus. Par exemple, il y a quelque temps, on a dû rappeler des tonnes de porc parce qu'on s'était rendu compte qu'un certain produit cancérigène ne devait plus être administré pendant un délai bien déterminé précédant l'abattage des animaux.

Nous recevons énormément de courrier sur cette question, entre autres du courrier qui découle du travail accompli par le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts sur la BST. À votre avis, la sécurité alimentaire et la confiance du public dans ce domaine constitueraient-elles un champ d'investigation approprié pour un comité sénatorial?

M. Desautels: Monsieur le président, à priori je dirais que oui, car notre travail de vérification à l'Agence d'inspection des aliments nous a permis de constater que le public était sensible à ces questions et s'y intéressait. Tout ce qui peut contribuer à informer correctement le public est important. En procédant à une étude, un comité parlementaire pourrait clarifier certaines choses et peut-être même aider l'Agence elle-même. C'est bien que les membres de cette Agence disent quelque chose, mais si quelqu'un d'autre le confirme, c'est encore mieux. Il pourrait être très utile de faire le tour complet de la question en comité.

Le sénateur Banks: Lors d'une précédente question au sujet de la fonction publique, on a utilisé le terme «bourbier» pour expliquer la décision du gouvernement de privatiser la prestation de certains services. En prenant les choses sous un angle différent, pourriez-vous en quelques mots nous dire si les coûts à la fonction publique sont compétitifs par rapport à ceux du secteur privé? Est-ce que le gouvernement du Canada, compte tenu des ententes syndicales qui le lient aux fonctionnaires chargés d'assurer ces services, fonctionne de façon raisonnable et concurrentielle, et est-ce que nous en avons pour notre argent?

M. Desautels: Monsieur le président, c'est une question à laquelle il n'est pas facile de répondre. Je vais essayer d'être bref. Certains aspects de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique coûtent beaucoup plus cher que dans le secteur privé. Par exemple, toute l'infrastructure de soutien de la gestion des ressources humaines à la fonction publique -- les agents du personnel, les agents de la paie, et cetera -- coûte environ trois fois plus que dans le secteur privé. Plusieurs personnes qui connaissent bien les deux contextes me l'ont confirmé. Naturellement, ce n'est qu'un petit aspect de l'ensemble de la fonction publique.

Pour le reste, les traitements versés aux fonctionnaires sont dans l'ensemble très concurrentiels comparativement au secteur privé, notamment jusqu'au niveau des cadres moyens. Quand on passe aux cadres supérieurs, le problème de compétitivité devient plus aigu. Mais aux échelons inférieurs, les traitements des fonctionnaires sont concurrentiels. À mon avis, dans l'ensemble, les fonctionnaires travaillent très dur. Si vous me demandez si nous en avons pour notre argent quand nous versons le salaire quotidien d'un fonctionnaire, je vous répondrai que oui. En fait, les compressions d'effectifs et les coupures ont créé énormément de stress, car par exemple des personnes à divers niveaux doivent maintenant faire le travail qui était accompli auparavant par plusieurs personnes. Les fonctionnaires travaillent dur. On pourrait optimiser leur rendement en simplifiant les processus de travail et en améliorant l'efficience de l'environnement de travail. Je vous ai mentionné tout à l'heure l'exemple de la gestion des ressources humaines et parlé du temps considérable que l'on passe à recruter du personnel, à s'occuper des promotions, à muter des employés. Si l'on pouvait rationaliser certains de ces processus au gouvernement, et si les fonctionnaires continuaient à travailler aussi fort, la productivité augmenterait.

Le sénateur Banks: Les conventions collectives vous permettent-elles de rationaliser comme vous venez de le dire, ou faudrait-il faire appel à la Commission des relations de travail pour ajuster la situation?

M. Desautels: Comme nous le disons dans ce rapport et dans d'autres études que nous avons effectuées, depuis 30 ou 40 ans, on a mis en place toutes sortes de mesures, notamment des lois, des décisions faisant jurisprudence et diverses conventions qui ont progressivement alourdi le système. Il ne s'agit donc pas simplement de modifier une convention collective, mais de revoir l'ensemble de la structure qui a été mise en place.

Le sénateur Banks: Diriez-vous que notre régime de gestion du personnel -- je n'arrive pas à parler de «ressources humaines» -- est inefficace?

M. Desautels: Oui, tout le système est inefficace.

Le président: Merci beaucoup.

Vos collègues et vous-même avez été très patients. Je voudrais vous donner l'occasion, si vous le souhaitez, de dire quelques mots sur le renforcement de la protection de l'indépendance de votre bureau. En un mot, vous nous dites que votre budget est actuellement négocié avec les fonctionnaires du Conseil du Trésor et que, même si cela n'a pas eu jusqu'à présent de conséquences négatives, c'est tout de même un mécanisme gênant pour des raisons que je n'ai pas besoin d'expliquer aux sénateurs.

Vous nous avez dit que le Royaume-Uni avait un meilleur dispositif de financement car le budget du bureau de vérification y est décidé par le gouvernement sur recommandation d'un comité de députés de tous les partis du Parlement. Cette décision budgétaire est donc prise là où elle doit l'être, c'est-à-dire que ce sont les députés devant lesquels le vérificateur général est responsable qui la prennent, et non des fonctionnaires. Vous dites que nous pourrions nous inspirer de l'exemple britannique dans le cadre des paramètres de la Constitution canadienne pour le bureau de vérification et peut-être même éventuellement pour d'autres agents du Parlement.

Je tenais à préciser cela pour le compte rendu et à vous donner l'occasion, si vous le souhaitez, de développer un peu cette question avant que nous levions la séance.

M. Desautels: Monsieur le président, vous avez résumé de façon parfaitement exacte notre position. Il est assez gênant de négocier avec certains fonctionnaires le financement de notre bureau alors que, de par la nature même de notre travail, nous sommes amenés à avoir certaines confrontations très marquées avec ces mêmes fonctionnaires. Je dois préciser que dans le passé, ils ont toujours agi de façon très professionnelle et que la procédure a bien fonctionné.

Néanmoins, je pense que cette situation n'est pas idéale. Il vaudrait mieux que le Parlement lui-même, puisque nous travaillons pour le Parlement, ait plus son mot à dire dans le financement de notre bureau.

Comme je l'ai dit, il ne s'agit pas simplement de notre bureau. D'autres agents du Parlement se trouvent dans la même situation. Cette situation n'a pas entraîné trop de problèmes jusqu'à présent, mais elle est gênante. Si l'on met à jour notre loi, j'aimerais bien qu'on modifie ces dispositions.

Le président: Nous en resterons là. Encore une fois, merci beaucoup, monsieur Desautels. Je vous souhaite de couler des jours heureux et intéressants au cours d'une retraite que vous avez bien méritée. Notre Parlement et notre pays vous doivent beaucoup.

La séance est levée.


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