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Délibérations du Comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 16 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 12 juin 2001

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour l'étude du projet de loi.

Le sénateur Lowel Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables collègues, notre comité est saisi du projet de loi C-18, visant à modifier la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, lequel lui a été renvoyé le 31 mai. Il y a une semaine aujourd'hui, nous avons entendu le témoignage des fonctionnaires du ministère des Finances. Jeudi après-midi, nous avons reçu le ministre, l'honorable Paul Martin. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de deux provinces: tout d'abord, la ministre des Finances de Terre-Neuve et du Labrador, l'honorable Joan Marie Aylward. D'après ce que je sais, la ministre est, sinon un vétéran de l'Assemblée législative de Terre-Neuve, mais qu'elle représente une des circonscriptions de St. John's depuis plusieurs mandats. Elle a été ministre de la Santé de cette province, étant infirmière de formation, et elle détient actuellement le difficile portefeuille de ministre des Finances.

Mme Aylward est accompagnée de M. Terry Paddon, sous-ministre adjoint, Politique fiscale et de taxation.

Nous entendrons également le témoignage d'un représentant du gouvernement du Manitoba. Il s'agit de M. Ron Neumann, directeur des Finances intergouvernementales du ministère des Finances du Manitoba.

Pour accélérer les choses ce matin, je vais demander à la ministre de Terre-Neuve et du Labrador de faire son allocution liminaire, après quoi je demanderai à M. Neumann de prendre la parole. Nous passerons ensuite aux questions.

Madame la ministre, nous vous écoutons.

Mme Joan Marie Aylward, ministre des Finances et présidente du Conseil du Trésor, gouvernement de Terre- Neuve et du Labrador: Merci. Je suis heureuse d'être parmi vous. Je me réjouis de voir les sénateurs Rompkey et Doody qui représentent la province de Terre-Neuve et du Labrador.

Je suis heureuse d'avoir l'occasion aujourd'hui de vous présenter la position du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador à l'égard du projet de loi C-18, qui vise à modifier le plafond dans le cadre du programme de péréquation. Au sujet de ce plafond, j'aborderai deux questions aujourd'hui. Tout d'abord, et c'est la question la plus importante, l'à-propos d'un plafond. En second lieu, si le plafond est imposé, il doit être équitable et raisonnable.

La province de Terre-Neuve et du Labrador s'oppose fondamentalement au principe du plafond, qui a été imposé pour la première fois en 1982. C'est notre position depuis toujours et elle est compatible avec celle des autres provinces bénéficiaires de la péréquation. Nous maintenons cette position depuis 1982. Le gouvernement fédéral a toujours fait la sourde oreille à nos demandes en vue de supprimer le plafond. Pour cette raison, les provinces bénéficiaires doivent se rabattre sur la deuxième question, à savoir essayer de veiller à ce que tout plafond imposé par le gouvernement fédéral soit équitable et raisonnable.

Qu'une chose soit bien claire: mon gouvernement n'appuie pas le plafond, ni celui imposé lors du renouvellement du programme de péréquation en 1999 ni le montant modifié en vertu du projet de loi C-18. Le plafond ne devrait pas être un mécanisme qu'utilise le gouvernement fédéral pour limiter et entraver la croissance normale du programme. C'est ce qu'est devenue la disposition relative au plafond sous sa forme la plus récente.

Conformément à la Constitution, la péréquation a pour objet de donner à toutes les provinces des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics et de fiscalité à des niveaux sensiblement comparables. Ce n'est possible que si les provinces bénéficiaires reçoivent, de façon constante, des recettes qui correspondent à une norme raisonnable.

Un programme de péréquation appliqué dans son intégralité est d'une importance cruciale pour ma province. On a beaucoup parlé ces dernières années de l'importance d'une contribution accrue du gouvernement fédéral par le biais du TCSPS, c'est-à-dire l'autre important programme de transferts fédéraux, pour financer les nouvelles dépenses des services de santé d'un bout à l'autre du pays. Je peux en parler en pleine connaissance de cause, ayant été ministre de la Santé pendant trois ans. Le transfert social est vraiment indispensable, et il permettra à notre province de recevoir près de 300 millions de dollars au cours de l'exercice financier. Tout cela est fonction des budgets totaux, mais si l'on compare ces 300 millions de dollars aux dépenses de fonctionnement de notre système de santé, qui s'élèvent à 1,4 milliard de dollars cette année, et aux 750 millions de dollars que coûte notre système d'éducation, il paraît évident qu'un régime de péréquation intégral et vigoureux est très important. C'est le programme de péréquation, en vertu duquel nous recevons cette année 1,1 milliard de dollars, qui nous permet d'étoffer un peu les services publics offerts dans notre province.

Je vais maintenant parler du plafond. Tous les ans, dans le cadre du programme de péréquation, on définit le niveau normal des droits qui se fonde, selon le gouvernement fédéral, sur une moyenne équitable des possibilités de production de recettes des provinces, conformément à l'obligation constitutionnelle. En fait, le plafond équivaut à deviner ce que ce niveau devrait être en appliquant une formule arbitraire fondée sur la capacité de payer du gouvernement fédéral. Si le plafond entraîne une réduction des versements, il s'ensuit que les provinces bénéficiaires reçoivent des transferts qui sont inférieurs à la norme. Par définition, cela signifie qu'elles ne peuvent plus offrir des services sensiblement comparables à des niveaux de fiscalité sensiblement comparables. Plus le plafond est restrictif et entrave la croissance du programme, plus les niveaux de service et de fiscalité des provinces bénéficiaires de la péréquation sont menacés.

Si la norme de péréquation est relevée et entraîne une augmentation des paiements de péréquation, cela correspond généralement à une forte expansion de l'assiette fiscale et à une croissance importante des recettes dans les provinces assujetties à la norme. Cela témoigne d'une économie florissante qui, en retour, entraînera une forte croissance des recettes fédérales. Le gouvernement fédéral aura alors les ressources financières nécessaires pour assumer la hausse des paiements de péréquation.

Il est fort possible qu'un plafond limitatif, comme celui qui a été imposé en 1999, entraîne une diminution des paiements de péréquation à une époque où les recettes du gouvernement fédéral sont en pleine expansion, ce qui détourne les fonds du programme de péréquation au profit d'un excédent fédéral déjà à la hausse. Il s'ensuit que l'on refuse des fonds aux provinces pauvres, ce qui risque d'entraîner une diminution des niveaux de service et le maintien d'impôts élevés dans les provinces en question, afin de permettre au gouvernement fédéral d'accroître encore son excédent.

En tant que province bénéficiaire, nous estimons qu'une telle façon de procéder ne contribue ni à l'édification d'une nation ni au fédéralisme financier coopératif. Si nous ne réussissons pas à convaincre le gouvernement fédéral de supprimer le plafond, notre objectif - et c'est le mien aujourd'hui - consiste à faire en sorte que le plafond imposé soit juste et raisonnable.

Je témoigne aujourd'hui devant le comité pour vous démontrer que le plafond, même après l'adoption du projet de loi C-18, n'est ni équitable ni raisonnable. En outre, il s'agit d'un précédent plutôt inquiétant pour l'avenir du programme. Cela nous pousse à nous demander comment on peut définir «équitable et raisonnable» si le gouvernement fédéral insiste pour maintenir un plafond.

Lorsque le rendement économique est solide, les versements peuvent augmenter rapidement, mais les recettes fédérales augmentent au même rythme, de sorte que le gouvernement fédéral ne risque pas de se trouver confronter à un énorme problème financier. Il y a lieu de s'interroger sur l'utilité pour le gouvernement fédéral, dans ce genre de contexte, de se protéger contre des augmentations importantes et imprévues des dépenses de programmes, et il s'agit apparemment d'un faux problème.

En deuxième lieu, les versements au titre du programme pourraient augmenter rapidement s'il y avait des augmentations d'impôt rapides et importantes, surtout dans les grandes provinces de référence. Ce genre de chose est peu probable dans le contexte actuel de réductions d'impôt. Nous avons entendu annoncer il y a quelques jours à peine d'importantes réductions d'impôt en Colombie-Britannique. Ce fait à lui seul aura une forte incidence sur les provinces bénéficiaires de la péréquation.

Le gouvernement fédéral affirme que cela représente un gros risque pour lui. En fait, c'est précisément le contraire. Les réductions d'impôt effectuées par les provinces de référence, surtout pour l'impôt des particuliers, ont pour effet de réduire les versements faits aux provinces bénéficiaires dans le cadre du programme.

En fait, le projet de loi C-18 supprime le plafond pour une année seulement, l'année 1999-2000. Cela permettra à la population de Terre-Neuve et du Labrador de récupérer 36 millions de dollars, somme qui aurait dû lui être versée au départ, selon le calcul normal de la péréquation. Ces 36 millions de dollars seront utilisés pour les services de santé, l'éducation et des mesures visant à maintenir au niveau actuel nos taux d'imposition, déjà parmi les plus élevés au Canada.

Pour vous donner une idée de ce que représentent 36 millions de dollars pour notre province, cela équivaut à neuf jours de financement des services de santé à Terre-Neuve et au Labrador. Une somme de 36 millions de dollars représente 13 jours d'enseignement pour les jeunes de notre province; 36 millions de dollars, c'est 6 p. 100 de nos recettes fiscales provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers. Il va sans dire que, sans cet argent, il nous faudrait faire des choix difficiles quant à nos niveaux de dépense à l'égard de nos programmes sociaux essentiels et des niveaux d'imposition.

Le projet de loi C-18 prévoit également le maintien du plafond après 1999-2000, mais à partir d'une base de 10 milliards de dollars, montant qui est déjà inférieur au niveau actuel des paiements. Le plafond qui sera en place, même si le projet de loi C-18 est adopté, risque de limiter la croissance normale du programme; une croissance que viendrait plus ou moins compenser l'augmentation des recettes fédérales.

En vertu des prévisions les plus modestes de croissance économique pendant toute la période menant au prochain renouvellement du programme de péréquation, en 2004, il est tout à fait possible que les versements effectués au titre du programme se heurtent continuellement à un plafond artificiel. Cette situation n'est ni équitable ni raisonnable pour les provinces bénéficiaires qui, pour la plupart, se débattent pour rester à flot du point de vue financier.

À mon avis, la situation est simple. Le plafond prévu pour 2000-2001 et les années suivantes se fonde sur un point de départ qui est nettement inférieur aux droits réels pour l'année 1999-2000. Si l'on part d'un montant nettement inférieur aux versements les plus récents et que l'on augmente ce montant en fonction du PIB afin d'établir un plafond, cela ne protège pas le gouvernement fédéral contre, pour reprendre ses propres termes, une augmentation excessivement rapide des versements au titre du programme ou des augmentations importantes et imprévues des dépenses de programme.

Si l'on suit la démarche qu'a adoptée le gouvernement fédéral et qu'il perpétue en vertu du projet de loi C-18, le plafond risque désormais d'entraver la croissance du programme même si le gouvernement fédéral a largement les moyens de le financer. À tout le moins, le plafond devrait être recalculé à partir d'un niveau plus réaliste, de sorte que, sur le plan pratique, il se conforme aux critères de son objectif officiel.

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador estime que, au minimum, le nouveau seuil de calcul devrait être le montant total réel des versements effectués en 1999-2000. Je signale que même ce montant minimum est plus limitatif que ne devrait l'être un plafond compte tenu des objectifs clairement énoncés par le gouvernement fédéral à cet égard et de ce qui constitue, selon nous, un montant équitable et raisonnable, étant donné la situation financière actuelle du gouvernement fédéral par rapport à celle de provinces comme la nôtre.

Aux termes de la constitution canadienne, le Parlement du Canada est tenu d'effectuer des paiements de péréquation pour permettre aux provinces d'offrir des niveaux sensiblement comparables de services publics à des niveaux de fiscalité sensiblement comparables. La Constitution impose au gouvernement fédéral de veiller, pour les Canadiens, à ce que cet engagement soit respecté. J'affirme devant les membres du comité que, sous sa forme actuelle et même modifiée en vertu du projet de loi C-18, le plafond visant la péréquation va à l'encontre de l'obligation fédérale de donner suite à cet engagement. En outre, la seule solution juste et raisonnable serait de modifier le plafond, à défaut de le supprimer, pour protéger le gouvernement fédéral contre toute croissance importante, imprévue et excessivement rapide des versements au titre du programme, mais pas contre une augmentation normale, même si cela signifie une augmentation et des paiements importants effectués dans le cadre d'un programme de péréquation appliqué dans l'intérêt des Canadiens, ce qui constitue son objectif premier.

M. Ron Neumann, directeur des Finances intergouvernementales, ministère des Finances du Manitoba: Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à participer, en tant que représentant du gouvernement du Manitoba, à la discussion sur le plafond du programme de péréquation.

Le programme de péréquation est une pierre angulaire importante de la fédération canadienne. Il est si important qu'il a été reconnu et incorporé à notre constitution. Il nous incombe à tous de défendre les principes de ce programme et de nous assurer que les actions entreprises à son égard sont conformes tant à l'esprit qu'à la lettre des dispositions de l'article 36 de la Constitution.

M. Sellinger, ministre des Finances du Manitoba, m'a demandé de témoigner devant votre comité pour parler des dispositions du projet de loi C-18 et des répercussions éventuelles du maintien du plafond imposé sur les paiements de péréquation. Il est tout à fait exceptionnel que la province du Manitoba comparaisse devant un comité parlementaire, mais cela souligne bien l'importance de cette question pour mon ministre. En fait, le maintien du plafond des paiements de péréquation est un sujet de préoccupation pour tous les ministres provinciaux et territoriaux des finances, ainsi que tous les premiers ministres. Lors d'une réunion tenue à Winnipeg en décembre 2000, tous les ministres provinciaux et territoriaux ont réitéré leur appui à notre position commune, à savoir qu'il faut supprimer le plafond visant les paiements de péréquation. Le communiqué complet rédigé à la suite de cette rencontre se trouve dans les documents que je vous présente aujourd'hui.

Ce soutien apporté à la suppression du plafond n'est pas nouveau. Qu'ils bénéficient ou non des paiements de péréquation, les provinces et territoires ont invariablement appuyé une telle action. Notre position est claire: le plafond du programme de péréquation est un obstacle à sa pertinence et doit être éliminé à jamais.

Je voudrais en particulier souligner le rôle important que joue le Programme de péréquation dans la force, la vitalité et l'unité du canada. La péréquation permet d'offrir de meilleures perspectives d'avenir et de croissance économique dans l'ensemble du pays, un fait qui a souvent été nié ou même déformé dans la presse publique. Le but du programme de péréquation est bien défini dans notre Constitution. Le Parlement et le gouvernement du canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparable.

En étant capables de fournir des services comparables et des taux d'imposition comparables, toutes les provinces peuvent effectivement se faire concurrence pour favoriser la croissance économique et la création d'emplois que tous les Canadiens désirent. Sans services comparables, certains Canadiens seraient moins prêts à profiter des perspectives qui s'offrent à eux. Sans taux d'imposition comparables, les décisions concernant l'emplacement des entreprises seront prises en fonction de facteurs autres que l'aspect strictement économique de ces décisions.

Certains faits prouvent que le Canada a bénéficié du programme de péréquation. Une étude longitudinale récemment effectuée par MM. Richard Bird et François Vaillancourt montre que, depuis l'introduction du programme de péréquation en 1957, la croissance économique par habitant dans les provinces bénéficiaires a été légèrement plus importante que celle des provinces non bénéficiaires au cours des quatre dernières décennies. Je pense qu'il s'agit là d'un résultat remarquable, un résultat qui réfute bien la notion répandue selon laquelle la péréquation nuit à la croissance économique.

La croissance économique n'a pas été suffisamment importante pour empêcher une migration nette hors des provinces bénéficiaires ou pour éliminer les différences de disparité par habitant. Nous faisons cependant des progrès. La situation migratoire au Manitoba s'est récemment renversée, si bien que notre province bénéficie maintenant d'une migration nette entrante. Et nous avons besoin de ce renversement, car la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée est un des facteurs qui ralentissent notre croissance économique. Maintenir des coûts et des taux d'imposition sur le revenu des particuliers comparables à ceux des autres provinces est un facteur important pour attirer les gens au Manitoba et les convaincre d'y rester. Les paiements de péréquation aident à niveler le terrain pour les provinces qui veulent être concurrentielles, non seulement sur le plan national, mais aussi dans le contexte d'une économie de plus en plus mondiale.

L'autre moyen que nous utilisons pour augmenter directement notre réserve de main-d'oeuvre qualifiée est d'améliorer les possibilités de formation professionnelle et d'éducation. Là encore, le programme de péréquation nous aide à fournir les services publics nécessaires.

Notre gouvernement a récemment investi dans les établissements d'enseignement postsecondaire manitobains le montant le plus important de l'histoire du Manitoba. Il nous faudra toutefois continuer à faire de tels investissements afin de garantir que notre province bénéficie d'une main-d'oeuvre bien formée et équipée des compétences requises pour que notre croissance économique demeure forte.

Je ne vous ai présenté que quelques exemples visant à souligner l'importance du programme de péréquation pour le Manitoba et pour l'ensemble du Canada. Il y en a bien d'autres. Je crois toutefois que la plupart des membres de ce comité reconnaissent le mérite de ce programme. C'est pourquoi je suis encouragé par la présentation du projet de loi C-18, qui permettra la suppression du plafond imposé sur les paiements de péréquation pour l'exercice 1999-2000. C'est aussi pourquoi je suis perplexe et déçu que le gouvernement du Canada n'ait pas encore décidé de supprimer ce plafond pour l'année 2000-2001 et les années suivantes. Ce plafond aura des répercussions négatives pour les provinces bénéficiaires si aucune action n'est entreprise. Je voudrais toutefois souligner que ce potentiel ne dénote pas une faiblesse du programme. En fait, la diminution des disparités fiscales par habitant au fil des années a permis de réduire les coûts du programme proportionnellement au PIB.

Ce plafond a des répercussions négatives car il a été abaissé de manière arbitraire à trois reprises au cours des vingt dernières années, dont la dernière fois en 1999. L'abaissement progressif du plafond est détaillé dans les documents que je vous ai présentés, y compris ma récente lettre à M. Martin et mon document budgétaire. Ce plafond a baissé d'un taux effectif de 1,33 p. 100 du PIB entre 1982 et 1987 à un taux de 1,04 p. 100 du PIB aujourd'hui. Ces diminutions du plafond ont été effectuées sans égard au niveau de paiement nécessaire pour la réalisation des objectifs du programme.

La formule du programme de péréquation est conçue pour déterminer les paiements objectivement. Il y a toujours des améliorations proposées d'ordre technique à apporter, mais il s'agit là de sujets à discuter dans le cadre du renouvellement quinquennal du programme.

Si le plafond n'est pas supprimé pour l'exercice 2000-2001 et les exercices suivants, les paiements de péréquation ne progresseront pas et pourraient même diminuer par rapport aux niveaux de 1999-2000. Ce résultat ne cadre pas avec la proposition faite par le premier ministre aux ministres provinciaux et territoires en septembre dernier. Selon cette proposition, le plafond des paiements de péréquation devrait être éliminé pour l'année 1999-2000, et les paiements devraient augmenter au rythme de la croissance du PIB pour les années suivantes.

Parmi les documents que je vous ai présentés, vous trouverez un tableau récapitulatif de l'effet combiné des augmentations du TCSPS contre la récupération possible du plafond de péréquation à partir de l'exercice 2000-2001. Ce tableau montre qu'à moins que les paiements de péréquation puissent augmenter sans récupération imposée par le plafond, seules les trois provinces les plus riches retireraient un bénéfice net de la proposition faite en septembre par le premier ministre.

Ne nous faisons pas d'illusion: le plafond actuel ne permettra pas aux paiements de péréquation résultant de la formule d'être versés pour l'année 2000-2001 et les années suivantes. Toutes les données économiques et fiscales dont les effets n'ont pas encore été pris en compte pour les calculs portent à croire que les répercussions de ce plafond seront plus importantes pour l'année financière 2000-2001 que pour l'année 1999-2000. Pour la seule année financière 2000-2001, la perte potentielle de revenu a été estimée à 100 millions de dollars pour le Manitoba. Il s'agit là d'un montant considérable pour notre province. Une perte de revenu de 100 millions de dollars réduit notre capacité de fournir de meilleurs services de santé, d'améliorer l'accès aux programmes d'éducation et de formation, et de poursuivre la réduction de nos impôts à des niveaux comparables à ceux de nos voisins de l'Ouest, de l'Est et du Sud.

Je voudrais ajouter un dernier commentaire. Lorsque le plafond des paiements de péréquation a été introduit, le gouvernement fédéral accusait d'importants déficits budgétaires qui s'accroissaient. Pour l'exercice qui vient de se terminer, il accusait un excédent budgétaire dépassant les 10 milliards de dollars. Il est invraisemblable que le gouvernement fédéral amasse des excédents budgétaires par le truchement d'une récupération des paiements de péréquation des sept provinces les moins riches du Canada.

J'encourage les membres de ce comité à réfléchir davantage à l'importance du programme de péréquation, à notre engagement collectif envers l'égalité des chances pour tous les Canadiens et Canadiennes - une égalité clairement exprimée dans la Constitution - et au fait que notre nation est plus forte lorsque toutes ses régions sont prospères. Le plafond imposé sur les paiements de péréquation devrait être supprimé.

Le sénateur Stratton: Monsieur Neumann, je sais que vous préconisez la suppression définitive du soi-disant plafond. Je m'intéresse toujours à l'orientation des provinces et à leur avenir à long terme. Comme vous le savez, la Canada West Foundation a publié récemment un article concernant la situation actuelle des quatre provinces de l'Ouest. On y apprend que l'Alberta et la Colombie-Britannique connaissent une croissance exponentielle, tandis que le Manitoba et la Saskatchewan continuent leur long déclin, qui dure maintenant depuis 40 ans. Les auteurs considèrent qu'il s'est amorcé en 1961.

Malgré l'aide apportée par la péréquation, je crains que dans le contexte de ce rapport de la Canada West Foundation, vous ne puissiez annoncer aucun changement. Vous devez même vous attendre à une aggravation de la situation, puisque nous avons de la difficulté à recruter et à retenir une main-d'oeuvre qualifiée.

Pensez-vous que ce déclin régulier puisse s'accélérer à cause de ce qui se passe actuellement en Alberta et en Colombie-Britannique? Ou, au contraire, êtes-vous optimiste et assistez-vous à un redressement tel que le Manitoba, qui se classe actuellement au premier ou au deuxième rang pour le taux de chômage le plus bas, puisse atteindre une plus grande indépendance économique?

M. Neumann: Je suis plutôt optimiste. L'étude de la Canada West Foundation porte, je crois, sur 1997 ou 1998. Depuis lors, nous avons connu une sorte de redressement et nous bénéficions désormais d'une immigration nette dont nous avons désespérément besoin, comme vous l'avez indiqué, car nous avons le taux de chômage le plus bas au Canada. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour attirer les travailleurs qualifiés nécessaires à la croissance de notre économie.

Nous faisons deux choses: tout d'abord, nous abaissons les impôts dans toute la mesure du possible; par ailleurs nous formons la main-d'oeuvre actuellement présente au Manitoba pour qu'elle soit plus qualifiée. Sur ces deux plans, il faut que les finances provinciales ne nous empêchent pas d'agir. Nous sommes en concurrence avec un regain d'activité dans l'Ouest, en Alberta et sans doute en Colombie-Britannique, car bien sûr, la prospérité est à souhaiter partout.

Je suis optimiste, mais l'accentuation de la disparité fiscale m'apparaît comme un nuage noir qui se rapproche. Si les recettes continuent à aggraver les disparités fiscales au Canada, le Manitoba va avoir plus de difficultés à retenir les travailleurs, qui préféreront se diriger vers l'Alberta. Je considère que ceux qui s'en vont en Alberta ne contribuent pas davantage à l'économie albertaine qu'ils ne pourraient contribuer à celle du Manitoba. Il n'est pas plus avantageux de construire des autobus à Calgary qu'à Winnipeg. Cependant, les sociétés peuvent en décider autrement si le régime d'imposition auquel nous les soumettons est désavantageux. De telles décisions contraires à l'économie peuvent concerner l'ensemble du pays lorsqu'elles sont fondées sur des disparités fiscales plutôt que sur des considérations strictement économiques.

Je suis assez optimiste parce que j'ai constaté un redressement des tendances migratoires au Manitoba. Nous avons le taux de chômage le plus faible au pays. Nous avons besoin de travailleurs. Nous avons besoin d'immigrants et de gens qui viendront des autres régions du pays. Il est indispensable de freiner les départs évoqués par l'étude de la Canada West Foundation.

Le sénateur Stratton: Si ce comité étudie le programme de péréquation à l'automne, y a-t-il, à votre avis, un sujet particulier qui vous tient à coeur, que vous soyez de Terre-Neuve ou du Manitoba, et que nous devrions étudier?

Mme Aylward: Les ministres de la santé de l'Atlantique ont précisément beaucoup discuté de cette même question. Je suis sûre que les ministres des autres régions en ont fait autant.

Comme vous le savez, dans une région comme Terre-Neuve qui fait partie du Canada atlantique, notre PIB est à peu près à 69 p. 100 de ce qu'il est dans le reste du pays. Nous espérons trouver quelque chose qui, dans une perspective régionale, nous permettrait de relancer toute l'économie de la région mais pour cela, il faut de façon générale une forte injection de fonds. Il faut un engagement en matière d'infrastructure.

Je tiens à déclarer publiquement que notre actuel programme de péréquation est un bon programme. Nous souhaiterions tous pouvoir nous en passer. C'est un filet de sécurité, mais d'un certain point de vue, c'est aussi un élément dissuasif. Pour nous, c'est un filet de sécurité inestimable. Dans une province comme la nôtre, comme je l'ai dit au Comité des finances, il faudrait lancer six projets comme Hibernia tous les deux ans pour que nous puissions envisager de nous passer de péréquation. Il faudrait que les hauts et les bas du cycle économique se suivent d'une année sur l'autre pour que nous puissions envisager un abandon de la péréquation.

Ce que je veux dire, c'est que la péréquation est très importante pour nous. Malgré nos espoirs, il faudra sans doute envisager des formules régionales pour régler les problèmes. Le Manitoba et l'Ouest connaissent leurs problèmes spécifiques. Quant à nous, nous avons une forte immigration. Par ailleurs, notre population est parmi les plus âgées au Canada et force est d'admettre que les personnes âgées coûtent plus cher. Plus le temps passe et plus on a besoin de services; c'est tout à fait normal. Nous devons être en mesure d'assurer ces services.

Nous sommes heureux qu'il y ait un examen à l'automne. C'est une mesure positive. Nous espérons avoir l'occasion d'examiner le programme de péréquation d'une façon différente afin d'essayer de rendre les règles du jeu plus équitables et d'examiner la question du point de vue régional.

M. Neumann: À mon avis tout au moins, il y a quelques éléments qui devraient être examinés. Quels sont les éléments du programme? Je maintiens depuis longtemps que le programme est largement autonome. Il n'augmentera que lorsque les recettes du gouvernement fédéral augmenteront, et il diminuera au cours des périodes de croissance relativement lente. C'est ce que j'aimerais voir, et je pense que cela mènerait à la conclusion que le plafond des paiements de péréquation est inutile.

Deuxièmement, il faudrait examiner la péréquation des recettes provenant de l'exploitation des ressources. Toutes les recettes devraient être comprises dans le programme de péréquation, pas seulement celles de l'exploitation des ressources. Certaines recettes ont été exclues du programme de péréquation. Nous croyons à l'inclusion totale des recettes. C'est une autre question importante pour nous.

Nous continuons d'examiner la norme appropriée. Le programme de péréquation a très bien servi le pays. Peut-être que la norme tombe un peu trop bas à l'heure actuelle avec la norme des cinq provinces. Elle devrait être relevée un peu, et peut-être que les avantages de la péréquation augmenteraient un peu. La péréquation est un excellent programme, non seulement pour les régions bénéficiaires mais pour le Canada en général. Peut-être que nous devrions examiner si la norme est adéquate, étant donné la tâche à accomplir, et voir si un programme de péréquation plus solide serait davantage indiqué.

Le sénateur Rompkey: Pour ceux qui n'étaient pas présents hier, j'ai donné avis que j'allais présenter une motion aujourd'hui demandant à notre comité d'examiner le programme de péréquation dès qu'il le pourra afin de déterminer s'il respecte la norme selon laquelle il faut offrir des services sensiblement comparables aux provinces, à des niveaux de fiscalité sensiblement comparables. Il est à espérer que nous pourrons entreprendre une étude plus en profondeur du programme de péréquation. Ce matin, je ne suis pas certain que nous puissions faire autre chose que de souligner les problèmes que présente le programme dans sa forme actuelle.

J'ai encerclé une expression dans les observations de la ministre Aylward: entraver la croissance normale du programme. Il vaudrait peut-être la peine de souligner encore une fois le problème que connaît Terre-Neuve à l'heure actuelle.

Hier matin, les médecins de Terre-Neuve nous disaient qu'ils sont les médecins les moins bien payés au Canada. Ils veulent savoir pourquoi ils devraient rester. Pourquoi n'iraient-ils pas ailleurs gagner ce que d'autres médecins gagnent? Qu'est-ce qui nous attire à Terre-Neuve? Est-ce le brouillard? Est-ce le poisson? Est-ce la générosité et l'hospitalité des gens? Qu'est-ce qui nous retient à Terre-Neuve alors que nous pouvons gagner davantage ailleurs? Pourtant, 40 p. 100 du budget provincial est consacré aux soins de santé.

La dernière fois, j'ai parlé de la situation dans le domaine de l'enseignement. Il nous en a coûté l'an dernier 120 p. 100 de la moyenne nationale tout simplement pour rester où nous sommes. Cela ne veut pas dire que nos gens sont 20 p. 100 plus intelligents ou nos écoles 20 p. 100 meilleures. Cela nous coûte 20 p. 100 de plus pour maintenir ce que nous avons à l'heure actuelle face aux possibilités de changement. Là où j'habite, il y a la possibilité que Voisey's Bay, la mine de nickel la plus riche au monde, soit exploitée. Il y a le cours inférieur du fleuve Churchill, et d'autres Hibernia, White Rose, et cetera, dont on prévoit la mise en valeur future. Ces choses se concrétiseront.

La ministre a souligné la dernière fois que les gens auront des emplois, et c'est bien. Cela est vrai. La question est la suivante: Qui aura ces emplois et quels emplois auront-ils? J'ai vécu ce genre de situation. J'ai vécu au Labrador dans les années 60 pendant la construction du projet des chutes Churchill et je sais qui a eu des emplois là-bas. Certains Terre-Neuviens ont eu des emplois, mais pas de bons emplois car ils n'avaient pas les compétences. La raison pour laquelle ils n'avaient pas les compétences était le manque de scolarisation. Je ne voudrais pas que cette situation se répète, mais je commence à constater que c'est ce qui est en train d'arriver encore une fois.

Nous connaissons actuellement une situation d'émigration. Si nous n'avons pas les moyens de donner à notre population l'éducation qui lui donnera les compétences nécessaires, ce seront d'autres personnes qui obtiendront les emplois. Les emplois seront créés, l'assiette fiscale va s'élargir, mais qui paiera les impôts? Ce ne seront pas les membres de notre population, si nous ne pouvons pas assurer leur instruction. C'est le besoin critique auquel nous devons répondre. Selon moi, «entraver la croissance normale du programme» constitue actuellement un problème.

On nous a proposé des solutions qui intégreraient certains éléments et en excluraient d'autres du mécanisme. Si c'est un bon programme, et vous avez dit que ce l'est, nous devons trouver le moyen de le modifier pour le rendre efficace. Manifestement, il n'est pas efficace actuellement. Il est évident qu'il ne permet pas aux provinces bénéficiaires de maintenir les normes habituelles en matière de programmes. Cela crève les yeux.

La fois dernière, le ministre a déclaré que la péréquation n'était peut-être pas la seule solution et qu'il existait peut-être d'autres façons de faire les choses. Il n'a pas dit ce qu'étaient ces autres façons. Nous voudrons peut-être aborder cela également. Il me semble que ce matin, ce qui serait le plus utile, ce serait de préciser les besoins et de souligner la difficulté à répondre à ces besoins.

Ce n'est pas une bonne question, mais peut-être que cela vous donnera la possibilité de fournir plus de précisions sur certaines des choses que vous avez dites.

Mme Aylward: Vous avez raison lorsque vous parlez de la nécessité d'offrir les services et de disposer des compétences nécessaires pour prévenir l'exode. J'ai parlé du fait que la croissance était entravée et du retour au niveau plafond de 1999-2000. L'an dernier, le niveau s'établissait à 10,8 milliards de dollars. Ce projet de loi le ramène à 10 milliards. Nous avons déjà entravé la capacité de croître.

C'est de cela que nous parlons: Cette réduction a un impact considérable sur nous. J'ai parlé d'environ 36 millions de dollars. Par rapport à l'énorme budget fédéral, 36 millions de dollars, c'est une goutte d'eau dans l'océan. Toutefois, pour nous, cela représente des prestations de services, des journées d'enseignement, des choix que nous devons faire au cours de l'année à venir. C'est ce que ça signifie en clair.

Je n'ai pas d'excédent sur lequel je peux compter. Nous sommes ceux qui dépensent le plus par habitant en soins de santé, plus que les provinces les plus riches du pays. Pourquoi? Parce que nous avons une population de 550 000 habitants répartie sur plus de 10 000 milles d'un tracé littoral ardu et que nous essayons de protéger notre culture et notre identité. Nous n'allons pas réinstaller tout le monde dans la presqu'île Avalon ou à St. John's. La population de notre province correspond à celle de la ville de Winnipeg. Il serait plus facile d'offrir tous ces services dans un seul endroit, mais nous vivons dans de petites localités. Notre tissu culturel doit être protégé par la façon même dont nous offrons ces services, bien que cela entraîne des coûts plus élevés.

L'émigration est un autre facteur, mais elle a toujours fait partie de notre culture. Les gens disent que c'est épouvantable, mais, au cours de l'année écoulée, il y a eu moins de gens qui sont partis de la province qu'il n'y en a eu avant le moratoire sur la pêche à la morue. Il n'est pas inhabituel que les habitants de Terre-Neuve s'en aillent pour s'installer à Toronto. Pour nous, l'émigration fait partie de nos moeurs et, à vrai dire, il n'y a aucun mal à se déplacer à l'intérieur de son propre pays. C'est un bon pays. Nous devrions être fiers de faire cela.

Cette année, l'émigration a diminué, se soldant à 2 000 personnes, soit 16 000 émigrés et 14 000 immigrés. Ce chiffre porte certaines personnes à croire que 2 000 personnes ont fait leurs valises ou rempli leur camionnette pour s'exiler. En réalité, il y a du mouvement et de l'activité, et nous avons beaucoup d'espoir quant à notre croissance économique. Pour l'année à venir, notre croissance économique sera la deuxième en importance au pays. Nous faisons ce que nous pouvons et ne comptons pas uniquement sur le gouvernement fédéral. Nous ne nous contentons pas de nous croiser les bras et d'attendre que la prospérité nous arrive. Nous faisons de notre mieux, mais nous avons besoin d'un coup de main, pas d'un don de bienfaisance.

Ce programme nous permet de faire cela, s'il est bien administré. Notre avenir semble prometteur et nous avons des perspectives de croissance économique plutôt favorables. Nous avons la possibilité de croître, mais nous avons besoin d'aide pour aider l'économie à croître. La solution véritable, c'est de nous permettre de faire croître l'économie en propageant les compétences utiles, en instruisant la population et en lui fournissant des services.

Aux fins de cette réunion-ci, je me concentrerai sur le plafond, car il s'agit de la question la plus importante. En ce qui concerne la croissance, le plafond est très frustrant, parce que nous dépendons beaucoup de la péréquation. Nous pourrions parler de beaucoup d'autres composantes, telles que la norme des cinq provinces, y compris une assiette fiscale beaucoup plus grande pour déterminer les taux de péréquation.

Toutefois, pour les fins de la discussion d'aujourd'hui, je vous exhorte à vous servir de votre influence pour éliminer le plafond, si vous le pouvez. Cela a été bien accueilli lorsque le premier ministre l'a fait. C'est une chose qui est tout à fait réalisable, parce que, si l'économie se porte bien, les ressources fédérales vont croître. Si l'économie est faible, nous ne recevrons pas autant de péréquation. Le système a un mécanisme qui lui est propre. Je vous enjoins à le reconnaître et à nous permettre de lutter contre ce frein à la croissance.

Le sénateur Doody: Je m'intéresse sérieusement à la région que vous représentez. Je comprends très bien, en général, que les paiements de transfert sont importants pour la province de Terre-Neuve et du Labrador. Auriez-vous l'obligeance de me dire quel pourcentage des recettes totales de la province représentent les paiements de transfert obtenus au titre du TCSPS?

Mme Aylward: Notre budget total est d'environ 3,77 milliards de dollars. Nous recevons 1,47 milliards de dollars des paiements de péréquation et nous recevons 300 millions du TCSPS. Plus de 50 p. 100 de nos recettes sont de source provinciale.

J'ai été surprise d'apprendre cela. J'avais toujours cru que la part du lion venait du gouvernement fédéral, mais, en fait, elle provient de nos propres ressources, de notre assiette fiscale provinciale. Nous devons sérieusement faire croître notre propre économie afin de disposer d'une base de ressources qui permette d'offrir les programmes.

En ce qui concerne les programmes et les services que nous offrons, nous recevons 300 millions de dollars du TCSPS, au titre de la santé, de l'éducation et des services sociaux. Or, nous dépensons 1,4 milliard de dollars pour ces trois composantes. Nous dépensons 750 millions de dollars pour la seule instruction publique et environ 300 millions de dollars pour les programmes de ressources humaines, d'emploi et de services sociaux. Les pourcentages sont faciles à calculer.

Le sénateur Doody: Le pourcentage que représentent les paiements de transfert fédéraux est inférieur à ce qu'il a déjà été. Il y a donc amélioration du ratio. Les paiements de transfert fédéraux ont diminué.

Mme Aylward: Le gouvernement fédéral nous donne environ 43 p. 100 de notre budget. Vous avez lu les documents. Vous avez vu que nous avons fait croître notre économie. Certains secteurs particuliers, tels que la région de la capitale, St. John's, et l'est de la presqu'île Avalon, sont très dynamiques.

Nous avons eu d'énormes défis à relever depuis l'effondrement de la pêche à la morue. Les difficultés ont été nombreuses. Au moyen des centres régionaux, nous avons fait du bon travail pour revitaliser les régions rurales de Terre-Neuve. Comme vous le savez, les collectivités survivaient grâce à l'industrie de la pêche, qui n'existe plus. Cela a entraîné beaucoup de difficultés dans cette région, mais il y a quand même eu croissance économique. Notre dépendance a diminué, mais cette diminution dépend du succès que nous aurons au chapitre de la croissance économique.

Le sénateur Doody: Ces jours-ci, nous entendons beaucoup parler dans les médias de l'effet des mesures de récupération sur les paiements de péréquation en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve. Récemment, le premier ministre a porté cette problématique à l'attention du public de façon plus vigoureuse. Je me rends compte que vous préférez parler du plafond. Toutefois, avez-vous des observations à faire au sujet des dispositions de récupération, non seulement en ce qui concerne l'exploitation des gisements pétroliers, mais aussi pour des travaux tels que ceux de Voisey's Bay? Une nouvelle source de recettes telle que celle de Voisey's Bay aurait-elle un effet négatif sur vos paiements de transfert et, plus particulièrement sur la péréquation?

Mme Aylward: Tout à fait. Sur chaque dollar que nous faisons, 70 p. 100 seraient récupérés.

Le sénateur Doody: Cela se produirait-il même dans le cas d'une ressource côtière, qui appartient clairement à la province?

Mme Aylward: C'est exact. Au cours de notre histoire, le sénateur Rompkey en a d'ailleurs parlé, chaque fois que nous avons entrepris de grands travaux tels que ceux des chutes Churchill, toute l'attention a porté sur les emplois. Beaucoup des emplois ne se sont jamais concrétisés à St. John's. Toutefois, dès que l'on commence à obtenir des recettes, les mesures de récupération interviennent. Vous savez comment cela fonctionne. On nous récupère de l'argent au titre des recettes qui proviennent des ressources extracôtières. C'est pourquoi nous essayons de ramener le ratio 70-30 à un ratio plus lucratif. Évidemment, nous préférerions garder 100 p. 100.

Nous nous rendons bien compte que nous faisons partie d'une fédération généreuse, qui nous a aidés pendant une certaine période. Notre PIB est à 69 p. 100 de celui du reste du pays, et ce serait un excellent moyen de nous donner un coup de main, vu que nous avons des ressources naturelles extracôtières importantes. L'effet principal qui semble se manifester c'est: «plus nous en faisons, plus nous y perdons» en péréquation. C'est aussi simple que cela.

Le sénateur Doody: Cela ne vous encourage pas beaucoup à vous lancer dans ces travaux. Leurs valeurs pour les recettes provinciales sont considérablement diminuées par les dispositions de récupération. Le public ne se rend pas compte de cela; il croit que la province obtiendrait 100 p. 100 des recettes provenant de Voisey's Bay. Il est évident que la réalité est bien différente de cela.

Mme Aylward: À l'origine, l'Accord Atlantique prévoyait que ce serait 100 p. 100. Cela a été renégocié, et le ratio est maintenant de 70-30, et nous aimerions l'améliorer. La population, en particulier, aimerait qu'il soit amélioré.

Lorsque j'ai parlé plus tôt du programme de péréquation, j'ai dit que, pour nous, c'était un programme de stabilisation, mais qu'il peut également être dissuasif. Nous ne nous laissons pas décourager, parce que nous savons disposer de ressources importantes qui peuvent être exploitées. Nous continuerons à défendre notre cause auprès du gouvernement fédéral. Nous croyons que ce serait une excellente occasion d'aider une région qui a besoin d'aide, telle que les provinces de l'Atlantique. La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve ont le plus à gagner et, évidemment, le plus à perdre. Si cela ne fonctionne pas, c'est quand même un enjeu important pour nous, un enjeu dont nous pourrions parler toute la journée. Nous aurions beaucoup à perdre si le ratio actuel de récupération, 70-30, n'est pas modifié.

M. Neumann: Je voudrais brièvement intervenir à ce sujet. Depuis longtemps, au ministère des Finances, je m'intéresse au domaine de la péréquation, et cet argument a souvent été invoqué. D'après ce que j'ai constaté, jamais un gouvernement provincial au Canada n'a refusé des emplois ou n'a fait fi de la prospérité, de la croissance économique et des recettes fiscales qui profiteraient aux citoyens et qui sont associées à des entreprises de développement, simplement pour le plaisir de garder des paiements de péréquation. L'incitatif réel, c'est le développement économique. Je ne connais aucune situation sérieuse où on a laissé tomber une occasion simplement parce que les paiements de péréquation seraient réduits.

Il y a peut-être des situations où la péréquation donne à une province un meilleur avantage en matière de négociations qu'elle n'en aurait s'il n'y avait pas de péréquation ou si elle tenait désespérément à lancer un projet immédiatement. La péréquation confère à la province une meilleure position de négociations. Cela lui permet probablement de conclure une entente plus favorable pour ses citoyens et pour le Canada que s'il n'existait pas de péréquation. Toutefois, je ne crois pas qu'on empêche ces travaux de se réaliser à cause de la péréquation.

Le sénateur Doody: Je crois que vous avez tout à fait raison, mais c'est une chose qui méritait d'être dite.

Le sénateur Taylor: Les intervenants précédents ont très rapidement fait état de leurs liens avec Terre-Neuve; je vous dirai donc que j'ai deux petits-enfants qui sont de Terre-Neuve. Je m'intéresse donc beaucoup au système d'enseignement de Terre-Neuve.

Faut-il inclure dans les recettes des ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz et le minerai? Et il s'agit là de ventes d'actifs immobilisés. Vous ne demandez rien à l'agriculteur qui vend du loam ou qui vend son exploitation. Peut-être ne faut-il pas inclure dans la formule de péréquation le pétrole et le gaz.

Mme Aylward: Cela me convient, monsieur le sénateur. J'appuie cette idée à 100 p. 100. Je pense que vous avez raison. C'est quelque chose en fait que nous aimerions voir exclu. Toutefois, comme je le répète sans cesse, nous faisons partie d'une fédération, ce qui a eu un effet de grande stabilisation pour notre province. Nous en avons tiré de nombreux avantages, mais nous aimerions améliorer encore les choses.

Bien que je sois ici aujourd'hui pour expliquer à quel point il est injuste que le gouvernement fédéral impose un plafond aux paiements de péréquation, il faut également noter que le programme est essentiel pour des provinces telles que la mienne.

Cela dit, l'idée de ne pas tenir compte de ce genre de recettes dans le cadre du programme de péréquation nous plaît beaucoup. Nous tiendrons des discussions pour voir si c'est possible. Nous aimerions que ce soit possible, car comme je l'ai dit précédemment, cette formule permettrait une approche régionale afin de remédier à certaines iniquités de longue date. Il faudra injecter beaucoup d'argent pour créer l'infrastructure économique nécessaire pour faire progresser l'économie.

Le sénateur Taylor: Lorsque j'étais à l'Assemblée législative de l'Alberta, nous avions le même problème vis-à-vis de la péréquation, quoique sur une plus petite échelle, je le reconnais. Nous avions une fondation pour l'éducation et la santé des enfants. Le programme de péréquation s'ajoutait à cela.

Pourrions-nous faire quelque chose de semblable à l'échelle nationale? Il faut maintenir une certaine qualité au niveau de l'éducation, de la santé et des transports, or ces secteurs ne font pas partie de l'ensemble.

Mme Aylward: C'est probablement ce que nous entendons lorsque nous disons «sensiblement comparable». Nous maintenons qu'il nous est très difficile d'offrir des services sensiblement comparables vu les défis qui sont les nôtres.

Je sais qu'en Alberta, grâce à l'industrie du pétrole, on stimule l'exploration par des mesures beaucoup plus souples tout simplement pour produire les retombées économiques qui en découlent. La province a une mine d'or sous forme d'une mine de pétrole. Le point de vue est donc différent. Le processus est beaucoup moins coûteux parce qu'il est sur terre. Nous avons des ressources sur terre, mais en grande partie, elles se trouvent au fond de l'Atlantique.

Ce sont tous des aspects dont nous aimerions discuter. Le premier ministre Hamm et le premier ministre Grimes en discutent et sont également disposés à en discuter avec le gouvernement fédéral.

Le sénateur Comeau: Madame Aylward, dans votre exposé, vous avez mentionné qu'au cours de la dernière année, on a beaucoup parlé de l'augmentation des transferts au titre du TCSPS qui atteint maintenant 300 millions de dollars pour Terre-Neuve. Si j'ai bonne mémoire, il y a eu d'énormes réductions à ce titre en 1992-1993. Avez-vous fait le calcul pour déterminer si vous étiez revenus à des niveaux comparables à celui de 1992-1993?

Mme Aylward: Non, le niveau n'est pas comparable. Nous ne sommes toujours pas revenus là où nous étions. Nous avons tous vécu des réductions considérables dans nos propres provinces. Le gouvernement fédéral a fait le nécessaire. Évidemment, notre population a diminué de façon considérable et il est donc très difficile de comparer de 1990 jusqu'à maintenant, car le TCSPS est étroitement lié à la population. Toutefois, à notre avis, nous ne touchons pas autant qu'en vertu de l'ancienne formule. Et c'est la même chose pour toutes les provinces.

Le sénateur Comeau: L'émigration aggraverait encore plus la situation.

Mme Aylward: Parfaitement, puisque les paiements sont fondés sur la population.

Le sénateur Comeau: J'ai demandé aux fonctionnaires la semaine dernière si le gouvernement fédéral versait maintenant la même chose qu'en 1992-1993. Je pense qu'on m'a répondu que ce niveau serait atteint en 2002-2003. Si j'ai bien compris, c'est à l'échelle du pays et non pas par province. Parce que la formule est fondée sur la population, votre financement n'atteindra pas le même niveau qu'en 1992-1993 avant environ 2005-2006.

Mme Aylward: Oui, nous prévoyons en 2006.

Le sénateur Comeau: Ce qui m'amène à vous poser une question sur l'émigration que vous et d'autres avez mentionnée. A-t-on songé à inclure l'émigration dans la formule de péréquation? Du point de vue national, on peut considérer que l'émigration souligne un malaise dont on doit tenir compte dans les transferts aux provinces.

Mme Aylward: Oui. Nous avons été heureux d'entendre dire ce matin que le sénateur Rompkey a donné préavis de son intention de prendre la parole sur la péréquation cet automne afin de lancer la discussion. J'ai mentionné plus tôt quelques-uns des problèmes que nous anticipons vu le vieillissement de notre population et l'exode des Terre-neuviens. À cause de cela, notre population prend la forme d'un triangle inversé. Dans l'idéal, on veut beaucoup plus de jeunes pour prendre soin des plus âgés. Notre population est à l'inverse, ce qui est très inquiétant.

L'idée de considérer l'exode comme un facteur distinct nous intéresse énormément. Du point de vue régional, il devient très difficile de faire deux choses pour maintenir les services. Les nombres signifient de l'argent. Par conséquent, avec le départ des gens, vous perdez de l'argent. L'autre aspect consiste à stimuler la croissance afin d'attirer les gens à revenir dans la province. Nous avons connu certains succès dans diverses raisons, mais pas autant que nous l'aurions souhaité. Les gens partent, et en général, ce sont les personnes instruites. Nous formons des gens pour les autres provinces. On nous en félicite, mais la situation est très difficile.

M. Neumann: En ce qui concerne le TCSPS et son interaction avec la péréquation, à la page 34 du mémoire que nous vous avons fourni, on trouve un tableau qui indique, suite à l'offre du premier ministre en septembre dernier, les gains du TCSPS par rapport à l'impact possible du plafond sur les paiements de péréquation. Ce tableau révèle que si l'on n'avait pas abaissé le plafond de la péréquation alors que le TCSPS augmentait en 1999 et 2000, les provinces bénéficiant de la péréquation s'en seraient en fait mieux portées.

Il y a eu déplacement d'un programme à l'autre. Le plafond sur les paiements de péréquation entraîne une éventuelle réduction dans le droit aux paiements comparativement à ce qui aurait été le cas si le plafond n'avait pas été abaissé encore une fois en 1999. Cette diminution vient plus qu'annuler les gains du TCSPS des provinces bénéficiaires. Ce sont les provinces les plus riches qui ont profité des 4,5 milliards de dollars supplémentaires au titre du TCSPS et des paiements de péréquation en 1999 et 2000. C'est un résultat inique et imprévu, mais si le plafond de 1999 a une incidence aussi forte que nous le prévoyons, c'est exactement ce qui va se produire.

Le sénateur Comeau: J'aimerais revenir à la question de l'exode. Nous avons bien hâte d'entendre les commentaires du sénateur Rompkey cet après-midi et nous nous attendons à ce que cela suscite beaucoup plus qu'une simple discussion au Sénat. En fait, je pense que le sénateur Rompkey a l'intention de demander que ce comité entreprenne une étude approfondie des paiements de péréquation.

Revenons à l'exode et à la formule. À mon avis, les provinces qui voient diminuer leur population contribuent en fait à renforcer le Canada puisque nous enseignons, nous transmettons des connaissances à nos jeunes, nous les préparons à s'installer dans d'autres provinces. En fait, est-ce que cela ne devrait pas également faire partie de la formule, que les provinces bénéficiaires contribuent, à leur façon, à la création de la nation?

Mme Aylward: Très franchement, je n'en suis pas convaincue. L'exode des populations fait partie de la culture de ce pays. Il ne faut pas pénaliser les gens qui déménagent au sein de leur propre province ou à l'intérieur du pays; nous ne sommes pas condamnés aux mines de sel, si on peut dire. Ce n'est d'ailleurs pas nécessairement mauvais, parce que lorsque les gens reviennent, ils le font avec une vision tout à fait différente, et après avoir acquis de l'expérience.

C'est la même chose que de déménager de Terre-Neuve en Colombie-Britannique et ne pas pouvoir se prévaloir des services là-bas pendant trois mois. Nous savons ce qu'il en est de la règle de résidence. Le gouvernement fédéral a pénalisé la province en disant: «Non, vous ne pouvez pas traiter les gens comme ça.» Je ne pense pas que j'irais aussi loin. Je suis plutôt intéressée, et j'encourage mes collègues à faire de même, à la croissance de notre économie plutôt qu'à l'idée de pénaliser nos provinces soeurs parce qu'elles tirent parti de la situation.

J'aime voir des habitants des autres provinces venir à Terre-Neuve et nous amener leurs connaissances. Il nous faut trouver une façon de le faire qui ne soit pas trop insulaire. Nous avons besoin de promouvoir la croissance de l'économie, de rendre cela intéressant, pour que le gens restent et que les gens reviennent. Il ne faut pas pénaliser les citoyens parce qu'ils veulent explorer d'autres provinces et y vivre.

Le sénateur Comeau: Récemment, le premier ministre Hamm a parlé d'une campagne d'équité. Il s'est rendu dans plusieurs provinces et il est venu à Ottawa pour rencontrer des parlementaires. Plusieurs députés de la Chambre des communes ont dit que le premier ministre Hamm avait tort, que son problème, c'est la dette de la Nouvelle-Écosse. On a dit que c'était le boulet au pied de la Nouvelle-Écosse, que le problème ce ne sont pas les paiements de péréquation, que ce sont les provinces qui sont le problème. Voilà ce que disent nos propres députés de la région de l'Atlantique.

Y a-t-il espoir de faire avancer ce dossier si nos propres députés de la région de l'Atlantique affirment que le problème c'est la province et non pas les paiements de péréquation, ce qui évidemment exclut également le plafond?

Mme Aylward: Le plafond fait partie du problème et, encore une fois, voilà pourquoi je suis ici aujourd'hui, pour parler tout particulièrement du plafond. Je n'ai pas entendu les propos des députés, mais je dois reconnaître que le programme de péréquation est une épée à double tranchant. C'est un excellent programme de stabilisation, mais en même temps, c'est un désincitatif et c'est de ce point de vue que parlaient et le premier ministre Grimes et le premier ministre Hamm. En effet, si une province veut exploiter une ressource tout en sachant qu'elle perdra 70 cents de chaque dollar, c'est dissuasif et à ce moment-là il faut effectivement se demander si ça vaut la peine. Comme l'a dit mon collègue du Manitoba, il faut toujours essayer de stimuler la croissance de l'économie et de créer des emplois, mais cela ne suffit plus.

Quand on n'a que 69 p. 100 du PIB du pays, après avoir suivi cette formule pendant des années, ce n'est plus suffisant. Il faut trouver une autre façon de procéder. Cela m'inquiète d'entendre les gens dire que c'est une forme d'aide sociale. Les gens préfèrent ne pas recevoir de paiements de péréquation. Nous aimerions bien avoir le même problème que l'Alberta. Nous aimerions tenir des élections pour tenter de trouver une façon de dépenser notre argent, et nous espérons vivre assez longtemps pour être dans cette situation. Personne ne veut être où nous sommes maintenant. Je n'ai pas entendu la petitesse d'esprit dont vous parlez. Quiconque parle à nos citoyens, apprend à les connaître au niveau culturel, saurait que nous sommes très intéressés à stimuler notre propre économie. Personne ne veut être en situation de dépendance. Nous voulons pouvoir contribuer. Nous contribuons par notre population et notre culture et par les autres contributions que nous faisons.

C'est un peu inquiétant d'entendre cela, je dois le reconnaître, mais je pense que dans l'ensemble, la plupart comprennent que nous allons faire tout ce que nous pouvons pour éviter la récupération fiscale des redevances sur les ressources. Nous avons besoin de cet argent si nous voulons vraiment changer le Canada atlantique.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Je suis entièrement d'accord avec votre proposition. J'ai d'ailleurs lu la déclaration de presse du sénateur Rompkey et je partage son point de vue.

J'ai cru comprendre que le programme de péréquation actuel ne va pas suffisamment loin pour permettre de remplir le mandat d'un programme qui assure aux services publics un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparable.

Tout d'abord, vous semblez être d'accord avec l'élimination du plafond des paiements de péréquation pour 1999 et 2000. Seriez-vous favorable à l'idée d'éliminer ce plafond et de remettre tous les programmes de péréquation en cause afin de vraiment établir vos besoins?

Deuxièmement, avez-vous eu la chance de discuter du problème que vous soulevez à la réunion du Conseil des ministres? Enfin, à quand remonte votre dernière réunion avec les ministres des autres provinces? Vos préoccupations étaient-elles partagées par les provinces qui sont dans la même situation que vous?

[Traduction]

Mme Aylward: Vous avez de nombreuses questions.

Il y a eu de nombreuses discussions sur les paiements de péréquation au fil des ans. Il y a de nombreux aspects que nous aimerions modifier. Évidemment, il y a le plafond. Si celui-ci disparaissait, l'économie déterminerait les taux de péréquation. Lorsque l'économie est robuste, les paiements de péréquation seraient plus élevés, mais le gouvernement fédéral serait en meilleure posture pour les verser. Évidemment, il en sera de même du contraire. Voilà un point de vue.

Qu'aimerions-nous voir comme changements? Nous aimerions qu'on tienne compte dans le calcul de la moyenne de la situation dans les 10 provinces. Comme vous le savez, la situation de l'Alberta n'est pas prise en compte dans l'établissement de la norme des cinq provinces. Si c'était le cas, cela ferait une différence compte tenu de l'énorme assiette fiscale de l'Alberta. On a qu'à voir l'incidence des réductions d'impôt qui ont été accordées en Colombie-Britannique. Ces réductions auront un impact sur nous. Il faut examiner la moyenne. Tous les impôts ne sont pas pris en compte dans l'établissement de la formule. Les paiements de péréquation sont établis en fonction de 33 impôts. Voilà une chose que nous aimerions voir changer.

Vos collègues ont aussi soulevé la question de la récupération des redevances sur l'exploitation des ressources au large des côtes. Cette récupération équivaut à 70 cents par dollar. Nous aimerions que la formule actuelle soit modifiée. Si la motion que compte présenter le sénateur Rompkey est adoptée, nous aurons l'occasion d'examiner cette question.

Je répète que le programme des paiements de péréquation est un bon programme. Il ne s'agit pas de l'éliminer, mais de l'améliorer. Voilà notre intention.

C'est la conclusion à laquelle j'ai abouti après avoir occupé diverses fonctions. J'ai représenté Terre-Neuve lors des négociations portant sur l'entente cadre sur l'union sociale. J'ai été ministre de la Santé, ministre du Logement et des Affaires sociales et, plus récemment, ministre des Finances. Je n'aime pas toujours ce que disent mes collègues des provinces. Certaines provinces ne semblent pas aussi favorables que d'autres au concept des paiements de péréquation et au principe qui le sous-tendent. Éliminer le programme pour repartir à zéro reviendrait à éliminer la Loi canadienne sur la santé pour repartir de zéro. Je n'aime pas beaucoup cette idée. Je craindrais le résultat auquel nous pourrions aboutir. À mon sens, il convient de tirer parti des points forts du programme de péréquation et de remédier à ses lacunes. Voilà ce sur quoi nous devrions faire porter nos efforts. Voilà donc ma perspective là-dessus.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Lors des conseils de ministres, avez-vous exposé au ministre des Finances, M. Paul Martin, vos préoccupations? Avez-vous parlé du plafond et de la péréquation? Est-ce que vous vous rencontrerez annuellement et à quand remonte votre dernière réunion?

[Traduction]

Mme Aylward: Oui. Nous nous rencontrons à l'échelle régionale. Les ministres de l'Atlantique ont rencontré le ministre Martin et nous lui avons clairement fait part de nos préoccupations. Comme nous sommes quatre des provinces bénéficiaires, nous pensons avoir des arguments très convaincants.

Nous nous retrouvons malheureusement dans une situation difficile en ce qui touche le projet de loi C-18. Les premiers ministres ont aussi discuté de la question. Les ministres des Finances se réunissent demain à Montréal et ils aborderont de nouveau la question. C'est une question à laquelle nous attachons beaucoup d'importance.

Un ministre des Finances doit évidemment veiller à ce que l'argent dont il dispose corresponde aux services qu'il doit offrir. Lorsque nous présentons chaque année un budget, il repose sur les ressources financières sur lesquelles nous comptons. Le plafond qui est imposé signifie que nous recevons moins d'argent. Notre province, pour sa part, devra faire des choix difficiles.

Le sénateur Ferretti Barth: Au sujet de la présentation qui sera faite à Montréal, pourquoi n'avez-vous pas insisté lors de votre dernière rencontre avec le ministre des Finances que toutes les provinces...

[Français]

Il faudrait que vous insistiez auprès du ministre pour qu'il prenne en considération votre situation particulière. Je me demande pourquoi vous avez attendu aussi longtemps.

[Traduction]

Mme Aylward: Je ne me suis peut-être pas très bien fait comprendre. Nous n'avons pas attendu trop longtemps. Nous parlons des conséquences de ce plafond depuis des mois. J'ai rencontré le ministre Martin en privé. Mes collègues l'ont également rencontré. Nous lui avons fait part de notre position. Je ne sais pas si je dois cogner sur cette table pour vous en convaincre, mais je peux vous assurer que nous lui avons clairement communiqué nos préoccupations.

Le sénateur Tunney: Vous ne devez pas nous ménager. Permettez-moi de vous raconter une petite histoire. La police a déjà arrêté Joey Smallwood pour excès de vitesse. Lorsque le policier s'est approché du véhicule et vu qui le conduisait il a dit: «Oh, mon Dieu» Joey lui a répondu: «Vous l'avez dit, et ne l'oubliez pas.»

Je viens de l'Ontario et je suis agriculteur. Vous vous attendez à ce que l'agriculture prenne beaucoup d'ampleur dans votre province, pas seulement dans le domaine de la production, mais aussi de la transformation?

J'aimerais savoir si votre PIB augmente et dans quelle proportion. Comptez-vous que la province ou les ressources au large des côtes connaissent un développement économique ou industriel et quelle en sera la nature?

Mme Aylward: L'industrie agricole est relativement petite, mais en plein essor. Comme pour les autres industries, nous mettons l'accent sur la transformation secondaire.

La province compte deux régions qui sont essentiellement des régions agricoles. Il y a une région agricole sur la côte Est, et une petite région agricole sur la côte Ouest également. Je ne dirais pas que l'agriculture est l'une de nos industries les plus florissantes, mais elle se porte assez bien et prend de l'ampleur. Nous aimerions avoir davantage d'argent à investir dans le domaine agricole, mais nous avons clairement dit que les soins de santé constitueraient notre priorité.

Pour cette seule année, nous avons investi 50 millions de dollars de plus dans le domaine des soins de santé, ce qui porte notre budget à ce chapitre à 1,4 milliard de dollars. Quand il faut investir une somme pareille, il faut faire des choix. Vous savez ce que c'est; on ne peut pas investir dans tous les domaines. Nous avons choisi d'investir 50 millions de dollars de plus dans notre budget de soins de santé. Nous n'avons pas congédié d'enseignants, même si le nombre d'inscriptions diminue.

Nous avons mis sur pied un programme d'infrastructure destiné aux régions rurales pour aider les municipalités à améliorer leurs services d'aqueduc et d'égout, et en particulier, leur infrastructure. Voilà les trois principales priorités que nous nous sommes fixées dans le budget.

Nous avons un ministère de l'Agriculture. Nous considérons l'agriculture comme un élément important de notre croissance économique, mais je dois admettre qu'il ne s'agit pas de l'une de nos principales industries.

Notre PIB croît. Cette année, notre PIB est censé croître de 3 p. 100. Notre croissance est plus modérée que ce que suggèrent les indicateurs externes, mais notre PIB croît. L'an prochain, lorsque les gisements Whitehorse et Terra Nova seront en phase de production, le PIB croîtra d'environ 4 p. 100. Le PIB demeurera ensuite stable pendant quelques années et se situera à 5 p. 100. Comme je dis toujours, nous vivons dans l'espoir, de crainte de mourir dans le désespoir.

Pour ce qui est de notre développement économique et industriel, les industries les plus prometteuses sont celles de l'écotourisme et des technologies de l'information. Notre petite industrie des technologies de l'information a pris beaucoup d'ampleur. Cette jeune industrie est vigoureuse, ce qui montre qu'on peut travailler n'importe où dans le monde grâce aux technologies de l'information.

Notre industrie du tourisme a pris son envol. Sa taille a augmenté de 30 p. 100 au cours des cinq dernières années. D'importants événements ont été organisés dans la province pour concurrencer d'autres provinces comme les festivités soulignant l'arrivée de Jean Cabot, la Soirée et le festival soulignant le débarquement des Vikings. Cette année, nous soulignerons l'invention par Marconi des communications sans fil.

Notre ministère de l'Industrie, du Commerce et du Développement rural cherche à tirer parti des retombées industrielles, à stimuler l'industrie cinématographique et à appuyer la croissance industrielle et économique locale. Voilà où nous avons fait porter nos efforts dans le domaine de l'industrie.

Nous connaissons du succès dans certains domaines et dans d'autres, nous devons nous améliorer. Notre PIB augmente et tout ce que nous pouvons espérer, c'est que cette tendance se poursuive.

Le sénateur Tunney: Ce sont de bonnes nouvelles.

Le sénateur Robertson: Je comprends mal. Je suis heureuse que le sénateur Rompkey ait fait part de cette motion à la Chambre pour que nous puissions étudier la question plus en détail. Il faudra prier pour que quelqu'un nous écoute. Bon nombre d'entre nous participent à ces discussions depuis très longtemps à divers titres.

Je crois comprendre que vous voulez que l'industrie des ressources soit exclue du calcul du plafond. J'espère que les provinces qui parviennent à améliorer leur sort jouiront d'une exclusion parce que bien que ma province ne compte pas d'importantes ressources gazières et pétrolières, elle a d'autres ressources et nous aimerions également que les revenus tirés de l'exploitation de ces ressources soient exclus du calcul du plafond.

Je dois préciser que je ne suis pas de ce comité, mais s'il étudie cette question, je participerai peut-être à ses travaux.

L'un des témoins a mentionné que lors d'une des nombreuses réunions auxquelles participait le ministre des Finances ou le premier ministre, on vous a assurés que le plafond disparaîtrait. Cette assurance vous a-t-elle été donnée pour une seule année? Je ne comprends pas ce qu'il en est.

M. Neumann: Le premier ministre a offert de supprimer le plafond pour l'année financière 1999-2000; on devait ensuite revenir à la formule qui tient compte de la croissance du PIB.

Au ministère fédéral des Finances, on en a déduit que l'on reviendrait à lancer une formule par la suite et que le plafond serait réduit. Ce n'était pas l'interprétation des premiers ministres lors de la réunion des premiers ministres. Je pense pouvoir parler au nom de la plupart d'entre eux. Je leur ai parlé de la question et c'est le consensus qui semblait s'en dégager.

Un peu plus tôt, il a été question des discussions qui ont eu lieu. Nous n'avons pas pu débattre aussi vigoureusement de la question avec le gouvernement fédéral ces derniers temps parce que M. Martin se montre réticent à rencontrer ensemble les ministres des Finances provinciaux et territoriaux. Des réunions régionales ainsi que des réunions particulières ont eu lieu, mais il n'y a pas eu de réunions des ministres des Finances fédéral-provinciaux et territoriaux depuis décembre 1999.

Nous avons clairement présenté notre position lors d'une réunion provinciale-territoriale et nous avons été heureux de constater que les premiers ministres Harris, Klein et ceux de la Colombie-Britannique se sont joints aux provinces bénéficiaires des paiements de péréquation pour demander l'élimination du plafond. Nous avons obtenu gain de cause en 2000 lorsque le premier ministre a pris son engagement, mais il est malheureux que cet engagement n'ait pas été clair.

Nous avons encore du chemin à faire. Nous pensons que le gouvernement fédéral envisagera de nouveau l'élimination du plafond. Nous espérons que le gouvernement éliminera le plafond, ou qu'il le modifiera lorsqu'il verra quel en sera l'impact. L'engagement pris par le premier ministre ne peut pas être interprété comme signifiant que nous avons droit à des paiements de péréquation de 10,8 milliards de dollars ou peut-être un peu plus pour 1999-2000 et ensuite moins pour 2001. Nous avions compris que ces paiements seraient rajustés en fonction de la croissance du PIB, ce qui correspondrait à environ 8 p. 100 pour cette année-là. Voilà la situation à l'heure actuelle.

Le sénateur Robertson: Je vous remercie pour ces précisions. Les autres sénateurs avaient peut-être compris tout cela, mais pas moi. J'ai entendu votre premier ministre et d'autres premiers ministres s'exprimer sur la question, mais ce n'était jamais très clair.

Le fait qu'on propose d'éliminer la plafond montre que certaines provinces font preuve de générosité, et en particulier l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Cela montre qu'elles s'intéressent au sort du reste du pays. Je conviens avec les ministres que tant que le plafond demeurera, il sera difficile à certaines provinces d'améliorer leur sort.

Ceux d'entre vous qui viennent d'autres provinces ont des réserves au sujet de ce que certains appellent des paiements d'aide sociale. Fort heureusement, ce n'est pas la position de vos premiers ministres. Il faudrait dire aux bénéficiaires d'aide sociale qu'ils conserveront de 20 à 30 p. 100 de ce qu'ils reçoivent s'ils travaillent et qu'ils perdront leur aide sociale autrement. Il est difficile de se priver d'aide sociale si l'on ne peut pas conserver pendant un certain temps l'argent qu'on gagne pour pouvoir améliorer son niveau de vie et pour pouvoir reprendre son élan. Nous faisons des progrès, mais ces progrès seront limités à moins que nous ne parvenions à régler cette question. On ne peut pas continuer à entraver nos efforts. La situation dure depuis trop longtemps.

J'espère bien que la proposition et la motion du sénateur Rompkey seront étudiées sérieusement. Sinon, certains d'entre nous qui viennent de ces provinces ne vont pas bien dormir. Il se passe de bonnes choses dans ces provinces et nous pouvons nous en sortir. Quand nous sommes entrés dans la Confédération, nous étions la région la plus riche du pays, et nous le redeviendrons au bout d'un certain nombre d'années, mais moyennant un peu plus de coopération.

La péréquation est un bon programme, mais nous avons besoin de l'appui de nos collègues de la Chambre des communes. Je suis choquée de constater que les députés ne sont pas de notre côté. Le ministre est venu la semaine dernière, et je tiens à lire ses excuses pour n'avoir pas voulu aller de l'avant sur ce point. Je suis désolée d'être un peu amère, monsieur le président, mais c'est une chose qui se répète tellement.

Le sénateur Banks: Sénateur Robertson, je ne sais pas si vous avez entendu des remarques hargneuses de la part de l'Ontario, de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique, mais ce ne sont en tout cas certainement pas des remarques qui ont été formulées par quelqu'un qui comprend le Canada, car voici comment il fonctionne.

La seule province du Canada qui n'a pas bénéficié jusqu'à présent des paiements de péréquation, c'est l'Ontario. Toutes les autres provinces, y compris la mienne, ont reçu des paiements de péréquation. Nous savons que nous avons été des deux côtés de la barrière.

Madame la ministre, pourriez-vous nous confirmer quelque chose que le sénateur Doody a demandé et que je n'ai pas compris. La récupération dont vous faites l'objet est la même que pour vos ressources terrestres que vos ressources en mer?

Mme Aylward: Non. Le taux pour les ressources en mer est de 70 cents par dollar. Pour les ressources terrestres, le taux correspond à un mélange. Nous ne savons pas à combien il se monte. J'imagine que c'est 33 p. 100.

M. Neumann: Cela dépend de l'origine des recettes.

Le sénateur Banks: Dans le cas de Voisey's Bay, par exemple?

Le sénateur Doody: Les recettes proviennent de redevances ou de taxes?

M. Rompkey: Il y a un mélange des deux - 80 p. 100 de chaque dollar provenant de Voisey's Bay.

Le sénateur Banks: J'espère bien, sénateur Rompkey, car les deux semblent inextricablement liés. Connaissant le développement de l'Alberta au début des années 60, je peux vous assurer que les deux sont étroitement liés. J'espère que votre motion prendra en compte les récupérations, car les deux renvoient l'un à l'autre en quelque sorte.

Messieurs, j'ai l'impression que c'est à moi de poser la question impertinente. Si l'on impose un plafond et un plancher pour les paiements de péréquation, c'est pour tenir compte des fluctuations brutales qui se produisent parfois et qui se sont notamment produites ces dernières années dans le cas des recettes du pétrole et du gaz. Il n'y a pas si longtemps, les recettes du pétrole et du gaz n'étaient guère au-dessus des 9 $ que vous recevez actuellement, à quelques cents près. Ces recettes pétrolières et gazières ne resteront pas indéfiniment dans la gamme des 30 $, parce qu'un jour ou l'autre elles vont diminuer.

Ma question est triple: si vous êtes en faveur de la suppression du plafond, qui constitue en quelque sorte un paramètre de sécurité dans la détermination des paiements de péréquation, êtes-vous aussi en faveur de la suppression du plancher? Si oui, êtes-vous d'accord pour que l'Alberta soit incluse dans le calcul des paiements de transfert? Êtes-vous aussi favorable à l'inclusion de l'autre province à l'autre extrême, qui est elle aussi, pour l'instant, exclue des calculs? Si vous êtes en faveur d'écarter les recettes pétrolières et gazières dans le cas de la récupération, seriez-vous d'accord aussi pour écarter les recettes gazières et pétrolières des calculs pour l'Alberta, si on devait prendre en compte cette province?

Ma dernière question est une demande: actuellement, on tient compte de 33 éléments pour calculer la péréquation. Il nous sera utile d'avoir ces informations à l'avance. Je ne sais absolument pas quels sont ces éléments, et cela nous serait très utile pour l'étude que nous allons entreprendre à l'automne. Allons-nous avoir vos suggestions d'éléments qui pourraient être ajoutés à ces 33 éléments pour le calcul?

Mme Aylward: Je ne trouve pas vos questions impertinentes. Nous avons dû avoir des parlements différents à une époque.

Le sénateur Banks: Au Sénat, on considérerait ces questions comme impertinentes.

Mme Aylward: Quand vous parlez de plancher, de plafond et de fluctuations, le pétrole et le gaz sont de bons exemples. Nous savons tous que pour l'instant on ne tient pas compte des recettes pétrolières et gazières des pipelines de l'Alberta. Cela atténue le facteur de fluctuation de ces recettes. Est-ce que je souhaiterais qu'on les inclue? Certainement: ce que l'on veut, c'est tout avoir, le bon et le mauvais, pour les 10 provinces.

Je n'irai pas par quatre chemins au sujet du plancher. J'aimerais bien le conserver, car c'est moi qui administre les services - les soins de santé, les urgences au quotidien, le comptage des drains thoraciques, les chirurgies cardiaques, et nous avons besoin de sécurité pour cela. C'est là l'essence même du Canada et de notre Constitution. Je n'hésite absolument pas à le dire. Vous allez peut-être me dire que nous voulons jouer sur tous les tableaux, mais je préfère dire que nous nous comportons en Canadiens, fiers de notre programme et confiants dans la bonne exécution des services. Cela ne me dérange absolument pas.

Sénateur, vous m'avez demandé quels autres programmes nous souhaiterions inclure. Nous avons demandé à inclure d'autres recettes fiscales dans ces 33 éléments, et je suis certaine que chaque province soumettra sa propre liste pour que nous ayons une vision beaucoup plus équitable de ces taxes.

L'essentiel, c'est que le sénateur Rompkey a eu l'idée brillante de mettre la question sur le tapis. C'est une question importante pour nous. La péréquation est un mot omniprésent à Terre-Neuve. Elle est importante pour le développement économique, pour nos redevances et nos recettes, même si nous perdons 70 cents sur chaque dollar, un pourcentage que nous aimerions bien inverser. Nous aimerions bien conserver les 70 cents et n'en renvoyer que 30. Dans un bon esprit de partenariat, nous accepterions cela. Naturellement, nous préférions tout garder, et exclure ces recettes complètement de la formule.

Il est important que la question ait été mise sur le tapis pour nous permettre d'avoir un débat franc et ouvert et de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il faut reconnaître que c'est un programme qui a de bons aspects et que ce n'est pas un programme de bien-être social. Je n'admets absolument pas qu'on dise une chose pareille. Les gens qui le disent sont mal informés ou n'ont peut-être pas fait l'expérience des deux volets de la question. Nous espérons bien qu'à l'avenir nous serons de l'autre côté de la péréquation.

Je dois aussi dire que l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario ne se comportent pas bien. Elles ne sont ni meilleures ni pires que les sept autres et les trois territoires. Nous contribuons tous à la caisse commune, même Terre-Neuve. Nous recevons plus que ces provinces par habitant, parce que nous en avons besoin maintenant. Mais ce que nous voulons, c'est de pouvoir lever les bras, pas tendre la main.

J'attends avec impatience notre discussion sur nos besoins. Nous allons nous battre d'arrache-pied sur la question des recettes des ressources et de la récupération, car c'est important pour nous. Nous voulons sortir du régime de la péréquation, et nous voulons que notre économie croisse. Les gens parlent du modèle irlandais qu'ils aimeraient bien adopter pour un certain temps. Il y a toutes sortes de façon de voir l'avenir, et nous sommes prêts à en discuter.

Le sénateur Banks: J'ai posé cette question sur l'inclusion de la récupération car, comme nous l'a rappelé le sénateur Comeau, à l'époque où l'Alberta était une province non nantie qui était en transition et qui essayait de diversifier son économie, toutes ces recettes restaient intégralement en Alberta, sauf à partir du moment où il s'est agi d'en exporter une partie.

Le président: Pourquoi parle-t-on de «récupération»?

Mme Aylward: En général, quand vous gagnez un dollar, vous gardez ce dollar. Quand vous avez l'impression d'avoir mérité quelque chose, vous le gardez et vous le dépensez comme bon vous semble. Le terme «récupération» vient du fait que vous gagnez ce dollar, mais qu'on en dépense 70 p. 100 automatiquement, sans vous demander votre avis.

Le sénateur Doody: Cela vient des accords sur le pétrole et le gaz au large des côtes qui ont été signés avec le gouvernement du Canada: l'Accord Atlantique. La cour a tranché en faveur du gouvernement provincial et le gouvernement fédéral a conclu un accord, d'abord avec Terre-Neuve, et ensuite avec la Nouvelle-Écosse.

M. Neumann: Je vais prolonger la question que posait le sénateur Banks à propos des fluctuations brutales de la péréquation, qui a progressé de 33 p. 100 depuis 1993-1994. Le ministre ou ses représentants y ont fait allusion quand la question a été étudiée par le comité de la Chambre des communes.

Cette croissance de 33 p. 100 depuis 1993-1994 peut se comparer à une croissance des recettes fédérales de 53 p. 100 au cours de la même période, et à une croissance moyenne de 43 p. 100 des recettes provinciales. Nous avons toujours considéré que la péréquation augmenterait parallèlement à l'économie et à la progression des autres provinces, et aussi qu'elle augmenterait parallèlement à la croissance des recettes fédérales. Si nous faisons un recul historique, nous constatons que cela a effectivement été le cas.

Pour ce qui est de supprimer le plancher, notre province a dit qu'elle était prête à accepter qu'on supprime le plancher à condition de supprimer le plafond. Nous serions prêts à consentir à ce compromis, mais nous sommes toujours bien conscients du fait que d'autres provinces bénéficiaires ne partagent pas nécessairement cet avis. Nous sommes prêts à écouter leurs arguments et à nous laisser éventuellement convaincre. Nous voulons avoir une norme pour les 10 provinces.

Pour ce qui est de retirer le pétrole et le gaz, nous estimons que le programme de péréquation devrait inclure toutes les sources de recettes. On pourrait examiner les autres sources de recettes dont parlait Mme Aylward pour veiller à ce que le programme soit pleinement représentatif et pour pouvoir garantir des services sensiblement comparables à des taux de fiscalité sensiblement comparables.

Le sénateur Banks: Tous les Albertains espèrent sincèrement que chacune des provinces passera bientôt du bon côté de la barrière et qu'il sera ainsi possible de supprimer la péréquation. Tout le monde est en faveur de la péréquation.

Le sénateur Bolduc: J'aimerais mentionner officiellement certaines statistiques sur la mise en oeuvre du budget du Manitoba de 2001. Premièrement, en 1961, les gouvernements fédéral et provinciaux assumaient chacun la moitié des dépenses de programme totales des gouvernements. En 2000, le gouvernement fédéral en couvrait 30 p. 100 alors que 70 p. 100 venaient des provinces, comme on le voit dans le premier tableau.

Dans le deuxième tableau que j'ai ici, on présente le transfert en espèces en fonction des recettes des gouvernements provinciaux et territoriaux. En 1980, le transfert fiscal fédéral était de 23 ou 24 p. 100. Actuellement, il est tombé à environ 15 p. 100.

Le troisième tableau montre les dépenses du gouvernement fédéral en pourcentage du PIB. Dans les années 50, c'était environ 12 p. 100. Vous vous en souvenez très bien car c'était avant la grande loi sur l'État providence. En 1960, une année plus normale, ce pourcentage était de l'ordre de 17 p. 100, et il est maintenant de 10 p. 100.

On constate que le rôle d'appui aux programmes publics et d'exécution des programmes publics du gouvernement fédéral diminue, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation, dans le contexte des transferts et de la péréquation. En revanche, le gouvernement fédéral a abandonné quelques points d'impôt. Il a aussi accumulé une énorme dette, comme nous le savons. Nous avons donc d'un côté ces trois tendances et de l'autre ces deux tendances qui se contredisent un peu. Le gouvernement fédéral se sert de ces arguments pour contrer ceux des provinces.

On peut conclure de tout cela que le programme du gouvernement fédéral s'est développé au cours des dernières années. Autrement dit, d'un côté la vieille formule de péréquation et de transfert monétaire perd du terrain. Les gouvernements provinciaux ont les plus lourdes responsabilités en matière de santé et d'éducation, alors que le gouvernement fédéral développe son programme parallèlement, de sorte qu'au cours des six ou sept dernières années de prospérité dans toute l'Amérique du Nord, le rapport de la dette fédérale au PIB a diminué seulement de 3,6 p. 100.

Par conséquent, le gouvernement fédéral a dépensé beaucoup d'argent en dehors des secteurs dont nous parlons, mais ce n'est pas vraiment en dehors. Il y a d'une part la tendance que j'ai expliquée, et il y a d'autre part plusieurs programmes budgétaires spéciaux du gouvernement fédéral dans divers domaines, y compris la santé. Nous n'en parlons pas, mais tous les jours je vois des communiqués annonçant que le ministre de la Santé donne des fonds pour divers projets. Cela me préoccupe beaucoup, parce que lorsque le gouvernement fédéral agit ainsi pour une foule de programmes, cela coûte très cher.

Nous voyons que la tendance générale des années 60 et des années 70 a changé et que le gouvernement fédéral intervient de façon spécifique dans divers programmes ici et là. Cela signifie que le gouvernement fédéral croit que le système en vigueur dans les années 60 et dans les années 70 ne vaut plus. Le gouvernement préfère intervenir directement, il préfère décider lui-même de ce que doivent être les nouvelles priorités pour le Canada, au lieu d'attendre que ces priorités soient établies par les provinces dans leur propre domaine de compétences. Cela me dérange beaucoup.

Les deux distingués représentants des provinces pourraient peut-être dire quelques mots au sujet de mes observations? Je ne suis peut-être pas tout à fait impartial, mais j'essaie d'être raisonnable.

Je mentionne en passant que le programme de péréquation représente 1 p. 100 du PIB du Canada. Ce n'est pas la fin du monde.

Le président: La ministre veut peut-être faire des observations. Le haut fonctionnaire décidera peut-être d'être plus discret.

Mme Aylward: Il est certain que nous aimerions avoir plus d'argent. Cependant, Terre-Neuve voit certaines de ces choses d'un oeil un peu différent. Mons collègue du Québec dirait qu'il ne veut pas de la participation du gouvernement fédéral, que ce sont ses programmes et qu'il devrait recevoir l'argent, tout en ayant le droit d'agir à sa guise. À Terre-Neuve, nous traitons d'une manière beaucoup plus coopérative avec le gouvernement fédéral. Nous ne pensons pas qu'il se décharge ainsi de ses responsabilités. Nous utilisons souvent son intervention pour améliorer les choses. Nous utilisons les installations et les programmes du gouvernement fédéral pour élargir les nôtres.

C'est peut-être un avantage d'être une petite province très unie. Je vais prendre comme exemple la prestation nationale pour enfants, un programme national pour enfants, un programme récemment mis en oeuvre par le gouvernement fédéral. Je présidais la conférence des ministres provinciaux lorsque nous avons conclu cette entente. L'un des meilleurs éléments du programme est que chaque province a la latitude nécessaire pour consacrer cet argent au programme de son choix. Nous en avons profité pour renforcer nos propres programmes, dont certains étaient des programmes fédéraux et d'autres des programmes de développement communautaire qui étaient très efficaces dans une province comme la nôtre.

J'ai entendu certains de mes collègues de l'Ontario dire qu'ils sont dégoûtés par certaines des choses que fait le gouvernement fédéral. Ce n'est pas ce que nous pensons. Nous profitons des installations et des ressources à notre disposition.

Je pense que le sénateur Rompkey et le sénateur Doody conviendront que notre province est suffisamment petite pour apprécier grandement les infrastructures supplémentaires. Nous n'aimons pas l'idée que le gouvernement fédéral lance un programme de trois ans et qu'il retire ensuite sa contribution financière, mais la latitude qu'on laisse aux provinces de décider dans quels programmes elles investiront l'argent est une très bonne façon de tabler sur le fédéralisme.

Nous ne sommes pas d'accord au sujet de tous les programmes, et nous aimerions avoir plus d'argent, comme je l'ai déjà dit à maintes reprises. Cependant, même avec la dévolution dans le secteur du logement, nous sommes heureux de voir que le gouvernement fédéral veut s'occuper à nouveau des questions de logement à l'échelle nationale. C'est très important. Nous avons hâte de travailler avec le gouvernement fédéral dans ce domaine. Nous espérons qu'il n'oubliera pas que le Canada s'étend jusqu'à Terre-Neuve, qu'il ne finit pas à Halifax. C'est notre défi.

J'aime la nouvelle façon de procéder, dans laquelle on nous donne l'argent en nous faisant confiance pour ce qui est de décider de son utilisation. Nous voulons seulement nous assurer que l'argent continuera de venir, en particulier en ce qui concerne le programme de prestation nationale pour enfants, qui est maintenant inséré, je le sais, dans le TCSPS. Le Québec ne serait pas d'accord avec moi; l'Ontario ne serait pas d'accord non plus, mais c'est ainsi que nous voyons les choses.

Le sénateur Bolduc: Puis-je signaler, monsieur le président, que j'ai oublié un aspect très important, quand j'ai parlé tout à l'heure de ce processus dans lequel le gouvernement cède un peu du transfert en espèces et des paiements de péréquation, qui peuvent être consacrés à divers autres programmes. L'aspect qui me dérange également, c'est que les provinces qu'on dit moins bien nanties ne trouvent pas leur compte dans cette situation, parce que tous ces programmes sont fondés sur la population, de sorte que l'argent doit être rendu, comme M. Neumann l'a dit. D'après son tableau à la page 36, par exemple, si l'on additionne les paiements de péréquation et ceux du TCSPS, la perte cumulative nette pour le Manitoba au cours des trois prochaines années serait de l'ordre de 272 millions de dollars par année - et peut-être davantage, car je suppose qu'étant donné que le Québec a une population qui représente environ 25 p. 100 de celle du Canada, il sera inclus dans le calcul de ce qui pourrait être 4,5 milliards de dollars en paiements supplémentaires. Cela signifie que dans le processus, l'idée de péréquation s'érode, en réalité. Je ne suis pas certain que la nouvelle perspective d'équité du gouvernement fédéral soit juste.

Mme Aylward: Terre-Neuve était la seule province qui s'opposait au départ au financement au titre du TCSPS par habitant. Il n'y a pas de doute là-dessus, parce que nous savions que nous faisions face à une diminution de la population et au vieillissement de la population. Nous savons tous que 80 p. 100 des services et des coûts en matière de santé sont nécessaires dans le dernier 20 p. 100 de la vie d'une personne.

Nous connaissons les défis. Je ne veux pas donner l'impression que nous sommes d'accord, mais c'est la vie. Je dis, en ce qui concerne les autres parties en cause, que nous essayons de renforcer les programmes existants. Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter les mêmes programmes. C'est cela que je veux dire. Aimerions-nous avoir plus d'argent? Voudrions-nous que les sommes ne soient pas fondées sur la population? Certainement.

M. Neumann: J'ai une longue expérience et je ne crains donc pas de me lancer dans de tels débats. Nous en avons eus suffisamment au Manitoba de sorte que je suis raisonnablement certain de ne pas trop dépasser les bornes. C'est une question de décentralisation par opposition à la centralisation. Nous sommes l'une des fédérations les plus décentralisées au monde.

Le sénateur Bolduc: Légalement parlant.

M. Neumann: Légalement parlant.

Le sénateur Bolduc: Mais si l'on s'en tient aux faits, ce n'est pas vrai.

M. Neumann: C'est moins certain parce que si l'on regarde divers indicateurs de décentralisation, c'est vrai. Tout dépend du degré d'intégration des opérations des gouvernements fédéral et provinciaux. Légalement, et probablement à presque tous les points de vue, nous sommes l'une des fédérations les plus décentralisées au monde. L'Allemagne ou la Suisse le sont peut-être plus ou moins.

Étant donné ce degré de décentralisation, nous devons examiner le rôle qui convient au gouvernement fédéral. Nous devons le faire avec plus de rigueur que nous l'avons fait dernièrement. Nous devons aussi examiner une deuxième question, et c'est le fait que dans une fédération décentralisée, il y a nécessairement des problèmes découlant des différences dans la capacité financière des différentes parties, qu'il faut par conséquent compenser suffisamment. Le fait-on suffisamment à l'heure actuelle? Je sais que le Manitoba sera heureux de voir le Sénat examiner cette question, et il faudrait aussi examiner le degré de décentralisation. Les responsabilités des provinces ont augmenté par rapport à celles du gouvernement fédéral, en ce qui concerne l'exécution de programmes. Il faudrait examiner si ce processus est satisfaisant ou s'il y a lieu de l'accélérer, ou encore de le ralentir et de restaurer le rôle du gouvernement fédéral.

Nous devons voir si le système de transfert compense suffisamment les disparités dans la capacité fiscale. Nous sommes préoccupés au Manitoba, comme dans d'autres provinces, par ce qu'on appelle la «programmation au détail». On a utilisé cette expression pour décrire la façon dont le gouvernement fédéral intervient dans des programmes relativement modestes, mais qui finissent par représenter une activité considérable au fil du temps. Notre plus grande objection dans ce cas, c'est qu'il s'agit de programmes ponctuels, et donc incertains. Où aboutiront ces programmes après un certain temps? Qui les financera? Quelles attentes suscitent-ils? Nous éprouvons une certaine préoccupation de voir des activités de cette nature, plutôt que des programmes à long terme, dont le financement est assuré. Notre ministre en a parlé.

Le président: Nous vous inviterons de nouveau à l'automne pour que vous nous en parliez davantage.

Le sénateur Rompkey: Je voulais dire quelque chose tout à l'heure au sujet de la réponse de M. Neumann au sénateur Doody, quand il a dit que les provinces ne choisiraient pas d'exploiter leurs ressources en raison de la péréquation. C'est évidemment vrai, et nous allons exploiter le gisement de Voisey's Bay, bien que nous n'en retirerons que 20 p. 100 des recettes. Cela créera des emplois. La question n'en reste pas moins de savoir qui obtiendra les emplois. Le ministre a fait allusion tout à l'heure à la situation de l'Irlande. J'espère que nous pourrons à l'automne faire des comparaisons parce que, si l'on fait exception du Labrador, nous sommes aussi une île située au large de la côte est de l'Amérique du Nord, alors que l'Irlande est une île au large de la côte ouest de l'Europe. L'océan Atlantique nous sépare ou nous unit, tout dépendant du point de vue où l'on se place. Nous ne sommes pas dissemblables. Nous parlons même un peu comme eux, dans une langue que les autres ne comprennent pas. Taylor est un vieux nom irlandais, mais il a laissé les Albertains lui enlever son accent. Ils font partie d'une fédération et nous faisons partie d'une fédération. Pourquoi ont-ils réussi? L'éducation est une des raisons. On y a investi dans l'éducation. Nous n'investissons pas dans l'éducation, principalement parce que nous ne pouvons pas nous le permettre. C'est là que se trouve le problème. La question est de savoir quelles sont les solutions. C'est ce que nous devons trouver.

M. Neumann: Je suis d'accord. Les avantages de la croissance économique doivent être utilisés de manière à réduire la dépendance face à la péréquation, à long terme. Un ancien secrétaire d'État des États-Unis disait qu'il était assez facile de créer des emplois, mais qu'il était difficile de créer de bons emplois. Nous devons examiner également cet aspect. Il faut voir qui obtient les bons emplois et s'il existe des possibilités égales pour tous les Canadiens d'obtenir de bons emplois.

Le président: Monsieur Neumann, vous avez dit que vous aviez une longue carrière en finances. Êtes-vous assez âgé pour vous souvenir de l'époque où les recettes pétrolières et gazières en Alberta avaient tellement grimpé que l'Ontario a été sur le point de devenir une province bénéficiaire de la péréquation? Comment votre norme pour les 10 provinces protégera-t-elle contre une telle situation?

M. Neumann: Oui, je suis assez vieux pour me souvenir de cela et l'on a peut-être envisagé à ce moment-là de résoudre le problème en mettant en oeuvre une norme pour l'Ontario. Les provinces et les territoires examinent sérieusement cette situation. On a fait du bon travail, sous la direction de fonctionnaires de l'Alberta, du Nouveau-Brunswick et du Québec, pour trouver des moyens d'atténuer les fluctuations qui surviennent dans le programme de péréquation en raison des recettes provenant des ressources naturelles, et l'on s'est demandé si elles devaient toutes être incluses dans le programme de péréquation. Il existe des moyens de répartir également les recettes de manière à éviter que les fluctuations extrêmes ne déstabilisent le programme. Il y a du bon travail qui se fait présentement.

Peut-être que ce groupe sera prêt à faire part de ses résultats au Sénat, s'il devait poursuivre dans ce sens, et si l'on décide d'adopter une norme pour les 10 provinces.

Le président: Il y aura une autre occasion de traiter du TCSPS. Certains d'entre vous ont mentionné que collectivement, les provinces avaient conclu une entente avec le gouvernement fédéral. Je pense qu'il est juste de dire que le gouvernement fédéral voulait que la question soit réglée avant les élections. Les provinces voulaient une infusion immédiate d'argent, alors vous avez pris l'argent sans demander votre reste.

Voilà maintenant que vous revenez exiger des changements au programme de péréquation, en donnant comme raison vos coûts en matière d'éducation et de santé. Le TCSPS était conçu pour assurer le partage des coûts en matière de santé, de bien-être social et d'enseignement postsecondaire.

Avez-vous laissé passer une occasion, quand vous avez accepté la proposition à court terme il y a moins de 12 mois? Quand aurez-vous une autre occasion de traiter de ces programmes au titre du TCSPS?

M. Neumann: Je peux répondre en partie à cette question. Vous avez parlé de conclure une entente, mais il s'agissait d'une offre du gouvernement fédéral que nous avons acceptée. Il n'y a pas eu tellement de négociations, mais c'est un détail. Néanmoins, cette offre portait sur les deux dernières années d'un programme quinquennal dans le cadre du TCSPS. Je crois que d'ici 2003-2004, il faudra prendre une décision quant au niveau des paiements qui seront faits au titre du TCSPS pendant les deux années suivantes.

Pour répondre franchement à votre question, je crois que la décision doit être prise en 2003-2004. Reste à savoir si cela sera trop tard ou non.

Le président: Vous auriez peut-être dû négocier une entente à plus long terme, à ce moment-là. Madame Aylward, étiez-vous ministre de la Santé à l'époque?

Mme Aylward: J'étais ministre de la Santé à ce moment-là.

Le président: Qu'avez-vous dit à votre ministre des Finances lorsqu'il est revenu avec l'entente?

Mme Aylward: Je préfère ne pas le dire publiquement.

Le président: Je vous comprends.

Mme Aylward: Il y avait beaucoup de choses qui se passaient à l'époque. Toutes les provinces ont signé l'accord, même celles dont les convictions rendaient la chose difficile.

Nous n'avions pas de convictions. Nous voulions l'argent. Un point c'est tout. Tout le monde a pris l'argent. Personne ne nourrissait à ce point des convictions qu'il allait rester un tas d'argent. Il est important de le dire.

L'autre chose, c'est que nous étions tous intéressés par l'aspect de la péréquation. Demain il y aura une réunion des ministres des Finances des provinces et des territoires, et nous allons discuter encore du TCSPS. La question de la formule par habitant nous pose des problèmes. Nous avons reçu 300 millions de dollars du TCSPS, et notre programme de soins de santé nous coûte 1,4 milliard de dollars. La situation ne s'améliore pas non plus; elle empire. Notre population est en train de vieillir, c'est évident, et il y a une augmentation dans la demande. Nous allons en discuter davantage.

Il y a des aspects de l'entente dont il faut absolument discuter. Nous allons en discuter dans un proche avenir avec mes collègues du ministère des Finances, ainsi que de la péréquation. Comme je l'ai dit dans mes propos liminaires, le programme de péréquation est pour nous un facteur de stabilisation. Nous avons reçu 1,1 milliard de dollars cette année du programme de péréquation. Nous en avons besoin. Si nous voulons façonner ou changer quoi que ce soit, même un petit pourcentage de ce 1,1 milliard de dollars nous sera plus utile qu'un petit pourcentage des 300 millions de dollars.

Le président: Il se peut que vous fassiez une erreur stratégique ici. Lorsque vous reprochez au gouvernement fédéral de ne pas permettre au TCSPS de croître assez rapidement ou de ne pas transférer suffisamment de fonds par l'entremise du TCSPS, il répond «Oui, mais regardez la péréquation». Peut-être devriez-vous mettre davantage l'accent sur le problème du TCSPS en termes de soins de santé, d'enseignement postsecondaire et d'assistance sociale. C'est un petit conseil que je vous offre.

Mme Aylward: Je vous en remercie. Les conseils sont toujours les bienvenus. Je suis volontiers tout conseil. Mais il faut se rappeler la question de la formule par habitant dans notre cas.

Le président: Selon les prévisions, la population de Terre-Neuve et du Labrador sera en déclin pendant les 25 prochaines années.

Mme Aylward: C'est le cas pour le Canada Atlantique. La population de la Nouvelle-Écosse est également en train de vieillir.

Le président: Ces régions représenteront un plus faible pourcentage de la population générale du Canada. Je croyais que votre province était la seule où on prévoit une baisse absolue de la population, année après année.

Mme Aylward: Il est important de reconnaître qu'il y a dix ans, nous avions le plus haut taux de natalité du pays, maintenant nous avons le plus bas. La natalité à elle seule ne suffit pas à maintenir la population. Ma famille et celle de mon mari avaient entre 10 et 16 enfants. Aujourd'hui, ça serait inouï. Voilà un des facteurs principaux. Il n'y a pas seulement le problème des gens qui font leurs malles et qui partent. Il y a également le taux de natalité.

Le président: Étant un ancien habitant du Cap-Breton qui est devenu sénateur en Ontario, je dois m'assurer que cette discussion demeure civilisée.

Je vous remercie, madame la ministre. Merci également à MM. Paddon et Newmann. Il est important de connaître vos points de vue, surtout dans le contexte de ce qui sera, nous espérons, une étude générale du programme de péréquation qui aura lieu cet automne.

Chers collègues, est-ce que vous êtes prêts à procéder à l'étude article par article de ce projet de loi?

Des voix: Oui.

Le président: Êtes-vous d'accord pour que l'on réserve le titre?

Des voix: Oui.

Le président: L'article 1 est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le président: Ce projet de loi est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le président: Êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport de ce projet de loi à la prochaine séance du Sénat?

Des voix: Oui.

Le président: Merci, chers sénateurs.

Nous poursuivons maintenant à huis clos pour discuter du projet de rapport du Comité sur le budget principal des dépenses.

La séance se poursuit à huis clos.


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