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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 25 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 30 octobre 2001

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 37 pour examiner l'efficacité et les améliorations possibles de la politique actuelle de péréquation pour ce qui est de donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour leur permettre d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous poursuivons aujourd'hui notre étude de la formule de péréquation fédérale. Nous devons faire rapport sur la question au plus tard le 21 décembre 2001. Nous en sommes à notre quatrième séance sur la question.

Pour la première moitié de notre réunion de ce matin, notre témoin est le professeur Dan Usher, professeur adjoint émérite à l'université Queen's. Il est l'auteur de l'ouvrage The Uneasy Case for Equalization Payments publié en 1995 par l'Institut Fraser. Les collègues se souviendront peut-être qu'à l'une de nos réunions précédentes sur la question, notre ami le sénateur Bolduc avait extrait de sa serviette un exemplaire de l'ouvrage du professeur Usher. Il en avait tiré des citations et avait demandé des commentaires et des explications aux témoins qui, d'après mes souvenirs, étaient des représentants du ministère des Finances.

Le professeur Usher a également rédigé un document intitulé «Argument en faveur de l'adoption d'une formule macro». Ce document a été remis aux membres du comité la semaine dernière. M. Usher présentera les points saillants des arguments qui y sont énoncés, après quoi il sera à notre disposition pour répondre aux questions ou faire des commentaires.

M. Dan Usher, université Queen's: Monsieur le président, je crois comprendre que ma tâche ce matin n'est pas de discuter du programme de péréquation en termes généraux, mais plutôt de parler des avantages relatifs de la formule actuelle, que l'on appelle le régime fiscal représentatif, ainsi que d'une solution de rechange proposée par un certain nombre d'économistes et qu'examine actuellement le ministère des Finances, même si je n'ai aucune idée de ce que sera le fruit de sa réflexion. De toute façon, je crois que ma tâche est d'expliquer la différence entre ces deux formules et de discuter très brièvement de certains des avantages de la formule macro, c'est-à-dire la solution de rechange que je privilégie.

D'abord, j'estime que le paragraphe 36(2) de la Constitution est nécessairement vague quant à ses prescriptions véritables. La disposition stipule que les provinces doivent être capables d'obtenir des recettes moyennes à l'aide de taxes moyennes, mais ne précise pas comment en arriver à cette moyenne.

Dans le régime fiscal représentatif, les provinces obtiennent la moyenne nationale des recettes provinciales par habitant, si chaque province bénéficiaire a perçu le taux moyen d'impôt provincial pour chaque assiette d'imposition. C'est le système que nous avons actuellement.

Avec la formule macro, les provinces obtiendraient les recettes moyennes par habitant si chaque province bénéficiaire générait suffisamment de recettes par le biais de l'impôt pour obtenir le rapport moyen parmi toutes les provinces entre recettes provinciales et revenus provinciaux. La formule macro stipule donc ceci: nous allons accorder aux provinces le manque à gagner dont elles ont besoin pour acquérir les recettes moyennes par habitant telles qu'elles seraient non pas si elles percevaient la moyenne de toutes les taxes que les provinces perçoivent, mais si elles obtenaient toutes les recettes tirées d'un impôt sur le revenu des particuliers. C'est l'idée de base. La formule de péréquation actuelle renferme une infinité d'accommodements ridiculement détaillés et complexes si on l'examine attentivement. C'est l'idée générale.

J'aimerais maintenant aborder un certain nombre d'aspects généraux des paiements de péréquation. Premièrement, avant de se faire une idée des paiements de péréquation, l'ultime question à se poser n'est pas de savoir ce que le gouvernement verse à certaines provinces bénéficiaires, mais quels transferts sont effectués au Canada de qui à qui. En bout de ligne, tout système de transfert bénéficie à certaines personnes et en pénalise d'autres qui doivent payer la note.

Afin d'évaluer un programme ou des changements à apporter à un programme, il faut voir qui sont les bénéficiaires et qui sont les pourvoyeurs ultimes du programme. Ce n'est pas très clair.

Deuxième point: ni la formule macro ni le régime fiscal représentatif ne satisfont exactement aux exigences du paragraphe 36(2). Nous avons une péréquation vers le haut, mais pas le contraire. Les provinces qui se situent en deçà de la moyenne nationale reçoivent des paiements de péréquation jusqu'à concurrence de la moyenne nationale. Les provinces qui se situent au-dessus de la moyenne nationale sont laissées là où elles sont de sorte qu'il reste un écart entre les recettes par habitant dans les différentes provinces, les riches ayant davantage et les pauvres moins, même avec le programme de péréquation en place. Ça, c'est un tout autre problème. Certains estiment que le programme de péréquation devrait taxer les provinces riches directement et utiliser l'argent pour le redonner aux provinces pauvres afin d'offrir des recettes égales par habitant. Ce n'est pas de cela qu'il est question aujourd'hui.

La diapositive qui vous est présentée, dont vous trouverez copie à la troisième page de mon mémoire, est une page de définitions. Je veux comparer deux formules. Je base la comparaison sur l'hypothèse qu'il y a deux provinces, le Nord et le Sud, et que seulement deux marchandises sont produites: des pommes et des oranges. Je fais cela pour garder la formule le plus simple possible et éviter toute une série d'écarts.

À la diapositive suivante, on a les deux formules. Regardez-les, mais gardez également sous les yeux la série de définitions. Le régime fiscal représentatif verse à chaque province le montant de son manque à gagner, s'il y en a un. Sur cette diapositive, «B» représente l'assiette d'imposition; «T», le taux d'imposition; «A», les pommes; «O», les oranges. «N» représente la province du Nord, «S», la province du Sud, «C», la moyenne du Canada dans son ensemble.

Ainsi, le manque à gagner en taxes de la province du Nord est la taxe moyenne sur les pommes multipliée par la différence entre l'assiette d'imposition moyenne au Canada et l'assiette d'imposition dans le Nord à l'égard des pommes. C'est la même chose pour les oranges. On voit donc le taux d'imposition pour les oranges et la différence entre l'assiette d'imposition moyenne au Canada et l'assiette d'imposition dans la province. Toutes les données sont par habitant. Je suppose ici pour les fins de l'exemple que la population des deux provinces est la même. Simplement pour que l'exemple fonctionne. Vous pourriez facilement permettre des différences de population, mais la formule pourrait devenir plus compliquée. Ce sur quoi je veux insister est suffisamment souligné dans ces formules telles qu'elles se présentent.

C'est la même chose pour la province du Sud. Il s'avère que la somme de ces deux manques à gagner est de zéro; un est positif, l'autre est négatif. Un manque à gagner positif signifie qu'une province n'a pas suffisamment de recettes ou en a moins que les recettes moyennes. Lorsqu'il y a manque à gagner négatif, les provinces ont plus que les recettes moyennes. En vertu de la péréquation, la province qui a le manque à gagner positif, c'est-à-dire celle qui a moins que la moyenne des recettes, reçoit la différence en paiements de péréquation par habitant. «E» représente les paiements de péréquation par habitant.

C'est essentiellement la formule que nous avons maintenant lorsque nous traitons avec deux provinces et que nous abordons la question des pommes et des oranges. Avec dix provinces qui ont 33 assiettes d'imposition, c'est-à-dire le nombre d'assiettes d'imposition la dernière fois que j'ai vérifié, il faut avoir une formule plus compliquée, mais c'est essentiellement comme cela.

À toutes fins utiles, selon la formule macro, peu importe quelles sont les assiettes d'imposition des provinces. Essentiellement, le problème est le suivant: si le revenu par habitant dans la province est inférieur au revenu moyen par habitant au Canada, alors en moyenne, il faut avoir un taux d'imposition plus élevé pour générer une somme égale de recettes par habitant. Les paiements de péréquation viendront combler la différence.

Ce à quoi la province du Nord a droit, c'est au taux d'imposition moyen le plus élevé au Canada. Essentiellement, c'est le rapport entre recettes provinciales totales et revenu total au pays, multiplié par la différence entre le revenu par habitant au Canada et le revenu par habitant dans la province du Nord. Si le revenu par habitant dans la province du Nord est faible, alors la province a droit à un important paiement de péréquation. Si le revenu par habitant dans la province du Nord est important, alors le manque à gagner est négatif et la province du Nord n'a droit à rien. C'est essentiellement de cette façon que le système fonctionne.

Plus loin dans la diapositive, vous verrez que certains gouvernements provinciaux ont droit d'imposer des résidents à l'extérieur de la province, l'exemple le plus important étant l'impôt sur le revenu des sociétés. L'impôt provincial sur le revenu des sociétés est appliqué aux propriétaires d'entreprises qui peuvent ne pas être des résidents de la province. Par exemple, prenons le cas d'une entreprise établie en Ontario mais qui est exploitée en Saskatchewan. Le gouvernement de la Saskatchewan a le droit d'imposer les profits réalisés dans la province. Cela fait partie des recettes du gouvernement et devrait faire l'objet de la péréquation. Cependant, il ne s'agit pas d'un revenu provincial tel qu'on le définit normalement, mais cela ferait partie d'un revenu provincial du point de vue du calcul de la formule macro.

Voilà les deux formules.

À mon avis, la formule macro comporte plus d'avantages que le régime fiscal représentatif. Veuillez passer à la page 5. Premièrement, la formule actuelle pourrait, dans certaines circonstances, permettre des transferts des provinces pauvres aux provinces riches et pas le contraire. Et ce, à cause des particularités du régime fiscal. Je pourrais vous donner plus de détails. Cependant, ces particularités pourraient faire en sorte que les paiements de péréquation soient en réalité versés aux provinces qui sont relativement riches plutôt qu'aux provinces relativement pauvres. La même chose ne se produirait pas avec la formule macro.

Deuxièmement, il y a mauvais appariement entre les sources provinciales d'impôt et les sources fédérales. Par conséquent, dans la formule que j'ai décrite, une augmentation du prix du pétrole générerait un transfert de revenus non pas de l'Alberta aux Maritimes, mais de l'Ontario aux Maritimes à cause de la façon dont le régime fiscal fonctionne. C'est ridicule. Essentiellement, la moyenne des cinq provinces a été établie pour régler ce problème. Il s'agit en quelque sorte d'une mesure spéciale.

Il y a toutes sortes d'incitations perverses pour les gouvernements provinciaux. Pour maximiser les paiements de péréquation, les provinces voudront imposer des taxes élevées sur les déficits et des taxes plus faibles sur les excédents. Du point de vue de l'intérêt national, il n'y a aucune raison de souhaiter que les provinces fassent une chose pareille.

La formule est extrêmement complexe. Il y a une note en bas de page de mon document original où je cite la Gazette du Canada pour montrer à quel point la formule est complexe lorsqu'on s'y attarde. La formule macro est réellement simple. On obtient les données sur le revenu provincial de Statistique Canada. Ensuite, on multiplie par la moyenne des recettes provinciales divisée par le revenu national, c'est-à-dire le taux d'imposition moyen pour la province dans son ensemble, et on a la formule macro qui est calculée en un instant. Je soupçonne qu'en y regardant de plus près, ce ne sera pas aussi simple, mais je suis convaincu que c'est beaucoup plus simple que la formule actuelle.

Ma septième diapositive porte sur le problème du taux de réimposition. Les provinces qui exercent un monopole virtuel d'une certaine assiette d'imposition perdent virtuellement des recettes fiscales en raison de la péréquation, dollar pour dollar. Ainsi, elles ne sont pas incitées à hausser leur taux de taxation.

Ensuite, il y a le problème de la réimposition. La meilleure façon de comprendre est de penser aux redevances parce que c'est ainsi que le problème s'est posé. Si la Nouvelle-Écosse perçoit un dollar de redevances sur le pétrole, elle perd presque le même montant parce que dans la formule actuelle, les paiements de péréquation sont réduits dollar pour dollar pour chaque augmentation des redevances que perçoit une province. On ne veut tout simplement pas d'une telle formule, et la formule macro n'a pas cet effet. Essentiellement, selon la formule macro, si une province perçoit des sommes supplémentaires au titre des redevances, ou à une autre source de revenu, alors elle perd essentiellement 25 cents en paiements de péréquation. Voilà bien plutôt ce qu'on veut. Vingt-cinq cents, c'est à peu près le rapport entre recettes provinciales et revenu moyen pour le pays dans son ensemble. Donc, une province perdrait 25 cents au dollar pour les nouvelles recettes pétrolières, tout comme vous perdriez 25 cents au dollar pour les nouveaux revenus dans la province peu importe leur source.

La formule macro me semble être une formule beaucoup plus simple. À mon avis, elle reflète très bien l'esprit du paragraphe 36(2). Je la vois comme une règle très facile à suivre et qui nécessite moins d'ajustements en marge. Ces ajustements peuvent être source de très grandes divisions. Par exemple, si vous passez d'un taux d'imposition moyen des dix provinces à un taux d'imposition moyen de cinq provinces, certaines provinces vont perdre, d'autres vont y gagner, et il se développe une certaine acrimonie au sujet de ces changements. Par contre, avec la formule macro, il y a une règle qui, idéalement, ne souffre pratiquement aucune exception. C'est une règle simple et directe. Dans l'ensemble, je crois que la formule macro pourrait amener tout ce que l'on souhaite d'un système de paiements de péréquation.

Je vais m'arrêter ici, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Usher.

Le sénateur Bolduc: Vous qualifiez votre formule de formule macro parce que vous utilisez des statistiques nationales sur le revenu?

M. Usher: C'est exact.

Le sénateur Bolduc: Vous dites à la page 1 du document résumé que:

les provinces obtiendraient les recettes moyennes par habitant si chaque province bénéficiaire générait suffisam ment de recettes par le biais de l'impôt pour obtenir le rapport moyen parmi toutes les provinces entre recettes provinciales et revenus provinciaux.
J'aimerais avoir certaines précisions quant à la première ligne où vous dites que chaque province bénéficiaire générerait suffisamment de recettes par le biais de l'impôt. Voulez-vous dire l'impôt sur le revenu des particuliers?

M. Usher: Non, monsieur. N'importe quel impôt.

Le sénateur Bolduc: Y compris celui sur les sociétés?

M. Usher: Oui.

Le sénateur Bolduc: C'est la taxation gouvernementale.

M. Usher: C'est exact. Regardez la définition de la formule macro à la page 4 et vous verrez le revenu total provenant de toutes les sources.

Le sénateur Bolduc: À la deuxième ligne, on dit:

[...] rapport moyen, parmi toutes les provinces, entre recettes provinciales et revenus provinciaux.
Voulez-vous dire les recettes provinciales des gens qui vivent dans la province ou les recettes gouvernementales?

M. Usher: Les recettes gouvernementales. J'aurais dû le préciser.

Le sénateur Bolduc: Par revenu provincial, voulez-vous dire le revenu du gouvernement provincial ou le revenu personnel?

M. Usher: Ici, il faut se reporter à la formule au bas de la page 4. Je veux dire le revenu total défini au bas de la page 4, qui est essentiellement le revenu personnel avant impôt, mais qui inclut les recettes des entreprises provinciales qui sont comme un revenu personnel et les recettes hors de la province. C'est ce que je voulais dire.

Le sénateur Bolduc: Tout ça, bien sûr, en supposant que les statistiques nationales sur les revenus sont bonnes.

M. Usher: Oui, monsieur, à tout le moins pas plus mauvaises que d'autres statistiques.

Le sénateur Bolduc: Je préfère cela. Je viens d'un petit village de la province de Québec situé à environ 25 milles au sud de la ville de Québec. Si l'on pouvait obtenir le revenu moyen des gens qui vivent dans ce village de 2 000 habitants, les statistiques fédérales indiqueraient probablement que ces gens-là sont pauvres. Cependant, je vous invite à venir dans mon village et à voir la qualité des maisons que les gens possèdent et le type de voitures qu'ils conduisent pour vous rendre compte qu'ils ne sont pas du tout pauvres. Ils vivent très bien. Cependant, d'après les statistiques fédérales, ils ne vivent pas bien. Venant d'où je viens, je peux vous dire que j'ai des doutes au sujet des statistiques fédérales au sujet des revenus, y compris aux fins fiscales.

J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de la qualité de nos statistiques sur les revenus.

M. Usher: Il a été proposé d'élargir la base de la formule macro pour inclure une définition plus large du revenu incluant des activités autonomes.

J'hésiterais à donner un tel conseil simplement parce qu'il est très difficile de mettre des chiffres sur ces choses. J'aurais tendance à m'accommoder des statistiques fédérales que nous avons, en espérant que les différences d'une province à l'autre ne sont pas trop grandes. Après tout, sénateur, ce que vous dites est assurément vrai.

Le même type de problème se pose dans les statistiques que nous utilisons pour le régime fiscal représentatif. Par exemple, le régime fiscal représentatif utilise aussi les statistiques sur les revenus. La base de l'impôt sur le revenu des particuliers est le revenu personnel. Cela constitue une très grande partie du calcul du régime fiscal représentatif que nous avons. Bien sûr, comme pour les statistiques nationales, on retrouve exactement les problèmes dont vous parlez.

Je dirais que les problèmes que vous soulevez ne sont pas plus aigus dans le système macro qu'ils ne le sont dans le régime fiscal représentatif. Je pense que c'est ce que je peux dire de mieux.

Le sénateur Bolduc: Je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet.

Diriez-vous que le système doit être changé?

M. Usher: Je ne formulerais pas les choses de cette façon. Premièrement, je ne suis pas si emballé que cela par les paiements de péréquation. La question n'est pas de savoir si le système actuel doit être changé, mais si les Canadiens s'en tireraient mieux avec ce qu'on appelle un système macro. Au fait, ce n'est pas ma formule macro. Je n'ai pas inventé le terme. Beaucoup de gens l'ont utilisé. C'est une idée assez générale. Comme je l'ai dit, le ministère des Finances examine actuellement cette formule.

Le problème n'est pas tellement que le système actuel doit être changé, mais qu'il renferme de nombreuses lacunes. Si nous disposons d'un meilleur système, pourquoi ne pas l'utiliser? De même, le débat au sujet des ressources pétrolières témoigne des réels problèmes du système actuel. Je pense que cette chicane serait complètement réglée si on utilisait le système macro. Je crois que MM. Harris et Hamm accepteraient les implications d'un système macro pour toute augmentation des recettes pétrolières. Je ne sais pas comment on résoudra le problème si on conserve un régime fiscal représentatif.

Le sénateur Bolduc: En ce qui concerne l'aspect politique de la péréquation, je crois que la formule est compliquée. Elle permet certains accommodements pour chaque province. Cependant, si vous y regardez attentivement, vous constatez qu'il y a des règles générales. Mais après cela, le ministre est prêt à entendre chacune des parties afin de pouvoir faire un peu de changements ici et là pour tenir compte de leurs réalités politiques. Par exemple, la plupart des provinces maritimes ne voient pas le système d'un bon 9il. Je suppose qu'avec les 33 assiettes d'imposition, de petits arrangements pourraient être conclus pour contenter la Nouvelle-Écosse. C'est notamment à cause de ce type d'ententes que nous avons une formule compliquée. Au lieu de conclure une entente globale avec chaque province, la formule devient compliquée avec les divers accommodements. Est-ce là une explication raisonnable?

M. Usher: Sénateur, permettez-moi de vous dire que le lundi, le mercredi et le vendredi, je suis tout à fait d'accord avec vous. Les mardis et jeudis, le gouvernement suit des règles fixes et ne se laisse influencer par personne.

Des accommodements de ce genre sont inévitables, mais très dangereux. Chaque fois qu'il est possible de le faire, nous devrions employer des règles le moins ambiguës possible. Oui, il y a ces petits accommodements, mais on invite ainsi les provinces à être méchantes dans l'espoir d'obtenir gain de cause. La politique gouvernementale ne peut éviter complètement cette situation. Cependant, je pense qu'il faudrait tenter de l'éviter le plus souvent possible.

Si l'on peut concevoir un système de paiements de péréquation qui rend ces accommodements beaucoup plus difficiles, alors c'est en quelque sorte un avantage précisément à cause des accommodements dont vous parlez.

Le sénateur Bolduc: Vous souhaiteriez restreindre les effets pervers?

M. Usher: Oui.

Le président: Monsieur Usher, les politiciens, sur le plan pratique, veulent savoir qui seront les gagnants et qui seront les perdants dans tout changement que l'on envisage d'apporter à la formule. Je suppose que cela dépend exactement de la nature de la formule macro, mais quelqu'un doit avoir établi des modèles quelque part pour indiquer comment cette formule s'appliquerait sur une certaine période comparativement au système actuel.

M. Usher: C'est dommage que vous ne m'ayez pas envoyé cette question à l'avance parce que le ministère des Finances a essayé de faire ces calculs.

Le président: Nous allons entendre ses représentants à nouveau et nous pourrons leur poser la question.

M. Usher: Je la leur poserai. Il y a eu une conférence sur la question à Charlottetown il y a environ un mois. J'ai l'impression que leurs chiffres laissent entendre que les effets d'une province à une autre sont plutôt minimes, qu'il n'y a guère de différence d'un point de vue purement financier.

Deuxièmement, avec le temps, il devient de plus en plus difficile de prédire qui seront les gagnants et qui seront les perdants parce que l'on ne peut pas prévoir ce qui se passera dans les différentes provinces.

Le président: Mais que dire du fisc fédéral, qui est toujours la priorité absolue au ministère des Finances?

M. Usher: Je crois que le fisc fédéral ne sera pas tellement touché. Les représentants du Ministère vous donneront des estimations assez précises. La raison pour laquelle le fisc ne sera pas tellement touché, c'est que la formule tient compte de l'impôt provincial moyen et des revenus provinciaux moyens. Ce sont là des moyennes des assiettes d'imposition et des taux de fiscalité que l'on utilise actuellement. Par conséquent, je ne crois pas que cela fera une grande différence. Cependant, le ministère des Finances vous donnera les meilleurs renseignements possible sur la question. Je regrette, mais je ne peux faire mieux.

Le président: La conférence de Charlottetown dont vous avez parlé, est-ce que c'était une conférence privée?

M. Usher: C'était une conférence organisée par le ministère des Finances.

Le président: Publique?

M. Usher: Non, c'était une conférence privée.

Le président: Mis à part le ministère des Finances, qui d'autre y a participé?

M. Usher: Des représentants du ministère des Finances, des provinces et des universités.

Le président: Les gens du ministère des Finances ne nous ont pas dit qu'ils prévoyaient implanter des changements. Cependant, nous allons leur parler un peu plus tard.

Vous dites ici qu'il est discutable que les paiements de péréquation soient obligatoires en vertu du paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle. Vous dites ensuite que cet article contient une phrase alambiquée:

[...] prennent l'engagement de principe [...]

On dit quelquefois que cela signifie que le paragraphe 36(2) n'est pas justiciable et que ce n'est qu'une vague expression de préférence de la part des auteurs.

Ceux d'entre nous qui étaient ici à l'époque ont une opinion quelque peu différente. La campagne visant à intégrer la péréquation à la Constitution a commencé aux alentours de 1968-1969. C'était devenu une demande récurrente de la part de certaines, sinon de la totalité, des provinces bénéficiaires chaque fois qu'il y avait des discussions sur la Constitution.

En 1982, M. Trudeau a reconnu que pour avoir l'aval de neuf provinces, il devait accepter quelque chose du genre. Il faudrait que je consulte le compte rendu, mais je ne me souviens pas que le gouvernement fédéral se soit fait tirer l'oreille. On s'est entendu sur un libellé. Je peux vous dire que ceux qui étaient présents à l'époque étaient convaincus, et demeurent convaincus, que le gouvernement fédéral ne pourrait pas impunément éliminer la péréquation. Il pourrait changer la formule, réduire les paiements, faire toutes ces choses. Je pense que le gouvernement fédéral a la souplesse nécessaire en vertu de la disposition constitutionnelle. Cependant, les provinces estiment qu'il ne pourrait pas éliminer la péréquation. Il faudrait que je consulte à nouveau le compte rendu et la transcription des discussions, mais je parie que M. Trudeau a fait certains commentaires soigneusement formulés à cet effet lorsqu'il présidait la conférence.

M. Usher: Je dois dire que je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet, sénateur Murray. C'est là une question juridique et je ne suis pas avocat. Je ne connais vraiment pas la question. Cependant, permettez-moi de vous raconter une histoire étrange.

J'étais aussi là en 1982 même si je n'ai pas participé à ces événements. Par contre, lorsque j'ai pris connaissance du projet de Constitution, ma première réaction a été que c'était une chose très étrange à intégrer à la Constitution, tellement inhabituelle. J'ai téléphoné à un monsieur qui était alors au Conseil économique et lui ai demandé s'il était surpris que l'on mette une telle chose dans la Constitution.

Tant que la Cour suprême du Canada n'aura pas rendu sa décision au cours des prochains mois, nous n'imposons pas le versement des paiements de bien-être social. Nous laissons les gens mourir de faim. Il y a toutes sortes de choses que l'on ne met pas dans la Constitution.

Mon ami a téléphoné à quelqu'un au ministère de la Justice, qui lui a répondu de ne pas nous inquiéter parce que cela n'était pas justiciable. À ce moment-là, je n'avais jamais entendu le mot justiciable. Je ne savais pas ce que cela voulait dire.

J'ai entendu défendre les deux points de vue. Je ne suis pas en mesure de porter un jugement. Au fait, ce que j'en ai dit n'a rien à voir avec la formule macro. Ça concerne la péréquation en général.

J'ai entendu des versions différentes. Je ne suis pas en mesure de vous donner de réponse définitive. Je pense avoir couvert mes arrières en écrivant ceci, mais peut-être pas.

Le président: Je dis simplement ceci: qu'ils essaient seulement d'éliminer le programme et nous allons voir à quel point c'est justiciable.

Le sénateur Bolduc: Le message principal de votre document est qu'entre l'arrangement constitutionnel et la réalité des paiements de péréquation et la formule, il n'y a aucun lien. C'est bien ça?

M. Usher: Pas tout à fait. Je dirais qu'il y a des liens imparfaits.

Le sénateur Bolduc: Vous dites que l'objectif qui se trouve dans la Constitution n'est pas atteint à l'aide de la formule.

M. Usher: Il n'est pas atteint complètement. On le retrouve au moins tout aussi bien dans une formule macro que dans le régime fiscal représentatif. Tout ce qui me préoccupe réellement, c'est de réfuter l'argument que le régime fiscal représentatif actuel est obligatoire en vertu du paragraphe 36(2), par opposition à toute autre forme de paiement de péréquation. Ça, je m'y oppose très fortement.

La correspondance entre le contenu du paragraphe 36(2) et le contenu des paiements de péréquation n'est pas absente, mais elle n'est pas parfaite.

Le sénateur Banks: À vrai dire, je crois comprendre certains éléments de ce que vous avez dit, et cela me terrifie. Dois-je comprendre que l'une des distinctions est que la formule macro utiliserait les chiffres réels, c'est-à-dire les recettes fiscales effectives et démontrables et les recettes personnelles, dans son calcul, alors que la formule actuelle utilise des chiffres réputés en ce qui a trait à la capacité fiscale? Est-ce que cet aspect réputé, le jugement arbitraire de la capacité d'une province d'imposer, qu'elle s'en serve ou non, serait absent de la formule macro?

M. Usher: Non, monsieur. Les deux formules concernent la capacité de percevoir des impôts. Cependant, une formule mesure cette capacité à l'aide des assiettes d'imposition effectives qui sont utilisées, pondérées en fonction des taux d'imposition moyens dans toutes les provinces. L'autre formule représente la capacité de percevoir des impôts en fonction du revenu provincial.

L'argument est que la formule macro est un meilleur indicateur et un indicateur moins malléable de la capacité d'imposition, mais les deux utilisent les chiffres réels. Les assiettes d'imposition sont des chiffres réels. Le revenu provincial par habitant est aussi un chiffre réel. Ce sont des chiffres réels obtenus de Statistique Canada et d'organismes semblables. Les deux formules portent toutes les deux sur la capacité d'imposition. Elles utilisent toutes deux les chiffres réels pour mesurer cette capacité.

Ce que j'essaie de dire, c'est qu'une formule macro est plus efficace et a moins d'effets négatifs, d'effets non désirés, que le régime fiscal représentatif actuel.

Le sénateur Banks: De la façon dont vous envisagez les choses, est-ce que l'on tiendrait compte des 33 mêmes assiettes d'imposition?

M. Usher: Non.

Le sénateur Banks: Quelles seraient les grandes différences?

M. Usher: La formule macro et le régime fiscal représentatif seraient presque les mêmes, si les gouvernements provinciaux tiraient toutes leurs recettes de l'impôt sur le revenu. Dans de telles circonstances, les deux formules seraient presque identiques parce que la base de l'impôt provincial sur le revenu, c'est le revenu provincial. Le revenu provincial serait la capacité d'imposition dans le régime fiscal représentatif ou selon la formule macro. Cependant, dans un régime fiscal représentatif, on ne tient pas simplement compte du revenu provincial, mais de toutes les différentes taxes, comme la taxe sur le bois, le jeu, l'électricité, et ainsi de suite. On traite ces choses séparément, ce qui ne m'apparaît pas comme une bonne idée, surtout parce que les provinces ont la possibilité d'ajuster les taux en fonction des différentes bases afin de maximiser leurs paiements de péréquation. Par contre, si vous utilisez une seule assiette, qui est la capacité réelle d'une province d'imposer des taxes, alors c'est son revenu provincial par habitant ou son revenu provincial. Les deux systèmes utilisent des chiffres pour mesurer la capacité d'imposition, mais utilisent des chiffres différents.

Le sénateur Banks: Je pourrais m'assurer de toujours avoir un déficit en utilisant le système macro, n'est-ce pas?

M. Usher: Non, vous ne le pourriez pas. Selon le système macro, si vous êtes une province, vos fonctionnaires vont s'adresser à Statistique Canada pour obtenir la mesure du revenu provincial et de votre revenu national. Il faut alors examiner toutes les recettes de toutes les provinces et diviser ces recettes par le revenu national pour obtenir le taux d'imposition provincial moyen. Ensuite, on utilise la formule. Il y a très peu de place pour des manipulations.

Le sénateur Banks: Si vous utilisez le revenu comme base, ne changez-vous pas l'objectif déclaré dans la mesure où il est clair dans la Constitution, où l'on ne parle pas de péréquation des revenus? On parle d'assurer des services comparables à des taux de taxe comparables. Ce sont deux choses différentes.

M. Usher: Oui, c'est exact. L'une des caractéristiques du programme de péréquation est qu'il égalise les revenus par habitant. Il ne corrige pas les différences entre les provinces qui ont besoin de services différents. Cela ne se fait ni sous la formule macro ni dans le régime fiscal représentatif.

Je vous renvoie à un article dans le document complet où il y a des propositions visant à corriger les paiements de péréquation pour tenir compte des différences entre les besoins des provinces. Par exemple, la Colombie-Britannique pourrait avoir droit à plus de paiements de péréquation en vertu de cette règle parce que beaucoup de personnes âgées vont mourir en Colombie- Britannique et ce faisant, elles nécessitent d'immenses dépenses sur le plan médical. Il y a d'autres sources de différences entre les besoins des provinces.

Ces différences ne sont pas prises en compte dans le régime fiscal représentatif, et elles ne le seraient pas non plus dans le système macro proposé ici. Selon l'un ou l'autre des systèmes, on pourrait faire un ajustement pour tenir compte des besoins. Les problèmes que cela provoquerait, à ce que je sache, sont ni plus importants ni moindres dans un système que dans l'autre. Il y a des problèmes, mais ce sont des problèmes communs aux deux systèmes de péréquation dont on discute.

Le sénateur Banks: Ai-je raison de penser que la différence, c'est que le système macro se préoccupe un peu plus de la péréquation des revenus que de la capacité d'offrir des services comparables à un taux de fiscalité comparable? Y a-t-il péréquation des revenus? Y a-t-il péréquation des recettes?

M. Usher: Pas vraiment. Le système actuel, qui utilise les assiettes d'imposition effectives dans les différentes provinces, ne prévoit pas de place pour les différences dans les services. Le système actuel ne prévoit pas de choses comme ça. Il ne fait que se référer à différentes taxes.

Le sénateur Banks: Mais le système actuel ne prévoit-il pas que peu importe qu'il en soit ainsi, la province pourrait, nous croyons, tirer tant d'impôt de cette source? Est-ce que c'est là une réalité réputée, perçue ou théorique?

M. Usher: L'analogie que vous faites est entre une province et une personne. Supposons qu'une personne occupe cinq emplois différents et qu'elle soit rémunérée pour chacun. S'il y avait une règle ferme indiquant que chaque personne doit travailler dix heures par jour et deux heures à chaque emploi, vous souhaiteriez peut-être examiner les postes un à la fois. Cependant, avant de décider si une province devrait avoir droit aux paiements de péréquation, il faut se demander à quoi ces paiements serviront. Est-ce pour aider les provinces qui ont des personnes relativement pauvres à reporter les dépenses de leurs gouvernements provinciaux? Alors, pourquoi ne pas utiliser les revenus comme base, surtout des données indiquant quelle province est relativement pauvre et quelle province est relativement riche pour décider quelle sera l'aide appropriée du gouvernement fédéral? Je dis cela surtout parce que les provinces ont beaucoup de marge de man9uvre pour leurs assiettes d'imposition. Une province demande des impôts très élevés sur le revenu des particuliers, l'autre utilise la taxe de vente. L'Alberta n'a pas du tout de taxe de vente.

Les provinces ont beaucoup de marge de man9uvre pour choisir quelles taxes elles veulent imposer, mais pas pour décider quels seront leurs revenus par habitant.

Le sénateur Banks: C'est ça la différence.

M. Usher: C'est une partie importante de la différence.

Le sénateur Furey: Certains ont dit au comité que le système actuel de paiements de péréquation est un échec parce qu'il est incapable de réduire les disparités économiques entre les provinces, c'est-à-dire que les provinces bénéficiaires semblent être toujours les mêmes année après année. Compte tenu de vos commentaires au sujet des modifications du régime de redevances concernant les ressources non renouvelables, en quoi le système macro permet-il de réfuter cette critique particulière et comment peut-il la corriger?

M. Usher: En général, les gens pensent que les paiements de transfert sont source de corruption. Si les transferts du gouvernement fédéral aux provinces sont de cette nature, alors un transfert généré par une formule macro sera tout aussi source de corruption qu'un transfert d'un régime fiscal représentatif.

À première vue, il n'y a pas une grande différence. Je pars du principe que les transferts ne sont pas source de corruption. Il n'y a pas de mal à ce que quelqu'un hérite d'un peu d'argent pour démarrer dans la vie. Je ne pense pas qu'il soit vraiment préjudiciable pour une province de recevoir un paiement du gouvernement fédéral.

Les provinces maritimes ne sont pas pauvres. J'ai été surpris d'apprendre il y a quelques années que la situation des provinces maritimes depuis 50 ans ou à peu près s'est grandement améliorée par rapport au reste du Canada. Cependant, je n'attribue pas cela aux paiements de péréquation. Ces grands changements quant à savoir quelles provinces seront prospères et quelles ne le seront pas se réalisent sur de longues périodes et un système de paiements de péréquation n'y changera pas grand-chose.

Par contre, il y a un point sur lequel j'ai tendance à être d'accord avec les gens d'AIM, c'est que si un système de paiement de péréquation fait en sorte qu'un gouvernement provincial n'a rien à gagner de redevances supplémentaires sur les ressources, alors dans ce cas, la formule macro est effectivement une amélioration parce qu'elle permet aux provinces de garder environ 75 p. 100 de leurs redevances sur le pétrole comparativement à un pourcentage beaucoup plus petit, peut-être 25 p. 100, comme c'est le cas actuellement.

Par conséquent, tout compte fait, je crois que la formule macro est préférable du point de vue des mesures incitatives et de la croissance des provinces.

En ce qui concerne la prémisse principale voulant que les transferts soient source de corruption, si tel est le cas, il faudrait cesser immédiatement tous les paiements de péréquation. Cependant, je ne crois pas que ce soit le cas.

Le sénateur Furey: Je suis certainement d'accord avec vous. Je ne crois pas que ce soit le cas, mais certaines provinces de l'Atlantique ont laissé entendre que cette opinion particulière au sujet des provinces bénéficiaires qui sont les mêmes année après année est erronée parce que le système est conçu pour offrir des services comparables. Si on va un cran plus loin, et j'aimerais avoir votre commentaire à ce sujet, est-ce que l'on s'embarque dans un domaine qui relève davantage du développement régional que du partage national des ressources?

M. Usher: Je ne peux pas concevoir que les paiements de péréquation nuiront au développement régional. Si tout ce qui nous préoccupait était de maximiser le revenu national du Canada peu importe sa provenance, ce ne serait probablement pas une mauvaise idée que d'éliminer les paiements de péréquation et de laisser la vie suivre son cours. L'une des raisons qui justifient les paiements de péréquation, c'est que nous ne sommes pas disposés à faire cela. Nous voulons effectivement que les gens aient des services égaux dans des provinces égales.

Si l'on veut que les soins médicaux relèvent des provinces, nous voulons que dans le pays, les soins médicaux soient plus ou moins offerts de façon égale partout. Cela veut dire que les provinces doivent avoir plus ou moins les mêmes recettes. Les paiements de péréquation vont aider, même s'ils ne seront pas la solution parfaite.

Les paiements de péréquation sont plus utiles sous une formule macro que dans un régime fiscal représentatif. Mais c'est tout ce que je peux dire pour répondre à votre question. J'ai l'impression de ne pas avoir été au c9ur de ce qui vous préoccupe.

Le sénateur Furey: Je crois que si.

Vous avez dit, dans votre exposé, qu'il n'est pas nécessaire que la péréquation d'une province à l'autre se traduise par une péréquation entre les gens. Les gens pourraient être en meilleure situation financière en moyenne dans les provinces bénéficiaires que dans les autres. Pouvez-vous donner un peu plus de détails?

M. Usher: L'exemple que j'ai donné dans le document détaillé est le suivant: prenons le cas des pommes et des oranges. Supposons que vous avez deux provinces. Supposons que la province du Nord produit beaucoup de pommes et peu d'oranges, et que la province du Sud produit peu de pommes et beaucoup d'oranges. Cependant, la province du Nord est relativement riche parce que son excédent en pommes est plus grand que l'excédent en oranges de la province du Sud. Supposons qu'il y a une raison pour laquelle il est difficile de taxer les pommes, mais qu'il est facile de taxer les oranges. Supposons que les vergers de pommes sont répartis partout et ne peuvent pas être très bien observés. Vos gens sont prospères, même s'ils ne semblent pas l'être, alors que les vergers d'oranges sont tous au même endroit et peuvent être taxés facilement.

Supposons, pour prendre un cas extrême, que toutes les provinces ne perçoivent aucune taxe sur les pommes et obtiennent toutes leurs recettes des oranges. Or, la province pauvre a en réalité beaucoup d'oranges, si bien que dans un régime fiscal représentatif, c'est-à-dire le système que nous avons, la province du Sud, qui est en réalité pauvre, apparaîtra comme riche parce qu'elle a beaucoup d'oranges et que les oranges sont très taxées. La province du Nord fera figure de parent pauvre parce qu'elle a très peu d'oranges et beaucoup de pommes, mais que les pommes ne sont pas taxées par la province. C'est ainsi que la formule fonctionnerait dans ce cas.

Vous me direz que cela est peu probable, ce à quoi je dois répondre que ce n'est en effet pas très probable, mais cela pourrait arriver. Il y a effectivement cette possibilité de partialité dans le système, possibilité qui pourrait être à ce point importante pour que des paiements de péréquation soient versés aux provinces riches au lieu des pauvres, ou à certaines provinces riches plutôt qu'à certaines provinces pauvres. Selon la formule macro, cela ne se produirait pas.

Le sénateur Furey: Cela ne s'est jamais véritablement produit selon la formule actuelle. Il est hautement inconcevable que cela se produise selon cette formule.

M. Usher: Oui, mais c'est une possibilité qui existe dans la formule que nous avons. Selon la formule macro, on prend la valeur des pommes plus la valeur des oranges et ça devient la base du régime fiscal. La province du Nord est la province riche et par conséquent la province du Sud reçoit des paiements de péréquation.

La Saskatchewan est à la limite. Parfois, elle obtient des paiements de péréquation, parfois non. Ce qui se passe selon la formule macro pourrait être bien différent de ce qui se passe selon le régime fiscal représentatif. Là encore, la Saskatchewan ne reçoit pas beaucoup de paiements de péréquation parce qu'elle se trouve à la limite.

Le président: Il ne me reste qu'à remercier le professeur Usher de cette matinée extrêmement intéressante, voire provocatrice.

Merci pour le document que vous nous avez laissé. Cela va faciliter grandement nos réflexions sur cette importante question.

Au début de l'automne, le Syndicat canadien de la fonction publique m'avait avisé qu'il souhaitait comparaître au sujet de la péréquation. J'ai osé demander ce que cette question avait à voir avec le SCFP. Je l'ai vite découvert. Nous avons fait une enquête discrète et le syndicat nous a répondu en indiquant qu'il avait un certain nombre d'inquiétudes, y compris quatre qu'il a précisées.

La première concerne l'érosion de la péréquation depuis 1982. La deuxième, le plafond imposé aux paiements de péréquation. La troisième est l'utilisation de la norme de cinq provinces au lieu de la norme de toutes les provinces. La quatrième est la façon dont les paiements de péréquation augmentent.

Les préoccupations du syndicat ne pouvaient être plus pertinentes à notre programme et nous avons invité ses représentants. Je suis heureux de constater qu'ils ont pu se libérer pour nous aider à discuter de cette question.

Nous accueillons M. Paul Moist, vice-président général du SCFP; M. Wayne Lucas, vice-président général, Mme Heather Farrow, agente de recherche principale et Mme Jane Stinson, directrice de la recherche du SCFP. Je crois que M. Moist a l'intention de faire une déclaration d'ouverture.

M. Paul Moist, vice-président général, Syndicat canadien de la fonction publique: Merci. M. Lucas est de la province de Terre-Neuve et du Labrador et je suis du Manitoba. Nous tenons à vous remercier de la possibilité que vous nous offrez d'être là aujourd'hui. Il s'agit d'une question d'actualité au moment où on peut dire que notre économie est en déclin, alors que les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces sont essentiels dans les temps les plus favorables et peut-être plus critiques lorsque nous entrons dans une période comme celle dans laquelle nous arrivons.

S'agissant de transferts fiscaux, le Manitoba, peu importe qui a été au pouvoir depuis les cinq dernières décennies, a toujours soutenu que les transferts fédéraux nous permettent d'offrir des services aux citoyens que nous servons. Je crois que nous sommes entrés dans une ère de fédéralisme «chirurgical»: transferts ponctuels et ciblés, plafonds imposés artificiellement à la péréquation par opposition à une répartition prévisible des recettes.

Au départ, la disposition du paragraphe 36(2) de notre Constitution dont vous parliez plus tôt avec la délégation antérieure, visant à assurer les recettes pour offrir des services publics raisonnablement comparables à des taux de taxation raisonnablement comparables, ne peut être respectée; nous allons le prouver ce matin grâce à une approche particulière en ce qui a trait aux ententes fiscales fédérales-provinciales.

Vous savez très bien que les paiements de péréquation concernent les fonds que le gouvernement fédéral transfère aux provinces admissibles pour aider à égaliser leur capacité financière. Ces paiements permettent d'assurer la prestation de services publics à tous les Canadiens, peu importe leur revenu ou la région qu'ils habitent. Nous, au SCFP, constatons que cet idéal canadien est en train de s'effriter. Un programme approprié et renouvelé de péréquation revitaliserait l'accès égal aux services publics et aux programmes sociaux, peu importe où l'on vive au Canada, et peu importe son niveau de revenu.

Nous représentons environ 500 000 Canadiens qui travaillent dans les soins de santé, les services sociaux, les municipalités et la fonction publique en général. Nous sommes préoccupés par ces paiements de péréquation. Dans les sept provinces qui reçoivent actuellement de tels paiements, il y a environ 200 000 membres du SCFP et leurs familles.

Notre exposé aujourd'hui proposera l'élimination du plafond et du plancher imposés à la péréquation. Nous proposerons que les programmes de stabilisation fiscale soient utilisés comme forme de plancher. Nous demanderons également le retour à la norme des dix provinces et enfin, un renouvellement de la formule de péréquation dans le cadre du régime fiscal représentatif sans utiliser les impôts personnels ou les contributions financières ponctuelles.

Comme vous le savez, la péréquation a été mise en place à la fin des années 50 pour que les gouvernements provinciaux puissent offrir des services publics raisonnablement comparables. La Loi constitutionnelle a été modifiée en 1982 pour inclure une référence au principe de la péréquation. Toutes les provinces de notre fédération, sauf l'Ontario, ont à un moment ou à un autre touché des paiements de péréquation.

Aujourd'hui, la situation est telle que le gouvernement fédéral perçoit 60 p. 100 des impôts sur le revenu des particuliers et le revenu des sociétés au pays. Cependant, les provinces et les administrations locales assurent près de deux fois plus de services que ne le fait le gouvernement fédéral.

Le gouvernement fédéral se défile à son engagement à l'égard du financement des programmes sociaux, ce qui rend la nécessité d'un programme adéquat de péréquation encore plus criante.

S'agissant de la suppression du plafond et du plancher en matière de péréquation, dans les années 1988-1989 à 1990-1991, soit trois exercices, les provinces bénéficiaires ont perdu plus de 3 milliards de dollars en paiements de péréquation à cause de la mise en place du plafond. Au printemps de 2001, le plafond était de 25 p. 100 inférieur à ce qu'il était il y a deux décennies. Aux deux réunions des ministres des Finances provinciaux et territoriaux qui ont eu lieu en décembre l'an dernier, les provinces et les territoires ont réitéré leur appui à l'élimination du plafond de la péréquation.

Heureusement, pour l'exercice 1999-2000, le projet de loi C-18 est venu supprimer ce plafond, ce qui a beaucoup aidé les provinces bénéficiaires. C'était pour une seule année. Le plancher de la péréquation pourrait également être supprimé puisque la formule de péréquation seule est suffisante.

Les ministres des Finances ont demandé que l'on s'attaque immédiatement à la norme des dix provinces puisqu'en 1999-2000, 3 milliards de dollars de paiements de péréquation ont été perdus exclusivement à cause de l'utilisation de la norme des cinq provinces et de l'imposition du plafond.

M. Wayne Lucas, vice-président général, Syndicat canadien de la fonction publique: Je vais lire mes commentaires d'ouverture, après quoi je ferai une déclaration générale.

Le président: Allez-y, mais n'oubliez pas, comme vous l'aurez constaté avec les témoins précédents, que les sénateurs sont assez bons pour soutirer aux témoins des déclarations vastes ou même spécifiques.

M. Lucas: La formule de péréquation est le régime fiscal représentatif, qui incorpore plus de 30 variables comme la taxe de vente, la taxe sur le tabac, l'impôt provincial sur le revenu, l'impôt sur le revenu des sociétés, les taxes indirectes, et cetera. Il n'est pas facile de mesurer l'ampleur du régime fiscal représentatif, qui est sujet à interprétation. Une mesure non fiscale, cependant, n'est pas appropriée puisque des revenus différents sont taxés à des taux différents.

Toutefois, inclure toutes les ressources naturelles fait que les paiements de péréquation sont plus volatils. Il est proposé d'inclure 70 p. 100 des ressources naturelles en haute mer, du pétrole lourd, de la potasse et de l'amiante. Lorsqu'une norme des cinq provinces sera intégrée, cela pourrait être une solution. Cependant, si la norme des dix provinces est utilisée, il n'est pas nécessaire d'accorder une attention particulière aux recettes tirées des ressources naturelles qui seraient déjà incluses dans l'assiette d'imposition des dix provinces.

Et maintenant, je veux parler de la construction d'un Canada plus fort et des raisons pour lesquelles un programme de péréquation adéquat est si important aujourd'hui.

La pauvreté augmente sans cesse au Canada. Le soutien gouvernemental à l'égard des programmes sociaux, lui, se rétrécit. L'une des façons de renverser cette tendance est de renouveler le programme de péréquation.

S'il continue d'être appliqué dans sa forme actuelle, le programme de péréquation et les transferts réduits entre le fédéral et les provinces pourraient faire en sorte que la fiscalité amène une migration des gens et des entreprises ainsi qu'une instabilité au Canada. Sans les paiements de péréquation, l'infrastructure et la prestation des services vont varier grandement d'une province à l'autre. Les provinces pourraient songer à se joindre à d'autres régions pour améliorer leur sort.

Le vérificateur général du Canada a soulevé la question de la responsabilité et des paiements de péréquation. Peut-être faudrait-il explorer certains liens entre les paiements de péréquation, les programmes sociaux et les niveaux maximums de taxation.

En conclusion, compte tenu de l'excédent du gouvernement fédéral, on peut s'offrir des changements. Pour construire un Canada fort, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas faire de changements. Le plafond de la péréquation et la moyenne des cinq provinces étaient des mesures d'économie.

Le SCFP demande au gouvernement fédéral d'éliminer le plafond et le plancher de la péréquation, d'adopter la norme des dix provinces et de renouveler le régime fiscal représentatif, la formule de péréquation, sans utiliser l'impôt sur le revenu des particuliers ou le financement ponctuel.

Si le Canada a eu besoin d'un programme adéquat de péréquation, c'est bien maintenant.

J'aimerais faire une déclaration générale. Originaire de la merveilleuse province de Terre-Neuve et du Labrador, je suis très fier de parler de mon coin de pays aux gens du reste du Canada. J'aime surtout parler de la question de la péréquation. J'ai l'impression d'être un participant à part entière au Canada et à son système économique même si les paiements de péréquation sont tellement utiles pour ma province. Bien que la province affiche une certaine diversité économique, elle a également d'importantes ressources comme celles de Churchill Falls et de la Compagnie minière IOC.

Ces ressources brutes proviennent de Terre-Neuve et sont envoyées à des endroits comme l'Ontario et la Colombie- Britannique, où on fabrique des voitures et des réfrigérateurs et où l'on transforme les matières brutes en produits finis. Nous n'avons pas la possibilité dans notre merveilleuse province de fabriquer ces produits finis, mais nous tirons les matières brutes de notre sol et nous les exportons.

En retour, des paiements de péréquation sont versés à notre province afin que nous puissions éduquer nos enfants. Comme la plupart d'entre vous le savent, la province de Terre-Neuve et du Labrador doit composer avec une importante migration des gens qui quittent la province. Au cours des dix dernières années, notre population a diminué de 10 000 à 12 000 personnes. Nous envoyons nos jeunes instruits à l'extérieur durant leurs premières années, lorsqu'ils sont les plus productifs et qu'ils paient le plus d'impôt. Le coût de l'éducation, comme tout le monde le sait, est énorme pour la province. Ce qui se passe, c'est que la plupart des gens qui vont habiter dans d'autres régions du pays veulent un jour revenir là où ils sont nés. Cela impose un fardeau plus lourd à la province de Terre-Neuve et du Labrador. Le coût le plus élevé que nous avons actuellement, c'est le coût des soins de santé. Les paiements de péréquation sont si importants pour les régions rurales du pays que nous ne pourrions survivre sans eux.

Certains disent dans les médias que les provinces et les États le long de la côte Est des États-Unis et du Canada semblent se rapprocher. Il semble toujours y avoir quelqu'un qui appelle dans les tribunes téléphoniques pour dire que nous serions peut-être mieux financièrement si nous avions une union économique avec les États-Unis. Je réponds toujours que cela n'est pas la solution. Je dis que nous avons un programme au Canada qui fonctionne. Nous avons un programme qui offre des services au pays et qui a permis de construire le Canada que nous avons aujourd'hui, et que c'est là-dessus que nous devrions tabler.

Le sénateur Bolduc: Le programme de péréquation se situe aux alentours de 10 milliards de dollars. Si l'on exclut les frais de remboursement de la dette dans le budget fédéral, cela veut dire environ 8 p. 100 ou 9 p. 100 des recettes fédérales qui sont affectées à ce programme.

Vous dites que le plafond est de plus de 25 p. 100 inférieur à ce qu'il était en 1982. Votre proposition d'accroître le pourcentage des recettes fédérales attribuées aux paiements de péréquation se situe dans quel pourcentage? S'il est actuellement à 8, 9 ou 10 p. 100, à votre avis, à combien faudrait-il élever la proportion du budget fédéral pour le programme de péréquation?

M. Moist: Vingt-cinq pour cent d'environ 10 milliards de dollars, c'est encore 2,5 milliards de dollars, ce qui pourrait nous amener dans les 12 à 13 milliards de dollars pour l'exercice en cours.

Le sénateur Bolduc: Vous iriez de 8 ou 9 p. 100 à 10 ou 11 p. 100.

M. Moist: Ce serait le pourcentage des recettes fédérales totales, oui.

Le sénateur Bolduc: Nous devons être très pratiques ici. Nous devons manifestement assurer la défense et la sécurité. La défense et la sécurité nécessitent environ 11 milliards de dollars. Je suppose que l'on va demander d'autres fonds pour ces postes également. Ces 10 p. 100 pour la défense vont monter à 11 p. 100 ou 12 p. 100.

Cela exercerait une pression supplémentaire de 1 p. 100 à 4 p. 100. C'est une somme énorme dont nous parlons ici. Allons-nous alors recourir au financement par déficit ou à des impôts additionnels? Que dire de l'idée de réduire les cotisations d'assurance-emploi en cas de récession pour aider les employés et les sociétés? Mettez-vous à la place du ministre des Finances. À votre avis, comment devrions-nous gérer les finances?

M. Moist: Je ne suis pas certain que nous allons nous laisser attirer dans un débat sur la défense et les dépenses de sécurité par opposition à une caractéristique fondamentale de notre fédération qui existe depuis la Confédération sous diverses formes de transferts de richesse.

Deuxièmement, j'ai rencontré M. Martin, de même que notre ministre régional, à Winnipeg en mai. Je ne suis pas certain que nous ne sous-estimions pas encore les excédents de recettes ici à Ottawa. Les trois ou quatre derniers exercices semblent l'indiquer.

Troisièmement, il existe diverses formes de transferts. Par exemple, le transfert d'argent direct aux travailleurs par le biais du régime d'assurance-emploi. La question est de savoir s'il faut couper les primes. M. Martin subit d'énormes pressions pour réduire les primes des employés et des employeurs parce qu'il y a plus de 20 milliards de dollars de surplus dans la caisse d'assurance-emploi. Cela serait imprudent, compte tenu de la situation économique que nous vivons actuellement.

Il y a beaucoup de pressions nord-sud qui augmentent sur notre économie depuis que nous avons signé nos accords commerciaux avec le Mexique et les États-Unis. L'une des réalités est-ouest depuis la Confédération, surtout depuis la Seconde Guerre mondiale, est la redistribution de la richesse au pays grâce à divers programmes, dont la péréquation. Si nous devons d'abord tirer parti de recettes fédérales limitées, protéger la péréquation est de toute évidence une solution défendable.

C'est pourquoi M. Trudeau l'a insérée dans la Constitution canadienne. On peut discuter des réalisations de M. Trudeau en matière constitutionnelle, mais il était d'avis qu'il fallait rétrécir l'écart entre les individus et les provinces au Canada en ce qui a trait à la richesse, et qu'il ne fallait pas aller dans des directions divergentes. Je crois que c'est vers là que nous nous dirigeons maintenant.

Ma province ne fera jamais concurrence à l'Alberta sur le plan des taxes, avec ses 11 milliards de dollars en ressources tirées du gaz naturel, du pétrole et du charbon avant d'imposer un sou de taxe. Comme vous le savez, l'Alberta n'a pas de taxe de vente. Tout le budget du Manitoba est de 7 milliards de dollars. C'était ça le but de la péréquation, non pas assurer l'élargissement ponctuel des dépenses de la défense, non pas réagir à une récession de deux ans.

Nous avons inséré le principe de la péréquation dans la Constitution parce que nous voulions que le programme soit là dans 50 ans lorsque l'Alberta pourrait en avoir besoin. Elle n'a pas de ressources renouvelables. Je lève mon chapeau à l'Alberta. Elle appuie la péréquation, y compris la norme des dix provinces.

Je crois que si l'on ne parle pas tellement de construire mais de maintenir une fédération, il doit y avoir certains principes de redistribution des recettes qui vont au-delà des vicissitudes de tout le monde de l'autre côté de la rue qui cherche à faire valoir une question en particulier dans un budget fédéral donné.

M. Martin a prétendu à Winnipeg en mai, devant un groupe de gens d'affaires et de syndicats, qu'il est trop coûteux de revenir à la moyenne des dix provinces. Il a soutenu qu'il préférerait une approche ciblée pour assurer la répartition des recettes fédérales. À mon avis, le système laisse trop de place aux lobbyistes des provinces ou régions respectives et ne donne pas suffisamment de stabilité aux provinces pour faire ce que veulent les Canadiens.

Peu importe la couleur politique ou la région au Canada, les Canadiens semblent vouloir un système de soins de santé et un système d'éducation. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais on ne peut pas parler de péréquation sans tenir compte des autres accords fiscaux.

Nous assisterons à la première récession, qu'elle soit déjà commencée ou qu'on s'y dirige, où les dépenses ne sont pas prises en compte dans les transferts du TCSPS. Le Régime d'assistance publique du Canada, comme vous le savez, prévoit 50 cents au dollar. Si la liste des assistés sociaux de Winnipeg passe de 17 000 à 35 000, comme en 1990, ces 50 cents au dollar s'envolent.

Peu importe tous nos griefs avec le gouvernement de l'époque, ces mécanismes de redistribution fédéraux tenaient compte des dépenses. Or, les dépenses du TCSPS sont données aux provinces et les augmentations, comme l'a annoncé le premier ministre Chrétien, profiteront aux trois provinces qui ne perçoivent pas de péréquation et ne tiendront pas compte des listes d'assistés sociaux à Terre-Neuve et au Labrador, au Manitoba ni dans aucune autre province.

Il me semble, sans entrer dans quelque aspect que ce soit de sa carrière, que M. Trudeau a bien fait d'enchâsser ce principe dans la constitution. Nous soutenons que les plafonds artificiels et l'établissement de priorités actuelles à court terme qui vont au-delà de la péréquation nous empêchent de respecter ce principe de la Constitution. Je suis désolé d'avoir donné une longue réponse.

Le sénateur Bolduc: Il est important d'avoir votre opinion. Je vous remercie beaucoup.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Toutes les provinces utilisent la même formule. Des témoins que nous avons entendus se préoccupent de la mesure du plafond et du plancher. Certains ont parlé d'une nouvelle formule, d'une formule unique. Êtes-vous au courant de l'existence de cette formule?

[Traduction]

M. Lucas: Je ne connais pas grand-chose de la nouvelle formule, mais je suis au courant du débat qui se déroule actuellement à Terre-Neuve et où l'on dit: Tout le monde sait qu'il y a de l'exploitation pétrolière au large de Terre-Neuve: Hibernia, White Rose, et cetera. Et nous sommes tous au courant de Voisey's Bay.

À Terre-Neuve, les gens sont très inquiets de voir que si 90 p. 100 des recettes fiscales tirées de ces exploitations retournent au gouvernement du Canada, ils ne se sortiront jamais du trou dans lequel ils sont.

Je sais que le premier ministre de Terre-Neuve a déclaré dernièrement dans les médias qu'il nous faut une nouvelle formule. Il nous faut un nouveau système afin que les paiements actuels de péréquation à l'appui des soins de santé, des services sociaux, de l'éducation, et ainsi de suite, soient maintenus à un certain niveau. Nous disons également qu'il faut une pause actuellement afin que Terre-Neuve puisse atteindre le niveau de province «nantie».

Les gens de Terre-Neuve ne refusent pas d'exploiter ces nombreuses ressources naturelles afin de garder les paiements de péréquation. La province de Terre-Neuve n'est pas une province-providence et ce n'est pas ce que pensent les gens. Cependant, les hommes et les femmes politiques doivent s'asseoir et dire aux provinces «moins nanties» comme Terre-Neuve et le Labrador que la péréquation est tellement importante parce qu'elle nous unit tous en tant que Canadiens pour assurer les services sociaux que nous méritons tous et que nous chérissons.

Du même coup, nous devons trouver un mécanisme permettant à Terre-Neuve de garder la tête haute et de savoir qu'un jour elle contribuera à l'économie du Canada. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Dans votre province, la disposition de la péréquation pose-t-elle les mêmes problèmes que dans les autres provinces?

Êtes-vous au courant de l'existence de la formule unique que M. Usher a présentée aujourd'hui et si oui, savez-vous si les provinces ont pris connaissance de cette disposition innovatrice qui consiste à répondre aux besoins spécifiques des provinces?

Nous savons tous que le gouvernement se préoccupe de la santé et de l'éducation, mais il faudrait envisager le changement de la vieille disposition de la péréquation afin de répondre aux besoins des provinces.

[Traduction]

Mme Heather Farrow, agente de recherche principale, Syndicat canadien de la fonction publique: En réponse à votre question, nous ne sommes pas ici pour vous donner les changements précis qu'il faut apporter à la formule. Cependant, lorsque cette formule sera renouvelée, nous voulons que les groupes syndicaux et communautaires et d'autres intervenants soient impliqués dans un nouveau type de processus qui soit davantage inclusif.

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers, je ne suis pas au courant de ce qu'a dit votre intervenant précédent. Je n'ai pas lu son mémoire. Il existe différents taux d'impôt sur le revenu des particuliers et cela fait biaiser la formule de façon à ce que cela serait probablement néfaste pour les provinces bénéficiaires. Ce sont là les deux éléments dont nous voulons vous faire part aujourd'hui.

Le sénateur Doody: Je remarque dans votre mémoire que vous proposez de revenir à la moyenne des dix provinces pour la formule. Croyez-vous que nous devrions continuer d'utiliser les 33 assiettes d'imposition dans la formule des dix provinces, ce qui inclurait les recettes pétrolières et gazières de l'Alberta? Cette inclusion est probablement ce qui m'incite le plus à réclamer la moyenne des dix provinces. Changeriez-vous l'un quelconque des éléments de la formule si vous y intégriez la moyenne des dix provinces?

M. Moist: Cela revient à la réponse que vient de donner Mme Farrow. Cette question fera toujours l'objet de discussions. Vous y allez carrément; la principale raison de revenir à la moyenne des dix provinces est de saisir les réalités fiscales et financières du Canada, dont ne tient pas compte la formule des cinq provinces, compte tenu des cinq provinces qui sont utilisées actuellement.

À mon avis, c'est bien que l'Alberta fasse reconnaître ses droits provinciaux de conserver les revenus de ses ressources naturelles. Je ne me suis pas beaucoup opposé au Programme énergétique national, mais vous avez vu ce qui s'est produit en septembre lorsque le premier ministre s'est fait fustiger même en ne faisant qu'évoquer la notion de programme énergétique national. La seule façon de saisir cette réalité serait de revenir à la moyenne des dix provinces.

La délégation précédente a parlé de composition des recettes fiscales avec vous. Cette composition des recettes fiscales au pays change à l'occasion. Divers frais d'utilisateur sont imposés. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ma province tire 4,5 p. 100 de ses recettes du jeu. Je n'en dirai pas plus.

Le sénateur Banks: C'est dégoûtant.

M. Moist: Dans notre fédération, les choses ne sont pas statiques, en ce qui concerne la composition fiscale qui constitue les recettes totales de la province. Les choses ne changent pas rapidement ici en ce qui a trait aux relations fédérales-provinciales et cela ferait l'objet de beaucoup de débats. Parmi les 33, 34 ou 35 taxes, lesquelles sont incluses? Il serait bon d'en discuter parce que la situation ne devrait pas être statique. Cependant, la seule façon pour toutes les régions du pays de saisir la réalité du Canada est de passer à la moyenne des dix provinces que les dix gouvernements provinciaux appuient.

Le sénateur Doody: Dans votre mémoire, vous parlez du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Ai-je raison de dire que cela n'est prévu que pour un an? Ce document est un peu trompeur. Il semble que le gouvernement fédéral ait fait ce qu'il avait promis de faire aux provinces, c'est-à-dire d'éliminer le plafond, mais il l'a fait seulement pour un an.

M. Moist: Vous avez raison, et nous savons que c'est pour un an. Nous allons proposer des élections fédérales tous les ans et nous allons peut-être en avoir pour toujours.

Le sénateur Furey: Je vais me concentrer sur Terre-Neuve parce que j'estime qu'à Terre-Neuve, chaque fois que l'on fait un pas en avant, nous sommes forcés d'en faire deux en arrière. Vous avez formulé plusieurs recommandations visant à supprimer le plafond et le plancher de la péréquation pour passer à la moyenne des dix provinces et renouveler le régime fiscal représentatif.

Certains au gouvernement seraient peut-être tentés de manipuler ces recommandations. Je ne sais pas si certains sont en faveur d'un changement complet, mais il se peut qu'ils manipulent un peu les choses. Cela générerait plus de recettes pour les provinces bénéficiaires, mais ne réglerait pas l'énorme différence entre les provinces nanties et les provinces moins nanties.

Serait-il préférable de concentrer vos recommandations au gouvernement sur la restructuration des régimes de redevances en ce qui concerne les dispositions de récupération visant l'exploitation pétrolière en mer dans Voisey's Bay? Actuellement, nous obtenons 30 cents au dollar, je crois. Si nous passions à 50 ou 60 cents, cela ferait toute la différence.

Il est possible que la région inférieure de Churchill soit exploitée. Nous allons perdre de l'argent avec cela. J'aimerais également poser une question au sujet de ce changement horrible dans le TCSPS, le passage aux calculs selon la population. Comme vous l'avez fait remarquer, monsieur Lucas, à Terre- Neuve, la population diminue et celle qui reste est de plus en plus âgée. Cela exerce beaucoup de pressions sur notre système de soins de santé. Où est l'équité dans une répartition de cet argent par habitant?

M. Lucas: Premièrement, je crois que nos recommandations sont les meilleures qui soient pour préserver la péréquation qui unit le pays pas seulement aujourd'hui, mais pour les générations futures.

En ce qui concerne les recettes et le régime fiscal selon lequel les ressources que nous avons à Terre-Neuve sont imposées, je crois qu'il faut entreprendre le dialogue et en venir à une conclusion. Si nous ne réussissons à obtenir que 10 p. 100 des recettes de Voisey's Bay et que le reste va au gouvernement fédéral, personne ne croit que c'est suffisant. Nous devons en arriver un jour à dire que Terre-Neuve est une province contributrice.

Nous, à Terre-Neuve et au Labrador, pensons que nous devons aller de l'avant et exploiter les ressources que nous avons du mieux que nous pouvons pour les générations futures. Nous en tirons effectivement quelque chose de ces ressources; nous obtenons les quelques emplois qui sont créés, les emplois miniers de Voisey's Bay et d'Hibernia ainsi que d'autres projets.

Tant que nous n'unirons pas nos efforts et que nous ne trouverons pas une autre formule d'imposition de ces industries, les gens de ma province vont venir frapper à la porte du gouvernement fédéral et demander un meilleur traitement à cet égard.

Le sénateur Furey: Croyez-vous que dans des présentations comme celle-ci, on devrait davantage mettre l'accent sur les changements qui ont été apportés au TCSPS?

M. Lucas: Absolument. C'est ce que nous disons dans le document.

Le sénateur Day: Vous recommandez que les dix provinces soient de nouveau incluses et que toutes les sources de recettes fiscales devraient être incluses dans les calculs, y compris les ressources non renouvelables; c'est exact?

M. Lucas: Oui, c'est exact.

Mme Farrow: Nous demandons un processus plus inclusif qui accompagnerait ce dialogue avec le monde du travail, les groupes communautaires et d'autres intervenants qui examineraient le régime fiscal représentatif.

Le sénateur Day: La position que vous défendriez est celle que je viens d'énoncer, n'est-ce pas?

Mme Farrow: Cela serait déterminé dans les réunions.

Le sénateur Banks: C'est votre opinion, n'est-ce pas?

Mme Farrow: Notre opinion en ce qui a trait aux éléments qui devraient être inclus dans le régime fiscal représentatif devra être établie. Si l'on inclut effectivement l'impôt sur le revenu des particuliers, ce sont là les problèmes qui peuvent se produire. Nous ne sommes pas ici pour proposer une solution détaillée. Nous demandons que le dialogue soit amorcé au sujet du régime fiscal représentatif.

Le sénateur Day: À la page 14, vous dites que les recettes tirées des ressources naturelles sont déjà incluses dans l'assiette d'imposition des dix provinces.

Mme Farrow: Oui, je suis désolée. J'ai mal compris.

Le sénateur Day: Alors, les recettes tirées des ressources non renouvelables seraient incluses, n'est-ce pas?

Mme Farrow: C'est exact.

Le sénateur Day: Certains intervenants nous ont dit qu'elles sont exclues parce que cela crée trop de variations et que l'on ne peut rien prédire sur les années à venir. Cependant, si les dix provinces étaient incluses, cela inclurait toutes les sources de recettes fiscales, n'est-ce pas?

Mme Farrow: Oui, c'est exact.

Le sénateur Day: On peut supposer que les recettes tirées des ressources non renouvelables constitueraient un petit pourcentage, donc, que les mêmes variations n'existeraient pas. N'est-ce pas?

Mme Farrow: Si la norme des cinq provinces est toujours utilisée, nous proposons peut-être 70 p. 100, et nous demandons que la discussion se poursuive.

Le sénateur Day: J'ai compris d'après ce que vous dites dans votre document que les 70 p. 100 étaient plus importants pour le scénario des cinq provinces.

Mme Farrow: Oui, c'est juste, pour le scénario des cinq provinces. Mais en bout de ligne, la meilleure solution serait d'adopter la formule des dix provinces.

Le sénateur Day: Avec toutes les sources incluses?

M. Moist: Oui.

Le sénateur Day: Dans votre résumé, vous proposez de supprimer les plafonds et les planchers et de passer à la norme des dix provinces pour toutes les sources de recettes fiscales. Quand vous dites sans utiliser l'impôt sur le revenu des particuliers, est-ce que vous préconisez de ne pas passer à un autre type de système, mais de garder le régime fiscal représentatif avec le changement dont nous venons tout juste de discuter?

Mme Farrow: Nous demandons que le régime fiscal représentatif fasse l'objet d'autres discussions. Nous n'avons pas donné de détails dans le document. Nous aimerions avoir une autre occasion de discuter en détail du régime fiscal représentatif. On nous a demandé de parler de la péréquation, c'est donc là-dessus que nous nous sommes concentrés.

Nous ne savons pas si en incluant l'impôt sur le revenu des particuliers dans le régime fiscal représentatif, cela peut causer des problèmes et être néfaste pour les provinces bénéficiaires.

Le sénateur Day: Le financement ponctuel ou des ententes spéciales pour les différentes provinces, vous ne voulez pas de cela non plus?

Mme Farrow: C'est exact.

Mme Jane Stinson, directrice de la recherche, Syndicat canadien de la fonction publique: Nous proposons d'avoir une base de financement plus stable, à plus long terme et plus uniforme comparativement à du financement ponctuel. Que l'on impose une formule qui fonctionne mieux et qui assure la continuité et la stabilité du financement pour les provinces.

Le ministre fédéral des Finances a semblé indiquer une préférence, à savoir privilégier davantage le financement ponctuel accordé par le gouvernement fédéral aux provinces, au détriment des paiements de péréquation. Ce n'est pas ce que nous proposons. Nous sommes en faveur d'une meilleure formule de péréquation.

Le sénateur Day: À la page 17 de votre rapport, vous dites qu'il faudrait peut-être explorer certains liens entre les paiements de péréquation et les programmes sociaux et les niveaux d'imposition minimale. Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus et me dire quelle est la force de cette position?

M. Moist: Cette position a été établie en réponse aux commentaires de l'ancien vérificateur général, M. Desautels, au sujet de la responsabilité. Parfois, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral se demandent si les fonds servent aux fins prévues.

J'ai été un peu estomaqué d'entendre les fonctionnaires fédéraux dire que cela est une justification pour réduire les subventions lorsqu'ils sont passés au modèle global du TCSPS. Ils avaient ciblé une source de financement comme le Régime d'assistance publique du Canada. Chaque cent de ces 50 cents au dollar devait aller aux services sociaux. J'ai dit aussi poliment que j'ai pu à M. Martin que l'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. On ne peut pas adopter une formule de financement global par habitant qui est une réduction nette par rapport à ce qui existait avant 1995 d'une part, et d'autre part, soutenir que les provinces n'utilisent pas l'argent aux fins prévues.

Nous avons assisté à ce débat improductif entre M. Harris et Ottawa au sujet de la façon dont il utilisait les dividendes fédéraux pour divers transferts dans le but de réduire les impôts dans sa province. Il y a ici deux paliers de gouvernement qui discutent de la façon dont ils utilisent leur argent.

Je suis d'accord avec M. Desautels sur plusieurs points. Au Manitoba, il ne fait aucun doute que nous n'avons aucun problème à justifier et à utiliser l'argent aux fins prévues. Si cela faisait cesser les chicanes politiques au pays, ce serait une bonne chose.

Mme Stinson: Pour ajouter à cela, la situation ou le scénario actuel fait en sorte que différents gouvernements provinciaux sont peut-être un peu engagés dans une course à la compression des impôts. Si vous avez un gouvernement provincial qui est disposé à réduire ses taxes et qui pourtant compte sur les paiements de péréquation entre autres choses pour offrir les services sociaux, cela nous amène à poser la question de savoir si nous devons regarder ce qui se passe actuellement ici ainsi que les liens entre la taxation des gouvernements provinciaux, par exemple, et les paiements de péréquation ainsi que le niveau de programmes sociaux qui sont offerts. Cela fait partie de la nouvelle réalité fiscale que nous vivons, et de la nécessité de réexaminer certaines choses que nous n'avons pas eu à examiner dans le passé.

Le sénateur Day: Vous seriez contents que le gouvernement fédéral, lorsqu'il verse ses paiements de péréquation, y attache des conditions indiquant à quelles fins les fonds doivent être utilisés, ainsi que les niveaux minimums d'imposition dans les provinces? N'est-ce pas?

M. Moist: Nous avons dit que le niveau minimal de taxation est une chose qui pourrait être explorée. J'imagine que les provinces ont leur opinion là-dessus.

Le sénateur Day: Je le pense.

M. Moist: Le Canadien moyen veut des soins de santé, lorsqu'il est malade à Terre-Neuve et au Labrador, au Manitoba ou en Colombie-Britannique. Les transferts, comme ceux dont nous parlons aujourd'hui, sont essentiels à la stabilité de la fédération. La responsabilité envers la population que nous servons n'est pas une mauvaise chose.

Les gens vont se débattre comme des diables dans l'eau bénite au sujet de la responsabilité et des conditions qui sont imposées par Ottawa, mais M. Desautels a fait un bon commentaire dans un de ses derniers rapports. Je ne peux parler avec autorité au nom d'aucun premier ministre provincial élu, mais les Canadiens ont bénéficié de la stabilité de la péréquation. Même si en ce moment, nous pensons que le système a vraiment besoin d'être réformé, dans sa forme actuelle, il rétrécit l'écart. Il vient réduire les taux de pauvreté au Canada, ce qui, je crois, était l'objectif de M. Trudeau.

Le sénateur Banks: Le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick a soutenu, comme vous, que le plafond des paiements de péréquation devait être enlevé. Cependant, il a soutenu tout aussi fortement qu'il fallait garder le plancher. J'aimerais savoir ce que vous lui diriez.

M. Moist: M. Lucas et moi devrions tous deux faire des commentaires à ce sujet parce que nous avons nous-mêmes discuté de la question.

À la page 15 de notre mémoire, nous proposons d'utiliser d'autres mécanismes de distribution comme un plancher de remplacement. À notre avis, le plus gros problème pour les provinces bénéficiaires est l'imposition du plafond. Le plancher n'est un facteur pertinent que pour deux provinces, le Nouveau-Brunswick une fois et la Saskatchewan à quelques reprises.

Je vous exprime ici une opinion personnelle et non pas celle du SCFP. Je pense que notre argument à l'égard du plafond est très solide. Pour être cohérents, nous ne pouvons demander un plancher dans la formule de péréquation. Nous pouvons demander et nous demanderons d'autres mécanismes de distribution. Nous proposons le financement des programmes établis comme solution de rechange au plancher, mais dans la formule de péréquation même.

M. Lord, s'exprimant au nom du gouvernement, a dit:

Je vais être clair. Mon but est de m'assurer que ma province n'ait pas besoin de péréquation, mais je ne suis pas disposé à voir les Néo-Brunswickois pénalisés comme ils le sont maintenant.
Je pense que dans cette dernière phrase, il parlait du plafond.

Je ne suis pas certain de ce qu'a dit mon ministre des Finances. Il a comparu devant vous en août dernier, mais je peux imaginer que des provinces contributrices nettes comme l'Ontario veulent également donner leur opinion sur la présence du plancher et l'absence du plafond. Il y a d'autres façons de se prémunir contre la baisse des revenus de péréquation à cause de l'augmentation du rendement économique sans un plafond qui soit intégré à la formule de péréquation.

M. Lucas: La seule chose que je puisse ajouter, c'est ce que la ministre des Finances de Terre-Neuve a écrit jeudi dernier dans le journal. Elle donne un aperçu du plafond et du plancher. Elle parle de la nouvelle entente qui est en voie d'être réformée. Elle dit que nous sommes dans une impasse depuis 30 ans à Terre-Neuve et au Labrador, que nous avons aujourd'hui l'occasion de changer l'opinion des politiciens à Ottawa. Si nous ne le faisons pas maintenant, nous allons encore passer 30 ans à n'être que des porteurs d'eau. Elle est certainement en faveur de l'élimination du plancher et du plafond et pour la tenue de discussions et de négociations significatives sur les paiements de péréquation. Nous savons que les paiements seront là et qu'ils le seront pour les générations futures, mais là encore, elle parle aussi d'en venir à une entente en ce qui concerne la taxation de nos ressources naturelles.

Le sénateur Bolduc: Dans l'article de la Constitution, il est question d'offrir des services publics de niveaux comparables au Canada. Êtes-vous satisfaits des indicateurs de santé et de soins de santé au Canada? Croyez-vous que ces indicateurs sont satisfaisants? Il est facile de rationaliser et de dire qu'il y a des niveaux comparables de services publics, mais qu'en est-il en réalité?

M. Moist: Il s'agit d'un principe typiquement canadien, parce que vous pouvez en faire ce que vous voulez. Nous avons comparu devant le sénateur Kirby et son comité au sujet de l'avenir des soins de santé, et nous sommes convaincus que nous n'avons pas nécessairement un système comparable dans le pays aujourd'hui. Ce n'est pas un système comparable en ce qui a trait à l'accessibilité, à l'utilisation des cliniques privées et à ce que l'on appelle le «coupe-file» des cliniques privées.

La seule chose que je puisse dire, c'est que les provinces ont toutes sortes de politiques à cet égard. L'Alberta a présenté le projet de loi 11 pour permettre aux cliniques privées de recevoir des fonds publics. Le Manitoba, lors de la dernière session de son assemblée législative, a présenté une loi empêchant le financement public des cliniques privées et a nationalisé deux cliniques privées dans la province.

Je ne suis pas certain de ce que les auteurs de la Constitution veulent dire lorsqu'ils utilisent des phrases comme un niveau comparable de services publics, mais je dois dire que cela ressemble à ce dont nous avons discuté avec le sénateur Kirby. Cela donne aux Canadiens accès à un système universel de soins de santé publique. Ottawa a favorisé la réalisation d'un tel système une fois qu'une province l'avait institué, il y a une génération ou deux.

Le président: Ce système était aussi financé à raison de 50 cents au dollar.

M. Moist: Oui. Le gouvernement fédéral conserve toujours un certain pouvoir réglementaire sur les principes des soins de santé, mais le fait d'accorder moins de fonds a fait en sorte qu'il a eu moins son mot à dire dans l'élaboration du système de soins de santé.

Si un système fédéral comme le nôtre doit viser un objectif, ce doit être l'utilisation de la force du gouvernement national, que ce soit en période de défense ou de dépression, pour protéger le pays et permettre aux Canadiens de parler d'une seule voix pour faire entendre leur opinion sur ces questions.

La Loi constitutionnelle de 1982 n'existait pas lorsqu'Ottawa a exercé sa force et son pouvoir financier pour favoriser les soins de santé. Les termes ont été insérés dans la Constitution et révisés en 1982. À mon avis, malgré sa capacité financière, le gouvernement fédéral s'est retiré lui-même de la partie.

Le sénateur Bolduc: Autrement dit, on a mis dans la Constitution une espèce de principe d'équité que l'on souhaitait, mais en pratique on l'a abandonné.

M. Moist: Cela s'est fait avec le temps et sournoisement, pas par un gouvernement en particulier.

Le sénateur Bolduc: Il est curieux que vous dites cela parce que certains de mes amis attendent depuis longtemps pour obtenir un remplacement de hanche. En même temps, je vois dans le journal que certains joueurs de hockey se blessent le soir et que le lendemain, ils sont opérés à Montréal.

M. Moist: En l'absence du sénateur Mahovlich, nous ne devrions pas parler de joueurs de hockey blessés.

M. Lucas: C'est dommage que la ministre des Finances de Terre-Neuve ne soit pas ici parce que j'ai dirigé une grève dans la province il y a moins de six mois. Je sympathise avec le travail que le gouvernement provincial essaie de faire à Terre-Neuve et au Labrador. On veut permettre à tout le monde d'avoir un accès égal non seulement aux soins de santé mais aussi à l'éducation. Comme nous le savons tous, il y a 500 collectivités réparties le long de la côte. Le Labrador compte une population dispersée. Le travail à faire est immense.

Immédiatement après la signature de la convention collective avec le gouvernement provincial, le premier ministre nous a demandé de rencontrer tous les intervenants des soins de santé de la province. Compte tenu de la réduction des paiements de péréquation et ne sachant pas s'il obtiendrait le même financement que l'an dernier, le gouvernement a dû effectuer pour 18 millions de dollars de compressions. Et ça c'était seulement dans la région de St. John's.

Le système de soins de santé à Terre-Neuve a été réduit au maximum. La plupart des spécialistes vous diront qu'ils ont puisé jusqu'à la moelle. Si une personne peut obtenir un remplacement de hanche en trois semaines à Toronto, il faut attendre trois mois à Terre-Neuve et au Labrador. Je ne pense pas que quiconque estime que cela est acceptable.

Le président: Je doute que vous puissiez obtenir cela en trois semaines à Toronto, je tenais à le préciser.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée d'une bien plus grande utilisation de la péréquation et d'une utilisation réduite des transferts conditionnels et ciblés.

Je vais vous donner un exemple de votre province. Monsieur Lucas, votre premier ministre était ici la semaine dernière et discutait de cette question précise. Dans le cours de la discussion, il a laissé tomber qu'il allait incessamment annoncer un certain type de nouveau programme fédéral-provincial de construction des routes. Je ne sais pas où les routes s'inscrivent dans les priorités de Terre-Neuve. Je ne pense pas que quiconque à Ottawa sache où les routes s'inscrivent parmi les priorités de Terre-Neuve par rapport à l'éducation, au bien-être social, à la santé ou à d'autres responsabilités provinciales. Cependant, le premier ministre a reconnu qu'il serait impossible de résister à la tentation de dépenser non pas 50 cents au dollar, mais 10 ou 30 cents au dollar pour ce programme de construction de routes.

Je vais vous donner un exemple plus vaste. M. Moist a parlé du Régime d'assistance publique. Je m'en souviens très bien. J'ai entendu les deux côtés de l'argument. Il y a longtemps, je faisais partie du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Je travaillais à titre de conseiller politique. Je sais que nous mettions tout sauf l'évier de cuisine dans le Régime d'assistance publique parce que c'était financé à 50 cents au dollar. Le Cabinet, qui devait étudier des propositions à l'égard de nouvelles dépenses sociales, dix fois sur dix, décidait de mettre en 9uvre celles qui étaient admissibles au Régime d'assistance publique, plutôt que celles que nous devions financer totalement nous-mêmes, peu importe que la première fût un meilleur programme et plus nécessaire dans la province du Nouveau-Brunswick. Nous options toujours pour le programme qui permettait le financement à 50 cents au dollar. Financièrement, c'était bien, mais de là à savoir si c'était la meilleure façon de procéder en matière de politique sociale, c'est une autre question.

J'ai joué un autre rôle au gouvernement fédéral et j'ai vu peut-être pas tellement de nouveaux programmes autant que des avantages considérablement accrus accordés non pas par une province conservatrice, mais cette fois par le gouvernement NPD de l'Ontario. L'Ontario a augmenté ses paiements de bien-être social sous le règne de M. Peterson, et certainement sous M. Bob Rae, et tout ce que nous pouvions faire, c'était de payer la facture. Malheureusement, en un sens politique plus large, cela nous a amenés au fameux plafond du plafond, ce qui était une erreur. Je le reconnais, ayant été moi-même en faveur de cette idée et l'un des premiers à la proposer à l'époque.

J'ai fait un long détour pour répondre à la question. Vous reconnaîtrez, je pense, que les provinces peuvent maintenant utiliser le TCSPS pour construire des routes, si elles le souhaitent. Quelle serait la différence en théorie si elles refusaient le TCSPS et d'autres programmes ciblés ou quasi conditionnels et faisaient tout le travail avec la péréquation?

M. Lucas: C'est une grosse question que vous posez. Premièrement, je crois que les paiements de péréquation devraient être affectés aux principaux programmes sociaux que nous avons au Canada aujourd'hui. Ces programmes sont l'éducation, les services sociaux et les soins de santé. Je pense que personne ne le contesterait.

Le sénateur Banks: Le gouvernement l'a contesté.

M. Lucas: J'en suis sûr, oui. En ce qui concerne le premier ministre qui dit vouloir faire une annonce concernant une entente de partage des coûts au sujet des routes, je n'ai aucune idée de ce dont il parle.

Le président: C'est un programme national, pas seulement pour Terre-Neuve.

M. Lucas: J'allais parler du fait qu'il y a dix ou 12 ans, nous avions un programme intitulé à Terre-Neuve «Roads for Rails» où nous échangions le système ferroviaire de Terre-Neuve pour tant de centaines de millions de dollars. Soit dit en passant, beaucoup d'entre vous savent que la route de St. John's à Whitbourne est une route magnifique. J'étais en faveur de ce programme et je pense qu'il était approprié à l'époque.

Je peux dire aussi que le SCFP s'est entretenu avec le gouvernement provincial pour exercer du lobbying auprès du gouvernement fédéral au sujet d'un programme d'infrastructure qui serait distinct du TCSPS et différent des paiements de péréquation. Nous croyons que le système d'infrastructure de l'eau du pays tombe en miettes et que nous avons besoin de dizaines de milliards de dollars. J'ai rencontré un sénateur l'an dernier et proposé, avant le 11 septembre, qu'il était temps de prendre une partie de cet argent pour l'investir dans le système d'infrastructure. J'avais à l'époque un document du premier ministre disant que s'il y avait une façon de créer des emplois significatifs et bien utiles, c'était d'améliorer le système d'infrastructure de l'eau de tout le pays.

Par conséquent, nous faisons constamment du lobbying auprès du gouvernement fédéral pour obtenir ces fonds de départ du gouvernement fédéral pour construire des routes et des autoroutes afin d'ouvrir l'intérieur de certaines de nos provinces de sorte que les entrepreneurs puissent venir y faire des affaires. Certes, en ce qui a trait à la question du TCSPS et des paiements de péréquation, je crois qu'ils sont protégés.

M. Moist: J'entrevois que les provinces, pour utiliser une analogie syndicale, seront capables de forger la solidarité nécessaire lorsque viendra le temps d'obtenir des choses d'Ottawa. Cela ne fait aucun doute. La chose la plus difficile que je fais en tant que leader syndical, c'est de dire non à mes propres membres parfois, et les négociations les plus ardues que j'aie jamais eu à faire, c'est avec mes propres gens, pas avec un employeur. Si nous forgeons nos liens tous les deux ou trois ans et que nous les mettons dans une convention collective, nous sommes forcés de les respecter. La seule vérité dans les relations fédérales-provinciales au Canada, c'est la solidarité provinciale lorsque vient le temps d'obtenir quelque chose d'Ottawa, que ce soit de l'argent ou des pouvoirs.

Je ne préconise pas la communauté des communautés. Je crois en un gouvernement fédéral fort, et je crois que nous devons redistribuer la richesse de façon prévisible et constante dans les domaines dont M. Lucas a parlé, peu importe ce que certains premiers ministres disent qu'ils vont faire avec cet argent.

Deuxièmement, certains investissements économiques ciblés sont défendables parfois. Nous vivons le pire de tous les scénarios actuellement. Il y a des provinces qui sont tellement désespérées, sur le plan fiscal, qu'elles vont accepter toutes les recettes provenant du gouvernement fédéral, à défaut de recettes fédérales stables grâce à des programmes comme la péréquation.

Enfin, M. Lucas a parlé d'infrastructure. Les villes et les provinces réclament une portion des impôts fédéraux qui sont perçus sur le carburant. Si le gouvernement fédéral devait adopter une position pancanadienne à cet égard, elle devrait s'accompagner d'une décision de stopper le projet de construction routière de 50 millions de dollars. Peut-être M. Desautels a-t-il tort. Les provinces doivent rendre des comptes à leurs électeurs et dépenser l'argent aux fins prévues. La façon dont le gouvernement fédéral pourrait imposer la discipline serait de mettre un terme aux programmes d'infrastructure de transports spéciaux et ciblés en échange de la stabilité du financement.

Mais ce n'est pas ainsi que fonctionne la fédération canadienne. Il y a eu des débats au sujet des pouvoirs, et encore des débats au sujet de l'argent et de la solidarité entre des personnes qui ne sont probablement pas d'accord sur bien des choses quand vient le temps de pressentir le gouvernement fédéral. L'ensemble de nos membres et l'ensemble des Canadiens aimeraient qu'il y ait des prises de position claires et une stabilité intégrée plutôt que ce genre d'approche aléatoire. Nous avons besoin des deux, mais le gouvernement fédéral pourrait dire non plus facilement et plus souvent s'il y avait des programmes stables comme la péréquation.

Le sénateur Bolduc: Croyez-vous que l'intérêt commun serait mieux assuré par Ottawa que par Toronto, Montréal, Vancouver ou ailleurs?

M. Moist: Je pense personnellement que depuis...

Le sénateur Bolduc: Je suis surpris, je dois dire, que le représentant des employés municipaux se comporte comme cela.

M. Moist: Nous avons rencontré le groupe de travail du premier ministre sur les affaires urbaines la semaine dernière et il faut discuter de la reconnaissance des centres urbains dans la Constitution. Je crois toujours que notre pays, pour des raisons qui vont au-delà de votre première question au sujet de la défense et de la sécurité, a besoin de la présence d'un gouvernement fédéral fort, pas seulement sur le plan fiscal, mais sur le plan législatif également, pour nous protéger nous-mêmes à certains égards.

Le sénateur Bolduc: Parce que la politique est plus pure à Ottawa qu'à Toronto?

M. Moist: Elle n'est pas plus pure à Ottawa qu'elle ne l'est ailleurs. Cela pourrait faire l'objet d'une autre discussion entre nous, j'en suis sûr.

Le sénateur Furey: N'est-il pas plus important de se concentrer sur la méthode de distribution plutôt que sur les enveloppes qui sont utilisées? On peut appeler ça un programme d'infrastructure ou un programme de soins de santé. Si on continue de le financer selon la population, nous allons continuer d'élargir le fossé. Nous devons nous concentrer davantage sur la nature du programme que sur son titre.

M. Lucas: Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Banks: Est-ce que le SCFP pense que les paiements du TCSPS seraient mieux ciblés si on y attachait des conditions? Le SCFP est-il d'avis qu'un programme de financement constant, fiable et à long terme mais ciblé serait meilleur que le système actuel de quasi-subventions en bloc?

Mme Stinson: Je pourrais peut-être répondre à cette question. Nous avons été très perturbés par la mise en place du TCSPS et par le fait qu'il est maintenant plus difficile de s'assurer que l'argent va être accordé à certains programmes spécifiques. Certes, nous avons demandé un financement ciblé. Par exemple, nous avons demandé un cadre législatif plus serré pour nous assurer que les normes sont respectées dans tout le pays. Par exemple, il n'y a aucune de ces normes en ce qui concerne l'éducation postsecondaire. Nous avons la Loi sur la santé au Canada, qui est importante et qui doit être renforcée, à notre avis. Il nous faut des lois semblables dans d'autres domaines comme l'éducation postsecondaire. Ce sont là des choses que nous avons réclamées. Il est clair que des besoins spécifiques doivent être satisfaits et qu'il faut du financement ciblé.

Nous avons également demandé une loi spécifique sur le financement des garderies dans tout le pays. En ce qui concerne la question qu'a soulevée le sénateur Murray, à savoir s'il était préférable de songer à tout payer à l'aide de la péréquation, si je vous ai bien compris, je dirais non. Nous avons des besoins spécifiques et nous avons besoin d'un financement ciblé. C'est un système complexe. Nous devons voir comment ces besoins sont le mieux satisfaits et c'est probablement grâce à une combinaison de financement ciblé et de péréquation.

Le sénateur Banks: Vous savez que toutes les provinces ne sont pas d'accord là-dessus.

Mme Stinson: Ce ne serait pas la première fois.

Le président: En principe, je ne suis pas en désaccord avec vous. Lorsque vous commencez à parler d'une loi semblable à la Loi sur la santé au Canada pour l'éducation postsecondaire, là encore, en tant que politicien réaliste, je dois dire que cela ne se produira pas.

Un programme national de garderies est une idée très intéressante. Avant, j'étais en faveur, mais lorsque j'ai commencé à examiner les possibilités, je me suis buté à nouveau au fait que les conditions et les priorités sociales varient beaucoup d'une région du pays à l'autre. Si le gouvernement fédéral va à Terre-Neuve, par exemple, lui soumettre une proposition de programmes de coûts partagés pour les garderies, il est probable qu'il se fera dire que la province a des travailleurs d'usine au chômage et sous-instruits ainsi que des pêcheurs qui ont besoin de formation. On lui dira que la province compte un taux d'analphabétisme très élevé chez les adultes et que s'il y a de l'argent supplémentaire, il devrait être affecté à la formation et à l'éducation.

Le premier ministre de la Saskatchewan dira que pendant Dieu sait combien d'années, Ottawa a trop peu investi face au problème des Autochtones hors réserve. On dira que si Ottawa a l'argent, il doit l'utiliser pour les programmes autochtones. On ne voudra pas entendre parler de programmes de garderies.

La Colombie-Britannique éprouve des problèmes sociaux, des problèmes d'exécution de la loi et de drogues illégales, et il y a la question de l'anglais langue seconde. On est préoccupé par la politique d'immigration d'Ottawa et par le coût de cette politique pour la Colombie-Britannique. On vous dira que s'il y a de l'argent de plus à dépenser, il faut l'accorder à des secteurs où la province a déjà des responsabilités plutôt que d'essayer avec le régime de 50 cents au dollar de les entraîner vers un nouveau programme social.

Vous savez aussi bien que moi, sinon mieux, ce que sera le débat parce que les conditions et les priorités sont tellement différentes d'une région du pays à l'autre.

Mme Stinson: Ce qu'a soulevé M. Moist tout à l'heure est important. La question est complexe et les besoins sont nombreux. Nous devons avoir une évaluation exhaustive des besoins et des buts à long terme. Personne ne dit que c'est facile. Le pays est compliqué et ce sont des problèmes compliqués dont nous discutons.

M. Moist: Nous sommes d'accord avec les provinces sur la question que nous étudions aujourd'hui. Cependant, les programmes sociaux qui ont été mis en place par la génération de mon père après la crise n'existeraient pas s'il y avait eu un manque de courage politique au niveau fédéral comme il semble y en avoir aujourd'hui. Si on doit se laisser dicter une ligne de conduite par les provinces qui disent non à un objectif national comme les garderies, alors il n'y aura jamais de garderies. Je critique les provinces qui veulent tout avoir, je critique également le gouvernement fédéral qui abdique le rôle de leadership qui a permis de construire le pays que nous connaissons aujourd'hui.

Le président: Merci. Nous apprécions beaucoup vos efforts.

La séance est levée.


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