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Délibérations du Comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 40 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 29 mai 2002

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales s'est réuni aujourd'hui à 17 h 50 afin d'examiner le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2003.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues et distingués témoins, soyez les bienvenus.

[Français]

Le Sénat nous a confié l'étude du Budget des dépenses pour l'exercice financier 2002-2003. Nous accueillons ce soir l'honorable Lucienne Robillard, députée de Westmount—Ville-Marie et présidente du Conseil du Trésor depuis déjà trois ans.

[Traduction]

La ministre est accompagnée cet après-midi par M. Richard Neville et par M. Bickerton, tous les deux de la Direction de la fonction de contrôleur.

Madame la ministre, lors de nos réunions précédentes, notre comité a eu l'occasion de se renseigner grâce à la présence de vos collaborateurs. Nous sommes heureux de vous accueillir ici ce soir. Nous vous invitons maintenant à nous présenter votre déclaration d'ouverture.

[Français]

Mme Lucienne Robillard, présidente du Conseil du Trésor: Je suis heureuse d'être parmi vous cet après-midi pour discuter du Budget principal des dépenses du gouvernement pour 2002-2003. Je suis accompagnée de MM. Neville et Bickerton que vous connaissez bien puisque, à quelques reprises, ils sont venus vous voir au cours des derniers mois.

Avant de nous pencher sur le Budget principal des dépenses, j'aimerais préciser que les événements du 11 septembre ont évidemment eu des conséquences sur les dépenses gouvernementales. Le budget de décembre 2001 a prévu une série complète d'initiatives en matière de sécurité totalisant 7.7 milliards de dollars sur six ans, dont 1.5 milliard de dollars qui seront utilisés en 2002-2003.

Le Budget principal des dépenses présente 613 millions de dollars pour ces initiatives, y compris un investissement accru dans la sécurité aérienne, les services de renseignements et de police, la protection civile, le soutien militaire, un contrôle plus efficace des immigrants et des réfugiés et une amélioration de l'infrastructure et des activités frontalières du Canada.

Malgré ces dépenses non prévues, le gouvernement maintient son engagement de gestion rigoureuse des ressources publiques, et malgré les dépenses consacrées à de nouvelles mesures de sécurité, nous avons réussi à dégager un excédent.

En fait, notre situation financière fait l'envie du reste du monde. Le gouvernement a réussi à équilibrer son budget pendant une période difficile sur le plan économique. Au cours des cinq dernières années, nous avons affiché cinq excédents budgétaires consécutifs, si bien que le Canada a été le seul pays du G-7 à ne pas accuser de déficit pendant cette période.

Nous prévoyons, encore cette année, équilibrer notre budget. Nos efforts ont porté fruits. Il y a quelques semaines, la société Moodies a rétabli notre cote de crédit AAA. De plus, l'économie du pays continue de croître, grâce à l'approche équilibrée et prudente adoptée par le gouvernement en matière de gestion des finances publiques, combinée à la stratégie fiscale et aux mesures énergiques que nous avons prises pour assurer la relance. Le gouvernement a planifié comme il se doit, il investit de manière stratégique. Le Budget principal des dépenses présenté aujourd'hui fait état de ces investissements pour 2002-2003.

[Traduction]

Le Budget principal des dépenses de 2002-2003 s'élève à 170,3 milliards de dollars: 186,3 milliards de dollars sont consacrés aux dépenses budgétaires et 12,0 milliards de dollars, aux dépenses non budgétaires. Ce budget reflète en grande partie le plan des dépenses de 172,9 milliards de dollars pour 2002-2003 énoncé dans le budget de décembre 2001, et il y est conforme. La différence, soit quelque 4,6 milliards de dollars, sert à d'autres ajustements budgétaires visant les dépenses législatives ou les autorisations de dépenser qui seront soumises sous forme de Budget supplémentaire des dépenses.

Le Budget principal des dépenses de cette année affiche par rapport à l'an dernier une progression du total des dépenses de 5,2 milliards de dollars. De cette somme, 5 milliards de dollars, soit 96 p. 100 de l'augmentation, sont consacrés aux dépenses budgétaires.

Les Canadiennes et les Canadiens ont travaillé avec acharnement afin de bâtir une société fondée sur les valeurs d'équité et de compassion. Nous perpétuerons cette tradition en continuant de financer des services de santé de grande qualité. L'augmentation de 1,3 milliard de dollars du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux versé aux provinces va dans ce sens. Les Canadiens ont maintes fois répété que les services de santé constituent leur principale priorité. Notre gouvernement est engagé à maintenir l'efficacité du réseau de la santé et il attend avec impatience le rapport final de la Commission sur l'avenir des soins de santé au Canada, qui doit apparaître plus tard cette année, afin de faire évoluer le réseau conformément aux besoins des Canadiennes et des Canadiens.

En outre, dans le cadre du programme Infrastructures Canada par exemple, des paiements de transfert de 348 millions de dollars donneront l'occasion aux collectivités canadiennes de maintenir leurs infrastructures et d'accroître la qualité de l'environnement.

Il s'agit d'investissements dans les priorités désignées par la population canadienne comme essentielles afin de garantir et de préserver sa qualité de vie.

Vous n'ignorez pas que j'ai déposé le Budget principal des dépenses au nom du gouvernement le 28 février. Toutefois, certaines dépenses sont précisément de mon ressort, en ma qualité de présidente du Conseil du Trésor, chargée également de son Secrétariat. Le Budget principal des dépenses de 2002-2003 pour le Secrétariat du Conseil du Trésor s'élève à un peu plus de 2,1 milliards de dollars. Cette somme représente par rapport à l'an dernier une légère augmentation de 67,6 millions de dollars, attribuable en grande partie à des augmentations des dépenses de fonctionnement et de l'assurance de la fonction publique.

Notre rôle, en tant que conseil de gestion du gouvernement, consiste à instaurer de nouvelles mesures qui nous permettent de nous acquitter de notre mandat et des engagements que nous avons pris dans le document intitulé «Des Résultats pour les Canadiens et les Canadiennes». Il s'agit d'investissements dans des initiatives touchant l'ensemble de l'administration fédérale qui visent à créer une fonction publique davantage axée sur les citoyens, fondée sur des valeurs, orientée sur les résultats et qui s'engage à dépenser judicieusement — une fonction publique qui répondra aux besoins des Canadiennes et des Canadiens, à l'aube du XXIe siècle.

L'une de ces initiatives, le Réseau du leadership, est passée du Bureau du Conseil privé au Secrétariat du Conseil du Trésor comme première étape pour faire progresser le programme de modernisation et de réforme de la fonction publique. La majeure partie de l'augmentation de nos dépenses de fonctionnement par rapport à l'an dernier est attribuable à cette initiative.

De plus, nous sommes en train d'établir le nouveau Bureau de l'agent de l'intégrité de la fonction publique afin d'appliquer notre nouvelle Politique sur la divulgation interne d'information concernant des actes fautifs au travail, et je connais bien l'intérêt de ce dossier pour votre comité. Il s'agira d'une tribune confidentielle et neutre permettant aux employés de déclarer les actes fautifs.

[Français]

En outre, nous enrichissons nos fonctions de vérification interne et d'évaluation. Notre initiative sur la fonction moderne de contrôleur, qui nous permet d'obtenir de meilleurs renseignements en matière de rendement, une saine gestion du risque et des systèmes de contrôle appropriés, sera également appliquée à l'échelle gouvernementale cette année et l'an prochain.

Nous continuons aussi à progresser sur le plan de la modernisation de la gestion des ressources humaines afin de faire en sorte que la fonction publique soit l'employeur de choix pour ceux qui se cherchent un emploi. Le gouvernement direct demeure une priorité importante. L'année visée pour offrir des services en direct est 2005 et nos progrès en ce sens sont remarquables. La société d'experts-conseils Accenture a classé le Canada au premier rang mondial pour la deuxième année consécutive pour son leadership en matière de gouvernement électronique.

De ce budget principal, nous demandons également une autorisation de 750 millions de dollars au titre du crédit 5, le crédit pour éventualités du gouvernement. Je sais que vous vous êtes penchés sur l'utilisation par le gouvernement du crédit 5 du Conseil du Trésor et mes collègues ici présents ont témoigné devant vous à ce sujet il y a quelques semaines.

Vous avez également appris que les lignes directrices concernant l'utilisation du crédit 5 font actuellement l'objet d'un examen au terme duquel nous espérons renforcer la gestion de ce crédit afin de veiller à ce qu'il soit appliqué le plus judicieusement possible. Je suis persuadée que les observations et recommandations de votre comité seront des plus pertinentes.

J'aimerais conclure en vous assurant que le gouvernement continuera de se doter des outils nécessaires pour dépenser judicieusement les fonds publics de manière à ce que les Canadiens et les Canadiennes aient une meilleure qualité de vie. Nous continuerons d'appliquer une approche équilibrée, soit un investissement dans les priorités qui comptent le plus pour les citoyens, tout en instaurant des mécanismes de contrôle qui permettent de veiller à ce que nous investissions de manière rigoureuse et viable. Mes collègues et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Bolduc: Notre comité s'est penché très sérieusement sur le crédit 5. Une étude a été faite en 1989 ou 1990. C'est un sujet important puisque le gouvernement cherche une sorte de marge de manoeuvre pour favoriser l'efficacité gouvernementale et pour assurer la responsabilité des ministres au Parlement. On a travaillé à l'élaboration du le rapport. Je ne peux pas vous en livrer les résultats parce qu'il n'est pas terminé. Avant de modifier, s'il y a lieu, le crédit 5 en termes de libellé ou de lignes directrices, je vous demanderais d'attendre que notre rapport soit présenté, pour que vous puissiez bénéficier des commentaires du comité.

Mme Robillard: J'aimerais recevoir vos commentaires. Nous nous sommes engagés à réviser les lignes directrices dans notre réponse à la vérificatrice générale. Est-ce que je peux conclure, monsieur le président, que nous allons recevoir ce rapport avant la fin de la session parlementaire?

Le président: Oui.

Mme Robillard: Nous allons certainement attendre votre rapport.

Le sénateur Bolduc: J'aimerais vous féliciter pour le document que vous nous avez envoyé sur les indicateurs sociaux. Ces indicateurs macroéconomiques ne sont pas des indicateurs de rendement par ministère. Ceux-ci se trouvent dans les rapports de rendement. Certains de ces indicateurs ne sont pas tellement favorables. Dans l'ensemble, ils sont assez élogieux. Il faut s'attendre à cela de la part d'un rapport du gouvernement. Quelques-uns sont troublants, par exemple, ceux sur l'innovation et les efforts faits dans ce domaine. Il y a beaucoup de chemin à faire par rapport aux autres pays de l'OCDE, tel que vous l'indiquez à la page 11 de votre rapport. Il y a aussi des écarts mentionnés en page dix sur le plan de la productivité comparativement aux États-Unis. On prend connaissance de vos documents de façon très sérieuse.

Ma première question concerne les estimations de Radio-Canada. On sait qu'il y a eu une grève de deux mois à Radio-Canada. L'ensemble du réseau doit recevoir, ce n'est pas indiqué ici, environ un milliard de dollars. Vous donnez à Radio-Canada 300 ou 400 millions de dollars. Est-ce le tiers ou le quart du budget, je l'ignore. Allez-vous retenir les fonds pour les deux mois pendant lesquels les gens n'ont pas travaillé? Nous avons été privés de services. Lorsque les gens ne donnent pas le service, on ne peut pas leur donner le même montant. Il y a un minimum d'imputabilité.

Mme Robillard: La Société Radio-Canada présente son plan d'entreprise au Conseil du Trésor sur une base annuelle. Elle présente son plan d'entreprise. On regarde son plan global, y compris les dépenses en capital, et cetera.

Par ailleurs, il y a un problème budgétaire au niveau des coût salariaux, par exemple, étant donné qu'il y a eu une grève «lock-out». J'utilise les deux termes parce que les deux situations sont survenues dans la situation qui nous occupe. Le conseil d'administration de Radio-Canada devra étudier l'ensemble de son budget.

M. Neville: Il faut aussi prendre en considération qu'il y a eu une diminution de recettes. On fait une revue annuelle. Si, plus tard, un ajustement est requis, on prendra cela en considération. Mais il faut regarder l'ensemble du plan annuel. Dans ce contexte, on continue avec les paiements en tenant d'ajustement ultérieurs.

Le sénateur Bolduc: Il ne s'agit pas d'un moment forfaitaire comme dans le cas des fondations. On a une imputabilité véritable. Le ministre, Mme Copps doit répondre en Chambre au sujet du montant de 915 millions de dollars qui représente une dépense de fonctionnement. Je ne parle pas de dépenses de capital. On devrait s'attendre normalement à ce qu'il y ait une étude du ministre et du Parlement sur le montant alloué, étant donné les circonstances.

Mme Robillard: Tout à fait. Vous n'avez pas posé de questions sur le rendement du plan social des critères dans le rapport. Je dois vous dire que c'est la première fois que le Conseil du Trésor publie une telle étude de rendement au plan horizontal. Nous sommes ouverts à tout commentaire pour améliorer celui de l'an prochain. Mon équipe a consulté quelques élus de la Chambre des communes qui s'intéressent à ce sujet. Ils on fait des remarques fort intéressantes pour améliorer davantage le rapport qui est devant vous.

Le sénateur Bolduc: Nous avons le rapport du comité sénatorial qui s'est penché assez sérieusement sur le problème de la Défense. Il a constaté que le budget du ministère de la Défense n'est peut-être pas ce qu'il devrait être, si on compare la proportion de notre PIB qui va à la défense à celui des pays de l'OCDE et des autres pays de l'OTAN. Je crois comprendre qu'un rapport de la Chambre des communes fera état d'un manque à gagner de ce ministère de l'ordre de 3 à 4 milliards de dollars. On sait que les forces armées sont sous-équipées. Je ne parle pas seulement du fait qu'on a 57 000 personnes dans les forces armées. Il y a un manque d'équipement notoire dans le cas des hélicoptères et du vieillissement de certains autres équipements, les bombardiers par exemple. Je comprends que puisque le budget couvrait la période se terminant au mois de novembre ou décembre 2001, vous n'avez pas pu tout voir. Avez-vous le sentiment qu'il n'y aura pas de budget supplémentaire pour la Défense?

Mme Robillard: C'est très difficile de vous le dire aujourd'hui.

Le sénateur Bolduc: Mais il s'est quand même écoulé six mois depuis ce temps. Vous avez une vitesse de croisière. C'est plus facile à évaluer au mois de mai.

Mme Robillard: Vous dites qu'un rapport du comité du Sénat a été déposé. Il a dû être envoyé à mon collègue au ministère de la Défense. Il y en a un qui sera déposé à la Chambre des communes. Nous allons les examiner attentivement. Mon collègue, le ministre de la Défense, a annoncé une révision du mandat de la Défense dans le cadre de la révision de la politique étrangère. Vous savez que mon collègue, Bill Graham, évalue la politique étrangère. Ma collègue de l'aide internationale fait de même, le ministre de la Défense aussi.

Il sera important que l'on donne un mandat au ministère de la Défense et le budget correspondra au mandat que l'on va décider. Les membres des comités se sont interrogés pour ces raisons. Maintenant, au sujet du Budget supplémentaire des dépenses, M. Neville pourra ajouter quelque chose.

M. Neville: En ce qui concerne le Budget supplémentaire (A), on le dépose au Parlement vers le mois de novembre. On est au mois de mai. Il y a encore quelques mois avant de finaliser le contenu de ce budget supplémentaire. Il est un peu tôt pour réfléchir spécifiquement sur cette question. À la fin de l'été ou au commencement de l'automne, on pourra finaliser la documentation pour le Budget supplémentaire (A) et ensuite le présenter au Parlement. Par la suite, il pourra être étudié à ce comité. Seulement en novembre ou en décembre pourrons-nous en discuter à fond.

[Traduction]

Le sénateur Banks: Je tiens d'abord à demander au sénateur Kinsella s'il va poser aujourd'hui sa question au sujet de son projet de loi relatif aux dénonciateurs.

Le sénateur Kinsella: Non, je ne prévois pas le faire.

Le sénateur Banks: Me permettez-vous de la poser moi-même?

Le sénateur Kinsella: Volontiers.

Le sénateur Banks: Ici et ailleurs, un projet de loi parrainé par le sénateur Kinsella a soulevé un certain intérêt, mais son étude semble en suspens pour le moment. Je crois savoir que cela tient en partie à la politique que vous avez adoptée ou que vous allez adopter, par rapport à cette question des dénonciateurs.

Nous sommes quelques-uns à nous préoccuper de la faible protection accordée à ces personnes. Pouvez-vous nous dire si à votre avis, un dénonciateur est aussi bien protégé par une politique, instrument facilement modifiable, que par un projet de loi ayant pour but de lui accorder protection.

Mme Robillard: Sénateur Banks, cela me rappelle la discussion que nous avons tenue là-dessus ici l'année dernière, après que le sénateur Kinsella ait eu déposé son projet de loi. À l'époque, j'ai laissé savoir que nous envisagions adopter une politique en ce sens. Depuis, nous avons élaboré la politique en question, et elle a d'ailleurs été mise en vigueur en novembre dernier, si je ne m'abuse. Je ne l'ai pas en main, mais on peut en trouver le texte à notre site Web. Nous sommes donc maintenant dotés d'une politique relative à la divulgation interne, ainsi que nous appelons cette activité, plutôt que de parler de la dénonciation, et nous avons même déjà embauché l'agent d'intégrité.

Le sénateur Banks: C'était ma prochaine question.

Mme Robillard: M. Keyserlingk est le premier agent d'intégrité de la fonction publique, et il est déjà en poste. Il a commencé à entendre les plaintes au début d'avril 2002. On me dit qu'il a déjà reçu entre 30 et 40 demandes. Depuis la mise en oeuvre de la politique, il a rencontré bon nombre de gens, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la fonction publique. Il a tenu bon nombre de réunions avec des employés, des gestionnaires et des employés de soutien afin de les renseigner sur ses fonctions. Grâce à sa vaste expérience, M. Keyserlingk a acquis de solides compétences en ce qui a trait aux valeurs et à l'éthique, et il était prêt à assumer ses nouvelles responsabilités.

À terme, il nous présentera un rapport d'évaluation du processus que nous avons mis en oeuvre. Il est donc trop tôt pour vous dire si le nouveau système fonctionne bien ou non. À l'heure actuelle, M. Keyserlingk examine les droits à la protection des renseignements personnels et il consulte des conseillers juridiques afin d'éviter que la politique représente des problèmes sur le plan juridique. Il nous a récemment demandé une délégation de pouvoirs par rapport à la législation relative à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels, et j'ai signé le document la lui accordant. Nous verrons si la politique donne de bons résultats au cours des mois à venir. Je suis sûr que vous suivrez attentivement la situation.

Le sénateur Banks: Oui, nous le ferons. Je suis heureux d'apprendre que le poste a été créé et que les choses ont été mises en route.

Ma seconde question porte sur la Commission de la capitale nationale, car nous allons rencontrer ses représentants. Je suis quelque peu préoccupé par le fait que l'organisme semble permettre l'exploitation, la location et la vente de certains de ses actifs à des fins quelconques. En effet, dans les prévisions budgétaires de la CCN, j'ai remarqué une augmentation de quelque 3 millions de dollars de ses frais d'exploitation et de quelque 10 millions de dollars de ses coûts d'immobilisations.

J'aimerais donc savoir si le plan d'entreprise que la CCN vous a soumis précisait si les sommes figurant dans les prévisions budgétaires ainsi que les subventions antérieures lui suffisaient pour la conduite de ses affaires. Avant de rencontrer les représentants d'organismes, il nous sera utile de savoir si la direction envisageait de se départir de certains de ses avoirs afin d'obtenir davantage de fonds d'exploitation.

Mme Robillard: La Commission de la capitale nationale a soumis son plan d'entreprise au Conseil du Trésor. En vertu de ce document, qui a été approuvé par le Conseil, il était entendu que l'organisme procédait à la vente de terrains considérés comme non stratégiques. À ma connaissance, il n'a pas récemment demandé au Conseil de modifier quoi que ce soit. Je vais cependant demander à M. Austin de bien vouloir compléter ma réponse, car c'est lui qui est chargé de ce dossier au secrétariat.

M. Bill Austin, secrétaire adjoint, Secteur social et culturel, Secrétariat du Conseil du Trésor: Cela fait 6 ou 7 mois que les responsables de la CCN se sont adressés au Conseil du Trésor. Sauf erreur, le plan est entré en vigueur au début de l'année civile, et c'est ainsi que les choses se passent à tous les ans, ainsi que le précisait notre présidente.

M. Neville: Les ventes d'avoirs ont été transigées à la valeur du marché, et l'utilisation des bénéfices est compatible avec notre politique en matière de biens-fonds excédentaires.

Le sénateur Banks: Si je vous pose ce genre de questions, c'est afin de mieux nous préparer à notre prochaine rencontre avec les représentants de la CCN. Quoi qu'il en soit, lorsque l'organisme vous présente son plan d'entreprise ainsi que ses intentions, est-elle tenue de vous démontrer que les terrains qu'on s'apprête à vendre sont excédentaires ou non stratégiques? À cet égard, il me semble que la décision de déclarer telle ferme ou tel parc stratégique ou non est de nature presque subjective. Est-ce qu'elle explique en quoi tel avoir est excédentaire par rapport aux besoins de la Commission?

M. Austin: Le plan d'entreprise de la CCN n'est pas aussi détaillé. À mon avis, je crois que c'est aux honorables sénateurs de demander ce genre de renseignements. Selon mes sources, cela fait quelques années déjà que l'on présente un plan de ce genre. Je crois aussi savoir que ce genre d'initiative est précédé de nombreuses consultations auprès de bon nombre d'intervenants de la collectivité.

Le président: Quoi qu'il en soit, nous aimerions peut-être voir les lignes directrices mentionnées par M. Neville tout à l'heure, car elles permettraient de bien nous préparer à notre rencontre avec M. Beaudry dans une semaine ou une dizaine de jours. M. Neville pourrait peut-être nous les communiquer.

M. Neville: J'y verrai.

Le sénateur Kinsella: En guise de questions complémentaire, existe-t-il une politique du Conseil du Trésor portant sur les agences exploitantes semblables à la CCN, c'est-à-dire qui jouissent d'une certaine indépendance opérationnelle par rapport au gouvernement? Lorsque ce genre d'agence vent des avoirs qui en relèvent et conserve le produit de la vente, est-ce que les sommes sont versées dans un compte en banque distinct ou au Trésor?

M. Neville: Depuis 1992, le Conseil du Trésor autorise la CCN à vendre des terres jugées excédentaires, et à la valeur du marché, ainsi que je le disais précédemment. Cela est extrêmement important car l'agence peut ensuite se servir des bénéfices pour financer ses coûts en immobilisations et en entretien et pour acquérir d'autres propriétés essentielles.

Il s'agit d'un mode de gestion propre à cette agence et conforme à notre décision. Dans le cas d'autres sociétés d'État, la façon dont on peut disposer du produit d'une vente peut varier selon la société.

Le sénateur Kinsella: Existe-t-il des documents administratifs nous précisant dans quelle mesure ce genre de politique est contraignante pour une agence exploitante, c'est-à-dire dans quelle mesure une agence est autorisée à vendre de ses avoirs pour avoir une plus grande marge de manoeuvre lorsqu'elle estime ne pas avoir de crédits budgétaires suffisants?

Je n'ai pas ces documents en main, mais à ma connaissance, le Parlement accorde quelque 118 millions de dollars à la CCN. En outre, je crois qu'elle obtient 30 millions de dollars supplémentaires, ou s'agit-il plutôt de 12 millions de dollars? Je ne me souviens pas de la somme exacte, mais elle est assez considérable.

Cette question m'intéresse sur le plan administratif. La politique actuelle ne pousse-t-elle pas une agence exploitante à vendre ses actifs?

M. Neville: Bien que la politique du Conseil du Trésor ne s'applique pas à la CCN de façon précise, nous effectuons quand même une évaluation annuelle de sa situation, car par l'entremise du processus budgétaire, nous la finançons. Avant d'arriver au montant inscrit dans le budget des dépenses, il y a d'abord négociation. Ensuite, en tenant compte de tous les faits dont il dispose, le gouvernement établit le montant du financement.

Le sénateur Kinsella: Il décide des crédits qui seront accordés, c'est bien cela?

M. Neville: Oui, mais étant donné que nous voyons l'ensemble du plan d'entreprise, nous prenons en considération la totalité des revenus et des dépenses.

Le sénateur Kinsella: La Loi sur la capitale nationale autorise le gouvernement à acheter les avoirs, auquel cas la décision prise sera réputée être celle de la Commission de la capitale nationale. Autrement dit, si aux yeux du gouvernement, il est dans l'intérêt du public d'acquérir un avoir quelconque au profit de la Commission de la capitale nationale, une disposition de la loi permet au Cabinet de prendre une décision en ce sens. Toutefois, je ne vois rien dans la loi qui autorise le contraire. Ainsi par exemple, si lors d'un examen d'une agence exploitante comme la CCN ou n'importe quelle autre, on découvrait que l'organisme en question a l'intention de vendre un avoir, même si de l'avis du gouvernement la transaction est contraire à l'intérêt du public, une disposition pourrait empêcher la vente.

Sur le plan administratif, estimez-vous qu'un principe de cette nature devrait figurer dans la loi, ou est-ce qu'une autre politique du Conseil du Trésor pourrait être aussi efficace?

M. Neville: Je n'en suis pas sûr.

Mme Roberta Santi, sous-contrôleure générale adjointe, Direction générale de la fonction de contrôleur, Secrétariat du Conseil du Trésor: Par rapport à la politique du Secrétariat du Conseil du Trésor relativement aux biens immobiliers, le principe sous-jacent à respecter dans le cas de terres excédentaires, est la preuve démontrée qu'aucun ministère ou organisme n'en a besoin pour les besoins de ses programmes. Il faut donc d'emblée établir que les terres ne sont plus nécessaires à l'exécution des programmes. Une fois que la décision est prise en ce sens, cela enclenche un processus détaillé.

Il faut également distinguer entre une propriété d'utilité courante et une propriété stratégique. Une propriété stratégique peut rapporter une valeur ajoutée à la Couronne, et partant une valeur supérieure. Un ministère ou un organisme doit donc d'abord se demander si la propriété en question est nécessaire aux exigences du programme ou est excédentaire. Vient ensuite le processus censé déterminer si un autre ministère ou organisme fédéral a besoin des mêmes biens immobiliers pour la mise en oeuvre de ses programmes.

Le sénateur Kinsella: Le gouvernement pourrait toujours être d'un avis différent de celui de l'agence exploitante qui cherche à vendre la propriété. Je songe par exemple au cas où un grand terrain pourrait être mis à la disposition de tous les Canadiens, même dans le cas où le gouvernement ne l'estimerait pas nécessaire sur le plan stratégique. Évidemment, si on vendait la propriété en question, elle ne serait plus à la disposition de tous les Canadiens. Si toutefois le gouvernement estimait qu'il ne serait pas dans l'intérêt de la population de vendre le terrain en question, quel mécanisme pourrait-il utiliser pour s'opposer à la transaction? Le président du Conseil du Trésor aurait-il l'autorité de l'empêcher?

Mme Santi: Je pense que c'est alors que s'enclenche le processus d'examen permettant de savoir si un organisme quelconque du gouvernement fédéral a besoin des biens immobiliers en question. Le gouvernement fédéral doit en effet préciser à quelle fin le gouvernement tient à conserver la propriété en permanence. À mon avis, si on présente de solides arguments contre la vente, on peut probablement étudier le cas de façon détaillée.

Le sénateur Kinsella: Si par exemple le gouvernement arrivait à la conclusion que la ferme Moffat, située sur la rive de Mooney's Bay sur la rivière Rideau, devrait demeurer propriété publique dans l'intérêt de tous les Canadiens, et qu'elle ne devrait donc pas être mise dans la catégorie des propriétés excédentaires, ni être vendue, ce qui est d'ailleurs proposé en ce moment, est-ce que la ministre pourrait émettre une directive en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques?

Mme Santi: J'ignore si on pourrait émettre une directive, mais nous pourrions toujours examiner le processus. Je ne connais pas les détails entourant la question de la ferme Moffat, je ne peux donc faire de remarque. Il faudrait aussi que nous examinions la politique relative aux biens-fonds et la mesure dans laquelle la CCN y est assujettie et est contrainte de la respecter en vertu de la loi.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Mon collègue faisait allusion au pouvoir du gouvernement fédéral d'acheter des propriétés. En pratique, le gouvernement fédéral se donnait un pouvoir d'expropriation.

A-t-il aussi le pouvoir de refuser à la Commission de la capitale nationale de vendre des propriétés? Dans la législation, ce n'est pas tout d'accorder et d'ajouter des pouvoirs discrétionnaires au gouvernement fédéral. Ce dernier peut procéder à l'expropriation par le biais de la Commission, mais le contraire devrait aussi pouvoir se faire. Il peut exister des éléments stratégiques pour acheter des propriétés comme il peut en exister pour ne pas les vendre.

Mme Robillard: Est-ce que c'était inclus dans le plan corporatif?

Le sénateur Bolduc: Probablement que non parce qu'à l'époque, le problème ne se posait pas.

Mme Robillard: Il y a quelques années, le gouvernement fédéral a identifié les propriétés qui devaient être vendues et celles qui ne devaient pas l'être.

[Traduction]

Mme Santi: Dans une telle situation, le gouvernement, après avoir effectué une analyse de rentabilité concluante, peut émettre une directive à l'intention de la société de l'État lui interdisant de vendre la propriété. Une telle mesure est possible.

Le sénateur Bolduc: En vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Mme Santi: Oui, c'est cela.

Le sénateur Bolduc: La loi vous reconnaît donc un tel pouvoir.

Mme Santi: C'est exact.

Le sénateur Banks:: Lorsqu'il y a vente d'une parcelle jugée excédentaire, le produit de la vente ira dans les coffres de la CCN plutôt que de retourner au Trésor. C'est bien ce que vous avez dit?

Mme Santi: C'est exact.

Le sénateur Banks: Il pourrait y avoir virement, en fonction de sa valeur comptable. Par le passé, la Couronne a cédé à ses frais des terrains à la CCN. Pourvu que le ministre ne juge pas la vente inacceptable, l'organisme peut procéder à la transaction et convertir le produit de la vente en liquide. C'est cela qui nous préoccupe.

Ai-je raison de dire que la présidente du Conseil du Trésor peut empêcher la vente d'une parcelle appartenant à la CCN, si cela lui paraît s'imposer?

Mme Santi: Précisons que c'est le gouverneur en conseil qui serait autoriser à le faire.

De plus, par souci de bien expliquer la politique du Conseil du Trésor, les ministères ne sont pas autorisés à convertir les produits de vente en liquide. Il faut qu'il y ait réinvestissement dans les biens immeubles. L'argent peut donc servir à l'entretien des lieux, mais il doit être réinvesti dans les installations et les propriétés relevant du ministère.

[Français]

Le sénateur Bolduc: La directive viendrait du ministre responsable de la Commission de la capitale nationale, et non du Conseil du Trésor?

Mme Robillard: Exactement.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Les brillants échanges des sénateurs Kinsella et Banks ont soulevé mon intérêt. Je ne résiste donc pas à la tentation de participer au débat.

Au sujet de la Commission de la capitale nationale, la ministre nous a parlé de propriétés stratégiques et de propriétés sur le point d'être déclarées excédentaires. Dans ses propos, elle a bien dit qu'une telle décision était lourde de conséquence. Il y va certainement de l'intérêt du public et des impondérables que cela recouvre. Ensuite, Mme Santi a poursuivi.

Le processus en vertu duquel on déclare telle propriété excédentaire est-il officiel? Y a-t-il une marche à suivre documentée? Peut-on en obtenir copie?

Ainsi par exemple, demain, quelqu'un pourrait toujours estimer que la colline du Parlement est une propriété extrêmement précieuse, et qu'on pourrait en tirer énormément d'argent si on pouvait y construire des condominiums. J'aimerais savoir par quel processus on déclare une propriété donnée excédentaire?

Si un organisme d'État est autorisé à déclarer que telle parcelle de terre est excédentaire, et si en même temps les organismes nous disent subir d'énormes pressions pour obtenir de l'argent, il me semble qu'on aura tendance à déclarer un grand nombre de propriétés excédentaires, aux seules fins d'obtenir l'argent nécessaire aux dépenses de fonctionnement.

Le sénateur Banks: Les organismes ne sont pas autorisés à faire cela pour obtenir l'argent nécessaire aux dépenses d'exploitation.

Le sénateur Cools: Oui ils le sont.

Mme Santi: Ces dernières années, nous avons observé que les ministères et les organismes ne se lancent pas dans ce processus de façon précipitée car il est extrêmement exigeant.

Nous devrions peut-être préciser dans quelle mesure la politique du Conseil du Trésor en la matière s'applique aux organismes et aux ministères, mais quoi qu'il en soit, le processus qui s'ensuit est assez lourd. En premier lieu, la politique oblige l'organisme ou le ministère à donner un avis officiel. Il doit y avoir avis public lorsqu'on envisage de déclarer excédentaires les terrains en question.

Le ministère ou l'organisme doit au préalable passer par toute une filière interne, effectuer nombre de consultations et d'analyses de rentabilité.

Le sénateur Stratton: Si vous permettez, j'aimerais revenir au budget des dépenses.

Le sénateur Cools: C'est de cela que nous discutions.

Le sénateur Stratton: Le 11 juin, le ministre des Finances n'est-il pas censé nous communiquer une mise à jour budgétaire ou financière?

Mme Robillard: Je ne sais pas.

Le président: Il a annoncé qu'il le ferait la semaine prochaine.

Le sénateur Stratton: Je demanderai à M. Neville parce qu'il doit être au courant de ces chiffres. Quel sera l'excédent budgétaire?

M. Neville: Je n'ai pas cette réponse.

Le sénateur Stratton: Il fallait tout de même que j'essaie.

Cela m'amène à ma prochaine question. Pour le Budget principal des dépenses de 2002-2003, les dépenses pour les versements d'assurance-emploi seront de 15,9 milliards de dollars si je comprends bien. J'aimerais bien savoir à quel excédent l'on s'attend pour l'exercice à venir, quel est l'excédent budgétaire total et combien de temps cette politique continuera de permettre au ministre des Fiances de dégager des excédents?

M. Neville: La réponse est la suivante: soyez patients et nous publierons les comptes publics en septembre ou octobre prochain. Tous les renseignements seront compris dans ce rapport. Nous n'avons pas encore fermé les livres comptables pour l'exercice 2001-2002.

Le sénateur Stratton: Je comprends bien, mais vous faites tout de même des prévisions. C'est la prévision de l'excédent qui me préoccupe. On annoncera sans doute à grand renfort de publicité des excédents budgétaires astronomiques, mais ils auront été réalisés au détriment des contribuables qui cotisent à la caisse de l'assurance-emploi qui est par la suite saignée pour dégager des excédents budgétaires. C'est ainsi que le ministre des Finances dégage des excédents.

M. Neville: Monsieur le président, comme vous le savez, le Bureau du vérificateur général a, à maintes reprises, approuvé notre démarche de gestion de la caisse de l'assurance-emploi. À cet égard, nous rendons des comptes adéquatement. Ainsi, les comptes publics refléteront les montants à ce moment.

Le sénateur Stratton: J'ai déjà entendu cela auparavant et je suis certain que je l'entendrai à nouveau.

Ma question suivante concerne Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada. Ce ministère a fait les manchettes récemment, plus précisément au sujet des trois contrats d'une valeur de 1,175 million de dollars.

Aujourd'hui, la leader du gouvernement au Sénat nous a appris que Travaux publics Canada octroyait 60 000 contrats par année. Ma question est la suivante: comment le gouvernement peut-il prétendre que sa politique de gestion est adéquate quand 60 000 contrats sont octroyés par un seul ministère, à savoir, Travaux publics? Je trouve cela déraisonnable qu'autant de contrats soient gérés par un seul ministère.

Peut-être devrais-je poser la question à une autre personne. Toutefois, je vous la pose puisque c'est le Conseil du Trésor qui est responsable de cette question en définitive.

Mme Robillard: Certains diront qu'il est préférable d'avoir un centre d'expertise pour tous les marchés publics. Je ne sais pas si les chiffres que vous exposez sont tout à fait exacts. Je n'ai pas ces chiffres sous les yeux. Toutefois, il nous faut un ministère des Travaux publics pour accomplir ce travail.

Les préoccupations de la vérificatrice générale n'avaient trait qu'au programme de commandite. Elle a annoncé qu'elle ferait des vérifications plus approfondies sur les programmes de publicité et de sondage d'opinion publique. Trois différents programmes feront l'objet de cette vérification. Ce sont les programmes de publicité, de commandites et de sondage d'opinion.

Les ministères demandent souvent à Travaux publics de s'occuper de leurs contrats. Au fil des ans, nos évaluations ont démontré qu'ils font un travail extraordinaire.

Mes collègues pourront peut-être étoffer puisqu'ils ont une expérience importante au sein de ce ministère.

[Français]

M. Neville: Dans un poste antérieur, j'étais sous-ministre adjoint responsable des services ministériels au ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux. Mais avant cela, j'étais affecté aux régions du Québec et de l'Ouest comme directeur général régional responsable des contrats.

Dans ce contexte, il existe un système de gouvernance dont l'excellence est reconnue et dont plusieurs dimensions requièrent une expertise parfois très spécifique, soit les contrats pour les ministères concernés. Il y a aussi une division de responsabilités pour s'assurer de servir la clientèle et de transiger avec les fournisseurs de la meilleure façon possible.

Il y a eu des problèmes mais, dans l'ensemble, selon les rapports de vérification interne ainsi que ceux du Bureau du vérificateur général, il n'y a pas eu de problèmes majeurs.

[Traduction]

Le sénateur Stratton: En fait, au fil des ans, Travaux publics à connu d'importants problèmes, et ce, même lorsque notre parti était au pouvoir. Par exemple, nous avons introduit des mesures pour assurer que les contrats d'architecture et de génie ne soient octroyés qu'après appel d'offres. Cela a permis de réduire au minimum le népotisme.

Je crois qu'il faudrait se concentrer sur cette politique pour s'assurer que les incidents du genre Groupaction ne se reproduisent plus. Le rapport de la vérificatrice générale sur Travaux publics était cinglant à cet égard. Je veux parler du rapport du mois de mai dernier. Nous pouvons certainement faire ce qu'il faut pour que ce genre de situation ne se reproduise plus. Je veux que vous me garantissiez que cela ne se reproduira plus.

Mme Robillard: Lorsque j'ai discuté avec la vérificatrice générale du rapport spécial qu'elle a déposé sur Groupaction, je lui ai demandé si elle croyait que nous avions les bonnes politiques et les bons règlements à l'heure actuelle ou s'il fallait modifier certains éléments de notre politique. C'est exactement ce que vous demandez aujourd'hui. La vérificatrice générale m'a confirmé que nous avions les bonnes politiques et les bons règlements, mais qu'ils n'étaient pas toujours respectés.

Le sénateur Stratton: Et pourquoi?

Mme Robillard: C'est un autre problème. Du côté des politiques et des règlements, la vérificatrice générale était satisfaite. La publicité, les commandites et les sondages d'opinion relèvent de ces mêmes politiques.

Malgré que la vérificatrice générale ait déclaré qu'elle était satisfaite par nos politiques et règlements, vous aurez constaté dans le discours du premier ministre de la semaine dernière qu'il m'a demandé de revoir ces trois programmes pour m'assurer que nous avons les bonnes politiques et que nous optimisons nos ressources, et il m'a demandé de faire rapport d'ici le mois de septembre prochain.

Mes collègues au Secrétariat du Conseil du Trésor sont à étudier la question. Peut-être faut-il voir la question sous cet angle: la politique d'adjudication de contrats doit-elle s'appliquer pour ce genre de services? Comme vous le savez, le Conseil du Trésor possède une vaste gamme de politiques.

Nous analyserons ceci au cours de l'été et formulerons des recommandations au gouvernement par la suite.

M. Santi: La politique a été mise en oeuvre en 1996. Cela fait maintenant six ans et elle n'a pas été réexaminée. Le temps est venu pour nous de procéder à un nouvel examen de cette politique pour s'assurer qu'elle est adéquate.

Le sénateur Stratton: Si vous dites que la vérificatrice générale était satisfaite de vos politiques, je l'accepte. Comme vous l'avez dit, le problème n'est pas un problème de politique, mais un problème d'application de celle-ci. Des règles ont été transgressées. On a permis aux gens de transgresser des règles et de s'en tirer. C'est le problème qu'il faut régler. En définitive, c'est de cela qu'il faut se préoccuper pour éviter que de tels comportements ne se reproduisent. Je suis certain que vous ferez ce qu'il faut pour résoudre ce problème.

Mme Robillard: Nous étions fort préoccupés lorsque nous avons vu le rapport de la vérificatrice générale. L'affaire était si sérieuse qu'elle a décidé, à juste titre, de demander à la GRC de faire enquête. L'un des motifs principaux était l'absence de documentation dans les dossiers. Quelque chose ne va pas. Nous suivrons cela de très près.

Qui plus est, j'ai demandé au Secrétariat du Conseil du Trésor d'écrire à tous nos sous-ministres pour nous assurer qu'ils respectent les politiques dans leur propre ministère et que les employés responsables de cette politique soit bien formés. J'espère que nous pourrons accroître le respect de cette politique au sein de nos ministères.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie beaucoup, madame la ministre. Vous vous êtes montrée fort patiente avec moi. J'espère que lors de votre prochaine visite, vous ne vous offusquerez pas si je vous demande si vous avez atteint vos objectifs à cet égard.

Le sénateur Bolduc: À titre de contrôleur général, je suppose que vous vous occupez aussi de la vérification préalable, c'est-à-dire le système de vérification au sein du gouvernement. Travaux publics fait aussi l'objet de vérifications internes. Quelle est la relation entre vos services et les leurs?

Mme Robillard: Le Conseil du Trésor a une politique de vérification interne. Tous les ministères doivent procéder à une vérification interne. Ils doivent posséder un comité qui assure le suivi de cette vérification. Lorsqu'une vérification interne est faite dans un ministère, un exemplaire est envoyé au Secrétariat du Conseil du Trésor. Nous avons un centre d'excellence qui assure le suivi.

Le sénateur Bolduc: Les ministères ont aussi une vérification préalable, je suppose. C'est pourquoi je ne comprends pas lorsque vous dites qu'il n'y avait rien dans le dossier. S'il y avait eu une vérification préalable, quelqu'un n'aurait-il pas remarqué que les dossiers étaient vides bien que les factures aient été payées.

M. Neville: Tout comité de vérification interne a normalement un plan de vérification des activités du ministère s'étendant sur les trois à cinq années à venir. Pendant cette période, on examinerait toutes les grandes composantes du ministère.

Il ne s'agit pas pour autant d'examiner chaque transaction. Il s'agit plutôt de gérer les risques et de déterminer ce qu'il faudra inclure dans le plan de vérification pour l'année visée. Je le répète, ce plan ne s'arrêtera pas à tous les détails. Tout dépend finalement de la façon dont il est mis en oeuvre.

Je vous dirais que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a la réputation d'avoir un des meilleurs comités de vérification interne de tout le gouvernement. Cela ne veut pas dire que le comité va repérer toutes les erreurs sans exception. Nous parlons ici d'un programme en particulier.

[Français]

Le sénateur De Bané: Madame la ministre, dans la mesure où vous avez votre mot à dire en tant que présidente du Conseil du Trésor, quels sont les principaux défis que vous identifiez pour la fonction publique canadienne? Dans quelle mesure le gouvernement canadien arrive-t-il à attirer les meilleurs candidats, les plus brillants, pour travailler au sein de la fonction publique canadienne? Dans quelle mesure nous leur offrons un plan de carrière qui les encourage à rester au sein du gouvernement canadien?

Pour prendre un exemple d'un domaine qui est le mien, je suis avocat de profession. Le gouvernement canadien, au ministère de la Justice, a le plus grand cabinet d'avocats au Canada. Dans quelle mesure arrivez-vous à attirer les meilleurs cerveaux juridiques du pays? Après quelques années au ministère, ces gens nous quittent-ils pour travailler dans des cabinets privés parce qu'il y a plus de possibilités d'avancement? Cette question se pose pour chacun des ministères. J'aimerais beaucoup, si cela relève de votre compétence, connaître les priorités de votre ministère. Comment vous y prendrez-vous pour que nous puissions à la fois attirer les meilleurs candidats et ensuite, leur offrir un milieu de travail qui est passionnant, stimulant, et qui encourage l'épanouissement au maximum de leur potentiel?

Mme Robillard: Vous soulevez là une question fort importante. Bien qu'un gouvernement ait un plan d'action ou un programme à mettre en oeuvre, s'il n'a pas les bonnes personnes pour le faire, ce gouvernement ne pourra pas livrer les services de qualité auxquels les citoyens de ce pays ont droit.

Depuis quelques années déjà, au Secrétariat du Conseil du Trésor, nous avons mis beaucoup d'effort pour moderniser la gestion financière du gouvernement. Il est temps de mettre autant d'effort du côté de la modernisation de la gestion de nos ressources humaines. C'est pourquoi le premier ministre a annoncé, l'an dernier, un groupe de travail sur la question de la modernisation de la gestion des ressources humaines. Vous identifiez très bien les défis qui sont devant nous, à savoir comment recruter, attirer et garder des gens très qualifiés pour rendre ces services aux Canadiens.

Les législations touchent la question des ressources humaines n'ont pas été révisées en profondeur depuis 30 ans. Notre société évolue rapidement. À l'heure actuelle, certaines descriptions d'emploi sont archaïques et le fait de ne pas avoir une bonne classification des emplois a un impact au niveau des conditions de travail de nos employés. On n'a pas de système de dotations efficace. Présentement, pour embaucher un employé permanent dans la fonction publique, il faut, en moyenne, six mois. Alors que ce passe-t-il? Les gestionnaires qui se retrouvent devant des besoins urgents embauchent des gens de façon temporaire ou à contrat. On ne construit pas une fonction publique stable. On doit moderniser complètement la gestion des ressources humaines, les législations et nous y travaillons très activement. Je pense être en mesure, dès cet automne, de déposer au Parlement, une législation en conséquence.

Maintenant, comme vous l'avez dit, c'est une chose que de recruter, d'attirer des gens, et une autre de les garder une fois qu'ils sont embauchés. Il faut donc que nos employés sentent qu'ils sont dans un milieu de travail exemplaire, qu'ils puissent se développer professionnellement et sentir qu'ils font la différence en travaillant dans le secteur public.

On a beaucoup de rattrapage à faire dans ce domaine. Ce n'est que dernièrement, il y a quelques semaines, que j'ai annoncé une politique d'apprentissage continue pour la fonction publique. Dans tous les domaines de la gestion des ressources humaines, on se doit de moderniser nos façons de faire. J'ai l'impression que ce sera une tâche aussi ardue et aussi longue que celle que nous avons entreprise il y a quelques années du côté de la gestion financière.

Il est plus que temps que nos gestionnaires réalisent que leur première responsabilité est vraiment de s'occuper des ressources humaines. Or c'est dans ce contexte que nous oeuvrons actuellement.

Le sénateur De Bané: Je vous remercie de m'avoir répondu d'une façon aussi franche sur les défis qui se posent à votre ministère. Je suis très heureux de voir votre volonté de tout faire pour relever avec succès ces défis. Les membres de notre comité s'intéressent énormément à la question des ressources humaines, qui est une question fondamentale. Le sénateur Bolduc était président de la Commission de la fonction publique du Québec lorsqu'elle a été modernisée.

J'ai cru comprendre en examinant le budget de l'an prochain que, pour l'année 2001-2002, vous prévoyez une augmentation de 1,9 milliards de dollars des salaires de la fonction publique. Est-ce bien cette somme et si oui, qu'est-ce que cela représente en pourcentage par rapport à l'enveloppe de l'année fiscale qui s'est terminée récemment? Pouvez- vous nous donner un peu plus de détails sur ce 1,9 milliards de dollars, dans la mesure où ma lecture est exacte, évidemment?

Mme Robillard: Oui, c'est bien une augmentation de 1,9 milliards de dollars. Les ministères prévoient dépenser 21,3 milliards au titre des salaires. On a donc une augmentation de 1,9 milliards. Cela représente une augmentation de 9,6 p.100 par rapport au budget précédent.

Cette augmentation est imputable en très grande partie aux augmentations salariales qui découlent de la dernière négociation collective, mais aussi aux coûts plus élevés du côté de l'employeur pour nos régimes de soin de santé ou des programmes d'assurance et, dans une certaine mesure, d'une augmentation du nombre d'employés dans la fonction publique.

Alors on a les augmentations économiques consenties aux fonctionnaires lors de la dernière négociation collective qui sont de l'ordre de 439,1 millions de dollars et il fallait rajuster le traitement et les avantages pour le personnel militaire et civil de la défense, au coût de 110,6 millions de dollars. C'est ce qui nous amène — et là je pourrais vous donner plus de détails si vous avez des questions sur nos cotisations d'employeur au régime des avantages sociaux des employés — à avoir ces augmentations au niveau de l'enveloppe des salaires.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Comme vous le savez, il a beaucoup été question récemment à notre comité des fondations et de l'usage qu'en fait le gouvernement. J'ai indiqué à bien des reprises que l'établissement de fondations est une question de politique gouvernementale qui relève du gouvernement du Canada. La vérificatrice générale estime pour sa part que l'absence de lien de dépendance fait en sorte que les fondations échappent dans une certaine mesure au contrôle des Canadiens. C'est son opinion.

Pourriez-vous me dire, madame la ministre — autrement dit, je crois que le moment est venu de vous entendre sur cette question —, pensez-vous que la vérificatrice générale devrait être habilitée à faire la vérification des fondations?

Mme Robillard: Permettez-moi de préciser d'entrée de jeu qu'il est clair d'après moi que, quand le gouvernement décide de créer une fondation pour assurer des services aux Canadiens, c'est qu'il a choisi d'orienter ainsi son action. Au lieu de confier à des fonctionnaires le soin d'assurer ces services, nous avons décidé de faire appel à une organisation indépendante du gouvernement. C'est que, après analyse, nous concluons qu'il y a des avantages à procéder de cette façon.

Une fois créée, la fondation est indépendante. Il faut bien le savoir. La fondation est dirigée par un conseil d'administration, et c'est au conseil d'administration qu'il appartient de décider qui sera chargé de vérifier les activités de la fondation. C'est là une décision qui relève des administrateurs de la fondation.

Cela dit, il existe aussi une entente de financement avec le gouvernement. Dans certains cas, le gouvernement peut inclure dans l'entente une disposition précisant que le ministre responsable de la fondation peut établir certaines exigences pour la tenue d'une vérification de conformité. Le ministre responsable pourrait ainsi demander au vérificateur général d'effectuer cette vérification de conformité.

Vous voyez comme moi la différence?

Le sénateur Cools: Oui, je la vois.

Mme Robillard: C'est ce que nous faisons quand nous créons des fondations. Je dirais que la régie des diverses fondations que nous avons créées varie énormément. Nous tentons toutefois de prévoir dans l'entente de financement toutes les mesures nécessaires pour accroître la responsabilité de la fondation. Nous pourrions vous donner beaucoup d'exemples de cette façon de faire si vous le souhaitez. Je suis sûre que M. Neville pourra compléter ma réponse.

M. Neville: J'ajouterais notamment que ces ententes comprennent divers éléments. Nous tentons d'assurer une certaine uniformité entre elles parce qu'il y a eu par le passé des divergences de libellé et de structure. Nous cherchons certainement à faire en sorte que les ministères soient tenus de faire rapport des plans et des résultats de ces fondations dans leurs rapports sur les plans et les priorités ainsi que dans leurs rapports sur le rendement du ministère.

Nous voulons nous assurer que les fondations sont tenues de rendre des comptes, mais nous ne devons pas perdre de vue qu'elles sont des tierces parties. Il faut respecter leur indépendance.

Le président: Sauf le respect que je vous dois, à mon avis, le problème administratif s'énonce de la façon suivante: on fixe des objectifs stratégiques à des fondations autonomes, comme celles que vous avez décrites, madame Robillard et monsieur Neville. J'ignore si elles rendent des comptes au gouvernement, mais elles n'en rendent pas du tout au Parlement.

Vous avez mentionné les conseils d'administration. Or dans certaines de ces fondations, le gouvernement ne dispose- t-il pas d'une minorité au sein du conseil?

M. Neville: C'est exact.

Mme Robillard: C'est exact.

Le président: Il y a donc une minorité de membres du conseil représentant le gouvernement. Vous avez parlé ensuite des arrangements en matière de financement. M. Neville nous a déjà expliqué cela il y a quelques temps lors d'une autre réunion. Ce qui s'est passé cependant, c'est que votre collègue, le ministre des Finances, vers la fin de l'année financière, verse de l'argent dans ces fondations, dont bon nombre relèvent de la Loi sur les corporations canadiennes. Ensuite commencent les négociations au sujet de l'accord de financement.

Enfin, un point maintes fois soulevé par le sénateur Lynch-Staunton, dont je ne m'étais pas d'abord rendu compte, mais qui m'a vraiment étonné par la suite. Dans certains cas, s'il y a réalisation des avoirs, l'argent ne va pas dans les coffres du gouvernement, mais à la demande des membres du conseil, il est versé à une bonne oeuvre ou à quelque chose de ce genre. Il s'agit là d'un écart tout à fait flagrant par rapport à ce que nous connaissons en démocratie parlementaire.

M. Neville: Monsieur le président, si vous permettez, je vais apporter quelques éclaircissements. D'abord, les trois plus grandes fondations ont été approuvées par le Parlement. Quatre-vingts pour cent des fondations l'ont d'ailleurs été aussi. Il y a donc obligation de rendre compte.

Pour ce qui est du dernier point, ces derniers mois, fidèles en cela à l'engagement que nous avions pris, nous avons modifié certains des accords de financement de manière que lors de réalisations des avoirs, les fonds puissent retourner au Trésor.

Cela étant dit, à chaque fois qu'une telle décision est prise, c'est-à-dire où l'on renforce la reddition de comptes, bien entendu, on affaiblit les conditions d'autonomie. Pour rapprocher l'entité du gouvernement.

Le président: Qu'y a-t-il de mauvais là-dedans?

M. Neville: À un moment donné, l'organisme ne sera plus autonome; il fera partie de l'administration gouvernementale.

Le président: Je ne vous demande pas de vous prononcer sur la politique gouvernementale, monsieur Neville, mais il s'agit de savoir si les ministres et les hommes et les femmes politiques devraient décider quand il convient de s'adresser à des fondations autonomes, c'est-à-dire d'aller à l'extérieur, afin d'atteindre des objectifs d'intérêt général, quant à d'autres époques, c'était des ministres tenus de rendre des comptes et leurs ministères qui s'en chargeaient. Telle est la question.

Mme Robillard: Vous pouvez défendre cette position, et aussi être en désaccord avec le gouvernement, monsieur le sénateur. Toutefois, je dois vous rappeler qu'il appartient au gouvernement de décider. Prenons par exemple le cas de la Fondation canadienne pour l'innovation: si demain, nous devions nous prononcer de nouveau à son sujet, nous prendrions la même décision.

Le président: Et alors?

Mme Robillard: Les décisions stratégiques sont la prérogative du gouvernement. Compte tenu de la situation actuelle, c'est-à-dire de la fondation et des résultats qu'elle nous a donnés, nous estimons avoir pris les bons moyens.

Le président: Vous devez quand même comprendre pourquoi les parlementaires peuvent s'inquiéter du recours croissant à cette façon de faire.

Mme Robillard: Ici, je ne suis pas d'accord avec vous. Dans le cas que je vous ai cité, si je ne m'abuse, un rapport annuel est déposé au Parlement. Je crois savoir aussi que les comités parlementaires ont convoqué à maintes reprises le président de la fondation, afin qu'il leur explique ce qui se passait.

M. Neville: Onze fois au cours des quatre dernières années.

Mme Robillard: Ne venez pas me dire qu'il n'y a pas reddition de comptes devant le Parlement quand j'en vois la preuve.

Parlons maintenant de Genome Canada ou d'autres fondations. Nous pouvons vous fournir des exemples très probants de structure administrative très claire. Cela veut dire que les parlementaires peuvent savoir ce qui se passe au sein des fondations, grâce aux moyens établis.

Il y en a d'autres dont les organigrammes sont plus ou moins semblables. C'est pour cela qu'à l'occasion du renouvellement de l'accord de financement, nous nous sommes engagés à augmenter la reddition des comptes. C'est ce que nous avons fait.

Le sénateur Bolduc: Madame la ministre, êtes-vous disposée à modifier la Loi sur la gestion des finances publiques, de manière à y insérer une réglementation générale qui encadrerait ce genre d'organismes administratifs? Auparavant, nous avions des ministères. Puis sont venues des commissions ou régies et des sociétés d'État. Parmi ces dernières, il fut décidé qu'il y aurait des établissements publics, des sociétés d'État mères et une autre catégorie dont le nom m'échappe.

Nous avons conçu un cadre législatif général censé assurer ce que j'appellerais la responsabilité financière du gouvernement par l'entremise de divers mécanismes. En réalité, la responsabilité n'est pas la même selon qu'il s'agit d'un ministère, d'un établissement public, d'une société d'État ou d'un organisme de réglementation administrative.

Il a été décidé ensuite qu'on diversifierait les modes de prestation des services. Personnellement, je ne m'y oppose pas, mais il faut quand même une certaine cohérence et qu'elle aille de pair avec le souci de l'efficacité et la reddition des comptes sur le plan politique. Ici, vous affirmez que l'action des fondations serait plus efficace, et je suis plutôt d'accord.

Étant donné le grand nombre d'accords de financement, est-ce qu'on peut inscrire des règles générales dans la Loi sur la gestion des finances publiques, de manière qu'il y ait reddition de comptes auprès du gouvernement, des ministres et du Parlement?

Le président: Qu'en est-il maintenant des 50 000 employés qui ont été mutés à la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada ainsi qu'à Parcs Canada?

Mme Robillard: C'est une autre question.

Le président: C'est une question connexe. Les gens dans les ministères doivent rendre davantage de comptes. Toutefois, étant donné que quelqu'un n'aimait pas les contraintes qu'impose la Loi sur la gestion des finances publiques, tous ces employés ont quitté la fonction publique.

Le sénateur Bolduc: Si c'était une bonne chose pour ces employés-là de quitter la fonction publique, pourquoi est-ce que ça ne le serait pas pour les employés du ministère de la Justice?

M. Neville: Nous avons pris des mesures afin de resserrer la reddition des comptes. Nous avons ainsi adopté une nouvelle politique, dont je crois vous avoir déjà parlé auparavant, soit la diversification des modes de prestation des services. Cette politique régit les divers organismes qui fourniront des services gouvernementaux. C'est pour cela qu'elle porte le nom de «diversification des modes de prestation de services».

Nous avons également adopté une nouvelle politique en matière de subventions et contributions, qui vise à faire respecter les procédures indiquées. Ces mesures se conforment au cadre général de la Loi sur la gestion des finances publiques. Cela nous paraît suffisant.

Le Bureau du vérificateur général ne s'est pas opposé à ces procédures, et je pense particulièrement à celles régissant la diversification des modes de prestation des services et les subventions et contributions. Je crois même me rappeler que sur ces deux points, la vérificatrice générale nous a dit que les nouvelles politiques étaient la voie à suivre.

Le sénateur Bolduc: La vérificatrice générale a également affirmé que son bureau n'est pas en mesure d'effectuer de bonnes vérifications des fondations. À part cela, dans certains cas, on accorde un montant forfaitaire plutôt qu'une contribution, ce qui signifie que l'argent ne bougera pas pendant deux ou trois ans. Or qu'arrive-t-il pendant cette période? Qui s'occupe de gérer ces sommes?

M. Neville: Si l'on a conçu ce mode de paiement sous forme de montant forfaitaire, cela tient à deux raisons précises. Premièrement, cela permet à la fondation de faire fructifier l'argent dans le secteur privé, et donc, d'augmenter les sommes en question. En second lieu, et ici la décision a été prise par le gouvernement, il s'agissait de protéger la mise en oeuvre d'un engagement politique pris précédemment, et qui pourrait être contrecarré par une autre forme de financement.

Le sénateur Bolduc: Cependant, lorsque vous agissez ainsi, vous liez les mains du gouvernement suivant. Je n'appellerais pas cela un système de reddition de comptes régulier, annuel, qu'on trouve normalement en démocratie parlementaire.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, je pense qu'à la liste des questions à étudier, nous devrions ajouter la Loi sur la gestion des finances publiques et sa pertinence par rapport aux besoins de la société actuelle. Nous avons déjà une longue liste de questions à examiner. Nous pourrions toutefois peut-être nous demander aussi si le gouvernement devrait recourir à ce genre de fondations.

Mes questions avaient trait cependant aux objections de la vérificatrice générale. Il s'agit d'une décision gouvernementale. Notre désaccord tient, non pas au travail de vérification, mais à la capacité qu'a le gouvernement d'orienter son action comme il l'entend.

Le sénateur Bolduc: Nous savons très bien aussi que la vérification qui est faite de ces fondations par des firmes privées n'est pas tout à fait la même que celle que mène la vérificatrice générale auprès des ministères et organismes gouvernementaux. Ce travail de vérification ne porte que sur le respect des lois, il ne cherche pas à déterminer autre chose que la conformité.

Or, des changements ont été apportés au cours des 25 dernières années pour que le vérificateur général puisse faire une vérification plus complète, mais il n'en est pas ainsi de la vérification des fondations qui est faite par des firmes privées.

M. Neville: Monsieur le président, les ententes de financement permettent, du moins la plupart d'entre elles le permettent et elles le permettront sans doute toutes en temps et lieu — si vous le permettez, monsieur le président...

Le sénateur Bolduc: On y va toujours au cas par cas.

M. Neville: Les ententes de financement permettent en fait au ministre compétent de demander au vérificateur général d'entreprendre des travaux supplémentaires pour vérifier l'optimisation des ressources ou un travail de vérification plus poussé qui va au-delà du simple audit de conformité. Cela dit, il faudrait que certains changements soient apportés, ce qui n'est pas impossible.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Ma question diffère complètement de celles qui ont été posées jusqu'à maintenant. Je vous ai connue alors que vous étiez ministre au Québec et je crois que vous connaissez bien le travail qu'a accompli la communauté italienne dans le but de mettre sur pied un réseau de bénévoles.

Votre rapport mentionne que de 1997 à 2000, le nombre de bénévoles est passé de 31.4 p. 100 à 26.7 p. 100. Les bénévoles sont importants dans notre communauté. Leur travail représente plus d'un milliard d'heures non rémunérées.

Vous avez signé un accord historique dans le secteur du bénévolat communautaire et j'aimerais savoir si vous envisagez, par le biais de futurs programmes, inciter des individus à devenir bénévoles. Vous savez que la situation est très difficile parce que les bénévoles se font de plus en plus rares dans les centres communautaires. Vous savez aussi que ce sont eux qui, dans notre société, accomplissent les tâches les moins intéressantes.

Il est très important de créer des programmes de formation de bénévoles et de prévoir pour eux de petits bénéfices en reconnaissance de leur dévouement. On retrouve des bénévoles dans tous les secteurs d'activités. Personnellement, j'ai travaillé durant 30 ans pour rassembler 800 bénévoles qui oeuvrent aujourd'hui dans la communauté italienne de Montréal et dans les banlieues. J'ai déployé beaucoup d'efforts et d'autres, qui croyaient en mon but, l'ont fait.

Malheureusement aujourd'hui, les subventions du gouvernement deviennent rares, voire impossibles à obtenir. La société se retrouve avec une population vieillissante, privée de services adéquats, faute de bénévoles bien formés. Pour ces raisons, le Conseil du Trésor devrait encourager la création de programmes en faveur des bénévoles.

Mme Robillard: Je reçois votre question avec beaucoup d'ouverture. Cette fois-ci, j'y répondrai non pas en tant que présidente du Conseil du Trésor, mais en tant que ministre responsable de l'initiative avec le secteur bénévole pour le gouvernement.

Depuis quelques années, on a mis sur pied une initiative de concert avec le secteur bénévole et le premier ministre a nommé six ministres pour être responsable de cette initiative. Nous avons travaillé avec les leaders du secteur bénévole pour arriver à un accord formel dans le but d'encadrer notre relation. Au départ, ce qui était important, c'était de reconnaître le secteur bénévole et communautaire comme un pilier de notre société, tout comme les secteurs public ou privé.

Il y a 6,5 millions de Canadiens qui font du bénévolat, et ce, dans tous les secteurs de la société. Si ce secteur n'existait pas au Canada, nous aurions de graves problèmes sociaux dans nos communautés.

Le gouvernement du Canada s'est engagé à travailler avec le secteur bénévole pour essayer de le renforcer. On a fait cela dans une approche inhabituelle et conjointe avec la fonction publique. On a décidé ensemble quels étaient les points sur lesquels on devait travailler et on a formé des groupes conjoints. Dans un groupe de dix personnes, il y a cinq leaders du secteur bénévole et cinq hauts fonctionnaires. Nous avons pris certaines initiatives. Nous avons eu l'année internationale du bénévolat. Nous avons aussi un groupe qui s'occupe spécifiquement de toute la réglementation touchant le secteur bénévole et allégeant la réglementation dans ce secteur.

Un autre groupe s'est préoccupé de faire davantage la promotion du bénévolat dans notre société. L'enquête faite par Statistique Canada vient de cette initiative qu'on a de concert avec le secteur bénévole. En somme, on a beaucoup fait pour essayer de renforcer le secteur bénévole.

En décembre dernier, le premier ministre du Canada a signé l'accord formel avec le secteur bénévole visant à encadrer notre relation dans le futur. Je pense que cette relation est à ses débuts et qu'elle s'approfondira au fil des ans. Le gouvernement du Canada sera là comme partenaire avec le secteur bénévole, non seulement pour octroyer des fonds afin offrir des services aux Canadiens mais en tant qu'interlocuteur important lorsqu'il décidera de la politique, afin que le gouvernement du Canada consulte les gens du secteur bénévole comme il le fait pour le secteur privé.

Si vous voulez, je pourrai vous faire parvenir de la documentation sur ce qu'on fait présentement et la projection pour les prochaines années. Il était temps que le gouvernement du Canada reconnaisse officiellement le secteur bénévole et communautaire comme étant un des piliers de notre société.

[Traduction]

Le sénateur Stratton: Je voudrais revenir à la question des fondations. Vous avez dit, madame la ministre, que vous aviez fait une analyse des avantages et des inconvénients des fondations. Cette analyse est-elle disponible?

Mme Robillard: J'ai dit que, chaque fois qu'ils décident de créer une fondation, le gouvernement doit décider s'il s'agit de la meilleure façon d'assurer les services en question. Il ne s'agit pas d'une analyse générale. Chaque fois que le gouvernement annonce la création d'une fondation, comme Génome Canada, nous allons examiner la situation.

Nous avons une nouvelle politique sur les différents modes de prestation de services. Le ministère qui décide d'avoir recours à une fondation pour assurer des services doit respecter cette politique. La politique exige que la fondation réponde aux critères de l'intérêt public.

Il serait intéressant de voir la multitude des modes de prestation de services auxquels les divers ministères ont recours. Nous espérons encourager l'innovation. Par contre, nous voulons aussi tenir compte de l'intérêt public.

Le sénateur Stratton: Je ne vous ai peut-être pas bien comprise. J'avais cru vous entendre dire que vous aviez fait une analyse des avantages et des inconvénients des fondations et que vous aviez pris une décision sur la façon de les structurer. Le cas échéant, nous serions ravis d'avoir le document en question.

J'aimerais revenir à la question de l'assurance-emploi. On peut lire dans le rapport de la vérificatrice générale pour 2001, au chapitre 13, paragraphe 13.17, ce qui suit:

La Commission n'a pas fourni de justification adéquate de la taille ni du taux de croissance du solde du Compte d'assurance-emploi.

Dans les rapports du vérificateur général de 1999 et de 2000 au Parlement, nous avons demandé à la Commission de préciser et de divulguer de quelle façon elle interprète la Loi pour l'établissement des taux de cotisation. Or, nous avons noté que la Commission n'avait pas défini ni divulgué au public et au Parlement comment elle interprète certains termes législatifs clés liés à l'établissement des taux de cotisation, par exemple, «cycle économique», «apport de revenus suffisant» et «certaine stabilité des taux».

La vérificatrice générale poursuit au paragraphe 13.19 en disant:

Nous nous attendions à ce que la Commission précise et divulgue les raisons pour lesquelles elle perçoit 21 milliards de dollars de plus que la réserve maximale proposée par l'actuaire en chef du ministère.

Il conclut dans la dernière phrase du paragraphe 13.19:

Par conséquent, nous n'avons pas été en mesure de conclure que l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi avait été respecté pour établir les taux de cotisation de 2001.

Je crois que vous m'avez dit, monsieur Neville, que vous aviez répondu à ces questions et que vos réponses ont satisfait la vérificatrice générale.

M. Neville: Je crois avoir dit que le ministre des Finances et ses collaborateurs avaient examiné les préoccupations qui avaient été soulevées et y avaient répondu. Je ne sais pas où les choses en sont à ce moment-ci. Il vaudrait mieux poser la question au ministre des Finances et à ses collaborateurs.

Le sénateur Stratton: Ainsi, rien n'a vraiment changé. Nous avons un énorme excédent, qui n'a toujours pas été justifié. Les réponses que vous m'avez données ne me satisfont pas. Je dois supposer que ce que dit le vérificateur général dans son rapport de 2001 est toujours valable.

M. Neville: Monsieur le président, il vaudrait vraiment mieux poser la question au ministre des Finances et à ses collaborateurs.

Le sénateur Stratton: Je comprends.

Le sénateur Banks: Normalement, il y a deux tarifs qui s'appliquent au temps ou à l'espace qu'achètent les agences de publicité. Le premier est le tarif national et l'autre, le tarif local. Le tarif national suppose que l'agence en question déduira sa commission du montant à payer. C'est ainsi qu'elle finance son activité.

Pourriez-vous nous dire, dans le cas des agences dont on a retenu les services pour acheter du temps ou de l'espace, si à part la rétribution à laquelle elles ont normalement droit, elles ont aussi déduit la commission qu'on paie généralement aux agences de publicité?

Pouvez-vous aussi nous dire à quoi devait servir la subvention de 3,5 millions de dollars que le MDN a versée à la municipalité de Shannon?

Si vous voulez, vous pouvez répondre aux deux questions plus tard en envoyant une lettre au greffier.

Le président: Voulez-vous répondre par écrit, monsieur Neville?

M. Neville: En ce qui concerne la première question, je vais demander à Jane Cochran de vous répondre.

Mme Jane Cochran, directrice générale, Politique sur les acquisitions et la gestion des projets, Direction de la politique sur les acquisitions et la gestion des projets, Direction générale de la fonction contrôleur, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada: Honorables sénateurs, nous pouvons certainement vous décrire dans les grandes lignes la structure qui s'applique de manière générale aux contrats de publicité.

Il convient aussi de signaler que, dans des contextes particuliers où des contrats auraient pu être accordés de manière individuelle, il se pourrait qu'il y ait des dispositions comme celle dont vous venez de parler.

En règle générale, une commission d'environ 12 p. 100 s'applique aux services que nous achetons en fait de publicité — placement, élaboration, et cetera. Les coûts de production figurent en sus de ce tarif.

Le sénateur Banks: Le gouvernement paie la commission au tarif fixé en sus de ce qu'il en coûte pour le temps ou l'espace publicitaire qui est acheté, n'est-ce pas?

Mme Cochran: C'est bien cela.

Le sénateur Banks: L'agence ajoute-t-elle aussi une déduction au moment de payer la facture? Autrement dit, y a-t-il cumul? Je n'ai rien à redire vraiment de cette pratique, mais je me demande simplement si elle a cours.

Mme Cochran: À notre connaissance, ce n'est pas ce qui se passe. Il faudrait toutefois que nous en discutions avec Travaux publics et Communications Canada. Il nous faudrait aussi examiner la chose dans une optique globale et au cas par cas. Les transactions ne sont pas toujours structurées exactement de la même façon.

M. Neville: Pour ce qui est de la deuxième question, nous allons répondre plus tard au sénateur Banks.

Le président: Il se fait tard, et nous ne nous réunissons pas dans les conditions les plus salubres. La ministre sait, je crois, parce je lui ai envoyé un mot à ce sujet, que j'avais l'intention de lui poser des questions au sujet de la réforme de la fonction publique. Au lieu de poser des questions, j'ai plutôt décidé de faire un discours.

Je vais vous expliquer ce qui me préoccupe, madame la ministre. J'ai entendu ce que vous avez dit au sénateur De Bané au sujet de votre intention de proposer un projet de loi à l'automne. Cela me préoccupe. Il ne faudrait pas sous- estimer le degré d'anxiété que suscite dans la région le projet de réforme de la fonction publique. Je sais que le premier ministre a constitué un groupe de travail et qu'il y a peut-être aussi des comités consultatifs et d'autres groupes qui se penchent sur cette question.

Dans la région, ceux qui seraient touchés par cette réforme, les fonctionnaires bien sûr et les parlementaires, se perdent en conjectures sur l'orientation que vous allez donner à votre projet et sur son aboutissement. Le plus souvent, les discussions et les conjectures ne s'appuient sans doute pas sur des faits car aucun de nous ne sait très bien ce qui se passe. Nous ne savons pas quelles sont les options sur lesquelles vos comités se penchent ni quelles sont les conclusions auxquelles vous êtes peut-être déjà arrivés.

Je sais, soit dit en passant, que ce projet vous tient à coeur et que vous y participez directement. C'est pour cette raison que je prends le temps de vous parler de certaines de mes préoccupations. Il me semble que l'intérêt public serait mieux servi dans les circonstances si le gouvernement déposait, non pas un projet de loi, mais un livre blanc à l'automne. Avec un livre blanc, nous pourrions avoir une discussion générale, qui serait peut-être moins contraignante que celle à laquelle nous conduirait un projet de loi que vous déposeriez en première lecture à la Chambre des communes.

Dans une certaine mesure, les gens ont souvent tendance à considérer qu'un projet de loi émanant du gouvernement est une proposition coulée dans le béton. Aussi les débats et les consultations ne seront peut-être pas aussi efficaces qu'ils auraient dû l'être. Voilà une observation générale.

Plus précisément, maintenant, il est essentiel selon moi, quelle que soit l'orientation que vous prendrez pour moderniser le système, de récupérer et de restaurer certains principes de base qui ont souffert d'érosion au fil des ans. Je trouve notamment qu'il faut protéger le principe du mérite qui est intimement lié à la relation entre la Commission de la fonction publique et le Parlement. Vous n'êtes pas sans savoir que, sur le plan juridique, cette relation ressemble à bien des égards à celle qui existe entre le Parlement et le vérificateur général. Au fil des ans, la Commission de la fonction publique est presque devenue un organisme central du gouvernement parmi d'autres. Elle fait des choses pour le gouvernement. Elle s'est éloignée de son mandat initial. Le Parlement et la Commission de la fonction publique se sont éloignés l'un de l'autre avec les années.

À propos du virage qui a amené la Commission à ressembler de plus en plus à un organisme central du gouvernement, vous savez bien sûr que, pour protéger l'autonomie de la Commission et de ses membres, les commissaires sont nommés pour des mandats de 10 ans. J'ai demandé la liste des commissaires jusqu'en 1917. Je suis en train de lire les mémoires de sir Robert Borden pour m'aider dans cette tâche. Il faut remonter jusqu'en 1976 pour trouver le dernier président de la Commission de la fonction publique qui est resté jusqu'à la fin de son mandat. Les trois derniers sont restés à peine quatre ou cinq ans.

Quant aux commissaires, il faut remonter jusqu'en 1957 pour en trouver un qui est resté jusqu'à la fin de son mandat. C'est le phénomène des portes tournantes là-bas, et il en est ainsi depuis longtemps. Dans certains cas, je crois qu'après avoir passé quelques années à la Commission, ils sont tout simplement mutés à d'autres postes dans la fonction publique.

Je soutiens très respectueusement que ce n'est pas ainsi que la Commission devrait fonctionner. Il me semble qu'on s'est beaucoup éloigné du principe de départ, et je voudrais que nous revenions à ce principe. Je voudrais que la Commission de la fonction publique soit de nouveau en relation étroite avec le Parlement. J'estime que le Parlement devrait avoir voix au chapitre quand il s'agit de choisir à tout le moins le président de la Commission et peut-être aussi les commissaires. Ces personnes devraient être nommées par une résolution comme c'est le cas pour le commissaire aux langues officielles et d'autres de nos mandataires. La Commission doit être perçue principalement, voire presque exclusivement, comme le mandataire du Parlement qui est chargé de veiller au respect du principe du mérite.

Pour ce qui est des pouvoirs que la Commission délègue à l'occasion aux sous-ministres et à d'autres pour s'acquitter de ses fonctions, je n'y vois pas d'inconvénients à condition qu'elle conserve le droit de reprendre à n'importe quel moment les pouvoirs qu'elle a ainsi délégués.

Je ne sais pas dans quelle mesure vous êtes disposée à nous parler dès maintenant du projet de loi que vous avez l'intention de proposer à l'automne. Au lieu de vous poser une foule de questions, j'ai cru bon de vous faire savoir ce que je pense moi, et ce que pensent d'autres membres de notre comité ainsi que d'autres parlementaires, au sujet de la situation actuelle.

Mme Robillard: Il est tard, mais je tiens tout de même à faire quelques observations à cause de l'importance capitale de ce projet de loi.

Tout d'abord, je comprends que le dépôt d'un livre blanc peut conduire à des discussions et des consultations exhaustives. J'ai vu tous les rapports qui ont été faits sur la réforme de la fonction publique. Je suis même remontée jusqu'au rapport Glassco. Tout le monde s'entend sur les problèmes. Il y a eu de nombreuses recommandations au fil des ans, et il y a eu rapport par-dessus rapport par-dessus rapport. J'ai dit que c'en était assez. Tout le monde a scruté le système à la loupe. J'inclus même le rapport de la vérificatrice générale pour l'an dernier. Elle y inclut deux excellents chapitres sur les ressources humaines.

Quels sont les problèmes? Nous avons décidé que, au lieu de produire un autre livre blanc ou un autre rapport, nous allons plutôt essayer cette fois de nous donner un plan d'action. Nous voulons passer à l'action. Le groupe de travail a été doté d'un mandat très inhabituel, puisqu'il doit produire, non pas un rapport, mais un mémoire au conseil des ministres.

Le groupe de travail a suivi un processus très ouvert et transparent. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de consulter son site Web. Si oui, vous avez pu voir dans quelle voie nous entendons nous engager à la suite des questions que nous avons posées à toutes les parties, à nos employés, à nos gestionnaires et aux experts. Nous avons aussi un comité consultatif extérieur auquel siègent des universitaires et des représentants du secteur privé. Ce comité examine aussi la question.

Le premier sujet d'étude sera la législation en tant que telle. Voulons-nous une loi aussi prescriptive que celle que nous avons à l'heure actuelle? Ou voulons-nous plutôt une loi axée sur les valeurs plus que sur les règles? C'est un sujet qui suscite beaucoup de discussions. Nous nous employons donc à examiner cette composante de la législation.

Il y a aussi les recours prévus dans le système. À l'heure actuelle, les employés ont accès à 12 types de recours. Nous examinons ces recours. Nous examinons aussi la question des relations de travail. Nous avons produit le rapport Fryer, qui s'intéressait précisément aux relations de travail. On peut aussi trouver ce rapport sur le site Web de même que les recommandations qui ont été faites au gouvernement. Nous menons de front notre étude sur toutes ces questions.

Permettez-moi de conclure par quelques remarques au sujet de la Commission de la fonction publique. Je ne peux pas comparer la Commission de la fonction publique, la CFP, avec le Bureau du vérificateur général. Quand on y regarde de près, on constate que la CFP est une entité bidimensionnelle. D'une part, elle fait rapport au Parlement; d'autre part, elle a des pouvoirs exécutifs pour ce qui est du recrutement, de la dotation et de la formation. C'est ce qui explique le caractère bidimensionnel de la CFP. Les parlementaires ne seraient pas satisfaits d'une réforme qui tenterait simplement de renforcer cette institution comme moyen de préserver le principe du mérite. Ils peuvent vérifier l'application de ce principe et en faire rapport au Parlement. Ils peuvent aussi donner plus de responsabilités aux gestionnaires afin qu'ils puissent répondre aux besoins de façon plus efficiente. C'est ce sujet qui nous occupe en ce moment, et je suis heureuse de constater l'intérêt qu'il suscite.

Les parlementaires s'intéressent à cette question. Certains d'entre eux savent ce qui se passe dans la fonction publique parce qu'ils ont de nombreuses années d'expérience de cette fonction publique. Quand vous jugerez le moment opportun, je reviendrai devant vous pour discuter de ces éléments, peut-être quand le projet de loi aura été déposé ou après. J'aimerais que vous me fassiez part de vos observations.

Le sénateur Bolduc: Je crois savoir que vous avez consulté bien des gens, mais que vous n'avez peut-être pas consulté les parlementaires. Vous ne leur demandez que d'étudier le projet de loi. Il nous sera difficile de proposer des amendements. Je suis au courant de l'évolution d'institutions semblables en Angleterre, en France et aux États-Unis. J'en connais tous les détails. Soyez très prudente si vous avez l'intention de confier le recrutement et la sélection des fonctionnaires aux gestionnaires des ministères.

Le président: Je suis d'accord avec le sénateur.

Le sénateur Bolduc: Vous devez être prudente; vous savez ce qu'il en est du népotisme. Cela pourrait très bien se retourner contre vous. Il faut veiller à ce qu'il y ait un certain équilibre; mais nous en discuterons.

Le sénateur Cools: Madame Robillard, merci d'avoir encore une fois donné si généreusement de votre temps et de votre énergie en venant témoigner devant notre comité. Je suis vraiment très encouragée, madame la ministre Robillard, de savoir que les Communes vont revenir à l'ancien système où l'on avait un comité des prévisions budgétaires.

Le comité ajourne ses travaux.


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