Aller au contenu

Délibérations du Comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 43 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 12 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit ce jour à 17 h 45 pour examiner le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2003.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, vous savez que nous sommes réunis aujourd'hui afin de poursuivre notre étude du financement et de la reddition de comptes au Parlement des fondations autonomes créées par le gouvernement dans le but de mener à bien divers objectifs de politique publique. Ce thème a déjà fait l'objet d'un ou deux rapports que nous avons déposés au Sénat. Comme vous le savez, le vérificateur général, que nous avons entendu récemment à une ou deux reprises, s'est également penché sur la question.

Nous sommes heureux de recevoir pour la première fois à notre comité le secrétaire d'État aux institutions financières internationales, l'honorable Maurizio Bevilacqua. Il est accompagné de M. Kevin Lynch, sous-ministre de Finances, que nous avons déjà reçu au titre des fonctions qu'il exerçait antérieurement, en particulier celles de sous- ministre de l'Industrie. En outre, nous bénéficions de la présence de M. Rudin et de M. DeVries, du ministère des Finances.

Honorables sénateurs, j'invite le secrétaire d'État aux institutions financières internationales à prononcer sa déclaration liminaire.

L'honorable Maurizio Bevilacqua, secrétaire d'État, (Institutions financières internationales): Honorables sénateurs, je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler de l'objet et du rendement d'un certain nombre de fondations financées par l'administration fédérale. Dans ce contexte stratégique plus large, j'aimerais également parler de sujets, tels que la reddition de comptes, la surveillance et la comptabilisation des dépenses, récemment soulevés par le vérificateur général.

Permettez-moi tout d'abord une note personnelle. Bien que j'ai été nouvellement nommé au portefeuille de secrétaire d'État aux institutions financières, je n'ignore pas l'importance du rôle des comités parlementaires. À titre d'ancien président du Comité des finances de la Chambre des communes je sais combien est important le rôle que vous jouez vis- à-vis des importants enjeux qui confrontent notre pays. Je sais combien vous travaillez fort et combien vos conseils peuvent être précieux.

Je tiens également à préciser d'emblée que le gouvernement respecte au plus haut point le rôle de surveillant des fonds publics exercé par le vérificateur général. Nous partageons pleinement son engagement envers le principe de l'optimisation des ressources.

Cela dit, nous ne partageons pas son avis sur certaines questions liées aux fondations.

Le vérificateur général a estimé qu'en raison de leur indépendance les fondations ne rendent pas suffisamment de comptes aux Canadiens par l'entremise du Parlement. En outre, dans le chapitre 1 de son rapport d'avril 2002 à la Chambre des communes, il donne à entendre que ces transferts de crédits aux fondations constituaient un procédé pour accomplir certains résultats comptables.

Monsieur le président, nous considérons que cette opinion n'est pas fondée sur la réalité. Au contraire, nous pensons que les fondations sont l'aboutissement réussi de méthodes autres de servir les intérêts à long terme des Canadiens, de relever des défis particuliers et de répondre à des besoins nationaux stratégiques — et ce d'une manière qui combine un degré élevé de reddition de comptes et un cadre de régie objectif et efficace.

Dans mon exposé, je vais passer en revue quatre thèmes principaux. Premièrement, je mettrai en lumière l'objet et la raison d'être du financement de ces fondations. Deuxièmement, je parlerai des fondations elles-mêmes, en particulier de leur structure et gouvernance. Troisièmement, j'évoquerai certains des résultats réalisés jusqu'à présent par les principales fondations. Enfin, j'examinerai les possibilités d'améliorer les mécanismes de reddition de comptes et de régie des fondations.

Commençons donc par la raison d'être des fondations.

Signalons tout d'abord que nous n'avons jamais caché la philosophie qui sous-tend notre choix du mécanisme des fondations. Par exemple, dans le discours budgétaire de 1997, qui annonçait la création de la Fondation canadienne pour l'innovation, nous avons bien expliqué que:

Cette fondation illustre une toute nouvelle façon pour le gouvernement d'appuyer la recherche et l'innovation. Elle sera indépendante du gouvernement et ses membres viendront du milieu de la recherche et du secteur privé. Ce sont les fondations elles-mêmes et non le gouvernement qui décideront de l'affectation des fonds.

La décision de faire de ces fondations des organisations indépendantes dirigées par des experts n'a pas été prise sur un coup de tête. Nous savons tous que les Canadiens vivent dans une économie mondiale hautement concurrentielle, dans laquelle des changements technologiques rapides jouent le rôle de moteur. C'est une économie dans laquelle la rapidité, l'excellence et l'imagination, dans des domaines tels que la R-D et l'apprentissage sont essentiels à la création d'emplois à long terme et à la prospérité nationale.

C'est le message clair qui nous a été constamment transmis lors des consultations prébudgétaires. Les Canadiens attendent du gouvernement fédéral qu'il joue un rôle actif en vue de façonner un environnement propice. Il s'agissait donc de déterminer la meilleure façon de procéder.

Lors d'une série de consultations, les Canadiens eux-mêmes — experts et chefs d'entreprise dans tout le pays — nous ont dit que nous devions investir davantage, de manière plus imaginative, si nous voulions que le Canada devienne un chef de file dans le domaine de la recherche.

Oui, continuez de soutenir les conseils subventionnaires universitaires et leurs larges programmes, disaient-ils. Mais ils nous ont également incité à envisager d'autres types d'organisations pouvant puiser dans des connaissances expertes pour cibler efficacement des enjeux et des défis très particuliers. C'est la raison pour laquelle nous avons opté pour la structure que sont les fondations.

Premièrement, à la différence des conseils subventionnaires universitaires, dont le mandat est vaste, chacune des fondations, par définition, se concentre sur un domaine particulier. Deuxièmement, les fondations mettent à profit les connaissances et la capacité décisionnelle des membres de leur conseil d'administration indépendant, dont chacun a une connaissance et une expérience directes des enjeux. Ces administrateurs, dans bien des cas, peuvent faire appel au mécanisme d'examen par des pairs pour les guider dans le choix des projets et les priorités de financement, et ainsi bénéficier de l'avis de certains parmi les plus brillants esprits scientifiques du Canada et du monde.

Les fondations disposent d'un troisième avantage qui les distingue du modèle des conseils subventionnaires: le financement par dotation initiale. Cela aussi nous était recommandé pendant les consultations par les milieux d'affaires et universitaires. Ils nous disaient qu'il fallait une approche du financement qui ne soit pas tributaire des crédits parlementaires votés annuellement, avec tous les risques de fluctuation que cela implique.

Cette préoccupation traduit une donnée de base du contexte actuel axé sur la technologie: la R-D scientifique prennent du temps. C'est pourquoi des personnalités éminentes de ces secteurs nous ont pressés d'accorder des ressources garanties qui donneraient aux fondations la stabilité financière requise pour une planification complète de projets à moyen et long terme.

Ce financement à long terme par dotation initiale comportait un autre avantage clé. C'est une condition essentielle pour qu'un projet puisse attirer des fonds additionnels d'autres paliers de gouvernement et du secteur privé. Si ces éventuels contributeurs devaient craindre que le robinet financier soit coupé à mi-parcours, ils seraient réticents à s'engager eux-mêmes.

Je vais maintenant passer au deuxième thème, soit les fondations elles-mêmes, leur structure, leur mode de régie et leurs mécanismes de contrôle.

Depuis 1997, le gouvernement fédéral a octroyé plus de 7 milliards de dollars à un certain nombre de fondations de recherche ou de fonds d'investissement. Les plus importantes de ces entités sont la Fondation canadienne pour l'innovation, avec une dotation de 3,15 milliards de dollars, et la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, avec 2,5 milliards de dollars. Les deux ont été constituées par des lois fédérales.

En outre, nous avons financé un certain nombre d'organismes mis sur pied par d'autres groupes publics ou privés sous le régime de la Loi sur les corporations canadiennes. Il s'agit notamment de la Fondation autochtone de guérison, de l'Inforoute Santé du Canada, de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère, du Fonds d'habilitation municipale vert, du Fonds d'investissement municipal vert et de Génome Canada.

Il ne faut pas perdre de vue à cet égard une considération importante, dans le cas des deux plus grandes fondations: leurs objectifs, leur structure et leur financement — de même que leurs mécanismes de régie — ont été ouvertement présentés, débattus et finalement approuvés par les deux Chambres. On ne peut pas nous reprocher d'avoir agi en catimini et d'avoir tenté de fuir nos responsabilités.

De plus, pour toutes les fondations recevant un financement, nous nous sommes efforcés depuis le début de leur donner l'indépendance nécessaire tout en assurant qu'elles aient à rendre compte des décisions qu'elles prennent. C'est pourquoi le gouvernement a signé des ententes avec les fondations précisant leur mandat et leur mode de fonctionnement. Les administrateurs sont entièrement responsables des actes des fondations. Toutes ont l'obligation de produire des états financiers annuels vérifiés par un organe indépendant.

En outre, le Parlement lui-même a joué un rôle actif dans l'examen de certaines de ces fondations. Par exemple, le président et les cadres supérieurs de la FCI ont comparu pas moins de 11 fois devant divers comités de la Chambre et du Sénat depuis 1997.

Venons-en maintenant, au-delà de la raison d'être, de la structure et des mécanismes à la question fondamentale: les résultats sont-ils à la hauteur des fonds publics investis? À mes yeux, la réponse est claire et nette: oui.

Par exemple, la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire a déjà octroyé pour plus de 280 millions de dollars de bourses d'études, aidant ainsi plus de 90 000 étudiants de premier cycle parmi les plus nécessiteux. Pour confirmation, peut-être faudrait-il aller parler à ces 90 000 étudiants qui ont bénéficié des bourses et leur demander s'ils considèrent si ce fonds est une bonne chose, s'ils sont heureux de son existence et si cette décision a amélioré leur qualité et niveau de vie.

Ensuite, il y a Génome Canada, qui a investi plus de 290 millions de dollars dans la recherche génétique. Du fait que chacun des projets de Génome Canada exige un apport équivalent d'autres partenaires publics et privés, l'investissement dans la recherche totalisera 580 millions de dollars.

Monsieur le président, vous êtes bien placé pour savoir que les partenariats publics-privés dans ce pays sont un moyen privilégié d'engendrer le type de prospérité dont notre pays a besoin. La collaboration de partenaires multiples constitue une approche moderne de la construction du type d'économie qui améliorera le niveau de vie des Canadiens. C'est là une considération que le comité ne doit pas perdre de vue.

Ce financement nous vaut le respect à l'échelle internationale. Le numéro du 9 avril du magazine Science cite ce propos du directeur du U.S. National Human Genome Research Institute, Frank Collins: «Avant Génome Canada, le Canada ne disposait pas de la capacité financière requise pour jouer un rôle de premier plan».

Voyons ensuite les résultats de la Fondation canadienne pour l'innovation.

En janvier dernier, la FCI a annoncé des investissements de 779 millions de dollars pour des projets devant être menés dans 69 universités, collèges, hôpitaux et établissements sans but lucratif du Canada. Ces projets comprennent des initiatives de recherche sur le traitement des lésions de la moelle épinière, sur l'approvisionnement durable en eau de grande qualité, sur la prévention et la guérison des maladies cardiovasculaires et sur l'amélioration de la sécurité- incendie dans les édifices résidentiels et commerciaux.

Cela porte à plus de 1,5 milliard de dollars l'investissement direct de la fondation. Cet investissement apporte déjà des résultats très concrets.

Par exemple, à l'Université de Montréal, la fondation a contribué à l'achat de matériel de pointe qui permettra aux chercheurs de prélever, d'entreposer, d'analyser et de comparer des échantillons de tissus et de sang de patients cancéreux. Les chercheurs peuvent ainsi travailler à la mise au point de nouveaux traitements ou stratégies thérapeutiques pour les femmes atteintes du cancer du sein ou des ovaires.

La fondation investit également dans des projets qui donnent lieu à la recherche scientifique nécessaire pour accroître la compétitivité économique du Canada et nous maintenir à la pointe des nouvelles industries de haute technologie.

Par exemple, une subvention de la fondation a permis au Pacific Centre for Advanced Material and Microstructures de se doter de nouvelles installations de fabrication et de traitement de semi-conducteurs. Dans ses locaux, situés notamment à l'Université de la Colombie-Britannique et à l'université Simon Fraser, des chercheurs ont produit, pour la première fois au Canada, des semi-conducteurs à base de nitrure. Cette innovation est non seulement très prometteuse pour le secteur de la micro-électronique, mais elle transforme également le centre, comme tant d'autres bénéficiaires de la fondation, en un acteur de premier plan sur la scène internationale de la recherche.

Monsieur le président, j'ai mis en lumière ces exemples car trop souvent dans la vie publique on passe sous silence nos réussites dans ce pays, le succès de certaines orientations politiques. Je pense qu'il est fondamental d'opérer un changement de mentalité afin de célébrer les réussites canadiennes et prendre conscience et faire réaliser aux Canadiens les grandes choses qui se font chez nous. Il faut que les Canadiens sachent que le financement et les investissements effectués par leur gouvernement — après tout, c'est l'argent de leurs impôts que nous devons investir de manière responsable — remplissent leur but.

Je me fixe pour tâche dans mes fonctions de secrétaire d'État aux institutions financières d'expliquer exactement aux Canadiens ce que ce gouvernement, et nous tous ensemble à titre de parlementaires, avons réussi à accomplir pour les Canadiens. Ce sera le thème constant de mon mandat de secrétaire d'État aux institutions financières.

Incidemment, j'ai dit que l'investissement direct de la FCI totalise maintenant 1,5 milliards de dollars, mais ce chiffre ne représente qu'une partie du tableau.

Les Canadiens bénéficient en fait d'une activité de recherche proche de 4 milliards de dollars grâce aux contributions à ces projets venant d'autres partenaires des secteurs privé et public. Cela confirme ce que je disais plus tôt, monsieur le président, à savoir que le financement par dotation initiale permet d'exercer un effet de levier particulièrement avantageux.

Cela m'amène à une autre observation formulée dans le dernier rapport du vérificateur général, à savoir le fait que les subventions initiales servant à mettre sur pied les fondations sont souvent octroyées en fin d'exercice pour obtenir un certain résultat comptable.

Ce n'est pas là une coïncidence ni un subterfuge financier. C'est simplement la preuve de la volonté du gouvernement d'assurer une gestion financière saine. Même quant il s'agit d'objectifs nationaux importants — comme l'aide aux étudiants ou à la recherche médicale scientifique — notre gouvernement n'engage pas de fonds dont il n'est pas certain de pouvoir disposer. Cela fait partie de l'approche prudente que nous avons adoptée depuis le début en matière de planification budgétaire.

Monsieur le président, j'ai passé cinq années comme président du Comité des finances des communes et c'est précisément ce que les Canadiens réclamaient. Chacun des rapports que nous rédigions suite aux consultations prébudgétaires au cours de ces cinq années répercutait la réelle aspiration des Canadiens à une gestion financière responsable. C'est pourquoi, dans bien des cas, les subventions aux fondations étaient débloquées en fin d'exercice, car ce n'est qu'à ce moment que nous étions certains de pouvoir disposer de ces sommes sans menacer l'équilibre budgétaire.

Monsieur le président, je sais que les membres de votre comité ont des questions à poser. Mais avant de conclure, j'aimerais souligner que le gouvernement est sensible à la préoccupation exprimée par le vérificateur général sur le plan de la surveillance et de la reddition de comptes. Nous savons qu'il y a toujours place pour l'amélioration. C'est pourquoi nous explorons les moyens de calmer certaines craintes, notamment par la publication des plans d'activités, des rapports annuels sur le rendement et les rapports d'évaluation indépendants.

Le gouvernement continuera d'explorer toutes les améliorations possibles, de concert avec le vérificateur général, toutes les parties intéressées et le Parlement. Personnellement, j'attends impatiemment les recommandations que votre comité pourrait formuler à ce sujet.

Toutefois, nous pensons qu'il ne faut pas mettre en péril la capacité des fondations de prendre en temps voulu des décisions éclairées quant aux investissements dont le Canada a besoin pour créer une économie plus dynamique et plus novatrice. Les investissements du gouvernement dans la science constituent un volet important de notre programme.

En conclusion, honorables sénateurs, permettez-moi de résumer les principales raisons pour lesquelles nous estimons que les fondations mises sur pied ou financées par le gouvernement méritent votre soutien durable.

La décision de verser des fonds à ces organismes autonomes a été débattue et approuvée par le Parlement, lequel convenait ce faisant qu'il pouvait jouer un rôle vital de services publics. Les projets retenus pour financement sont choisis par des comités d'experts. L'octroi de fonds initiaux assure la stabilité et permet aux administrateurs des fondations de solliciter d'autres fonds auprès du secteur privé et d'autres paliers de gouvernement.

En outre, et c'est primordial, les fonds publics ainsi investis ne risquent pas d'être perdus. Le Parlement a autorisé l'utilisation de ces fonds dans des secteurs que pratiquement tous les Canadiens estiment importants pour l'avenir de notre société et de notre économie. Toutes les fondations présentent des rapports annuels vérifiés.

Compte tenu de ces garanties, vous conviendrez avec moi, j'espère, que les structures établies par notre gouvernement constituent véritablement l'assise de notre réussite économique nationale.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Bevilacqua, de cet énoncé très clair et réfléchi de la position gouvernementale dans ce domaine.

Je signale que le comité ne s'est jamais penché sur les activités de ces fondations et ne les a certainement pas critiquées. Je suis heureux que vous ayez fait état ce soir de certains de leurs accomplissements.

La question qui se pose à nous est de savoir si toutes ces bonnes choses sont possibles uniquement parce que ces fondations sont autonomes par rapport au gouvernement et au Parlement? Dans l'affirmative, que cela implique-t-il sur le plan des capacités du gouvernement et du Parlement?

M. Bevilacqua: Honorables sénateurs, cela implique que le gouvernement et le Parlement ont pris une sage décision en créant ces fondations.

Le président: Cela ne met-il pas en question notre raison d'être, monsieur Bevilacqua? Face aux nouveaux défis économiques et technologiques qui confrontent le pays, ne sommes-nous pas équipés pour agir de la manière traditionnelle, par le biais de ministères ou d'organismes et de ministres responsables directement devant le Parlement? Faut-il mettre sur pied des fondations indépendantes, comme celles que vous avez décrites ici, pour faire ce travail avec compétence?

M. Bevilacqua: Monsieur le président, vous avez employé un mot intéressant: «traditionnel». Vous avez raison. Nous vivons à une époque où le gouvernement doit remettre en question la façon de faire les choses.

Il n'y a rien de mal à déroger aux façons de faire traditionnelles. Les fondations indépendantes nous fournissent un autre moyen de rechercher des avis experts et d'agir dans des domaines particuliers. Deuxièmement, je trouve attrayant le gros effet multiplicateur qu'elles offrent.

Nous vivons à une époque de mutations rapides. On entend souvent l'expression: «Le changement est la seule constante». C'est tellement vrai. Les administrateurs et employés de ces organisations nous apportent leurs connaissances expertes. Cette fonction vient compléter le rôle du gouvernement.

Je pense que nous devons mettre à contribution les ressources — intellectuelles, financières et autres — de toute la société. L'administration doit être ouverte à cela. Il ne faut pas être esclave de la façon traditionnelle de faire les choses. La création de ces fondations mérite d'être saluée. Elles font un excellent travail. C'est cela qui compte pour les Canadiens.

Si j'allais voir un Canadien de ma circonscription — ayons l'esprit de clocher un moment — pour lui dire: «Pour chaque dollar que le gouvernement fédéral va dépenser, nous allons en générer deux ou trois autres», il applaudirait. Les Canadiens sont ouverts aux solutions non conventionnelles. Il faut créer d'autres moyens de parvenir à la même fin.

Je me mets souvent à la place du Canadien ordinaire qui considère le gouvernement et demande: «que fait le gouvernement? le gouvernement est-il seul à pouvoir prendre une décision?» Tout d'abord, nous avons un rôle dans ces décisions de par le fait que c'est une loi du Parlement qui a créé au moins trois de ces fondations. Nous connaissons les avantages de ce mécanisme.

Je l'ai indiqué clairement dans mon exposé. Il y a la responsabilité, l'effet de levier, la concentration sur des secteurs spécifiques et la production de résultats. L'essentiel est de produire des résultats.

Le président: L'abandon des méthodes traditionnelles est un intéressant sujet de débat. Peut-être quelques sénateurs voudront-ils s'en saisir.

Le sénateur Bolduc: Monsieur Bevilacqua, nous sommes heureux de vous voir car vous bénéficiez de l'expérience intéressante d'avoir présidé le Comité des finances de l'autre chambre. J'ai souvent eu l'occasion de lire vos rapports. Je trouve votre nomination une décision heureuse.

Au cours des 10 ou 15 dernières années, des mécanismes administratifs nouveaux ont vu le jour. Lorsque j'étais un jeune homme, dans les années 30, il y avait des ministres, des ministères, quelques organes centraux comme le Conseil du Trésor et le Cabinet, et c'était tout. Vers la fin des années 30, on a commencé à créer quelques sociétés d'État, mais surtout des organes de réglementation.

Dans les années 40, des sociétés d'État ont été créées pour l'effort de guerre. Ensuite, il y a eu les sociétés ministérielles, les sociétés publiques et les sociétés de la Couronne. Le mouvement s'est poursuivi.

Au cours des années 70 et 80, on a maintenu le double postulat, celui de l'efficience d'un côté et celui de la responsabilité gouvernementale de l'autre. On a commencé à déléguer beaucoup plus que par le passé. On a créé de nouveaux mécanismes, tels que les organismes de services spéciaux et, plus tard, les fondations.

Ayant travaillé dans la fonction publique pendant près de 40 ans, j'ai assisté à ces changements. Je ne suis pas opposé à la diversité des mécanismes de prestation de services. Le problème n'est pas là. Il y a quantité d'avantages à disposer d'une diversité de mécanismes et de processus pour fournir les services publics de manière plus efficiente. Mais il ne faut pas perdre de vue d'autres aspects de la responsabilité administrative.

Dans son rapport, la vérificatrice générale discernait trois difficultés.

[Français]

La communication de l'information au Parlement et au public doit être améliorée.

[Traduction]

Autrement dit, il y a lieu d'améliorer la communication de l'information au Parlement et au public. Deuxièmement, le système de vérification externe laisse à désirer. Troisièmement, il y a un manque de supervision ministérielle.

Je sais ce que vous répondrez à cela. Je vous ai écouté attentivement. Vous avez fait valoir de bons arguments en faveur des fondations. La partie adverse a également de bons arguments.

De quels renseignements disposons-nous, en dehors du rapport annuel des fondations? Nous recevons des rapports une fois par an. Nous n'avons presque rien d'autre. Admettez-vous les faiblesses décelées par la vérificatrice générale? Je sais que vous avez dit ne pas être d'accord dans votre exposé.

La vérificatrice générale a dit trois choses importantes.

[Français]

La vérification externe est insatisfaisante.

[Traduction]

La vérification des états financiers est une chose, mais une véritable vérification approfondie, comme celle que le vérificateur général mène auprès des ministères et autres organismes, en est une autre. Le rapport d'une fondation privée n'est soumis à rien de tel.

Je ne suis pas le ministre de tutelle de ces organisations. Cependant, je suis sûr que le raisonnement suivi par M. Martin et vous-même consistait à dire: «Dans ces questions de recherche et d'innovation, laissons faire les scientifiques. Ils connaissent ces choses mieux que nous et feront un bon travail». Pensez-vous avoir pu exercer une supervision réelle de leurs activités au cours des deux dernières années?

M. Bevilacqua: Honorables sénateurs, là encore il s'agit d'effectuer des évaluations. Il y en a déjà eu. Je ne veux pas vous donner l'impression que nous considérons que la vérificatrice générale se trompe à 100 p. 100. La raison de ma présence ce soir n'est pas seulement de défendre mon point de vue mais consiste aussi à écouter vos avis. Votre point de vue sur cette question est important.

Il existe pour nous plusieurs possibilités d'analyser exactement ce que font les fondations. Premièrement, vous avez accès à leurs plans d'activité et à leurs rapports annuels. Ensuite, comme vous l'avez signalé, il y a la vérification.

Ensuite, le fait qu'elles puissent être convoquées par votre comité signifie qu'elles devront respecter les normes qu'on leur fixe, car je sais que votre comité est influent et fait un travail minutieux. Si le président de l'une des fondations comparaît devant vous, vous aurez en main divers rapports et vous pourrez leur poser des questions telles que leurs représentants auront à vous rendre compte de leurs actes en tant que présidents et administrateurs.

J'ajoute aussi que le gouvernement a reconnu, suivant en cela la vérificatrice générale, qu'il serait bénéfique de renforcer la reddition de comptes et a pris des mesures en ce sens, avec notamment la signature d'accords de financement. Comme vous le savez, nous avons des accords de financement avec ces fondations.

Il y a donc la présentation de plans d'activités au ministre de tutelle. Il y a la faculté du ministre d'effectuer des vérifications de conformité et des évaluations de programmes, ainsi que la restitution éventuelle au Trésor des fonds en cas de liquidation. Je sais que votre comité a également soulevé ce problème. Des mécanismes sont en place.

Monsieur le président, je considère qu'il y a là une excellente occasion pour votre comité de jouer un rôle important dans ce domaine. Votre comité peut se donner pour rôle de scruter le fonctionnement de ces fondations, les convoquer à comparaître pour faire le point de leur action. En outre, bien sûr, vous aurez accès aux états financiers vérifiés, pour ceux d'entre vous qui veulent voir les comptes.

Ces nouvelles structures ouvrent quantité de possibilités. N'oubliez pas que ces fondations sont au service des Canadiens. Lorsque je sillonnais le pays à titre de président du Comité des finances, j'ai retiré l'impression que ces fondations rencontraient un vaste soutien de la part du public canadien car elles s'occupent de sujets qui l'intéresse au plus haut point.

Le sénateur Bolduc: Dans le cas des deux principales fondations, elles ont été créées par une loi. Cependant, les autres ont été formées sous le régime de la Loi sur les sociétés, ce genre de choses. Leurs seules lignes directrices résident dans l'accord passé avec elles.

M. Bevilacqua: Oui.

Le sénateur Bolduc: Cet accord constitue en fait leurs statuts. Je peux comprendre que vous ayez décidé de procéder au cas par cas initialement, sans tenter de créer un cadre général. Vous avez donné telle structure à Génome Canada, sur la base de tel type d'accord. La vérificatrice générale a relevé énormément de différences entre les accords passés avec les différentes fondations sur le plan de la reddition de comptes. Cela me surprend un peu.

Ne pensez-vous pas qu'il est temps de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques de façon à ériger un cadre général de reddition de comptes pour ce type d'organisations?

M. Bevilacqua: C'est une idée intéressante. Nous allons évidement y réfléchir. Il va de soi que nous cherchons toujours à améliorer les accords. Dans certains cas, il faudra procéder par le biais des accords de financement eux- mêmes. Dans le cas des trois autres, il faudra pour cela une loi.

Si vous le permettez, monsieur le président, je rappellerai certaines choses que j'ai faites au cours de mes 13 années de vie publique. Le même enseignement s'en dégage. Lorsque j'étais secrétaire parlementaire du ministre Axworthy, lors de l'examen de la sécurité sociale, nous nous sommes attaqués à la refonte du filet de sécurité sociale du Canada. D'aucuns estimaient qu'un gabarit unique marcherait très bien. Je ne faisais pas partie de ceux-là. J'estimais que, dans une économie comme la nôtre, la flexibilité devait prévaloir dans toute relation — que ce soit avec le secteur privé ou le secteur sans but lucratif. Il n'y a pas de solution unique que l'on puisse utiliser pour tous les accords avec des organisations comme celles-ci. Cependant, je comprends où vous voulez en venir.

Le sénateur Bolduc: C'est ce que nous avons fait en promulguant la Loi sur la gestion des finances publiques. En passant de l'administration gouvernementale traditionnelle à ce que nous appelions la gestion «moderne» dans les années 60, nous avons adopté une loi sur la gestion des finances publiques comportant diverses annexes régissant les différentes entités. Il y en avait une pour le Parlement, une pour les administrations gouvernementales et une pour les sociétés d'État. On a décidé que certaines commissions de réglementation administrative seraient considérées comme un ministère, ce genre de choses. Nous avons fait cet effort.

Je sais que maintenant c'est beaucoup plus diversifié, mais il me semble que deux ou trois principes fondamentaux d'administration publique devraient s'appliquer aux fondations aussi bien qu'aux ministères. Premièrement, il y a la compétence du personnel. Pour déterminer qui est le plus compétent pour un poste, on organise un concours. C'est ainsi que l'on construit une fonction publique compétente, que ce soit au ministère des Finances ou à celui des Affaires étrangères, tout comme dans l'ancien système traditionnel. C'est pourquoi je suis convaincu que c'est bon pour tout le monde.

Voilà l'un des principes fondamentaux. Le deuxième est la déontologie et l'impartialité du service public, faute de quoi on devient victime du clientélisme. Si vous connaissez l'administration canadienne comme moi, vous savez qu'il faut se prémunir contre la fragilité de la nature humaine.

Troisièmement, il faut la suprématie politique au Canada, et la reddition de comptes est la seule façon de l'assurer. La vérificatrice générale a proposé quelques mécanismes en ce sens. Par exemple, elle formule 12 recommandations. Accepteriez-vous de réfléchir à ces 12 recommandations? Elles me paraissent tout à fait sérieuses. Pouvez-vous me dire si vous êtes prêts à envisager les 12 recommandations formulées aux paragraphes 137, 149, 154, 162, 163, 164, 169, 181, 101, 115, 116 et 117.

Le président: Le gouvernement a-t-il répondu à ces recommandations, par l'entremise du ministre ou de responsables?

Le sénateur Bolduc: Puisque vous êtes aux Finances, vous êtes probablement l'auteur de ce plan budgétaire. C'est un document bien structuré. Mais parfois vous répondez à la vérificatrice générale que vous n'êtes pas d'accord avec elle, et c'est tout. Je ne suis pas satisfait de ce genre de réponse, car moi aussi j'en recevais de cette sorte.

M. Bevilacqua: Je vous remercie, tout d'abord, de nous avoir emmené dans ce voyage à travers le temps jusqu'années 30, 40, 50, 70 et 80. Je suis toujours disposé à puiser dans l'expérience de mes aînés.

Aucun d'entre nous ici ne contestera les trois principes que vous avez énoncés, soit la compétence, la déontologie et la responsabilité. Nous n'avons pas à les épouser, ils sont déjà les nôtres au ministère.

Pour ce qui est de l'autre question, comme vous le savez, je ne suis en fonction que depuis neuf jours. Je laisserai le ministre parler de notre réponse au rapport de la vérificatrice générale.

M. Kevin G. Lynch, sous-ministre, ministères des Finances: Nous avons réagi au rapport de la vérificatrice générale. Nous nous concertons avec elle et avec ses services. Nous avons également consulté à ce sujet la profession comptable ces dernières années. Comme le secrétaire d'État l'a indiqué, les partenariats publics et privés sont un mécanisme qui évolue. Nous tous devons apprendre et évoluer.

Si l'on va faire des choses nouvelles, il faut trouver des mécanismes pour cela. Le débat se poursuit. La vérificatrice générale a formulé quelques suggestions sur lesquelles le Conseil des normes comptables se penche actuellement. Il prendra position dans deux ans. Nous nous concertons avec le bureau du vérificateur général et celui du contrôleur général. Nous cherchons tous des façons qui préservent la nature essentielle de ces fondations, lesquelles nous permettent de faire les choses de manière beaucoup plus novatrice et flexible que par le passé.

Le sénateur Bolduc: Dans le plan budgétaire, vous avez indiqué avoir consulté deux grands cabinets comptables et qu'ils sont d'accord avec vous. Ils sont en conflit d'intérêts car ces cabinets sont en très petit nombre au Canada et ils veulent avoir des contrats. Demander leur avis est une bonne chose, mais se réfugier derrière celui-ci en est une autre.

M. Bevilacqua: Je répéterai ce que j'ai déjà dit à ce sujet car vous avez une fois de plus posé la question. La présentation des plans d'activité au ministre de tutelle et la faculté de ce dernier de réaliser des vérifications de conformité répondent à une préoccupation que vous et moi partageons. D'autres mesures sont la réalisation d'évaluation des programmes et le reversement éventuel des fonds au Conseil du Trésor en cas de liquidation. Nous faisons déjà tout cela et cela répond aux préoccupations qui vous tiennent manifestement à coeur.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Ma question concerne la transparence. On en parle souvent dans les journaux, même au caucus national et ailleurs. Vous avez mentionné dans votre présentation qu'il fallait informer les contribuables à la fois sur le but et le rendement de ces fondations, car elles requièrent des investissements importants. Quel genre de mécanisme avez-vous mis en place pour améliorer la transparence du travail de ces fondations?

Si vous dites que ces points sont importants, serait-ce parce que vous avez constaté des lacunes, car à ce jour, il n'y avait pas d'information à ce sujet?

[Traduction]

M. Bevilacqua: Votre question est pertinente car, en dernière analyse, quelle est la finalité du gouvernement et de l'action de gouverner? C'est, à titre de parlementaires, offrir le meilleur service possible aux Canadiens, mais il s'agit aussi de le faire savoir aux Canadiens collectivement.

J'aimerais vous faire part d'une anecdote. Lorsque j'étais secrétaire d'État à la science, à la R-D, je suis allé faire une annonce avec Génome Canada à l'Hôpital pour enfants de Toronto. Plusieurs choses m'ont frappé ce jour-là. La première était que je me trouvais dans un hôpital canadien de catégorie mondiale — et je le fais ressortir vu les difficultés dans le domaine de la santé dont nous débattons quotidiennement. J'ai été impressionné par l'énorme savoir-faire de ces laboratoires en génomique. J'ai été frappé également par le fait que certains des scientifiques et chercheurs, et jusqu'au président de l'Hôpital des enfants de Toronto, sont Américains.

Je le souligne car, grâce aux fondations comme celle-ci et aux énormes investissements que nous avons réalisés dans la R-D, nous devenons un aimant pour les meilleurs cerveaux du monde. Il faut le souligner. On parle énormément de l'exode des cerveaux, mais on mentionne rarement que le président de l'Hôpital pour enfants de Toronto — un hôpital de renommée mondiale — est américain.

Je veux parler de ces choses car elles illustrent notre raison d'être. Quel effet, nous les parlementaires, avons-nous sur la vie des citoyens? Le président de l'Université de Toronto travaillait aux États-Unis et a choisi de revenir au Canada. Pourquoi? Quels avantages, nous les parlementaires, apportons-nous aux Canadiens?

Ce ne sont là que quelques exemples dont je voulais vous faire part, tirés de mon expérience personnelle. Lorsqu'on parle de notre investissement dans le génome, lorsqu'on parle de la Fondation canadienne pour l'innovation, ne considérons pas seulement le montant des dépenses, considérons aussi ce que ces fondations apportent au pays.

Lorsque vous visitez les divers laboratoires et constatez que les meilleurs cerveaux du monde viennent travailler au Canada, il ne faut pas s'y tromper: nous avons une présence en génomique à cause de l'investissement effectué par l'entremise de la fondation. La Fondation canadienne pour l'innovation nous a aidés à attirer ces scientifiques. Vous pouvez passer en revue toutes les fondations et constater qu'elles ont un impact très positif pour le pays tout entier.

Ce serait une grave erreur que se lancer dans le débat sur les fondations en faisant abstraction de la stratégie d'ensemble, sans considérer le tableau d'ensemble de l'action gouvernementale aux services des Canadiens. J'espère que les Parlementaires des deux Chambres comprendront qu'il n'est plus possible aujourd'hui de considérer toutes ces choses par le petit bout de la lorgnette, isolément. Toutes ces questions sont étroitement reliées entre elles.

Lorsque j'argumente en faveur des fondations, je parle en même temps des raisons pour lesquelles le président de l'Hôpital pour enfants de Toronto est venu au Canada, pourquoi des scientifiques du monde entier affluent chez nous et pourquoi nous avons pu forger une culture d'opportunité et d'excellence.

Si vous avez tout à fait raison de parler de transparence, sénateru, il ne faut pas non plus perdre de vue les résultats, tout ce qui a été fait grâce à ces décisions.

Partout où je vais au Canada les réactions sont très positives. Notre tâche est d'assurer la transparence et la reddition de comptes. J'aime le fait que votre comité, les comités de la Chambre des communes, les vérificateurs externes et ministres aient reçu une plus grande latitude sur ce plan. Nous allons dans la bonne direction. On peut toujours faire mieux, mais ne considérons pas ce programme en dehors de son contexte.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Vous avez parlé d'informer le public. J'aimerais savoir quels moyens vous allez prendre pour informer le public? Avec quels programmes? Comme vous me l'avez expliqué, je comprends bien ce que vous m'avez dit et j'ai maintenant une perception différente. Mais ma perception ne me permet pas d'expliquer aux gens que je représente ce que vous venez de me dire. Le public a besoin d'un langage plus accessible et plus clair, afin que ces contribuables sachent que les fondations sont nécessaires parce qu'elles rapportent beaucoup aux Canadiens. Si nous ne l'expliquons pas, le public va se questionner, comme il s'est questionné jusqu'à maintenant. Personne n'a expliqué le rôle des fondations comme vous le faites, et je vous en remercie beaucoup.

[Traduction]

M. Bevilacqua: Je pense que nous partageons la même optique vous et moi. Je veux que ces organisations s'interrogent également sur la manière de communiquer au public leurs réalisations.

Par exemple, dans le cas du Fonds des bourses du millénaire, les familles et amis des 90 000 étudiants bénéficiaires ont très conscience des avantages. Mais le gouvernement et les fondations elles-mêmes doivent améliorer la communication avec le public. C'est d'ailleurs un aspect que l'on peut aborder au moment de conclure les accords. Ceux déjà rédigés pourront être modifiés, peut-être, pour faire une plus grande place à la communication.

Ces rapports devraient couvrir les avantages évidents que les citoyens en retirent, car il ne fait aucun doute que le succès d'une politique dépend de deux choses: Améliorons-nous la qualité de vie des citoyens? Améliorons-nous leur niveau de vie? Nous devons prendre toutes les mesures qui s'imposent pour faire connaître ces réussites.

Le sénateur Stratton: C'était une présentation très éloquente, sur un mode romantique, car la responsabilité du comité est de nature financière. Nous devons surveiller les deniers publics. C'est notre raison d'être autour de cette table.

Je ne vous ai pas entendu parler — du moins pas à ma satisfaction — de la manière dont vous comptez assurer la reddition de comptes envers le public canadien. Nous sommes passés aujourd'hui dans une ère entièrement différente, qui n'est pas l'après-11 septembre, mais l'après-Enron. Je n'ai rien entendu qui soit de nature à me rassurer.

Vous dites que nous aurons des vérificateurs comptables. Eh bien, Enron en avait aussi. Vous n'avez rien dit à ce sujet. Que fait-on pour prévenir une telle débâcle? Je pensais que vous couvririez cela dans votre exposé, reconnaissant le scandale Enron, et expliqueriez ce que vous faites pour éviter que cela ne se produise avec ces fondations. Que pouvez-vous me répondre à ce sujet?

M. Bevilacqua: Je suis heureux que vous estimiez que l'une des responsabilités de votre comité est de protéger les deniers publics.

Sénateur, je sais que vous, plus que quiconque, êtes un observateur très intéressé du gouvernement du Canada. Vous reconnaîtrez que nous travaillons très fort pour assurer la bonne gestion des deniers publics. Je ne veux pas rappeler l'époque avant 1993 où le déficit était de 42 milliards de dollars.

Le sénateur Stratton: Ne faites pas cela, sinon la discussion deviendra politique. Répondez à la question.

M. Bevilacqua: Je ne veux pas une discussion politique. La seule chose que je veux faire ici — et je pense y avoir quelque peu réussi — est de justifier les fondations.

Si vous considérez les états financiers vérifiés par des vérificateurs indépendants, si vous considérez les plans d'activités et le fait que nous devons effectuer des évaluations individuelles... Les accords signés après le budget 2001 prévoient des vérifications de conformité, l'évaluation des programmes et des vérificateurs externes indépendants. Le ministre peut commander une vérification du respect des conditions par les bénéficiaires.

Le président: Excusez-moi, aux fins du procès-verbal, car la question a été posée ici, est-ce que vous ou l'un des fonctionnaires pourriez indiquer les objections du gouvernement à l'idée de laisser le vérificateur général contrôler les comptes de ces fondations?

M. Peter DeVries, directeur, Direction de la politique économique et fiscale, ministère des Finances: Nous voulons assurer que ces fondations soient véritablement indépendantes. Le vérificateur général est un mandataire du Parlement et cela serait donc contraire à l'indépendance des fondations.

Deuxièmement, le vérificateur général est le vérificateur général du Parlement. Faire de lui également le vérificateur d'un agent indépendant le placerait dans une situation très difficile. On aurait une situation où l'on a un vérificateur indépendant de la fondation et un vérificateur indépendant du Parlement.

Comme le secrétaire d'État l'a fait observer, les nouvelles dispositions prises dans le budget 2001 et par après permettent au ministre de tutelle de demander au vérificateur général d'aller examiner ces nouvelles fondations pour vérifier qu'elles respectent l'accord de financement.

C'est à l'initiative du ministre, qui peut demander au vérificateur général d'examiner ces fondations. Nous essayons d'assurer un équilibre délicat entre l'indépendance des fondations et leur reddition de comptes au Parlement.

Le sénateur Stratton: Ma crainte est que les chevaux se soient déjà échappés de l'écurie avant que cela se fasse. C'est habituellement le cas: un désastre survient et tout d'un coup il faut intervenir et le ministre envoie le VG, trop tard.

C'est là réellement notre crainte. Qu'avez-vous fait pour prévenir ce risque? Parlez d'Enron, dites-nous de quelle manière vous prévenez le problème rencontré avec Enron. Nous avons besoin de l'entendre. Quelles conditions avez- vous mises en place pour assurer qu'aucune de ces fondations ne sera jamais le sujet d'un scandale de type Enron? C'est ce que nous, autour de cette table, avons besoin de savoir.

M. Bevilacqua: Je pense avoir déjà passé cela en revue.

Le sénateur Stratton: Je ne crois pas. Je ne pense pas que ce que vous avez fait réponde à ce souci particulier.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, je ne saisis pas très bien. Peut-être le sénateur Stratton pourrait-il nous expliquer le rapport entre Enron et ces fondations?

Le sénateur Mahovlich: Ce n'est pas parce que les dirigeants d'Enron étaient des escrocs que tout le monde est un escroc.

Le sénateur Cools: D'aucuns semblent le croire.

Le président: Nous aurons l'occasion d'en débattre en temps voulu.

Le sénateur Cools: Ceci n'est pas un débat. Je veux toutefois faire ressortir une chose: le ministre ne doit pas penser un instant que tout le comité partage ce point de vue.

Le président: Le secrétaire d'État est un parlementaire d'expérience.

Le sénateur Stratton: Si vous estimez avoir répondu à la question, monsieur, je l'admets. Je ne suis pas d'accord avec vous, mais je l'admets.

M. Bevilacqua: Sénateur, je comprends ce que vous dites. Il est extrêmement important de considérer ce qui est arrivé à Enron selon une perspective canadienne. Il y a des leçons à en tirer. Ce que j'ai fait ce soir, c'est présenter les arguments en faveur des fondations. J'ai également indiqué ce que nous avons fait jusqu'à présent pour répondre aux préoccupations que vous-même et d'autres avez déjà exprimées. Ce que vous demandez, sénateur, mérite réflexion. Je ne peux vous donner une réponse ce soir, pour des raisons évidentes, sur toute l'affaire Enron.

Le sénateur Stratton: J'imagine bien. Ma dernière question sera donc pour demander quand vous serez en mesure de le faire?

M. Bevilacqua: C'est une très bonne question.

Le sénateur Cools: Bientôt, très bientôt.

M. Bevilacqua: Dès que ce sera humainement possible.

Le sénateur Banks: Le point que faisait valoir le sénateur Stratton n'est pas tant que les fondations sont des escrocs mais que les vérificateurs d'Enron étaient notoirement non fiables et que des vérificateurs privés ont aujourd'hui des intérêts qui dépassent largement la comptabilité. Cela tend à rendre ces cabinets peu fiables dans certaines circonstances.

Le fondement de la question du sénateur Stratton est ce que le président a bien expliqué au début, à savoir que l'objectif des fondations n'est contesté par personne, mais qu'il y a un problème avec la reddition de comptes.

Je suis en faveur de structures autonomes financées par l'État. La question est de savoir laquelle des fondations devrait ne pas être assujettie aux articles 1 à 5 de la Loi sur la gestion des finances publiques et non assujettie à des examens spéciaux du vérificateur général tous les quatre ou cinq ans, et pour quelle raison. Je sais que la réponse dans chaque cas va différer.

Vous avez dit que des améliorations peuvent être apportées. C'est parfois vrai. Il est également vrai que dans le cas de certaines des fondations, il n'y a pas d'améliorations possibles. Un cas extrême est celui de la Fondation Pierre Trudeau à laquelle le gouvernement a donné 125 millions de dollars. Elle n'est pas une émanation du gouvernement. C'est une fondation privée à laquelle le gouvernement du Canada a, à juste titre sans doute et avec la meilleure des intentions, donné 125 millions de dollars. Mais nous ne pouvons manifestement pas imposer une meilleure comptabilité ou transparence à cette fondation, car elle n'est en rien une création du gouvernement.

N'est-ce pas également vrai dans une large mesure des fondations créées avant que vous ayez commencé à dire que le vérificateur général pourrait, dans certaines circonstances, les contrôler? Je songe en particulier à la FCI, qui a un conseil d'administration et un accord qui dit en substance: «Voici l'argent, voici comment vous pouvez le dépenser. Les administrateurs sont tenus de le dépenser de cette façon». En revanche, je sais d'expérience personnelle que si le gouvernement arrive ultérieurement et dit à ce conseil d'administration: «Nous voulons changer les règles du jeu, nous voulons ajouter une autre strate de vérification, ou bien nous voulons ouvrir une porte qui était jusqu'à présent fermée», le conseil d'administration va simplement répondre non. S'il est effectivement indépendant, c'est la fin de la discussion.

Je veux vérifier que mon interprétation est juste, que certaines fondations — en particulier celles qui existaient avant 2001 — ne sont pas tenues, sauf dans les circonstances les plus extraordinaires, d'accepter des modifications sur le plan de leur transparence et reddition de comptes. Je ne dis pas que leur comportement actuel laisse à désirer. Mais c'est gravé dans la pierre, n'est-ce pas?

M. Lynch: La Fondation canadienne pour l'innovation est un bon exemple. Elle a été créée par une loi, mais le gouvernement a également conclu avec elle un accord de financement. Évidemment, du fait que la fondation est indépendante, le gouvernement ne peut unilatéralement modifier cet accord de financement. Cependant, avec l'assentiment des deux parties, cet accord de financement peut être modifié.

En réponse à votre question, est-ce impossible de changer quelque chose? Pas du tout. Si les deux parties s'entendent sur un changement, il peut être apporté. Comme je l'ai dit, si vous regardez certains des changements que nous avons apportés aux fondations soit constituées soit refinancées dans le budget 2001, nous avons ajouté quelques éléments du fait de l'évolution et des discussions avec les deux entités concernées et le vérificateur général. Je pense que c'est un processus en évolution. Il y a une certaine capacité à réviser ce qui existe déjà, par consentement mutuel.

Le sénateur Banks: Par définition, les fondations indépendantes vont grimper sur les barricades si quelqu'un veut leur imposer un autre degré d'examen. C'est juste une observation, pas une question, monsieur le président.

Le président: Monsieur Bevilacqua, pourriez-vous faire quelque chose pour nous? Je ne m'attends pas à une réponse ce soir. Comme vous le savez, le premier ministre a déposé hier un ensemble d'instructions déontologiques qui s'adressent aux ministres et secrétaires d'État et portent sur leurs rapports avec les sociétés d'État, les tribunaux administratifs, les commissions et autres. Elles indiquent en particulier dans quelles mesures, sous quelles formes et dans quelles circonstances ils peuvent intervenir auprès de ces conseils, commissions, et cetera.

Pourriez-vous nous dire, pour chacune de ces fondations, comment elles se situent par rapport aux interventions des ministres et secrétaires d'État? Je sais que vous devrez obtenir des renseignements par écrit pour cela, mais j'aimerais bien avoir cela.

M. Bevilacqua: Vous l'aurez le plus rapidement possible.

Le sénateur Kinsella: J'aimerais explorer deux aspects avec le secrétaire d'État. L'évaluation des programmes en est un et le deuxième est ce que je qualifierais de «définition de l'intérêt».

Sur le plan de l'évaluation des programmes, pourriez-vous expliquer au comité les critères présidant à ces évaluations? Est-ce que la fondation détermine les critères aux fins de l'évaluation interne des programmes, ou bien le ministre de tutelle les fixe-t-il?

Je parle de l'évaluation des programmes et des objectifs prévus par la loi, et des attentes du gouvernement sur le plan de la réalisation par la fondation des objectifs fixés par le gouvernement, par opposition à la vérification des comptes.

M. Lynch: Nous devrons faire quelques recherches pour vous donner une réponse complète.

Pour un certain nombre d'entre elles que je connais bien, l'évaluation est faite à la lumière de la loi, s'il en existe une, et aussi des conditions énoncées dans l'accord de financement, lequel existe dans tous les cas. Les conseils d'administration en ont besoin comme point de départ, car ce sont là le mandat et les objectifs qui leur sont assignés. Les accords peuvent spécifier d'autres choses encore, mais les fondations que je connais directement ont cela comme point de départ et point de référence pour les évaluations.

Le sénateur Kinsella: Les fondations sont-elles tenues d'avoir un service d'évaluation des programmes? Dix ans se sont écoulés depuis que j'étais sous-ministre fédéral, mais nous avions un service d'évaluation des programmes dans nos ministères.

Cela existe-t-il toujours dans tous les ministères? Est-ce que l'évaluation des programmes effectuée par ces fondations sera la même que celle des programmes des divers ministères?

M. DeVries: Comme M. Lynch l'a indiqué, toutes les fondations diffèrent. Tout dépend des accords de financement que le gouvernement a passés avec elles. Elles assureront les évaluations elles-mêmes.

Le sénateur Kinsella: Qui fixe les critères? Qui décide à la lumière de quels objectifs les résultats sont évalués? Le font-elles elles-mêmes?

M. DeVries: Les objectifs sont énoncés dans les accords de financement.

Le sénateur Kinsella: Le comité possède-t-il le texte des accords de financement?

Le président: Je ne pense pas et je ne pense pas non plus que nous y ayons accès. Nous pouvons essayer. J'ai déjà indiqué lors d'une réunion antérieure, sénateur, que maintenant, puisque la politique a été assez clairement énoncée et défendue de façon relativement robuste par les ministres et fonctionnaires, l'étape suivante pour nous, si le comité veut continuer à se pencher sur la question, consistera à entendre les fondations une par une, ainsi que les ministres de tutelle, le cas échéant.

Est-ce que ces accords de financement sont des documents publics?

M. DeVries: Il va falloir que je vérifie cela, monsieur le président. Je ne suis pas sûr que tous le soient. Dans certains cas, oui.

Le président: Vous voyez. C'est très variable et il s'agira pour nous de voir.

Le sénateur Kinsella: En ce qui concerne la définition de l'intérêt, quelle est la politique du gouvernement fédéral s'agissant de savoir qui, en dernier ressort, définit l'intérêt public? Le gouvernement considère-t-il — je choisis mes mots — que la fondation et la communauté des participants du secteur dans lequel la fondation opère déterminent un intérêt sectoriel, alors que le gouvernement se place du point de vue de l'intérêt national ou de l'intérêt public?

Comment se fera la conciliation entre ce que l'on pourra considérer être l'intérêt public du Canada, par opposition aux décisions qu'une fondation indépendante peut prendre dans un domaine donné de recherche ou d'innovation?

Sur ce dernier plan, n'existe-t-il pas un risque que s'instaure une certaine mentalité de copinage dans les milieux de recherche, puisque les experts appartiennent au même milieu que les administrateurs? Il y a là un danger de relations intellectuellement incestueuses.

M. Bevilacqua: Vous dites qu'il y a un danger. Ce n'est pas inéluctable. Si j'en juge d'après les progrès qu'elles ont déjà réalisés, je ne dirais pas que les objectifs des fondations et ceux du gouvernement, responsable de l'intérêt public, soient contradictoires.

Si un jour, grâce aux investissements que nous avons réalisés dans la R-D, on trouve le moyen de guérir le cancer, il n'y a pas contradiction dans le fait que c'est à la fois dans l'intérêt public et, en l'occurrence, dans l'intérêt de ce groupe de chercheurs de trouver le remède.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que ces fondations servent l'intérêt public.

Le sénateur Kinsella: Lorsque ce sont les mêmes qui gèrent l'argent, décident les projets de recherche qui seront financés et qui font l'examen par les pairs des demandes, n'y a-t-il pas un risque sérieux que les jugements seront emprunts d'une certaine mentalité propre à cette discipline de recherche et à ces intérêts?

M. Bevilacqua: Mais cela suppose que nul dans les divers comités de la Chambre ne lit les rapports et que tout le monde dans la collectivité se soit endormi. Ce n'est pas le cas du tout. Je pense que les parlementaires responsables, comme ceux autour de cette table, et les membres de la collectivité s'en apercevront vite si un groupe agit dans son intérêt égoïste et contrairement à l'intérêt public. Cela ne fait aucun doute. Il y a beaucoup trop de rapports qui donnent accès à ce genre d'information. Cependant, je comprends votre préoccupation.

M. Lynch: Par exemple, la Fondation canadienne pour l'innovation et Génome Canada — deux fondations qui investissent lourdement dans la recherche — utilisent toutes deux des comités d'examen par les pairs. Ces comités sont composés en grande partie d'experts internationaux — pas seulement canadiens — afin de les doter d'une perception experte, indépendante et mondiale de l'excellence. Ce point de vue est ensuite transmis au conseil d'administration, lequel est composé non seulement de scientifiques, mais aussi de membres venant d'autres horizons. Il y a de nombreuses strates pour garantir une aussi grande objectivité que possible du mécanisme décisionnel.

Le président: Sénateur Tunney prend sa retraite du Sénat, quand déjà, samedi?

Le sénateur Tunney: Dimanche suffira.

Le président: C'est votre dernière chance, sénateur. Allez-y.

Le sénateur Tunney: Je vais vous donner un indice. Je viens de fêter mon 30e anniversaire de mariage, mon 75e anniversaire et ma 44e année d'agriculteur. Je ne sais pas à quoi ces titres me donnent droit.

Le président: Au Sénat.

Le sénateur Stratton: Plus maintenant.

Le sénateur Tunney: Je vais faire une analogie. Cela s'inscrit plus ou moins dans la philosophie de ce que nous faisons ici. Ce n'est pas propre aux fondations ni au gouvernement fédéral. Cela vaut pour toute l'économie et tout le pays.

Un sénateur parlait tout à l'heure, à juste titre, des méthodes suivies des années 30 jusqu'à nos jours. Je suis embarrassé de dire, vu mon âge, que je me souviens de toutes ces années. Je me souviens également d'un temps où ne faisions pas de R-D. Nous étions dans les affres de la Grande Dépression, lorsqu'il n'y avait pas d'argent pour toutes ces choses. Si nous vivions ce genre de conjoncture aujourd'hui, nous ne serions pas là dans cette ville à toucher nos salaires et à assister au genre d'excédents budgétaires et profits privés engrangés aujourd'hui.

Cependant, si nous adoptons une attitude négative à l'égard de la R-D — autant ne pas dépenser un sou pour cela. Si vous considérez que cela ne donnera rien, cela sera probablement vrai. Mais si vous avez l'esprit assez positif pour vouloir faire les choses comme il faut, les résultats peuvent être phénoménaux.

Permettez-moi une analogie. Dans la production laitière, mon métier, les producteurs et l'industrie ne s'enrichissent que grâce à la recherche qui a permis les progrès génétiques et biotechnologiques. Nous avons toujours eu des producteurs laitiers, et je les représentais, mais parmi eux il y en avait des centaines à l'esprit positif pour chacun à l'esprit négatif. Mais ceux qui étaient négatifs ont tiré tout autant bénéfice de cet effort que les positifs, car ils devenaient bénéficiaires sans même le savoir.

Nos vaches laitières aujourd'hui donnent quatre fois plus de lait qu'au début des années 70, lorsque nous investissions l'argent des producteurs et les crédits publics dans la R-D à ce qui était alors le Collège de Guelph. Celui- ci s'est depuis considérablement transformé, en même temps que le reste.

Comme tout le monde autour de cette table, je me soucie de l'usage fait des deniers publics. Cependant, il ne faudrait pas que tout le monde craigne d'agir parce que les choses pourraient mal tourner. Si les choses tournent mal, c'est peut- être parce qu'on ne s'y prend pas bien. Mais je dis qu'il faut quand même continuer.

J'espère que vous reviendrez à ce comité. Je ne serai plus là. Peut-être, lorsque vous serez un peu plus aguerri, répondrez-vous à certaines de ces questions, même si elles sont parfois plutôt mal avisées.

Le président: Sur ces paroles d'encouragement, le ministre et ses collaborateurs pourront rentrer chez eux et dormir sur leurs deux oreilles. Si le comité souhaite poursuivre son examen, nous inviterons certainement individuellement les fondations et les ministres de tutelle.

Merci beaucoup. Vous avez clairement énoncé la politique du gouvernement. Nous déciderons de ce que nous ferons ultérieurement.

Le sénateur Bolduc: M. DeVries dit qu'elles doivent être indépendantes. Elles doivent être indépendantes du gouvernement, mais non du Parlement.

Le président: Nous en débattrons un autre jour.

La séance se poursuit à huis clos.


Haut de page