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Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 44 - Témoignages du 18 juin 2002 (Séance du matin)


OTTAWA, le mardi 18 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier le contrat administratif du terrain d'aviation de Goose Bay, au Labrador.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, le sujet que nous allons examiner aujourd'hui présente une certaine urgence, parce que le terrain d'aviation de Goose Bay, au Labrador, est actuellement utilisé par certains de nos alliés. Un contrat de service a été établi avec la société Serco Facilities Management Incorporated, et il se termine en 2003. Une demande de proposition pour reconduire ce contrat ou en établir un nouveau devait être publiée hier. L'une des premières questions que nous allons poser à nos témoins, c'est si la demande en question a bien été publiée et si nous pouvons en obtenir des exemplaires.

Notre premier groupe de témoins nous provient du ministère de la Défense nationale. M. Jim Richardson est responsable du renouvellement du contrat du terrain d'aviation de Goose Bay, au Labrador. Il est accompagné de M. Frank Young. Nous entendrons aussi le colonel Alan D. Hunter, qui a été officier des opérations de la cinquième Escadre de Goose Bay de 1990 à 1994. Depuis 1998, le colonel Hunter est président du Sous-comité des opérations de Goose Bay et, à ce titre, préside la réunion annuelle des représentants des opérations des cinq nations de l'ONU qui s'entraînent à la base. Nous entendrons aussi le colonel Robert Bertrand. D'autres témoins militaires ou non viendront nous prêter main-forte si les questions deviennent trop techniques.

Monsieur Richardson, nous vous écoutons.

M. Jim Richardson, directeur, Obtention de modes de prestation de services importants, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, je commencerai par vous faire une brève description de l'historique du projet visant à procurer à la base de Goose Bay des services de soutien régis par un contrat. Je vous présenterai deux arguments importants au sujet du contrat actuel et au sujet du contrat projeté pour ces services de soutien.

Les pilote alliés utilisent la base de Goose Bay principalement pour l'entraînement relatif au vol à faible altitude. Les besoins opérationnels de l'Aviation canadienne à la base de Goose Bay sont plutôt limités. Nous avons conclu des ententes avec l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et les Pays-Bas pour l'utilisation de la base jusqu'en 2006. En 1997, on a entrepris de modifier quelque peu la vocation de la base, parce qu'elle n'appuyait plus directement le rôle opérationnel des Forces canadiennes et parce que le Canada et les alliés à Goose Bay devaient faire face à de graves compressions budgétaires. En 1998, à la suite d'un concours, le gouvernement canadien a octroyé un contrat de service de soutien sur place à la société Serco, pour une durée de cinq ans. La valeur globale du contrat est de 150 millions de dollars, ce qui comprend les coûts relatifs aux obligations du successeur. Le contrat couvre la période du 1er avril 1998 au 31 mars 2003. Comme on l'a déjà dit, nous cherchons actuellement à obtenir des propositions pour un nouveau contrat à long terme d'une durée de 11 ans. La demande de propositions a été publiée hier et sera accessible aujourd'hui par l'entremise du système des soumissions en direct du gouvernement. Voilà en bref l'histoire et la situation relative au contrat pour le projet de Goose Bay.

J'aimerais préciser deux choses au sujet du contrat actuel et du contrat futur. Tout d'abord, nous estimons qu'il a été fructueux de confier à un entrepreneur externe la responsabilité des services de soutien à Goose Bay. Cette mesure a permis de réduire suffisamment les coûts d'exploitation de la base, ce qui a permis aux alliés d'y poursuivre leur formation; en même temps, ils ont pu avoir accès à des services de soutien de grande qualité. Grâce à cette solution, le coût du travail de soutien sur place est passé d'une moyenne de 45 millions de dollars par année à 30 millions de dollars, soit une économie annuelle d'environ 15 millions de dollars. Cette économie a fait de la base de Goose Bay une option plus attrayante pour nos alliés, qui devaient réduire leurs coûts pour poursuivre leur entraînement à Goose Bay à un coût abordable.

Ensuite, nous avons tiré des leçons de cette première expérience, et nous allons les appliquer au renouvellement du contrat, notamment en y intégrant de nouvelles exigences pour renforcer la stabilité de la main-d'œuvre. Pour ce faire, nous avons consulté davantage les alliés, l'industrie et les gens de la localité. Nous avons réagi aux préoccupations des gens de la place, et inclus dans notre demande de propositions des exigences selon lesquelles les soumissionnaires doivent embaucher au moins 90 p. 100 de leur effectif sur place. De plus, nous y avons précisé que le nombre d'employés doit être au moins égal à l'effectif de l'entrepreneur actuel, soit environ 300 travailleurs, et que les soumissionnaires doivent prévoir des salaires, des avantages sociaux et des politiques et procédures en matière de ressources humaines visant à garantir la stabilité de la main-d'œuvre. Toute soumission qui ne répond pas à cette exigence sera rejetée. Nous reconnaissons que la stabilité et le coût de la main-d'œuvre constituent des éléments importants pour nos alliés.

Honorables sénateurs, je demanderais maintenant à M. Young de vous parler de la situation actuelle en ce qui a trait à ces tâches et aux alliés.

M. Frank Young, administrateur général, bureau de Goose Bay, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, je suis heureux que votre comité examine la question de la présence des alliés à la base de Goose Bay. Comme je m'occupe personnellement de l'entraînement des alliés au Canada en appliquant une politique du MDN depuis 1981 et que je suis responsable de tout un éventail de tâches connexes à titre de directeur général du bureau de Goose Bay au quartier général de la Défense nationale, le QGDN, depuis 1990, je pourrais être capable de vous fournir des informations utiles pour la formulation de vos conclusions et recommandations.

Mon mandat et celui de mon bureau sont enchâssés dans une directive du QGDN que j'ai remise à votre greffier, et des exemplaires vous seront remis sous forme d'annexe à mon mémoire.

Je ne voudrais pas gaspiller les quelques minutes que vous m'accordez en vous énumérant toutes les tâches que je dois accomplir à mon bureau. Je préciserai simplement que, à titre d'administrateur général, je dois assumer notamment les responsabilités suivantes: veiller à ce que l'orientation gouvernementale — qui découle de l'orientation du Cabinet et des quatre directives qu'il a émises à ce sujet depuis 15 ans — est intégrée dans les plans et programmes du MDN à Goose Bay et que les alliés comprennent et acceptent cette orientation. Je dois également répondre aux besoins des alliés qui sont exprimés dans le cadre des conférences internationales. On a déjà mentionné que le colonel Hunter préside un sous-comité des opérations, qui compte des représentants des ministères de la Défense des alliés. Un autre sous-comité s'occupe de l'infrastructure nécessaire pour la réponse à ces besoins opérationnels, et un troisième sous-comité s'occupe des finances. Ces trois sous-comités, qui comptent des représentants des ministères de la Défense alliés, relèvent de mon comité principal, un comité de participants internationaux, qui s'occupe des problèmes qui ne peuvent être résolus à la base par le commandant et les détachements alliés.

Je supervise et dirige également toutes les négociations bilatérales et multinationales avec les alliés concernant leur utilisation de la base de Goose Bay et de ses aires d'entraînement. Je fais la promotion de la base de Goose Bay auprès des forces militaires qui s'y trouvent actuellement ou qui envisagent de le faire. Je mets en œuvre des directives gouvernementales générales au sujet de toutes les questions environnementales, et je tente d'améliorer les relations que nous entretenons avec les intervenants autochtones dans le secteur.

Avant de m'attacher aux deux questions que l'on m'a mentionnées être le secteur de préoccupation du comité, j'aimerais faire un dernier commentaire général en vous donnant un bref résumé du programme des forces alliées hors du contexte du contrat auquel M. Richardson vient de faire allusion.

Aujourd'hui, les forces aériennes du Royaume-Uni, de l'Allemagne, des Pays-Bas et de l'Italie s'entraînent à la base de Goose Bay en vertu des dispositions d'un protocole d'entente décennal que j'ai contribué à négocier en 1996. Selon les modalités et dispositions de ce protocole d'entente, les alliés doivent dépenser chaque année environ 70 millions de dollars pour cet entraînement. De plus, le ministère de la Défense nationale dépense annuellement plus de 20 millions de dollars pour couvrir le coût du déploiement de sa base opérationnelle, payer des activités très limitées de formation des Forces canadiennes et couvrir un certain nombre d'autres responsabilités dont le coût n'est assumé par aucun client.

Le gouvernement canadien soutient cette formation et la participation du MDN au programme pour trois raisons aussi claires que sensées. Premièrement, elle améliore les capacités collectives de défense de nos alliés. Ce ne sont pas là seulement des mots, honorables sénateurs: il s'agit d'une réalité. En 1990, lorsque la guerre du Golfe a éclaté, ce sont les unités de la Royal Air Force à Goose Bay qui ont immédiatement décollé pour le Moyen-Orient, où elles ont pu être efficacement mises à contribution. Deuxièmement, le soutien du gouvernement canadien nous permet de maintenir de bonnes relations diplomatiques avec les alliés de l'OTAN. Troisièmement, on peut affirmer sans fausse honte que cet entraînement procure des emplois et des débouchés d'affaires aux Canadiens, tout en protégeant l'environnement et les intérêts des Autochtones.

Je vais remettre au greffier du comité une présentation PowerPoint qui aborde l'entraînement des alliés selon des perspectives stratégiques, opérationnelles, financières, autochtones, environnementales et commerciales. Je lui laisserai également une version sur CD que vous pourrez utiliser.

Pour éviter de m'éparpiller, je m'attacherai à ce qui, selon moi, sont les deux grands secteurs d'intérêt des travaux du comité qui tombent dans mon champ d'activité: les plans des alliés pour l'avenir, du moins ce que j'en sais, et la mise en marché de la base de Goose Bay pour les activités des alliés.

En ce qui concerne les projets d'avenir des alliés, les journaux en parlent déjà: certains d'entre vous qui habitent au Labrador l'ont déjà lu dans le Labradorian. Les forces aériennes royales néerlandaises envisagent la possibilité de quitter Goose Bay. Voici les faits: les forces aériennes néerlandaises royales ont procédé à une étude préliminaire visant la consolidation de trois de leurs installations de formation en Amérique du Nord en un seul endroit: El Centro, en Californie. Si cette mesure est approuvée par le ministère néerlandais de la Défense, cela mettrait un terme à l'entraînement des forces aériennes royales néerlandaises à Goose Bay dès l'expiration du protocole d'entente actuel en 2006, ou même avant.

Je tiens à souligner que l'étude n'a pas été approuvée par les instances supérieures des forces aériennes royales néerlandaises, et encore moins par le ministère de la Défense du pays, de sorte que les recommandations découlant de cette étude pourraient ne pas tenir compte de ces résultats. La décision des autorités néerlandaises est attendue cet été, en juillet ou en août.

En ce qui concerne les projets des autres forces aériennes, celles du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de l'Italie sont intéressées, du moins en principe à l'heure actuelle, à poursuivre leur entraînement à Goose Bay en fonction d'un nouveau protocole d'entente d'une durée de dix ans, qui commencerait en 2006, même si les Néerlandais devaient quitter, à condition qu'il y ait une amélioration encore plus grande de l'efficience et de l'efficacité de la base.

Permettez-moi quelques précisions sur ces deux catégories. En ce qui concerne l'efficience, les autres alliés dont j'ai parlé veulent être sûrs que la part des coûts communs qu'ils devront assumer avec le ministère de la Défense nationale en raison du départ possible des Néerlandais ne sera pas trop élevé. Les coûts communs sont ceux que nous devons tous assumer. Si les Néerlandais s'en vont, nous devrons en assumer une part. Lorsque je dis «nous», je veux dire les trois alliés et le ministère de la Défense nationale. Les alliés veulent également savoir si nous pourrons être plus efficients au chapitre des économies d'échelle, peut-être en faisant entrer en jeu un nouvel utilisateur militaire.

Enfin, sur le plan monétaire, nos alliés veulent connaître notre position de négociation pour le nouveau projet de protocole d'entente qui remplacera l'accord actuel qui expire dans quatre ans.

Pour ce qui touche l'efficacité de leur entraînement, les alliés veulent voir une amélioration. Ça veut dire qu'ils veulent que de nouvelles activités soient approuvées. Ils ne nous en ont pas encore donné la quantité et la description, et nous devrons aussi les soumettre aux examens environnementaux du fédéral. Il y a aussi des systèmes d'entraînement qu'ils souhaitent acquérir, sans compter que les questions relatives au financement revêtent une importance primordiale.

C'était donc là un synopsis des projets actuels de nos clients et de la façon dont le MDN tente de répondre à leurs besoins.

J'aimerais souligner que l'orientation gouvernementale actuelle, et je parle du gouvernement en général, favorise la promotion, par le MDN, de l'entraînement aérien à Goose Bay, jusqu'à 18 000 sorties par année ayant été prévues, dont 15 000 peuvent être à faible altitude. Au cours des cinq dernières années, la formation des alliés n'a atteint, malgré tous nos efforts, que le tiers de ces nombres. Bref, il y a encore de la place pour la croissance.

Que faisons-nous pour accroître les activités d'entraînement des alliés? Nous avons mis de l'avant trois mesures. La première consiste à faire en sorte que nos clients actuels soient satisfaits.

Nous tentons d'y arriver en nous attachant à toutes les questions soulevées par nos comités internationaux — le principal, que je dirige, et les trois sous-comités. Nous tentons ainsi de régler les problèmes importants avant qu'ils ne deviennent trop graves. Jusqu'ici, nous avons réussi à y arriver. Je ne peux probablement pas vous fournir des transcriptions de tous les procès-verbaux du comité principal, mais je peux tout de même vous en remettre des extraits. Les commentaires de clôture de la plus récente conférence internationale, qui s'est terminée la semaine dernière, révèlent que les alliés sont satisfaits de notre façon de mener les activités. Nous avons reçu beaucoup de correspondance des alliés dans laquelle ils nous disent apprécier les efforts que déploie le MDN et la structure de comité que nous avons mise en place, et j'ajouterais même que les forces aériennes royales néerlandaises nous ont tout récemment envoyé une lettre à ce sujet. Bref, nous devons tout d'abord veiller à ce que nos clients actuels soient satisfaits.

Nous devons également faire la promotion d'une plus grande utilisation des services de la base de Goose Bay par ces alliés. Nous essayons d'y parvenir d'un certain nombre de façons. Nous avons tenté d'orchestrer un préfinancement des systèmes d'entraînement et avons procédé à nos études environnementales sur l'entraînement supersonique, qu'envisagent les alliés, et nous voulons être prêts à répondre à leurs besoins. Mon bureau participe activement à l'élaboration de plans de concert avec nos collègues de la province de Terre-Neuve et du Labrador, que je vois parmi nous aujourd'hui, en ce qui concerne l'utilisation de nouvelles bombes d'entraînement guidées par laser. Nous avons également amené les alliés à envisager de nouvelles activités d'entraînement, par exemple des opérations aériennes mixtes, qui pourraient peut-être intéresser de futurs clients, par exemple les forces aériennes françaises.

Cette année, la base et le ministère ont facilité l'établissement de cibles factices à Goose Bay et dans le secteur d'entraînement. Nous avons établi un nouveau système de pointage pour les essais, et nous préparons le terrain pour l'utilisation de véhicules téléguidés. Nous allons aussi mettre sur pied un comité de la croissance. Nous avons déjà essayé de le faire, mais en vain. Nous tenterons maintenant d'en établir un qui serait dirigé par l'état-major des forces aériennes des nations alliées et par le ministère de la Défense nationale. Mes supérieurs mettront de l'avant cette mesure au cours de l'été. Enfin, nous donnons à tous les ambassadeurs canadiens et aux délégués des pays alliés une formation visant à bien leur faire comprendre à quel point cette formation est importante pour notre pays, pour qu'ils puissent ramener ce message chez eux.

De plus, nous tentons d'attirer de nouveaux clients à Goose Bay. Par exemple, notre bureau est demeuré en communication avec les forces aériennes italiennes après leur essai à Goose Bay en 1995. Leur décision de ne pas revenir ne nous a pas convaincus d'abandonner. À la fin des années 90, nous avons proposé une analyse de rentabilisation à nos officiers supérieurs au MDN visant le financement préliminaire d'une rampe adjacente que bâtirait le MDN pour attirer les forces aériennes italiennes à Goose Bay, si un nouveau hangar devait être bâti. L'investissement des Italiens étalé sur une certaine période garantirait au MDN une réduction de la part des coûts communs qui, en cinq ans, permettrait facilement d'amortir l'investissement de deux millions de dollars.

Nous avons pris un certain nombre de mesures. Lorsque je négocie un protocole d'entente, je veille à ce qu'il y ait une section A à l'intention de nos alliés. Pour être plus précis, je dirais que lorsque nous faisons la promotion de Goose Bay à un client éventuel, celui-ci peut venir passer une période d'essai sans devoir payer les coûts des services de soutien. Il ne paie que le carburant et les aliments utilisés au cours de la période d'essai.

Nous avons aussi intégré au protocole d'entente d'autres dispositions pour attirer à Goose Bay les participants qui ne s'y entraînent pas actuellement, mais qui souhaitent voir de quoi il retourne. Nous avons fourni une trousse d'information habituelle aux délégués et ambassadeurs en visite. Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons informé des représentants de haut niveau d'au moins six pays, soit la Turquie, la Grèce, l'Espagne, la Suède, la France et les États-Unis.

Notre bureau a tenté d'amener le fournisseur de services à donner également un coup de main pour la mise en marché de la base. Ce serait d'ailleurs dans son intérêt, tout autant que dans le nôtre. La demande de propositions publiée hier après-midi ou ce matin contient des dispositions à l'intention des entreprises intéressées à faire cette mise en marché, et ces dispositions ne figuraient pas dans la demande de propositions précédente. Nous aurons maintenant une entreprise qui fournit ce service à Goose Bay et qui nous aide à mettre l'endroit en marché.

Enfin, nous travaillons de concert avec le programme d'entraînement aérien de l'OTAN dans l'Ouest canadien ainsi qu'avec le personnel de la BFC Goose Bay afin de promouvoir l'entraînement des alliés. Par exemple, un avion transportant le secrétaire général et certains ambassadeurs de l'OTAN a fait hier escale à Goose Bay au cours de son vol vers les États-Unis. Tous les visiteurs ont participé à des séances d'information et ont reçu des trousses préparées par la base et la Ville. Je souhaite d'ailleurs féliciter les autorités municipales. Elles ont participé activement au soutien de la formation alliée à Goose Bay.

C'était là certaines des mesures qui sont en cours pour mettre en marché les installations de Goose Bay. C'était là certains des plans qu'ont les alliés en ce qui concerne leurs futurs intérêts à la base.

Le sénateur Rompkey: Tout d'abord, je désire remercier les membres du comité de leur présence et du soin qu'ils apportent à examiner cette question très sérieuse. Elle est importante non seulement pour le Labrador, mais aussi pour la province que je représente.

Ma question s'adresse au colonel Hunter, parce qu'il s'agit d'un point fondamental. Je pense qu'il serait utile d'établir le rôle stratégique que joue d'abord et avant tout Goose Bay pour les Forces canadiennes. Compte tenu du fait que cette base a joué un rôle très stratégique en 1942 et durant la Guerre froide qui a suivi, quel rôle stratégique joue-t-elle pour les Forces canadiennes aujourd'hui?

Le colonel Alan D. Hunter, directeur, Emploi de la force (air), ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, la base de Goose Bay a pour principal mandat de promouvoir le programme des vols aériens des nations de l'OTAN qui sont signataires du protocole d'entente. Parmi les avantages qu'en retire l'Aviation canadienne, mentionnons la capacité d'offrir à nos alliés de l'OTAN l'occasion de procéder à une formation aérienne, une base opérationnelle déployée pour les CF-18 et une base de stationnement pour les aéronefs des Forces qui volent vers l'Europe et en arrivent.

Cependant, je dois souligner que si les alliés devaient se retirer du protocole d'entente et cesser leurs opérations aériennes à Goose Bay, rien ne justifierait, sur le plan de l'aviation, de maintenir en place cette escadre et de poursuivre la présence des FC à Goose Bay. Tous les avantages militaires qu'on retire actuellement de la 5e Escadre de Goose Bay pourraient être obtenus dans d'autres installations canadiennes d'une façon beaucoup plus rentable.

Le sénateur Rompkey: Ce dernier point, c'est-à-dire l'utilisation de la base de Goose Bay par les Forces canadiennes, mériterait peut-être qu'on l'examine plus tard. Pour résumer la réponse, le rôle stratégique que joue actuellement cette base consiste donc à appuyer l'entraînement des alliés qui y sont présents. Si les alliés devaient quitter, les Forces canadiennes n'auraient plus besoin de cette base, n'est-ce pas?

Le Col. Hunter: C'est exact, sénateur.

Le sénateur Rompkey: Voilà qui remet la question en perspective. C'est pourquoi ces audiences sont si importantes.

J'aimerais poser à M. Young une question au sujet de la situation financière de Goose Bay, c'est-à-dire les fonds que les Forces canadiennes y consacrent parce que le MDN y consacre chaque année une part de son budget. Cependant, les alliés versent aussi de l'argent pour Goose Bay. Pourriez-vous nous donner une idée du gain net, le cas échéant, qu'en retire le gouvernement du Canada?

M. Young: Comme je l'ai mentionné dans mes commentaires, les alliés investissent en moyenne quelque 70 millions de dollars par année pour leur entraînement à cette base. Outre cette somme, il y a les coûts de maintien en état de la base, pour lesquels aucun client n'est facturé; c'est un secteur où une plus grande efficience pourrait peut-être permettre de réduire les coûts. Le MDN doit verser de l'argent pour ces mesures. Nous devons aussi assumer le coût d'un certain entraînement limité des FC à Goose Bay — vraiment limité — ainsi que pour le soutien d'une base opérationnelle déployée à laquelle le colonel Hunter a déjà fait allusion. Ça nous coûte environ 20 millions de dollars.

Ainsi, les alliés versent ensemble 70 millions de dollars, tandis que 20 millions de dollars sont payés par le MDN ou les contribuables canadiens. Par conséquent, le Canada réalise un bénéfice net d'environ 50 millions de dollars.

Par conséquent, lorsque je signe un nouveau protocole d'entente multinational — ou le dernier — qui s'étend sur dix ans, cela représente 500 millions de dollars d'argent étranger qui constitue un profit net pour notre pays. Cette somme vient s'ajouter aux avantages diplomatiques que la situation nous procure. Et s'ajoute aussi aux améliorations que nous apportons à la capacité de défense de nos alliés.

Le sénateur Rompkey: Qu'arrive-t-il de ces profits nets? Où l'argent est-il versé?

M. Young: L'argent que les alliés dépensent à Goose Bay — nous devons le considérer comme de l'argent qu'ils dépensent. Je le répète, nous avons une infrastructure opérationnelle et un sous-comité des finances. Les planificateurs des ministères de la Défense alliée établissent le type d'opération qu'ils veulent effectuer à Goose Bay un an et demi à l'avance, après quoi le coût en est établi par le Sous-comité des finances.

Une fois les budgets approuvés, les alliés versent à l'avance des paiements chaque trimestre au MDN, et ces paiements sont affectés au budget global. Le MDN y ajoute sa part. À cet égard, j'aurais intérêt à laisser la parole à notre directeur et gestionnaire financier, le colonel Bertrand.

Fondamentalement, cette somme de 70 millions de dollars est versée à l'avance chaque trimestre, en fonction des budgets prévus. À la fin de l'exercice, après vérification, nous déterminons si nous leur devons de l'argent ou si c'est eux qui nous en doivent.

Le sénateur Rompkey: Le budget est-il équilibré, ou perdez-vous ou faites-vous de l'argent?

M. Young: Notre pays fait de l'argent. Il fait 500 millions de dollars sur dix ans, à raison de 50 millions de dollars par année.

Le président: Ce sont les avantages économiques, monsieur Young. Ce que le sénateur Rompkey veut savoir, c'est ce qu'il en coûte au gouvernement fédéral — et si ce n'est pas cela qu'il vous demande, alors moi je le fais.

M. Young: Le MDN dépense 20 millions de dollars par année à Goose Bay. C'est tout ce que je peux vous dire. Peut- être que le colonel Bertrand pourra vous apporter des précisions à ce sujet.

Le président: Le MDN dépense chaque année 20 millions de dollars, mais il récupère les coûts auprès des alliés.

M. Young: C'est exact.

Le président: Recouvre-t-il les coûts ou réalise-t-il des profits?

M. Young: Monsieur le président, nous ne réalisons pas de profit; nous ne finançons pas non plus l'entraînement des alliés. Les alliés versent le coût intégral de leur entraînement. Cela dit, il y a toute une différence entre garder la base ouverte et le fait de maintenir une base opérationnelle déployée, pour laquelle le MDN doit manifestement faire quelques investissements.

Le sénateur Rompkey: Le MDN conserve l'argent, cependant, il n'est pas versé dans le Trésor. Est-ce exact?

M. Young: Le colonel Bertrand serait mieux placé que moi pour vous répondre.

Le colonel Robert Bertrand, directeur, Fonction de contrôle et planification d'activités (air), ministère de la Défense nationale: Sénateur, vous avez peut-être entendu le terme «Trésor». En fait, il s'agit d'un registre utilisé pour le suivi des dépenses. Tout fonctionne selon un principe de récupération des coûts. Il n'y a pas de revenu net pour ce compte. Il est subventionné dans une certaine mesure par le ministère, et les alliés versent le reste des dépenses.

Le sénateur Rompkey: Combien d'employés des Forces canadiennes y a-t-il à Goose Bay actuellement? Qu'y font- ils?

M. Young: Il y a environ 94 employés militaires à Goose Bay. Ils y sont parce que nous avons besoin de gens à la base pour exercer un certain nombre de fonctions qui sont de nature gouvernementale et ne peuvent toutes être confiées à un entrepreneur.

Parmi les tâches et fonctions, mentionnons le commandement et le contrôle des Forces canadiennes ainsi que les activités d'assurance de la qualité auprès du fournisseur chargé de fournir les biens et les services. Le personnel y est aussi présent pour effectuer certaines tâches que nos clients alliés ne veulent pas voir être confiées à un entrepreneur, par exemple les opérations de secours à la base. Ils veulent que ce soit la Défense nationale qui les leur offre. La force de secours de la base est l'unité militaire la plus importante à Goose Bay.

Le sénateur Rompkey: Vous dites que vous avez déjà économisé 15 millions de dollars par année. Y a-t-il d'autres économies à réaliser?

Récemment, une entente a été établie avec les Britanniques selon laquelle le recours à des civils leur permettrait d'économiser de l'argent pour une certaine partie de leurs opérations. Le recours à des civils plutôt qu'à des militaires, comme vous l'avez dit dans votre témoignage, permettrait-il de réaliser des économies supplémentaires comme il y en a eu dans le passé?

M. Young: Deux critères régissent notre recours à des entrepreneurs. Tout d'abord, le gouvernement a donné à des représentants officiels canadiens le mandat relatif à certaines tâches. L'exercice de la commande et du contrôle des Forces canadiennes en est clairement une. Nous ne pouvons la confier à un entrepreneur.

Le deuxième critère tient au fait que nos clients qui paient peuvent choisir les services qu'ils souhaitent confier à un entrepreneur. Il nous faut écouter nos clients s'ils nous disent qu'ils ne veulent pas qu'un produit ou un service soit confié à un entrepreneur; nous devons continuer d'être capables de leur offrir s'ils sont prêts à le payer.

Le président: J'ai ici une note, mais je ne peux en attester l'exactitude. On peut y lire qu'il en coûte chaque année 70 millions de dollars pour faire fonctionner l'endroit. Le MDN verse 20 millions de dollars, et les alliés fournissent le reste. Est-ce à peu près exact?

M. Young: C'est à peu près exact. Les alliés dépensent une somme qui s'approche davantage de 70 millions de dollars pour l'exploitation de la base. Le MDN dépense 20 millions de dollars de plus. En fait, les alliés et le MDN dépensent ensemble 90 millions de dollars.

Le président: Combien en coûte-t-il pour faire fonctionner l'endroit?

M. Young: Quatre-vingt-dix millions de dollars.

Le sénateur Kinsella: Il y a trois questions que j'aimerais examiner. Tout d'abord, quelle est la valeur approximative actuelle aux livres des actifs de l'ensemble de la base, depuis le terrain jusqu'aux pistes d'atterrissage, en passant par les hangars?

M. Richardson: Je n'ai pas cette information avec moi. Je pourrais vous l'obtenir, mais je ne l'ai pas ici.

Le sénateur Kinsella: Pourriez-vous me donner simplement un aperçu?

M. Richardson: On me dit que la valeur totale des actifs est d'environ un milliard de dollars.

Le sénateur Kinsella: Ensuite, je vois que le contrat de Serco est d'une valeur de 150 millions de dollars. S'agissait-il d'un contrat de cinq ans?

M. Richardson: Oui.

Le sénateur Kinsella: C'est donc environ 30 millions de dollars par année?

M. Richardson: C'est exact.

Le sénateur Kinsella: Le nouveau contrat durera 11 ans, ce qui représenterait 330 millions de dollars sur 11 ans, si le montant est exprimé en dollars constants par rapport au contrat précédent. Le contrat porte sur onze exercices différents. Est-ce bien l'envergure de ce contrat?

M. Richardson: Oui, nous envisageons un contrat de 11 ans. Nous envisageons un contrat de plus longue durée pour plusieurs raisons. Nous avons apporté certaines améliorations au contrat actuel pour le rendre plus précis. Nous y avons également ajouté certains éléments qui devraient améliorer quelque peu l'efficience. Nous allons céder le parc automobile commercial à l'entrepreneur, et c'est lui qui devra remplacer ou amortir ses véhicules sur une période plus longue. Un autre facteur joue lorsqu'on a un contrat de plus longue durée: nous aurons une certaine stabilité après la fin du prochain protocole d'entente, qui sera mis en place en 2006, ce qui nous rapprochera des dispositions du protocole d'entente.

Nous ajoutons quelques caractéristiques au contrat. Par exemple, une disposition sur la gestion de l'énergie qui, nous l'espérons, permettra de réduire les coûts de l'énergie et des services publics à la base. Nous intégrons également au contrat certains articles qui n'y figuraient pas auparavant. Nous nous attendons à ce que la valeur du contrat dépasse 30 millions de dollars par année durant 11 ans; mais si l'on compare des pommes avec des pommes, le montant sera le même, mais il y aura davantage de travail de prévu.

Le sénateur Kinsella: Comme nous le savons tous, l'OTAN n'est pas un organisme dont la taille se réduit; c'est même plutôt le contraire. Il y a six ans, le nombre de membres de l'OTAN était bien inférieur à ce qu'il est aujourd'hui. Certains des nouveaux membres sont des pays qui comptent une importante force aérienne, sur le plan tant de la taille que des actifs. Si l'on prend cela en considération, et qu'on tient également compte de la situation après les événements du 11 septembre, que faites-vous de la demande relative à l'expansion ou des occasions de mise en marché, à la lumière de ces deux considérations importantes?

Vous avez mentionné, monsieur Young, la France, qui possède l'une des plus importantes armées de l'air de l'Europe continentale. Cependant, il y a ces grands pays qui sont maintenant membres de l'OTAN et qui ont d'importantes forces aériennes. L'Espagne, un membre de plus longue date, a elle aussi une importante armée de l'air.

Je suis un profane, et je ne comprends pas pourquoi seulement trois ou quatre partenaires de l'OTAN sont présents à Goose Bay à l'heure actuelle. À moins qu'une révolution totale de l'équipement utilisé par les armées de l'air du monde entier ne soit prévue, les grandes armées de l'air et les fabricants d'aéronefs ont toujours besoin d'une base de ce type dans leur planification. La formation contre le terrorisme est devenue une nouvelle demande. Y voyez-vous des débouchés?

M. Young: Tout d'abord, j'aimerais vous remercier, sénateur. Vous avez soulevé un ou deux points absolument essentiels. Oui, l'OTAN connaît une croissance phénoménale depuis quelques années. Malheureusement, l'augmentation du nombre de nations de l'OTAN ne signifie pas nécessairement que nous avons de nouveaux clients potentiels, parce que tout client potentiel doit en général répondre à trois critères.

D'abord, il doit être capable de payer. Nombre des nouvelles nations de l'OTAN auxquelles vous venez juste de faire allusion ne sont pas nécessairement capables de payer un programme de formation militaire à l'étranger pour leurs forces aériennes. Des pays comme la Pologne et la Hongrie, que nous avons eu le plaisir de voir se joindre à l'OTAN, ont des économies émergentes. L'entraînement hors du pays coûte cher.

Deuxièmement, ils doivent être capables de jouer. Je veux dire qu'ils doivent être capables de faire un entraînement qui respecte leur propre doctrine opérationnelle. Si cette doctrine ne comprend pas de type d'entraînement qui est fait ou qui pourrait être fait à Goose Bay, ils ne seront pas intéressés à y venir. Si nous pouvons trouver des façons de respecter leurs exigences sans déroger aux critères environnementaux ou autres, nous le ferons, et nous l'avons bien précisé aux délégués de certains de ces nouveaux pays de l'OTAN.

Troisièmement, ça doit être permis. Nous ne limitons pas l'utilisation de la base de Goose Bay au moyen d'une directive gouvernementale ou d'une politique ministérielle aux seuls pays de l'OTAN, que je sache. Ce pourrait également être des pays qui ne font pas partie de l'OTAN, à condition qu'il s'agisse d'alliés ou de nations amies, et il en existe plusieurs de ce genre. Là encore, nous n'avons pas été capables d'attirer certains de ces pays à Goose Bay.

Ce sont là certaines des raisons qui expliquent pourquoi, malgré l'expansion de l'OTAN, nous n'avons pu en tirer des avantages aussi grands qu'on aurait pu le croire.

Vous avez aussi parlé du 11 septembre et de son impact sur l'entraînement à Goose Bay. Je présume qu'il en a eu un. Je ne pense pas que les gouvernements — et je parle à titre personnel — ont eu l'occasion d'augmenter les budgets de la défense pour augmenter leur entraînement sur leur territoire ou à l'étranger. Mais ils vont tôt ou tard le faire, et cela contribuera à faire en sorte que les forces alliées auront plus d'occasions de s'entraîner. Je sais que la situation financière dans laquelle se trouvent tous les alliés est difficile.

Enfin, je reviens à mon argument principal. Même s'il est important pour nous d'attirer de nouveaux clients, je pense que la meilleure manière de donner de l'expansion à Goose Bay est de maximiser le potentiel de nos clients actuels et de les amener à y recourir davantage en s'adaptant aux nouvelles technologies et à de nouveaux types de guerre, que ce soit en Afghanistan ou au Kosovo. Il y a de nouvelles menaces qui n'ont pas été envisagées durant la Guerre froide, comme vous le savez probablement, monsieur. Cela exige de nouvelles techniques d'entraînement. La Royal Air Force souhaite utiliser des bombes d'exercice guidées au laser à haute ou à moyenne altitude. Dans le passé à Goose Bay, les alliés s'entraînaient à faible altitude. Maintenant, ils pensent s'entraîner à altitude moyenne et lâcher des bombes guidées au laser à une certaine distance.

Je pense que nous devrions probablement mettre l'accent là-dessus, sans pour autant perdre de vue nos clients potentiels. Cependant, ils ne sont pas aussi nombreux que pourrait nous le faire croire la récente expansion de l'OTAN.

Le sénateur Banks: Je n'arrive pas à faire correspondre les chiffres que vous nous avez donnés jusqu'ici. J'aurais besoin de votre aide. J'ai ici un document de la bibliothèque du Parlement selon lequel la valeur du contrat de Serco est actuellement de 27 millions de dollars par année. Le sénateur Kinsella a parlé de 30 millions de dollars. Quel chiffre est exact?

M. Richardson: La valeur du contrat sans TVH est de 147 millions de dollars, donc environ 150 millions de dollars. Lorsqu'on divise ce chiffre par cinq ans, on obtient 30 millions de dollars par année. Cela comprend toutes les modifications — il y en a eu dix jusqu'ici, y compris celle qui a été récemment apportée cette année. Les chiffres que vous voyez sont tout à fait à jour.

Le sénateur Banks: Ainsi, si le chiffre a déjà été de 27 millions de dollars, il est maintenant plus proche de 30 millions de dollars.

M. Richardson: C'est exact.

Le sénateur Banks: En ce qui concerne le coût total d'exploitation et le recouvrement, ainsi que ce que versent les alliés, — le gouvernement du Canada récupère-t-il une part de ces 30 millions de dollars?

M. Richardson: Une part des 30 millions de dollars est récupérée auprès des alliés selon une formule de partage des coûts. Environ 21 des 30 millions de dollars sont des frais partagés — ce sont des services que l'entrepreneur fournit et dont profitent les alliés.

Le sénateur Banks: Cette portion aurait une valeur proche de 9 millions de dollars, si je comprends bien, parce que vous avez dit que nos coûts nets étaient de 20 millions de dollars.

M. Richardson: Si l'on parle des coûts annuels, si le contrat est de 30 millions de dollars, nous recouvrons quelque 20 millions de dollars de cette somme des alliés chaque année, sous forme de frais partagés.

Le sénateur Banks: Notre coût net est donc de 10 millions de dollars?

M. Richardson: Certaines sommes additionnelles de ce contrat sont des coûts qui sont imposés directement à chaque allié selon la place qu'il occupe et la quantité de vols qu'il fait. Une petite part de ce contrat vise à soutenir la présence des Forces canadiennes, la force aérienne, à Goose Bay même.

Le sénateur Banks: Pourriez-vous me dire quel coût net le gouvernement du Canada doit assumer pour exploiter actuellement Goose Bay?

M. Richardson: Vingt millions de dollars par année, c'est-à-dire les chiffres dont je vous ai parlé. Il en coûte au ministère de la Défense nationale environ 90 millions de dollars par année pour exploiter Goose Bay. Une part de ces coûts est formée par les 30 millions de dollars du contrat.

Le sénateur Banks: Nous recouvrons donc 70 millions de dollars?

M. Richardson: Oui, sénateur.

Le sénateur Banks: Monsieur Young, vous dites que vous n'avez pas été capable d'en déterminer la nature, mais vous avez eu quelques discussions avec les alliés à propos de ce que pourraient être les utilisations futures qui ne sont pas encore permises ni envisagées dans le contrat. Vous avez mentionné que l'une d'entre elles pouvaient être des bombardements à moyenne ou à haute altitude, par exemple, qui, je présume, sont maintenant interdits par contrat. Est-ce que je me trompe?

M. Young: Ils ne sont pas interdits; nous tentons simplement de veiller à ce que tout soit correct sur le plan de l'environnement.

Le sénateur Banks: Quelle est l'importance de ces activités? De façon générale, je présume que les vols à faible altitude n'ont plus l'importance qu'ils avaient dans le combat aérien. Puisque c'est comme ça, est-ce que c'est un point dont tiennent compte les alliés lorsqu'ils se demandent s'ils doivent continuer à utiliser la base de Goose Bay?

M. Young: Vous avez tout à fait raison, sénateur. Je vais cependant réserver mon commentaire pour laisser le colonel Hunter, en véritable connaisseur des opérations, y répondre à ma place. Je ne suis pas qualifié pour le faire. Si vous me demandez, à titre personnel, de vous dire à quoi pensent les alliés sur le plan de l'entraînement, et à titre de personne qui doit préparer les négociations avec les alliés pour savoir ce qu'ils veulent faire à Goose Bay, je vous répondrais que les choses qu'ils envisagent de faire, non pas l'année prochaine ni peut-être même l'année suivante, mais certainement au moment où le nouveau protocole d'entente s'appliquera, consistera en programmes des types suivants, qu'ils ne font pas actuellement à Goose Bay. Outre l'utilisation de bombes d'exercice guidées au laser, qui sont lâchées à moyenne altitude, c'est-à-dire 15 000 pieds, plutôt qu'à faible altitude, ils ont parlé de faire un entraînement supersonique à altitude moyenne. Ils ne font pas cela actuellement à Goose Bay.

Le sénateur Banks: Cela veut dire des bangs supersoniques?

M. Young: Pas nécessairement. Nous avons procédé à des études environnementales. Il y a quelques années, nous avons financé le transport d'intervenants innus vers l'Ouest canadien, lorsque nous avons effectué des essais avec un aéronef supersonique néerlandais. À leur plaisir et à leur grand étonnement, ils ont constaté que, dans certains cas, selon l'altitude de l'avion et la topographie de la région, le bruit qu'ils entendent peut être semblable à un gros coup de tonnerre, et il arrive même qu'ils n'entendent rien du tout.

On pense actuellement offrir un entraînement sur hélicoptère Apache à Goose Bay. Cela suppose des considérations environnementales d'un autre type, auxquels il faudra répondre. On envisage également de faire davantage de vols de nuit, à l'aide de lunettes de vision nocturne. Il y a eu certaines discussions au sujet de l'utilisation de la base de Goose Bay pour faire davantage de formation par l'aventure. On en a toujours parlé, mais cela n'a jamais été fait. Il y aurait des gens au sol qui offriraient une formation en survie et diverses activités terrestres. Il y a également eu certaines discussions concernant un entraînement en haute mer dont le point d'arrivée serait Goose Bay.

Ce sont là les types d'entraînement qui se font. Cependant, les alliés ont négligé de mettre des chiffres sur leurs plans à notre intention, malgré nos demandes répétées, afin que nous puissions soumettre ces programmes aux évaluations environnementales nécessaires et pour que nous puissions établir des exigences en infrastructure qu'il faudrait mettre en place pour concrétiser ces programmes.

Les alliés travaillent avec nous, et la bonne nouvelle, c'est qu'il y a deux mois, au commandement des opérations offensives à High Wickham, où j'ai eu une rencontre avec les ministres de la Défense alliés, un haut gradé de la Royal Air Force a proposé, comme je l'ai mentionné dans mes commentaires, que l'on adopte une approche descendante pour faire de Goose Bay une installation deux étoiles. Les besoins en entraînement à long terme de Goose Bay ont été établis, tels que les alliés les ont envisagés. Une fois que ces besoins ont été établis par les plus hautes instances, le personnel subalterne et les ministres de la Défense respectifs entreprendraient, de concert avec nous, d'appliquer des mesures pour veiller à ce que nous soyons prêts — plutôt que de nous obliger à faire ce que nous faisions auparavant, c'est-à-dire aller aux renseignements.

Le sénateur Bolduc: Serco a été fondé en 1995; n'est-ce pas?

M. Richardson: Serco est une entreprise multinationale; elle est présente dans de nombreux pays. Je crois qu'elle existe depuis bien plus longtemps que 1995. L'entreprise a une succursale canadienne qui répond aux besoins d'autres entreprises que la défense nationale, mais il s'agit bel et bien d'une entreprise multinationale. Elle fait des milliards en chiffres d'affaires partout dans le monde en mettant l'accent sur des contrats de services à valeur ajoutée et la gestion des installations.

Le sénateur Bolduc: Le contrat qu'elle a conclu en 1997 était-il son premier au Canada?

M. Richardson: Elle agissait à titre de sous-traitant pour Bombardier et pour le contrat d'entraînement en vol du Portage, qui a été établi en 1990. Je pense qu'elle fait toujours de la sous-traitance. Elle s'occupe de contrôle aérien et d'autres services. Elle fait aussi de la sous-traitance pour Bombardier pour les contrats de vol de l'OTAN à Moose Jaw et à Cold Lake.

Le sénateur Bolduc: Au cours des cinq dernières années, en avez-vous évalué le rendement?

M. Richardson: Oui. Le contrat — c'était alors une nouvelle caractéristique du contrat de Goose Bay — comprenait une disposition sous forme de prime de rendement. Une partie de l'argent est mis de côté; chaque mois, l'équipe de l'assurance de la qualité, celle qui fait le contrôle des contrats à Goose Bay, examine le rendement de l'entrepreneur dans 23 secteurs de travail. L'équipe examine la gestion, la qualité, la souplesse et le rendement, puis procède à une évaluation. Trois fois par année, elle fait un résumé du rendement en question, lequel est examiné par un comité de cadres, formé notamment d'employés des Travaux publics et de la Défense nationale. Au cours des quatre années du contrat, le rendement de Serco a été supérieur, d'après une évaluation périodique et rigoureuse. Le rendement a été bon.

Le sénateur Bolduc: Vous êtes satisfait, et les alliés le sont aussi, je présume?

M. Richardson: Je pense que les alliés sont satisfaits de la qualité du travail. Ils sont aussi heureux que les coûts aient diminué.

Le sénateur Bolduc: S'attendent-ils à une diminution supplémentaire des coûts?

M. Richardson: Peut-être que M. Young pourrait vous en parler. Certes, les alliés, tout comme les Canadiens, cherchent à faire le plus d'économies possible. La main-d'œuvre est une importante composante du contrat. Elle est difficile à comprimer. À vrai dire, nous ne voulons pas en réduire le coût, parce qu'il s'agit d'un élément capital de la stabilité de la main-d'œuvre.

Nous allons tenter d'obtenir certains gains d'efficience auprès des alliés. À coup sûr, ils aimeraient que les coûts diminuent. Nous nous efforçons de les garder le plus bas possible.

Le sénateur Bolduc: Les Néerlandais pensent-ils quitter en raison des coûts ou en raison d'une restructuration administrative qui leur permettrait d'entraîner tout le personnel à un même endroit en Californie?

M. Young: Voilà une bonne question, sénateur. Je dois vous avouer que je n'ai pas la permission de m'attarder aux raisons précises pour lesquelles les Néerlandais souhaitent s'en aller. Ils m'ont donné ces raisons. Je ne vous mettrais pas sur une fausse piste si je vous donnais les renseignements suivants.

Les Néerlandais s'en vont parce que, comme vous l'avez bien mentionné, ils pourront économiser une somme applicable en réunissant leurs activités d'entraînement en un seul endroit en Amérique du Nord, plutôt que trois, dont Goose Bay, comme ils le font actuellement. Ensuite, vous pourriez naturellement me poser la question suivante: pourquoi ne consolident-ils pas leurs activités à Goose Bay? Il y a quelques facteurs en cause. De façon générale, ils veulent faire davantage d'entraînement d'hiver dans un climat pas trop froid plutôt que de s'entraîner principalement à Goose Bay, ce qu'ils font pour la plupart sur une période de six à huit mois. Ils veulent faire un entraînement au cours d'un hiver pas trop froid. Ils veulent également faire certains types d'entraînement qu'ils ne peuvent actuellement faire à Goose Bay. Comme je l'ai mentionné, les alliés volent à basse altitude; les Néerlandais pensent faire d'autres types d'entraînement, comme nous l'avons précisé. À l'heure actuelle, leur entraînement se fait pour la plus grande part à basse altitude. Les Néerlandais ont toujours fait plus d'entraînement à haute altitude et à moyenne altitude.

Ce sont là les deux principales raisons. Nous n'avons aucun contrôle sur le climat ou sur le type de formation que font les alliés, et c'est généralement la raison pour laquelle ils s'en vont.

Le sénateur Bolduc: Si les Hollandais pensent comme ça, n'est-il pas possible que les Allemands ou les Italiens en viennent à penser la même chose?

M. Young: Les Allemands, les Britanniques et les Italiens pensent faire davantage d'entraînement à moyenne altitude et d'autres types d'entraînement. C'est pourquoi j'ai demandé aux Néerlandais, si leur étude les amène à décider de quitter Goose Bay — et c'est un «si» tellement important — de faire au moins deux choses. Tout d'abord, je leur ai demandé de retarder le moment de leur départ; ensuite, je leur ai demandé de le faire graduellement. En retour, nous ferons en sorte de leur garder une place dans le protocole d'entente de façon que, si l'entraînement des alliés change et s'apparente davantage à ce que les Néerlandais veulent faire, ils puissent avoir le choix de reprendre pleinement leurs activités à Goose Bay.

Le sénateur Bolduc: Pour le type d'entraînement que vous offrez et que vous organisez, avez-vous des concurrents? Si c'est le cas, où? Par exemple, pourquoi les Français n'y sont-ils pas?

M. Young: Les Français s'entraînent en Afrique du Nord, ainsi que dans l'une de leurs îles méditerranéennes. Les Allemands s'entraînent aux États-Unis, et aussi en mer du Nord, comme les Hollandais. Les Hollandais, je le répète, ont trois installations d'entraînement.

Le Royaume-Uni est intéressant. Il procède encore à quelque 90 000 sorties d'entraînement, la plupart à faible altitude au-dessus du Royaume-Uni, principalement au-dessus de l'Écosse et du pays de Galles. D'une certaine façon, notre propre client est un concurrent. Nous le concurrençons dans ses propres installations d'entraînement sur son propre territoire. Les installations d'entraînement sont situées sur divers continents un peu partout.

Le sénateur Forrestall: J'ai une série de questions à vous poser qui, j'imagine, viennent compléter celles qui vous ont été posées. Je vais procéder à rebours.

En ce qui concerne Goose Bay, tentons-nous de faire valoir l'avantage de l'air propre? Je veux dire qu'il n'est pas encombré de transmissions électroniques, de données à haute vitesse, et ainsi de suite, parce qu'il s'agit de l'un des sites qui est demeuré les plus vierges au monde.

M. Young: Dans le document d'information que j'ai remis au greffier, c'est-à-dire une présentation PowerPoint, un texte et un CD, on énumère divers avantages spécifiques à Goose Bay. Un air propre qui n'est pas encombré par le trafic est l'un de ceux-là. Votre question, sénateur, suppose à juste titre qu'il y a passablement de trafic aérien dans la plupart des autres parties du monde civilisé, comme c'est le cas en Europe. Nous pouvons permettre à nos clients alliés de venir à Goose Bay, où le trafic aérien civil est extrêmement faible. Nous leur fournissons 100 000 kilomètres carrés d'espace aérien, dont 100 000 peuvent être utilisés n'importe quand, en tout temps. Il s'agit d'un espace aérien impressionnant. On pourrait y mettre des pays de la taille des Pays-Bas et de la Belgique, et il y aurait encore de l'espace pour y placer la ville dans laquelle nous sommes et quelques autres encore. Un espace aérien propre — et libre de congestion, voilà également un facteur important.

Il y a également d'autres facteurs relatifs à l'air. Les gens ne réalisent pas — quoique le sénateur Rompkey, et d'autres personnes ici présentes du Labrador l'aient fait — que Goose Bay n'est pas situé sur la côte du Labrador. En fait, il n'est pas sur la côte. Il est situé à une certaine distance de la côte.

C'est donc dire qu'il est libre de brouillard. Nous avons une visibilité claire 95 p. 100 du temps. Ça peut être frais parfois durant l'année, mais pour un pilote, il n'y a pas de brouillard.

Le sénateur Forrestall: Et il n'y a pas de brouillard pour le vol de nuit. Voilà un argument convaincant. Tout profane que je suis, je pourrais même m'aventurer à dire qu'il s'agit d'un bon argument à faire valoir aux Néerlandais et à d'autres. En raison des transmissions de données à haute vitesse de la Californie vers l'Europe, les Américains ont eux- mêmes dû abandonner une grande part de l'activité qu'ils faisaient il y a 20 ans dans le désert. Pourquoi y rester pour faire ce travail lorsqu'ils utilisent déjà les installations de Cold Lake depuis quelques années? Faisons-nous valoir ces arguments pour tenter de persuader les Néerlandais? Est-ce un facteur dont ils peuvent tenir compte?

M. Young: À quel égard ce facteur peut-il être important pour les Néerlandais?

Le sénateur Forrestall: Avez-vous parlé aux Néerlandais de ce problème de transmission? Ils parlent de pollution, qui, à certains égards, complique la vie aux Américains. Cela ne nous la complique pas tellement, quoique cela pourrait arriver un jour ou l'autre. Tentons-nous de les convaincre de rester ici, de garder leur place à Goose Bay, pour pouvoir y avoir toujours accès?

M. Young: À vrai dire, sénateur, sans dénigrer nos concurrents, nous faisons valoir nos avantages. C'est là un avantage dont nous avons parlé et que nous avons rappelé à nos amis Néerlandais, ainsi qu'à d'autres alliés.

Le sénateur Forrestall: Tout comme les forces permanentes de l'Atlantique, Goose Bay demeure une des deux principales voies d'entrée que nous avons conservées pour l'OTAN. Je ne sais pas qui devrait répondre à cette question, mais elle me préoccupe quelque peu. Qu'arriverait-il si nous devions fermer cette porte? On pourrait présumer que les Forces canadiennes pourraient envisager cette solution. Elles garderaient sur place un personnel d'entretien, mais si nous devions perdre nos clients au cours d'une période de dix à 15 ans, nous ne pourrions continuer. Quel effet cela aurait-il sur nos relations avec nos alliés de l'OTAN?

M. Young: Je vais vous dire ce que j'en pense personnellement. Il y a eu beaucoup d'éditoriaux et de commentaires sur la tribune publique concernant le fait que le Canada n'assume pas le rôle qui lui revient à l'OTAN, financièrement et peut-être d'autres façons. Notre pays a toujours fait une chose pour ses alliés: fournir de l'espace aérien, que ce soit pour le programme d'entraînement des pilotes au cours de la Seconde Guerre mondiale, ou aujourd'hui. Nous avons de l'espace. Nous pouvons l'offrir. Nous nous efforçons de veiller à ce que nos alliés puissent s'entraîner dans un cadre qu'ils ne peuvent avoir chez eux. Cela nous garantit une sécurité à titre de membre d'une alliance. Nous perdrions cet avantage si nous refusions de procurer un programme d'entraînement à un client qui veut venir le faire ici.

Et je ne parle pas des énormes inconvénients économiques que nous devrions affronter si les alliés devaient quitter. Nous pouvons dire que quelque 90 millions de dollars sont dépensés à Goose Bay. Je suis sûr que les gens ici présents peuvent comprendre que, dans les trois études économiques que j'ai commandées, chacune montrait que les retombées pour l'économie et la région sont bien supérieures à 70 ou à 90 millions de dollars. C'est de l'ordre de plus de 120 millions de dollars par année. Je pourrais souligner que les recettes des biens et services utilisés et payés à Goose Bay ne restent pas là. Elles se retrouvent à Baie-Comeau et dans d'autres collectivités du Québec. En fait, nous aurions tout à perdre nous-mêmes. Plus important encore, nous perdrions le rôle que nous avons à l'OTAN, celui de fournisseur d'excellentes installations qui permettent à nos alliés d'améliorer leur capacité.

Le sénateur Forrestall: Je peux donc présumer que leur départ aurait des conséquences néfastes? Compte tenu de la situation actuelle, il serait malheureux qu'ils quittent aujourd'hui.

Je souhaite parfois que le syndicat puisse être présent à la table avec vous pour que je puisse lui demander de commenter aussi la question. Cette question revêt une importance si grande et une telle urgence pour Happy Valley — Goose Bay, et je pense qu'il en revêt une tout aussi grande pour vous, messieurs. Quelles relations entretenez- vous avec le syndicat? Diriez-vous qu'elles sont «bonnes»?

M. Young: Le syndicat, comme vous vous en doutez probablement, appartient à Serco. Ce n'est pas un syndicat de notre ministère. Nous ne sommes plus l'employeur, comme vous le savez.

Pour répondre à votre question, à l'heure actuelle, nos relations avec le syndicat et les alliés sont excellentes, selon moi.

Plusieurs indices m'amènent à cette conclusion. Et j'ai le plaisir de travailler avec des gens de la ville, de la province et de la base.

Lorsque la grève s'est produite il y a plusieurs années, les relations étaient au plus mauvais. Du point de vue des alliés, je me tenais dans une pièce avec plusieurs majors généraux d'armées étrangères, dont les forces aériennes s'entraînaient à Goose Bay. Ils déploraient deux choses: l'inquiétude ressentie par les détachements permanents en raison de cette grève, et les effets néfastes que celle-ci avait sur les opérations, puisqu'elle interrompait leur programme d'entraînement. Ils ne cessaient de me parler des coûts. S'ils sont trop élevés, nous ne serons pas capables de les payer, mais nous tenterons de le faire. Cependant, si nous n'avons pas de bonnes relations avec les syndicats et que la main- d'œuvre n'est pas stable, nous pourrions devoir envisager d'autres options.

Pour être honnête, honorables sénateurs, les mots employés alors dans cette pièce étaient beaucoup plus crus que cela. La stabilité des relations est importante. Je puis vous dire que, à l'heure actuelle, les relations sont non seulement stables, mais très bonnes. Devant l'hôtel de ville de Happy Valley — Goose Bay, on retrouve les drapeaux de chacune des nations présentes à Goose Bay, tout comme sur ma carte d'affaires. Ces drapeaux y ont été installés avec l'argent, les ressources et les efforts des gens de la Ville, du syndicat et de la Défense nationale pour montrer aux alliés à quel point nous les apprécions. Nous avons lancé une Semaine de l'appréciation des alliés à laquelle participe le syndicat. Les relations sont excellentes à l'heure actuelle. Nous devons faire en sorte que ça dure.

Le sénateur Forrestall: Quelqu'un s'est-il informé à propos des essais de missiles de croisière?

M. Young: Non.

Le sénateur Forrestall: Avons-nous nous-mêmes soulevé la question auprès de nos alliés de l'OTAN?

M. Young: Non.

Le sénateur Forrestall: Pourquoi?

M. Young: Il y a déjà toute une série de mesures que les alliés nous ont dit vouloir, auxquelles ils ont pensé, qu'ils ont examinées ou sur lesquelles ils se concentrent. C'est ce à quoi nous tentons de nous attacher et c'est ce que nous essayons de quantifier. Les missiles de croisière ne sont de toute façon pas utilisés par de nombreuses nations. Nous nous concentrons sur ce qu'ils nous disent être leurs besoins à long terme. Les missiles de croisière n'en font pas partie.

Le sénateur Forrestall: Quelles sont les perspectives d'entraînement sur hélicoptère Apache à Goose Bay?

M. Young: Deux problèmes se posent: les alliés auront-ils les ressources pour procéder à cet entraînement? Plusieurs d'entre eux ont d'importants stocks d'hélicoptères et une doctrine opérationnelle qui exige un entraînement assidu. On pourrait s'attendre à ce que cet entraînement ait lieu. Le principal problème pourrait être le coût de cet entraînement ou l'incapacité des alliés de le payer et de l'appuyer outre-mer; cela pourrait exiger des hangars supplémentaires.

Le deuxième problème tient davantage à l'environnement. Les études environnementales auxquelles j'ai participé révèlent que le caribou réagit d'une façon lorsqu'un avion à réaction le survole et d'une autre façon, totalement différente, lorsqu'un hélicoptère se dirige vers lui. Comme vous le savez probablement, les hélicoptères peuvent avoir des effets plus dommageables que les avions à réaction. Il nous faut donc examiner la question environnementale. C'est faisable si on met en place des mesures d'atténuation convenables, comme ce serait évidemment le cas.

Le sénateur Stratton: Les Allemands se sont retirés de la base de Shilo, au Manitoba. Ils y faisaient un entraînement de chars, et d'artillerie. Leurs installations étaient plutôt impressionnantes. Je pense qu'ils y avaient conclu des contrats de cinq ans.

Quelle est la durée des contrats ici? Avez-vous un contrat? Est-il annuel?

M. Young: Parlez-vous, sénateur, du contrat avec le fournisseur de services ou du contrat avec les alliés, qui prend la forme d'un protocole d'entente?

Le sénateur Stratton: Je parle des alliés.

M. Young: J'ai participé à la rédaction du protocole d'entente, ou du contrat, comme vous l'appelez, avec nos amis de l'armée allemande il y a deux ans à Shilo.

Les protocoles d'entente auxquels je participe pour l'entraînement des alliés au Canada, auparavant dans l'Ouest canadien et maintenant à Goose Bay, durent normalement dix ans. C'est la norme. Il y a cependant une disposition qui permet les prolongations.

Il y a un exemplaire d'un protocole d'entente de ce type sur notre site Web. Il s'agit d'un document que je passe périodiquement en revue avec les ministères de la Défense alliés. Il établit leurs exigences, les infrastructures qui permettront d'y répondre et le coût. Il décrit aussi quelques critères environnementaux. Nous passons en revue ce document. Il s'agit d'un document évolutif et dynamique. Nous travaillons avec nos alliés pour le tenir à jour. Pour répondre à votre question, cependant, sa durée est normalement de dix ans.

Le sénateur Stratton: Quand devez-vous rendre une décision en ce qui concerne les Néerlandais?

M. Young: Cet été, c'est-à-dire deux ans et demi avant l'expiration du protocole actuel.

Le sénateur Stratton: Une situation comme celle-là est toujours inquiétante. Les États-Unis courtisent les Néerlandais pour qu'ils viennent faire tous leurs entraînements aux États-Unis. Se bat-on à armes égales? Les États- Unis vont-ils, comme à l'habitude, multiplier les incitatifs pour attirer les Néerlandais? Il faut toujours se poser la question.

M. Young: Sénateur, je ne connais pas la réponse à cette question. J'ai l'impression d'être un entraîneur de football qui regarde l'équipe adverse et tente de deviner son plan de match, mais qui réalise en même temps qu'il doit s'assurer que son équipe est bien rodée et qu'elle peut jouer du mieux qu'elle peut. Nous tentons de maximiser nos avantages et de suivre cette voie.

Le sénateur Stratton: Rien ne vous porte à croire que les États-Unis ne multiplient pas les mesures incitatives auprès des Néerlandais ou d'autres?

M. Young: Non.

Le sénateur Stratton: C'est important de le savoir.

Si les Néerlandais quittent la base, qu'en est-il des autres? Il semble inévitable que, si les Néerlandais s'en vont, cela pourrait provoquer un effet domino et que d'autres pays pourraient s'en aller aussi. Je suis sûr que vous en êtes conscient.

Vous regardez vers l'avenir et tentez de mettre la base en marché du mieux possible. Pourtant, ce n'est pas difficile à comprendre. Vous avez du mal à attirer d'autres pays. Depuis la fin de la guerre froide, c'est le Moyen-Orient qui représente l'ennemi. Le climat ne nous aide pas de ce côté-là.

J'ai bien peur que la base ne doive fermer. Nos entraînements auraient-ils alors lieu à Cold Lake?

M. Young: Je vais laisser le colonel Hunter répondre à cette question. Cependant, je vais vous répondre au sujet de l'effet domino dont vous avez parlé. J'ai abordé la question avec des représentants des ministères de la Défense alliés il y a deux mois au Royaume-Uni et au cours de plusieurs conférences téléphoniques qui ont eu lieu avant et après. Le départ des Néerlandais pourrait avoir des conséquences opérationnelles et financières, si tant est qu'ils s'en aillent. Sur le plan des opérations, le type d'entraînement que font les Néerlandais, et auquel ils renonceraient manifestement s'ils ne venaient plus ici, n'aurait pas de conséquences néfastes sur les opérations de nos alliés. Sur le plan financier, il y aurait une conséquence. Tous les coûts versés par les alliés prennent deux formes, soit les coûts directs pour soutenir leur propre entraînement, c'est-à-dire la nourriture des équipages, et les coûts partagés avec tous les autres. Si les Néerlandais s'en allaient, l'argent qu'ils dépensent dans la collectivité serait perdu, mais les alliés n'auraient pas à assumer la facture.

La part des Néerlandais pour les frais partagés d'entretien des pistes d'atterrissage que tout le monde utilise serait désormais assumée par le MDN et les autres. Nous avons fait une estimation brute de ce que cela représente. Je tiens à bien préciser qu'il s'agit d'une estimation brute. Sur le plan monétaire, cela représenterait près de cinq millions de dollars par année, c'est-à-dire le montant que les Néerlandais dépensent chaque année à Goose Bay en frais partagés. Ces frais devraient être assumés par les alliés et le MDN. C'est évident. Les trois autres alliés ont dit que ce ne devrait pas être fatal si nous pouvons continuer de fonctionner de façon efficiente et d'accroître notre efficacité.

Le colonel Hunter: L'entraînement de combat continuerait de se faire à Cold Lake, en Alberta, et à Bagotville, au Québec.

Le sénateur Stratton: Pourquoi les alliés resteraient-ils? Je suis sûr que vous avez aussi examiné cette question, mais si ces pays demeurent sur place, pourquoi le feraient-ils plutôt que d'aller ailleurs? On pourrait penser que, si les Néerlandais s'en vont, les autres alliés vont commencer à y penser. Pourquoi resteraient-ils? Quels grands avantages leur faites-vous valoir?

M. Young: Il y a trois types d'avantages. Dans chaque catégorie, il y en a dix ou 20. Ils sont mentionnés dans les documents que j'ai laissés au greffier. Ils sont de nature géographique, financière — avec ou sans les Néerlandais —, stratégique et administratifs.

Sur le plan des avantages géographiques, il y a 130 000 kilomètres carrés d'espace aérien qu'on peut survoler, dont 100 000 sont garantis en tout temps. Nous avons des secteurs où des cibles ont été placées pour les exercices. Nous avons des pistes d'atterrissage, des installations et des infrastructures incroyables, par exemple une piste de 11 000 pieds de longueur, si longue que la NASA l'a réservée pour faire atterrir une navette en cas d'urgence. Notre terrain d'aviation a des capacités qu'on ne peut trouver nulle part ailleurs. Je ne vais pas vous ennuyer avec les détails, mais les avantages géographiques sont multiples.

Le terrain est situé près de l'Europe et de nos principaux clients. Bien sûr, ils ont l'Atlantique à franchir, mais ce n'est guère qu'un étang. Si les alliés veulent s'entraîner dans le sud-ouest des États-Unis, et c'est ce à quoi pensent les Néerlandais, ils devront franchir le double de la distance pour s'y rendre. Lorsque vous faites la rotation des équipages aériens toutes les deux ou trois semaines, cela peut finir par coûter cher. Notre emplacement géographique présente beaucoup d'avantages.

Nous avons aussi quelques avantages financiers. Nous avons un groupe de discussion qui se consacre exclusivement à résoudre les préoccupations des alliés. J'aimerais souligner que notre gouvernement a mis en place des mesures qui font la promotion des vols alliés. Les autorités provinciales font tout pour se rendre utiles. Nous avons bien des avantages susceptibles d'attirer des alliés.

Le sénateur Stratton: Merci beaucoup, et bonne chance.

Le sénateur Doody: En ce qui concerne les 20 millions que doit y consacrer le gouvernement canadien, ce n'est pas nécessairement l'ensemble du financement accordé par le gouvernement à Goose Bay, n'est-ce pas?

Par exemple, le gouvernement a-t-il des obligations internationales l'obligeant à faire de Goose Bay un terrain d'atterrissage de rechange pour les vols transatlantiques, par exemple? Le 11 septembre, Goose Bay a pu recevoir un certain nombre de vols outre-mer. J'imagine qu'il y a, de temps à autre, des équipes de recherche et de sauvetage à Goose Bay. Manifestement, les avions civils l'utilisent aussi. Il fait aussi office de centre de distribution pour la côte du Labrador. Vous dites que le trafic civil n'y est pas très important, mais c'est relativement à d'autres aéroports. Pour la population du Labrador, il s'agit d'une partie importante de leur économie et de leur mode de vie.

Le gouvernement du Canada doit-il financer certaines de ces autres obligations? Il devrait toujours y entretenir les pistes et y affecter des contrôleurs aériens, et ainsi de suite, que les militaires y soient présents ou pas. La présence militaire semble être un avantage pour le gouvernement du Canada, qui a intérêt à la maintenir. Est-ce que je me trompe?

M. Young: Je répondrai à votre première question et verrai si je peux répondre à la deuxième. Les 20 millions de dollars qu'y consacre le MDN comprennent-ils tout, ou faut-il y intégrer toutes les autres choses que vous avez mentionnées? La réponse, c'est qu'il faut y intégrer les autres choses. Les hélicoptères, et les capacités de recherche et de sauvetage à Goose Bay forment ce qu'on appelle la «force de sauvetage de la base». Elle y est pour venir en aide à nos clients alliés, par exemple dans le cas malheureux où, si un équipage devait s'écraser, il faudrait lui venir en aide. Nous y avons aussi recours pour les opérations de recherche et de sauvetage au Labrador lorsque des civils sont en difficulté. Les coûts comprennent tout cela, la part du coût d'entretien des pistes que doit assumer le MDN, et ainsi de suite.

Le sénateur Doody: Que les militaires y soient présents ou non, ces coûts devraient toujours être assumés, n'est-ce pas?

M. Young: On pourrait peut-être les réduire de certaine façon, par exemple, si l'Aviation canadienne décidait de ne plus déployer sa base opérationnelle à Goose Bay. Cela pourrait réduire le coût que le MDN dépense pour l'entretien de la base opérationnelle, lequel est inclus dans ce chiffre. Il y a des façons de réduire ce montant, mais il y aurait toujours des coûts.

Le sénateur Rompkey: Peut-être y a-t-il un engagement envers NORAD, également.

Le sénateur Doody: Y a-t-il un engagement international concernant un terrain d'atterrissage secondaire ou de rechange pour un avion civil qui éprouverait des problèmes ou qui serait, pour une raison ou pour une autre, forcé d'atterrir ailleurs qu'à sa destination? Le Canada a-t-il une obligation, ou est-il tout simplement pratique que Goose Bay et Gander soient accessibles?

M. Young: Il y a un élément humanitaire. Jamais on ne refuserait l'atterrissage à un avion en difficulté.

Le trafic aérien à Goose Bay est pour la plus grande part de nature civile. La Base des Forces canadiennes de Goose Bay est peut-être un terrain d'aviation militaire; cependant, près de 70 p. 100 du trafic aérien de cette base est de nature civile, parce qu'il s'agit des principales installations où les gens de l'extérieur du Labrador atterrissent pour se rendre dans les autres collectivités et hameaux du Labrador avec lesquels le sénateur Rompkey est si familiarisé. Le trafic aérien civil en forme une importante composante.

Le sénateur Rompkey: Quelle part est locale et quelle part est internationale?

M. Young: Je ne suis pas placé pour vous le dire. Je ne connais pas la réponse.

Le sénateur Doody: Savez-vous si le Canada a conclu une entente avec des pays étrangers pour fournir des installations d'atterrissage en cas d'urgence?

M. Young: Je demanderai au colonel Hunter de répondre à cette question; peut-être a-t-il l'information pour y répondre.

Col Hunter: Il n'y a pas d'entente établie pour faire officiellement de Goose Bay un aéroport de rechange. Il est tout simplement pratique qu'il soit placé là, pour qu'un avion puisse s'y poser en cas de problème.

Le sénateur Doody: Il n'y a pas si longtemps, il y a eu une série d'incidents très médiatisés avec la population innue locale. Il y a eu des occupations et d'autres problèmes du genre. Ça ne fait maintenant plus la une des journaux. Le problème a-t-il été résolu et a-t-il, d'une façon ou d'une autre, affecté vos relations avec vos clients?

M. Young: C'est une bonne histoire pour les journalistes. Je me rappelle les occupations d'il y a dix ans. Hier, j'ai été empêché de me préparer aux travaux de votre comité parce que j'ai passé trois heures en conférence téléphonique avec des représentants de la nation innue pour négocier une entente entre le MDN et elle parce que les Innus veulent avoir accès à une zone tampon que nous nous proposons d'utiliser et pour laquelle on se propose d'établir un programme d'entraînement pour les bombes guidées au laser.

Les Innus ont travaillé de façon constructive avec nous sur cette question. Je vais vous en donner un exemple: lorsque les alliés ont voulu utiliser les bombes guidées au laser, nous avons eu besoin d'un vaste secteur qui pourrait servir de zone tampon et pour lequel nous devions restreindre l'accès public. Normalement, les Innus s'y seraient opposés. Leur chef, Peter Penashue, a déclaré que si le MDN voulait financer un examen environnemental, ils procéderaient à cet examen de façon objective et indépendante. Il m'a promis que les résultats nous seraient livrés à temps, de façon intégrale, et qu'ils seraient fondés sur les faits et non pas sur la fiction. J'ai accepté l'entente, et nous nous sommes serré la main. C'était il y a un an.

Le MDN a financé cette étude, dont les résultats nous sont parvenus intégralement et à temps. L'étude a révélé que nous pouvions conjuguer nos intérêts et les leurs, à condition de modifier le programme d'entraînement relatif aux bombes guidées au laser de certaines façons. J'ai présenté ce rapport à la province de Terre-Neuve et du Labrador, de concert avec notre propre examen environnemental. Cela a permis de voir que la nation innue travaillait de façon constructive et positive, et je suis heureux de cette nouvelle relation.

Est-ce que cela signifie qu'il n'y aura pas de dispute? Il y en aura sans doute, de temps à autre. Toutefois, nous amorçons une relation saine, et je suis heureux des progrès que nous avons réalisés.

Le sénateur Doody: Est-ce que le projet de Voisey's Bay aura un impact important sur Goose Bay?

M. Young: Oui, d'un certain nombre de façons, car il exercera des pressions sur l'aérodrome et l'infrastructure. Par contre, certaines personnes présentes sont mieux placées que moi pour répondre à cette question. La circulation aérienne augmentera et sera importante, tant dans la zone d'entraînement qu'à l'aérodrome. Il y aura une concurrence économique. Chaque fois qu'un allié voudra construire ou modifier un bâtiment à Goose Bay, nous devrons faire concurrence en vue d'acquérir les ressources compétentes de cette région de la province pour que ce bâtiment soit construit à temps, au complet et conformément aux exigences, car les promoteurs du projet de Voisey's Bay chercheront à recruter un grand nombre de ces mêmes travailleurs.

Le président: Nous accueillons maintenant l'Union des employés de la Défense nationale. Je crois comprendre que M. MacLennan souhaite effectuer une déclaration préliminaire.

M. John MacLennan, président national, Union des employés de la Défense nationale: Honorables sénateurs, J'aimerais commencer par remercier les membres du comité de nous avoir donné l'occasion de parler de Goose Bay. C'est une question que nos membres, ainsi que les membres de la collectivité de Happy Valley — Goose Bay, ont à cœur.

Au sein du ministère de la Défense nationale, nous représentons environ 14 000 fonctionnaires, ainsi que des employés du secteur privé. Les employés qui travaillent à Goose Bay sont membres de notre organisme. Nous suivons la situation à Goose Bay depuis le tout début, et nous continuons de le faire et de nous pencher sur l'avenir de Goose Bay, en particulier maintenant, avec la nouvelle DP.

Je suis accompagné de M. Randy Ford, président local pour Goose Bay. Il présentera notre témoignage au comité, car il possède une connaissance approfondie des activités à Goose Bay, de la transition du secteur public au secteur privé, et des choses qui ont bien ou mal fonctionné. À notre avis, Goose Bay est le pire meilleur exemple de privatisation au sein du ministère de la Défense nationale.

Cela dit, je cède la parole à M. Ford, qui s'adressera au comité.

M. Randy Ford, président local des employés de Serco, Union des employés de la Défense nationale: Pour commencer, je tiens à signaler que j'ai dû limiter le contenu du document qui vous a été remis. J'ai tenté d'aborder le plus grand nombre possible de questions; cependant, je suis certain que vous comprendrez que la question est large et touche une diversité d'aspects. Je lirai le mémoire, et je vous inviterai ensuite à me faire part de vos questions. J'espère couvrir le plus grand nombre de questions possibles. Je constate que certains de mes collègues de la collectivité et de la province sont ici. Je suis certain qu'ils soulèveront toute question que j'omettrai. Je lierai donc le texte, et nous passerons aux questions par la suite.

J'aimerais remercier le sénateur Rompkey de m'avoir fourni l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Je tenterai de soulever quelques-unes des nombreuses préoccupations communes de notre collectivité. J'espère que mon témoignage ne sera pas interprété comme un appui à l'égard de la diversification des modes de prestation de service, DMPS, car c'est tout à fait le contraire. En réalité, je crois qu'il viendra un jour où le gouvernement au pouvoir examinera la situation et arrivera à la conclusion que c'est un échec total. Il n'aura qu'à se demander pourquoi la fonction publique a été créée. Cela dit, je suis réaliste, et je comprends tout à fait les problèmes que nous devons résoudre aujourd'hui.

Avant d'aller dans le vif du sujet, laissez-moi présenter un bref historique. L'aérodrome de Goose Bay a été construit par les États-Unis au début des années 40. Ainsi, de nombreux Labradoriens capables de décrocher un emploi ont eu l'occasion de toucher un salaire décent et de jouir d'un meilleur niveau de vie. Cela a mené à une migration massive de gens de partout dans le Labrador et d'ailleurs. Ma famille était de ce nombre. Nous avons quitté la baie Voisey pour nous rendre à Goose Bay — nous n'avions jamais vu un avion — pour tirer avantage des débouchés qui y étaient offerts, et nous sommes à Goose Bay depuis.

Pendant tout ce temps, même pendant les périodes les plus difficiles, Goose Bay a survécu, sans qu'il en coûte un sou aux contribuables canadiens, et il y a lieu de se demander pourquoi le MDN choisirait Goose Bay pour lancer une initiative de DMPS.

Si l'intention était de montrer que la DMPS était une bonne chose, alors c'est un échec total, à tous les égards. D'ailleurs, le chapitre 27 du rapport du vérificateur général de novembre 1999 fournit des preuves de cette bévue monumentale. Ce rapport dresse une liste des nombreuses lacunes qui ont affligé l'ensemble du processus. Sans aller trop en profondeur, j'aimerais mentionner certaines questions soulevées dans le rapport du vérificateur général.

L'indifférence totale à l'égard du bien-être des travailleurs est évidente. Aucune analyse de rentabilisation viable n'avait été produite. Aucune cible n'avait été fixée. On a omis de fournir un coût de base vérifiable. Et le rapport fait la lumière sur de nombreuses autres lacunes. Alors, la question qui s'impose est la suivante: que faire maintenant? J'avancerais que la réponse dépend du point de vue qu'on adopte à l'égard du problème.

On ne saurait trop insister sur le fait que l'aérodrome de Goose Bay est une entité rentable et qu'il faut respecter cela. Je m'abstiendrai de fournir des chiffres, car il suffit de signaler qu'au cours des quelque 50 dernières années, la base a procuré des emplois décents aux membres de notre collectivité, ce qui nous a permis de payer des impôts, de contribuer à la société canadienne et de ne pas être un fardeau pour le Canada. Au cours des dix à 12 dernières années, les choses ont commencé à changer. Que cela coïncide avec la prise du pouvoir par le MDN n'est pas le fruit du hasard. Il a déployé des efforts fantastiques pour renforcer la viabilité de la base et accroître ses chances de la transformer en base officielle de l'OTAN. Les choses se sont gâtées rapidement lorsque le ministère a constaté que cela ne se produirait pas.

Même si tout le monde comprend que le ministère s'est vu imposer des restrictions budgétaires, je crois que cela offre au ministère l'occasion parfaite de préparer la voie à son objectif final: fermer l'aérodrome de Goose Bay.

Ma théorie est la suivante: le ministère ne cache pas son désir de quitter Goose Bay. Il doit y assurer une présence afin de fournir des services aux alliés, mais lorsque les alliés s'en iront, le ministère ne tardera pas à les imiter. Il suffit de visiter la base actuelle pour constater qu'elle n'est que l'ombre de la grande et dynamique base d'autrefois. À une certaine époque, elle pouvait accueillir 12 000 soldats et leur famille.

Le ministère continue de laisser l'infrastructure se détériorer et de démolir des bâtiments. Par conséquent, il est de plus en plus difficile d'attirer de nouveaux clients, et je crois que c'est exactement ce dont le ministère a besoin pour atteindre son objectif final. Il est aussi indiqué de mentionner que le ministère n'a pas remplacé l'infrastructure détruite, et qu'il n'en a pas l'intention.

Le ministère doit aussi reconnaître qu'il n'a pas versé un sou pour la création de l'infrastructure. Elle lui a été cédée par le gouvernement américain juste avant que ce dernier ne soit poussé à quitter, en raison d'une flambée des prix.

Il y a lieu de s'interroger sur les avantages — s'il y en a — de confier l'exploitation de notre base à un partenaire réticent. Nous savons tous que nos amis alliés sont insatisfaits du niveau de services dispensés par le MDN. La documentation que je vous laisserai contiendra un certain nombre de mémoires présentés au ministre ainsi que d'autres documents qui fournissent de plus amples renseignements à l'égard de certaines de nos grandes préoccupations et des mesures que nous souhaitons.

Le ministère avancera qu'il a dépensé 26 millions de dollars pour une base qui ne lui est d'aucune utilité. Cela est peut-être vrai, mais envisageons la question autrement. Cette somme correspond à 0,2 p. 100 du budget national, dont le gros des dépenses est concentré dans l'Ouest, en Ontario et au Québec. Je crois que le MDN devrait dépenser de l'argent dans toutes les régions du Canada, car des impôts sont versés partout au Canada. Et puisque le nombre de militaires provenant de l'Est est disproportionnellement élevé, ce qui reflète la disparité régionale déjà existante, je crois que le ministère, voire le gouvernement du Canada, a l'obligation morale de dépenser plus d'argent là-bas.

Laissez-moi vous raconter brièvement une anecdote qui montre la réticence du ministère à laisser Goose Bay réussir. Le 10 juin 2002, le journal local publiait un article qui a occasionné de nombreux froncements de sourcils. On y raconte qu'un escadron de F18 s'est arrêté à Goose Bay pour faire le plein. Cela n'a rien d'inhabituel. Toutefois, où allait-il? Il se rendait au Danemark en vue de tirer avantage d'une rare occasion de s'entraîner avec les alliés.

Cette anecdote me mène à un autre inconvénient de la structure actuelle, le bureau de projet de Goose Bay. Ces gens ont été chargés de promouvoir la base. On me donne à croire qu'ils ne sont aucunement intéressés à le faire, avec un tant soit peu de dynamisme. Par exemple, pendant que le commandant de la base s'affairait à démolir les logements familiaux, le bureau disait aux Français qu'il n'y avait pas de place à l'auberge. Cette approche promotionnelle ne me semble pas très efficace.

Puisque je dispose d'un peu de temps, je tenterai de mettre en contexte le message que nous voulons vous transmettre. Pour que nous puissions assurer notre expansion, le fournisseur de services doit avoir la capacité de donner suite à certaines des préoccupations des alliés.

Tant et aussi longtemps que le ministère sera un partenaire réticent, le succès nous échappera. Tant et aussi longtemps que la promotion sera confiée au bureau des projets, le nombre des clients n'augmentera pas. Si le ministère voulait confier la base à un sous-traitant, c'est ce qu'il aurait dû faire. À l'heure actuelle, il dépense, 1,3 million de dollars pour des activités d'assurance de la qualité s'inscrivant dans un programme d'incitation au rendement plafonné à 1,6 million de dollars. C'est une dépense inutile, alors que les économies auraient pu être refilées aux alliés. Si le ministère n'est pas disposé à confier l'ensemble des activités au fournisseur de services, il devrait peut-être y placer un escadron d'avion et devenir un partenaire actif. S'il n'opte pas pour une telle solution, alors il est peut-être temps pour le ministère de passer à autre chose et de laisser une autre entité diriger et assurer la croissance des activités.

Pour terminer, j'aimerais signaler quelques facteurs qui sont essentiels à notre réussite. L'infrastructure et tout ce qu'elle a à offrir doit faire l'objet d'une promotion vigoureuse, sans quoi nous risquons de prendre certains de nos clients actuels, ce qui pourrait déclencher une réaction en chaîne. Pour que le ministère nous soit d'une aide quelconque, il faudrait qu'il devienne un partenaire à part entière et place des avions dans les hangars qu'il possède déjà ici. Si le ministère choisit de ne pas organiser de vols, nous devrions sérieusement envisager des solutions de rechange. Peut-être qu'une société d'État ou une autorité locale devrait prendre les commandes.

Comme je l'ai déjà mentionné, nous ne sommes pas un fardeau pour le contribuable canadien. Ce serait vraiment dommage que le gouvernement du Canada laisse le ministère de la Défense nationale forcer la disparition de ces emplois afin de réaliser ses objectifs, sans tenir compte des répercussions brutales sur les gens qui y travaillent, sur la collectivité et sur l'ensemble de la province.

J'espère avoir soulevé suffisamment d'enjeux pour que mes réponses à vos questions vous éclairent un peu plus sur le sujet. J'espère que les gens qui prendront la parole après moi soulèveront toute question que j'aurais omise. Je vous remercie de votre temps, et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Rompkey: Votre commentaire sur la possibilité qu'une autre entité se charge de diriger et d'assurer l'expansion des activités a piqué ma curiosité. Nous n'avons pas eu l'occasion d'explorer cette possibilité avec le MDN. J'allais demander aux représentants du ministère s'ils avaient envisagé des solutions de rechange à la situation actuelle. Un accord administratif est actuellement en vigueur à Goose Bay. Y a-t-il des solutions de rechange? Dans l'affirmative, lesquelles? Ce point de votre exposé m'a intéressé. Vous avez parlé d'une société d'État ou d'une autorité locale. J'aimerais approfondir cette question et vous donner le temps de fournir des précisions.

M. Ford: Je ne crois pas que l'idée de confier la gestion de la base à une entité distincte soit tirée par les cheveux. Les efforts pour privatiser doivent permettre de réaliser des économies et de réduire la paperasserie, et il est certain que la présence du ministère n'a pas donné ce résultat. Il suffit de penser à l'exemple des pompiers de notre base. Le fournisseur de services actuel peut faire former ces pompiers à Stephenville pour le tiers du coût qu'on le force — je suppose qu'on pourrait dire cela maintenant — à payer pour les faire former à Trenton. Le MDN ne reconnaît aucune autre formation dans ce domaine, alors l'entreprise doit utiliser les installations du MDN pour former ses employés à prix fort. C'est un aspect à l'égard duquel nous pourrions réaliser des économies.

Laissez-moi vous donner un autre exemple concernant le câble d'arrêt. Le câble d'arrêt permet d'arrêter un avion qui est en difficulté. Ce câble traverse la piste d'atterrissage. Quand le ministère dirigeait la base, le personnel de Serco, qui était sur place, se chargeait de l'entretien et de travaux généraux. Je ne sais pas ce qui a changé depuis, mais, désormais, le câble est expédié à Trenton, et on nous le renvoie. Notre personnel possédait exactement les mêmes compétences et travaillait sur le même équipement. C'est une autre pratique non efficiente.

Une autre entité ne dirigerait pas la base de cette façon. Une autre entité permettrait au fournisseur de services de tirer avantage de la formation moins coûteuse offerte à Stephenville. Les travaux touchant le câble d'arrêt peuvent être effectués localement. Incidemment, sachez que le ministère dépense 400 000 $ pour enlever le câble d'arrêt, l'expédier à Trenton et le faire renvoyer; on pourrait probablement faire les mêmes travaux localement, pour environ 70 000 $.

Une société d'État ou une autorité locale pourrait s'intéresser à la base. De telles organisations seraient plus enclines à assurer une promotion plus dynamique. La présence du MDN est désintéressée. Le MDN ne montre aucun dynamisme au chapitre de la promotion de la base, et cette activité est essentielle. Si les Néerlandais décident de quitter la base et qu'on refile aux alliés restants la perte liée aux coûts communs de fonctionnement de la base, je crains que ces derniers ne finissent par quitter aussi, en raison des coûts prohibitifs. Le MDN n'est pas sur la même longueur d'ondes que nous sur cette question. Il ne reconnaît pas que des économies pourraient être réalisées, ou peut-être ne veut-il pas les reconnaître. À mon avis, le ministère ne veut pas renoncer au pouvoir.

Le sénateur Rompkey: Êtes-vous au courant d'études que nous pourrions examiner? A-t-on envisagé des options de rechange? Connaissez-vous des sources d'information supplémentaire?

M. Ford: Malheureusement, je n'en connais aucune. Toutefois, je peux vous dire que si le processus de DMPS avait été mené correctement dès le début, toutes ces choses auraient pu être faites en temps opportun. La DMPS ouvrait la voie à de nombreuses options — une prise en charge des activités par les employés, un appel de soumissions à l'interne ou une société d'État. Toutes ces options étaient disponibles et ont été énoncées. On aurait pu les envisager dès le début, mais le ministère de la Défense nationale a choisi de ne pas le faire.

Je crois que la soumission interne aurait dû être retenue, mais le ministère en avait déjà décidé autrement. Le soumissionnaire dont l'offre était la plus basse a ensuite occasionné les ravages qui devaient suivre la grève de 1999. Je ne crois pas que l'amertume de la collectivité soit complètement disparue. Pour la plupart, tout le monde en ressent les contrecoups, et cela n'aurait jamais dû se produire. Malheureusement, cela nous laisse avec aucune documentation de recherche sur la question. Nous devrions peut-être mener une étude nous-mêmes.

Le sénateur Rompkey: Je serais curieux de comparer les emplois civils aux emplois militaires. J'ai l'impression que c'est à cet égard que des économies ont été réalisées dans le passé, et qu'elles pourraient l'être dans le futur. En ce qui concerne les pompiers, par exemple, que vous venez de mentionner, quelles seraient les répercussions? Pourriez-vous me parler du coût d'un employé militaire par rapport à celui d'un employé civil? Je crois comprendre que récemment, par exemple, l'ARC a réussi à réaliser des économies considérables au chapitre de l'exploitation. À l'heure actuelle, on compte 40 membres de l'ARC au moins à Goose Bay, et le personnel civil a comblé le vide.

Pourriez-vous me donner une idée des coûts civils par rapport aux coûts militaires? Pourriez-vous me fournir des précisions, outre l'exemple des pompiers, quant aux moyens d'accroître la présence civile à Goose Bay?

M. Ford: Je laisserai M. MacLennan répondre à votre question concernant les coûts, mais je sais que l'écart est considérable. Pourriez-vous répéter la deuxième partie de votre question, s'il vous plaît?

Le sénateur Rompkey: Vous avez fait référence aux économies potentielles liées aux pompiers. Je cherche d'autres aspects à l'égard desquels les coûts pourraient être réduits. J'ai donné l'exemple de l'ARC, qui a récemment réduit de 40 p. 100 son personnel à Goose Bay. Ainsi, si je comprends bien, le coût de ce volet particulier de ses activités a été réduit de presque la moitié.

M. Ford: J'en tire la même conclusion. Tout d'abord, si nous envisageons l'assurance de la qualité, ou AQ, on constatera qu'un certain nombre de civils sont, selon moi, suffisamment au courant du fonctionnement des activités pour exécuter efficacement toutes les fonctions actuellement confiées au personnel en uniforme. Si mes chiffres sont bons, le ministère a dépensé 1,3 million de dollars pour appliquer l'AQ à un programme d'incitation au rendement plafonné à 1,6 million de dollars. C'est une dépense inutile, et nous aurions pu refiler cet argent aux alliés, sous forme d'économies.

M. MacLennan pourrait confirmer que le coût annuel d'un employé en uniforme est d'environ 100 000 $, alors que le coût pour un civil est d'environ 70 000 $. À titre d'exemple, on pourrait remplacer 100 militaires par 30 civils et réaliser des économies astronomiques.

Le sénateur Rompkey: On peut réaliser des économies en gonflant l'effectif civil à Goose Bay.

M. Ford: Selon moi, oui.

M. MacLennan: Notre syndicat a toujours affirmé au MDN que nous voyons des postes militaires statiques partout dans le ministère, pas seulement à Goose Bay. Nous avons présenté une demande d'accès à l'information en vue d'obtenir les chiffres — que nous présenterons au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des communes — sur les affectations ministérielles depuis la guerre de Corée — c'est-à-dire depuis notre création sous l'égide des Nations Unies et de l'OTAN. Nous savons que, jusqu'à maintenant, le MDN n'a jamais déployé simultanément plus de 4 500 militaires à l'étranger, car nous disposons des chiffres et des données. Ce chiffre comprend les activités de maintien et de rétablissement de la paix. Les militaires occupant des postes statiques dans les bases ne prendront jamais part aux activités de maintien ou de rétablissement de la paix. Les coûts liés aux emplois militaires sont beaucoup plus élevés, car nos membres ne touchent pas de prime de spécialité, même s'ils touchent une prime d'éloignement à Goose Bay. Il est certainement moins coûteux d'employer un fonctionnaire qu'un militaire.

Si l'on se fie au livre blanc de 1994, il y a un effectif de 52 000 membres réguliers des forces armées, aptes au combat. Si on déploie seulement 4 500 militaires à l'étranger aujourd'hui, cela tombe sous le sens qu'il faudrait 4 500 militaires supplémentaires pour remplacer ceux qui sont affectés à l'étranger. De plus, il faudrait 4 500 militaires supplémentaires pour le théâtre d'opérations militaires, ainsi que le personnel de soutien administratif connexe, de sorte qu'on arrive à un effectif total de 30 000 membres réguliers des forces armées.

À Ottawa seulement, on trouve 8 500 militaires de la force armée régulière. On les a embauchés pour qu'ils utilisent non pas le porte-documents, mais bien la baïonnette. Ce phénomène existe dans pratiquement toutes les bases du Canada. Certaines personnes passeront 20 ans en uniforme sans jamais participer à une activité de maintien de la paix. C'est chose commune dans les autres bases de partout au pays.

Le sénateur Rompkey: Votre syndicat est-il représenté à Cold Lake?

M. MacLennan: Nous sommes représentés dans toutes les bases du pays.

Le sénateur Rompkey: Pourriez-vous comparer les activités de Cold Lake et de Goose Bay au chapitre de l'aviation?

M. MacLennan: Je connais les deux bases, et c'est plus froid à Goose Bay.

Le sénateur Rompkey: Alors, pourquoi parle-t-on de «Cold Lake»?

M. MacLennan: À Cold Lake, on compte un plus grand nombre de réservistes et de militaires de la force armée régulière que de fonctionnaires offrant un soutien administratif. L'aviation royale examine actuellement la notion de soutien. Il est clair que la population militaire à Cold Lake est supérieure au nombre de fonctionnaires qui y travaillent.

De plus, cela mine la crédibilité des fonctionnaires, qui ne peuvent accéder qu'à certains échelons de la hiérarchie; ensuite, ils doivent, en leur qualité de fonctionnaires, passer par-dessus la structure hiérarchique militaire pour ensuite se retrouver dans le volet administratif de l'organigramme ministériel.

On en revient donc à l'argument selon lequel si on a 52 000 militaires de la force armée aptes au combat — comme le dit le livre blanc de 1994 —, alors utilisons-les aux fins pour lesquelles on les a embauchés. Lorsqu'on privatise une base, on y trouve toujours du personnel militaire. Je peux comprendre le besoin d'affecter du personnel militaire à des activités de gestion et d'assurance de la qualité et autres, mais pas au degré actuel. Il n'est pas moins coûteux d'affecter du personnel en uniforme à des postes d'électricien, de menuisier ou de plombier.

Le sénateur Rompkey: M. Young a parlé de la promotion de la base, mais on m'a fait comprendre que, en vertu du contrat, Serco ferait de la promotion et tenterait d'attirer de nouveaux clients. Pouvez-vous nous parler de cela?

M. Ford: Si je ne me trompe pas, la DP initiale prévoyait que le fournisseur de services devait faire de la promotion. Lorsque j'ai posé la question aux gens de Serco, ils m'ont répondu que le bureau de projet de Goose Bay les restreignait, que le ministère ne leur accorde pas toute la souplesse voulue pour promouvoir la base. En toute franchise, rien ne me laisse croire qu'ils en ont fait.

Le sénateur Rompkey: C'est dans le contrat, n'est-ce pas?

M. Ford: C'est prévu dans la DP, oui.

Le sénateur Rompkey: Le contrat prévoit-il que Serco devra promouvoir Goose Bay?

M. Ford: Oui. La DP a été remaniée si souvent depuis son établissement que je n'oserais pas avancer des chiffres. Les choses ont changé. Je ne dirais pas qu'elle est même proche du document initial au moment où la demande de propositions a été établie.

Le sénateur Bolduc: Combien de membres de votre syndicat retrouve-t-on à Goose Bay?

M. Ford: Notre section locale représente environ 300 personnes: des employés à temps plein, des employés à temps partiel et des employés saisonniers.

Le sénateur Bolduc: Quelle est la population active totale de la base?

M. Ford: À l'heure actuelle, un peu moins de 8 000 personnes.

Le sénateur Bolduc: Je veux dire le nombre de personnes qui travaillent à la base.

M. Ford: Il y en a probablement autour de 500.

Le sénateur Bolduc: Combien d'employés travaillent pour Serco?

M. Ford: Ils ont environ 360 employés. Nous représentons 300 employés syndiqués. Les employés responsables du contrôle de la circulation aérienne et de la gestion ne sont pas syndiqués, ce qui explique l'écart.

Le sénateur Bolduc: Pourrait-on affirmer que la plupart de vos membres travaillent dans le domaine de l'entretien?

M. Ford: Nous nous chargeons de l'entretien des immeubles, des routes et terrains, de l'entretien du terrain d'aviation et d'autres aspects connexes. Nous sommes surtout responsables des parties communes. Les éléments qui seraient facturés aux alliés concernent les parties communes.

Nous effectuons aussi des travaux pour les alliés lorsqu'ils en font la demande, et cela mène à un autre problème. En raison de la bureaucratie ministérielle, il a parfois été difficile pour nous de réagir immédiatement aux besoins des clients. Laissez-moi vous donner un exemple.

En août dernier, l'officier responsable d'approuver les demandes d'exécution de travaux pour les alliés était en congé. Il a demandé qu'on lui transmette chaque soir par courriel le journal des travaux, de façon qu'il puisse confirmer avant 11 heures le lendemain ce qui est approuvé et ce qui ne l'est pas. C'est honteux. J'ai parlé à un responsable du bâtiment de la force armée italienne, qui voulait savoir pourquoi il avait besoin du ministère de la Défense nationale pour lui dire comment dépenser son propre argent. Il y a des gens à Rome qui lui diront s'il dépense trop. Je n'ai pu lui fournir une réponse.

Le sénateur Bolduc: Effectuez-vous de la sous-traitance pour le compte de Serco?

M. Ford: Cela dépend de la portée des travaux. Les projets d'envergure sont soumis à des lignes directrices ministérielles qui décrivent ce que nous devrions et ce que nous ne devrions pas faire. Si la valeur du projet dépasse un certain montant — qu'on me corrige si je me trompe, mais je crois que le montant est de 30 000 $ — nous ne nous en occupons pas. Les travaux font l'objet d'une demande de soumissions. Le contrat sera pris par un entrepreneur local, dans la plupart des cas, ou soumis au processus habituel d'appel d'offres.

Dans ce contexte, il est difficile de servir nos clients et de veiller à ce qu'ils soient satisfaits. Ce sont des choses que nous devons régler. Nous devons nous assurer que nos clients sont tout à fait satisfaits des services qu'ils reçoivent. Je ne crois pas qu'ils soient insatisfaits du travail effectué. Ils sont très heureux de nos travailleurs et du professionnalisme et de la qualité du travail.

Le sénateur Bolduc: Si vous n'entretenez pas de relations officielles avec Serco, vous avez sûrement des relations officieuses. Quel type d'échanges avez-vous?

M. Ford: Entre Serco et moi-même?

Le sénateur Bolduc: Entre vos employés et les employés de Serco.

M. Ford: Je représente les employés de Serco. Une section locale de l'Union des employés de la Défense nationale affecte un petit groupe, travaillant à titre de civils, au soutien des fonctions essentielles de la base. Certains d'entre eux se chargent peut-être de la fourniture de services, mais la majorité sont affectés à l'assurance de la qualité, l'AQ. Ils effectuent l'AQ pour le contrat comme ils l'entendent, je suppose.

Pour ce qui est de Serco et des nous-mêmes, nous devons tenir compte du fait que notre client est non pas l'ensemble des alliés, mais bien le MDN. Si un employé doit aller boucher un trou dans le mur et qu'un allié lui demande de réparer une poignée de porte en même temps, il n'est pas autorisé à le faire. C'est un autre domaine où les pratiques non efficientes sont inhérentes au système.

Le président: Avec qui votre convention collective a-t-elle été conclue?

M. Ford: Serco. Nous devons surmonter de nombreux obstacles pour satisfaire le client et l'encourager à dire à son pays et aux autres pays que la base de Goose Bay est effectivement le meilleur endroit pour la formation en pilotage.

Le sénateur Bolduc: J'ai une question pour M. MacLennan. Si je me rappelle bien, le ministère de la Défense nationale comptait quelque 85 000 ou 90 000 employés. Il y avait environ 60 000 militaires et 30 000 civils. Si j'ai bien compris, le ministère compte désormais 60 000 militaires et 15 000 civils.

On a réduit l'effectif dans les deux groupes, mais le vôtre a peut-être été plus touché. Vous dites qu'en raison de l'organisation du pouvoir au ministère, les militaires tiennent le haut du pavé, et c'est pourquoi votre groupe a été coupé.

Est-ce là votre façon de voir les choses? Les civils pourraient effectuer une partie du travail du ministère. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. MacLennan: C'est ça, monsieur le sénateur. Je vous remercie de reconnaître le traitement injuste des fonctionnaires, les gens que je représente. En 1994, les militaires étaient dotés d'un complément de 75 000 membres de la force armée régulière.

Le sénateur Bolduc: Je pensais plutôt à 1984, ou quelque chose comme ça.

M. MacLennan: En 1987, nous représentions 32 000 fonctionnaires. La baisse du nombre d'employés découle de diverses réductions de l'effectif, des fermetures de base annoncées en 1994. Une partie de ces pertes ont été absorbées grâce à la privatisation, ce qui ne constitue pas vraiment un complément de main-d'œuvre parfait. Il y a effectivement un déséquilibre, et il découle de ce que j'ai mentionné au début. Certains militaires occupent des postes statiques et ne bougeront jamais.

Le sénateur Bolduc: Je ne suis pas officier, mais est-il possible qu'on affecte du personnel militaire à des travaux civils afin qu'on puisse faire le travail en cas d'urgence ou de guerre? S'il n'y a personne d'autre pour le faire, ils le feront eux- mêmes. Est-il possible que cela explique l'affectation de militaires à des travaux de civils?

M. MacLennan: Des militaires travaillent avec nos membres et exercent les mêmes fonctions, oui. Le ministère fait valoir que les militaires ont besoin de maintenir leur niveau de compétences afin qu'ils soient capables de continuer à faire leur travail d'électricien, de mécanicien ou de plombier lorsqu'on les déploiera.

Cependant, lorsqu'on envisage le nombre de militaires qui ne sont pas déployés et qui sont affectés à ces postes sur la base — nous avons préparé un rapport étendu au moyen des chiffres ministériels relatifs au nombre de militaires déployés de 1994 jusqu'au 1er septembre...

Le sénateur Bolduc: Je ne souhaite pas entrer dans une grande discussion sur leur utilisation de l'effectif. Vous parlez d'environ 35 000, alors il en manquerait 20 000. Peut-être font-ils un autre type de travail. Nos activités ne touchent pas uniquement le maintien de la paix; nous participons aussi à NORAD et à l'OTAN, à des fins autres que le maintien de la paix. Il y a peut-être 5 000 ou 10 000 personnes supplémentaires affectées à ces tâches.

M. MacLennan: On trouve du personnel militaire dans les ambassades de partout dans le monde, mais ils ne sont pas nombreux.

Le sénateur Bolduc: Le chiffre total n'atteint pas 55 000.

M. MacLennan: Les chiffres qu'ils utilisent ne concordent pas.

Le sénateur Banks: Je vous serais très reconnaissant d'acheminer au greffier du comité les pages du livre blanc qui parlent d'environ 52 000 militaires aptes au combat.

M. MacLennan: J'aurais dû être plus clair: le livre blanc de 1994 fait référence à 60 000 militaires aptes au combat. Toutefois, seulement 52 000 sont disponibles, en raison d'autres restrictions du personnel.

Le sénateur Banks: Pourriez-vous nous acheminer une copie du Livre blanc qui parle d'environ 60 000 militaires aptes au combat?

M. MacLennan: Certainement.

Le sénateur Banks: Monsieur Ford, votre contrat actuel avec Serco a-t-il été précédé d'un autre contrat?

M. Ford: La convention collective?

Le sénateur Banks: Oui.

M. Ford: Nous avons dû renégocier la convention collective après la reconnaissance des droits du successeur en 1998. Il y a eu une grève de six semaines...

Le sénateur Banks: La grève était-elle contre Serco ou contre le MDN?

M. Ford: Elle était contre Serco, théoriquement. Au bout du compte, le ministère — encore une fois incapable de se tenir à l'écart et non disposé à renoncer au pouvoir — a pris l'initiative et commencé à effectuer certains de nos travaux. Le personnel militaire confirmait que le travail lié au câble d'arrêt était effectué par nous, et nous étions en grève. Avec l'enlèvement des ordures, ils ont complètement fermé la base. À l'époque, notre hôpital et nos écoles étaient sur la base, bien que les écoles étaient fermées pour l'été.

Le ministère s'est ingéré d'une façon qui allait à l'encontre du droit canadien de faire la grève. Si le ministère voulait opter pour la DMPS, il aurait dû prévoir la possibilité d'agitation ouvrière, en particulier dans un contexte où le soumissionnaire retenu est celui qui avait offert le montant le plus bas. Cela a enlevé toute dignité aux personnes qui étaient là.

Le sénateur Banks: Si le personnel est en grève sur une base aérienne militaire, le câble d'arrêt ne devrait pas être utilisé, n'est-ce pas?

Une partie de la raison d'affecter du personnel militaire à ces choses, c'est que le travail peut continuer d'être fait s'il y a une grève.

M. Ford: C'est juste, sauf que dans le cadre du processus de négociation collective, l'un des premiers éléments à être adoptés est l'entente relative aux services essentiels. L'entreprise n'a pas cru bon de demander à ces gens; nous avons dû nous y opposer. L'entreprise n'a demandé à personne d'enlever les ordures; elle n'a demandé à personne d'assurer le fonctionnement de la centrale à vapeur; elle n'a demandé à personne d'utiliser le câble d'arrêt.

Le sénateur Banks: À quelle date le contrat actuel prend-il fin?

M. Ford: Il prend fin le 30 juin. Nous sommes actuellement en négociation collective.

Le sénateur Banks: Le 30 juin qui vient?

M. Ford: C'est cela.

Le sénateur Banks: Négociez-vous avec Serco?

M. Ford: À l'heure actuelle, nous sommes en négociation avec Serco.

Le sénateur Cools: Qui est Serco? Qui sont-ils et quels sont leurs principes? Cette organisation me semble bien mystérieuse.

Le président: Ce sont les gens qui dispensent des services à la base, en vertu d'un contrat avec le MDN.

Le sénateur Cools: Entendrons-nous le témoignage de gens de Serco?

Le président: Je ne crois pas.

Le sénateur Cools: Nous devrions peut-être le faire?

Le président: La question qui nous occupe, c'est le contrat qui prend fin l'an prochain, et une DP a été émise cette semaine, en vue du renouvellement du contrat ou de la prise d'autres mesures.

Le sénateur Banks: Savez-vous si Serco compte participer à la DP en vue de continuer à dispenser des services, ou s'il est improbable qu'elle le fasse?

M. Ford: Je sais que Serco présentera une soumission.

Le sénateur Banks: Croyez-vous que la collectivité — monsieur MacLennan, vous avez mentionné ceci à titre d'exemple — pourrait faire un meilleur travail par rapport à la façon dont certaines autorités aéroportuaires de partout au pays ont fait leur travail?

M. Ford: En effet, oui, je crois que c'est un bon modèle, cette façon de confier les aéroports à des sous-traitants. La Goose Bay Airport Corporation fait de l'excellent travail et réalise un bénéfice. C'est bon. C'est peut-être un indice que cette option est celle que nous devons retenir.

Le sénateur Banks: La collectivité participera-t-elle à la DP? Vous devez acheter un billet.

M. Ford: Je laisserai M. Peck répondre à cette question.

Le sénateur Banks: Savez-vous si le processus a été mis en branle?

M. Ford: Non, je ne sais pas

Le sénateur Banks: Je tiens à revenir sur votre commentaire selon lequel la base ne coûte rien aux Canadiens. Cela n'est pas possible, monsieur Ford. Pas aujourd'hui. À l'heure actuelle, le gouvernement du Canada dépense environ 3 000 $ par habitant à Goose Bay — il s'agit d'un coût net —, et cela n'est pas extraordinairement élevé. Le gouvernement fédéral dépense de l'argent dans toutes les collectivités du pays. Rien n'est gratuit.

M. Ford: Quand le gouvernement canadien affecte 26 millions de dollars au début de l'exercice pour générer 115 millions de dollars s'inscrivant dans le PNB, je ne crois pas que cela représente un coût important pour le public canadien.

Le sénateur Doody: J'aimerais poser quelques petites questions à M. Ford concernant l'allégation selon laquelle le MDN n'est pas particulièrement intéressé à rester à Goose Bay. Le premier élément qui m'a frappé dans la déclaration de M. Ford, c'est que la base a été donnée au ministère par le gouvernement américain, juste avant que ce dernier ne quitte en raison d'une flambée des prix.

Le sénateur Doody: Qui a occasionné cette montée des prix?

M. Ford: Le ministère de la Défense nationale.

Le sénateur Doody: Il leur demandait un loyer, ou peut-être y avait-il une sorte de bail conclu avec les Américains? Initialement, les Américains étaient propriétaires de la base; ils l'ont donnée aux Canadiens; et les Canadiens, selon votre déclaration, ont augmenté les prix à un point tel que les Américains sont partis.

M. Ford: C'est cela.

Le sénateur Doody: L'autre allégation que je considère comme grave et à l'égard de laquelle j'aimerais entendre des précisions est celle selon laquelle le bureau de Goose Bay aurait dit aux Français qu'il n'y avait pas de place à l'auberge. Est-ce à dire que les Français voulaient s'établir à Goose Bay, mais qu'on leur a dit qu'il n'y avait pas de place pour eux?

M. Ford: Oui, c'est ce que je crois comprendre. Les Français ont assuré une participation limitée l'an dernier. Certains des aspects qu'ils recherchaient n'étaient pas disponibles. Toutefois, cela ne signifie pas que nous ne pourrions pas, à un moment donné, apporter les changements nécessaires pour satisfaire à leurs besoins. J'ai cru comprendre que le bureau leur a dit ceci: «Il n'y a pas beaucoup de place, alors la première chose que vous devrez faire, c'est établir vos propres casernes.» En même temps, le ministère de la Défense nationale détruit les logements familiaux et d'autres infrastructures autour de la base. Cela limite vraiment notre marge de manœuvre. Comment pouvons-nous attirer de nouveaux clients quand il n'y a pas suffisamment d'hébergement? Qu'allons-nous faire? Allons-nous les loger dans des tentes?

Le ministère dit qu'un entrepreneur sera peut-être chargé de bâtir des casernes, en vertu d'un contrat d'investissement privé. Je crois que cette idée est très difficile à justifier. Je ne peux imaginer qu'une entreprise qui investit de l'argent ne s'attende au moins à une garantie de récupérer ses coûts initiaux. Dans ce cas particulier, le bureau de Goose Bay constitue un obstacle de taille. C'est honteux, rien de moins.

Il est dommage que M. Young ait témoigné avant moi, car il aurait peut-être été capable de répondre différemment. Je suis certain qu'il vous fournirait une réponse différente de la mienne. Je dois maintenir ma position. C'est ce que me disent mes sources d'information. Je n'ai aucune raison de croire que cela n'est pas vrai.

Le président: Honorables sénateurs — avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur MacLennan?

M. MacLennan: J'aimerais terminer avec quelques commentaires: nous savons que le transfert d'emplois de la fonction publique au secteur privé était terrible. La première ronde de négociations entre Serco et notre syndicat ne s'est pas bien déroulée non plus.

Nous traversons actuellement un autre processus de demande de propositions. Nous cherchons, quel que soit le scénario retenu, à obtenir une transparence complète de la part du ministère de la Défense nationale. Votre comité nous a donné l'occasion de faire cela.

Nous avons demandé au ministère d'agir à titre d'observateurs auprès du comité chargé d'évaluer les soumissions. Notre demande a été refusée.

Nous avions fait cela dans le passé, dans le cadre du projet d'approvisionnement et du dernier contrat cédé à Goose Bay. Nous avions signé des ententes de divulgation, en raison des droits de propriété. La décision du ministère de ne pas nous laisser observer le processus d'évaluation de la TP est injuste. Nous avons le droit de savoir ce qui se passe, car ce sont nos gens qui seront touchés par les décisions du nouvel employeur ou de quiconque décrochera le contrat.

Nous avons présenté au ministère une deuxième proposition concernant la conférence des soumissionnaires, tenue à Goose Bay en juillet. On nous a aussi bloqué l'accès à cette conférence. Il est important pour nous d'entretenir un dialogue avec notre syndicat. Nous continuerons de représenter ces gens. On nous a aussi refusé l'accès à la conférence des soumissionnaires.

Le grand public exige plus de transparence, surtout en ce qui concerne la cession de toute activité gouvernementale à des sous-traitants. Il est injuste de nous refuser l'occasion de faire partie du comité d'évaluation et de nous exclure de la conférence des soumissionnaires. Le fait qu'on nous refuse l'accès à ces deux fonctions importantes ne fait que renforcer mon sentiment qu'il y a anguille sous roche. Les Travaux publics ont pris cette décision. La Défense nationale l'a appuyée.

Si le comité peut faire quoi que ce soit pour favoriser une meilleure coopération à cet égard, nous vous en saurions gré.

Le président: Nous en prenons bonne note.

Honorables sénateurs, au moment où nous pensions avoir fini d'entendre le témoignage de représentants du MDN, deux sénateurs ont demandé qu'on tienne une deuxième séance. Si les témoins du MDN sont encore présents, nous pourrions les inviter à revenir pour une dizaine de minutes, si les honorables sénateurs le souhaitent.

Le sénateur Cools: C'est ce que nous voulons.

Le président: Merci à vous deux.

J'inviterais donc messieurs Richardson et Young et les colonels Hunter et Bertrand à revenir à la table.

Il est inutile de vous présenter de nouveau. Je suis certain que vous vous réjouissez aussi du fait que nous ayons du temps supplémentaire.

Le sénateur Rompkey: J'aimerais donner à nos témoins l'occasion de commenter certains points qui ont été soulevés. Premièrement, j'aimerais qu'on commente les démarches de la France en vue de s'établir à Goose Bay. Comment a-t- on traité cette demande, et comment le dossier a-t-il évolué?

Deuxièmement, j'aimerais entendre des commentaires sur le déroulement de la conférence des soumissionnaires à Goose Bay et le refus de laisser le syndicat assister à cette conférence.

M. Richardson: Honorables sénateurs, laissez-moi répondre à la question de la participation syndicale. Le syndicat peut participer à la conférence des soumissionnaires. Ce n'est pas un problème. La conférence a lieu au milieu du mois prochain.

En ce qui concerne l'évaluation, le syndicat et les employés travaillent pour Serco. Il serait déplacé d'inviter les employés d'une entreprise à assister à l'évaluation des soumissions d'autres entreprises. D'autres syndicats et parties concernées pourraient avoir un rôle à jouer. Cela soulèverait des préoccupations quant à l'équité.

Il est important de signaler que les membres du syndicat qui sont ici travaillent pour Serco. Ils travaillent pour une entreprise privée. Qu'est-ce qui justifierait qu'ils examinent les soumissions d'autres entreprises? Nous devons veiller à ce qu'un processus soit juste, équitable, et à ce qu'il n'y ait aucun préjugé apparent.

Le sénateur Rompkey: Par contre, la collectivité de Goose Bay est désormais assez permanente. On en est à la troisième génération. Les travailleurs qui sont à Goose Bay sont les mêmes qui ont travaillé pour les Américains et le MDN. S'il ne s'agit pas de ces gens-là, il s'agit de leurs enfants. Je ne m'attends pas à ce que cela change. Quiconque obtient le contrat aura comme employés les gens qui vivent dans la localité, qui exploitent une entreprise et qui fréquentent ces écoles et églises, et qui le font depuis les années 50.

Je ne crois pas qu'il soit valide de faire valoir que d'autres personnes pourraient travailler pour l'entreprise dont la soumission sera retenue. Il y aurait peut-être un autre syndicat, je ne sais pas. Je m'attendrais à ce que ce soit les même gens.

M. Richardson: Peut-être bien. Normalement, si on lançait une nouvelle demande de propositions à l'égard d'un marché de services, on ne formulerait aucune précision relative aux employés. À Meaford, nous pouvions dire à l'entrepreneur quel type de compétences était exigé. Nous ne pouvions lui dire qui embaucher ou comment faire le travail. Compte tenu de la situation particulière de Goose Bay, nous avons pris des mesures exceptionnelles afin de préciser que 90 p. 100 de l'effectif doivent être embauchés localement. Les personnes embauchées doivent être expérimentées dans le domaine.

Comme il y a environ 300 employés à temps plein, l'entrepreneur doit effectivement disposer de 300 employés à temps plein. Nous estimons que nous tenons compte des besoins des employés et de la collectivité locale.

Néanmoins, la main-d'œuvre actuelle travaille pour Serco. Si une autre entreprise se voit confier le contrat, elle devra embaucher un nombre important de résidents locaux, mais elle pourra embaucher d'autres personnes.

Le sénateur Banks: N'y aurait-il pas des droits du successeur?

M. Richardson: Je ne sais pas.

Le président: Ces droits ne sont-ils pas déjà en cause?

Le sénateur Rompkey: Il y a un problème à l'égard des droits du successeur. Les tribunaux ont déterminé qu'il y a, de fait, un droit du successeur. Le contrat a été modifié.

M. Richardson: Pour ce qui est de la possibilité de droits subséquents du successeur, je n'en sais rien. C'est vraiment aux entreprises qui participent à la demande de propositions qu'il incombe d'adopter une position.

Le sénateur Rompkey: Si le problème tient au fait que certains syndicats travaillent pour une certaine entreprise, n'y a-t-il pas une autre façon de faire en sorte que les travailleurs participent? Vous dites que 90 p. 100 de la main-d'œuvre doivent provenir de la localité. De fait, comme je l'ai déjà souligné, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que des gens se rendent à Goose Bay quand on y trouve des gens qui y résident déjà depuis un certain temps.

Il y a peut-être moyen de veiller à ce que les travailleurs soient représentés à l'occasion de la conférence des soumissionnaires, par exemple par un syndicat.

M. Richardson: Ce serait très inhabituel. Nous engagerons un contrôleur de l'équité. Il s'agira d'une tierce partie indépendante qui jouira d'un expérience considérable du processus de soumission et d'évaluation. Il suivra de près nos activités — c'est-à-dire celles de la Défense nationale et des Travaux publics — afin qu'on puisse s'assurer que le processus est juste, honnête et conforme aux règles.

D'ailleurs, il devient très difficile d'inviter les employés d'une entreprise donnée à observer l'évaluation, même s'ils sont susceptibles de travailler pour une autre entreprise dont la soumission serait retenue.

L'évaluation sera effectuée conformément à la demande de propositions. Nous veillerons à ce qu'un contrôle soit effectué. Le processus doit être équitable pour toutes les entreprises.

Le sénateur Rompkey: Monsieur le président, je souhaite donner à M. Young l'occasion de commenter les allégations relatives à la demande des Français.

M. Young: Merci, sénateur Rompkey, j'apprécie. En passant, j'aimerais rectifier trois autres questions qui, selon moi, sont erronées, et aborder l'interprétation de la situation touchant la France. Laissez-moi d'abord répondre aux points soulevés par les représentants syndicaux.

Ni la Défense nationale ni le bureau de Goose Bay n'ont augmenté les prix de façon à ce que les Américains quittent les lieux en 1990. Les forces aériennes des États-Unis n'ont jamais utilisé Goose Bay à des fins de formation au pilotage, comme l'ont fait les Anglais, les Allemands, les Néerlandais et les Italiens.

Les Américains ont contribué à fonder cette base en 1939 en raison, d'une part, de la Seconde Guerre mondiale et, d'autre part, de la Guerre froide, pour poster des forces américaines en Europe. Ils ont aussi utilisé la base aux fins de NORAD. Toutefois, ils ne l'ont jamais utilisée pour la formation au pilotage.

Quand la guerre froide a pris fin, en 1989-1990, et que le mur de Berlin est tombé, ils étaient, comme vous le savez tous, peu intéressés à maintenir des forces importantes en Europe ou à maintenir des bases, comme celle de Goose Bay, pour soutenir ces forces. Par conséquent, contrairement aux Anglais, aux Allemands et aux Néerlandais, qui étaient là à l'époque — les Italiens n'y étaient pas —, les Américains ont cru bon de réduire leurs coûts et de quitter Goose Bay. Il s'agissait non pas d'une décision concernant uniquement Goose Bay, mais bien d'une décision globale.

Deuxièmement, soyons clairs sur la question de la DMPS et sur son bien-fondé. En 1995-1996, nous avons négocié avec les alliés un nouveau PE très différent du PE précédent. Dans le PE auquel j'ai participé en 1996, les coûts communs étaient, pour des raisons de simplicité, partagés de façon égale. S'il y a quatre participants à Goose Bay, chacun assumera 25 p. 100 des coûts communs. Cette formule a l'avantage d'être claire, transparente et simple.

Le président: Pourquoi cela exigeait-il la DMPS?

M. Young: Un instant, monsieur, j'y arrive. Le problème, c'est que cette formule était injuste. Elle était injuste, car chaque fois que les Anglais voulaient se porter volontaires sur la scène internationale, comme à l'occasion de la guerre du Golfe, ils ne s'entraînaient pas à Goose Bay, et assumaient tout de même 25 p. 100 des coûts communs.

Ainsi, en 1996, nous avons élaboré un nouveau PE — deux ans avant la DMPS, monsieur le président — selon lequel nous allions affecter les coûts communs en fonction de l'utilisation. Les Allemands ont dit: «Nous comprenons que cela est équitable, mais nos coûts monteront en flèche, car nous utilisons la base plus que toute autre force aérienne.» C'est effectivement le cas. Leurs coûts ont monté en flèche.

Nous avons dû recourir rapidement à la DMPS, car les Allemands, en vertu du nouveau PE de 1996, assumaient les coûts en fonction de l'utilisation. Nous avons dû trouver un moyen de réduire les coûts. C'est la principale raison du recours à la DMPS. Sinon, la situation aurait pu occasionner un effet domino. Laissez-moi vous rappeler que les Italiens n'étaient pas là à l'époque. Les deux autres alliés auraient été durement touchés.

Troisièmement, l'allégation selon laquelle j'aurais, de quelque façon que ce soit, dit aux Français de ne pas venir en raison d'un manque d'espace est fausse. Je considère cette allégation comme une attaque personnelle et professionnelle fondée sur une déclaration trompeuse.

J'ai travaillé d'arrache-pied pour que les Néerlandais s'installent à Goose Bay en 1986. De même, j'ai travaillé dur pour que les Italiens viennent en 1995 et s'installent en permanence en 1999 et 2000. J'ai dit aux Français que, à moins de travailler avec les autres alliés de la base et les Forces canadiennes pour trouver de l'espace supplémentaire au chapitre de l'infrastructure, il n'y avait pas suffisamment d'infrastructure. Ne perdez pas de vue que les Anglais venaient juste de prêter leur excédent de capacité à nos amis italiens. Ils utilisent la moitié des hangars 8 et 7. Les Anglais n'ont plus d'excédent de capacité. Les Allemands en ont, et cet été, ils comptent l'utiliser pour accueillir des avions de transport français.

Ce que j'essaie de dire, finalement, c'est que nous avons amplement d'espace aérien, point qui a été soulevé auparavant, et que nous utilisons, sénateur Forestall, pour promouvoir Goose Bay. Toutefois, nous disposons actuellement d'une infrastructure limitée. Ce n'est pas parce que nous détruisons les installations par malveillance. Le commandant de la base tente de réduire l'infrastructure excédentaire.

Le sénateur Bolduc: On nous a remis le rapport de 1999 du vérificateur général. J'ai lu la plupart des sections du rapport avec soin. Sur cet aspect de la Défense nationale, je dois dire que, même si je savais qu'il y avait des sous- traitants, je ne pouvais me douter de l'étendue du recours à la sous-traitance.

Le vérificateur général n'était pas très impressionné en 1999. C'était, je dois le dire, un phénomène relativement nouveau. Maintenant, nous sommes en 2002. Avez-vous obtenu une rétroaction du vérificateur général concernant la DMPS? Il avait formulé une recommandation dans son rapport.

M. Richardson: Honorables sénateurs, le vérificateur général a préparé un rapport de suivi sur la DMPS, et je crois qu'il sera diffusé cet automne. Je n'ai pas pris connaissance de tous les détails concernant Goose Bay. Il exprime certaines préoccupations en ce qui concerne les économies réalisées, qui n'étaient pas aussi élevées qu'il l'espérait. Il a formulé des commentaires sur le besoin de miser sur les leçons tirées, ce que nous tentons actuellement de faire. Nous avons certainement tenté de faire cela à Goose Bay.

Il a formulé des commentaires sur la rigueur de l'analyse de référence. Certains de mes collègues et moi-même ne sommes pas d'accord. Nous ne sommes pas d'accord avec le vérificateur général. Les vérificateurs ont droit à leur opinion, façonnée par leur point de vue.

Dans le cas de Goose Bay, il faut tenir compte du fait que le processus de DMPS ne faisait que commencer. C'est l'une des premières bases à avoir passé d'un effectif de fonctionnaires à un effectif relevant d'un entrepreneur. Nous avons connu des débuts cahoteux, certes. Nous avons tiré des leçons. Nous croyons appliquer ces leçons correctement dans le cadre de la nouvelle demande de propositions, de façon à réaliser toutes les économies nécessaires pour maintenir la présence des alliés.

Le sénateur Forrestall: Monsieur Young, avez-vous répondu à une lettre de M. Ford, en date du 25 mars 2002, dans laquelle il pose des questions pertinentes au sujet de la formation du personnel de bord américain pour les C-130?

M. Young: J'ai répondu à la lettre que m'a postée M. Ford, si nous pensons à la même lettre. Je crois avoir fourni une réponse de trois ou quatre pages où je décris un certain nombre des initiatives que nous prenons et je réponds aux diverses questions qu'il soulève. Je ne suis pas certain de savoir à quelle question vous faites référence.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous présenté aux Américains une soumission dynamique concernant la formation relative aux appareils Hercule?

M. Young: Si je me rappelle bien, la lettre de M. Ford faisait allusion à la possibilité que la formation soit dispensée dans une autre localité de la côte Est.

Le sénateur Forrestall: Summerside.

M. Young: Summerside, par les forces américaines. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de ma réponse à cette lettre; il s'agissait d'une réponse complète et franche, qui faisait trois ou quatre pages. Je la remettrai à votre greffier. J'aimerais que vous la lisiez. Dans ma lettre, je laisse savoir à M. Ford que je ne suis pas au courant de ce programme de formation. Je ne suis même pas certain qu'il existe.

J'ai été en contact avec nos collègues américains, et j'ai tenu des séances d'information, à l'ambassade canadienne, afin de présenter aux responsables américains toutes les possibilités de formation à Goose Bay. Ils sont au courant de tout cela. J'ai présenté à leur attaché un exposé PowerPoint de trois heures sur les avantages de la formation à Goose Bay. Ils envisagent la base, ainsi que de nombreux autres endroits. Ce sera difficile de les attirer ici. Porto Rico a maintenant retiré ses installations destinées à la formation des forces aériennes. Cela nous ouvre une porte.

Le président: C'est tout, honorables sénateurs. Merci d'être revenus nous parler.

M. Richardson nous a dit que le vérificateur général a revu la situation au chapitre de la DMPS, et peut-être spécifiquement à l'égard de Goose Bay. Il a effectivement fait référence à Goose Bay.

Si ce rapport est déposé à temps, nous aurons l'occasion de l'examiner, et nous le verserons dans la documentation dont le comité tiendra compte. Nous aimerions peut-être le commenter dans notre rapport, si nous arrivons à faire tout cela avant le 12 juillet.

La séance est levée.


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