Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 44 - Témoignages du 18 juin 2002 (Séance de l'àpres-midi)


OTTAWA, le mardi 18 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit à 13 heures aujourd'hui pour étudier le contrat de gestion du terrain d'aviation de Goose Bay, au Labrador.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous reprenons notre examen de la situation de la base des Forces canadiennes de Goose Bay, au Labrador.

Nous entendrons des représentants du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, soit M. Goudie, M. Doug Smith et M. Peter Woodward.

M. Doug Smith, sous-ministre adjoint des Affaires intergouvernementales, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador: Honorables sénateurs, je suis très heureux de témoigner devant votre comité aujourd'hui.

J'aimerais tout d'abord vous transmettre les excuses de nos ministres respectifs, M. Ernest MacLean, des Affaires autochtones et M. Tom Lush, des Affaires intergouvernementales. Ils devaient tous deux venir témoigner aujourd'hui, mais ils ont été retenus à la Chambre d'assemblée par un débat sur l'accord de Voisey's Bay, auquel ils ne pouvaient vraiment pas se soustraire. Ils m'ont demandé de vous transmettre leurs meilleurs sentiments.

Je profite de l'occasion pour remercier le comité d'avoir publié en mars dernier un rapport sur l'efficacité et les améliorations possibles de la politique sur la péréquation. Vous le savez sûrement, le premier ministre Grimes a donné son appui au rapport de même que, selon ce que j'en ai compris, la communauté des affaires et les syndicats de la province.

J'espère que votre rapport sur le marché et la demande de propositions de Goose Bay, qui devait paraître hier, incitera le gouvernement fédéral à adopter une politique sur la 5e Escadre Goose Bay qui saura rallier toutes les parties, soit les travailleurs de Happy Valley—Goose Bay, le ministère de la Défense nationale, les Forces canadiennes, les forces alliées, le programme d'entraînement et la province.

Avant de parler de la DP, j'aimerais vous donner quelques perspectives concernant la base de Goose Bay et l'importance de la présence militaire canadienne à Terre-Neuve et au Labrador.

Vous le savez peut-être, la province de Terre-Neuve et du Labrador a toujours donné son soutien indéfectible aux Forces canadiennes. Pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide, on a bâti beaucoup de bases, dont plusieurs ont été désaffectées depuis, Malgré tout, la position stratégique de Terre-Neuve et du Labrador, à l'extrémité nord-est du continent nord-américain, continue d'en faire un centre et un appui importants pour les opérations de recherche et sauvetage, d'assistance aux activités navales des Forces canadiennes et étrangères, de même que pour l'instruction des forces aériennes de plusieurs des principaux alliés du Canada.

Ces installations font vivre des milliers de familles. On peut même affirmer que la présence militaire dans la province représente encore un atout nécessaire à la diversification de notre économie axée sur les ressources naturelles. L'appareil militaire fait depuis longtemps partie intégrante de la trame sociale et économique de notre province. L'importance de cette relation et l'engagement à soutenir les Forces canadiennes sont gravés dans la mémoire de la population, comme en fait foi le large nombre de citoyens de Terre-Neuve et du Labrador qui s'enrôlent dans les Forces armées canadiennes. En mars 2001, les résidents de notre province comptaient pour 9,6 p. 100 de la force militaire permanente du Canada, soit 5 595 membres actifs. S'ajoutent à ceux-là des centaines de résidents de notre province qui servent le Canada dans les Réserves, les cadets et les Rangers, et qui ont à coeur de défendre la souveraineté de notre pays. Si on considère que notre population représente 2 p. 100 seulement de la population canadienne, c'est une contribution plus que remarquable.

La province de Terre-Neuve et du Labrador a toujours été un élément primordial et central de la défense du pays, un rôle qui ne se dément pas. C'est pourquoi nous déplorons le fait que, sans égard à ce dévouement indéfectible, le ministère de la Défense nationale ne dépense pas plus, encore de nos jours, que 1 p. 100 de son budget dans la province. Il s'agit du plus bas ratio de dépenses par habitant dans tout le Canada atlantique, et l'un des plus faibles au pays.

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador accorde beaucoup d'importance au maintien de la présence alliée chez nous, surtout à Goose Bay. De fait, le dossier militaire est aux premiers rangs dans le programme du Secrétariat des Affaires intergouvernementales. Actuellement, les Forces canadiennes exploitent la 5e Escadre Goose Bay afin d'offrir un cadre d'entraînement aux forces allemandes, néerlandaises, britanniques et italiennes. En 1993, la base employait 1 500 personnes environ, y compris des civils, des militaires, du personnel saisonnier et des sous-traitants. En 1994, à la publication d'un livre blanc à grande portée qui enjoignait le ministère à réduire considérablement ses dépenses et ses ressources, son personnel et ses infrastructures, le MDN s'est vu obligé d'améliorer ses pratiques commerciales et, dans la mesure du possible, il a confié au secteur privé certaines fonctions de soutien interne et non essentielles. Le nouveau processus a été baptisé «différents modes de prestation des services», ou DMPS. Depuis, l'effectif a subi de très importantes baisses. Ainsi, en 1993, quelque 500 militaires canadiens travaillaient sur la base, mais ils ne sont plus que 90 aujourd'hui. En 1993, la base employait quelque 1 000 permanents et travailleurs saisonniers civils; il en reste tout au plus 400. La réduction des postes imposée par le processus DMPS avait pour dessein la rentabilisation de la base et, par voie de conséquence, la réduction des coûts pour les partenaires alliés, ce qui devait assurer sa viabilité à long terme.

La province attend toujours qu'on lui démontre que les sacrifices entraînés par le programme DMPS ont permis aux alliés de jouir de services moins coûteux.

En décembre 1997, le MDN annonçait que Serco Facilities Management, une filiale canadienne du groupe britannique Serco, avait obtenu le contrat de prestation des services non essentiels de soutien de l'infrastructure liés aux programmes d'entraînement au vol des Forces canadiennes et des forces alliées à la 5e Escadre Goose Bay. Au cours de l'été 1999, des tensions entourant la négociation des contrats de travail sur la base ont mené à une grève des employés de Serco, qui a paralysé en grande partie les activités d'instruction des Alliés. Les parties ont finalement trouvé un terrain d'entente et les relations de travail sont paisibles depuis. Cependant, les habitants de Happy Valley — Goose Bay s'inquiètent de ce qu'il adviendra des droits des travailleurs sous le règne du prochain contrat.

Le contrat de Serco vient à expiration en 2003. Le MDN est actuellement en processus d'adjudication d'un nouveau contrat de 11 ans, aux termes duquel le soumissionnaire retenu assurera les services civils sur la base jusqu'à 2014. Ce matin, nous avons été soulagés d'entendre M. Young affirmer que la nouvelle DP exigeait expressément que, pour franchir l'étape de l'évaluation, le soumissionnaire devait démontrer que les salaires et les avantages sociaux offerts aux fins d'exécution du contrat étaient suffisants pour prévenir une quelconque interruption des services due au mécontentement des employés. Un autre conflit de travail pourrait être catastrophique pour l'avenir de l'aviation militaire à la 5e Escadre Goose Bay.

Les activités aériennes militaires à la 5e Escadre entraînent des retombées économiques d'une importance capitale. À Goose Bay, elles génèrent des emplois équivalant à 1 350 années-personnes, elles ajoutent 67,9 millions de dollars au PIB et 21,45 millions de dollars aux recettes globales du gouvernement. Voilà ce qu'en retire le gouvernement fédéral.

Pour l'ensemble de la province, ces activités représentent des emplois équivalant à 1 728 années-personnes, elles ajoutent 90,1 millions de dollars à notre PIB et 28,5 millions de dollars au trésor du gouvernement provincial.

Ces chiffres sont extraits d'un rapport de l'Institut pour la surveillance et la recherche environnementales, publié le 6 octobre 2000. Nous serons heureux de le remettre au comité.

Compte tenu des avantages très substantiels que la communauté de Happy Valley — Goose Bay et la province retirent de la base, le gouvernement provincial a toujours accordé beaucoup de sérieux à son rôle de soutien et de promoteur du programme d'instruction militaire au Labrador, qui a été attesté sans risque pour l'environnement. Pour soutenir le programme, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a cédé des terrains de la province au gouvernement fédéral, pour qu'il puisse y conduire des activités militaires telles que des bombardements d'exercice et des simulations de photomitrailleuses. Plus récemment, nous avons autorisé la cession de terrains additionnels de 2 000 km2 au fédéral afin que les Alliés puissent larguer des bombes d'entraînement améliorées à plus haute altitude et à plus grande distance. Dans la mesure du possible, la province s'est efforcée de soutenir l'appareil militaire et de faire du Labrador un lieu d'entraînement attrayant.

De plus, la province a adopté diverses mesures pour améliorer la qualité de vie du personnel allié en service à Goose Bay. Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a autorisé leurs enfants à intégrer le système d'éducation primaire sans frais et les familles du personnel affecté en permanence à Goose Bay reçoivent des soins médicaux gratuits sous les auspices du régime de santé de la province. Par ailleurs, la province offre au personnel allié des exonérations de taxe provinciale harmonisée à l'achat de véhicules, sous réserve de son expédition ultérieure dans leur pays d'origine en Europe.

Ces contributions de la province ne lui ont pas été imposées: elles sont le reflet de son soutien au déroulement d'activités militaires au Labrador et de sa reconnaissance à l'égard de l'apport substantiel de la base de Goose Bay à l'économie de la communauté et de la province.

J'aimerais vous remercier de m'avoir écouté avec indulgence jusqu'ici, mais je crois qu'il est important de remettre les choses en contexte. Notre province fait tout son possible pour prêter main forte aux Forces canadiennes. Nous en retirons de grands avantages — plus précisément les importantes possibilités de développement économiques issues de la base de Goose Bay et des activités d'entraînement des Alliés. Nous souhaitons le maintien de cette présence, pour continuer de profiter des possibilités qui en découlent et de les développer.

Malheureusement, nous avons des raisons de croire que ce souhait ne sera pas réalisé. Les forces aériennes de la Grand-Bretagne, de l'Allemagne, de l'Italie et des Pays-Bas s'entraînent à Goose Bay aux termes d'un protocole d'entente qui expirera en 2006. Au cours des dernières années, des signes ont montré un fléchissement de leur engagement à l'égard du programme d'entraînement des alliés à Goose Bay. La fin de la guerre froide et les réductions budgétaires au sein de leurs propres gouvernements nationaux ont provoqué des baisses importantes des budgets militaires nationaux, comme c'est le cas chez nous.

Qui plus est, nous sommes convaincus que le ministère de la Défense nationale considère que la 5e Escadre Goose Bay n'est rien d'autre qu'un lieu d'instruction des forces de l'OTAN. Il n'a rien fait jusqu'à maintenant pour convaincre les alliés de rester. De fait, dans une allocution préparée par le Bureau de gestion de Goose Bay, on affirme sans détour que, malgré des investissements annuels de plus de 25 millions de dollars à Goose Bay et dans les Forces canadiennes, et je cite: «Le MDN n'a pas besoin de la base, il ne l'utilise pas et il n'en veut pas.» Bien que les alliés investissent quelque 75 millions de dollars par année au Canada, et le MDN autour de 25 millions à Goose Bay, la base n'est pas une priorité aux yeux des décideurs des Forces canadiennes parce qu'elles ne tirent aucun bénéfice de ses installations d'entraînement. Les retombées de ce désintéressement sont très évidentes.

L'automne dernier, la Royal Air Force a annoncé qu'elle réduirait son effectif permanent à Goose Bay de 120 à 20 membres environ. Les Forces aériennes italiennes ont pour leur part reporté la construction d'un hangar d'une valeur de plusieurs millions de dollars, et rien ne garantit qu'il sera construit un jour. Dernièrement, les Forces aériennes royales néerlandaises ont annoncé qu'elles procédaient à l'examen de leur programme militaire à Goose Bay et qu'elles envisageaient de regrouper toutes leurs opérations en sol nord-américain aux États-Unis. Comme vous l'avez appris plus tôt, nous connaîtrons les résultats de cet examen cet été.

Du point de vue canadien, nous comprenons que des facteurs tels que les décisions et les priorités des gouvernements étrangers sont à l'oeuvre. En revanche, la province demeure convaincue que le Canada et le ministère de la Défense nationale doivent promouvoir avec plus de conviction les extraordinaires possibilités du Labrador au chapitre de l'instruction militaire.

La coordination des activités militaires de la 5e Escadre Goose Bay relève conjointement de la base et du Bureau de gestion de Goose Bay, à Ottawa. La base voit à la gestion des opérations militaires courantes des Alliés, tandis que le BGGB administre les protocoles et les lois sur l'environnement et agit à titre d'agent de liaison pour la promotion et la planification à long terme des activités militaires.

La 1re Division aérienne du Canada, à Winnipeg, joue aussi un important rôle dans les activités de la base. Il est arrivé à l'occasion que ces différents organismes arrivent mal à coordonner leurs activités. Il faut aussi souligner que la question de l'emplacement du Bureau de gestion de Goose Bay revient constamment, particulièrement dans la ville de Happy Valley — Goose Bay. Les résidents ont le sentiment que la distance avec son partenaire industriel, Serco, et la réalité opérationnelle de la base ne facilitent pas la gestion et nuit aux efforts de développement commercial à Goose Bay.

Certes, on a apporté certaines améliorations à l'infrastructure de la base, mais il en faudrait beaucoup plus pour assurer aux forces aériennes de l'OTAN des conditions d'instruction adéquates et efficaces. Notamment, les logements pourraient être rehaussés, de même que les outils et le matériel d'instruction de base. Il faut concerter les efforts pour fournir aux forces aériennes de l'OTAN l'équipement et les services qui leur permettront d'offrir un entraînement efficace et efficient, avec du matériel militaire de pointe. Actuellement, on s'est préoccupé uniquement de leur offrir un espace aérien, ce qui est nettement insuffisant.

Aux dires des alliés, les possibilités d'entraînement au vol à basse altitude qui ont fait la réputation du Labrador ne suffisent plus pour justifier leur présence à Goose Bay. À notre avis, les gouvernements fédéral et provincial devraient saisir cette occasion de moderniser et d'améliorer les capacités d'instruction offertes aux forces alliées par la 5e Escadre. Dans cette optique, il faudra collaborer avec nos alliés pour éviter du travail inutile.

La province et le Bureau de gestion de Goose Bay du MDN ont déjà fait des progrès en ce sens. Je crois toutefois que la présence militaire au Labrador dépend grandement de l'amélioration de la coopération entre les deux paliers de gouvernement, les parties intéressées de la municipalité et l'industrie. C'est le seul moyen de garantir aux alliés des coûts d'instruction raisonnables et des services de qualité.

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador veut avoir l'assurance que le Canada souhaite conserver la base, qu'il souhaite améliorer les services et les installations, et qu'il entend faire la promotion de son potentiel aux utilisateurs actuels et éventuels. L'augmentation du nombre de militaires canadiens sur la base contribuerait énormément à illustrer cet engagement. J'aimerais signaler à cet effet que la Force aérienne canadienne ne s'entraîne pas à Goose Bay. La nécessité d'assurer une présence plus régulière des Forces canadiennes à Goose Bay est devenue manifeste après les événements du 11 septembre — il a fallu des heures au gouvernement canadien pour déployer des CF-18 de Bagotville à Goose Bay afin d'assurer la protection de notre espace aérien. Heureusement, aucune autre menace n'a plané sur notre ciel car le temps d'intervention de la force militaire dans cet espace aérien se serait certainement soldé par des conséquences encore plus tragiques.

Le renouvellement du contrat avec un fournisseur civil de services à la 5e Escadre procure au gouvernement fédéral, par l'entremise du ministère de la Défense nationale, une occasion unique de collaborer avec le secteur privé à l'amélioration de la qualité et de la portée des opérations militaires au Labrador. L'ouverture du programme à l'industrie permettra aux entreprises privées de tirer profit des possibilités d'investissement de la base — par exemple, dans la construction et la location de hangars, ou dans de nouvelles technologies militaires telles que des systèmes d'enregistrement des impacts. Ainsi, le secteur privé pourra payer sa part des dépenses inhérentes à la modernisation, un fardeau que se partage actuellement le MDN et les alliés. Le prochain contrat devra absolument habiliter et inciter l'adjudicataire à chercher d'autres utilisateurs, un aspect complètement absent du dernier contrat. Résultat: Goose Bay est restée un canard boiteux à l'intérieur du programme canadien d'entraînement des forces militaires étrangères.

Dans l'ouest du Canada, si notre information est exacte, le gouvernement fédéral a obtenu de bons résultats en général avec le Programme d'entraînement au vol de l'OTAN au Canada, ou NFTC. Le programme est offert aux pilotes de chasse, diplômés ou non, des pays intéressés à suivre un programme agréé par l'OTAN. Le programme NFTC se déroule dans des bases militaires de l'ouest du Canada, soit Cold Lake, Moose Jaw et Portage la Prairie, avec la collaboration du gouvernement canadien et de Bombardier.

Le fédéral assume la responsabilité globale du programme; le MDN supervise la gestion, l'infrastructure en place et les pilotes instructeurs.

Pour sa part, Bombardier représente l'entrepreneur principal pour l'industrie aérospatiale internationale; elle fournit des services et du matériel, y compris les aéronefs. Notre province voudrait qu'on évalue si la 5e Escadre présente les caractéristiques requises pour participer au programme NFTC ou s'il est possible d'articuler les opérations de la base en s'inspirant du modèle de ce programme grâce auquel ces bases de l'ouest du Canada ont pu inciter des forces étrangères à venir s'installer chez elles.

La structure du contrat de services devrait permettre d'appliquer cette approche. Devant cette réussite manifeste du programme NFTC, il appert que le MDN a tout intérêt à tirer profit de l'expérience commerciale du secteur privé et de nouer des partenariats financiers dans des domaines tels que le marketing international, l'aménagement d'installations permanentes et l'acquisition de technologies. Il faut analyser de près les possibilités d'application de ces nouvelles avenues à Goose Bay.

Goose Bay présente d'autres atouts exceptionnels qui en font un lieu idéal pour d'autres types d'activités d'instruction militaire. Parmi les possibilités mentionnées, citons notamment l'instruction de survie, l'entraînement au vol supersonique et le pilotage d'hélicoptère. Toutes ces possibilités demandent à être examinées de plus près, pour en déterminer la faisabilité sur les plans militaire et environnemental compte tenu des conditions au Labrador.

Monsieur le président et distingués membres du comité, le gouvernement de Terre-Neuve entend faire sa part pour assurer la poursuite des opérations à la base de Goose Bay. Le ministre Lush a écrit au nouveau ministre de la Défense nationale pour fixer avec lui une rencontre sur la question. Il propose une collaboration plus étroite entre la province et le MDN, qui doivent prévoir ensemble une ligne de conduite compte tenu de l'expiration imminente du protocole d'entente et des négociations à entreprendre pour son renouvellement. Nous avons par ailleurs proposé la mise en place d'un processus formel de planification pour assurer, de concert avec les groupes locaux intéressés, le meilleur avenir possible à la base.

La base de Goose Bay en est à la septième année d'un protocole d'entente de dix ans. Malheureusement, malgré un embryon de collaboration en vue d'améliorer certains aspects du programme d'instruction des alliés à Goose Bay, le MDN ne semble pas y voir une priorité. Étant donné l'apport considérable et crucial des investissements de l'appareil militaire au Labrador, la province s'inquiète du silence du MDN au sujet de l'avenir de la 5e Escadre Goose Bay. Cette question restera au coeur des priorités de notre gouvernement, et nous attendons avec impatience la publication de votre rapport pour faire progresser le débat de façon constructive.

Le sénateur Doody: Merci, monsieur Smith. Votre allocution était fort bien articulée. J'ai entendu des remarques sur votre accent. Je tiens à vous dire que je vous comprends sans problème. Certaines personnes ont effectivement un accent, mais à Terre-Neuve et au Labrador, nous parlons un anglais impeccable.

Monsieur Smith, ce matin, des témoins ont qualifié de très mitigé l'engagement du MDN à l'endroit de Goose Bay. L'un d'eux a même prétendu que le MDN serait fort heureux de voir disparaître la 5e Escadre et de ne plus en entendre parler.

Cependant, si les militaires canadiens se retirent, les installations d'instruction disparaîtront-elles pour autant? Cela me semble ridicule. Pourquoi entretenir des installations militaires qui servent à l'instruction des forces d'autres pays, même si ce sont nos alliés? Quoi qu'il en soit, c'est ce que j'ai déduit des témoignages entendus jusqu'ici.

M. Smith: Je ne crois pas que la base pourrait survivre sans la présence des militaires canadiens. Les militaires parlent le même langage. Ils se comprennent. Ils comprennent les besoins opérationnels les uns des autres. À notre avis, nous avons une occasion inestimable d'augmenter le partenariat entre le public et le privé. Toutefois, nous ne pourrions pas exploiter efficacement ces lieux sans la présence de militaires canadiens.

Le sénateur Doody: Cela signifie que le gouvernement canadien doit s'engager fermement à maintenir une présence militaire à Goose Bay, sans quoi son avenir est en péril. Sans cette présence militaire, l'avenir économique de Goose Bay semble plutôt sombre.

M. Peter Woodward, président, Premier's Advisory Council on the Economy and Technology, gouvernement de Terre- Neuve et du Labrador: Le ministère de la Défense nationale a été la cible de commentaires assez durs depuis ce matin, c'est le moins qu'on puisse dire. Si le MDN se montre si désintéressé du sort de Goose Bay, c'est en raison de ses propres contraintes budgétaires. Le ministère dépense 20 millions de dollars par année à Goose Bay. Or, la Force aérienne, pour citer un exemple, voudrait faire des modernisations à mi-vie sur ses F-18. Le MDN aimerait bien détourner les 20 millions engagés à Goose Bay pour mettre à exécution des projets plus prioritaires aux yeux des Forces canadiennes. À mon avis, c'est un problème interne. Le BGGB veut bien faire la promotion de Goose Bay, mais il va à contre-courant de son propre ministère, qui lui rétorque: «Nous ne voulons plus dépenser 20 millions de dollars à Goose Bay. Nous voulons moderniser les F-18. Nous pourrions moderniser 2 appareils chaque année avec l'argent que nous dépensons là-bas.» Ce sont les aléas de la bureaucratie ministérielle. On entend partout que la base doit faire de l'argent, mais nous avons plutôt l'impression de ne rien coûter aux contribuables canadiens. Pourtant, le MDN considère que la base représente un coût dans son budget.

Nos militaires ont été présents à Lahr et à Baden pendant de nombreuses années, et ils sont devenus familiers avec les Allemands. Ils s'attendaient à y rencontrer d'autres militaires. À mon avis, les militaires sont très frustrés quand ils découvrent que nos militaires ne s'entraînent pas à Goose Bay. Pourquoi voudraient-ils continuer de s'entraîner à Goose Bay alors que le Canada lui-même n'utilise pas les lieux?

Le sénateur Doody: M. Smith nous a indiqué qu'il faudrait renouveler et moderniser l'infrastructure de la base. Si ces travaux étaient faits, peut-être serait-il plus facile de trouver de nouveaux utilisateurs pour les installations d'instruction.

Quelle a été l'ampleur des investissements du Canada dans l'infrastructure de Goose Bay au cours des dernières années? M. Woodward est encore le mieux placé je crois pour répondre à cette question.

M. Woodward: C'est mon pays d'origine, comme vous le savez.

Les Forces canadiennes ont investi un peu d'argent à Goose Bay, mais je dirais que les alliés ont assumé plus de 90 p. 100 des coûts de l'infrastructure permanente, par l'entremise du gouvernement canadien ou directement. Le Canada a récupéré le coût de ses investissements auprès des alliés. Par exemple, si vous venez à Goose Bay, vous verrez que la grande partie des structures, bien qu'elles aient toutes été modernisées, sont des vestiges de la présence américaine. La seule exception vient de l'Allemagne, qui a investi 50 millions de dollars pour construire un hangar pour ses propres aéronefs.

Le sénateur Doody: Ce n'est pas récent.

M. Woodward: Ce sont les hangars de mise à quai de front où on mettait jadis les KC-97. Les Allemands ont dépensé 5 millions de dollars environ pour chacun. Depuis leur installation permanente en 1982-1983, ils ont investi près de 150 millions de dollars à Goose Bay, qui ont servi notamment à la mise en place d'installations sociales, de dortoirs et de casernes.

Les Néerlandais ont été moins actifs, mais leurs dépenses doivent tout de même atteindre les 20 millions de dollars. Les Italiens, arrivés depuis peu à Goose Bay, ont investi 10 millions de dollars. On dépense beaucoup d'argent, tout le temps, et des entreprises de construction canadiennes en tirent profit. Même les coûts d'amélioration des pistes sont récupérés auprès des alliés selon une formule négociée avec eux par le MDN.

Le sénateur Doody: Est-il raisonnable de supposer que, si l'État canadien investissait plus d'argent dans l'infrastructure, il serait possible d'attirer d'autres clients de l'OTAN ou d'autres forces alliées?

M. Woodward: Les Français ont déjà utilisé nos installations. Les Italiens, c'est notoire et Frank Young en a parlé ce matin, sont venus, les ont utilisées, sont partis pendant plusieurs années, puis sont revenus. Les Français sont restés tout l'été dernier avec leurs chasseurs Mirage. Ils ont aimé leur expérience de vol, je crois, mais ce n'était pas l'altitude à laquelle ils voulaient s'entraîner. Ils voulaient s'entraîner avec les Allemands, ce qui n'était pas possible cet été.

Ils ont décidé de ne pas venir. Les raisons de la venue ou non d'une force sont souvent complexes. Je crois que les Français s'attendaient à faire beaucoup plus de sorties à haute altitude cette année, mais les Allemands ne comptaient pas faire ce type d'entraînement cet été. Les Français ont alors annoncé que si les Allemands n'étaient pas intéressés, ils n'avaient aucun intérêt à venir à Goose Bay.

Les Norvégiens et les Danois sont aussi venus faire de l'entraînement à Goose Bay. La proximité avec le continent européen est leur principal motif. Nous avons l'avantage de pouvoir mettre à leur disposition un espace aérien de 100 000 kilomètres carrés. Nous avons beaucoup d'atouts. Cependant, les transactions avec les forces étrangères, aux prises avec leurs propres contraintes budgétaires, sont devenues très complexes. Les Allemands ont construit une base de 200 millions de dollars à Holloman. À mon avis, cette décision a fortement été influencée par l'ex-chancelier Kohl et l'ex- président des États-Unis, et par la possibilité de réutiliser une base en voie de désaffectation. Ce genre de considérations pèsent aussi très lourd dans la balance.

Le sénateur Doody: Ce matin, nous avons entendu des propos assez inquiétants concernant le refus d'une demande d'installation des forces françaises à Goose Bay; elles proposaient de bâtir leurs propres installations tout en ayant accès aux installations d'instruction. La demande aurait été refusée en raison du manque d'espace. Plus tard, il a été précisé qu'il manquait d'espace physique pour le personnel. Voilà pourquoi je vous demande si l'investissement dans l'infrastructure permettrait d'attirer de nouveaux clients.

M. Woodward: Une partie de cette information vient de l'extérieur du BGGB. Nous recevons souvent des demandes de militaires en transit à Goose Bay qui veulent utiliser les installations. Il peut arriver qu'aucune caserne ne soit disponible, ou que ceux qui traitent les demandes ne soient pas intéressés à leur donner suite en raison du travail supplémentaire que cela suppose. Ce sont des choses possibles.

Actuellement, beaucoup d'aires de trafic et d'autres installations du genre sont disponibles à Goose Bay. Cependant, il peut manquer d'espace dans les hangars. Vous avez entendu parler de projets de construction d'un hangar annulés par les Italiens. Le projet a été annulé parce que la RAF ayant réduit ses activités, il se trouvait un grand hangar libre, que les Italiens ont récupéré.

Les installations sont nombreuses, même s'il faut admettre que certaines ont besoin de rénovations, surtout dans les zones aériennes, pour permettre aux utilisateurs de diversifier leurs manoeuvres. On a parlé des vols à basse altitude. Leur maîtrise est devenue moins primordiale aujourd'hui en partie parce que la zone névralgique se trouve dorénavant dans la Méditerranée, où il n'est pas nécessaire d'éviter des radars perfectionnés. Dans cette région, il faut surtout se méfier des petites armes portatives qui peuvent abattre des avions relativement perfectionnés. Si un avion survole une région à 100 pieds d'altitude, il a peu de chances d'éviter ces tirs. On vise maintenant une altitude de 15 000 pieds, parce que les aéronefs sont beaucoup moins à portée de ces petites armes.

Le sénateur Rompkey: Je n'ai pu m'empêcher de sourciller quand vous avez fait allusion à la péréquation. Si on tient compte des sommes recouvrées, un montant de 20 millions de dollars semble assez insignifiant. Cependant, j'aimerais que vous mettiez la situation de Goose Bay en perspective. Il se trouve trois usines de papier sur l'île. Comment se classe la base de Goose Bay par rapport à ces usines sur le plan de la création d'emplois et de l'apport au PIB?

M. Smith: Je n'ai pas les chiffres exacts, sénateur, mais je crois que l'apport de la base au PIB est supérieur à celui de deux de ces usines, peu importe lesquelles, combinées.

Le sénateur Rompkey: Il est important de mettre cela en perspective.

Le sénateur Forrestall: Cela comprend-il la valeur du bois?

M. Woodward: Oui.

Le sénateur Rompkey: Je voulais simplement faire une comparaison avec le secteur forestier. J'aurais pu choisir le secteur de la pêche ou des mines. Je voulais comparer l'apport économique.

On a parlé de la collaboration entre le gouvernement et le MDN en vue de maintenir, de promouvoir et d'améliorer la base. Pouvez-vous élaborer sur cette question? Aimeriez-vous augmenter votre participation? Avez-vous l'impression que votre gouvernement a été consulté? La province est-elle toujours mise au courant de ce qui se passe?

M. Smith: Sénateur, si vous m'aviez posé la question voilà un an, ma réponse aurait été différente.

Notre relation avec le Bureau de gestion de Goose Bay s'est beaucoup améliorée au cours de cette dernière année. Nous avons des deux côtés fait beaucoup d'efforts pour nous tenir mutuellement informés de ce qui se passe. Cela étant dit, nous reconnaissons sans difficulté que la base relève entièrement du fédéral. Le ministère de la Défense nationale assume la responsabilité globale. Il prend les décisions.

Certes, les choses ont progressé, mais il reste encore matière à amélioration. Nous sommes désireux de travailler plus étroitement, de coopérer avec nos collègues du Bureau de gestion de GooseBay, de la 5e Escadre, de la 1re Division aérienne du Canada et, il va sans dire, du ministère de la Défense nationale.

Selon nous, toute la communauté, y compris le conseil municipal, le syndicat et, bien entendu, la chambre de commerce, doivent prendre une part active dans le processus de consultation sur l'avenir de Goose Bay. Nous entendons poursuivre sur notre lancée. Le BGGB fait beaucoup actuellement, mais il y a encore place à l'amélioration de toutes parts.

Le sénateur Rompkey: Quand on vous a demandé si Goose Bay pouvait survivre sans la présence militaire, vous avez répondu par la négative. Vous avez cependant parlé d'un type différent de partenariat.

Nous avons cherché des avenues de rechange. Admettons que le mode actuel ne soit pas le seul possible. Existe-t-il à votre avis un autre mode d'exploitation qui permettrait une certaine participation militaire à Goose Bay?

M. Smith: Comme je l'ai souligné dans mon allocution, j'aime beaucoup le modèle du NFTC. Il a donné d'assez bons résultats dans l'Ouest. Il a permis d'améliorer les possibilités d'instruction pour les Forces canadiennes et d'offrir à nos alliés des installations d'instruction de qualité. C'est un bel exemple de partenariat entre le public et le privé. Bombardier fournit le matériel, le soutien et les compétences en marketing, des ingrédients essentiels à la croissance et à l'expansion du programme.

Nous pensons que ce modèle serait excellent pour nous, que le lien soit direct avec le programme NFTC ou qu'on l'adapte aux conditions particulières du Labrador.

M. Woodward: Il faut souligner que le programme NFTC a été conçu parce que notre Force aérienne subissait des réductions et qu'il devenait nécessaire d'atteindre une masse critique qui permettrait à nos pilotes de poursuivre leur entraînement et atteindre les compétences exigées pour le pilotage de F-18. Bombardier a proposé de former des pilotes étrangers et canadiens. Tout dernièrement, la République tchèque a signé un accord pour que ses pilotes viennent s'entraîner dans l'ouest du Canada.

Dans une certaine mesure, ce sont des compétiteurs de Goose Bay, tout comme Cold Lake. À leur arrivée ici, au début des années 80, les forces étrangères s'entraînaient au vol exclusivement à Goose Bay.

Peu à peu, parallèlement à leur retrait d'Allemagne, nos militaires ont cherché à établir des liens avec les pays de l'OTAN et les ont invités au Red Flag, un exercice annuel qui a lieu à Cold Lake.

Au début, même si beaucoup d'aéronefs allemands allaient à Cold Lake, il n'y avait pas de conséquences pour les exercices de vol à Goose Bay. Les aéronefs atterrissaient à Goose Bay, puis poursuivaient jusqu'à Cold Lake. Ces dernières années, à mesure que les ressources des pays de l'OTAN fondaient, les mêmes aéronefs ont cessé de venir à Goose Bay avant d'aller à Cold Lake. La Force aérienne royale néerlandaise, notamment, est venue à Goose Bay pour deux ou trois semaines ce printemps, puis les aéronefs sont partis pour Cold Lake pour six semaines. Ils ne reviendront pas à Goose Bay avant le début de juillet.

Voici donc que cette activité de Cold Lake, a priori inoffensive pour Goose Bay, détourne la clientèle. L'apport économique dont Goose Bay profitait auparavant s'est déplacé vers Cold Lake. Tout le personnel a été mis à pied pour une période de six semaines, jusqu'au retour des Néerlandais.

La même chose se produit avec les Allemands. Normalement, 24 de leurs appareils devraient voler sur Goose Bay durant la saison. Cette année, ils seront douze seulement; les 12 autres ont été délogés vers Cold Lake.

Si la base de Goose Bay n'existait pas, je ne sais pas si les Forces canadiennes pourraient inviter ces étrangers à venir à Cold Lake, et s'ils y viendraient. Ce que je sais, c'est que Cold Lake draine toute l'activité qui profitait jadis à Goose Bay. Cela met le BGGB dans une situation délicate puisque le MDN cherche des personnes intéressées à voler à Cold Lake, pour constituer la masse critique nécessaire à l'acquisition de compétences de sa force aérienne, alors que le BGGB tente de faire la promotion de l'entraînement au vol à Goose Bay.

Le sénateur Kinsella: La Memorial University a-t-elle un campus à Goose Bay?

M. Woodward: Oui, le Centre of Northern Studies.

Le sénateur Kinsella: La province a-t-elle envisagé de développer la formation et le perfectionnement techniques dans les domaines de l'aéronautique et des sciences liées au transport aérien dans la région de Goose Bay?

M. Woodward: Le campus universitaire s'intéresse exclusivement à l'atténuation des retombées environnementales. Des investissements de l'ordre de 2 millions de dollars, dont la grande partie vient des alliés, sont consacrés à des études sur l'environnement et sur la faune et les ressources hydriques du Labrador. Dans la plupart des cas, les travaux sont confiés par contrat à des professeurs d'université et des chercheurs.

Le sénateur Kinsella: Existe-t-il alors un collège communautaire ou un institut de formation technique? Trouve-t-on un campus de ce genre?

M. Woodward: Oui, il y en a un. Il se spécialise dans la formation technique sur équipement lourd des terrains d'aviation et dans d'autres domaines liés. Il offre aussi de la formation en électronique à l'intention des opérateurs radar. Outre les militaires de Goose Bay, les employés de Système d'alerte du Nord les utilisent aussi.

Le sénateur Kinsella: Si j'ai bien compris les propos de certains témoins ce matin, l'actif a une valeur de 1 milliard de dollars. Avec un tel capital, peu importe le domaine d'activités, les intéressés attendent certainement des administrateurs qu'ils se montrent créatifs, novateurs et visionnaires pour optimiser le rendement des investissements.

La stratégie de marketing de Goose Bay est-elle assez créative, assez dynamique? Je soupçonne des failles dans le marketing. Qu'en est-il du modèle de gestion et de marketing? Seriez-vous en faveur de la création d'un groupe de travail fédéral-provincial chargé d'étudier la stratégie de marketing de Goose Bay?

M. Smith: Je répondrai brièvement, monsieur, que nous aimerions en effet qu'un tel groupe soit formé.

Le sénateur Kinsella: À titre de partenaire provincial, seriez-vous ouvert à ce qu'on favorise la convergence d'initiatives de développement économique de diverses origines dans la province, de la production de pétrole brut jusqu'aux travaux de recherche fascinants de l'université dans les domaines de pointe? On pourrait ainsi briser le carcan du client unique et explorer des avenues de recherche sur les applications militaires novatrices durant le premier quart du nouveau millénaire.

Il me semble qu'on se complaît beaucoup dans des analyses passéistes. Outre quelques remarques sur des ordonnances relatives à des armes à guidage laser ce matin, rien n'a été dit sur des projets concernant les applications militaires et civiles.

J'aimerais que vous nous parliez des mesures attendues des deux échelons de gouvernement, plutôt que des moyens que devrait mettre en place un ministère unique pour rentabiliser de façon optimale une infrastructure qui vaut 1 milliard de dollars.

M. Woodward: Il se passe à Goose Bay des choses dont on n'a pas parlé aujourd'hui. Je sais qu'on a évoqué l'intérêt certain suscité par la mise au point de véhicules aériens sans pilote, qui ne transporteraient ni missile ni explosif, et qu'on utilise pour l'espionnage et le transport de paillettes en zone de guerre.

Il y a rivalité d'intérêt. Le MDN sera le premier à admettre qu'il aimerait mieux que Goose Bay soit ailleurs. Il a beaucoup de difficulté à envoyer du personnel à Goose Bay. À mon avis, cette réticence est due en grande partie au fait que cette force aérienne se retrouve sans aéronefs. Comment intéresser quelqu'un qui veut avoir une carrière intéressante dans le domaine de l'aviation à aller à Goose Bay? Les pilotes de F-18 n'aiment pas beaucoup être confinés à un bureau. Comment allez-vous les convaincre d'aller à Goose Bay pour quatre ans, avec la promesse qu'ils n'auront aucune chance de piloter un avion?

Cependant, des projets sont à l'étude. L'un concerne les véhicules aériens sans pilote, qui peuvent voler sur de longues distances dans les zones non peuplées. Ce domaine offre beaucoup de possibilités de formation, de création de programmes universitaires et collégiaux de perfectionnement des compétences, dont nous ne profitons pas pour l'instant.

Nous disposons d'un lieu exceptionnel. Des hangars de la base de Goose Bay peuvent loger des DC-10.

Il n'existe pas d'autres hangars pour DC-10 dans l'est du Canada. C'est pour vous dire la qualité de nos installations. C'est là où je suis né et c'est pour moi un endroit merveilleux, mais ce n'est malheureusement pas l'avis de tous. Beaucoup de Terre-Neuviens affectés à Goose Bay demandent une prolongation. En vérité, les quatre derniers colonels allemands affectés à Goose Bay ont demandé une prolongation. Seulement le dernier ne l'a pas obtenue. Son seul problème a été de passer trois ans à Goose Bay, alors qu'il devait y rester pendant cinq ans.

Le sénateur Kinsella: Y a-t-il eu des lancements de satellites à partir de Goose Bay?

M. Woodward: À ma connaissance, la seule base de lancement de satellites se trouve dans la région de Churchill. Ce qui n'enlève rien au fait que Goose Bay soit l'endroit idéal pour ce genre d'activité. Le temps qu'il fait à Goose Bay représente l'un de ses principaux atouts, étant donné que nous sommes à 100 milles seulement de l'océan.

Le sénateur Stratton: J'aimerais revenir sur votre introduction, monsieur Smith. On a fermé la base de Portage La Prairie depuis longtemps. Le quartier général de l'ARC se trouvait à l'Aéroport international de Winnipeg jusque voilà deux ou trois ans, après quoi le commandant du Commandement aérien et le chef d'état-major de la Force aérienne sont déménagés à l'administration centrale du MDN à Ottawa. La plupart des généraux commandants se retirent à Winnipeg en raison de son histoire. Une fois qu'ils y sont, il n'est plus possible de les faire partir de Winnipeg.

On a fermé les BFC de Portage la Prairie et de Gimli; l'Allemagne s'étant retirée de la BFC de Shiloh, on y a déménagé l'Unité Princess Patricia Canadian Light Infantry. Je présume que Terre-Neuve et le Labrador ont subi le même genre de fermetures et de déménagements?

M. Smith: Oui et non. En fait, la présence des militaires canadiens n'a jamais été très forte dans la province. Ils étaient assez nombreux à Goose Bay voilà longtemps. Notre province a accueilli surtout des militaires étrangers. Les groupes les plus importants sont les Américains à la base aérienne Ernest Harmon de Stephenville; la base aéronavale d'Argentia se trouve sur la côte sud-est de l'île et, bien entendu, il y a Goose Bay. Vous le savez sûrement, les Américains sont partis. Nous savons que les Forces canadiennes ont leurs propres difficultés financières, et nous y sommes sensibles. Nous savons qu'elles essaient de rationaliser la structure des bases par tous les moyens. Elles veulent faire de leur mieux avec les ressources à leur disposition.

Nous avons les mêmes problèmes. Toutes les forces militaires occidentales doivent composer avec des budgets réduits et la nécessité de rationaliser. Pour les communautés où se trouvent des bases, ce phénomène se traduit nécessairement par des déconvenues.

Le sénateur Stratton: Sauf, à ma connaissance, la fermeture de la base de Portage la Prairie, un centre pourtant relativement important d'entraînement de la force aérienne. Après la fermeture, la base est passée à des intérêts privés. Les responsables sont parvenus à diversifier les activités avec un certain succès. Avez-vous réfléchi à cette avenue? Avez-vous eu l'occasion d'étudier les divers exemples d'initiatives entreprises avec succès après la fermeture de bases? Avez-vous examiné des exemples où l'entrepreneurship de la population d'une région a mené à des réussites? Avez- vous examiné ce genre de possibilités ou serait-il pertinent que vous le fassiez?

M. Smith: Vous avez raison de nous suggérer de considérer ces avenues. Je n'ai pas entendu parler d'études de ce genre, non.

M. Woodward: Il faut souligner que, contrairement à ce qu'on peut penser, Goose Bay n'est pas seulement un centre d'entraînement au vol à basse altitude pour des pays de l'OTAN — ce que le MDN vous confirmera. On y fait entraîne aussi des pilotes d'hélicoptère de recherche et sauvetage. À vrai dire, quand ils arrivent à Goose Bay, les pilotes d'hélicoptère sont relativement débutants et, la plupart du temps, c'est là qu'ils sont formés.

Les alliés partagent le coût de l'affectation de membres en uniforme à Goose Bay. Certains d'entre eux reçoivent aussi de la formation. Certains ne restent même pas à Goose Bay, mais sont plutôt affectés à court terme dans des régions comme la Bosnie ou l'Afghanistan. C'est très courant. Officiellement, le MDN peut prétendre ne retirer «absolument rien» de Goose Bay. Je peux toutefois vous assurer qu'il lui serait très difficile de donner ailleurs l'instruction au pilotage d'hélicoptère. Je ne pense même pas qu'elle pourrait se dérouler à Cold Lake, en Alberta, parce que le terrain, la rigueur des hivers et le feu roulant des activités ne s'y prêteraient pas. Actuellement, on parle de 7 millions de dollars environ.

Le sénateur Banks: Qu'est-il advenu d'Argentia? Quand les Américains y étaient, cette station aéronavale était énorme. À quoi sert-elle maintenant?

M. Woodward: À rien. On a passé les dix dernières années à la nettoyer.

Le sénateur Banks: Il ne s'y passe rien?

M. Woodward: Inco a des plans d'y construire une fonderie.

Le sénateur Banks: La base est vide et inutilisée?

M. Woodward: On a nettoyé la base. La plupart des bâtiments ont été rasés. Rien ne se passe à Argentia, si ce n'est l'aménagement d'un parc industriel.

Le sénateur Banks: Si je prends l'avion jusqu'à Goose Bay, comment puis-je me rendre à Voisey's Bay ensuite?

M. Woodward: Vous prenez un Twin Otter et vous montez vers le nord, pendant 192 miles. Si vous pensez à un transfert de certaines activités militaires à Voisey's Bay, vous devrez considérer que, en tout et pour tout, 200 personnes y travaillent, tous secteurs confondus, auxquelles s'ajoutent 200 personnes pendant leur congé de 2 semaines. Un total de 400 personnes en tout. Le transport des marchandises de petit volume et accessoires se fait par avion, aller et retour, et par bateau pour le restant. Pour la plupart, les marchandises ne passent pas par Goose Bay.

Le sénateur Banks: Malgré les propos entendus ce matin, le développement de Voisey's Bay aurait des retombées négligeables pour Goose Bay, à titre d'aéroport de service. Est-ce exact?

M. Woodward: Je ne dirais pas que les retombées seront minimales. On pourrait probablement parler d'un Dash 8 par jour, alors qu'il en atterrit 7 ou 8 par jour actuellement, en plus des 10 ou 12 Twin Otter qui atterrissent ou qui décollent.

Le trafic serait sûrement beaucoup plus important pendant les années de construction, en raison du niveau d'activité. À l'étape de la production, les équipes de remplacement et le transport aller-retour des marchandises serait assuré par un Dash 8 chaque jour.

Le sénateur Banks: Pour faire suite à la question du sénateur Stratton, nous avons appris plus tôt que 70 p. 100 des aéronefs qui transitent par Goose Bay sont de la flotte civile.

M. Woodward: C'est exact.

Le sénateur Banks: Ce ne sont pas des avions militaires.

M. Woodward: C'est exact.

Le sénateur Banks: Cela comprend-il les étrangers qui suivent un entraînement ici?

M. Woodward: Oui. Il faut comprendre la nature de la base. Elle comporte quatorze petites bandes d'atterrissage le long de la côte. Le sénateur Rompkey a eu le plaisir de les voir construire parce qu'il était membre à ce moment-là. Avant, il fallait y aller en hydravion à flotteurs.

Sept Twin Otter décollent deux fois par jour. Si on multiplie 14 atterrissages et décollages de Twin Otter par 365 jours, on se rend compte que le trafic des Twin Otter équivaut à celui des aéronefs militaires, soit entre 5 000 et 6 000 sorties chaque année — si on considère que les atterrissages et les décollages sont les mêmes pour un Twin Otter et un Tornado.

Il ne fait donc aucun doute que le trafic civil équivaut au trafic militaire. Seulement, il y a un dilemme parce qu'on compte uniquement les décollages et les atterrissages. Un Twin Otter atterrit facilement sur une bande de gravier de 2 000 pieds. Nul besoin d'une piste pavée de 11 500 pieds de 250 pieds de largeur pour poser un Twin Otter au sol.

Le sénateur Banks: Cela dit, ces installations se sont avérées très pratiques le 11 septembre.

M. Woodward: Oui, en effet. Je peux vous affirmer que, sans Goose Bay, le trafic transatlantique serait très difficile.

Le sénateur Banks: Là où je veux en venir, au fait, c'est qu'on a beaucoup parlé de l'utilité de l'infrastructure matérielle de Goose Bay pour le trafic aérien, de son importance, des avantages qu'elle procure et du potentiel énorme de développement.

Aux fins de la discussion, supposons que les Forces canadiennes continuent d'avoir accès au même niveau d'installations que maintenant et qu'elles gardent en place 93 militaires — pour que les officiers italiens puissent parler à d'autres officiers militaires —, elles seraient sûrement heureuses de payer un loyer de 10 ou 12 millions de dollars par année plutôt que les 20 millions par année que leur coûte actuellement l'entretien de la base.

Au Canada, dans beaucoup d'endroits où se trouve un aéroport, dont Portage la Prairie, la communauté a demandé au gouvernement de lui en transférer la responsabilité. Ces communautés savent qu'elles peuvent faire mieux, parce qu'elles sont sur place et qu'elles ont plus d'intérêt à vendre les services. C'est d'ailleurs ce qu'elles font parce que ce n'est plus du ressort du gouvernement fédéral. Y a-t-il une initiative du genre qui mijote chez vous?

M. Woodward: Oui, quelque chose mijote. Si vous observez les 90 membres en uniforme à Goose Bay, vous découvrirez que le MDN applique un certain protocole. Ces membres ont leur propre aumônier et leur économat. Quand vous affectez un colonel à une organisation que vous appelez la «5e Escadre Goose Bay», il s'attend à ce qu'un certain nombre de personnes lui rendent des comptes. C'est la façon de faire dans le monde militaire.

Le sénateur Banks: Ils seraient tout aussi heureux de vous payer un loyer que les transporteurs aériens.

M. Woodward: On réaliserait des économies substantielles si on abolissait le protocole pour faire les choses autrement. Le seul problème est le suivant: aux yeux des pilotes de chasse, il n'est pas possible de former quelqu'un de la Memorial University qui puisse dialoguer avec un pilote de chasse de la Force aérienne allemande.

Le sénateur Banks: Vous m'avez mal compris. Je parle de conserver le même effectif militaire, d'assurer les même fonctions, dans les mêmes bâtiments, durant les mêmes périodes.

M. Woodward: Des alliés prétendent qu'on pourrait faire la même chose avec moins d'employés sur la base que les 90 actuels, pour faire des économies.

Le sénateur Banks: Je parle de laisser 90 personnes en place. Je ne parle pas de changer quoi que ce soit, sauf la direction.

Si les Forces tirent tout aussi bien leur épingle du jeu en étant locataires, ne serait-il pas économiquement raisonnable que la province de Terre-Neuve et du Labrador planifie d'acquérir la base, pour la rentabiliser et y maintenir la même présence militaire?

Le président: Je ne crois pas que les témoins soient autorisés à conclure un marché au nom du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador.

Le sénateur Banks: Je faisais des hypothèses.

Le président: Laissons-les dire ce qu'ils ont à dire.

M. Woodward: Sénateur Banks, vous avez fait sourire de toutes leurs dents des membres de l'auditoire .

M. Smith: Mais vous en avez rendu d'autres très nerveux.

Le sénateur Banks: Je sais que l'analogie est boiteuse mais, pour attirer des gens dans un centre de vacances, il faut tout d'abord bâtir l'infrastructure. S'il faut loger plus de personnes, il faut trouver ces logements. Il est difficile d'attirer les clients si vous leur dites qu'ils devront dépenser 150 millions de dollars pour bâtir des casernes décentes, ce qui n'est pas le cas si le gouvernement y loue des installations. J'espère qu'on tiendra compte de cela quand on discutera de la poursuite des opérations.

M. Woodward: À Goose Bay, le problème fondamental est l'utilisation des installations au tiers de leurs capacités. Or, cette structure de 1 milliard de dollars pourrait facilement desservir 18 000 sorties par année.

Le sénateur Banks: Ne seriez-vous pas de meilleurs promoteurs que le MDN?

M. Woodward: Il y aurait moins de conflits avec Cold Lake et d'autres lieux de même nature. On ne se préoccuperait pas de ce qui se passe à Cold Lake. Nous serions seulement intéressés à faire la promotion de Goose Bay. Nous dirions à nos clients: «Nous sommes prêts à faire tout ce que vous voulez à Goose Bay.»

Le sénateur Bolduc: Sénateur Banks, voulez-vous qu'on privatise l'establishment militaire?

Le sénateur Banks: Non.

Le sénateur Bolduc: C'est une base militaire. C'est le premier critère.

Le sénateur Banks: Cependant, 70 p. 100 du trafic aérien est civil et, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, d'autres activités y ont cours qui ne sont pas de nature militaire. Toutes sortes d'activités du privé y sont associées.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais vous poser des questions sur la harde de caribous. La population totale du Labrador équivaut au nombre de spectateurs à un match des Blue Jays, soit la moitié de la population de Kanata. Je veux vous entendre dire que c'est une question de vie ou de mort. Le gouvernement, pour des raisons et des buts qui lui sont propres, et notamment pour des raisons financières, a tellement temporisé que bientôt, les gens devront plier bagage et partir.

Je ne crois pas que la province de Terre-Neuve et du Labrador soit prête à acquérir des actifs de 1 milliard de dollars. Peut-être louera-t-elle les installations pendant deux ou trois ans, sans être liée, pour tenter d'en faire la promotion. Le sort des habitants de Happy Valley — Goose Bay m'inquiète. Ces gens doivent sûrement se lever le matin ou aller au lit le soir en se demandant s'ils seront toujours là dans cinq ans.

M. Woodward: Ce sont des temps difficiles pour le moral. Tous les gens de Goose Bay savent que les Néerlandais risquent de partir, et que les autres alliés ne veulent pas dépenser plus d'argent qu'ils n'en dépensent actuellement, qu'ils écoperont de coûts additionnels après le départ des Hollandais. C'est pourquoi les 1 350 personnes qui tirent leur gagne-pain de la base sont très inquiètes.

Oui, notre base vaut 1 milliard de dollars. Nous avons payé 1 $ pour l'acquérir. Toutes les améliorations, à l'exception de certaines opérations de dépollution, ont été payées par des gouvernements étrangers. Nous disposons d'un espace aérien de 100 000 kilomètres carrés que personne d'autre ne veut utiliser. Actuellement, la base génère 1 350 emplois. L'exploitation nous coûte 20 millions de dollars environ, qui proviennent du budget du MDN. En retour, les habitants de Goose Bay paient 23 millions de dollars en impôt. Je sais, le sénateur Banks me rétorquera que tous les Canadiens paient des impôts, mais ces gens retournent 23 millions de dollars, parce qu'ils paient des impôts sur un travail rémunéré.

Le sénateur Forrestall: Vous ne nous apprenez rien de nouveau. Allez-vous participer à l'évaluation des demandes de proposition? Aurez-vous votre mot à dire à cette étape?

M. Woodward: Non.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous établi des contacts, de gouvernement à gouvernement, pour parler de l'ampleur du malaise?

M. Woodward: Nous avons certainement des contacts quotidiens. Nous sommes reconnaissants au comité de nous permettre de ramener la question à l'avant-scène, une fois de plus. Il est difficile de trouver des gens qui veulent nous écouter parce que les bases ferment l'une après l'autre. Il en reste très peu au Canada qui reçoivent 20 millions de dollars d'un palier de gouvernement et 75 millions d'autres gouvernements.

Le sénateur Forrestall: Je m'interroge sur notre rôle au sein de l'OTAN. Nous venons tout juste de fermer la longue piste de Shearwater. Celle de Happy Valley — Goose Bay est la dernière longue piste ouverte dans l'est du pays. Y a-t-il une autre piste dans l'est?

M. Woodward: La piste de Gander n'est pas mal, mais aucune autre n'a une longueur de 11 500 pieds.

Quand l'équipe ILS est descendue à Goose Bay l'an dernier, pour un mois, American Airlines, Northwest Airlines et United Airlines n'ont pas cessé de s'époumoner parce qu'il n'y avait pas d'autre piste à leur disposition. Si le temps était mauvais à Gander, ils ne pouvaient atterrir nulle part ailleurs. Malheureusement, le sénateur Doody pourra vous le confirmer, le temps est très souvent mauvais à Gander.

Le sénateur Forrestall: Pas si souvent.

M. Woodward: Seulement cinquante-six jours par hiver.

Le sénateur Forrestall: Puis-je vous poser une dernière question au sujet de la harde? Je sais que le sénateur Rompkey et d'autres ont monté un dossier pour défendre la harde contre les activités aériennes. Dans quel état se trouve la harde de caribous? Sont-ils plus ou moins nombreux que voilà dix ans? Les vols à basse altitude ont-ils eu des effets négatifs?

M. Rex Goudie, sous-ministre adjoint, Labrador et Affaires autochtones, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador: Non, la harde est toujours en aussi bonne santé. Vous avez déjà entendu parler de la surveillance environnementale visant à établir les incidences pour les caribous. Rien n'indique que les vols à basse altitude ont des conséquences négatives pour eux. Comme nous l'avons dit ce matin, l'utilisation d'hélicoptères pour la conduite du projet de recherche cause probablement plus de tort aux caribous que le programme d'entraînement au vol à basse altitude.

Le sénateur Banks: Quelle est la taille actuelle de la harde?

M. Goudie: Selon un recensement récent, elle compterait entre 350 000 et 400 000 têtes.

Le sénateur Forrestall: Combien y en avait-il voilà dix ans?

Le sénateur Rompkey: Ils étaient environ 700 000 voilà 5 ans.

M. Goudie: Cette réduction est plutôt attribuable aux exercices à portée réduite qu'aux vols à basse altitude.

Le sénateur Bolduc: Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a-t-il discuté avec le gouvernement fédéral, notamment avec la Défense, des besoins stratégiques de l'Amérique du Nord? Quelle est la place de Goose Bay dans cet échiquier? Sont-ils indifférents à la fermeture de la base?

Par ailleurs, avez-vous eu des pourparlers avec le ministère des Transports au sujet du transport international commercial? Les transporteurs américains et européens sont-ils tous indifférents à la fermeture de la base?

M. Smith: Pour préciser, nous n'envisageons pas de fermer la base; nous envisageons plutôt une expansion des activités — du moins, nous espérons emprunter cette avenue, même si l'avenir nous inquiète. Le ministre dont je relève a écrit à M. Eggleton quand il était ministre de la Défense nationale, et il a dernièrement écrit à son remplaçant pour fixer avec lui une réunion sur ces questions. La réunion n'a pas encore eu lieu, mais nous avons l'intention de nous entretenir à cet égard avec le ministre et ses haut fonctionnaires.

Pour ce qui est de notre position à l'égard de la défense de l'Amérique du Nord, nous croyons que les événements du 11 septembre ont rappelé la position stratégique de Terre-Neuve et du Labrador. Durant la guerre froide, nous avions peur des bombardiers russes, cette position stratégique était importante. Maintenant, nous avons oublié les bombardiers russes: ce sont les détournements d'appareils par des civils qui nous inquiètent. Quoi qu'il en soit, notre pays gagnerait à maintenir un escadron canadien bien entraîné et actif sur la côte Est.

Comme M. Woodward vient de le dire, le ministère des Transports est certainement conscient de la nécessité absolue de conserver Goose Bay comme lieu d'atterrissage possible pour le transport aérien dans l'Atlantique Nord. Cependant, nous n'avons pas discuté de la question avec le ministère. C'est pour nous une évidence, et nous espérons qu'il en est de même pour le gouvernement fédéral.

M. Woodward: Il faut souligner par ailleurs que, même si les Forces canadiennes ne se servent pas de Goose Bay comme base d'instruction, elles s'en servent pour des opérations avancées. Elles ont construit 4 hangars pour F-18; elles y disposent d'un dépôt d'armes et d'un centre OPS. L'an dernier, après le 11 septembre, elles ont déployé des aéronefs à Goose Bay. Régulièrement, s'il y a une menace, les aéronefs de Bagotville volent vers Goose Bay, parce que la base est située à proximité de la côte et des frontières internationales. Selon ce que j'en sais, les FC se sont engagées auprès du NORAD à maintenir les installations en place et fonctionnelles, au cas où le NORAD lancerait un appel du type: «Nous avons besoin d'aéronefs aux frontières.»

Le sénateur Banks: Ce matin, quand on lui a demandé si nous avions un engagement international lié à ces installations, le colonel a répondu qu'il n'y en avait aucun.

M. Woodward: Il parlait du transport civil?

Le sénateur Banks: C'est exact.

M. Woodward: C'est différent pour le volet militaire et notre relation avec la base du NORAD au Colorado: ces 4 hangars, les entrepôts de missiles et le centre OPS ont tous été construits dans les années 80. Une fois par année, on déploie des F-18 à Goose Bay pour démontrer la capacité du NORAD et, sur une base régulière, les F-18 sont déployés à Goose Bay pour voler avec les alliés.

Le sénateur Bolduc: C'est une bonne chose parce que vous avez la certitude que le ministère de la Défense nationale injectera 20 ou 30 millions par année là-bas. C'est votre garantie.

M. Woodward: J'aimerais en penser autant, mais le point de vue officiel est que Goose Bay n'est d'aucune utilité pour le MDN.

Le sénateur Doody: Ma question fait suite à la question précédente du sénateur Kinsella au sujet de l'extension du programme de recherche de la Memorial University dans la région de Goose Bay. Je me rappelle que Seacorp a déjà été très active au lac Melville, à Hamilton Inlet et dans la région de Goose Bay en général. Elle menait alors d'impressionnantes recherches sur les mouvements des marées, la salinité de l'eau et la profondeur du gel dans cette région. Certaines recherches étaient vraiment surprenantes. Les recherches ont-elles cessé ou s'agissait-il d'un programme ponctuel?

M. Woodward: La plupart de ces travaux de recherche étaient associés au transport hivernal sur le NM Arctic pour les fonderies d'aluminium et sur le potentiel du cours inférieur du fleuve Churchill, à 50 milles de Goose Bay, comme source d'énergie pour une grosse aluminerie. Alcoa, c'est connu, est revenue demander 1 000 mégawatts de puissance. Les activités pourraient reprendre. Avec la construction d'une route qui mène à Goose Bay, la question du transport hivernal n'est plus aussi problématique qu'avant.

Le sénateur Doody: Un collègue de la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve me disait que les alumineries représentaient un moyen de transformer de l'électricité à bon marché en lingots de métal.

Le sénateur Rompkey: J'aimerais donner suite aux intéressantes pistes ouvertes par le sénateur Banks, pour permettre à M. Woodward de développer. Supposons que quelqu'un d'autre devienne propriétaire des installations et les loue aux occupants actuels, canadiens et étrangers. Serait-ce une solution plausible? Un tel concept mérite-t-il qu'on s'y attarde?

M. Woodward: On a évoqué ce matin la question de l'utilisation de l'actif, sans aller plus loin. Le MDN ne concurrence pas les intérêts privés. Par exemple, le ministère possède 700 logements locatifs, dont la moitié sera démolie parce qu'il ne veut pas les mettre en location dans le marché privé. Même si le ministère a rénové chacun de ces logements durant la dernière décennie, pour un total de 100 000 $, il est en processus de les démolir.

C'est la même chose pour la grande partie des biens immobiliers sur la base. Le MDN considère que ce sont des biens publics. Or, des règles sur l'utilisation des biens publics interdit la concurrence avec des intérêts privés.

Le syndicat a effleuré la question ce matin en affirmant que Serco avait les mains liées. Quand Serco a soumissionné pour ce contrat, elle avait des plans concernant les projets de développement de Voisey's Bay. Le contrat de Goose Bay représentait à ses yeux le premier d'une série de projets de développement. Dans les mois qui ont suivi l'adjudication du contrat, Serco a découvert que le MDN ne lui permettrait pas d'utiliser des biens publics pour concurrencer l'entreprise privée.

Il serait possible d'utiliser l'actif de la base à d'autres fins. Cependant, suivant la politique sur les biens publics en vigueur au Canada, il est interdit d'utiliser les biens de l'État pour concurrencer l'entreprise privée. Et il y a une raison pour cela.

Si on envisage de céder ces biens à l'entreprise privée, elle pourrait en faire un meilleur usage. On pourrait s'inspirer de ce qui se passe en Alaska: des transporteurs de fret internationaux disposent d'un vaste terrain d'aviation et de la possibilité de le doter de nombreux éléments voués à d'autres usages. On pourrait utiliser les lieux pour la remise à neuf des aéronefs; c'est ce qui se passe dans l'ancienne base de Summerside. Les possibilités sont nombreuses.

Le sénateur Bolduc: À Myrtle Beach, en Caroline du Sud, les États-Unis ont une assez grosse base militaire qui a aussi été utilisée à des fins commerciales.

Le sénateur Banks: C'est très fréquent. J'ai posé la question parce que nous avions une très grosse base aérienne à Edmonton. C'est là que se trouvait l'autre piste de 11 500 pieds. Elle n'existe plus. L'effectif militaire très imposant à Edmonton est dorénavant desservi par des aéronefs qui atterrissent à l'Aéroport international d'Edmonton, qui appartient à Transports Canada et que la Edmonton Municipal Airport Authority exploite sous son égide. Les installations sont louées aux militaires. Ce n'est pas une idée farfelue.

M. Goudie: La province a demandé, tout comme la ville et la chambre, que nouvelle DP habilite le fournisseur de services à étendre les secteurs d'activités, dans le domaine militaire ou non. L'objectif serait de réduire les coûts pour les alliés.

Je n'ai pas eu l'occasion de lire la nouvelle DP. Cependant, j'ose espérer que le MDN et Travaux publics ont donné suite à nos recommandations et à nos suggestions et que la DP habilite maintenant le fournisseur de services, ce qui n'est pas le cas pour l'instant, à utiliser les éléments d'actif pour attirer d'autres types d'activités.

Le sénateur Rompkey: Aux fins du compte rendu, j'aimerais qu'on parle des résultats obtenus par la corporation de l'aéroport de Goose Bay. Le trafic international a-t-il augmenté? Sinon, pourquoi pas? Quels obstacles freinent l'augmentation du trafic international? Goose Bay est un merveilleux carrefour. Beaucoup de pilotes aimeraient y atterrir. Si vous allez en Europe, il vous arrivera souvent de survoler Goose Bay.

J'aimerais que le compte rendu fasse état de la corporation de l'aéroport et de son rôle.

M. Woodward: La corporation de l'aéroport est née il y a cinq ans environ, par suite essentiellement de la politique de renoncement de Transports Canada à ses aéroports civils. Au fil des années, la corporation a atteint son seuil de rentabilité. Elle a gagné de l'argent, mais elle en a perdu aussi. Cependant, après cinq ans d'efforts, elle a atteint le seuil de rentabilité.

Son budget oscille entre 1,5 et 1,6 million de dollars par année. Elle paie 750 000 $ par année de loyer au ministère de la Défense nationale pour la location du terminal et des aires de trafic. C'est sa contribution aux frais de déneigement et d'entretien de la piste.

Tout se passe bien. L'aéroport prélève chaque année 500 000 $ en taxes d'atterrissage — payées par les aéronefs en provenance ou à destination de pays étrangers qui atterrissent à Goose Bay.

C'est probablement la plus belle réussite de Transports Canada dans la saga du délestage des aéroports. Une partie de la réussite est certainement due à la location des installations du MDN pour 750 000 $ par année, loyer auquel s'ajoutent d'autres dépenses de 750 000 $, pour un budget total de 1,5 million de dollars. Si la corporation était totalement indépendante du MDN, elle devrait prévoir un autre 750 000 $ de charges annuelles. En comparaison, pour survivre, l'aéroport de Stephenville a besoin d'un budget de 2,2 à 2,3 millions de dollars par année.

La cohabitation avec le MDN est donc avantageuse. C'est une réussite. Il n'y a pas de frais d'améliorations aéroportuaires à Goose Bay. Le loyer des locataires couvre beaucoup de coûts, et l'aéroport tire des recettes importantes des frais d'atterrissage imposés aux aéronefs qui vont à l'étranger.

Le sénateur Rompkey: Le nombre d'aéronefs a-t-il augmenté et, le cas échéant, de combien?

M. Woodward: Ils ont déjà été plus nombreux, mais un déclin s'est amorcé le 11 septembre. Beaucoup des aéronefs lourds des grands transporteurs sont au sol parce que le trafic a diminué. Les transporteurs laissent au sol leurs plus anciens appareils, à plus faible portée, et utilisent leurs nouveaux aéronefs, qui leur coûtent cher de loyer et qui n'ont pas besoin d'atterrir en route.

Le président: Merci, monsieur Woodward, monsieur Goudie et monsieur Smith.

Le sénateur Forrestall: Quels ont été les coûts supplémentaires pour la sécurité?

M. Woodward: La corporation de l'aéroport paie ses propres coûts de sécurité, mais elle les a combinés avec les frais de nettoyage et d'entretien. Elle engage à contrat un groupe qui fournit tous ces services. L'homme qui assure la sécurité de nuit fait aussi les travaux de nettoyage.

Le président: Merci beaucoup, messieurs.

Nos prochains témoins représentent la ville de Happy Valley — Goose Bay et la chambre de commerce de Labrador Nord. Si vous le voulez bien, j'inviterai ces messieurs à se présenter ensemble.

Remarquez qu'ils ne partagent pas le même point de vue sur toutes les questions. Cependant, comme ils témoignent au nom de leur communauté, nous les entendrons ensemble pour économiser du temps.

J'ai dit: «Si vous le voulez bien». Le sénateur Rompkey a fait oui de la tête avec ostentation, ce qui me suffit. S'il est d'accord, alors vous devriez tous l'être.

Chers collègues, M. Dennis Peck est directeur du développement économique de la ville de Happy Valley — Goose Bay. M. Dave Hunt est président de la chambre de commerce de Labrador Nord. M. Hunt est accompagné de M. John McGrath, un économiste-conseil qui s'intéresse aux enjeux qui nous occupent aujourd'hui.

Je vais inviter M. Peck à nous livrer ses remarques préliminaires en premier, puis je passerai la parole à M. Hunt, après quoi nous entendrons les commentaires et les questions des sénateurs.

M. Dennis Peck, directeur du développement économique, ville de Happy Valley — Goose Bay: Sénateurs, je vous ai remis un exemplaire de mon allocution — on vous le distribue présentement, je crois. Nous avons eu une réunion du conseil jeudi soir dernier, pour que les membres établissent ensemble ce qu'ils souhaitaient vous dire. Vendredi, on m'a désigné comme représentant. Je vais donc faire de mon mieux compte tenu du peu de temps que j'ai eu pour me préparer.

Je me réjouis de représenter le conseil municipal de Happy Valley — Goose Bay. Monsieur le maire, John Hickey, vous transmet ses salutations. Pour le maire et le conseil, il est impératif de revoir le contrat de services de soutien à l'exploitation et à l'entretien de la 5e Escadre Goose Bay, de même que la version provisoire de la demande de proposition visant le renouvellement du contrat. Il faut examiner avec un oeil critique l'efficacité de l'approche du contrat de services opérationnels à la 5e Escadre Goose Bay. Comme vous le savez, la 5e Escadre Goose Bay a servi de cadre d'expérimentation pour le programme Différents modes de prestation des services du gouvernement fédéral. Il est maintenant temps d'évaluer les résultats de l'expérience.

J'aimerais aujourd'hui remettre en contexte l'importance de la 5e Escadre Goose Bay pour la communauté de Happy Valley — Goose Bay et vous faire part des inquiétudes que nous inspire la demande de proposition. Certains aspects de la demande de proposition ayant été traités ce matin, j'ai obtenu la réponse à certaines de mes questions. Mais je n'ai pas encore vu la nouvelle DP et je n'en connais pas le détail.

La Ville de Happy Valley — Goose Bay craint vraiment que la DP, dans sa version provisoire, ne mette en péril l'avenir de notre communauté. Happy Valley — Goose Bay, qui regroupe 8 000 citoyens, est une ville à industrie unique: le programme d'instruction militaire à la 5e Escadre Goose Bay. Malgré l'énorme potentiel du Labrador, illustré notamment par le projet annoncé d'aménagement d'une mine et d'une usine de traitement à Voisey's Bay, aucun de ces projets ne peut égaler, encore moins remplacer, en envergure l'activité économique que génère actuellement la 5e Escadre Goose Bay. Si elle n'a pas la possibilité de maintenir efficacement et d'accroître le secteur de l'instruction militaire, nous craignons le pire pour notre communauté. Les besoins militaires ne sont pas statiques, et notre approche à l'égard des besoins des clients ne doit pas l'être non plus.

Pour bien démontrer le caractère vital de la 5e Escadre Goose Bay pour notre communauté, notre province et le Canada tout entier, je vais vous présenter un extrait d'un document de recherche préparé récemment pour le compte de l'Institut pour la surveillance et la recherche environnementales. Le document n'a pas été publié ni diffusé. Cependant, comme la Ville est membre du conseil d'administration de l'Institut, nous avons reçu les données avant publication. L'Institut assure la surveillance de la conformité du programme d'entraînement au vol à basse altitude par rapport à l'énoncé des incidences environnementales du programme. L'Institut effectue aussi des recherches liées au programme. Je vous cite des données provenant d'une analyse annuelle des retombées économiques du programme. L'analyse est impartiale et répond à des normes de qualité supérieure. Voici les résultats:

Les activités de vol à basse altitude de la 5e Escadre Goose Bay génèrent des emplois équivalant à 1 480 années- personnes au Labrador, elles injectent 72,64 millions de dollars dans le produit intérieur brut (PIB) et rapportent au gouvernement des recettes de 26,80 millions de dollars. Pour l'ensemble de la province de Terre-Neuve et du Labrador, des emplois équivalant à 1 880 années-personnes sont créés, 96,68 millions de dollars sont versés dans le PIB et 35,68 millions sont versés au trésor public. Il s'agit de hausses considérables par rapport aux résultats de 2000. Les retombées économiques sont minimes pour le Québec, outre l'approvisionnement en biens et en services de la base.

Il est malheureux que M. Young ne soit pas ici. Il pourrait ajouter que les chiffres avaient aussi grimpé l'an dernier. L'année a été très active. L'analyse révèle par ailleurs qu'il faut tenir compte des dynamiques de l'industrie.

Le document sera affiché au site Web de l'Institut. Les résultats de l'analyse de l'année 2000 s'y trouvent déjà.

C'est un niveau d'activité considérable. Aucun autre projet de développement régional, en cours ou en préparation, n'arrivera à égaler la valeur et l'importance des activités de la 5e Escadre pour la ville de Happy Valley — Goose Bay.

Si on compare, le projet de mine et d'usine de traitement de Voisey's Bay, au plus fort des activités, générera 800 postes au Labrador. Et il faudra attendre pour cela l'étape de l'exploitation souterraine, dans 20 ans environ. Durant les 20 premières années, seulement 400 emplois à temps plein seront créés au Labrador. Parmi eux, selon l'énoncé des incidences environnementales de la mine de Voisey's Bay, le tiers seulement seront créés dans la région, ce qui comprend les communautés de Northwest River et de Sheshatshiu. Malgré l'annonce d'un «projet d'envergure», Voisey's Bay ne remplacera jamais le programme d'entraînement au vol à basse altitude pour la communauté de Happy Valley — Goose Bay.

La communauté de Happy Valley — Goose Bay sait très bien que ce programme d'entraînement constitue le fondement de son économie. Notre avenir est étroitement lié à celui de la base. Nous avons soutenu la base durant la difficile période qui a suivi le départ de la United States Air Force, au milieu des années 70, jusqu'à 2001, l'une des saisons de vol les plus intensives de la 5e Escadre.

Nous savons très bien que les besoins liés à l'instruction sont très changeants, et qu'il faut être en mesure d'y répondre rapidement et efficacement.

La question de l'efficacité est au coeur de toutes les interventions entendues aujourd'hui. Du point de vue de la ville, si l'efficacité se mesure en termes de réduction des coûts, alors elle a précédé largement l'avènement du processus DMPS. À notre avis, très peu de changements à cet égard sont attribuables exclusivement à l'approche DMPS. Si l'efficacité se mesure en termes d'amélioration de la gestion, il faut de nouveau mettre en doute les mérites du processus DMPS — je reviendrai plus longuement sur cet aspect. Si l'étalon de mesure est la stabilisation et la croissance des activités commerciales, encore une fois, le processus n'a pas atteint ce but.

Quand elle considère les cinq années écoulées sous le régime du programme DMPS et DP, notre communauté a toutes les raisons de croire que sa survie est en danger. La ville a enduré plus que son lot d'épreuves depuis la mise en oeuvre du programme DMPS par le fédéral. En 1986, il se trouvait 909 employés du fédéral dans la communauté, sans compter les employés de la GRC, de la CBC et d'autres petits groupes. En 1992, ce nombre avait diminué à 771, puis à 208 en 1999. La perte de 700 emplois dans une communauté de 8 000 âmes est énorme, c'est le moins qu'on puisse dire. Bien que 312 personnes travaillent actuellement pour Serco, notre population a diminué de 7 p. 100 au cours de la dernière période de recensement. Après l'essai du processus DMPS à la 5e Escadre, le gouvernement fédéral a décidé de ne pas répéter l'expérience ailleurs. Pourtant, nous faisons toujours les frais du programme.

De partout, on nous rebat les oreilles avec les réductions de coût, la recherche de l'efficience et la compétitivité. N'est-ce pas le discours que vous a tenu le MDN toute la matinée? Nous tenons à rappeler cependant que le programme d'entraînement au vol à basse altitude ne coûte rien au gouvernement fédéral. Il investit 20 millions de dollars environ par année dans la 5e Escadre. Or, les recettes fiscales du programme dépassent largement ce montant chaque année. De fait, le MDN passe en charges les opérations menées à la 5e Escadre, sans voir les recettes générées par le programme. Il est indubitable que la 5e Escadre Goose Bay rembourse son dû. Elle paie son dû par la voie des investissements étrangers au Canada. À ma connaissance, aucune autre base ne peut prétendre la même chose.

Les dépenses engagées pour la 5e Escadre ne devraient pas être comptabilisées comme des coûts. Elles doivent être considérées comme un investissement, entièrement récupéré. Il s'agit d'un investissement dans la communauté, dans les capacités de défense du Canada et dans la capacité de défense commune des alliés. La défense nationale représente beaucoup plus qu'un coût de gouvernance.

Pour ce qui est de la DP elle-même, la ville de Happy Valley — Goose Bay a beaucoup de réserves à son endroit. Nous en avons fait part aux ministres de la Défense et de Travaux publics et Services gouvernementaux, mais nous attendons toujours la réponse. Cela étant dit, je ne sais pas si nos demandes sont restées lettre morte ou si elles ont été intégrées à la nouvelle DP. Certaines de mes remarques font peut-être partie intégrante du nouveau document.

À notre avis, l'adjudicataire devra s'engager, au minimum, à conserver toute la main-d'oeuvre en place. Il devra aussi garantir les salaires et avantages sociaux en vigueur. Il devrait y avoir 80 p. 100 du personnel de gestion puisé à même la population locale ou la main-d'oeuvre en place dans les 5 années suivant l'acceptation du projet. Un plan de formation et de travail sera fourni, de même que l'énoncé détaillé des méthodes mises en oeuvre pour atteindre les objectifs. En outre , le sous-alinéa 3b)(iii), devra stipuler un pourcentage minimal d'approvisionnement en fournitures et en services auprès des fournisseurs locaux.

Il ne semble pas que la DP incite les soumissionnaires à proposer des façons et des moyens d'améliorer les méthodes d'exploitation par la voie de marketing direct ou par la construction d'infrastructures pour susciter l'installation de nouveaux participants ou de nouvelles entreprises civiles sur le terrain d'aviation. La DP doit prévoir deux types d'incitatifs: la bonification des propositions et des primes au rendement intégrées au contrat pour la promotion auprès de clients éventuels et leur installation effective, ou pour la recherche de nouveaux investisseurs, ou de domaines d'activités nouveaux ou améliorés (par exemple, des essais à basse température), et plus particulièrement des activités qui permettraient d'utiliser les installations hors saison, afin d'étaler les coûts d'exploitation sur toute l'année. J'ajouterai qu'en effet, il fait plus froid chez nous qu'à Cold Lake.

La DP ne semble pas inciter les entrepreneurs à mettre au point, à chercher ou à mettre en place des technologies qui permettraient de réduire les frais M et F sans incidence sur les niveaux de service. Il existe pourtant des programmes environnementaux d'incitation à la réduction des coûts d'énergie qui pourraient servir de modèles à de telles initiatives.

À l'évaluation des soumissions, il faudra accorder des points-bonis si le candidat propose un plan de dotation axé sur la création d'emplois. Il faut en outre inciter les soumissionnaires à investir dans l'économie locale et à exploiter les possibilités d'emplois dans des secteurs non traditionnels. C'est chose possible dans un contrat de onze ans. Un tel incitatif pourrait se traduire par de réelles possibilités de formation à l'échelon local, que l'on pourrait jumeler avec le projet de mine et d'usine de traitement de Voisey's Bay, et même le projet hydroélectrique du cours inférieur du fleuve Churchill. L'environnement est en effet l'un des domaines où les possibilités de formation et d'emploi se chevauchent souvent. C'est une occasion unique pour le fédéral d'offrir plus que la prime au rendement annuelle prévue dans la DP. Cette mesure incitative pourrait entraîner d'importants bénéfices aux échelons local et régional. Le statu quo n'est tout simplement pas acceptable: la DP doit absolument favoriser la croissance de l'industrie.

La composante relative à la promotion de la base doit exiger l'établissement de partenariats avec des initiatives locales — notamment, celles de la Ville — pour éviter de nuire aux actions entreprises ou de mettre en rivalité des intérêts communs.

Je vous ai soumis la liste de toutes les réserves soulevées par le conseil et certains de nos partenaires.

La DP n'est pas à rejeter dans son intégralité. Nous souscrivons tout à fait à l'objectif de rallonger la période de onze ans du contrat. Un contrat plus long permettra de mettre l'entrepreneur suffisamment en confiance et l'incitera à investir dans la communauté, dans la base et leurs employés. Une telle décision sera profitable pour tous, ce qui nous ramène au défi posé par le sénateur Rompkey relativement à «...la vérification de l'efficacité de ce mode de fonctionnement des bases au Canada pour la prestation de services liés à des activités de formation militaire ou non».

Nous entendons constamment que l'efficacité de la gestion souffre de la microgestion imposée par le MDN à l'entrepreneur. Si je ne me trompe pas, beaucoup de témoins ont abordé cette question ce matin. L'exemple le plus éloquent de cette situation, à mes yeux, concerne l'installation par la ville d'une borne de six pouces sur la base pour une chute de courant. Elle avait six pouces de diamètre, pas de hauteur. Il a fallu six signatures sur un formulaire pour obtenir l'autorisation de creuser. Il a fallu des semaines pour faire en sorte qu'une chute de courant se produise, puis tout un après-midi avec le fournisseur d'électricité local, et nous avons finalement manqué de temps. La mise en place de structures de gestion efficaces est essentielle au succès du processus.

L'énoncé des incidences environnementales du programme d'entraînement à basse altitude indique qu'il coûte 1,5 fois plus cher de confier un travail à un membre en uniforme qu'à un civil. La stratégie semble simple: Confiez le plus de travail possible à des civils plutôt qu'à des membres en uniforme. À notre avis, il faudrait étudier la possibilité de confier l'exploitation de la 5e Escadre Goose Bay à des civils uniquement. Non seulement en résultera-t-il une réduction des coûts, mais aussi une plus grande efficacité de l'exploitation. Les gens qui travailleraient à Goose Bay feraient un choix de carrière et s'y engageraient — ils ne seraient pas en affectation pour trois ans. Selon nous, cette approche est la plus susceptible de garantir un changement efficace à l'intérieur du programme.

La 5e Escadre offre de nombreuses occasions d'investissements positifs. Le taux de rendement des investissements dans la base illustre de façon manifeste les avantages de cette approche.

De toutes parts, on enjoint le gouvernement fédéral à ajuster le niveau de ses investissements en fonction soit du taux de rendement découlant des taxes prélevées par les deux paliers de gouvernement, soit de la contribution totale des activités de la base au PIB. Quelle que soit l'option retenue, le taux de rendement démontré justifie une augmentation des investissements.

Il existe de nombreuses possibilités d'intégration des nouvelles technologies au programme d'entraînement: par exemple, l'instrumentation liée aux manoeuvres de combat aérien et les systèmes de détection des menaces liées à la guerre électronique, récemment utilisés à Cold Lake.

On a examiné de nouveaux domaines d'instruction, notamment aux vols supersoniques et à haute altitude. On pourrait ajouter au cocktail le pilotage d'hélicoptère et des activités hors saison. Quel que soit le scénario choisi, l'entrepreneur doit avoir la capacité de mettre les options en valeur et y être incité.

Il est impératif, pour le futur de notre communauté, d'explorer toutes les avenues possibles d'amélioration de la qualité du programme d'entraînement de Goose Bay. Il faut donner à l'entrepreneur la liberté nécessaire pour commercialiser les actifs et faire des investissements, et faire en sorte que le contrat présente ces éléments comme étant les cibles clés de la réussite. Les droits acquis constituent le meilleur incitatif — ce qui qui manque au contrat actuel.

Comme complément à cette approche, la ville se propose de donner son appui à la création d'un service de marketing unique à l'intérieur du MDN, chargé de promouvoir l'instruction militaire dans l'ensemble du Canada. Nous disons «se propose» parce que nous ne connaissons pas le détail de cette initiative, mais il appert que le MDN y réfléchit. Pour être efficace, toute initiative de ce genre doit permettre d'explorer toutes les occasions avec dynamisme. Il coule de source que l'entrepreneur doit avoir la possibilité de devenir partenaire à part entière dans l'aventure. Le programme d'entraînement au vol de l'OTAN pourrait être étendu. Dans ce cas, l'entrepreneur est l'orchestrateur de l'échec ou de la réussite du projet.

Parallèlement à cette initiative, il est essentiel d'intensifier la présence du Bureau de gestion de Goose Bay, quelle que soit la forme qu'il prendra une fois l'initiative décrite ci-dessus en place à Goose Bay. Des liens solides doivent se tisser entre les gestionnaires du contrat et les utilisateurs, de même qu'entre les programmes de marketing de l'entrepreneur et les initiatives globales du ministère. Les responsables de l'avenir de Goose Bay doivent devenir partie prenante de son succès.

Enfin, je fais écho à une interrogation sans cesse répétée dans la communauté: pourquoi n'y a-t-il aucun F-18 de la Force aérienne du Canada à Goose Bay? Il faut faire un examen poussé des possibilités d'entraînement au niveau de l'escadron qu'offre la 5e Escadre Goose Bay. Rien ne pourrait mieux témoigner de l'engagement du gouvernement envers la 5e Escadre que la présence permanente de F-18 sur la base. Il est toujours extrêmement décevant de lire dans un journal local que des F-18 canadiens en route vers un entraînement en Europe se sont arrêtés à Goose Bay. Selon l'explication officielle, il faut aller s'entraîner en Europe avec les alliés parce qu'on ne trouve pas les mêmes conditions au Canada. Pourtant, ils s'arrêtent à Goose Bay, où les alliés eux-mêmes leur demandent: «Pourquoi ne venez-vous pas vous entraîner avec nous ici?» Ci-joint un article de journal.

Goose Bay recèle de nombreuses possibilités d'exploitation, dont la Défense canadienne n'a pas encore fait le tour selon nous. Tout simplement, Goose Bay ne fait pas partie du scénario. Si on vous demande comment mieux orienter les efforts faits jusqu'ici pour améliorer l'efficacité, répondez qu'il faut accorder la préséance à l'optimisation de toutes les possibilités opérationnelles.

J'aimerais vous remercier de m'avoir entendu aujourd'hui. J'espère de tout coeur que les préoccupations et les suggestions formulées vous aideront dans votre analyse de cette question primordiale. J'aimerais remercier particulièrement le sénateur Rompkey pour son leadership dans ce dossier.

M. Dave Hunt, président, Labrador North Chamber of Commerce: Honorables sénateurs, merci de me faire l'honneur de me recevoir devant votre vénérable groupe.

J'habite depuis longtemps dans le nord du Canada, et à Happy Valley — Goose Bay depuis un certain temps.

La majorité des leaders politiques, des organisations gouvernementales, des entreprises commerciales et des employés qui s'intéressent à l'aéroport de Goose Bay ne sont pas heureux de la situation. Tous sont à la recherche de leaders, d'un plan qui garantira, avec le plus de certitude possible, le maintien de la sécurité opérationnelle et financière de l'aéroport dans un avenir prévisible.

Toutes les parties intéressées à Goose Bay veulent réaliser leur propre mandat — personne ne semble intéressé par une planification globale de l'avenir de l'aéroport. Le ministère de la Défense nationale a hérité l'aéroport de Transports Canada puis de Travaux publics voilà 15 ans, parce que d'autres forces aériennes de l'OTAN utilisaient de plus en plus l'aéroport, et parce que le Canada s'efforçait de promouvoir l'installation à Goose Bay d'un centre d'instruction sur l'armement de chasseur pour l'OTAN.

À cette fin, on a consacré des millions de dollars à des études sur les incidences environnementales, qui visaient à établir les retombées d'un tel programme d'instruction sur les gens, la faune et la flore de l'une des dernières régions vierges du Canada. Essentiellement, le rapport de l'ÉIE conclut que moyennant une surveillance étroite, les effets délétères à long terme seraient minimes. C'est ce qu'on a fait..

Avec l'effondrement de l'ennemi soviétique, en 1989, est disparue la nécessité d'un centre d'entraînement de l'OTAN. Depuis, le MDN considère Goose Bay comme un obstacle au développement économique. Aux yeux du ministère, Goose Bay draine des ressources que le Canada pourrait consacrer à d'autres besoins militaires beaucoup plus prioritaires, surtout depuis la réduction spectaculaire des budgets.

Par conséquent, le MDN a entrepris de réduire ses engagements financiers, principalement en transférant ses coûts aux alliés de l'OTAN et en signant des contrats de gestion des aéroports avec des intérêts civils. La politique de suppression des éléments d'actif «excédentaires compte tenu des besoins courants» s'est traduite par une réduction des subventions versées à la ville de Happy Valley — Goose Bay, à laquelle s'ajoutent des dépenses supplémentaires pour la gestion des montagnes de déchets produites par la destruction des installations. Il en a résulté des tensions inutiles entre la ville et les exploitants.

Les alliés de l'OTAN — qui doivent composer avec des budgets nationaux réduits, des ennemis traditionnels de moins en moins menaçants et des hausses de coûts à Goose Bay — font aussi tout en leur possible pour réduire leurs coûts. Nous craignons que ces tendances ne les conduisent à cesser leurs opérations à Goose Bay, pour les raisons suivantes.

Premièrement, bien que les gouvernements, tant fédéral, provincial que municipal, se soient efforcés de préserver les conditions actuelles, rien n'a été fait pour assurer le développement dans l'avenir. Cette situation est le résultat d'un manque de volonté, de motivation, de ressources et d'expertise en matière de planification du développement.

Deuxièmement, les entreprises commerciales, qui exploitent pourtant divers créneaux, se montrent réticentes à investir dans l'avenir. Cette hésitation de leur part s'explique sûrement par le fait qu'elles ne peuvent savoir si l'aéroport restera en opération assez longtemps pour qu'elles puissent récupérer leur investissement.

Troisièmement, les employés du public et du domaine privé veulent être assurés de garder leur emploi, mais ils ne semblent pas prêts à partager les risques inhérents à la recherche d'une viabilité à long terme de l'aéroport. Cette attitude a conduit à une malheureuse grève, et les menaces restent toujours présentes. Sous le nouveau régime DMPS, ils ont vu leur nombre passer de 1 000 à 400 environ; leur nervosité est tout à fait compréhensible. Le programme DMPS a eu des effets désastreux pour Goose Bay, et nous avons assisté pieds et poings liés à ce désastre parce que personne n'a demandé l'avis, ou si peu, des habitants de la région avant de le mettre en place.

Quatrièmement, l'entrepreneur qui a obtenu le contrat de gestion de l'aéroport a adopté la ligne dure pour réduire ses coûts. Tout ce qui l'intéresse est de faire des profits pendant la durée du contrat, parce qu'il doit soumissionner de nouveau après quelques années. Il n'a aucun intérêt à améliorer les modes d'utilisation de la base. Pendant deux ans, la présence contiguë de Serco, l'entreprise de gestion, et du protocole d'entente multinational, signé par les alliés présents à Goose Bay, a rendu la planification quasi impossible pour ces gens d'affaires. Si la base ferme, il leur suffira de faire leurs bagages et d'aller continuer leurs activités ailleurs. Ce n'est pas une option possible pour la plupart des résidents et des entreprises de la région. J'étais dans les affaires à Goose Bay quand les Américains sont partis, en 1976, en laissant un immense vide. J'ai vu alors beaucoup de petites entreprises fermer leurs portes.

Bref, malgré toutes les possibilités de développement qu'offre l'aéroport de Goose Bay, aucun des acteurs en place ne semble intéressé à les chercher, pour les mettre à l'épreuve, faire des propositions et les mettre en oeuvre. C'est l'existence même de l'aéroport qui est en jeu si on laisse cette situation se détériorer.

En ma qualité de président de la chambre de commerce, je parle au nom de la communauté des gens d'affaires, dont je fais partie. Voici ce que je propose pour amorcer un changement. Tout d'abord, il faudrait faire l'inventaire des atouts commercialisables de l'aéroport, y compris les possibilités d'investissement futures compte tenu de toutes les nouvelles technologies offertes.

Deuxièmement, nous devrions demander à toutes les parties intéressées quelles améliorations aux installations en place sont nécessaires pour rendre l'aéroport de Goose Bay plus attrayant aux yeux des clients actuels et potentiels.

Troisièmement, nous devrions examiner les fonctions qui pourraient être implantées à l'aéroport, établir les coûts, conjointement avec les clients, et voir quels investissements seront nécessaires.

Quatrièmement, la structure de gestion de l'aéroport doit être revue et donner aux autorités aéroportuaires un rôle de premier plan dans l'exploitation de l'ensemble des installations. Actuellement, leur rôle se limite au recouvrement des paiements auprès des clients de passage. Les changements successifs de modes de gestion ont ralenti, contrairement à l'objectif initial, le développement de cet actif qui a tout le potentiel d'un atout clé de l'appareil militaire.

L'avenir de la base aérienne est entre les mains du MDN, par l'entremise du Bureau de projet de Goose Bay, malheureusement situé à Ottawa et non à Goose Bay — un point très sensible pour nos membres. Or, le Bureau ne semble pas avoir reçu le mandat ni posséder l'expertise, qui fait cruellement défaut, qui lui permettrait d'assurer le développement économique et, partant, d'assurer notre futur. Cela doit changer. Toutes les parties qui ont un intérêt économique dans l'aéroport doivent concevoir ensemble un plan de développement étoffé. Goose Bay pourrait enfin contribuer à la préparation militaire du pays et à celle de nos principaux alliés, à la prospérité économique de notre région et aux programmes de l'OTAN.

Je suis un homme d'affaires. Dites-moi ce que vous voulez et je verrai comment je peux pour le donner. La mise en valeur de l'aéroport de Goose Bay devrait suivre le même raisonnement.

Malgré l'annonce du projet de Voisey's Bay et d'éventuels aménagements hydro-électriques, la base aérienne a toujours été et continuera d'être le moteur économique du centre du Labrador. Mettons à profit nos acquis et gardons confiance dans l'avenir. Comme le dit cette parole entendue dans un film: «Construisons et ils viendront.»

J'avais un livre pour vous, mais je l'ai oublié à l'autre bureau. Je vous l'apporterai plus tard.

Le sénateur Stratton: Je crois que vous étiez là quand j'ai posé les prémisses de cette question: il existe au pays des exemples d'entreprises réussies après la fermeture de certaines bases. Certaines d'entre elles ont été données à des municipalités ou à des groupes d'entrepreneurs pour un dollar ou une somme ridicule, et elles sont maintenant florissantes. On a fait des études dans certaines régions rurales de l'ouest du Canada, pour déterminer pourquoi des municipalités et des villages se tirent d'affaire et d'autres pas. Il ressort dans les deux cas que le succès est toujours lié au secteur privé, aux entrepreneurs. Partout, ils sont les moteurs du succès.

En vous écoutant, et plus particulièrement M. Hunt, j'ai eu l'impression que chacun parlait de ses propres affaires: voilà ce que la Chambre veut. Les autres? Je ne sais pas. Pourquoi ne pas orchestrer votre propre vision entrepreneuriale de l'avenir de ce lieu? Le potentiel est là, même si la base devait cesser de fonctionner.

M. Hunt: Sénateur, vous avez tout à fait raison. Nous avons rencontré l'ancien ministre de la Défense, M. Eggleton. Nous lui avons soumis certaines de ces considérations. Les membres de la chambre aussi en ont discuté.

Essentiellement, il faut vendre la base comme une base. Le sénateur Banks a proposé tantôt de louer des espaces au MDN. Le gouvernement fédéral pourrait ainsi économiser des sommes considérables.

Dans un sens, il faudrait louer toute la base. Nous pourrions alors dire aux pays de l'OTAN: «Venez chez nous, nous avons des installations pour vous», et louer les espaces comme des chambres d'hôtel. S'ils veulent venir en juin, pas de problème, nous leur réservons une place. Toutes les installations peuvent être louées. C'est possible. C'est possible sur le plan commercial. Il faut étudier la situation et former un groupe de gens compétents, des entreprises peut-être, qui pourraient trouver des solutions.

M. Peck: J'aimerais aussi répondre à cette question. J'avais entendu votre suggestion. Oui, certaines communautés ont pris en main leur futur et sont allées de l'avant, mais les échecs sont tout aussi nombreux. On ne pourrait pas dire: «Merveilleux! Toutes ont réussi. Elles sont allées de l'avant. Tout le monde pourrait le faire!» Dans chaque cas, des circonstances et des conditions particulières ont permis la réussite. Certaines réussites ont été le fruit d'un changement institué par le fédéral — par exemple, le passage de la base aérienne à un bureau d'impôt fédéral à proximité. Oui, ces communautés ont été les agents de leur propre réussite, mais il ne faut pas oublier le sérieux coup de pouce qu'elles ont reçu.

D'emblée, si quelqu'un me demande: «Seriez-vous intéressé par une telle aventure», je réponds: «Qu'est-ce que vous croyez? Bien entendu, nous voulons y arriver nous-mêmes!» Qui ne serait pas intéressé à prendre son avenir en main plutôt que de laisser faire les autres? Mais comment y arriver? Voilà la vraie question. Comment faire quand des forces étrangères sont en cause? Quand ces forces viennent s'entraîner ici, leur point de vue peut diverger considérablement du nôtre sur le plan de la conduite des affaires.

Je n'ai pas toutes les réponses. Pour l'instant, je me préoccupe surtout du processus DMPS qui nous a été offert pour garder le base en opération. À mon avis, c'est un échec. Ce processus n'a pas porté fruit. Beaucoup des réductions de coûts promises — des réductions importantes — avaient déjà été réalisées avant l'avènement du processus DMPS. L'effectif de la base avait déjà diminué de 25 p. 100 avant la mise en oeuvre du processus DMPS, ce qui selon les gestionnaires satisfaisait aux attentes. Malheureusement, les demandes de réduction n'ont pas cessé depuis.

C'est un tout. Nous pouvons exploiter les possibilités qui s'offrent à nous pour assurer notre future, mais il faut nous procurer les conditions essentielles au succès de nos entreprises.

Le président: La situation serait-elle différente aujourd'hui si le processus DMPS n'avait jamais été mis en place?

M. Peck: Quand nous examinerons la situation dans cinq ans d'ici, je suis assez certain que le processus DMPS nous apparaîtra comme une perte de temps totale. Il se peut que rien n'ait changé. Les mêmes personnes travailleront sur la base, elles exécuteront le même travail. Peut-être y aura-t-il moins de confusion pour ce qui est des responsabilités respectives de chacun et de l'attribution des tâches. Peut-être les alliés comprendront-ils mieux quelles sont leurs responsabilités et comment ils doivent les mener à bien.

Le président: Du point de vue de la chambre, l'option DMPS change-t-elle quelque chose? Serait-ce différent si une autre option était retenue?

M. Peck: Certaines approches amènent avec elles toute une culture. Si le MDN fait les choses à sa façon, l'efficacité du modèle de gestion peut laisser à désirer. Tout dépendra des orientations données à la base et des avenues que nous aimerions lui faire prendre.

Le président: Préférez-vous un modèle de gestion efficace ou celui du MDN?

M. Peck: Je ne sais pas. Les deux modèles ne sont pas nécessairement incompatibles.

Le président: Je suis d'accord avec vous..

M. Peck: Je ne suis pas si certain que le MDN soit totalement incapable de réussir en affaires. Par contre, il ne faut pas voir le MDN exclusivement comme une entreprise commerciale. Le MDN n'est pas une entreprise.

Le président: Pensez-vous que votre ville s'en serait mieux tirée sans le programme DMPS? Est-ce que c'est votre avis?

M. Peck: C'est probablement vrai. Je crois que notre ville aurait bénéficié d'un processus DMPS qui aurait laissé l'entrepreneur poursuivre l'objectif propre à toute entreprise, la croissance. Des entrepreneurs sont venus me voir pour me parler du prochain contrat. Voici ce qu'ils me disaient: «Si le but de l'exercice est de conserver le même nombre d'emplois et les activités actuelles, quel est l'intérêt pour nous? Ce serait une soumission à perte. Mais si on nous donne des perspectives de croissance, nous sommes partants.»

Le sénateur Stratton: C'est un processus qui s'est répété dans tout le pays. Plus particulièrement, je parle de Portage la Prairie au Manitoba, de la fermeture de la base de la Force aérienne de Gimli, et de la fermeture plus récente des casernes de Kapyong, à Winnipeg. On en parlait depuis des années. Autrement dit, le message a été subtilement dilué sur plusieurs années. «Il me semble avoir déjà vu ça», comme dirait Yogi, mais cette fois-ci, le message semble encore plus clair. J'imagine que c'est peu rassurant pour vous. Vous avez tout intérêt à examiner les histoires de réussite, en n'oubliant pas qu'il y a aussi des échecs, mais que la réussite est possible.

M. Peck: Je suis allé à Portage la Prairie l'an dernier et à Cold Lake deux années avant. J'étais accompagné de représentants de la province et de la corporation de l'aéroport de Goose Bay. À mon sens, le modèle de Portage la Prairie est extraordinaire. Les responsables poursuivent un but unique — faire de l'argent — et c'est ce qu'ils font. Ils fournissent les services que leurs clients demandent.

Le sénateur Banks: Contrairement à mon habitude, je suis d'accord avec le sénateur Stratton sur cette question. Vous devez aller de l'avant, comme vous l'a suggéré le sénateur. Le président vous a demandé, un peu à la blague, si vous préfériez le modèle du MDN ou un modèle d'entreprise. Or, la question est très sérieuse. Je suis toujours un peu brusque quand des personnes demandent, sans trop réfléchir à mon avis, pourquoi le gouvernement ne fonctionne pas comme une entreprise. Que Dieu ait votre âme si c'était le cas et, encore pire, si les militaires se mettaient à agir comme des dirigeants d'entreprise! Ce n'est pas leur travail. Il est impossible pour eux de fonctionner comme une entreprise. À preuve, les militaires — je ne les dénigre pas, ils font leur travail —, parce qu'ils ont des contraintes, ont rénové des logements pour une valeur de 100 000 $. Maintenant qu'ils ne sont plus utiles pour eux, ils les détruisent pour réduire les paiements de taxes, peut-être, ou les frais d'entretien. L'appareil militaire ne fonctionne pas comme une entreprise. Il ne doit pas fonctionner comme une entreprise, et ce ne sera jamais le cas.

Monsieur Hunt, vous avez cité la liste des choses à faire. J'abonde totalement dans votre sens. Cependant, si je peux vous faire une suggestion, ne perdez pas votre temps à demander au ministère de la Défense nationale de s'en occuper. Il ne s'en occupera pas.

Selon moi, vous avez peu de pouvoir sur la signature imminente d'un nouveau contrat de prestation de services sur la base. Les dés sont lancés. Le train arrive sur vous à 90 milles à l'heure. Les jeux sont faits, et vous n'avez aucun pouvoir sur l'adjudicataire choisi ni sur la teneur du contrat. Je souhaite que vous regardiez plus loin et que vous demandiez aux intéressés: «Que se passera-t-il après ces dix années? Nous voulons signer un accord avec vous qui nous garantira que, à l'expiration de ce contrat, les autorités de l'aéroport, et non une corporation — vous affirmez que c'est un aéroport et non une base militaire — prendront les choses en main et dirigeront l'aéroport.» Vous pourrez alors faire tout ce que vous voulez. Sinon, rien ne sera fait.

Le sénateur Doody: J'aimerais vous demander des précisions. J'ai entendu aujourd'hui, et c'est aussi mon avis, que la présence de la 5e Escadre ou d'autres militaires canadiens est essentielle à la survie de l'aéroport. Si les militaires canadiens se retirent complètement et ne s'entraînent pas en ces lieux, il sera extrêmement difficile de convaincre d'autres participants d'intégrer les programmes d'instruction ou d'autres activités.

On a aussi dit aujourd'hui que la privatisation des installations était l'avenue la plus souhaitable — qu'il fallait les remettre à des intérêts privés qui loueraient les installations à quiconque voudrait les utiliser, selon un modèle commercial. C'est aussi une option qui me semble judicieuse.

Avez-vous des garanties ou des motifs raisonnables de croire que les Forces canadiennes pourraient être tentées de louer des installations qui ne feraient plus partie de leur propre infrastructure militaire? Pour en rester à l'essentiel, il serait difficile d'escompter un tel progrès sans avoir au préalable obtenu cette garantie capitale.

M. Peck: Je travaille au gouvernement depuis 20 ans. Je peux faire paraître toute décision de mon conseil raisonnable et rationnelle. Les militaires agissent souvent sous les ordres des politiciens. Ils peuvent donc aller là où on leur dit d'aller, en toute logique semble-t-il. Tout dépend d'où vient le message. Les militaires pourront toujours dire qu'il n'existe aucun besoin opérationnel qui justifie leur présence à tel endroit, parce qu'ils ne sont pas là. C'est assez évident puisqu'ils ne sont pas là.

N'existe-t-il aucun besoin opérationnel qui justifierait une présence militaire à Goose Bay? C'est difficile à admettre puisque nos alliés viennent faire des vols là-bas depuis fort longtemps. À leur avis, c'est l'un des meilleurs endroits pour ce genre d'activité. Se trompent-ils tous? Je ne comprends pas. Qui plus est, ils veulent profiter des nouvelles technologies mises en place. De la technologie de pointe. Qui se trompe? Je ne comprends pas.

Le sénateur Doody: C'est le sens de ma question. Quelqu'un peut-il m'éclairer sur la situation? Il m'apparaît capital que les Forces canadiennes assurent une présence militaire à Goose Bay pour que la base soit une institution viable, raisonnable et sensée.

Il me semble aussi qu'une entreprise privée pourrait assurer une gestion plus efficace. Sans l'unité de base principale, les Forces canadiennes, l'entreprise commerciale aurait une bien maigre assise de développement. Cela vous semble-t-il juste?

On a dit à plusieurs reprises ce matin que les Forces canadiennes cherchaient désespérément une raison de partir, qu'elles ne voulaient pas être là. C'est tragique. Pensez-vous que l'entreprise privée pourrait les convaincre de changer leur mode de fonctionnement, de penser à un autre modèle que leur modèle de planification stratégique militaire, de ne plus penser en termes de contraintes budgétaires?

M. Peck: Si toutes les bases appartenaient à des intérêts privés et qu'elles étaient en concurrence les unes avec les autres, votre question serait peut-être juste. Mais si une seule base devient une entreprise et doit concurrencer les autres qui ne sont pas des entreprises, il devient difficile de répondre à cette question.

Le sénateur Forrestall: Shearwater, qui n'est pas très loin, va dans la même direction.

M. Peck: Il est trop simpliste de prétendre qu'une entreprise arriverait à une meilleure gestion que quiconque, que c'est la seule option. Selon moi, il existe plusieurs façons de rendre les modèles de gestion plus efficaces. Je vous ai donné l'exemple du processus d'approbation à suivre pour faire quoi que ce soit sur la base. C'est totalement fou. M. Hunt n'accepterait jamais de diriger une entreprise aussi complexe. Il resterait une semaine avant de s'enfuir. Ce modèle n'est pas viable.

Il ne serait pas juste de privatiser la base et de demander aux dirigeants de faire concurrence à d'autres bases qui n'ont pas les mêmes soucis ni les mêmes problèmes.

Le sénateur Doody: Je ne parle pas de compétition avec une autre base. Je parle de trouver les clients dont vous avez besoin pour rendre l'opération viable. C'est à mon sens le coeur de toute la question.

M. John McGrath, Labrador North Chamber of Commerce: L'aéroport pourrait tout aussi bien fonctionner sans la présence des Forces canadiennes, sauf pour ce qui est du protocole. Il faudrait des responsables du protocole. Nous pourrions embaucher du personnel compétent en la matière. Je pense à des ex-militaires qui sont déjà disponibles, des pilotes de chasse notamment, qui savent comment transiger avec d'autres militaires et répondre à leurs besoins.

Jusqu'à l'année 1992, les commandants étaient des pilotes de chasse. Ceux qui les ont suivis n'étaient pas pilotes de chasse. Des personnes là-bas m'ont parlé de la culture des pilotes de chasse, et il est certain qu'elle est présente. J'en ai connu beaucoup, et j'en connais encore. Ils sont imprégnés de cette culture, et ils sont disponibles.

Le sénateur Doody: Vous pensez que c'est possible.

M. McGrath: Oui, c'est possible. Pour l'aspect protocolaire, un colonel et une secrétaire feront l'affaire.

M. Hunt: Si vous pouviez convaincre le MDN qu'il réaliserait des économies, il pourrait être intéressé. C'est assez certain. Le MDN dépense actuellement 20 million de dollars à Goose Bay, contre son gré.

M. Peck: Puis-je aborder la question des 20 millions de dollars tirés du budget du MDN? C'est un argument qu'on nous sert à qui mieux mieux. Le sénateur pourra me corriger si je me trompe mais, à mon avis, avant que les 20 millions n'aboutissent dans le budget du MDN, ils provenaient des autres ministères présents à Goose Bay, mais ces crédits ont été regroupés. Il serait intéressant de discuter du sort réservé à cet argent advenant la fermeture de Goose Bay. Le MDN se retrouverait-il soudainement avec 20 millions de dollars de plus dans ses goussets? Pourtant, je ne crois pas que cet argent lui appartienne. Il a tout simplement été affecté au poste des dépenses liées à cet engagement envers nos alliés, parce que c'était plus pratique.

Il faudrait aussi remettre en question l'utilisation de ce budget à l'avenir. Il existe peut-être des façons plus efficaces d'utiliser cet argent provenant d'autres ministères. C'est une question très sensible au MDN. Il ne cesse de prétendre qu'il perd 20 millions de dollars et qu'il a besoin de cet argent ailleurs. Selon moi, cet argent ne lui appartient pas du tout. Il est affecté à son budget pour des raisons pratiques.

Le sénateur Doody: J'ai essayé de soulever ce point ce matin. Je posais des questions sur une éventuelle utilisation de l'aéroport par le privé, et cetera, mais on en revenait toujours au MDN.

Le sénateur Banks: Est-il possible de demander au greffier ou à un attaché de recherche si le ministère des Transports a quelque engagement relatif à des dépenses ou à des postes budgétaires pour l'exploitation de l'aéroport de Goose Bay?

Le président: Bien sûr.

Le sénateur Rompkey: Je voudrais faire un commentaire sur la question soulevée par M. Peck. Nous devons analyser comment la somme de 20 millions de dollars a été calculée, quelle en est la provenance et qui a donné les autorisations à l'origine. Il faut remonter aux années 80. Un examen des décisions du Cabinet nous en apprendra peut-être plus à ce sujet.

Dans les faits, le ministère des Transports et le ministère des Travaux publics ont tous deux été présents à Goose Bay, mais aucun ne voulait prendre la responsabilité de la base. En fin de compte, le MDN a accepté d'en diriger l'exploitation et un budget a été débloqué à cet effet.

Pour répondre à la question sur l'intérêt et les engagements actuels de Transports Canada et de Travaux publics Canada à l'égard de Goose Bay, ils sont nuls. À ma connaissance, NAV CANADA est responsable de la tour, mais la base ne comporte pas d'autres installations exploitées par un ministère important.

Nous aurions tout intérêt à trouver comment la décision a été prise, d'où l'argent est venu et quelles ont été les conditions régissant l'affectation du budget à Goose Bay.

Le sénateur Stratton: Si j'ai bien compris, la base est devenue relativement stratégique depuis le 11 septembre, non? Ces événements n'ont-ils pas donné toute leur importance à la piste et à l'infrastructure?

M. Peck: Quand la base a été construite durant la Seconde Guerre mondiale, son emplacement a été choisi en raison de son caractère hautement stratégique par rapport à l'Europe. C'est encore le cas. C'est sans doute plus vrai encore depuis que le trafic civil augmente au-dessus de l'Extrême-Arctique. Le trafic est encore plus important dans les environs. Pourquoi ne pas en faire un emplacement de choix pour les opérations de recherche et de sauvetage à longue portée?

À de nombreuses reprises durant l'année, on ne voit rien d'autre dans le ciel de Goose Bay, si le courant jet est propice, que des aéronefs et des courants jets. On peut en voir 20 ou 30 en même temps. Nous sommes au centre des activités. Cet emplacement stratégique n'a pas été choisi au hasard.

Le sénateur Banks: Ma question s'adresse au sénateur Rompkey ou à quiconque peut y répondre: Est-il vrai que NAV CANADA est responsable de la tour de Goose Bay, y compris le trafic militaire?

Le sénateur Rompkey: Non

Le président: On nous a dit que l'exploitation de la tour incombait à Serco, pour le compte du ministère de la Défense nationale.

Le sénateur Banks: Les contrôleurs aériens sont-ils des militaires?

M. Woodward: Ce sont des civils. Le Canada compte trois tours civiles — une à Moose Jaw, une à Portage La Prairie et l'autre à Goose Bay. Serco dirige les trois.

M. Peck: Suivant la nouvelle DP — cette condition fait partie de la nouvelle DP —, les contrôleurs aériens seront déplacés à Montréal. Sur le plan de la technologie en place, nous sommes actuellement en retard. Cependant, le nouveau cycle de onze ans devrait nous permettre de reprendre les devants, comme il a déjà été mentionné.

Le président: Vous nous avez fait part de vos commentaires, à la fois dans votre présentation et dans les documents que vous nous avez soumis sur la DP, de même que de vos préoccupations et de vos suggestions.

Honorables sénateurs, ce fut une excellente journée. Nous avons entendu les versions du MDN, du syndicat, de la province et de la communauté. Je voudrais maintenant inviter notre prochain témoin, M. O'Brien, député.

Je vous souhaite la bienvenue. M. O'Brien est un parlementaire chevronné. Il a entendu une bonne partie des témoignages de la journée. Je suis convaincu qu'il pourra bonifier toute l'information déjà reçue. En outre, en sa qualité de représentant élu pour défendre les intérêts de cette partie du pays, il pourra nous tracer un portrait d'ensemble de la situation. Notre comité se réjouit de vous accueillir. Je ne vous apprendrai certainement pas que les parlementaires, dont les sénateurs font partie, deviennent passionnés et redoutables quand il s'agit de tirer l'information voulue de leurs interlocuteurs. Nous allons tout d'abord écouter votre prestation, avant de nous jeter dans la mêlée.

M. Lawrence O'Brien, député du Labrador: Honorables sénateurs, il y a dans cette pièce tout un éventail d'expériences et de connaissances de notre province. Je tiens à remercier tout particulièrement le sénateur Rompkey qui est à l'origine de tout ceci. Je veux également remercier sous les sénateurs qui ont montré de l'intérêt pour la question et qui nous ont écoutés aujourd'hui. J'aimerais aussi remercier les attachés de recherche qui vous aideront à rédiger le rapport et à faire avancer cette question.

J'ai aussi invité le Comité permanent de la Défense de la Chambre des communes à participer au débat sur cette question. D'après la conversation que j'ai eue avec son président, je m'attends à ce que ce comité se rende à Goose Bay cet automne afin d'y discuter des mêmes questions.

Le rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales sera un document des plus utiles, non seulement pour le gouvernement du Canada, mais aussi pour le Comité de la Chambre des communes, dans le cadre de ce processus.

Je remercie tous les autres témoins qui ont présenté un exposé aujourd'hui — du ministère de la Défense nationale, M.Frank Young; de l'Union des employés de la Défense nationale, M. Randy Ford; ainsi que des représentants de la province.

Je m'en voudrais de ne pas mentionner M. Peter Woodward, en particulier, parce qu'il possède un énorme bagage de connaissances. J'ai remarqué que vous avez redoublé d'attention lorsque vous avez constaté que M. Woodward était présent à la table parce qu'il connaît cette question de fond en comble. Il est probablement la personne la mieux placée pour en parler de toute la région du lac Melville.

Je tiens aussi à souligner la présence du président de la chambre de commerce, M. Dave Hunt, et tous les autres intervenants de la province, M. Goudie, M. Smith, et M. John McGrath, qui connaît Goose Bay depuis belle lurette, et l'ancien sous-ministre adjoint. M. John McGrath a été colonel honoraire à un certain moment de sa carrière, aussi je suis persuadé que l'on a pris bonne note de son réel intérêt pour le terrain d'aviation de Goose Bay.

M. Peck a présenté un formidable exposé. Je m'inspire de la ville. Je collabore étroitement avec la ville de HappyValley-Goose Bay et nous essayons de faire valoir nos perspectives dans ce dossier précis.

Je vais sauter quelques passages de mon mémoire puisque je sais que vous en avez une copie devant vous. Je vais vous épargner l'historique. L'histoire du terrain d'aviation a commencé en 1941. Je pourrais vous montrer sur un graphique les hauts et les bas de la base de Goose Bay. Je ne vais pas non plus aborder la question des vols à basse altitude, si ce n'est pour dire que la période actuelle a commencé autour de 1980, à l'époque où le sénateur Rompkey était le député de la région au Parlement.

Il ne fait aucun doute dans notre esprit que les activités militaires aériennes sont l'épine dorsale de la base et, à l'instar de M. Woodward et des autres, même si je suis un partisan du projet de Voisey's Bay — j'étais présent à la cérémonie de signature — ce projet aussi intéressant soit-il ne pourra jamais remplacer les activités militaires aériennes à Goose Bay. Nous avons besoin de ces activités. Elles sont la pierre angulaire de notre économie. Le projet minier de Voisey's Bay mettra du beurre dans les épinards des gens d'affaires de la région et stimulera l'économie locale.

Il est clair que l'on s'inquiète de la façon dont nous gérons et finançons la base et honorons nos engagements envers nos alliés de l'OTAN.

Je ne voudrais pour rien au monde avoir à revivre ce que j'ai vécu avec les différents modes de prestation des services. En effet, les différents modes de prestation m'ont fait vivre des moments difficiles, à la fois sur le plan personnel et politique. Je venais d'être élu député en 1996. J'ai dû faire campagne pour les élections de 1997. Durant 14 mois, nous n'avons fait que nous préparer au mandat suivant, pour une fois celui-ci obtenu, nous retrouver dans une telle déconfiture, en ce qui me concerne, avec le processus de diversification à Goose Bay. Pour ajouter à mes propres malheurs personnels, j'avais des problèmes de santé à la même époque, alors que je devais me débrouiller dans ce tourbillon d'activités politiques et économiques qui nous emportait allègrement àGoose Bay.

Mais nous sommes de bons soldats. Nous ne perdons par le nord, nous avons parfois une vision très focalisée, mais ça aide. Nous avons donc maintenu le cap. Nous avons endigué le flot. Nous nous sommes laissé s porter par la vague, et nous avons fait ce que nous avions à faire pour survivre à travers ce processus lié aux différents modes de prestation des services à Goose Bay. J'ai passé beaucoup de temps au téléphone et en personne, et je suis persuadé que le sénateur Rompkey et d'autres en ont fait autant, avec des ministres régionaux, le ministre de la Défense nationale, le premier ministre et les autres afin d'essayer de redresser les lacunes considérables du processus de diversification alors qu'il était déclenché sur une vaste échelle, une chose qui ne s'était jamais vue encore au Canada et qui ne s'est pas reproduite depuis lors. Et qui ne se reproduira sans doute jamais plus de la même manière. On a procédé à Portage la Prairie, et on a amorcé le processus avec l'approvisionnement. Le ministre nous a affirmé en maintes occasions — et je pense que M. Hunt était avec nous lors d'une de ces occasions — que nous devons corriger nos erreurs dans le cadre du processus de diversification, c'est-à-dire par rapport à la manière dont ce processus a été présenté à Goose Bay.

Nous nous engageons dans le deuxième mandat de ce gouvernement, et nous considérons désormais que le premier épisode de la diversification est derrière nous et nos regards sont tournés vers la «Deuxième génération». Nous étudions la deuxième demande de propositions en vue de trouver un nouvel exploitant. Nous avons beaucoup appris. Le Canada aussi a beaucoup appris. Je pense que le gouvernement du Canada et le ministère de la Défense nationale et aussi les exploitants de ce genre d'installations ont tiré des enseignements de cette expérience. Nous voulons maintenant puiser dans cette expérience et repartir du bon pied parce que nous avons corrigé beaucoup d'aspects négatifs.

L'ennui avec le processus de diversification tient au fait que l'on avait opté pour un processus descendant qui ne tenait pas compte des conditions locales, des besoins en matière de main d'oeuvre ou des intérêts généraux de la base. Ce processus a été mis en place suivant un modèle bureaucratique. Je n'ai rien contre les bureaucrates. J'en ai été un durant de nombreuses années. J'étais directeur, et maintes foisj'ai assumé la responsabilité de sous-ministre adjoint avec John McGrath, aussi j'ai été à même de les apprécier, et je peux vous dire qu'eux aussi parfois se font prendre à revers. Cela fait partie du processus qui vise à économiser de l'argent, à partir de notre déficit d'environ 40 millions de dollars qui a commencé en 1993 et à faire ce que le gouvernement a si bien réussi à faire, c'est-à-dire réduire le budget et nous constituer un excédent. Dans certains cas, les bureaucrates nous ont désagréablement surpris, et peut-être qu'ils se sont surpris eux-mêmes d'une certaine manière.

Et voilà comment nous sommes arrivés là où nous en sommes. Je me demande combien d'argent le gouvernement a réellement pu économiser au moyen de ce processus. J'accueille favorablement ce qu'a dit le sénateur Rompkey ou l'un d'entre vous auparavant sur ce qui nous a amenés à ce chiffre d'environ 20 millions de dollars par année. Comment en sommes-nous arrivés là? Je reconnais que ce chiffre nous a été servi et resservi à toutes les sauces. «Ne nous en demandez pas trop, après tout nous avons tout de même injecté plus ou moins 20 millions dans ce projet». Allons donc. Lorsque l'on considère les 75 millions investis par les étrangers et les 20 millions que nous mettons dans la cagnotte pour une installation en sol canadien et pour des hommes qui portent des uniformes canadiens, nous devons nous tenir debout et garder les yeux bien ouverts. Je suis content que l'on ait mentionné cela.

J'ai mentionné la demande de propositions, et je constate qu'il y en a une nouvelle. Nous avons eu une discussion musclée à ce sujet récemment. D'autres l'ont mentionné, et je vais aborder brièvement la question. Au début, dans la demande de propositions, on mentionnait une conservation de la main d'oeuvre de 70 p. 100 par comparaison avec 100 p. 100, et aujourd'hui il est question de 90 p. 100; nous avons donc fait des progrès substantiels pour ce qui est de cet aspect de la question.

L'ancien ministre de la Défense nationale, M. Eggleton, nous a bien entendus lorsque nous avons fait valoir nos arguments à la suite de la publication de l'avant-projet, et il semble qu'il en ait tenu compte dans la nouvelle demande de propositions. Je suis heureux de constater que le gouvernement de l'époque, et en particulier le ministre qui était en poste, ont vu clairet qu'ils ont rajusté le tir, parce que nous ne voulons pas vivre une autre grève.

J'ai vécu l'enfer durant 42 jours lors de la grève de 1999. J'ai vécu la même chose en 1998, et ce fut une véritable torture, et encore en 1999. L'été 1999 fut excessivement pénible. Les alliés étaient prêts à se retirer de Goose Bay, à mon avis, et je dois rendre justice à plusieurs ministres qui nous ont aidés à redresser la situation. Le sénateur Rompkey a joué un rôle dans cette affaire, tout comme le ministre régional, Fred Mifflin, qui comme certains d'entre vous le savez, a accumulé une solide expérience militaire à titre d'amiral dans la Marine. Bien entendu, le ministre Eggleton a contribué à remettre le train sur ses rails et à faire avancer les négociations, à régler les différends avec le syndicat et à calmer les alliés. Ce fut un véritable supplice. Nous espérons maintenant que la situation va se rétablir.

La nouvelle demande de propositions a intérêt à présenter un marché intéressant pour les alliés, mais à mon avis, et je crois que c'est important, elle ne nous servira pas à grand'chose si nous n'arrivons pas à mettre le protocole d'entente multilatéral ou les choses en perspectives en vue du remplacement de l'actuel protocole en 2006. Si nous n'arrivons pas trouver le moyen d'intéresser nos partenaires, si nous ne trouvons pas les bons arguments, il ne servira à rien de produire une nouvelle demande de propositions. En effet, il est important de pouvoir compter sur une bonne demande de propositions, mais ce n'est que la première étape du processus. En effet, le plus important dans la demande de propositions est de nous assurer d'utiliser le bon langage en termes d'approvisionnement. Je suis d'accord avec beaucoup de monde qu'il subsiste des lacunes dans la version actuelle. Régler les problèmes de ressources humaines dans la demande de propositions représente une étape importante.

Il est extrêmement important d'arriver à trouver un entrepreneur ou un fournisseur de services intéressé à promouvoir une expansion des activités de la base, et cela se reflète dans le nouveau langage utilisé dans cette demande de propositions. Ce langage était absent de la dernière demande de propositions, et c'est un changement d'orientation important pour l'avenir.

Le processus des différents modes de prestation des services, tel que nous le connaissons au Canada, honorables sénateurs, possède certaines qualités. NAV CANADA, avec sa privatisation, a vécu une série de processus de ce genre. Le processus de diversification a contribué à rationaliser la direction dans laquelle la société canadienne s'oriente. Ce processus a permis de réduire le coût des déficits importants que nous affichions. C'est l'un des principaux facteurs qui nous ont aidés à enregistrer un excédent. Je n'essaie pas de brosser un tableau où tout serait noir, mais je veux faire le bilan complet — et bien peser le pour et le contre du processus. Lorsque l'on travaille en traître, on risque d'obtenir des effets négatifs. Aussi, je pense que nous nous sommes efforcés, rétrospectivement, de remettre les pendules à l'heure.

En ce qui touche les problèmes de gestion, l'un des points que vous avez abordés, en tant que comité des Finances, était la rentabilité. C'est un aspect important qui figurera dans votre rapport, aussi il doit être replacé dans son contexte. Il faut que le comité replacent toute cette histoire dans son contexte — c'est-à-dire faire une recherche au sujet du montant de 20 millions qui a été avancé et déterminer dans quelle mesure il contribue à égaliser les chances pour tout le monde.

Nous devons nous assurer que nos alliés sont satisfaits. Si les Néerlandais quittent Goose Bay, ou s'ils décident de rester, il faudrait que ce soit pour des raisons qui leur appartiennent et non parce que nous aurons commis une erreur. S'ils regroupent leurs opérations en sol nord-américain, j'espère qu'en fin de compte, ce ne sera pas en réaction à des gestes négatifs que l'on aurait pu poser en tant que gouvernement. Nous devons tirer une leçon de tout ceci. Même s'il est vrai que les alliés ont chacun leur façon de faire les choses — plans de gestion et mécanismes de régulation — nous devons être à l'écoute et nous tenir prêts à fournir les bonnes formules et les bons calculs pour répondre à leurs besoins. Si nous ne commençons pas par là, nous sommes mal partis. J'ai souvent l'impression qu'il y a une rupture de communication entre le ministère de la Défense nationale et les alliés. Nous devons essayer d'établir une ligne de communication solide et efficace afin de nous retrouver tous sur la même longueur d'ondes. Il n'est pas nécessaire que nous soyons toujours d'accord, mais nous devrions au moins faire l'effort de nous comprendre les uns les autres. Parfois, j'ai le sentiment que cette communication est rompue.

Au Labrador et dans la région de Happy-Valley Goose Bay tous s'entendent pour dire que le Bureau de gestion de Goose Bay, qui se trouve à Ottawa, n'a pas fait beaucoup d'efforts ces derniers dix ans pour gérer la décroissance. On s'inquiète beaucoup pour cette question particulière. À titre personnel, je ne sais pas si les efforts ont été réels, inexistants ou s'ils ont travaillé contre nous.

J'ai parléà M. Bruno et à M. Young. Dans notre localité, la population en général est d'avis que le sort en est jeté. Nous serions ravis de voir une certaine forme de liaison, du moins sur la scène locale, et d'être tenus au courant de ce qui se passe dans le Bureau de gestion de Goose Bay. C'est une question primordiale pour nous ainsi que les répercussions sur les besoins dans notre localité.

Les changements qui ont été apportés récemment à tous les noms des rues de la base illustrent bien ce style de gestion descendante. Personnellement, je trouve tout cela parfaitement ridicule. L'exercice a été fait sans aucune consultation et il a été assez coûteux. Un commandant allemand réside aujourd'hui sur «Spitfire Alley». Ces changements étaient totalement inutiles. D'autres témoins vous ont donné des exemples du même genre. Je suis désolé d'avoir à dire cela, mais: les esprits mesquins s'occupent à de petites choses. C'est parfois l'impression que j'ai, parce que cette attitude empêche de poser les bons gestes au moment opportun et pour les bonnes raisons.

Les négociations avec la corporation de l'aéroport de Goose Bay font partie des responsabilités confiées au Bureau de gestion de Goose Bay. Je répète qu'il s'agit d'une sorte de cauchemar pour moi, en tant que député, d'essayer d'obtenir un bail foncier alors que le processus est au point mort. Cette situation nuit à l'aviation civile qui utilise le terrain d'aviation. Je m'en voudrais d'éclipser M. Hunt ou M. Woodward qui siègent tous deux au conseil de la corporation de l'aéroport de Goose Bay. Ils sont mieux au fait du dossier que moi. Cependant, laissez-moi vous dire qu'ils sont tout aussi insatisfaits que moi du déroulement des négociations visant à obtenir un accord concernant le bail foncier. Ces négociations devraient être abouties depuis longtemps. Il y a eu de trop nombreuses interruptions. On a lancé des signaux qui sont allés au mauvais destinataires. C'est un cauchemar dont nous n'avons pas besoin. Nous devrions en avoir terminé depuis longtemps avec cette histoire, mais nous sommes encore en plein dedans. C'est la raison pour laquelle nous pensons que le Bureau de gestion de Goose Bay ne défend pas nos intérêts. S'il a à coeur de défendre nos intérêts, alors c'est qu'on nous a oubliés dans le processus. Tous les témoins qui se sont présentés aujourd'hui vous le diront: loin des yeux, loin du coeur. Nous savons tous ce que cela veut dire.

Le BGGB ne possède pas de représentation significative à Goose Bay. Pour conclure sur ce point, le BGGB n'a pas réussi à entretenir de bons rapports suivis avec la ville, avec nos partenaires de l'OTAN ni avec la collectivité en général du Labrador, y compris avec les Autochtones. Cette situation témoigne d'un manque de confiance. Les gens ne savent pas ce que le BGGB et le MDN font pour Goose Bay, mais ils se demandent vraiment ce qu'ils sont en train de faire à Goose Bay.

En ce qui touche l'engagement du Canada à Goose Bay, on perçoit avec raison que nous ne faisons pas notre part. La démolition d'installations de la base donne l'impression que nous lançons des signaux négatifs en ce qui concerne notre confiance dans la base et dans son programme d'activités aériennes.

J'ai entendu le sénateur Stratton mentionner cet aspect. Si M. Woodward exploitait une entreprise de cette manière, je suis sûr qu'on l'expulserait du conseil d'administration. S'il dépense des millions de dollars pour remplacer les fenêtres, et ainsi de suite et qu'une année plus tard il décide de tout démolir, tout cela ne rime à rien. Nous étions heureux de voir le MDN construire l'infrastructure, puis le nouveau commandant est arrivé et il a tout repris. Ensuite, la subvention tenant lieu d'impôt s'est évanouie elle aussi. Il semble que l'on nous frappe de toutes parts.

Il y aura de nombreuses répercussions pour la ville, seulement avec la question de l'enfouissement des déchets et du site de déversement. On s'attend à ce que les contribuables de notre ville assument les frais de la démolition des ces énormes bâtiments et de l'enfouissement des déchets. Peut-être avez-vous l'impression qu'il s'agit d'un petit commentaire en passant, mais au contraire c'est un point très important à se rappeler.

Les pilotes de CF-18 stationnés à Bagotville s'entraînent avec les alliés à Goose Bay. Les gens que je représente, mes électeurs, trouvent cette situation regrettable. Il est tout à fait naturel pour le gouvernement du Canada de mettre sur pied un programme d'activités aériennes pour un certain nombre de semaines durant l'été qui possède toute l'infrastructure de Goose Bay, et les deux escadrons sont à Bagotville. Ils volent à distance rapprochée de notre ville parce qu'ils font des montées au-dessus des lacs et sur presque tout le territoire du Labrador, mais ils ne sont pas stationnés à Goose Bay. Il y a quelque chose d'essentiellement tordu qui se passe au ministère de la Défense pour que ce genre de choses puisse se produire. Je pense qu'à un certain moment, les alliés ont été accusés à tort d'avoir volé autour de Goose Bay, alors qu'il s'agissait de Canadiens. À mon avis, cela va à l'encontre de la logique.

Les militaires et les représentants des services diplomatiques des pays de l'OTAN qui sont à Goose Bay me demandent sans arrêt ainsi qu'à d'autres personnes: «Que fait le Canada?» J'ai entendu bien des commandants dire qu'ils aimeraient nous voir faire notre entraînement ici, pour montrer que nous avons confiance dans notre installation, et ainsi de suite. Ils me demandent: «Pourquoi ne vous entraînez-vous pas avec nous au Labrador?» On nous pose sans arrêt ce genre de questions. Nous ne pouvons que hausser les épaule. Nous ne savons que répondre. Je suis tout aussi déçu que n'importe qui. Je dis ce que j'ai à dire aux interlocuteurs concernés. Toutefois, à en juger par le genre de réponses que l'on nous sert à tous collectivement, ce n'est pas exactement ce que nous souhaiterions, mais il ne faut pas baisser les bras.

Les stratégies de marketing du MDN au bénéfice de Goose Bay semblent toujours bien timides par comparaison avec celles qui sont mises de l'avant pour faire la promotion des programmes dispensés à Cold Lake. Ils donnent tout ce qu'ils ont. Le chef d'état-major de la Force aérienne et tous ses adjoints ont Cold Lake dans leur radar — et c'est tout un radar, ce qui se fait de mieux en matière de technologie. Je n'ai rien contre Cold Lake, je l'appuie ainsi que toutes les activités canadiennes qui s'y déroulent.

Le gouvernement du Canada doit montrer qu'il est équitable envers toutes les régions du pays. À une certaine époque, c'est ainsi que l'on faisait les choses, mais on dirait que l'on est en train de s'écarter de cette ligne de conduite. Du point de vue du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, et de mon point de vue en tant que député de la province, et particulièrement du Labrador, le pourcentage des dépenses du gouvernement dans notre province dans le domaine militaire est très faible par comparaison avec les dépenses qui sont faites dans d'autres régions du pays.

Il y a un sentiment de stagnation. Pouvons-nous trouver d'autres alliés? Je ne reprendrai pas les commentaires de M. Woodward, parce qu'il comprend le problème de la formation des Français et des autres bien mieux que moi. Toutefois, nous devons donner une chance à la base de prendre de l'expansion. Nous devons trouver des moyens de la rendre compétitive. Nous devons pouvoir le faire sans trop résister au changement. Il faut aussi penser à apporter certaines modifications. Nous devons pouvoir nous adapter aux divers styles d'activités aériennes et nous montrer plus souples que nous le sommes actuellement pour répondre aux besoins de nos éventuels usagers à Goose Bay. Nous pourrions par exemple rallonger la journée ou la saison d'entraînement ou encore faire la promotion d'autres activités militaires comme les exercices par temps froid. Nous envisageons des projets de ce genre, mais certainement pas assez. Nous devons miser sur une plus grande expansion des activités de la base.

La promotion de Goose Bay est insuffisante. Je reviens à ce qui à mon avis est l'une des faiblesses du Bureau de gestion de Goose Bay, et tout particulièrement si on le compare aux autres installations des FC et de l'OTAN ailleurs dans le monde. Voilà une question d'une importance primordiale pour nous.

Le président: Monsieur O'Brien, je vais vous arrêter ici. La liste des sénateurs qui désirent intervenir ne cesse de s'allonger. Vous aurez sans doute l'occasion de parler des aspects que vous n'avez pas encore abordés lors de la période de questions.

Le sénateur Cook: Vous venez de dire que l'on ne fait pas suffisamment la promotion de Goose Bay, surtout par comparaison avec d'autres installations des FC et de l'OTAN. Avez-vous des exemples à nous donner?

M. O'Brien: Non, je n'ai pas beaucoup d'exemples. Toutefois, nous savons que les Néerlandais caressent l'idée de se rendre dans une base aux États-Unis où ils pourraient envisager de regrouper toutes leurs opérations en sol nord- américain.

De nombreux autres points intéressants sont envisagés et l'on s'efforce d'en établir les coûts d'une manière différente. À la base de Goose Bay, les coûts sont établis de façon uniforme. Que vous fassiez une sortie ou non, dans une certaine mesure, il y a toujours des frais. Ce mode de financement crée des divergences. C'est la formule à laquelle on est arrivés dans le protocole d'entente. Certaines bases nord-américaines, comme celle que les Néerlandais étudient aux États-Unis, se sont dotées d'une grille de facturation plus spécifique. Cette grille repose sur le type d'activité aérienne et sur le nombre de sorties. Nous fonctionnons un peu de cette manière à Goose Bay, mais les coûts sont établis différemment. Nos coûts sont chiffrés de façon plus générale que spécifique.

Le sénateur Cook: Si l'argent que nous confions au BGGB pour faire la promotion de la base n'est pas utilisé efficacement, nous devons examiner d'autres possibilités de le dépenser et améliorer notre façon de faire. Avez-vous passé des nuits blanches à essayé de trouver de nouvelles options? Avez-vous des suggestions de choses que nous pourrions faire afin de mieux dépenser cet argent?

Vous dites «nous». Que voulez-vous dire par ce «nous»? Parlez-vous du MDN ou de la ville?

M. O'Brien: La promotion de Goose Bay n'est pas faite correctement, et surtout si on compare à ce qui est fait pour d'autres installations des FC comme Cold Lake. Il y en a quelques autres aussi dans l'ouest du Canada, Portage la Prairie, Moose Jaw,et ainsi de suite.

Si l'argent que nous dépensons par l'entremise du BGGB n'est pas utilisé à bon escient, nous devons explorer d'autres manières de procéder. Les coûts de fonctionnement du BGGB se chiffrent par millions. Le Bureau de gestion de Goose Bay affirme qu'il consacre tout son temps au dossier de Goose Bay. Je suis porté à le croire.

Il est certain qu'à Goose Bay nous n'obtenons pas le rendement espéré en fonction de l'argent que nous y injectons, et ce rendement devrait se traduire par une promotion efficace, des contrats en bonne et due forme, et d'autres choses qui viendraient justifier les sommes investies par rapport au résultat obtenu. Cette réflexion est dans la même veine que celle que j'ai faite un peu plus tôt: peu importe que le BGGB fasse ce qu'il dit qu'il fait ou non, il reste qu'à l'échelle locale, notre perception est négative.

S'ils font réellement ce qu'ils affirment, je pense qu'ils devraient réviser leur mode de transmission de l'information et nous faire participer davantage.

Le sénateur Cook: Monsieur le président, je n'ai pas beaucoup d'expérience sur cette question hormis celle que j'ai acquise aujourd'hui. Mais serait-il possible d'élargir la compositin du Bureau de gestion de Goose Bay de manière à inclure d'autres intervenants, les personnes qui sont précisément concernées par l'avenir et la viabilité de Goose Bay? Serait-il possible d'envisager de les inclure de sorte que le groupe de gestion soit élargi, ce qui permettrait la mise en commun des ressources, de même que des capacités sur le plan du marketing et l'expertise nécessaires pour faire ce que vous auriez fait vous-même à cet égard?

M. O'Brien: Je vais vous donner un exemple de ce que j'avance. Je suis venu ici le 28 novembre avec l'exécutif syndical au grand complet, et nous avons rencontré le ministre pour lui remettre un rapport détaillé. Nous sommes revenus en mars avec le président de la chambre de commerce, et le maire de la ville en tête, le maire Hickey. Nous avons déroulé la longue liste de nos doléances encore une fois.

Je n'ai jamais reçu l'assurance que l'on avait donné suite à quoi que ce soit. Puis, la nouvelle demande de propositions est sortie et nous n'approuvions pas son contenu. Au nom de mes électeurs, j'ai de nouveau rencontré le ministre et j'ai obtenu quelques-uns des changements que vous pouvez voir ici.

Je pense que si le BGGB était plus attentif à ses affaires, il comprendrait ce que nous essayons de lui dire. Il pousserait un peu les choses. Il donnerait suite et nous répondrait, tout en montrant le genre de projets qu'il poursuit ailleurs dans le monde et toutes les rebuffades qu'il essuie dans ses démarches. Mais nous sommes loin du compte. Et cela nous laisse un goût amer. Voilà le fond du problème.

Le sénateur Cook: D'après ce que j'ai entendu ici aujourd'hui, il me semble qu'il y a des lacunes et que l'on manque un peu de jugement. Sinon, vous pourriez vous asseoir à la même table que les responsables du BGGB et discuter de quelques options envisageables.

Le sénateur Forrestall: Il y a bien des manières de forcer la main des Américains. On pourrait envisager sérieusement la compensation accordée dans le cadre du programme d'acquisition des Sea King qui est appelé — si jamais il voit le jour — à devenir un effort américain. Pourquoi, dans le cadre de la compensation, ne dirions-nous pas: «Nous ne voulons pas de votre compensation de l'ordre du milliard de dollars, mais nous aimerions que vous envisagiez plutôt un programme d'entraînement aérien à Goose Bay?» Nous devons trouver le moyen de les convaincre. Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas nous aider, c'est tout simplement qu'ils ne pensent pas à nous. Mais, il y a une carotte. Je lance cette idée comme une suggestion intéressante.

M. O'Brien: Tout à fait.

Le sénateur Forrestall: C'est une suggestion à considérer. Vous avez un nouveau ministre. Vous devriez lui dire de déménager ce bureau à Happy Valley. Après tout, ce sont des gens qui travaillent pour vous. Vous en assumez la responsabilité. Il est vrai que l'on a tendance à oublier ceux que l'on ne voit pas. Ils ne sont pas vraiment présents parce qu'ils sont cachés dans cet immeuble. Vous n'en entendez pas parler non plus, vous ne les voyez pas, vous n'allez jamais prendre une tasse de café avec eux le matin. Les idées vous viennent, mais comme vous n'avez pas l'occasion de les exprimer, vous les mettez de côté et vous finissez par les oublier.

M. O'Brien: Voici un point important. La pêche et la base de la Défense à Goose Bay sont deux questions qui me tiennent vraiment à cœur. Par exemple, si nous voulions vendre davantage de crevettes, qui est une question toujours à l'ordre du jour chez nous, nous commencerions par la commercialiser.

Le sénateur Forrestall: Elles sont de plus en plus petites.

M. O'Brien: Oui, c'est vrai qu'elles sont de plus en plus petites. Je pourrais vous en parler longuement, mais je garde ça pour une autre occasion. Nous venons d'amorcer une énorme campagne de marketing aux Etats-Unis pour la crevette nordique. La même situation s'applique dans ce cas.

M. Woodward connaît parfaitement la question. J'ai eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises avec lui. Nous pourrions essayer toute la journée de trouver pourquoi les Américains ne montrent aucun intérêt. Vous avez fait valoir un excellent argument. Il est question du manque de «confiance», si je peux m'exprimer ainsi. Il semble que nous ne réussissions pas à nous vendre convenablement.

Ce sont les Américains qui ont construit la base et qui y ont investi un milliard de dollars dans l'infrastructure. Avec le récent problème en Afghanistan, les Américains ne s'arrêtent plus pour de courtes périodes ou pour refaire le plein, ils le font au large. Je ne pense que nous soyons en train de mener une très bonne campagne promotionnelle en essayant d'élargir la base. Les Américains ont leur mot à dire à ce sujet.

Le sénateur Cook: Que faudrait-il faire pour que le bureau de gestion de Goose Bay que je croyais naïvement à Goose Bay, déménage d'Ottawa à Goose Bay même? Il me semble que cela pourrait être le premier pas dans la bonne direction en vue d'établir un dialogue face à face. Que faudrait-il faire, monsieur O'Brien?

M. O'Brien: Tout dépend de la volonté du ministre, et nous n'en sommes pas encore là. Le nouveau ministre a accepté de venir au Labrador. Nous nous activons dans ce dossier actuellement. Soyez sûrs qu'on lui fera part de tout ce qu'il doit savoir, y compris du présent rapport. Étant donné que le dossier ne cesse de s'étoffer, il est à espérer que le ministre fera diligence.

Le sénateur Rompkey: Je tiens à remercier M. O'Brien de nous avoir présenté un exposé équilibré. Il a extrêmement bien couvert les points qui l'intéressaient et apporté des précisions à que les autres avaient fait valoir. C'est très utile. En fin de compte, nous disposerons d'un dossier et même d'une analyse inédite. Je pense que M. O'Brien serait d'accord avec moi pour remercier les sénateurs qui ont passé la journée ici, parce qu'il s'agit d'une question d'intérêt local, même si elle a des répercussions à l'échelle nationale. Ce territoire nous appartient. On ne voit pas tous les jours des personnes consacrer autant de leur temps personnel pour s'intéresser aux problèmes d'autrui.

En ce qui concerne la remarque du sénateur Forrestall au sujet de la carotte et du bâton, il y a un lien à établir avec les Britanniques et Goose Bay parce que dans le cadre du contrat des sous-marins, une partie du marché comportait une considération financière liée à l'entraînement à Goose Bay. J'ignore quelle est l'incidence sur les 20 millions, mais nous devrions essayer de la trouver.

Le sénateur Banks: Ils vont venir et ils vont trouver une fuite à Goose Bay.

Le sénateur Rompkey: En ce qui touche le déménagement du Bureau de gestion de Goose Bay Office à Goose Bay même, je sais que l'on a déjà essayé. Je sais que M. O'Brien a essayé vaillamment d'obtenir sa relocalisation. Ce déménagement devrait être fait. Voici une question sur laquelle nous devrions garder un oeil, parce que c'est une excellente idée, et que l'on devrait la mettre en pratique.

Le président: Merci, monsieur O'Brien. Vous vous intéressez de très près à cette question depuis quelques années, maintenant. Nous apprécions votre perspective directe de la situation.

M. O'Brien: Merci beaucoup.

Le président: Honorables sénateurs, je désire réunir le comité à huis clos afin de discuter du processus durant quelques minutes. Aussi, je n'aurai besoin que du greffier et de notre attaché de recherche, ainsi que de la traduction simultanée.

Le comité poursuit sa réunion à huis clos.


Haut de page